Commandement ou contrôle? Réflexion sur l’emploi de la puissance aérienne dans les opérations interarmées

Premier article d’une série consacrée au commandement et au contrôle et l’Aviation royale canadienne[1]

Par le major Pux Barnes, CD, M.A.

Au cours de leur existence, les forces aériennes du Canada, qui ont maintenant près de 100 ans, sont devenues l’Aviation royale canadienne (ARC) moderne, hautement compétente et aguerrie que nous connaissons aujourd’hui. Les membres actuels de l’ARC ont toutes les raisons d’être fiers de l’héritage légué par les aviateurs des générations précédentes. Après des décennies de participation à tous les types d’opérations — des missions de paix des Nations Unies aux conflits dans le golfe Persique, les Balkans, l’Afghanistan et la Libye —, nous avons développé dans l’ARC un mode de fonctionnement efficace qui se caractérise par nos tactiques, nos techniques et nos procédures, largement connues sous le nom de TTP. Le personnel navigant et les équipes au sol savent qu’il importe de « suivre la liste de vérification » [traduction], de respecter les instructions permanentes d’opération et d’employer des tactiques éprouvées.

Si les leçons tactiques se sont transmises, on ne peut pas en dire autant de l’art du commandement et du contrôle (C2) au niveau opérationnel. L’ARC, qui a déjà possédé la capacité de planifier, de coordonner et de commander de façon précise et efficace au niveau opérationnel (ou dans le théâtre), a vu la compréhension générale des principes de commandement et de contrôle s’effriter radicalement dans ses rangs après la guerre froide. Les récentes opérations interarmées et multinationales ont poussé l’ARC à ressusciter sa conception du C2 au niveau opérationnel.

Toutefois, il faudra un certain temps pour mettre en pratique cette connaissance. Plusieurs initiatives d’éducation fructueuses consacrées au C2 au niveau opérationnel suscitent un intérêt accru. Mentionnons notamment le programme de perfectionnement des officiers de la Force aérienne (POFA) et le séminaire de l’élément de coordination de la composante aérienne (ECCAS). Un message clé qui s’adresse aux planificateurs, aux officiers d’état-major et aux commandants de tous les échelons des opérations aériennes est au cœur de ce processus d’éducation : il faut comprendre ce qui différencie le commandement du contrôle et à quel point chacun d’eux doit être délégué. Le fait de bien saisir ces principes avant d’entreprendre toute action s’avère rapidement rentable… même en 400 avant notre ère, le général et stratège chinois Sun Tzu le savait : « [A]insi une armée victorieuse l’est avant de chercher le combat; une armée vouée à la défaite se bat sans l’espoir de vaincre »[2].

Pendant la guerre froide, l’ARC a participé à l’élaboration de la doctrine de C2 adoptée par nos alliés de l’Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) et du Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord. Un quartier général de niveau opérationnel, connu sous le nom de « groupe », veillait à ce que les états-majors s’occupent des questions de théâtre pour différentes communautés de l’aviation, à l’échelle du pays. Pendant plusieurs générations, les commandants, appuyés d’officiers supérieurs d’état-major, ont assuré la continuité opérationnelle des escadrons et des unités qui composaient le Groupe transport aérien, le Groupe de chasse, le Groupe aérien maritime, le 10e Groupement aérien tactique et le 14e Groupe d'instruction. Un cadre bien établi permettait de déterminer quel officier commandait telle force et lequel assignait les missions de vol. La place de chacun dans le plan global était assez bien comprise.

Après la guerre froide, l’ARC ayant cessé de développer la doctrine de C2, elle a commencé à se laisser distancer par d’autres forces aériennes de l’Occident, qui comprenaient mieux qu’elle comment employer efficacement la puissance aérienne au niveau opérationnel. Cette situation a changé à la suite de la publication du document révisé B-GA-400-000/FP-000, Doctrine aérospatiale des Forces canadiennes, par le Centre de guerre aérospatiale des Forces canadiennes, en 2009. Avec le document connexe B-GA-401-000/FP-001, Doctrine aérospatiale des Forces canadiennes – Commandement[3], publié en mars 2012, l’ARC établissait, pour la première fois depuis des décennies, une doctrine de C2 au niveau opérationnel applicable à l’ensemble de ses opérations.

Pour être utile à l’ARC, le B-GA-401 devait atteindre plusieurs objectifs en même temps. Il devait servir à définir la structure et les diverses missions courantes de la force aérienne du point de vue de ceux qui participent aux opérations. Manifestement un manuel de C2 de l’emploi de la force (EF), le B-GA-401 devait aussi faciliter le processus de réflexion de toutes les personnes que concerne l’emploi de la puissance aérienne. En outre, la doctrine devait concorder avec la doctrine interarmées de niveau opérationnel des Forces armées canadiennes (FAC)[4] et avec celle de nos alliés[5]. Pour parvenir à cette communauté d’esprit, il fallait commencer par définir le commandement, le contrôle et le C2.

Le B-GA-401 a d’abord et avant tout permis de mieux comprendre la signification réelle de commandement et de contrôle. Expression du jargon militaire qui a évolué au cours de la guerre froide, « C2 » est souvent utilisé, mais pas entièrement compris[6]. Combien de fois avez-vous dit « C2 » sans vraiment décomposer l’expression pour y réfléchir? Pouvoir mesurer à quel point le « commandement » et le « contrôle » diffèrent, tout en sachant qu’ils doivent être inextricablement liés, est essentiel à la compréhension de la plupart des concepts fondamentaux de l’emploi de la puissance aérienne. Dans le but d’améliorer son fonctionnement avec les forces terrestres et maritimes dans les opérations interarmées, l’ARC doit premièrement comprendre et mettre en pratique les concepts de commandement, de contrôle et de C2.

Commandement. Le concept de « commandement », qui remonte à la nuit des temps, est généralement bien compris. Le commandement est l’« [a]utorité conférée à un militaire pour diriger, coordonner et contrôler des forces militaires »[7]. De plus, cette autorité peut être déléguée en tout ou en partie à des commandants subordonnés dans la chaîne de commandement. Par exemple, un commandant d’escadre (cmdt Ere) délègue son autorité de commandement à un commandant (cmdt) d’unité ou d’escadron affecté à cette escadre. Dans sa forme la plus élémentaire, toute autorité de commandement exercée par un militaire dans une unité ou un escadron est déléguée par le cmdt de cette unité ou de cet escadron.

Contrôle. Comment les titulaires de l’autorité de commandement l’exercent-ils réellement dans les opérations supposant l’emploi de la force? La réponse se trouve dans le concept de « contrôle ». Le contrôle est l’« [a]utorité, impliquant la responsabilité de l’exécution des ordres et directives, exercée par un commandant sur une partie des activités d’organisations subordonnées ou d’autres organisations qui ne sont pas normalement sous son commandement. Note : Ce contrôle peut être transféré ou délégué en tout ou en partie »[8]. En bref, le contrôle fournit le moyen d’exercer efficacement le commandement. Pendant les opérations aériennes, le contrôle correspond généralement au pouvoir d’assigner des missions au moyen d’un ordre d’attribution de mission aérienne (ATO), un document qui vise à organiser et à coordonner l’effort collectif d’une campagne aérienne potentiellement complexe. Un ATO permet à un seul commandant d’attribuer efficacement les tâches à un grand nombre d’unités ou d’escadrons, généralement répartis à l’intérieur et à l’extérieur du théâtre d’opérations.

Commandement et contrôle. Le C2 est l’« [e]xercice de l’autorité d’un commandant sur les forces assignées, allouées ou détachées pour la conduite d’une mission, et la direction de ces forces »[9]. En pratique, le C2 est un processus qui repose sur une combinaison de personnel, d’équipement, de moyens de communication, d’installations et de procédures. Les commandants utilisent le C2 lorsqu’ils dirigent, coordonnent, surveillent, évaluent et planifient les opérations en vue de mener à bien la mission. Le concept de C2 est résumé à la figure 1[10]. Pendant les opérations aériennes complexes, il peut être beaucoup plus difficile d’exercer efficacement le contrôle que le commandement. À cause de cette réalité, les forces aériennes doivent avoir une conception très précise du C2, connue comme étant le principe fondamental de la puissance aérienne, à savoir le contrôle centralisé et une exécution décentralisée.

Figure 1. Commandement et contrôle

Les forces aériennes doivent être organisées suivant des principes solides de C2 afin d’atteindre l’efficacité opérationnelle dans toute la gamme des conflits. Le contrôle centralisé est nécessaire pour garantir une utilisation aussi efficace que possible des ressources aériennes restreintes, qui permet de recadrer rapidement les activités nécessaires à la puissance aérienne afin d’exploiter les occasions uniques, de répondre aux exigences en constante évolution de la situation opérationnelle et de concentrer les efforts à l’endroit et au moment critiques pour obtenir des résultats décisifs. L’exécution décentralisée des opérations fondées sur la puissance aérienne permet l’exécution simultanée d’activités et de missions confiées à des commandants subordonnés qui se trouvent à différents endroits dans le théâtre. Ce concept, appliqué dans tous les conflits importants depuis la guerre du Vietnam, a été codifié pour la première fois pendant la guerre du Golfe en 1991, et il ne cesse d’évoluer, d’être modifié et de s’améliorer.

Le contrôle centralisé assure la cohérence, l’encadrement et l’organisation de la puissance aérienne. Ce contrôle relève d’un seul commandant, désigné sous le nom de commandant de la composante aérienne (CCA) qui, ayant une perspective globale du théâtre, a le pouvoir d’attribuer les missions aux forces aériennes afin de réaliser au mieux les objectifs. Le CCA est responsable du contrôle (notamment de la planification, de la direction, de la priorisation, de l’affectation, de la synchronisation, de l’intégration et de l’harmonisation) de toutes les forces aériennes assignées ou temporairement mises à disposition. Soulignons que le CCA n’a généralement pas besoin de commander les forces assignées ou mises à disposition, puisque c’est le contrôle qui permet l’attribution des missions fondées sur la puissance aérienne[11].

L’exécution décentralisée est la délégation de pouvoirs à des commandants subordonnés en vue de l’exécution des missions, sous réserve de l’intention du commandant, des règles d’engagement et des autres paramètres établis par le commandement supérieur. L’exécution décentralisée favorise l’initiative et l’adaptabilité, et permet aux commandants subordonnés de faire appel à leur expertise et à leur compréhension des conditions locales afin d’accomplir la mission, en respectant les lignes directrices et l’intention globale du commandant. En règle générale, plus on décentralise le commandement dans une opération aérienne, plus on est susceptible d’arriver à gérer les multiples tâches, détails et variables dont il faut tenir compte, peu importe les frictions. Les commandants de tous les échelons doivent prendre les mesures nécessaires pour exécuter les missions qui leur sont confiées et faire circuler les ordres fragmentaires (« fly the frag »[12]).

Recherche d’un équilibre. Un CCA doit prendre en considération les caractéristiques de la puissance aérienne lorsqu’il décide du degré de centralisation ou de décentralisation du contrôle et du degré de centralisation ou de décentralisation de l’exécution. Certains facteurs influent grandement sur cette décision et d’autres pourraient justifier soit une plus grande centralisation, soit une plus grande décentralisation du contrôle. Parmi les facteurs qui motivent la centralisation du contrôle, mentionnons l’unité de commandement, la concentration de la force et l’économie d’efforts. Par exemple, une opération qui suppose un ciblage complexe de l’ennemi à proximité de forces amies pourrait donner lieu à un contrôle fortement centralisé afin de permettre au CCA de mieux gérer une situation dynamique et changeante.

Par contre, un contrôle fortement décentralisé pourrait convenir dans certaines opérations. Les facteurs qui militent en faveur d’une telle décentralisation sont notamment la liberté d’action, la souplesse et le commandement de mission[13]. Une entité de C2 déployée pourrait être la mieux placée pour contrôler des opérations relativement simples, telles que les missions de mobilité aérienne qui supposent le déploiement de quelques aéronefs et équipages seulement. Bien que le CCA puisse assurer le contrôle global de telles opérations, des facteurs comme la distance, les fuseaux horaires et des communications restreintes pourraient limiter suffisamment la connaissance qu’a le CCA de la situation pour justifier la délégation du contrôle.

Les commandants doivent analyser la situation, puis centraliser ou décentraliser leurs mesures de contrôle en fonction des circonstances. Il faut se rappeler qu’en règle générale, les principes de guerre, les principes de commandement et les caractéristiques de la puissance aérienne renforcent le principe fondamental du contrôle centralisé et de l’exécution décentralisée. La figure 2 résume les facteurs à prendre en considération dans la centralisation du contrôle.

Figure 2. Spectre du contrôle dans les opérations aériennes

À partir du moment où les commandants de tous les échelons saisissent les concepts de commandement, de contrôle, de C2, de contrôle centralisé et d’exécution décentralisée, il est possible de décider quelle organisation de C2 est appropriée pour une opération donnée. D’abord et avant tout, les commandants doivent se rendre compte que le commandement et le contrôle sont séparés et exercés par des officiers distincts ayant des responsabilités et des objectifs passablement différents. C’est rarement la meilleure décision de confier tout simplement un double rôle aux officiers les plus hauts gradés dans une opération, comme le veut la pratique traditionnelle, et de leur conférer à la fois l’autorité de commandement et de contrôle. Le commandant se retrouve ainsi surchargé alors qu’il doit composer simultanément avec les questions de commandement et un contrôle d’une trop grande étendue pour être géré efficacement.

Les commandants doivent continuellement penser au commandement et au contrôle non comme des éléments indissociables, mais plutôt comme des concepts distincts, étroitement liés. Pour assurer l’efficacité des opérations fondées sur la puissance aérienne, les commandants qui exercent le contrôle des forces assignées doivent être de plus en plus spécialisés. La plupart du temps, les commandants sont appelés à séparer l’autorité de commandement de l’autorité de contrôle et à les déléguer à différents officiers. En un sens, les commandants des opérations fondées sur la puissance aérienne doivent envisager davantage le C2 comme « le commandement ou le contrôle ». Réfléchissez à ce qui suit en faisant le lien avec les opérations fondées sur la puissance aérienne.

Commandement. Puisque tous les éléments des FAC seront commandés par des officiers canadiens à tous les échelons, la question de la délégation du commandement est en fait assez simple. Le chef d’état-major de la défense (CEMD), qui possède l’autorité de commandement intégrale[14], délègue l’autorité de commandement, par l’entremise de différents commandants, en descendant la chaîne de commandement, jusqu’aux officiers au niveau tactique qui exécutent les opérations aériennes. Dans une opération type, le CEMD délègue l’autorité du commandement opérationnel (OPCOM) à un commandant responsable de l’EF, soit le commandant du Commandement des opérations interarmées du Canada (cmdt COIC), soit le commandant du Commandement – Forces d'opérations spéciales du Canada (cmdt COMFOSCAN).

Pour les opérations nationales et les opérations de mobilité aérienne dans le monde ou les opérations de renseignement, de surveillance et de reconnaissance (RSR), le cmdt COIC délègue habituellement l’autorité de l’OPCOM au commandant de la composante aérienne de la force interarmées permanente, située au centre multinational d’opérations aériennes (CAOC) qui se trouve à Winnipeg[15]. Généralement, le commandant de la composante aérienne de la force interarmées (CCAFI) déléguera ensuite l’autorité du commandement tactique (TACOM) à des commandants tels que le cmdt Ere ou le commandant de détachement (cmdt dét) qui exécutent les opérations aériennes. Cette chaîne de commandement est illustrée à la figure 3.

Figure 3. Chaîne de commandement des opérations nationales, dont les opérations de mobilité aérienne dans le monde et les opérations de RSR.
Figure 4. Chaîne de commandement des opérations expéditionnaires

Pendant les opérations expéditionnaires, les commandants responsables de l’EF délèguent généralement l’autorité de l’OPCOM au commandant désigné de la force opérationnelle interarmées (cmdt FOI), qui délègue à son tour l’autorité de l’OPCOM du groupement tactique aérien déployé au commandant du groupement tactique aérien (cmdt GTA). Le cmdt GTA délègue l’autorité du TACOM au commandant d’escadre expéditionnaire aérienne (cmdt EEA)[16]. Au bas de la chaîne de commandement, encore plus près « des combats », se trouve le cmdt dét, qui exerce le commandement au niveau tactique. Cette chaîne de commandement est illustrée à la figure 4.

Contrôle. Lorsque la question de la délégation du commandement est réglée, une autre beaucoup plus difficile retient l’attention des commandants des opérations aériennes : « Qui est le mieux placé pour exercer le contrôle? » Il n’est pas nécessaire que la réponse soit compliquée. Les commandants doivent déterminer, à l’avance, quels éléments du système de contrôle aérien tactique (SCAT) seront requis pour assurer pendant l’opération, de manière efficace et continue, la planification, la coordination, l’attribution et la modification des tâches nécessaires à la puissance aérienne. Le contrôle de la puissance aérienne a énormément évolué depuis la Seconde Guerre mondiale, alors que les commandants se contentaient de regarder les bombardiers partir en mission et de les compter à leur retour, six heures plus tard. Pour que la puissance aérienne soit utile au commandant de force interarmées moderne, elle doit être agile et souple et pouvoir être rapidement redirigée là où on en a besoin, peu importe ce à quoi les aéronefs sont employés à ce moment. Y parvenir relève davantage du contrôle que du commandement. Le succès de la centralisation du contrôle de la puissance aérienne repose sur les spécialistes du contrôle qui font partie du SCAT.

Système de contrôle aérien tactique[17]. Les opérations aériennes de l’ARC sont contrôlées au moyen d’un système global de contrôle aérien tactique qui est axé sur le CCAFI, lequel emploie le CAOC pour diriger, coordonner et contrôler les opérations fondées sur la puissance aérienne dans l’ensemble d’un théâtre. En principe, tout CCA (y compris les variantes comme le CCAFM, le CCAFI et le CCAFM/I)[18] exerce (au moins) le contrôle opérationnel (OPCON) des ressources assignées à la puissance aérienne ou mises à sa disposition au nom du cmdt FOI. En clair, le CCA commande un état-major et un centre d’opérations aériennes (COA) qui, ensemble, composent le quartier général de la composante aérienne (QGCA), mais il contrôle les ressources assignées à la puissance aérienne ou mises à sa disposition. Lorsque le CCAFI à Winnipeg (ou le commandant d’une composante aérienne déployée pour une mission donnée) a besoin d’une présence avancée de niveau opérationnel, il emploie un élément de coordination de composante aérienne adapté à la situation. L’équipe, dirigée par le directeur de l’ECCA[19], effectue la planification et la coordination de niveau opérationnel au nom du CCAFI en vue de faciliter l’intégration des effets aériens aux opérations interarmées. Voir la figure 5 qui illustre cette « chaîne de commandement ».

Figure 5. Le SCAT des FAC, élément de la « chaîne de commandement » de l’ARC

Au niveau tactique, le CCA s’en remet à un réseau d’entités de contrôle pour exercer le contrôle tactique (TACON), s’assurer que le plan est exécuté efficacement et gérer les nombreuses variables prévues et imprévues. L’un des avantages du SACT pour un commandant, c’est sa capacité à réaffecter rapidement un aéronef en vol à une mission nouvelle ou modifiée. À titre d'exemple d’éléments chargés de TACON, mentionnons le centre de détection et de contrôle (CDC), le radar de contrôle tactique (RCT), le système aéroporté d’alerte et de contrôle (AWACS), le contrôleur d'interception en opérations maritimes (CIOM), l’élément de contrôle aérien tactique (ECAT) et, tout au bout de la chaîne de commandement, le contrôleur aérien avancé (CAA). Si vous omettez de prendre en considération l’emploi de ces éléments du SACT, vous réduirez considérablement votre capacité à contrôler la puissance aérienne. Mais réjouissez-vous, car l’ARC possède tous ces éléments du SACT (à l’exception de l’AWACS), et ils sont, dans l’ensemble, prêts à se déployer.

Le succès de tout emploi de la force repose sur la compréhension des différences qui existent entre le commandement et le contrôle. Les opérations fondées sur la puissance aérienne étant fort complexes, les planificateurs et les commandants doivent étudier attentivement la façon de structurer leur système de C2. Pour tirer le meilleur parti du principe « contrôle centralisé et exécution décentralisée », le commandement et le contrôle doivent être envisagés séparément. C’est sous cet angle que l’ARC peut réussir à employer un processus de C2 permettant aux commandants de tous les échelons de mettre efficacement en œuvre un plan souple dont le contrôle est centralisé. Les commandants doivent avoir recours aux unités de spécialistes du SACT pour s’assurer que le contrôle de la puissance aérienne exercé en leur nom se fait sans heurts. L’objectif sera toujours le même : créer un processus de C2 qui offre au commandant la possibilité de diriger efficacement une opération aérienne dans l’ensemble d’un théâtre, de simplifier sensiblement la coordination et de réduire la confusion.

Finalement, l’ARC dispose de tous les éléments nécessaires pour assurer le fonctionnement du commandement et du contrôle de la puissance aérienne. Tout ce qui reste à faire, c’est de continuer à inculquer au personnel de solides principes de C2, les mêmes, soit dit en passant, qu’appliquent actuellement nos alliés. En nous posant la question « commandement ou contrôle? » dès les étapes de planification d’une opération, nous pouvons mettre les chances de notre côté avant même de nous déployer, prouvant une fois de plus que Sun Tzu avait raison.

ARC―Aviation royale canadienne

ATO―ordre d’attribution de mission aérienne

AWACS―système aéroporté d’alerte et de contrôle

B-GA-401―B-GA-401-000/FP-001, Doctrine aérospatiale des Forces Canadiennes – Commandement

C2―commandement et contrôle

CAA―contrôleur aérien avancé

CAOC―centre multinational d’opérations aériennes

CCA―commandant de composante aérienne

CCAFI―commandant de la composante aérienne de la force interarmées

CDC―centre de détection et de contrôle

CEMD―chef d’état-major de la défense

CIOM―contrôleur d’interception en opérations maritimes

cmdt―commandant

cmdt COIC―commandant du Commandement des opérations interarmées du Canada

cmdt dét―commandant de détachement

cmdt EEA―commandant d’escadre expéditionnaire aérienne

cmdt Ere―commandant d’escadre

cmdt GTA―commandant du groupement tactique aérien

cmdt FOI―commandant de la force opérationnelle interarmées

COA―centre d’opérations aériennes

COE―centre des opérations d’escadre

ECAT―élément de contrôle aérien tactique

ECCA―élément de coordination de la composante aérienne

EF―emploi d’une force

FAC―Forces armées canadiennes

OPCOM―commandement opérationnel

OPCON―contrôle opérationnel

OTAN―Organisation du Traité de l’Atlantique Nord

QGCA―quartier général de la composante aérienne

RCT―radar de contrôle tactique

RSR―renseignement, surveillance et reconnaissance

SCAT―système de contrôle aérien tactique

TACOM―commandement tactique

TACON―contrôle tactique

[1]. Il s’agit du deuxième d’une série de courts articles portant sur le commandement et le contrôle dans l’ARC. Pour de plus amples renseignements, consultez le document B-GA-401-000/FP-001, Doctrine aérospatiale des Forces canadiennes – Commandement, à l’adresse Internet http://www.rcaf-arc.forces.gc.ca/fr/centre-guerre-aerospatiale-fc/doctrine-aerospatiale.page? et sur le Réseau étendu de la Défense à l’adresse http://trenton.mil.ca/lodger/CFAWC/CDD/Doctrine_f.asp (les deux sites ont été consultés le 29 octobre 2013). (retourner)

[2]. Sun Tzu, L’art de la guerre, traduit par Francis Wang, Paris, Flammarion, 2008, p. 155. L’auteur se rend bien compte que vous saviez très bien qu’il citerait inévitablement Sun Tzu ou Carl von Clausewitz dans le présent article. (retourner)

[3]. Nous utiliserons B-GA-401 pour abréger B-GA-401-000/FP-001, Doctrine aérospatiale des Forces canadiennes – Commandement. (retourner)

[4]. Principalement le document B-GJ-005-300/FP-002, Publication interarmées des Forces canadiennes, PIFC 3.0, Les opérations. (retourner)

[5]. Généralement le document AJP-3.3(A), Allied Joint Doctrine for Air and Space Operations, novembre 2009. (retourner)

[6]. On peut en dire autant de ses dérivés, tels que commandement, contrôle et communication (C3); commandement, contrôle, communication et informatique (C4); et commandement, contrôle, communication, informatique, renseignement, surveillance et reconnaissance (C4ISR). (retourner)

[7]. Banque de terminologie de la Défense, fiche 27866. (retourner)

[8]. Ibid., fiche 375. (retourner)

[9]. Ibid., fiche 5950. (retourner)

[10]. Ministère de la Défense nationale, B-GA-401-000/FP-001, Doctrine aérospatiale des Forces canadiennes – Commandement, Centre de guerre aérospatiale des Forces canadiennes, Trenton (Ontario), 2012, p. 4. (retourner)

[11]. Normalement, le CCA ne commande que la composante aérienne, qui comprend un état-major et le personnel d’un COA nécessaires affectés au QGCA d’une opération donnée. (retourner)

[12]. « Flying the frag » est une expression qui remonte à la guerre du Vietnam lorsque des ordres de vol complexes étaient adoptés dans un endroit centralisé et distribués aux quartiers généraux subordonnés et aux unités de vol, puis en étoile et du sommet vers la base, de façon fragmentaire. Les « ordres de vol fragmentaires » [traduction] ont précédé les ordres d'attribution de mission aérienne (ATO) modernes. (retourner)

[13]. La philosophie de commandement de mission des FAC, qui souligne que seul le degré de contrôle nécessaire devrait être exercé sur les subordonnés, préconise généralement la réduction des mesures de contrôle centralisé. (retourner)

[14]. Pour obtenir les définitions complètes des différents niveaux d’autorité de commandement et de contrôle, voir ibid., 6-8. (retourner)

[15]. Conformément à la directive du CEMD sur le commandement et le contrôle des FAC et la délégation de pouvoirs pour l’emploi d’une force, 28 avril 2013. (retourner)

[16]. Les cmdt Ere et les cmdt EEA emploient tous deux un centre des opérations d’escadre (COE) afin de coordonner les détails associés au commandement de la puissance aérienne au niveau tactique : avec le CAOC, pour la coordination de la base au sommet; avec les autres escadres, pour la coordination latérale; avec les unités/escadrons/détachements/éléments assignés, pour la coordination du sommet à la base. (retourner)

[17]. La Doctrine – Commandement, p. 22-25, fournit des descriptions détaillées des éléments du SACT. (retourner)

[18]. CCAFM – commandant de la composante aérienne de la force multinationale; CCAFMI – commandant de la composante aérienne de la force multinationale interarmées. (retourner)

[19]. La Doctrine – Commandement, p. 27-30, fournit des descriptions détaillées des tâches et des responsabilités d’un ECCA et d’un directeur d’ECCA. (retourner)

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