Jour J : L’ARC et le Bomber Command
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Article de nouvelles / Le 27 mai 2019
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Par le major (retraité) William March
Le 6 juin 2019 marquera le 75e anniversaire du jour J, l’invasion de la Normandie par les Alliés. L’opération, qui s’est révélée un succès, a constitué un tournant dans la Seconde Guerre mondiale.
Le Bomber Command a été placé sous le contrôle du général américain Dwight D. Eisenhower le 14 avril 1944. Jusqu’à cette date, il avait poursuivi sa propre campagne stratégique contre l’Allemagne, sous la direction du maréchal en chef de l’Air Arthur Harris, qui travaillait à son quartier général à High Wycombe.
Les pertes inacceptables subies au début de la guerre avaient amené la Royal Air Force (RAF) à opter pour une politique axée sur les bombardements de nuit pour accroître les chances des bombardiers contre les chasseurs allemands. En raison des difficultés que comportait le repérage d’objectifs précis la nuit, le Bomber Command s’est concentré sur des zones plutôt que sur des bombardements de précision exécutés au-dessus de l’Allemagne. La nature même de ce type de bombardements a suscité des doutes quant à leur utilité à l’appui de l’invasion du jour J, mais Eisenhower a estimé qu’il avait besoin du « coup de massue » supplémentaire que les quelque 1 400 bombardiers, surtout des avions Lancaster et Halifax, pouvaient asséner.
Au début de mars 1944, les Alliés ont adopté un « plan visant les axes de transport » qui prévoyait des attaques massives contre le réseau ferroviaire français, en prévision de l’invasion. Les 6 et 7 mars 1944, une série d’attaques d’essai a été exécutée contre six grandes gares de triage. La réussite de ces missions a montré que les techniques élaborées pour les bombardements de nuit permettaient aux escadrilles d’exécuter, selon les mots de Harris, des attaques « incroyablement précises ».
Le Bomber Command a vite vu ses opérations prendre de l’ampleur et inclure des attaques contre les défenses côtières et les dépôts d’approvisionnement. Mue par une détermination brutale, les 83 escadrons du Bomber Command ont décollé de leurs aérodromes dans l’est de l’Angleterre et survolé le territoire ennemi nuit après nuit. Quatorze de ces escadrons étaient canadiens et, sauf un (le 405e Escadron), ils faisaient tous partie du 6e Groupe de l’ARC.
Ils se sont retrouvés au cœur de l’action dès le début.
Pour les hommes du Bomber Command, le jour J a comporté deux sorties : la première a eu lieu la nuit du 5 au 6 juin, et la seconde, la nuit suivante. Au cours de la nuit qui a précédé l’invasion, les escadrons canadiens sont sortis en masse, car le Bomber Command a alors déployé un effort maximum. Les bombardiers Lancaster des 408e et 419e Escadrons ont décollé dans l’obscurité de leurs aérodromes de Linton-on-Ouse et de Middleton St. George. Ils ont bientôt été suivis par les avions Halifax des 420e et 434e Escadrons basés à Tholthorpe, par les 424e et 433e Escadrons basés à Skipton-on-Swale, par les 427e et 429e Escadrons basés à Leeming, puis, enfin, par les 425e, 426e, 428e, 431e et 432e Escadrons ayant décollé de Dishforth, Linton-on-Ouse, Middleton St. George, Croft et East Moor, respectivement. La seule unité d’avions-éclaireurs de l’ARC, le 405e Escadron, était déjà partie marquer les objectifs de la nuit en Normandie.
Les avions de l’ARC faisaient partie d’une force totale d’un peu plus de 1 000 avions que le Bomber Command a envoyée attaquer les batteries côtières installées à Fontenay, Houlgate, La Pernelle, Longues, Maisy, Merville, Mont Fleury, Ponte-du-Hoc, Quisterham et St-Martin-de-Varreville.
Les Allemands ont été complètement surpris, de sorte qu’il n’y avait à peu près aucun chasseur de nuit ennemi pour harceler les 551 bombardiers Lancaster, les 412 appareils Halifax et les 49 avions Mosquito qui se sont rendus au-dessus de leurs cibles. Toutefois, la météo n’a pas beaucoup collaboré, car le ciel était couvert sauf à la verticale de deux objectifs, ce qui veut dire que la plupart des avions ont largué leurs bombes en se guidant sur un repère de navigation. Ce soir-là, les canonniers allemands ne s’en sont pas rendu compte, mais ils avaient reçu une quantité record de bombes, soit environ 4 500 tonnes métriques, le tonnage le plus considérable jamais largué en une seule nuit depuis le début de la guerre. Ce record allait être battu ultérieurement.
Bien que tous les canons n’aient pas été détruits, on a jugé que, dans son ensemble, la mission avait été couronnée de succès, car seulement trois avions ont été perdus. L’un d’eux faisait partie du 426e Escadron : l’appareil Halifax LW 382, piloté par le lieutenant d’aviation Joseph Francis Terence Beesley, âgé de 21 ans et originaire de Smithers, en Colombie-Britannique, avait exécuté sa sortie avec succès quand son avion a explosé en plein vol près de Norfolk, en Angleterre. Ont aussi perdu la vie au même moment le mécanicien de bord britannique, le navigateur Roy Hudson Tranter (31 ans), de Peterborough, en Ontario, le viseur de lance-bombes Richard Reginal Irvine (32 ans), originaire de Dublin, en Irlande, et les sous-lieutenants d’aviation Roy Frank Carol (20 ans), de Winnipeg, au Manitoba, et Graham William Durin (20 ans), de Vancouver, en Colombie-Britannique.
Quand ils sont rentrés à leur base, les équipages canadiens ont appris que l’invasion avait commencé!
L’euphorie initiale a vite cédé la place au constat que les escadrons risquaient de devoir décoller de nouveau à n’importe quel moment. Dans le journal de guerre d’un escadron, on lit que tous ses 15 avions étaient revenus de l’attaque contre les batteries côtières entre 5 h et 6 h, mais trois heures plus tard, les mêmes appareils étaient prêts à s’envoler de nouveau. Heureusement, les équipages fatigués allaient attendre à une heure beaucoup plus tardive avant de s’aventurer de nouveau au-dessus de la France occupée.
Les objectifs désignés pour la nuit du 6 au 7 juin 1944 étaient des carrefours ferroviaires et routiers situés derrière la zone des combats en Normandie. Cette nuit-là, 1 065 avions, soit 589 bombardiers Lancaster, 418 avions Halifax et 58 appareils Mosquito, ont décollé. Tous les objectifs se trouvaient à proximité ou à l’intérieur de villes françaises, de sorte qu’il y a eu de nombreuses pertes chez les civils. Les escadrons de l’ARC ont été dirigés vers les villes normandes de Condé-sur-Noireau et de Coutances. L’opposition allemande était faible, mais le temps mauvais. Les bombardiers alliés ont largué presque 4 000 tonnes de bombes sur les divers objectifs. Onze avions ont été perdus, mais aucun n’appartenait à l’ARC.
Vu le nombre de Canadiens qui servaient au sein des escadrons ne relevant pas de l’ARC, il était inévitable qu’ils subissent d’autres pertes en appuyant l’invasion, le jour J.
Pendant une opération menée au-dessus de Langres, en France, dans la nuit du 5 au 6 juin, le Lancaster ND 921 du 582e Escadron a été perdu avec son équipage de sept hommes, y compris le viseur de lance-bombes, le lieutenant d’aviation Arthur Hugh Grange, âgé de 27 ans et originaire de Picton, en Ontario. Au cours de sa troisième mission au-dessus du territoire ennemi, le jour J, le sergent de section Morris Campbell Murray, âgé de 29 ans et originaire de Toronto, a compté parmi les sept aviateurs tués quand leur Halifax du 76e Escadron a été touché par des tirs antiaériens au cours d’une attaque contre les batteries côtières près de Mont Fleury, en France. Le lieutenant d’aviation William Robert McCutcheon, âgé de 29 ans et originaire de Summerland, en Colombie-Britannique, a été tué avec ses six coéquipiers membres du 97e Escadron, quand leur Lancaster a été abattu au cours d’une attaque près de Cherbourg, en France. Un autre appareil de cet escadron a été perdu ce soir-là quand le Lancaster ND 739 a été abattu par un chasseur de nuit Ju-88. Parmi les aviateurs tués figurait le lieutenant d’aviation Herbert William Rieger, âgé de 21 ans et originaire de Hamilton, en Ontario.
Le Bomber Command est resté à la disposition d’Eisenhower jusqu’en septembre, moment où il a repris entièrement sa campagne contre l’Allemagne. Pendant la période qui a mené au jour J, 24 600 sorties ont été exécutées, et environ 79 000 tonnes de bombes ont été larguées à l’appui des débarquements et des combats ultérieurs.
Eisenhower n’a aucunement douté de la valeur de la contribution du Bomber Command à la réussite des soldats au sol. Le jour J, les pertes ont été faibles, mais elles ont augmenté quand la Luftwaffe s’est remise du carnage initial. L’invasion de la Normandie a peut-être marqué le début de la fin, mais pour les Canadiens du Bomber Command, la fin allait se faire attendre pendant encore un bon bout de temps.