L’athlétisme chez les vétérans, sixième article : comprendre les filières énergétiques

Article de nouvelles / Le 16 octobre 2020

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Par le major Serge Faucher

Dans un article précédent, nous avons exploré les avantages de la périodisation et de la planification de haut niveau pour votre programme d’entraînement. Nous avons ensuite examiné de plus près les phases d’entraînement et la façon dont elles sont organisées sur une période donnée. Avant de plonger dans la conception des microcycles souhaités (votre calendrier hebdomadaire), qui intégreraient les séances d’entraînement et de récupération appropriées, nous devons examiner de près la façon dont votre organisme produit l’énergie nécessaire pour faire le travail propre à votre discipline. Ce point est important parce qu’il précisera les raisons pour lesquelles vous incluez certains exercices dans votre programme d’entraînement précis. Une fois cette notion comprise, vous pouvez adapter expressément un programme d’entraînement qui correspondra à vos objectifs. Nous pourrions nous aventurer dans une voie inconnue, car il s’agit d’un sujet très complexe, mais je vais essayer de le garder simple, et de m’en tenir aux bases de la production d’énergie et des besoins des athlètes.

Nous utilisons l’énergie provenant de la nourriture comme carburant pour assurer nos mouvements et les fonctions essentielles de notre organisme. Une fois les aliments digérés, les glucides, les protéines et les graisses se divisent en composés simples, soit le glucose, les acides aminés et acides gras, qui sont absorbés dans le sang et transportés dans les diverses cellules de l’organisme. À l’intérieur de ces cellules, et à partir de ces sources d’énergie, l’adénosine triphosphate (ATP) est formée pour fournir le carburant. L’organisme utilise trois systèmes différents pour fournir aux cellules l’ATP nécessaire pour répondre aux besoins énergétiques. Il s’agit de la phosphocréatine (ATP-PC), du lactate anaérobie (glycolyse) et des systèmes aérobies. La plupart des activités de l’organisme utilisent un continuum des trois filières énergétiques qui travaillent ensemble pour assurer un approvisionnement constant en énergie. Par conséquent, la grande majorité des athlètes doivent entraîner ces trois systèmes parce qu’ils sont tous sollicités pendant la course.

Comme le montre la figure 1, ces filières énergétiques ne fonctionnent pas de façon indépendante et isolée. Au contraire, toutes les filières fonctionnent en tout temps. Toutefois, certaines peuvent prédominer en fonction des activités du corps, notamment du type, de l’intensité et de la durée de l’activité physique ainsi que du niveau de condition physique d’une personne.

Voici un tableau concis qui explique une partie de la terminologie utilisée pour associer une source d’énergie à la durée et à l’intensité de l’effort déployé par l’athlète.

Durée de l’effort Classification Source d’énergie
1 à 4 secondes Anaérobie, alactique ATP
4 à 10 secondes Anaérobie, alactique ATP + PC
10 à 45 secondes Anaérobie, alactique ATP +PC + glycogène musculaire
45 à 120 secondes Anaérobie, lactique Glycogène musculaire
2 à 4 minutes Anaérobie + aérobie Glycogène musculaire + acide lactique
4 à 10 minutes Aérobie Glycogène musculaire + acide gras

Tableau 1 – Relation entre l’intensité de l’exercice et la source d’énergie utilisée pour maintenir cette intensité.

Pour les mouvements courts et intenses de moins de dix secondes, l’organisme utilise principalement l’ATP-PC. Votre organisme a besoin d’un approvisionnement continu en ATP pour produire de l’énergie, que ce soit pour soulever des poids, marcher, réfléchir ou courir. Il est important dans les courses de 100 mètres et 200 mètres, mais aussi dans le sprint à la fin d’une course de moyenne distance. Il s’agit, en fait, d’un système anaérobie, c’est-à-dire qui n’utilise pas d’oxygène. Il utilise plutôt la quantité relativement faible d’ATP stockée dans les muscles pour créer cette source d’énergie immédiate. Lorsque l’apport d’ATP de l’organisme est épuisé, ce qui se produit en quelques secondes, de l’ATP supplémentaire se forme à partir de la dégradation de la phosphocréatine (PC), un composé énergétique présent dans les muscles. Des courses rapides de façon répétée en moins de 20 secondes entraînent une faible accumulation d’acide lactique et, de ce fait, une moindre fatigue.

La durée de récupération entre les répétitions est importante pour la récupération de la puissance produite par la resynthèse de phosphocréatine. Des études ont montré une récupération de 80 % de la puissance de pointe avec une période de récupération d’une minute et une récupération de 92 % après 3 minutes. Une fois que nous avons épuisé notre ATP (par exemple, par une tentative de répétition maximale [RM] de flexions des jambes), il faut au moins trois minutes de repos pour que les muscles récupèrent la quantité maximale possible d’ATP et de phosphocréatine. Après ces trois minutes, votre système ATP-PC sera à nouveau prêt pour les mouvements explosifs. Par conséquent, il est tout à fait évident que si vous tentez de soulever des poids ou de faire une course de vitesse à nouveau au cours de ces trois minutes, vous aurez du mal à obtenir les mêmes résultats. Pour développer ce système énergétique, vous devez faire des séances de 3 à 10 secondes de travail à haute intensité, presque à la vitesse de pointe. Par exemple :

  • dix courses de 30 mètres et trois minutes de récupération;
  • six courses de 60 mètres et six minutes de récupération;
  • lever le poids le plus lourd possible une ou deux fois.

Dans mon cas, je ne complique pas les choses chaque fois que j’effectue de courts sprints. Pour chaque dix mètres d’effort total, je prends une minute de repos. Mes séances de sprints anaérobies alactiques (ATP-PC) débutent par des séances de 30 mètres tout au long de la saison d’athlétisme (étape I), et l’introduction de la vitesse à l’étape II. En tant qu’athlète de 400 mètres, je ne fais normalement rien sous cette distance. Au fil des semaines, j’augmente la distance de dix mètres par semaine jusqu’à ce que j’atteigne 80 mètres (huit minutes de repos).

Au-delà de 80 mètres, votre organisme commence à utiliser une combinaison d’ATP, de PC et de glycogène musculaire, qui englobe l’utilisation du glycogène comme source d’énergie. Cela se fait à l’étape III, lorsque mon organisme est habitué à gérer l’entraînement au sprint pendant plusieurs mois. Voici un exemple de cette pratique :

  • deux séries de 120 mètres, 100 mètres, 80 mètres et 60 mètres réalisées à plus de 95 % d’intensité et incluant une marche de récupération très lente. Ne tentez pas de le faire pendant l’étape I ou II, car l’activité est très intense et peut causer des blessures.

Le système d’acide lactique est le système énergétique qui prédomine lors d’activités de dix secondes à quelques minutes. En fait, cette voie fournira toujours à l’énergie dans un marathon, mais à un rythme beaucoup plus lent. Il produit de l’énergie à partir du glycogène musculaire (la forme de stockage du glucose). La glycolyse peut se produire en présence ou en absence d’oxygène. Lorsque l’oxygène est inadéquat, la série de réactions qui transforme le glucose en ATP provoque la production toujours redoutable d’acide lactique dans les efforts pour augmenter l’ATP. L’accumulation d’acide lactique peut causer de la fatigue et une sensation de brûlure dans les muscles, ce que tous les militaires des Forces armées canadiennes ont connu pendant la course-navette intermittente avec charge de l’évaluation FORCE. Cette accumulation d’acide lactique est aussi le facteur limitatif qui cause la fatigue dans des parcours de 300 à 800 mètres en général.

Il s’agit d’une des filières énergétiques les plus importantes que vous devez développer si vous voulez jouer au hockey-balle, au basketball ou au soccer (activités comportant des arrêts et des départs brusques). Lorsqu’on fait de l’exercice au seuil de lactate ou en dessous de celui-ci, l’organisme enlève tout lactate produit par les muscles sans qu’il s’accumule. Le seuil de lactate est défini comme l’intensité à laquelle la concentration sanguine d’acide lactique commence à augmenter de façon exponentielle. Il s’agit souvent de 85 % de la fréquence cardiaque maximale ou de 75 % de la consommation maximale d’oxygène. La plupart d’entre nous qui allons faire une course facile ne franchiront pas cette ligne, car nous restons dans la zone d’aérobie. Comme l’athlète de 400 mètres passera près de 50 % de son temps à développer son système glycolytique, il est important de voir comment améliorer ce système énergétique. Vous y arriverez rapidement si vous faites plusieurs répétitions de 400 mètres suivis de très courts moments de repos.

Alors, comment améliorer votre seuil de lactate? Ce faisant, vous constaterez peut-être que votre endurance musculaire n’est pas aussi grande, puisque les muscles produisent de l’acide lactique très rapidement comparativement à ce qui se produit pendant une course à un rythme lent et régulier. Par conséquent, pour courir plus vite sans l’apparition précoce d’acide lactique, vous devez vous entraîner à une vitesse plus rapide pendant une plus longue durée, et continuer de le faire jusqu’à ce que votre endurance aérobie et anaérobie s’améliore au point que votre organisme deviendra plus efficace pour produire l’énergie nécessaire.

À l’école secondaire, mon frère Claude a couru le 1 500 mètres (4 min 8 s), le 3 000 mètres (8 min 54 s) et le 5 000 mètres (15 min 29 s). Après son enrôlement dans les Forces armées canadiennes (FAC), il a couru pour l’équipe nationale des FAC pendant de nombreuses années, se concentrant sur la course sur route et la course de cross-country du Conseil international du sport militaire. Ces distances plus longues n’étaient pas propices à l’amélioration de son temps de parcours. Peu importe la fréquence de ses tentatives, il n’a tout simplement pas pu abaisser la marque de quatre minutes au 1 500 mètres. Comme on pouvait s’y attendre, cette distance de course est brutale en ce qui concerne la production d’acide lactique.

Après s’être joint à son nouveau club d’athlétisme vers 1989, pendant son affectation à Baden-Baden, en Allemagne, son nouvel entraîneur l’a exhorté à modifier certains de ses exercices en réduisant de moitié le volume et en augmentant la vitesse des intervalles. Il est passé de séances de 20 X 200 mètres en 30 secondes à 8 X 200 mètres en 26 secondes. Son entraîneur disait : « Si tu veux courir vite, tu dois t’entraîner vite ». Bien qu’il n’ait pas abaissé la marque insaisissable de quatre minutes au 1 500 mètres, il a néanmoins couru d’excellents 1 000 mètres, couvrant la distance en 2 min 29,76 s, et le 3 000 mètres en 8 min 43 s. Ce sont là quelques-unes des meilleures courses qu’il ait faites.

Ce n’est qu’en 1992, à son retour au Canada qu’il a finalement pu réduire son temps sous la barre des quatre minutes. Il a réussi à y parvenir en s’entraînant avec certains des coureurs les plus rapides au Canada qui ont couru le 800 mètres en 1 min 50 s. En s’entraînant avec eux, il a dû faire de nombreuses séances d’entraînement de 800 mètres. La rapidité acquise au cours de ces séances a toutefois été inestimable. Claude a couru ses meilleurs 800 mètres (1 min 55 s) et 1 500 mètres (3 min 54 s) pendant cette période.

Si vous vous entraînez lentement, votre seuil anaérobie sera inférieur à celui obtenu si vous vous entraînez à des vitesses plus grandes. Votre organisme s’adapte à la façon dont il est entraîné. Voici quelques exemples de séances pour développer ce système énergétique :

  • dix intervalles de 300 mètres – une minute de récupération;
  • huit intervalles de 400 mètres – deux minutes de récupération;
  • six intervalles de 600 mètres – trois minutes de récupération.

Le système énergétique aérobie est le fondement de toutes les activités que vous pouvez entreprendre et de la plus grande partie de la production d’ATP de l’organisme. L’énergie libérée provient de la dégradation des nutriments comme le glucose, le lactate et les acides gras. En présence d’oxygène, l’ATP peut se former par la glycolyse. Ce système implique également le cycle Krebs et la chaîne de transport des électrons, qui est une série de réactions chimiques qui génèrent de l’énergie dans les mitochondries, la centrale de production d’énergie à l’intérieur des cellules de l’organisme.

Le système énergétique aérobie est le plus complexe des trois filières énergétiques et il dépend fortement de notre système circulatoire pour fournir de l’oxygène. Il est donc plus lent à agir que les deux autres filières énergétiques mentionnées plus haut, et il est plus actif à très faible intensité. Le taux de production d’énergie est très lent (il dépend de l’oxygène que vous consommez et utilisez dans chaque respiration), bien qu’il puisse continuellement produire une grande quantité d’énergie au fil du temps. Ce système énergétique fournit de l’énergie destinée au mouvement du corps pendant plus de quelques minutes, comme de longues périodes d’activité ou d’activité d’endurance. Pour la plupart des distances de plus de 400 mètres, vous devez donner la priorité à ce système par rapport à tous les autres en fonction de son importance. Il s’agit, en fait, de la base de tout programme d’entraînement, y compris le sprint.

Ce système facilite également la récupération dans d’autres filières énergétiques en période de faible intensité (périodes de repos entre les intervalles). Votre capacité de récupération dans le temps d’arrêt entre les intervalles d’activités à haute intensité est due à votre système aérobie. La plupart des athlètes de sprint court (100 mètres ou 200 mètres) n’ont pas un bon développement aérobie. Ils ont tendance à être « essoufflés » assez rapidement, et beaucoup oublient que c’est le système énergétique qui leur offrira le meilleur rendement, au mieux pendant une longue rencontre qui peut durer une semaine ou plus où ils courent deux fois par jour, dont deux à trois tours de 100 mètres, deux à trois tours de 200 mètres, et plus encore pour le 400 mètres, avec les courses à relais le dernier jour de la rencontre. Seul un sprinter ayant grandement développé son système aérobie survivra à ce programme épuisant et offrira une bonne performance chaque fois.

L’exercice continu à une intensité légèrement inférieure à votre seuil de lactate, ou à une fréquence cardiaque maximale d’environ 70 % à 75 %, est un excellent moyen d’entraîner ce système. Comme nous l’avons expliqué plus haut, votre seuil de lactate est le point où la demande d’oxygène de votre organisme est supérieure à l’offre. Cela provoque une accumulation de lactate dans le muscle, ce que la plupart des gens décrivent comme une brûlure ressentie pendant un exercice intense.

Vous pourriez commencer par 20 minutes d’entraînement et, progressivement, prolonger la durée jusqu’à 60 minutes. Une fois que vous pouvez effectuer 60 minutes à la même intensité, vous devriez augmenter l’intensité légèrement à mesure que votre seuil anaérobie est augmenté, ou commencer à mélanger divers intervalles prolongés avec un repos minimal. Des intervalles plus longs de plus de deux minutes entrecoupés de périodes de repos minimal, à votre seuil de lactate ou juste au-dessous, sont un excellent moyen d’entraîner votre système aérobie et d’améliorer la capacité de vos muscles à utiliser de l’oxygène pour produire de l’énergie. Personnellement, j’aime utiliser la machine à ramer Concept 2 pendant mes « jours de congé » pour entraîner le système aérobie et améliorer la récupération. Il s’agit d’un exercice complet qui est doux pour les articulations. Vous pourrez également faire du AirDyne, du ski de fond, de la natation ou du vélo si vous préférez. Voici quelques exemples de séances pour développer ce système énergétique :

  • 60 min de jogging;
  • cinq courses de 1 000 mètres et cinq minutes de repos;
  • deux courses de 2 400 mètres et huit minutes de repos.

Pour résumer les éléments traités dans le présent article, votre programme d’entraînement doit développer toutes les filières énergétiques, le système musculaire et la technique si vous souhaitez être le meilleur que vous puissiez être dans votre discipline. Voici des exemples de différentes séances d’entraînement et leurs objectifs :

Séance Objectif
Course facile de 30 à 60 minutes Capacité aérobique
20 minutes de marche juste au-dessus d’un rythme régulier Puissance aérobie
Courses à répétition de 3 à 10 minutes
1 à 3 minutes de récupération
Puissance aérobie et capacité lactique
Courses à répétition de 1 à 2 minutes
2 à 4 minutes de récupération
Puissance aérobie et capacité lactique
Courses à répétition de 45 à 90 secondes
10 à 15 minutes de récupération
Capacité lactique et puissance lactique
Courses à répétition de 30 à 45 secondes
10 à 15 minutes de récupération
Puissance lactique
Courses à répétition de 30 à 45 secondes Réduction de la récupération Capacité lactique
Courses à répétition de 15 à 30 secondes
10 à 15 minutes de récupération
Capacité alactique
Courses à répétition de 6 à 15 secondes
1 à 3 minutes de récupération
Puissance alactique
Entraînement aux poids – 1 à 3 RM Force musculaire
Entraînement aux poids – 12 à 20 RM Puissance musculaire
Entraînement en circuit Endurance musculaire
Course en montagne de 5 à 10 secondes Puissance alactique et endurance musculaire
Course en montagne de 15 à 30 secondes Baisse lactique et endurance musculaire
Course en montagne de 30 à 60 secondes Capacité lactique et endurance musculaire
Technique Économie et efficacité des efforts
Repos Permet l’adaptation

Maintenant que vous connaissez les fondements des systèmes énergétiques, vous êtes prêt à comprendre les éléments qui composent la plupart des programmes d’entraînement. Dans le prochain article, je me concentrerai sur le programme d’entraînement au sprint de 400 mètres que j’utilise comme base de mon entraînement personnalisé. Il s’agit d’un tableau à partir duquel vous pouvez travailler puisqu’il comporte la répartition appropriée d’exercices et les filières énergétiques nécessaires pour réussir à cette distance précise. Il servira d’exemple à suivre lorsque vous construirez votre propre programme.

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