La survie, la recherche et le sauvetage en Arctique
Article de nouvelles / Le 23 février 2021
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Affaires publiques de la Région canadienne du NORAD
Également connue sous le nom de Joint Agile Basing Air Power Seminar (JABAS), ou Colloques sur la puissance aérienne fondée sur le positionnement agile interarmées, cette série de réunions récurrentes est conçue pour amener les principaux intervenants du milieu universitaire et des domaines de la science, de l’environnement, de l’information, de la gouvernance et de la logistique, ainsi que leurs homologues militaires, à explorer dans les grandes lignes certaines des difficultés liées aux opérations aériennes dans l’Arctique.
Animé par le brigadier-général Edward « Hertz » Vaughan, qui, en plus de servir comme commandant adjoint de la Région canadienne du NORAD, agit également à titre de commandant de la composante aérienne de la force interarmées de la 1re Division aérienne du Canada, et James Fergusson, Ph. D., directeur adjoint du Centre d’études sur la défense et la sécurité et professeur d’études politiques à l’Université du Manitoba, ce segment était le premier de deux discussions axées sur la survie et la recherche et le sauvetage (SAR) dans l’Arctique, la prochaine séance étant prévue le 18 février 2021.
La séance a débuté par une présentation décrivant le positionnement du Canada en matière de recherche et de sauvetage, en mettant l’accent sur la SAR dans l’Arctique. Cette présentation a été suivie par plusieurs autres d’organisations spécialisées, notamment celle de la 176e Escadre de la United States Air Force (USAF), située à la base interarmées Elmendorf-Richardson, en Alaska. Les aviateurs de la 176e Escadre, équipés d’aéronefs HH-60G Pavehawk et HC-130J Combat King II, sont les principaux professionnels de la SAR de la USAF dans l’Arctique.
Au Canada, la SAR est une responsabilité que se partagent des organisations fédérales, provinciales, territoriales et municipales, ainsi que des organismes bénévoles de SAR aérienne, terrestre et maritime.
Trois centres conjoints de coordination des opérations de sauvetage situés à Victoria, en Colombie-Britannique, à Halifax, Nouvelle-Écosse, et à Trenton, en Ontario, sont responsables de la coordination des interventions de sauvetage terrestre, maritime et aérien dans l’espace de 18 millions de kilomètres carrés que compte le Canada. Il s’agit d’une tâche de taille par rapport à des endroits comme l’Europe, qui compte environ dix millions de kilomètres carrés.
« Le fait que 80 % de la population du Canada se trouve près de la frontière canado-américaine, d’où proviennent la plupart des demandes de recherche et de sauvetage et où sont situés les centres d’intervention de SAR, est d’une importance capitale lorsqu’on parle de recherche et de sauvetage dans l’Arctique », a dit le lieutenant-colonel Johnny Coffin, officier supérieur d’état-major de SAR de la 1re Division aérienne du Canada, lors de sa présentation sur la recherche et le sauvetage au Canada.
L’espace au nord du 60e parallèle, communément appelé le « Grand Nord », représente 40% de la masse terrestre du Canada, mais regroupe moins d’un pour cent de sa population. Ces zones sont peu peuplées et les routes y sont peu nombreuses, à l’exception de routes de glace dans certains cas. En règle générale, les fournitures doivent être acheminées par bateau ou par avion.
Les principaux escadrons de SAR du Canada, situés à la 19e Escadre Comox, en Colombie-Britannique, à la 17e Escadre Winnipeg, au Manitoba, à la 8e Escadre Trenton, en Ontario, à la 14e Escadre Greenwood, en Nouvelle-Écosse, et à la 9e Escadre Gander, à Terre-Neuve-et-Labrador, permettent de maintenir une capacité d’intervention dans un délai de 30 minutes après avoir reçu une demande de soutien de SAR. Cependant, la difficulté principale lorsqu’on parle de SAR dans l’Arctique est la distance. Les missions de SAR dans le Grand Nord peuvent également nécessiter l’ajout d’hélicoptères qui peuvent prendre jusqu’à 24 heures pour arriver sur les lieux.
Connus comme « les yeux et les oreilles du Nord », le 1er Groupe de patrouilles des Rangers canadiens comptent plus de 1 800 Autochtones et non-Autochtones répartis dans 60 collectivités des trois territoires. Nés et ayant grandi dans des collectivités du Nord, les rangers ont une connaissance incomparable de leur région ainsi que des compétences de survie dans le Nord essentielles pour répondre aux demandes d’urgence dans les lieux difficiles d’accès du Nord pendant les périodes de l’année qui posent problème.
De plus, l’Association civile de recherche et de sauvetage aériens, une association d’aviation bénévole pancanadienne vouée à soutenir la recherche aérienne d’aéronefs disparus, est en mesure de fournir une aide précieuse dans le cadre d’interventions de recherche et sauvetage. La connaissance des zones de recherche qu’ont les pilotes et la répartition géographique étendue de ces derniers constituent des atouts importants. Lorsque les recherches se prolongent, on peut les faire monter à bord d’autres aéronefs en tant qu’observateurs, car leur connaissance des différents secteurs s’avère inestimable.
« Comme pour toutes nos missions liées à la puissance aérienne dans le vaste nord du Canada, nous dépendons étroitement des relations et des partenariats avec les collectivités de la région. C’est pourquoi nos coéquipiers de la Force opérationnelle interarmées – Nord font partie intégrante de notre stratégie lorsque nous travaillons avec les Canadiens dans l’Arctique. Leur leadership permet d’établir les liens dont nous avons besoin avec les collectivités et les hameaux de toute la région, afin qu’ensemble nous puissions protéger et défendre nos intérêts collectifs », a affirmé le brigadier-général Vaughan.
L’une des plus grandes difficultés, si ce n’est la plus grande, lorsqu’il s’agit de SAR dans l’Arctique, et en particulier lorsqu’il s’agit d’opérations de chasseurs dans le Nord, est le facteur de survie en fonction du temps et de la distance. Volant dans la vaste étendue de l’Arctique où l’on trouve très peu de pistes utilisables, les avions de chasse doivent transporter du carburant de réserve leur permettant d’atteindre des aéroports de dégagement si les conditions météorologiques à leur lieu d’atterrissage sont défavorables. Sans ravitaillement aérien, les avions passent moins de temps à effectuer leur travail.
Sachant que le temps et la distance sont des préoccupations importantes, en cas d’éjection d’un pilote dans l’Arctique, il y a aussi un risque supplémentaire lié à l’étendue de la zone d’opérations, à la disponibilité de ressources de SAR dans l’Arctique, aux limites de l’équipement de survie à bord du CF-18 et aux conditions environnementales inhospitalières pendant les mois d’hiver.
Pour y parer, les pilotes portent des vêtements de vol et des bottes adaptés au climat lorsqu’ils volent dans le Nord, ainsi qu’une combinaison étanche. En cas d’éjection, un pilote indemne a accès à une trousse d’urgence contenant environ 60 objets, dont un émetteur de localisation d’urgence, conçu pour le froid extrême, des fusées éclairantes et un équipement d’autoprotection en cas de rencontre avec des animaux prédateurs. Le paquetage de siège contient également du matériel adapté au froid extrême, à savoir un couvre-chef, un couvre-visage, des mitaines, un sac de couchage, une pelle à neige et des outils d’allumage du feu.
De plus, les aéronefs CF-18 peuvent informer les secours, par liaison de données, d’une éjection en communiquant la position de l’aéronef. Cependant, ces renseignements ne sont utiles que pour les utilisateurs autorisés du réseau de SAR, sinon, seuls d’autres chasseurs peuvent capter cette information.
Il y a aussi la possibilité de lancer la trousse de survie largable (SKAD), un grand conteneur qui se fixe à l’axe longitudinal du CF-18 et qui est largué à basse altitude. Le largage efficace de la SKAD nécessite soit des coordonnées précises du lieu où se trouve le pilote, soit un contact visuel, cette dernière option supposant un temps clair et un soutien par ravitaillement en vol étant donné les problèmes de temps et de distance d’intervention dans l’Arctique.
Il faut savoir que le temps dont on dispose pour intervenir ou participer à une intervention lors d’un accident potentiel dans l’Arctique est très restreint. Sans s’attaquer aux facteurs de temps et de distance en rapprochant les emplacements de SAR, quel que soit l’équipement dont disposent les pilotes, s’ils n’ont pas suivi d’entraînement propre à l’Arctique, ils ont très peu de chances de survivre jusqu’à l’arrivée des équipages SAR.
Pendant le colloque, on a évoqué le vol 22 de l’opération BOXTOP, un CC-130 Hercules de l’Aviation royale canadienne qui s’est écrasé le 30 octobre 1991, près de la station des Forces canadiennes Alert lors d’un réapprovisionnement semestriel de la station, en guise d’exemple d’une situation où des conditions météorologiques extrêmes peuvent nuire à la capacité des équipages de SAR de se rendre sur lieux à temps. Le major Brian Noel, commandant de l’École de survie et de médecine de l’air des Forces canadiennes, a insisté sur la nécessité de survivre dans l’Arctique pour parer aux problèmes liés aux facteurs de temps et de distance. Dans le cas du vol 22 de l’opération BOXTOP, les conditions météorologiques extrêmes ont retardé la capacité des équipages de SAR d’atteindre le site pendant plus de 32 heures, entraînant la perte de cinq membres d’équipage.
« Dans l’Arctique, le temps et la distance sont nos plus grands ennemis, surtout en ce qui concerne la force de chasse. C’est une chose d’avoir une capacité de recherche et de sauvetage – au Canada nous sommes très compétents en la matière et nous disposons de centres de SAR capables de mener des opérations dans le Nord –, mais ce sont le temps et la distance qui constituent les facteurs limitants principaux. Les heures passées à voyager vers un endroit font la différence entre la vie et la mort. »
Dans cette optique, la 4e Escadre Cold Lake, en Alberta, offre à ses pilotes de chasse un cours de survie hivernale mis au point localement et appelé « Frosted Flyer ». Élaboré en collaboration avec l’équipe de SAR au sol de Cold Lake, des aînés autochtones et des groupes des Premières Nations locaux, le cours se donne quatre fois par année, pendant les mois d’hiver au polygone de tir aérien de Cold Lake. Le cours de quatre jours obligatoire pour tous les pilotes offre une formation de recyclage sur l’équipement d’urgence et les compétences de survie nécessaires en cas d’éjection dans l’Arctique.
De plus, en collaboration avec Ressources naturelles Canada, l’École de survie et de médecine de l’air des Forces canadiennes offre un cours intitulé Opérations aériennes – Survie dans l’Arctique, un véritable cours de survie dans l’Arctique qui se tient à Resolute Bay, au Nunavut. Offert deux fois par année, pendant les mois d’hiver et dans l’obscurité de la nuit polaire, dans des températures moyennes oscillant entre -40 degrés et -50 degrés Celsius, le cours simule au plus près les conditions d’un abandon de bord dans l’Arctique.
Pour vraiment comprendre ce qu’est la survie dans l’Arctique, les stagiaires participent pendant sept jours complets à un entraînement rigoureux dans un endroit connu sous le nom de Crystal City, au nord de la limite forestière. L’environnement froid et sombre leur permet vraiment de comprendre en quoi consiste la survie dans l’Arctique.
Afin d’évaluer l’efficacité de l’instruction de survie dans l’Arctique, en ce qui concerne la contrainte de temps et de distance liée à la recherche et au sauvetage dans l’Arctique, une étude a été menée auprès de personnel entraîné et non entraîné, où les deux groupes ont reçu exactement le même équipement de survie d’urgence généralement présent à bord d’un avion. On a dit aux deux groupes que l’avion à bord duquel ils volaient venait de s’écraser et qu’ils devaient utiliser l’équipement d’urgence fourni pour les aider à survivre jusqu’à l’arrivée des techniciens de SAR.
Les participants qui n’avaient suivi aucun entraînement préalable à la survie dans l’Arctique n’auraient pas pu survivre. Au bout de six heures, ils ont commencé à montrer des signes d’hypothermie et après douze heures, ils avaient quasiment besoin de soins médicaux. À l’inverse, les participants qui avaient déjà suivi une instruction de survie dans l’Arctique ont facilement dépassé la barre des 24 heures sans souffrir d’hypothermie et ont survécu facilement sans aucune interaction.
Il apparaît donc clairement que, dans le cadre de cette étude, l’instruction de survie dans l’Arctique est un élément essentiel de la capacité de survie, ce qui facilite la recherche et le sauvetage.
« [Ces discussions] sont toujours très intéressantes, très révélatrices à mes yeux. Elles ont soulevé beaucoup de questions sur les problèmes qui attendent tant les militaires américains que canadiens qui intégreront le monde de la SAR. En particulier, lorsque vous pensez au changement climatique, au changement de la nature de l’Arctique, et aux nouvelles difficultés qui surviennent – peut-être ne sont-elles pas nouvelles, mais simplement de plus grande ampleur – de nombreuses questions intéressantes se posent pour l’avenir », a ajouté M. Fergusson dans ses observations finales.
À l’heure actuelle, le Canada est le seul pays de l’OTAN à offrir un véritable cours de survie dans l’Arctique. Des cours d’entraînement à la survie hivernale se donnent dans d’autres pays comme la Finlande et la Norvège, mais le Canada offre le seul véritable cours de survie dans l’Arctique, qui est ouvert aux partenaires étrangers.
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