Excuses relatives à l’inconduite sexuelle au sein du MDN et des FAC – Les excuses de la sous-ministre de la Défense nationale
Discours
Allocution présentée par la sous-ministre, Jody Thomas
Le 13 décembre 2021
Le texte prononcé fait foi
Merci, ministre Anand, Général Eyre.
Bonjour,
Aujourd’hui, je souhaite m’adresser directement à toutes les personnes qui ont déjà été victimes de harcèlement sexuel, d’agression sexuelle et de discrimination fondée sur le sexe, le genre, l’identité de genre ou l’orientation sexuelle dans l’exercice de leurs fonctions au sein du ministère de la Défense nationale, des Forces armées canadiennes ou du Personnel des Fonds non publics, Forces canadiennes.
Cela comprend vos amis, votre famille et vos collègues.
Je tiens surtout à reconnaître les personnes visées par le règlement du recours collectif relatif à l’inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes et au ministère de la Défense nationale – que vous ayez décidé ou non de présenter une demande.
Les présentes excuses s’adressent à chacun d’entre vous.
En ma qualité de sous-ministre de la Défense nationale, je souhaite présenter des excuses officielles pour les préjudices causés par l’inconduite sexuelle au sein du ministère de la Défense nationale du Canada.
Malgré les efforts qu’ils ont consentis, mon organisation et sa direction – de concert avec les dirigeants des Forces armées canadiennes – n’ont pas réussi à protéger nos effectifs, le personnel des FAC et les employés du Personnel des Fonds non publics contre un large éventail de comportements dommageables.
À toutes les personnes qui ont été exclues, harcelées, humiliées, rabaissées ou agressées alors qu’elles travaillaient au ministère de la Défense nationale, ou encore, qui ont été blessées par des personnes travaillant au ministère de la Défense nationale… je m’excuse sincèrement.
À toutes les personnes qui ont subi des représailles lorsqu’elles ont tenté de signaler l’expérience vécue ou d’obtenir de l’aide… je m’excuse sincèrement.
À toutes les personnes à qui on a dit de façon explicite ou implicite que leur sécurité ne comptait ou ne compte pas… qu’elles ne faisaient pas partie intégrante de l’Équipe de la Défense… qu’elles avaient fait quelque chose pour mériter leur sort… ou qu’elles n’étaient pas suffisamment importantes pour que leurs expériences soient prises au sérieux, examinées ou traitées… je m’excuse sincèrement.
Si vous – en tant que parent, conjoint, partenaire, enfant ou autre membre de la famille – avez vu un être cher ou un ami supporter le fardeau de ses expériences de vie pendant des jours, des mois, des années, voire des décennies, et avez absorbé la douleur persistante en le voyant faire ainsi… je m’excuse sincèrement.
Si, en tant que témoin d’inconduite sexuelle, vous vous êtes senti impuissant après avoir vu la façon dont les dirigeants ont réagi ou n’ont pas réagi… je m’excuse sincèrement.
Et à tous les membres actuels et anciens de l’Équipe de la Défense : je m’excuse sincèrement, parce qu’en raison de l’inaction de nos deux institutions, un sentiment d’autorité mal appliqué et une dynamique de pouvoir malsaine persistent depuis bien trop longtemps au sein du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes.
Pour trop de gens, cette réalité a donné lieu à la création d’un milieu de travail où tous ne se sentent pas soutenus, respectés et en sécurité.
Aujourd’hui, je m’excuse aussi du fait que mon institution a exacerbé le tort causé à nos employés, aux militaires et au personnel, par exemple, par l’entremise de systèmes qui ont été conçus dans le but d’aider les personnes affectées, mais qui ont plutôt créé des obstacles pour elles.
Dans des cas trop nombreux,
le mépris délibéré ou
l’ignorance arrogante
n’ont fait qu’empirer les conséquences entraînées par le préjudice.
Au sein de notre Équipe de la Défense, des gens – enhardis par un sentiment erroné d’autorité, de puissance ou de privilège – ont causé de grands préjudices à des subalternes ou à des membres de leur équipe immédiate.
Il n’est aucunement possible de justifier de tels abus de confiance et manques de responsabilité. Cette trahison est d’autant plus pénible au sein d’une organisation comme la nôtre, où la confiance, l’honneur et l’esprit d’équipe sont à la base de notre raison et notre façon de servir les Canadiens.
En tant que dirigeants, nous n’avons pas toujours collectivement tenu ces personnes responsables de leurs actions de manière uniforme et adéquate. Dans certains cas, nous leur avons permis d’exercer d’autres fonctions, de causer des préjudices différents et de perpétuer le cycle de toxicité et de tort ailleurs.
Pour cet échec, je suis vraiment désolée.
J’offre mes excuses avec humilité et j’éprouve une tristesse profonde face à la grande souffrance infligée. Par ailleurs, je ne m’attends aucunement à ce que mes mots suffisent pour réparer les préjudices résultants.
Les paroles que j’offre ne sont qu’une des nombreuses actions futures en cours visant à corriger les torts passés et actuels, ainsi qu’à appuyer chacun dans son cheminement vers la guérison, dans la mesure du possible.
Je ne peux pas parler pour les autres, et je ne le ferai pas. Je ne porterai pas non plus de jugements sur la décision de quiconque à parler de sa vérité ou à garder le silence.
Nous devons tous composer avec nos propres expériences et y donner suite de la manière qui nous convient.
Sur le plan personnel, j’ai été témoin au cours de ma carrière de misogynie, d’homophobie, d’initiation, d’exclusion, de mépris affiché et d’abus d’autorité de divers degrés, comportements typiquement justifiés comme servant à nourrir l’esprit de corps.
Lorsque je réfléchis à mon propre service dans la Marine, j’ai du mal à accepter les décisions que j’ai prises il y a quelques décennies en choisissant de fermer les yeux sur des comportements qui me ciblaient, lesquels s’inscrivent dans cette dynamique de pouvoir malsaine.
La vérité, c’est que j’avais peur : je pensais qu’en signalant ce comportement… en portant plainte… en protestant… on allait m’empêcher d’apporter une contribution et on jugerait que les femmes sont « faibles » et que nous ne sommes pas résistantes.
Ainsi, j’ai enduré les choses qui m’arrivaient ou se passaient autour de moi, dans l’espoir de prouver que j’étais suffisamment endurante et que je méritais d’être là.
Ce que je ne comprenais pas à l’époque, c’est que de tels comportements n’avaient rien à voir avec moi, mais découlaient plutôt d’abus de pouvoir.
Aucune personne ayant subi une quelconque forme de harcèlement ou de mauvais traitement au sein de l’Équipe de la Défense ne doit se croire ou se faire sentir coupable par un membre ou un élément de l’une ou l’autre des institutions.
Nous ferons ce qui est juste – pour les personnes blessées comme pour l’avenir de la Défense nationale.
L’Équipe de la Défense entreprend déjà des travaux pour proposer des changements fondamentaux visant des éléments clés des systèmes, des processus et de la gouvernance au sein des FAC.
Par exemple, la manière dont nous nous y prenons pour prévenir et aborder l’inconduite sexuelle, apporter du soutien aux personnes affectées, renforcer la justice militaire et veiller à harmoniser davantage la composante militaire et civile dans le but de protéger le personnel de l’organisation.
Alors que nous allons de l’avant, nous nous engageons à adopter une approche axée davantage sur la consultation, la collaboration et la transparence, ainsi qu’à être plus conscients de nos actions et des résultats escomptés.
Dans le fond, nous voulons tous former une équipe solide, sécuritaire et unie qui défend ce qui est juste et bon, et qui prend à cœur notre devoir de prendre soin les uns des autres. Pas seulement par nos paroles ou nos déclarations inspirantes, mais également par nos actions.
Une telle culture axée sur l’inclusion et un véritable esprit d’équipe rayonnera lorsque nous choisirons, sur le plan individuel comme sur le plan collectif, d’éliminer les comportements qui ne sont pas dans l’intérêt fondamental de notre équipe ou de notre pays.
Lorsque nous accepterons le fait que ce changement n’est pas qu’agréable; il est impératif.
En nous engageant tous à faire ce qui est juste en tant qu’individus…
… et à nous tenir responsables de nos actions…
… les personnes qui forment le Ministère et les Forces armées canadiennes veilleront à ce que nous ayons la volonté institutionnelle pour mettre en œuvre et mener à terme les changements nécessaires.
Nous pouvons y parvenir – je sais que nous le pouvons – et ensemble, nous pouvons instaurer une culture respectueuse, sûre et durable pour l’Équipe de la Défense dont les Canadiens et chacun d’entre nous peuvent être fiers.