Discours prononcé par la ministre de la Défense à l'occasion de la conférence de presse portant sur la publication du rapport final de l'honorable Louise Arbour

Discours

Le 30 mai 2022 – Ottawa (Ontario)

Tel que prononcé

Merci beaucoup, Madame Arbour.

Lors de conflits mondiaux, de feux de forêt et d’inondations, et tout au long de la pandémie de COVID-19, les membres des Forces armées canadiennes ont risqué leur vie et leur santé pour protéger la population canadienne.

Les Forces armées canadiennes accomplissent un travail dangereux et consentent d’immenses sacrifices pour assurer la sécurité des Canadiens et des Canadiennes. Nous avons contracté envers elles une dette énorme.

L’obligation la plus fondamentale que nous avons envers nos militaires est de veiller à ce que leur lieu de travail soit un endroit où tout le monde se sent en sécurité, protégé et respecté par ses propres collègues.

En avril dernier, mon prédécesseur, le ministre Sajjan, a demandé à l’ancienne juge de la Cour suprême, Louise Arbour, de procéder à un examen externe complet et indépendant des politiques et de la culture des Forces armées canadiennes et du ministère de la Défense nationale.

Notre gouvernement a demandé à Mme Arbour de mener à bien cette tâche critique, compte tenu de la prévalence du harcèlement et de l’inconduite sexuelle au sein de l’organisation, de même que du fait que les efforts existants déployés pour remédier aux problèmes systémiques ne sont pas parvenus à atteindre les objectifs fixés.

Aujourd’hui, je confirme avoir reçu et accepter la totalité du rapport final de Mme Arbour. Je suis heureuse de rendre le rapport public, et surtout, l’ensemble de recommandations réfléchies qu’il présente et que j’accueille. Ce rapport orientera les efforts continus et concertés de l’Équipe de la Défense dans le but d’améliorer et de développer la culture de notre institution.

Aujourd’hui, je confirme que j’ai reçu et examiné en profondeur le rapport final de Mme Arbour. J’ai le plaisir de partager publiquement ce rapport, et en particulier sa série de recommandations, qui vont guider nos efforts pour améliorer et renforcer la culture de cette institution.

Il s’agit d’un rapport approfondi, présentant 48 recommandations concrètes pour remédier à un large éventail de questions – entre autres, la définition de l’inconduite sexuelle, le système de justice militaire, les collèges militaires et le rôle du Centre d’intervention sur l’inconduite sexuelle – afin que nous puissions rebâtir la confiance.

Je me suis entretenue avec le premier ministre ce matin, et je dois tout d’abord préciser que nous reconnaissons entièrement les problèmes importants que Mme Arbour a soulevés, et nous lui savons gré d’avoir mené cet examen profond.

Je comprends que certains puissent exprimer du scepticisme quant à notre capacité à accomplir cette réforme, ainsi qu’à notre engagement à la mener à bien.

Je crois sincèrement que le moment est venu d’apporter un changement. Et nous nous attendons à ce que les Forces armées canadiennes et le ministère de la Défense nationale entreprennent d’importantes réformes qui résisteront à l’épreuve du temps.

Initiatives en cours axées sur le changement de culture

Avant d’aborder le rapport, je passerai en revue plusieurs initiatives en cours visant à réformer la culture des Forces armées canadiennes, dont bon nombre correspondent étroitement aux recommandations de Mme Arbour.

  • L’année dernière, nous avons lancé le groupe Chef – Conduite professionnelle et culture, sous la direction de la lieutenante-générale Carignan. Ce groupe élabore actuellement une stratégie globale de changement de culture, qui devrait être publiée en décembre, et je remercie sincèrement la lieutenante-générale Carignan pour son leadership.
  • Au cours de la dernière année, nous avons aussi élargi la portée, l’indépendance et les services du Centre d’intervention sur l’inconduite sexuelle. Grâce aux efforts déployés par Denise Preston et par de nombreuses autres personnes au CIIS, les membres des Forces armées canadiennes, les employés de la Défense nationale et les vétérans peuvent tous recevoir le même soutien de qualité élevée lorsqu’ils en font la demande, y compris par l’intermédiaire de la ligne de secours confidentielle du CIIS, accessible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.
  • En outre, le CIIS coordonne un programme de démarches réparatrices à l’intention des personnes inscrites au recours collectif Heyder-Beattie visant le MDN et les FAC et des membres de l’Équipe de la Défense affectés par l’inconduite sexuelle. Ce programme permet à notre institution d’entendre les propos de milliers de personnes inscrites au recours collectif qui ont été victimes d’inconduite dans notre milieu de travail, afin que leurs expériences puissent orienter nos efforts en matière de changement de culture.
  • De plus, nous définissons nos attentes en matière de conduite pour tous nos militaires par le biais du nouvel Éthos des Forces armées canadiennes, appelé Digne de confiance pour servir, qui sera publié prochainement.
  • Par ailleurs, nous renforçons et modernisons le système de justice militaire. La Déclaration des droits des victimes, qui entrera en vigueur le mois prochain, accordera aux victimes d’infractions d’ordre militaire les mêmes droits que ceux dont jouissent les victimes dans le système de justice pénale civil.
  • Enfin, le 4 novembre 2021, j’ai accepté une recommandation provisoire de Mme Arbour visant le transfert du système de justice militaire au système de justice civil des enquêtes et des poursuites relatives aux infractions de nature sexuelle au Code criminel.

En effet, depuis que nous avons reçu cette recommandation, nous avons travaillé étroitement avec des partenaires fédéraux, provinciaux et territoriaux afin d’entamer la transmission aux autorités civiles des agressions sexuelles et des infractions criminelles. J’ai écrit aux ministres provinciaux et territoriaux concernés, tout en tenant Mme Arbour au fait des progrès que nous réalisons tout au long du processus.

Par exemple :

  • En janvier, la GRC a commencé à accepter les nouveaux dossiers qui lui ont été acheminés par les Forces armées canadiennes.
  • En février, le ministère de la Sécurité publique du Québec a conseillé à son service de police d’accepter les nouveaux dossiers et les transferts en fonction de sa capacité et a souligné qu’un protocole détaillé était en cours d’élaboration.
  • Plusieurs services de police municipaux et locaux ont également accepté des transferts de façon ponctuelle.

Je remercie mes collègues, les ministres Lametti et Mendicino, de leur collaboration alors que nous menons ce changement; je reconnais toutefois qu’il reste encore du travail à faire. À cet égard, j’écrirai à nos partenaires provinciaux et territoriaux cette semaine pour les renseigner sur la voie vers l’avenir.

Afin que le processus de transfert des cas se fasse en douceur, nos responsables collaboreront plus étroitement avec les autorités provinciales et territoriales. Nous élaborons des plans en vue de la mise sur pied d’une table intergouvernementale officielle pour concevoir des processus de transfert durables, lesquels serviront bien à long terme les membres des Forces armées canadiennes.

Réponse au rapport de Mme Arbour

Maintenant, permettez-moi d’aborder les nouvelles mesures que nous prendrons pour donner suite aux 48 recommandations formulées dans le rapport de Mme Arbour.

D’abord et avant tout, Mme Arbour jette les fondements de ce que j’appelle les piliers de la procédure. Il y en a deux :

  • Dans un premier temps, elle recommande que j’informe le Parlement d’ici la fin de 2022 de toute recommandation que nous n’avons pas l’intention de mettre en application, et je m’engage à le faire.
  • Dans un second temps, en réponse à la dernière recommandation formulée par Mme Arbour, je nommerai un contrôleur externe qui sera chargé de surveiller la mise en œuvre des recommandations. Le contrôleur externe relèvera directement de moi et publiera régulièrement des rapports publics.

Notre réponse à toutes les recommandations sera claire, ouverte et axée sur la collaboration.

Je peux annoncer que nous commençons immédiatement à travailler, ou à poursuivre les efforts déjà en cours, pour mettre en œuvre dix-sept (17) de ces recommandations, soit plus d’un tiers.

Cependant, la mise en application de certaines des recommandations les plus importantes requiert analyse approfondie, planification et consultations; ainsi, nous mettrons au point des plans pour donner suite à ces recommandations restantes aussi rapidement que possible, et nous ferons état de nos progrès au Parlement.

Je vais maintenant parler des recommandations auxquelles nous donnerons suite immédiatement, soit par des initiatives nouvelles, soit en renforçant des programmes déjà en place.

Permettez-moi de présenter certains domaines clés :

D’abord, Mme Arbour recommande une réforme du Centre d’intervention sur l’inconduite sexuelle – qui représente une ressource importante pour nos employés et nos militaires qui ont été victimes d’inconduite sexuelle. Cette réforme porterait sur un certain nombre d’aspects.

  • Les recommandations nos 12 et 13 de Mme Arbour visent à renommer le CIIS pour lui donner le nom de Centre de ressources sur l’inconduite sexuelle, et à transformer le rôle du CIIS afin que le Centre se consacre essentiellement à fournir des ressources aux plaignantes, aux victimes et aux survivantes d’inconduite sexuelle. J’accepte ces recommandations.
  • La recommandation no 14 de Mme Arbour consiste à faire en sorte que le CIIS facilite un accès immédiat à de l’assistance juridique pour les victimes d’inconduite sexuelle partout au Canada, et j’accepte aussi cette recommandation. Nous rendrons l’assistance juridique accessible aux victimes à l’échelle du pays, pour toute question liée à l’inconduite sexuelle dans les Forces canadiennes.
  • J’accepte également et je vais mettre en œuvre les recommandations nos quinze (15), dix-sept (17) et dix-huit (18), qui reflètent les améliorations au rôle et à la structure du Centre d’intervention sur l’inconduite sexuelle.
  • Je vais maintenant aborder les changements recommandés aux processus de recrutement et de formation des Forces armées canadiennes – plus précisément, les recommandations nos vingt (20) à vingt-deux (22).
  • J’accepte toutes ces recommandations. Nous allons créer des périodes probatoires pour mieux évaluer les recrues, nous allons externaliser certaines fonctions de recrutement et augmenter la compétence professionnelle des recruteurs, et nous allons veiller à ce que les attitudes problématiques sur la culture et sur les enjeux liés au genre soient abordées tôt.

Poursuivons avec les recommandations portant sur les promotions, la sélection, la planification de la relève et la gestion de carrière.

  • Tout d’abord, je dois dire que depuis ma nomination, j’ai choisi d’ajouter une évaluation externe au processus de promotion des hauts dirigeants. Ce processus servira de base à d’autres réformes en matière de promotion et de sélection.
  • Selon la recommandation no 32 de Mme Arbour , lorsque j’approuve les promotions des officiers généraux, je devrais être aidée par un conseiller civil principal qui n’appartient pas à l’Équipe de la Défense et veiller à ce que les officiers généraux reflètent la composition démographique de notre pays. J’accepte cette recommandation.
  • J’accepte également les recommandations nos  trente-trois (33) et trente-cinq (35) de Mme Arbour, qui visent à améliorer les processus d’évaluation et de certification des officiers généraux, ainsi que des autres officiers et sous-officiers.

Et enfin, permettez-moi d’aborder les recommandations de Mme Arbour concernant le renforcement du contrôle interne et externe.

  • Dans ses recommandations nos 41 et 42, Mme Arbour propose que le Sous-ministre adjoint (Services d’examen) m’informe directement de toutes les enquêtes liées au harcèlement sexuel, à l’inconduite sexuelle et à la culture de leadership au sein de l’Équipe de la Défense, ainsi que des statistiques et activités liées à certains types particuliers d’enquêtes. J’accepte ces recommandations.
  • La recommandation no 45 de Mme Arbour suggère que le Chef, Conduite professionnelle et culture héberge une base de données publiques pour les recherches et politiques concernant le harcèlement et l’inconduite sexuels, le genre, l’orientation sexuelle, la race, la diversité et l’inclusion, ainsi que le changement de culture. J’accepte cette recommandation, et nous travaillerons à sa mise en œuvre.
  • Et, comme je l’ai déjà mentionné, j’accepte les recommandations nos  quarante-sept (47) et quarante-huit (48). Je vais informer le Parlement de toute recommandation que nous choisissons de ne pas mettre en œuvre, et je vais nommer un moniteur externe pour assurer la mise en œuvre, qui me rendra des comptes.

Trois domaines de changement systémique

Je vais maintenant aborder trois autres sections du rapport de Mme Arbour, en plus des recommandations auxquelles nous donnons suite immédiatement. Ces trois sections portent sur le changement systémique – et au cours des prochains mois, nous étudierons, analyserons et élaborerons des plans pour y répondre.

  • La recommandation no 5 de Mme Arbour préconise que les infractions sexuelles visées par le Code criminel soient complètement retirées de la compétence du système de justice militaire, comme elle l’a exposé aujourd’hui, et que ces infractions fassent l’objet de poursuites devant les tribunaux criminels civils. C’est un changement de système qui est recommandé, et nous l’examinerons très sérieusement, tandis que la recommandation provisoire de Mme Arbour sera en vigueur.
  • La recommandation no vingt-neuf (29) souligne la nécessité de régler les problèmes de culture qui existent depuis longtemps sur les campus du Collège militaire royal de Kingston et de St-Jean. Aucun de nos élèves-officiers ne devrait faire l’objet de harcèlement ou de discrimination pendant son séjour à un Collège militaire royal.

Les Canadiens peuvent être assurés qu’au cours des prochains mois, nous allons travailler pour créer un milieu d’apprentissage plus sûr et plus inclusif pour nos élèves-officiers, notamment en adoptant la recommandation de Mme Arbour d’élargir la portée de l’entrevue de départ pour y inclure les expériences des élèves-officiers en matière d’inconduite sexuelle ou de discrimination.

  • Enfin, les recommandations nos 36 à 40 portent sur l’évidente nécessité d’améliorer la diversité des hauts dirigeants de l’organisation, un objectif qui me tient à cœur. Je suis tout à fait d’accord : nous devons prendre des mesures pour établir des objectifs clairs en matière de diversité au sein de nos forces et pour atteindre ces objectifs – afin que cette institution cruciale représente la composition démographique de notre pays.

Mise en œvre et responsabilisation

Il me faut maintenant traiter de la voie que nous suivrons après la publication de cet important rapport.

J’ai communiqué régulièrement avec Mme Arbour depuis ma nomination. Je peux confirmer que nos points de vue sur le problème et sur la façon dont nous devrions le traiter concordent.

Même si j’ai énuméré 17 recommandations de Mme Arbour dont l’application est en cours ou auxquelles nous donnerons suite immédiatement, ce n’est que le commencement de notre réponse.

Nous agirons rapidement pour analyser, examiner et planifier notre réponse à chacune des recommandations de Mme Arbour. Je ferai moi-même une évaluation afin de déterminer si et quand nous pourrons mettre en œuvre ces recommandations de façon efficiente et efficace.

Il ne fait aucun doute que nous allons travailler avec les groupes de survivantes et de victimes, et ce, tout au long de notre parcours. Je vais rencontrer ces parties prenantes dans les semaines à venir pour comprendre et entendre leur point de vue sur les recommandations de ce rapport.

De plus, afin de nous assurer que notre institution donne suite aux recommandations de Mme Arbour et d’autres examinateurs externes, nous avons créé le Comité de mise en œuvre de l’Examen externe complet et indépendant – ou CEECI – plus tôt cette année. Le CEECI coordonnera et supervisera notre plan d’action fondé sur les rapports contenant toutes ces recommandations, et veillera à ce que rien ne passe entre les mailles du filet.

En outre, nous tiendrons les Canadiens et les Canadiennes au courant de ce travail important au moyen de présentations trimestrielles et de l’outil de suivi en ligne des Voies du progrès. Cet outil de suivi est accessible au public et donne un aperçu de chacune de nos lignes d’effort en matière de conduite et de changement de culture.

Conclusion

Permettez-moi maintenant de conclure.

En décembre dernier, le général Eyre, l’ancienne sous-ministre Jody Thomas et moi-même avons présenté nos excuses les plus sincères aux personnes qui ont souffert du fléau de l’inconduite et du harcèlement sexuels au service de notre pays.

J’étais alors convaincue, et je le suis encore, que les excuses sont plus signifiantes quand elles s’accompagnent de gestes concrets.

Je vais continuer à travailler fort chaque jour, avec le général Eyre et le sous-ministre Matthews, pour livrer des résultats.

Je remercie Mme Arbour pour son rapport complet et détaillé, qui va être une pierre angulaire de nos efforts de changement de culture à l’avenir – et je remercie tous les membres des Forces armées et du ministère de la Défense nationale qui ont contribué aux efforts de Mme Arbour.

C’est maintenant qu’il faut agir. Ensemble, nous mènerons une réforme qui résistera à l’épreuve du temps – afin de renforcer, d’améliorer et de faire croître cette institution cruciale.

Pour terminer, je me permets de reprendre les mots de Mme Arbour elle-même : « Un changement significatif reposera sur la volonté politique et la détermination des civils qui chapeautent les Forces armées canadiennes. Cependant, ce changement ne se produira pas sans le soutien des dirigeants des FAC et, ultimement, sans la bonne volonté de tous leurs membres qui, chaque jour, se voient confier le devoir de protéger notre pays, et qui le font en notre nom. »

Thank you, merci, meegwetch.

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