Allocution du ministre de la défense nationale Bill Blair au Forum d’Halifax sur la sécurité internationale de 2024
Discours
Le 22 novembre, 2024
La version prononcée fait foi
Tout d’abord, bon après-midi, chers amis. Permettez-moi aussi de souhaiter chaleureusement la bienvenue à tous ceux et celles se sont déplacés ici à Halifax.
Nous sommes aujourd’hui réunis sur le territoire traditionnel du peuple Mi’kmaq, qui vit sur ces terres depuis des générations.
C’est un véritable honneur et même un privilège de se trouver dans cette salle et d’avoir l’occasion de vous souhaiter la bienvenue au 16e Forum d’Halifax sur la sécurité internationale.
J’aimerais commencer en soulignant le travail exceptionnel d’organisation du présent forum accompli par Peter Van Praagh, Janice Stein et toute l’équipe ici à Halifax.
Je crois que vous avez grandement contribué à changer les choses pour bon nombre d’entre nous en nous offrant la possibilité de nous réunir pour apprendre les uns des autres et pour prendre part à un important dialogue. Vous nous avez fait remettre en question nos idées et nos points de vue, mais vous nous donnez par ailleurs la possibilité d’apprendre.
Je suis d’avis que c’est une chance unique pour l’ensemble de nos démocraties de pouvoir parler librement, en toute candeur et honnêteté, et d’avoir de franches conversations au sujet des défis que nous devons tous relever; des conversations qui, souhaitons-le, mèneront à une collaboration concrète entre nous tous.
Peter, vous nous donnez chaque année l’occasion de nous rassembler et de faire le point sur la défense et la sécurité. Vous faites et continuez de faire une différence, et nous exprimons nos remerciements et notre sincère gratitude à toute votre équipe qui rend cet événement possible.
Mesdames et Messieurs, quand je suis venu à Halifax l’an dernier, comme Peter l’a mentionné, j’occupais mon poste actuel depuis environ trois mois, et je sais qu’une poignée de personnes au sein de mon équipe voulaient que je vous brosse un portrait rose bonbon des efforts du Canada en matière de défense.
Elles voulaient que je vienne ici vous dire que nous étions dans une position formidable. Que tout allait bien. Mais je savais que c’était faux.
J’ai donc eu la conviction, qu’en dépit des bonnes choses que nous accomplissions et que j’ai mentionnées, je ne voulais pas vous tenir un tel discours car ça n’aurait pas été candide, franc ou honnête de ma part.
Ce forum est fait pour avoir des conversations franches et honnête entre amis. Lorsque je suis venu ici l’an dernier, j’ai donc parlé de ce que nous devions faire à l’avenir et j’ai tâché d’être honnête avec vous tous.
Le Canada devait en faire davantage. Nous devions aller de l’avant plus rapidement. Nous devions dépenser plus d’argent. Mais il n’était pas simplement question pour moi de réaliser des dépenses réclamées par nos amis ou de faire des dépenses parce que nous nous y étions engagés.
C’était parce que nous devions investir dans notre propre défense nationale.
Nous devions investir dans nos propres forces armées. Nous devions soutenir les hommes et femmes remarquables qui choisissent de revêtir l’uniforme pour servir et défendre leur pays.
Nous devions aussi remplir nos obligations. Nos obligations envers nos partenaires, nos amis et nos alliés internationaux. Nous avions pris des engagements, et je pense qu’après des décennies de sous-investissement, nous ne tenions pas nos promesses et devions en faire davantage.
Les discussions que nous avons eue ici nous a, selon moi, vraiment permis d’apprendre à aller de l’avant ensemble.
Les menaces croissantes que posent nos adversaires — Peter les a déjà bien décrites et bien entendu montrées dans la vidéo saisissante qu’il a diffusée — mais certainement les activités que mènent des adversaires comme la Chine et la Russie, l’Iran et la Corée du Nord, sont d’envergure internationale et sont en fait interreliées.
Elles visent à perturber l’ordre international qui a assuré la sécurité et la prospérité de tous, créant de l’instabilité au sein de nos propres populations et territoires.
Et elles exigent de nous une ferme intervention commune et adéquate.
Comme vous le savez tous, l’invasion brutale et illégale de l’Ukraine par la Russie perturbe directement l’ordre international fondé sur des règles ayant assuré notre sécurité pendant plus de 80 ans.
Saluons d’ailleurs le peuple ukrainien qui affronte bravement face ce défi, aux hommes et aux femmes de l’Ukraine qui sont sur les lignes de front, qui donnent non seulement leur énergie, mais aussi leur sang, et qui se battent pour la liberté et la démocratie.
Je profite aussi de l’occasion pour saluer le président du parlement ukrainien et toute la délégation ukrainienne. Merci d’avoir pris le temps d’être ici.
Votre exemple, votre force et votre détermination sont pour nous source d’inspiration.
Vous savez, j’ai souvent entendu parler de difficultés et de défis liés à l’état de l’OTAN dans le passé, mais je crois que le conflit en Ukraine et l’inspiration que suscitent ses dirigeants démontre peut-être la valeur la plus incontestable de la défense collective.
Je crois que l’OTAN telle qu’elle est aujourd’hui — et je tiens à saluer les dirigeants de l’OTAN et le leadership de plusieurs des pays participants — que nous sommes plus forts aujourd’hui.
Nous sommes plus unis. Notre détermination nous lie davantage. Nous apprenons à collaborer et nous répondons collectivement à l’appel d’en faire plus ensemble.
À mon avis, l’intention de Vladimir Poutine en 2022 était d’affaiblir l’OTAN, et je crois qu’il a pleinement échoué sur ce point.
Il a plutôt raffermi notre volonté de défendre l’Ukraine et de travailler ensemble. Je tiens tout particulièrement à souligner le remarquable travail qu’a accompli le secrétaire américain à la Défense Lloyd Austin en unissant alliés et partenaires dans le cadre du Groupe de contact sur la défense de l’Ukraine (GCDU), ainsi que les dirigeants de l’OTAN qui ont contribué à ce regroupement.
La menace que pose la Russie pour notre sécurité collective va bien au-delà de son attaque contre l’Ukraine. Le pays demeure fort capable de déployer des forces aériennes et navales et des missiles dans toute l’Europe ainsi que dans l’Arctique pour menacer l’Amérique du Nord.
Et comme nous le savons, la Russie affirme sa dominance stratégique à travers le globe au moyen de cyberintrusions, de campagne de désinformation mondiale et du financement de groupes armés et d’organisations terroristes.
Ces actions posent non seulement une menace pour l’Europe et l’Amérique du Nord, mais aussi pour l’OTAN, pour tous nos alliés et pour nos intérêts partout dans le monde.
Je crois aussi qu’il est important de reconnaître que la Chine fait de plus en plus étalage de son pouvoir et se sert de sa puissance économique pour faire avancer son objectif de refaçonner l’ordre international.
Le développement de nouvelles technologies perturbatrices contribue rapidement à redéfinir les conflits et les mesures à prendre pour assurer la sécurité.
C’est l’une des raisons pour laquelle mon pays a adopté la Stratégie pour l’Indo-Pacifique dans le cadre de laquelle nous avons promis de devenir un partenaire fiable dans cette région.
Nous entreprenons maintenant une série de transits dans le détroit de Taïwan afin de préserver l’important principe de la liberté de passage dans les voies navigables internationales.
En collaboration avec nos alliés.
En collaboration avec nos amis.
Je crois que nous montrons ainsi au monde que nous sommes tous unis dans le respect de ces règles.
Je pense aussi que le travail que nous accomplissons ensemble constitue un volet important de nos efforts pour contrer l’influence grandissante de la Chine dans la région et dans le monde.
Nous subissons aussi les changements climatiques, qui ont un effet transformateur sur le paysage des menaces et dans notre propre Arctique.
Au Canada, nous constatons que notre région arctique se réchauffe à un rythme quatre fois supérieur à la moyenne globale et devient de plus en plus accessible.
Ce réchauffement fait naître de nouvelles possibilités économiques, mais attirent aussi des états de l’extérieur de l’Arctique voulant y exercer des activités et tirer profit de son vaste potentiel en matière de ressources. Plusieurs de nos adversaires prêtent maintenant attention à la région et cherchent à exploiter sa position stratégique.
L’Arctique canadien constitue un aspect clé de notre identité nationale, et nous devons garantir sa sécurité et sa souveraineté.
Dans la plus récente mise à jour de notre politique de défense parue en avril, nous avons grandement mis l’accent sur l’Arctique, car une forte présence dans la région est nécessaire.
Vous savez, je me rends souvent dans l’Arctique, et la population m’a confié que la souveraineté et la sécurité de l’Arctique ne se résument pas au survol occasionnel d’un avion ou au passage d’un navire quand les eaux le permettent.
Je leur ai dit : « D’accord, que devons-nous faire? »
La réponse était plutôt surprenante.
Ils ont parlé d’infrastructure. Nous devons construire des autoroutes. Nous devons établir des communications par fibre optique. Nous avons besoin des centrales électriques, d’usines de traitement des eaux. Nous avons besoins d’aéroports et de pistes. Il nous faut des ports en eaux profondes. Nous devons investir dans notre communauté et c’est ce qu’a décidé de faire notre pays.
Car si nous voulons maintenir la sécurité et notre sécurité collective dans l’Arctique, nous devons y assurer une présence constante et fiable, ce qui signifie que nous devrons faire d’importants nouveaux investissements
Et si nous allons mener des opérations de défense dans l’Arctique, nous devons y bâtir l’infrastructure nécessaire pour nouer et conserver des liens étroits avec les peuples autochtones et des collectivités nordiques établies dans cette région, et ainsi devenir plus forts ensemble.
Je crois que notre plus formidable atout se trouve ici-même dans cette salle. Il s’agit de notre défense collective, de la vision que nous partageons d’un monde libre et sécuritaire adhérant à des valeurs communes et respectées.
C’est pourquoi nous nous réunissons ici à l’occasion du Forum d’Halifax sur la sécurité internationale.
Et je conçois que nous ne nous entendons pas sur tout, mais en tant que démocraties, nous partageons des valeurs communes et un même désir d’assurer la sécurité et notre prospérité. Cela ne devrait jamais être mis en doute.
La prospérité nationale de chacun de nos pays et la prospérité du monde libre au complet reposent sur notre sécurité commune.
C’est cet engagement collectif à l’égard de la défense qui a contribué au renforcement de l’OTAN et au travail en partenariat pour atteindre des buts et relever des défis communs.
Par exemple, face à la pénétration de la Chine et de la Russie dans l’Arctique, nous avons récemment mis sur pied le Dialogue sur la défense du Nord avec d’autres pays arctiques aux vues similaires.
Nous savons qu’à mesure que les glaces fondent et que l’Arctique devient plus accessible à nos potentiels adversaires et pourrait facilement devenir la principale voie de passage pour les échanges commerciaux européens et asiatiques, nous devrons travailler ensemble pour assurer un avenir paisible et prospère à la région et veiller à ce que les règles internationales y soient respectés.
Permettez-mou aussi d’aborder brièvement notre relation avec les États-Unis, notre plus proche allié, ami et voisin.
La population canadienne accorde une profonde importance à cette relation, à laquelle nous nous sommes toujours fiés.
C’est une alliance sans pareil qu’illustre particulièrement le NORAD, notre commandement militaire binational qui garde un œil vigilant sur l’espace aérien de l’Amérique du Nord et sur nos vastes approches maritimes.
Le NORAD défend nos pays contrer les menaces dans le domaine aérien, et c’est pourquoi nous travaillons en partenariat avec les États-Unis pour investir de manière considérable dans la modernisation du NORAD.
Nous réalisons un investissement générationnel pour garantir que nous préservons la sécurité de notre continent, et nous sommes plus forts parce que nous y travaillons ensemble.
Mais nous renforçons aussi nos rapports avec d’autres partenaires et alliés.
Par exemple, nous nous sommes beaucoup investis dans nos échanges avec l’Australie, pays avec lequel nous entretenons des liens étroits reposant non seulement sur notre histoire, mais aussi sur notre langue commune.
Peut-être y a-t-il des différences entre nous, puisque que nous ne partageons pas tout à fait les mêmes sentiments à l’égard du cricket, mais nous faisons face à des menaces et à des adversaires communs, et nous savons que ces derniers développent rapidement de nouvelles technologies offensives.
Les guerres qui se jouent sous nos yeux en Ukraine et au Moyen-Orient montrent la nécessité de travailler ensemble et de s’adapter pour contrer d’aussi grandes menaces à la sécurité.
Et en bon politicien que je suis, je profite d’aujourd’hui pour vous faire une petite annonce.
J’ai le grand bonheur d’annoncer que le Canada et l’Australie viennent de conclure un accord pour œuvrer ensemble à la recherche sur les menaces émergentes que posent les missiles, en mettant l’accent sur la défense contre les systèmes d’armes hypersoniques.
Dans le cadre de ce nouvel accord très étroitement lié aux efforts que nous déployons collectivement pour la modernisation du NORAD, Recherche et développement pour la défense Canada collaborera avec l’Australian Defence Science and Technology Group pour concevoir une gamme de solutions.
Chaque pays devra pour cela investir 237 millions de dollars au cours des cinq prochaines années. L’Australie égalera cette contribution et nous progresserons ainsi ensemble vers les solutions nécessaires à notre défense dans ce nouveau contexte de menaces.
Enfin, laissez-moi terminer, si je le puis, en saluant les membres des Forces armées canadiennes.
J’ai le grand honneur d’être ici aujourd’hui en compagnie de notre nouvelle chef de la Défense, une commandante extraordinairement qualifiée et compétente qui a amené une nouvelle vision et vitalité à nos Forces armées canadiennes.
Le travail qu’effectuent chaque jours nos marins, nos soldats, nos aviateurs, les membres de nos Forces spéciales et nos Rangers canadiens contribue immensément à assurer la sécurité de notre pays.
Et rien de ce que nous accomplissons ne serait possible sans eux et sans le soutien de leurs familles et de leurs proches.
C’est pourquoi nous sommes absolument déterminés à continuer d’attirer les personnes les plus talentueuses d’un bout à l’autre du Canada.
Et tout aussi important, nous réalisons des progrès concrets pour que nos militaires sachent qu’ils peuvent travailler dans un milieu sécuritaire, respectueux et accueillant.
Nous avons cette obligation à leur égard et nous la remplirons.
Je crois aussi que quelque chose que j’aimerais avoir sont des conversations avec nos amis dans cette salle à ce sujet, car je pense que nous faisons tous face à l’immense défi de reconstituer nos forces armées et de veiller à recruter des candidats, de bons candidats afin de disposer de gens ayant les compétences et les valeurs adéquates pour servir dans nos forces armées.
Nous sommes fermement résolus à investir dans ces recrues, et nous saisissons chaque opportunité d’apprendre des autres comment bien y parvenir.
Je tiens aussi à souligner que le Canada est un pays diversifié et que nous avons besoin de formidables Canadiens pour répondre à l’appel et servir dans nos forces armées. Pour nous, cela englobe des femmes formidables, des candidats autochtones formidables et des gens formidables de différentes origines; ce sont tous de formidables Canadiens appelés à servir dans nos forces armées.
Comme je l’ai déjà mentionné, l’un de mes objectifs en venant ici l’an dernier était de souligner le fait que nous savions que nous devions en faire plus, mais que nous allions le faire.
Et je pense que j’ai de bonnes nouvelles à vous communiquer, car nous en faisons effectivement davantage, mû par un sentiment d’urgence.
Je souhaite explorer avec vous toutes les possibilités d’accélérer nos travaux et de cheminer rapidement sur la voie que nous avons établie par nos efforts collectifs avec nos alliés et nos partenaires de l’industrie.
Nous savons que nous pouvons et que nous devons faire mieux.
L’interconnexion à l’échelle mondiale implique qu’une menace pour l’un d’entre nous constitue une menace pour nous tous, et plus particulièrement pour ceux partageant le même engagement à l’égard de la liberté et de la démocratie.
Continuons donc d’apprendre les uns des autres. Poursuivons ces conversations. Faisons preuve de franchise et de candeur; soyons honnêtes les uns envers les autres.
Il est parfois très inconfortable de s’ouvrir avec tant de candeur. Ça peut nous paraître bien difficile vu la possibilité de se faire critiquer, mais je suis d’avis que la critique met du vent dans les voiles. Elle nous pousse par derrière et nous mène, grâce à notre réel souci collectif d’en faire plus par nécessité, à faire mieux tous ensemble.
Ensemble, nous en ferons davantage et nous le ferons mieux.
Donc, chers délégués du Forum d’Halifax sur la sécurité internationale, c’est un véritable honneur et un réel plaisir pour moi de tous vous accueillir ici aujourd’hui.
Je vous cède maintenant toute la place. Mettons-nous au travail.