Rapport annuel de 2017-2018 sur l’instruction du ministre à l’intention du MDN et des FAC : Éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements par des entités étrangères

Table des matières

  1. Introduction
  2. Politiques et procédures internes pour éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements
  3. Conclusion

1. Introduction

En novembre 2017, le ministre a publié une instruction à l’intention du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes pour éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements par des entités étrangères qui avait pour objet d’énoncer clairement les valeurs et les principes canadiens qui condamnent la torture et le mauvais traitement ainsi que l’engagement à l’égard de la primauté du droit. L’Instruction du ministre (IM) exige la fourniture d’un rapport annuel classifié au Ministre concernant son application ainsi que la publication d’une version sans classification au public. Le présent rapport annuel de 2017-2018 constitue la version sans classification du premier de ces rapports.

L’IM interdit la divulgation d’information et la formulation de demandes d’information qui se traduiraient par un risque substantielNote de bas de page 1 de mauvais traitement d’une personne par une entité étrangère et que ce risque ne peut pas être atténué. Elle interdit aussi certaines utilisations de renseignements vraisemblablement obtenus à la suite de mauvais traitements. L’IM s’applique à tous les cas d’échange d’information avec des entités étrangères. Elle exige l’évaluation continue des risques associés à l’échange d’information entre le Canada et des entités étrangères. Si les responsables qui cherchent à communiquer ou à a demander de l’information cernent un risque substantiel de mauvais traitement et ne sont pas en mesure de déterminer si le risque peut être atténué, le cas doit être renvoyé au Chef d’État-Major de la Défense (CEMD) et au Sous-Ministre (SM) à des fins de décision. Dans tous les cas, lorsque l’approbation en vue de communiquer ou de demander de l’information est accordée, car le CEMD et le SM ont déterminé que le risque substantiel peut être atténué, la justification de la détermination doit être clairement documentée. Le ministre et le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement (CPSNR), conformément à son mandat législatif, seront informés, dès que possible, des cas ayant nécessité une décision du CEMD et du SM, et ils recevront de l’information contextuelle pertinente.

Des IM identiques d’un point de vue fonctionnel ont également été publiées pour d’autres principaux ministères et organismes de sécurité et du renseignement au sein du gouvernement du Canada, en particulier le Centre de la sécurité des télécommunications (CST), le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et Affaires mondiales Canada (AMC), par leurs ministres respectifs.

L’information vraisemblablement obtenue à la suite d’un mauvais traitement infligé à une personne ne pourrait pas être utilisée :

Conformément à l’IM, le rapport classifié présenté au Ministre comprendra :

En plus du rapport annuel classifié présenté au Ministre, l’IM s’engage à davantage de transparence et de responsabilisation dans la prise de décisions en exigeant que le CPSNR obtienne autant de renseignements du rapport annuel que le Comité est autorisé à recevoir en vertu de la loi. De plus, l’IM stipule qu’une copie non classifiée du rapport annuel soit rendu publique.

En reconnaissant le vaste mandat du MDN et des FAC en ce qui concerne l’échange d’information avec des entités étrangères, l’objectif principal de ce rapport annuel portera sur l’échange d’information par l’entreprise du renseignement de défense. Le rapport décrit les mesures de responsabilisation existantes concernant les activités mandatées du MDN et des FAC. De plus, il présente les nouvelles politiques et procédures internes mises en œuvre pour faire appliquer l’IM. Aucune restriction sur les ententes en matière d’échange d’information en raison de préoccupations liées au mauvais traitement n’a été mise en place au cours de la période visée. De plus, le MDN et les FAC n’ont pas traité de cas dans lesquels le processus de prise de décision du CEMD/SM prévu dans l’IM a été appliqué au cours de la période visée.

2. Politiques et procédures internes afin d’éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements

Cadre de responsabilisation : Contexte et histoire

L’échange d’information avec des entités étrangères et avec des partenaires nationaux est essentiel à la capacité du MDN et des FAC d’entretenir de solides relations et d’éliminer des menaces à la sécurité nationale et à la défense nationale. Le MDN et les FAC ont traditionnellement mené leurs activités au sein d’un solide cadre de responsabilisation, qui est assujettie à la primauté du droit, aux directives du Cabinet, à la surveillance ministérielle, à l’autorité du SM, du CEMD, des niveaux 1 (au niveau des SMA) et des commandants opérationnels ainsi qu’aux mécanismes et organismes de surveillance interne. Les membres des FAC et les employés du MDN, y compris ceux responsables de l’échange d’information avec des entités étrangères, doivent respecter pleinement les lois canadiennes, les lois internationales applicables, ainsi que les ordonnances, les directives, les politiques et les procédures du MDN et des FAC concernant la communication et la protection de l’information.

Le MDN et les FAC ont élaboré des mesures pour évaluer l’incidence de la divulgation et de la demande d’information à certains partenaires, et le MDN et les FAC ont appliqué des mises en garde pour contrôler une divulgation de l’information à d’autres. Ces activités d’échange d’information ont été soumises à des mesures de protection additionnelles en 2011, à la suite de l’établissement du Cadre de gestion des risques liés à l’échange d’information avec des entités étrangères, qui a été élaboré pour mettre en place un processus décisionnel uniforme dans les cas où l’échange d’information avec des entités étrangères pourraient donner lieu à un risque substantiel de mauvais traitements.

Organismes de gouvernance nationaux et internationaux

L’échange d’information du MDN et des FAC avec leurs partenaires internationaux traditionnels aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Australie et en Nouvelle-Zélande – qui constituent avec le Canada le partenariat du Groupe des cinq (FVEY) – est caractérisé par une solide tradition de respect des mises en garde de chacun et le principe de droit de regard de la source. Ce respect est solidifié par l’entremise de diverses ententes et une compréhension commune des restrictions qui régissent la façon dont l’information de chaque partenaire peut être utilisée. De plus, l’échange d’information du MDN et des FAC avec l’OTAN est régi par des ententes, des politiques et des protocoles de longue date. Ces pays partenaires sont signataires des traités internationaux relatifs au droit de la personne et possèdent des mécanismes en vertu de leurs lois nationales respectives pour traiter les violations des droits de la personne.

Le MDN et les FAC ont conclu des ententes bilatérales en matière de renseignement de défense avec des partenaires qui ne font pas partie du Groupe des cinq. Ces partenariats sont tous codifiés d’un protocole d’entente (PE) ou des ententes en matière d’échange d’information qui présentent une compréhension commune des restrictions qui régissent la façon dont l’information de chaque partenaire peut être utilisée. Les relations dans le domaine du renseignement de défense se fondent également sur d’autres ententes, comme les PE techniques, les plans de travail ou les échanges de lettres, qui énoncent les règles, les normes et les attentes.

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Politiques de mise en œuvre

Pour assurer une mise en œuvre réussie de l’IM, le MDN et les FAC ont présenté deux directives au début de 2018 afin de renforcer les mécanismes de responsabilisation et de surveillance en place pour la communication, la demande et l’utilisation de l’information : la Directive du SM/CEMD sur la communication, les demandes et l’utilisation d’information : Éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements par des entités étrangères (« la Directive du SM/CEMD ») et la Directive fonctionnelle provisoire du chef du renseignement de la Défense : Échange d’information avec certains États étrangers et leurs entités (Chief of Defence Intelligence Interim Functional Directive: Information Sharing with Certain Foreign States and Their Entities) (« la Directive fonctionnelle provisoire du CRD »).

La Directive du SM/CEMD, publiée en avril 2018, établit des directives, instaure des procédures, superviser la responsabilisation et établit des mécanismes de surveillance pour la communication, la demande et l’utilisation d’information. Elle comprend un organigramme du processus décisionnel : Éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements par des entités étrangères, qui offre une représentation visuelle du processus décisionnel que les responsables du MDN et les membres des FAC doivent suivre dans trois circonstances particulières conformément à l’IM (soit pour communiquer de l’information à une entité étrangère ou pour demander de l’information auprès d’une entité étrangère ou pour utiliser de l’information obtenue d’une entité étrangère). Selon les dispositions de la Directive du SM/CEMD, chaque échange d’information avec une entité étrangère ou chaque demande d’information auprès d’une entité étrangère doit toujours être évalué au cas par pour déterminer s’il existe un risque substantiel de mauvais traitement d’une personne. S’il y a un risque substantiel de mauvais traitements ou en cas d’incertitude, une évaluation des risques doit être faite pour déterminer si le risque peut être atténué par l’entremise de mises en garde, d’assurances ou d’autres mesures. Si le risque ne peut pas être atténué, l’information ne sera pas communiquée à l’entité étrangère ou demandée auprès de celle-ci.

Dans les cas où l’information a vraisemblablement été obtenue à la suite de mauvais traitements d’une personne par une entité étrangère, l’information ne peut pas être utilisée de façon à créer un risque substantiel de mauvais traitements additionnels ou comme éléments de preuve dans des procédures judiciaires, administratives ou autres. Dans des circonstances exceptionnelles, et selon les résultats d’une évaluation des risques requise par la Directive du SM/CEMD, le CEMD et le SM pourraient autoriser l’utilisation de cette information pour priver une personne de ses droits ou libertés, parce qu’elle est nécessaire pour éviter des décès ou des préjudices physiques graves (comme la prévention d’un acte terroriste).

Relevant et agissant sous la direction du CEMD et du SM, le chef du renseignement de la Défense (CRD) est l’autorité fonctionnelle pour le renseignement de défense et est responsable de fournir des orientations et des directives sur la façon dont l’information peut être communiquée avec des entités étrangères. Afin de déterminer les entités étrangères qui présentent un faible risque de participation au mauvais traitement d’une personne, une évaluation provisoire a été menée en avril 2018. Cette évaluation est fournie dans la Directive fonctionnelle provisoire du CRD. L’évaluation est fondée sur plusieurs facteurs, qui comprennent notamment ce qui suit, l’établissement des rapports menés par d’autres ministères, alliés et organisations non gouvernementales, les lois et les traités sur les droits de la personne de l’État étranger et la relation de longue date du MDN et des FAC avec les entités de l’État étranger. Les travaux sont en cours pour rédiger une deuxième directive fonctionnelle du CRD plus exhaustive sur l’échange d’information avec des entités étrangères.

Autres mesures de mise en œuvre

a) Comité d’évaluation de l’échange d’information de la Défense (CEEID)

La Directive du SM/CEMD établit la mise sur pied d’un Comité d’évaluation de l’échange d’information de la Défense (CEEID) qui servira de groupe consultatif au CEMD et au SM dans le cadre de leurs responsabilités liées au processus décisionnel conformément à la Directive du SM/CEMD. Le CEEID évaluerait tous les cas pour lesquels le N1 ou le commandant délégué détermine qu’il existe une incertitude concernant l’atténuation possible du risque de mauvais traitements. Le CEEID évaluerait aussi les cas concernant l’utilisation de l’information qui aurait vraisemblablement été obtenue par suite de mauvais traitements, pour priver une personne de ses droits et libertés et dans des circonstances exceptionnelles, conformément à l’IM.

Le CEEID est mené par le Commandement du renseignement des Forces canadiennes (COMRENSFC) et est constitué de membres du personnel du sous-ministre adjoint (Politiques) (SMA[Pol]), de l’État-major interarmées stratégique (EMIS), du juge-avocat général (JAG), du conseiller juridique du MDN et des FC (CJ MDN/FC), des commandements opérationnels et d’autres intervenants agissant comme des conseillers au besoin. Le Bureau de coordination de la diffusion et de la divulgation (BCDD) du COMRENSFC agit comme secrétariat du CEEID.

b) Organisation du Directeur – Examen, conformité et divulgation du renseignement (DECDR)

Pour accroître les mécanismes de responsabilisation et de surveillance existants et établir un programme officiel de conformité dans l’entreprise du renseignement de défense, le COMRENSFC a créé une nouvelle direction du Directeur – Examen, conformité et divulgation du renseignement (DECDR). Bien que la Direction donnait récemment suite à l’examen du CPSNR concernant les activités du renseignement du MDN et des FAC, sa nouvelle équipe de conformité relève aussi du CRD pour l’évaluation continue de l’entreprise du renseignement de défense afin de déterminer s’il est conforme aux lois, aux ordres, aux directives et aux politiques applicables.

c) Programme de formation à l’intention des officiers/autorités de diffusion et de divulgation

En plus d’être le secrétariat du CEEID, le BCDD fournit la formation, l’orientation et des conseils techniques aux autorités de diffusion et de divulgation (ADD) et aux officiers de diffusion et de divulgation (ODD). Les ADD sont des personnes désignées, formées et accréditées qui relèvent du CRD, par le biais de la chaîne de commandement opérationnel, pour nommer les ODD et pour superviser leurs activités et fournir une orientation et des directives sur l’échange de renseignement de défense dans le contexte de leurs activités et opérations. Les ODD sont des personnes désignées, formées et accréditées qui relèvent du CRD, par le biais de la chaîne de commandement opérationnel, pour approuver ou refuser les demandes d’échange d’information avec des entités externes, conformément aux lois et aux politiques applicables.

Le BCDD a amélioré, agrandi et modernisé le programme de formation actuel des ODD et des ADD, programme qui continue d’être obligatoire pour tout le personnel responsable de l’échange du renseignement de défense avec des entités étrangères. À partir du mois de novembre 2017, la formation des ODD et des ADD comprend de nouveaux modules sur les répercussions de l’IM sur l’échange d’information avec des entités externes, sur les politiques et procédures applicables et sur les scénarios d’échange d’information basés sur des situations réelles. Au mois de janvier 2019, la formation des ODD et des ADD a été élargie passant d’un cours d’une journée à un cours de deux jours afin de tenir compte de la mise à jour du programme. Plus de 100 membres des FAC et employées du MDN du COMRENSFC, du COIC, du COMFOSCAN et d’autres organisations de N1 ont été accrédités comme ODD depuis que le programme a été mis à jour en novembre 2017.

Poursuite des efforts de mise en œuvre

a) Comité de surveillance du renseignement de la défense (CSRD)

Présidé par le SM et le CEMD et relevant du Ministre, le CSRD est le comité intégré de plus haut niveau au sein du MDN et des FAC qui fournit des directives, une orientation concernant les politiques et des décisions liées à la gestion du renseignement de défense, notamment les ententes en matière d’échange d’information. Le CRD a tenu sa première réunion en décembre 2018.

b) Orientation fonctionnelle exhaustive du CRD sur l’échange d’information avec des entités étrangères

Les travaux ont déjà commencé sur une deuxième version plus exhaustive de la Directive fonctionnelle du CRD sur l’échange d’information avec des entités étrangères, qui s’appuiera sur la Directive fonctionnelle provisoire du CRD.

3. Conclusion

Aucune restriction sur les ententes en matière d’échange d’information en raison de préoccupations liées au mauvais traitement n’a été mise en place au cours de la période de novembre 2017 à décembre 2018. De plus, le MDN et les FAC n’ont pas traité de cas dans lesquels le processus de prise de décision du CEMD/SM prévu dans l’IM a été déclenché. Depuis la publication de l’IM à l’intention du MDN et des FAC, plusieurs mesures ont été mise en œuvre pour améliorer la responsabilisation et la conformité. Cela comprenait la présentation de deux directives pour renforcer les mécanismes de responsabilisation et de surveillance en place pour ce qui est de l’échange d’information, la création du CSRD et du CEEID, la modernisation du programme de formation des ODD/ADD pour mieux appuyer les employés du MDN et les membres des FAC responsables de l’échange d’information avec des entités étrangères et la création de la nouvelle organisation du DECDR au sein du COMRENSFC. Les travaux sont en cours pour rédiger une directive fonctionnelle du CRD plus exhaustive en vue d’uniformiser les processus d’échange d’information.

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