Réponse du ministre de la Défense nationale au rapport de 2019 du Comité d’examen de la rémunération des juges militaires

1. Au nom du gouvernement du Canada, voici la réponse du ministre de la Défense nationale au rapport de 2019 du Comité d’examen de la rémunération des juges militaires (CERJM). Ce rapport a pour objectif de déterminer si la rémunération des juges militaires est satisfaisante pour la période quadriennale de 2015 à 2019.

2. Le rapport a été reçu par le ministre le 28 février 2019 et, conformément au paragraphe 165.37 (2) de la Loi sur la défense nationale (LDN), le ministre donne suite au rapport dans cette réponse officielle.

3. Le gouvernement souhaite remercier le comité pour son dévouement et sa minutie dans l’accomplissement de ses travaux. Le rapport du comité a fourni au gouvernement des recommandations, des conseils et un contexte précieux qui éclairent la réponse suivante.

Contexte

4. La création et le processus du Comité d’examen de la rémunération des juges militaires sont régis par les articles 165.33-165.37 de la LDN et sont conformes aux exigences constitutionnelles énoncées par la Cour suprême du Canada dans La rémunération des juges de la Cour provinciale (I .P.E.)), [1997] 3 R.C.S. 3, appelant à la mise en place d’un organe indépendant, efficace et objectif pour déterminer les traitements des juges. Ce processus vise à protéger l’indépendance de la magistrature en évitant les négociations directes entre les juges militaires et le gouvernement.

5. Dans le cadre de l’examen visant à déterminer si la rémunération des juges militaires est satisfaisante, le paragraphe 165.34 (2) de la LDN oblige le CERJM à prendre en considération les facteurs suivants :

  1. l’état de l’économie au Canada, y compris le coût de la vie et la situation économique et financière globale de l’administration fédérale;
  2. le rôle de la sécurité financière des juges militaires dans la préservation de l’indépendance judiciaire;
  3. le besoin de recruter les meilleurs officiers pour la magistrature militaire;
  4. tout autre facteur objectif qu’il considère comme important.

6. Bien que les recommandations du Comité ont valeur d’avis pour le gouvernement, la Cour suprême du Canada dans Bodner c. Alberta, [2005] 2 R.C.S.. 286 au para. 31 a statué qu’un gouvernement qui propose de rejeter ou de modifier des recommandations doit fournir des motifs rationnels à cet effet.

Recommandations du Comité

7. En résumé, le Comité a formulé, à l’unanimité, les recommandations suivantes dans le rapport :

  1. Rémunération : le Comité a recommandé « que la rémunération des juges militaires fasse l’objet d’une augmentation visant à leur fournir un salaire équivalent à celui des autres juges de nomination fédérale ». Cette recommandation signifierait un salaire de base d’environ 314 000 dollars par an à compter du 1er avril 2015. Le Comité ajoute que le traitement des juges militaires « devrait être indexé à compter du 1er avril 2016 et annuellement par la suite selon l’indice de l’ensemble des activités économiques du Canada et une formule analogue à celle prévue à l’article 25 (2) de la Loi sur les juges, L.R.C. (1985), ch. J-1 ». Cela signifie que la valeur de l’Industrial Aggregate Index (IAI) pour une année donnée ne doit pas être ajustée et qu’aucun plafond ne doit être appliqué à l’augmentation annuelle.
  2. Indemnité de tenue vestimentaire civile : le Comité a approuvé la proposition du gouvernement d’inclure la valeur de l’indemnité de tenue vestimentaire civile des FAC dans le traitement de tous les juges militaires.
  3. Juges de la Force de réserve : le Comité a également approuvé la proposition du gouvernement concernant la rémunération des juges militaires de la Force de réserve en service de classe A et B. Cette proposition, selon les termes employés par le Comité, établirait leur rémunération de la même façon que celle des autres membres de la Réserve, mais cette rémunération serait fondée sur le salaire d’un juge militaire. De plus, ces montants seraient indexés annuellement de la même manière et en même temps que la rémunération des juges militaires de la Force régulière.
  4. Indemnité des faux frais : le Comité recommande que les juges militaires reçoivent la même indemnité que celle qui est accordée aux juges des cours supérieures depuis septembre 2018.
  5. Indemnité du juge militaire en chef : le Comité a recommandé que l’indemnité additionnelle du juge militaire en chef ne soit pas modifiée.

Réponse du gouvernement

8. Le gouvernement accepte les recommandations 2, 3 et 5 du CERJM. En ce qui concerne la recommandation 1, le gouvernement souscrit à la recommandation du Comité selon laquelle l’IAI reste la méthode permettant d’obtenir des augmentations annuelles entre les examens quadriennaux du Comité. Le gouvernement accepte en outre que l’augmentation ne soit aucunement plafonnée, mais qu’elle reflète toute la valeur de l’IAI pour l’année. Cependant, pour les raisons indiquées ci-dessous, le gouvernement refuse respectueusement d’accepter la recommandation voulant que les juges militaires reçoivent un traitement égal à celui des juges des cours supérieures nommés par le gouvernement fédéral. Il refuse également d’accepter la recommandation du Comité selon laquelle les juges militaires reçoivent la même indemnité de faux frais que celle versée aux juges des cours supérieures depuis septembre 2018.

9. Le gouvernement justifie cette décision de la manière suivante :

Rémunération

10. Devant le Comité, le gouvernement avait proposé une augmentation unique de 16 % à compter du 1er septembre 2015. Cela porterait le traitement des juges militaires à 267 000 dollars par an et serait suivi d’une indexation annuelle fondée sur l’IAI. Le gouvernement est parvenu à cette proposition sur la base des tendances historiques et des comparateurs pertinents pour le salaire des juges militaires, ainsi qu’à la suite de son examen attentif des facteurs énoncés à l’article 165.34 de la LDN. Ce sont les mêmes facteurs que le CERJM doit prendre en compte dans la conduite de son examen. Il existe trois facteurs spécifiquement énumérés (la situation économique actuelle, la garantie de l’indépendance judiciaire et le recrutement de candidats exceptionnels), ainsi qu’un facteur plus flexible (tout autre critère objectif jugé pertinent par le Comité).

11. Bien que le Comité ait mentionné à plusieurs reprises dans son rapport qu’il ne pouvait pas être convaincu que la rémunération était suffisante sur la base d’un seul critère, il a néanmoins permis à un facteur unique - à savoir les salaires des juges des cours supérieures nommés par le gouvernement fédéral - de l’emporter sur toutes autres considérations. Le Comité n’a pas clairement expliqué comment ce facteur s’intégrait dans le cadre de critères statutaires requis par la LDN. Le Comité semble plutôt avoir fondé sa recommandation quant au salaire sur un raisonnement davantage basé sur des préoccupations philosophiques concernant la parité au niveau fédéral.

12. Le Comité a notamment formulé sa recommandation sur les salaires tout en reconnaissant explicitement que l’augmentation de salaire proposée par le gouvernement était satisfaisante. Plus précisément, le Comité a reconnu que la proposition du gouvernement (1) constituait une augmentation significative; (2) satisfaisait au critère de l’indépendance judiciaire; et (3) attirait des candidats exceptionnels. En ce qui concerne les trois premiers facteurs spécifiques à prendre en compte, le Comité a indiqué ce qui suit :

  1. De façon générale, la preuve déposée montre que le facteur de nature économique n’a pas une incidence très importante sur la détermination du caractère adéquat du salaire. Le gouvernement du Canada propose donc une simple augmentation, qu’il juge cependant importante, au salaire de base actuel.
  2. Le Comité est d’accord que le salaire proposé par le gouvernement ne serait pas considéré par une personne raisonnable et bien renseignée comme étant inférieur à ce qui est requis pour satisfaire l’exigence d’indépendance. Il n’est cependant pas suffisant de se satisfaire de ce critère.
  3. En ce qui concerne le rôle de la sécurité financière pour la préservation de l’indépendance judiciaire, le Comité reconnaît que le salaire proposé par le gouvernement serait suffisant pour garantir l’indépendance judiciaire. Le Comité est cependant d’avis qu’il ne faut pas se contenter du minimum requis à cette fin et qu’il est impossible de fixer le traitement adéquat en fonction de cette norme seulement. Le Comité est convaincu que tout candidat est avant tout motivé par le désir de devenir juge et donc par la fonction même.
  4. Enfin, pour ce qui est du besoin de recruter les meilleurs officiers pour la magistrature militaire, il est évident que le salaire n’est pas le facteur déterminant. Par contre, le salaire ne doit pas décourager les meilleurs candidats. Le Comité est d’accord que la proposition du gouvernement serait satisfaisante. Toutefois, il serait inapproprié de décider du salaire adéquat seulement en fonction de ce critère. Lorsque l’on considère les candidatures à des postes au sein des cours supérieures, les salaires offerts ne vont pas nécessairement décourager les meilleurs candidats, mais leur niveau ne semble pas être fixé dans le but d’attirer des candidats puisque le nombre de candidats est déjà suffisant dans tous les cas. Il a d’ailleurs déjà été démontré qu’un très grand nombre de candidats vont obtenir un salaire bien supérieur à celui qu’ils ont déjà. Il n’y a pas de différence à établir dans le cas des juges militaires. Notre détermination concernant ce critère est tout simplement d’accepter qu’un salaire approprié en soit un qui permet le recrutement raisonnable et stable.

13. Malgré ce qui précède, le Comité a conclu que le traitement des juges militaires devrait être identique à celui des autres juges nommés par le gouvernement fédéral. Aucune justification ni explication n’a été fournie pour s’appuyer sur ce seul critère décisif pour déterminer le caractère satisfaisant de la rémunération des juges militaires. Le Comité a simplement indiqué qu’ils avaient une formation équivalente et remplissaient des fonctions analogues à celles d’autres juges nommés par le gouvernement fédéral.

14. Bien que la rémunération des juges nommés par le gouvernement fédéral soit certainement un critère qui puisse être pris en compte, le gouvernement ne peut accepter sans comparaison et explication supplémentaires que l’appartenance à la magistrature fédérale devrait être la considération primordiale lors de la détermination du caractère adéquat de la rémunération des juges militaires. Le Parlement a pris la décision de créer un CERJM spécifique, régi par la LDN et non par la Loi sur les juges, ce qui est cohérent et reflète la réalité unique et distincte du système de justice militaire canadien.

15. Le Comité semble fonder sa recommandation quant aux salaires sur un raisonnement davantage axé sur la parité pour les juges nommés par le gouvernement fédéral que sur les données concernant le salaire actuel et les comparateurs dont il disposait. Par exemple, le Comité ne semble pas considérer le fait que le travail des juges militaires ressemble davantage à celui des juges des cours provinciales qui siègent en matière criminelle qu’à celui des juges des cours supérieures; ne tient pas compte de la charge de travail des différents acteurs de l’appareil judiciaire; et, tout en mentionnant que la formation des juges militaires est équivalente à celle des juges fédéraux, ne mentionne pas la formation d’autres acteurs de l’appareil judiciaire. Ces autres acteurs comprennent les juges fédéraux, les juges provinciaux et les protonotaires. Un exercice comparatif significatif serait nécessaire pour conclure que seul un de ces analogues potentiels constitue le seul repère acceptable. De l’avis du gouvernement, le Comité n’a pas clairement établi le lien qui serait nécessaire pour faire du traitement des juges des tribunaux supérieurs le facteur déterminant à l’exclusion de tous les autres.

16. En considérant l’économie canadienne, le gouvernement doit adopter une vision à la fois actuelle et prospective. Même si le Comité procède à un examen général de la situation économique actuelle, le gouvernement doit également examiner les développements en commerce international et dans les relations internationales susceptibles de peser sur l’évolution technologique, économique, inégale et engendrant des risques; les risques liés au changement climatique pour l’économie; et d’autres problèmes structurels persistants dans l’économie canadienne.

Indemnité des faux frais

17. Le Comité recommande que les juges militaires reçoivent la même indemnité que celle versée aux juges des cours supérieures. Aucune preuve n’est fournie quant à la nécessité ou à l’utilité de fournir cette indemnité. Étant donné que le bureau du juge militaire en chef dispose d’un budget pour la formation, les dépenses, le matériel, etc., l’ajout de cette indemnité n’ajoute aucune valeur et n’a aucun but précis. En l’absence de toute justification à l’appui de cette recommandation, le gouvernement refuse respectueusement d’accepter cette dernière.

Conclusion

18. Le gouvernement est heureux d’accepter intégralement les recommandations 2, 3 et 5 du CERJM. Bien que le gouvernement n’accepte pas les autres recommandations pour les raisons exposées ci-dessus, il est disposé à augmenter de façon considérable le traitement de base actuel des juges militaires, après avoir soigneusement examiné et pris en compte les recommandations du Comité et à la lumière des facteurs énumérés au paragraphe 165.34 (2) de la LDN. Le gouvernement a déterminé que la rémunération des juges militaires devrait être fixée à 267 000 dollars à compter du 1er septembre 2015 et que l’IAI, sans ajustement, continue d’être utilisé pour augmenter la rémunération des juges militaires entre les mandats du Comité. Le gouvernement a inclus la valeur annuelle de l’indemnité de tenue vestimentaire civile des FAC dans le salaire annuel des juges militaires.

Détails de la page

Date de modification :