Réponse du ministre de la Défense nationale au rapport publié en 2024 par le Comité d’examen de la rémunération des juges militaires

Au nom du gouvernement du Canada, voici la réponse du ministre de la Défense nationale au rapport de 2024 du Comité d’examen de la rémunération des juges militaires (CERJM). Ce rapport a pour objectif de déterminer si la rémunération des juges militaires est satisfaisante pour la période quadriennale du 1er septembre 2019 au 31 août 2023.

Le rapport a été reçu par le ministre le 31 janvier 2024 et, conformément au paragraphe 165.37(2) de la Loi sur la défense nationale (LDN), le ministre y donne suite avec la présente réponse publique.

Le gouvernement souhaite remercier le Comité pour son dévouement et sa minutie dans l’accomplissement de ses travaux. Le rapport du Comité a fourni au gouvernement des recommandations, des conseils et une mise en contexte précieux qui éclairent sa réponse.

Avec cette réponse, le gouvernement du Canada démontre qu’il reconnaît pleinement la dimension constitutionnelle du travail de ce Comité et s’engage à veiller à ce que les juges militaires continuent de jouir de l’indépendance judiciaire, dans l’intérêt des FAC et de tous les Canadiens.  

Contexte

Il s’agit du sixième processus complet du CERJM, lequel fut établi en 1999 conformément à des modifications à la LDN entrées en vigueur peu de temps auparavant.

Le CERJM incarne l’une des protections issues du principe constitutionnel d’indépendance du pouvoir judiciaire, que la Cour suprême du Canada considère comme « l’élément vital du caractère constitutionnel des sociétés démocratiques » et comme un principe fondamental pour préserver la confiance du public dans l’administration de la justice (La Reine c. Beauregard, [1986] 2 R.C.S. 56, à la p. 70).

Plus récemment, en confirmant la constitutionnalité du double statut des juges militaires en tant que juges et officiers, la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Edwards a souligné l’importance du travail du CERJM en tant que garantie essentielle de l’indépendance judiciaire au sein du système de justice militaire (R c. Edwards, 2024 C.S.C. 15, aux paragraphes 12 et 114). La création et le processus du CERJM sont régis par les articles 165.33 à 165.37 de la LDN et sont conformes aux exigences constitutionnelles énoncées par la Cour suprême du Canada dans le Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale de l’Île-du-Prince-Édouard, [1997] 3 R.C.S. 3, appelant à la création d’un organisme indépendant, effectif et impartial chargé d’évaluer le caractère adéquat de la rémunération des juges. Ce processus vise à protéger l’indépendance de la magistrature en évitant les négociations directes entre les juges militaires et le gouvernement.

Dans le cadre de l’examen visant à déterminer si la rémunération des juges militaires est satisfaisante, le paragraphe 165.34(2) de la LDN oblige le CERJM à prendre en considération les facteurs suivants :

  1. l’état de l’économie au Canada, y compris le coût de la vie ainsi que la situation économique et financière globale actuelle du gouvernement fédéral;
  2. le rôle de la sécurité financière des juges dans la préservation de l’indépendance judiciaire;
  3. le besoin de recruter les meilleurs candidats pour la magistrature; et
  4. tout autre facteur objectif qu’il considère comme pertinent.

Bien que les recommandations du Comité ne lient pas le gouvernement, la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Bodner c. Alberta, 2005 CSC 44, au para. 31 a conclu qu’un gouvernement qui propose de rejeter ou de modifier des recommandations doit fournir des motifs rationnels de le faire.

Le Comité doit remettre un rapport au ministre de la Défense nationale dans les neuf mois qui suivent le commencement de ses travaux (par. 165.34(3)), et le gouvernement doit donner suite publiquement au rapport et aux recommandations du Comité  dans les six mois suivant la réception du rapport (par. 165.37(2)).

Recommandations du Comité

En résumé, le Comité a formulé, à l’unanimité, les recommandations suivantes dans le rapport :

  1. Rémunération : le Comité a recommandé « que la rémunération des juges militaires fasse l’objet d’une augmentation visant à leur fournir un salaire équivalent à celui des autres juges de nomination fédérale ». Cette recommandation signifierait un salaire de base d’environ 329 900 dollars par an à compter du 1er avril 2019.  
  2. Indemnité de faux frais : Le Comité a constaté que, comme tous les frais accessoires payables aux juges militaires sont sous le contrôle de la chaîne de commandement du ministère de la Défense nationale, il convient de fixer une indemnité de faux frais annuelle de 3 000 $ pour les juges militaires, ce qui renforcerait leur indépendance en ce qui concerne l’utilisation des fonds liés à leurs fonctions judiciaires. 

Réponse du gouvernement

Le gouvernement accepte toutes les recommandations du Comité. En préparant cette réponse, le gouvernement a pris en considération les trois critères énoncés par la Cour suprême dans l’arrêt Bodner, y compris le troisième critère, comme indiqué dans la recommandation du Comité. Le gouvernement est d’avis que, dans l’ensemble, le CERJM de 2024 a réussi à atteindre les objectifs établis par la Cour suprême du Canada dans le Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale (Î-P-E) et dans l’arrêt Bodner.

Le gouvernement est disposé à étudier avec les autorités judiciaires des approches permettant de garantir que le processus se déroule en temps opportun et d’en améliorer par conséquent son efficacité globale.

Rémunération

Le Comité recommande que la parité de rémunération entre les juges militaires et les autres juges nommés par le gouvernement fédéral soit conforme aux directives du Parlement pour déterminer ce que serait une rémunération adéquate pour les juges militaires.

Le gouvernement reconnaît que la recommandation relative à la parité salariale entre les juges militaires et les autres juges nommés par le gouvernement fédéral a été recommandée par des comités antérieurs et n’a pas été acceptée par le gouvernement. Il est important de noter que le gouvernement est également soumis à des impératifs constitutionnels en matière de gestion des fonds publics dans les limites de la loi. 

De l’avis du gouvernement, les recommandations antérieures du CERJM concernant la parité n’ont pas réussi à établir une équivalence suffisante entre leurs conclusions relatives à la parité et les facteurs législatifs qui doivent être évalués dans le cadre de leur mandat. Les conclusions du Comité ne comportent pas telles lacunes, ayant en outre démontré que la recommandation de parité n’est pas basée sur un « facteur unique ». En effet, le Comité a souligné qu’« un examen global de tous les facteurs prescrits par le Parlement à l’article 165.34(2) de la LDN permet au Comité d’arriver à ces conclusions ». Cependant, dans le cas présent, après avoir effectué un examen exhaustif de tous les facteurs statutaires requis, le Comité a conclu que la parité de rémunération avec les autres juges nommés par le gouvernement fédéral n’était pas simplement un « facteur » en vertu de l’alinéa 165.3(2)d), mais « qu’il s’agit plutôt du résultat de l’analyse minutieuse du Comité en vertu du paragraphe 165.34(2) qui prend en compte tous les facteurs à considérer en vertu du paragraphe 165.34(2). » 

En outre, contrairement aux recommandations similaires formulées par les comités précédents, le CERJM a expressément exposé en quoi l’élimination de la disparité de rémunération entre les juges militaires et les autres juges nommés par le gouvernement fédéral aurait une incidence sur les facteurs statutaires obligatoires. Il est important de noter que l’acceptation par le gouvernement des recommandations du Comité en matière de salaires ne doit pas être considérée comme une acceptation totale de toutes les conclusions formulées par le Comité en ce qui concerne notamment la nécessité de la parité pour attirer les meilleurs candidats dans le système judiciaire ou en ce qui a trait à l’analyse comparative. Cela dit, le gouvernement reconnaît que le Comité a examiné attentivement tous les éléments qui lui ont été soumis et qu’il est parvenu à des recommandations mûrement réfléchies.

Allocation annuelle

Le CERJM a également recommandé que les juges militaires reçoivent une indemnité de faux frais de 3 000 $. Le Comité a conclu que ce montant représente un montant raisonnable compte tenu des avantages dont bénéficient déjà les juges militaires en tant que membres des FAC. En outre, le fait d’avoir une indemnité qui n’est pas directement liée à la chaîne de commandement sert à renforcer l’indépendance financière de la magistrature. Le gouvernement accepte cette recommandation et prendra des mesures pour rendre sa mise en œuvre effective.

Le gouvernement respecte les délibérations et l’examen minutieux du Comité sur ces questions interdépendantes et accepte ses recommandations.

Conclusion

Le gouvernement prendra des mesures pour assurer la mise en œuvre rapide des recommandations du Comité. Le gouvernement profite en outre de l’occasion pour remercier à nouveau le Comité de son engagement à servir l’intérêt public, comme en témoigne sa participation à cet important processus. Comme l’a souligné la Cour dans l’arrêt Edwards, l’existence et la fonctionnalité opérationnelle du CERJM constituent un élément essentiel de l’indépendance judiciaire et de la légitimité du système de justice militaire. Il est important de rappeler que l’indépendance judiciaire bénéficie au public et aux accusés qui comparaissent devant le tribunal, et non aux juges eux-mêmes. Les membres des FAC peuvent avoir la conviction que les juges militaires bénéficient du même degré de sécurité financière que leurs homologues fédéraux.

Le gouvernement souhaite remercier le président du comité, l’honorable Clément J.M. Gascon, et les deux membres estimés, l’honorable Thomas A. Cromwell et M. James E. Lockyer, pour leur engagement dans cet important processus d’intérêt public.

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