Rapport de surveillance externe – Cinquième rapport d’étape
Le 27 juin 2025
Sur cette page
- Lettre au ministre de la Défense nationale
- Introduction
- Constatations
- L’importance de définir ce qui constitue un comportement inacceptable
- Une gamme utile de services et de mesures d’aide aux victimes
- Justice militaire
- Instruction et perfectionnement professionnel militaires
- Les collèges militaires
- Un processus de recrutement plus court et une libération anticipée des candidats non-convenables
- Une approche plus systématique pour promouvoir les bonnes personnes
- Un dispositif de planification de la relève plus proactif
- Réponse de l’organisation aux cas d’inconduite sexuelle
- Conseils et contribution visant à orienter les pratiques exemplaires
- Conclusion
Lettre au ministre de la Défense nationale
L’honorable David J. McGuinty, C.P., député
Ministre de la Défense nationale
Quartier général de la Défense nationale
Édifice Major-général George R. Pearkes
101, promenade du Colonel-By
Ottawa (Ontario) K1A 0K2
Monsieur le Ministre,
Conformément au mandat de mon engagement en tant que surveillante externe, j’ai le plaisir de vous remettre mon cinquième rapport semestriel, dans les deux langues officielles.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de mes sentiments distingués.
Jocelyne Therrien
Pièce jointe : Rapport de surveillance externe – Cinquième rapport d’étape
Introduction
- En 2022, l’ancienne juge Louise Arbour a remis au ministre de la Défense nationale son rapport final sur l’inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes. Ce rapport, appelé Rapport de l’examen externe indépendant et complet (EEIC), contient 48 recommandations axées sur la réforme des « lacunes institutionnelles » et des « obstacles structurels » qui ont permis la persistance du problème.
- Dans l’EEIC, il est recommandé qu’un contrôleur externe soit nommé pour examiner les progrès réalisés par le ministère de la Défense nationale (MDN) et les Forces armées canadiennes (FAC) en réponse aux constatations et conclusions du rapport et pour rendre compte publiquement des résultats deux fois par an. Il s’agit du cinquième rapport d’étape.
- Dans mes rapports précédents, j’ai décrit le travail accompli à ce jour. Si toutes les recommandations ont été suivies d’effet, toutes n’ont pas encore atteint le stade de la mise en œuvre complète. Certains changements se poursuivront au fil des ans, au fur et à mesure que la surveillance ministérielle sera effectuée et que des ajustements seront faits.
- Je pense que l’une des voies critiques, à savoir la sélection des membres des FAC pour les rôles de direction sur la base de leur intégrité morale, a été dûment intégrée dans les processus des FAC. Par ailleurs, les dirigeants qui cherchent à préparer leur équipe à la réussite peuvent obtenir de l’aide sous forme de coaching et de conseils en matière de leadership. Cette évolution, conjuguée à la diversité des possibilités d’apprentissage liées à la culture et accessibles à tous, crée une dynamique. Nous saurons dans quelques années si ces changements tactiques se traduiront par un milieu de travail plus sûr et empreint de respect.
- L’un des plus grands défis des FAC est le manque de données intégrées permettant d’obtenir une image plus claire de la situation actuelle, à la fois sur le plan de la compréhension de l’étendue et de la nature du problème et sur le plan de l’efficacité de la réponse de l’institution aux situations où une inconduite sexuelle s’est produite. Par exemple, il existe de nombreux mécanismes de recours utilisés par les FAC pour traiter les cas d’inconduite, dont les résultats sont saisis dans des systèmes disparates. Les FAC ont récemment apporté des modifications structurelles à la procédure de plainte pour harcèlement qui pourraient, éventuellement, créer un référentiel de renseignements utiles pour les FAC.
- Une autre étape importante a été franchie récemment avec l’introduction d’une période probatoire pour les recrues. Cela sert un double objectif pour les FAC : une intégration plus efficace des recrues et un retrait plus efficient des nouveaux membres des FAC qui ne répondent pas aux normes éthiques de l’organisation. Des pouvoirs décisionnels ont été délégués aux établissements d’instruction pour simplifier le processus.
- La réaction de toutes les personnes qui contribuent au processus dont je suis responsable est positive. Comme je l’ai indiqué précédemment, il existe une volonté sincère d’améliorer les choses. La difficulté consiste parfois à rassembler tous les éléments de manière stratégique afin de donner la priorité aux éléments contribuant le plus à la réussite.
- D’une manière générale, les FAC doivent veiller à ce que les politiques, les procédures et les mécanismes de responsabilité soient harmonisés de manière que la réaction de l’organisation face à une inconduite sexuelle, lorsqu’elle se produit, soit cohérente et uniforme.
Constatations
L’importance de définir ce qui constitue un comportement inacceptable
- Plusieurs recommandations de l’EEIC soulignent la nécessité de clarifier la définition des comportements inappropriés dans les politiques des FAC. L’ancienne juge Arbour a proposé que les FAC abolissent le terme « inconduite sexuelle » et se concentrent plutôt sur l’agression sexuelle, le harcèlement sexuel et les relations personnelles et la fraternisation. Elle a signalé que l’état « actuel » crée de la confusion quant à « la manière de naviguer dans le système, en particulier lorsque la conduite peut relever de plusieurs catégories, et empêche la mise en place de voies de recours claires et prévisibles ».
- L’ancien juge Fish, dans son examen du système de justice militaire de 2021 (EI3), a également souligné la nécessité d’affiner ce qui constitue une infraction militaire dans la Loi sur la défense nationale (LDN), en se référant spécifiquement à l’imprécision du paragraphe 129(1) de la LDN tel qu’il est actuellement rédigé : « Du point de vue de la capacité des membres des FAC à adapter leurs comportements aux règles applicables, une interdiction législative claire est également préférable à une interdiction prévue dans des mesures réglementaires et administratives vastes et qui changent constamment ». Il a donc recommandé la création de nouvelles infractions militaires plus précises pour les inconduites sexuelles et les comportements haineux.
- Un CANFORGENNote de bas de page 1 a été publié l’été dernier pour indiquer que, dorénavant, le MDN et les FAC, abandonneraient le terme « inconduite sexuelle » et se référeraient plutôt à ce qui suit :
- les manquements à la conduite de nature sexuelle (actes non punissables en vertu du Code criminel);
- le harcèlement à caractère sexuel;
- les crimes de nature sexuelle, c’est-à-dire les agressions sexuelles et tous les autres délits sexuels prévus par le Code criminel.
- Le CANFORGEN précisait aussi que le terme « agression sexuelle » devait être défini comme tout « attouchement de nature sexuelle, intentionnel non consensuel », comme le recommande l’EEIC. Ce faisant, les FAC adoptent la distinction que les tribunaux ont renforcée ces dernières années, à savoir qu’un tel comportement constitue clairement une infraction pénale et doit être traité comme tel. Par ailleurs, la jurisprudence relative à la sécurité sur le lieu de travail a souligné qu’il n’y a pas de limite inférieure du spectre lorsqu’il s’agit d’attouchements non consensuels de nature sexuelleNote de bas de page 2.
- Ces définitions sont censées prendre effet même pendant que les politiques font l’objet de nombreuses mises à jour, notamment plusieurs Directives et ordonnances administratives de la défense (DOAD). Le « spectre de la violence fondée sur le sexe et le genre » des FAC est également utilisé pour informer les membres des FAC sur l’éventail des comportements qui font partie d’un environnement de travail sain et ceux qui n’en font pas partie. Il a été mis à jour pour tenir compte des changements de terminologie. Les FAC ont récemment ajouté un « spectre de conduite haineuse » à leur série d’outils d’information. Celui-ci aussi explique clairement le type de comportement qui franchit la ligne et devient un acte criminel. Ces deux documents sont facilement accessibles dans l’intranet du MDN et des FAC.
- En ce qui concerne le harcèlement en particulier, les anciennes juges Deschamps et Arbour étaient toutes deux très préoccupées par la manière dont les FAC traitaient le harcèlement au sein de leur effectif. L’EEIC a donc recommandé aux FAC d’adopter la définition du Code canadien du travail afin d’être plus en phase avec les pratiques actuelles des autres ministères fédéraux et avec la jurisprudence du Tribunal canadien des droits de la personne. Le MDN et les FAC viennent de le faire, répondant ainsi à l’objectif de cette recommandation. Cette harmonisation s’est traduite par la mise à jour d’une DOAD et du manuel de politiques.
- Il s’agit d’un changement important pour les membres des FAC. Jusqu’à récemment, la procédure consistait à répondre à chacun des six critères afin d’établir le harcèlementNote de bas de page 3. Cela a donné lieu à un exercice compliqué qui a pu mener à ce que des situations de harcèlement authentiques ne soient pas signalées ou soient jugées non fondées. La définition du Code canadien du travail est beaucoup plus simple et, dans l’ensemble, se concentre davantage sur l’identification et la résolution des problèmes sur le lieu de travail afin d’éviter que des situations similaires se produisent à l’avenir.
- Par ailleurs, les militaires peuvent désormais s’adresser directement à une autorité centrale pour signaler un cas de harcèlement s’ils souhaitent passer outre la chaîne de commandement. Cette option, ainsi qu’une définition simplifiée, pourrait en fait conduire à un plus grand nombre de plaintes. À mon avis, il s’agit là d’un signe positif, car cela signifie que les comportements inappropriés sont désormais plus susceptibles d’être signalés.
- Le groupe des services de gestion des conflits a entrepris plusieurs initiatives pour familiariser les membres des FAC avec le nouveau processus, notamment en organisant récemment des séances d’information à l’intention des hauts dirigeants et des séances de discussion ouverte pour les autres membres du personnel. Jusqu’à présent, près de 3 000 militaires, de différents échelons et grades, y ont participé. Ces séances se poursuivront pendant un certain temps, notamment celles destinées au personnel des nombreux centres de services de gestion des conflits et des plaintes (SGCP) des FAC, qui jouent le rôle de coordonnateurs de services locaux en ce qui concerne les questions de harcèlement. La capacité du QGDN a été augmentée afin de répondre à l’augmentation prévue de la demande.
- Ce nouveau processus aura pour corollaire de permettre aux FAC d’accumuler de meilleures données sur la survenue des incidents et de suivre la manière dont les cas sont réglés. Cela devrait permettre aux hauts dirigeants d’avoir une meilleure vue d’ensemble des problèmes, des tendances et des points sensibles. Jusqu’à présent, les FAC ne disposaient pas de données fiables concernant le harcèlement sur le lieu de travail impliquant des membres des FAC.
- Enfin, pour ce qui est de mieux définir les comportements inacceptables, l’ancienne juge Arbour a fait part de ses préoccupations concernant la politique des FAC en matière de relations personnelles. En décembre 2022, la ministre d’alors, Mme Anand, s’est engagée à apporter des modifications à la politique actuelle afin de résoudre les problèmes qu’elle soulève et qui ont été mis en évidence par l’ancienne juge Arbour et l’ancienne juge Deschamps en 2015.
- Il a été convenu que le MDN et les FAC créeraient, par exemple, une présomption administrative selon laquelle, lorsque la relation n’est pas correctement divulguée, elle devrait être considérée comme une relation personnelle défavorable, et selon laquelle il incomberait au militaire ayant le plus d’ancienneté de réfuter la présomption chaque fois qu’il y aurait une différence de grade. La DOAD portant sur les relations personnelles a été revue à la lumière des recommandations formulées en 2015 et, plus récemment, en 2022. Elle est toujours en cours de révision.
- Bon nombre des recommandations formulées à l’issue des examens externes réalisés au fil des ans ont mis en lumière la nécessité de procéder à des ajustements substantiels des politiques et des réglementations. Les FAC ont du mal à suivre le rythme de ces changements. Les documents de politique du MDN et des FAC stipulent de manière très détaillée ce que les deux organisations attendent de leurs membres. Par conséquent, les modifications apportées à une DOAD ont généralement un effet domino important. La formulation et l’intention doivent ensuite être reproduites dans une série d’autres documents de politique et d’orientation connexes. Il s’agit d’une entreprise de grande envergure si l’on considère la densité des politiques et des lignes directrices qui ont été élaborées au fil du temps et qui traitent d’un large éventail d’activités allant de la longueur autorisée des cheveux à la révocation d’un commandement.
- Il y a donc beaucoup de choses à traiter. Selon moi, il y a toutefois d’autres facteurs aggravants. Je remarque que les membres des FAC formés pour exécuter des tâches militaires participent souvent à la rédaction des politiques. Quoique je convienne que le lien militaire de la plupart des politiques requiert un apport en matière d’expérience militaire, il n’en demeure pas moins que la rédaction et l’administration des politiques constituent une spécialité qui exige des connaissances et une expérience de nature différente. Le fait que les membres des FAC suivent un horaire de rotation ajoute au problème. Plusieurs politiques que j’ai examinées semblent inutilement longues et compliquées. Je crois que cela constitue un problème, car les membres des FAC qui gèrent les inconduites à l’échelle de l’unité doivent avoir des directives tranchantes concernant la manière de procéder.
- Comme il a été souligné dans un rapport précédent, je crois qu’il serait utile pour le MDN et les FAC d’investir dans une vision « à l’échelle de l’organisation » de leur cadre stratégique. Il faudrait évaluer systématiquement les éléments devant figurer dans un règlement et, à partir de là, cerner les instruments de politique ou d’orientation convenant le mieux à l’intention. Cette vision de haut niveau pourrait accroître l’uniformité entre les règlements et les instruments de politique. Ce n’est pas facile lorsque l’on réagit constamment aux pressions extérieures concernant la création ou la modification des règles. Selon moi, ce serait une erreur que de répéter continuellement le processus utilisé à l’heure actuelle, sans un réseau plus interconnecté.
- Le MDN et les FAC ont récemment créé un groupe de réglementation centralisé chargé de superviser l’élaboration de toutes les propositions et modifications réglementaires et de conseiller la haute direction au sujet des priorités. L’un des objectifs est « de garantir l’harmonisation stratégique ». Selon moi, un processus semblable est requis pour les Directives et ordonnances administratives de la Défense (DOAD). En outre, la gouvernance de ces deux volets serait idéalement liée, sinon identique, afin d’évaluer continuellement les interdépendances.
- Une approche descendante doit permettre à la haute direction d’avoir une vue d’ensemble. Le Groupe du personnel militaire et de l’intégration des politiques du Chef du personnel militaire (CPM), qui supervise un très grand nombre de politiques des FAC, s’est concentré sur l’équilibre de son propre éventail de politiques et sur la mise à profit des pratiques exemplaires dans le cadre de l’élaboration des politiques. Une partie de ce travail pourrait servir à fournir le cadre conceptuel qui permettrait au MDN et aux FAC de mener leurs activités d’élaboration de politiques de manière plus délibérée et stratégique.
Une gamme utile de services et de mesures d’aide aux victimes
- Plusieurs recommandations tirées des rapports des anciens juges Arbour et Fish renvoient aux travaux du Centre de soutien et de ressources sur l’inconduite sexuelle (CSRIS). Par exemple, les deux ont recommandé que les victimes aient accès à des conseils juridiques gratuits. Cette recommandation a été mise en œuvre. La première étape consistait à rembourser les personnes ayant engagé des frais juridiques. Le programme s’est transformé depuis. Le CSRIS dispose maintenant d’une ressource juridique consacrée à temps plein à l’offre de renseignements et de mesures d’aide aux victimes qui en font la demande.
- La prochaine étape du programme vise, conformément à la recommandation, à dresser une liste d’avocats civils qui seraient en mesure de fournir de l’aide à plusieurs endroits, à l’échelle du Canada. Le programme prévoirait un paiement direct aux avocats, évitant ainsi aux victimes d’avoir à payer de leur poche. Un appel d’offres devrait être lancé en janvier 2026.
- Les deux anciens juges ont également évoqué la nécessité de protéger l’indépendance du Centre par rapport au MDN et aux FAC. La recommandation 18 de l’EEIC stipule que la structure administrative du Centre d’intervention sur l’inconduite sexuelle (CIIS) devrait être revue afin d’accroître son indépendance et son efficacité. Dans mon rapport précédent, j’ai mentionné qu’il s’agissait d’un problème récurrent. Au cours des dernières années, on a tenté de stabiliser la situation financière et la structure administrative du Centre, mais il y a eu peu de progrès réels.
- Il y a eu une certaine amélioration depuis l’automne dernier. Par exemple, les postes de direction sont devenus permanents. Toutefois, il reste du travail à faire relativement au reste de la structure organisationnelle. J’ai cru comprendre que des travaux sont en cours à cet égard. Cela est important, car la mesure permet à la direction du Centre de doter des postes permanents, d’acquérir une expertise et de garantir la continuité pour ses clients.
- En ce qui concerne la stabilité financière, le chef des opérations du Centre confirme que la plupart des dépenses font maintenant partie du budget de base, contrairement aux augmentations d’une année à l’autre, fournies par le MDN et les FAC, par le passé. Cela inclut le financement du programme de soutien par les pairs et le programme de subventions qui fournit des services directs au sein des collectivités à travers le Canada.
- L’un des programmes du CSRIS est l’initiative d’échange réparateur, qui découle de l’Accord de règlement définitif Heyder-Beattie. Différentes options de mobilisation s’offrent aux membres du groupe qui souhaitent participer, y compris une rencontre avec les dirigeants du MDN et des FAC pour parler de leurs expériences. L’objectif des représentants de la Défense est de reconnaître, d’écouter et d’apprendre. J’attire l’attention sur ce programme car il permet aux victimes de s’exprimer et, tout aussi important, il constitue une mesure distincte permettant éventuellement d’informer l’organisation au sujet des causes profondes du problème et d’éclairer l’élaboration des politiques.
- Jusqu’à présent, 2 154 demandeurs et 286 représentants de la Défense ont participé au programme. À l’heure actuelle, le groupe des services d’examen du MDN et des FAC mène une évaluation de la pertinence, de l’efficacité et de l’efficience du programme.
- L’une des modifications les plus importantes en matière d’inconduite sexuelle apportées à la politique ces dernières années pour les FAC a été l’abrogation en 2024 du règlement sur l’obligation de signaler, qui créait auparavant une obligation légale de signaler tout acte répréhensible. Le règlement sur l’obligation de signaler a fait l’objet de critiques de la part des examinateurs externes et des intervenants, car elle constituait un obstacle au signalement. Des modifications au règlement ont été annoncées l’an dernier, dans un CANFORGEN.
- Le CANFORGEN explique que l’abrogation vise à faire passer les besoins de la victime avant ceux de l’organisation. L’objectif consiste à créer un environnement qui n’interdit pas à la chaîne de commandement de mener une enquête concernant l’inconduite, mais qui « encourage les membres à tenir compte des besoins de la victime ou de la personne concernée, avant de le faire, tout en adoptant une approche tenant compte des traumatismes ». Cela permet à un membre des FAC d’examiner sa situation avec d’autres membres des FAC et de recevoir des services de soutien, sans nécessairement déclencher une enquête officielle.
- Le CANFORGEN a également annoncé que le Chef – Conduite professionnelle et culture (CCPC) élaborerait un plan de travail « destiné à aborder l’harmonisation des politiques, la formation, la mesure du rendement et le besoin de prescrire le signalement obligatoire dans des circonstances particulières ». Le groupe de travail se concentrerait également sur l’élimination d’autres obstacles éventuels au signalement. De nombreuses politiques et documents d’orientation sont visés par l’abrogation du règlement sur l’obligation de signaler, ainsi que par des éléments connexes au sein des documents de formation des FAC. Tous ces éléments doivent être revus.
- Je remarque que certaines des modifications subséquentes ont été apportées. Par exemple, l’application Respect dans les FAC et certains des scénarios fondés sur l’éthique ont été mis à jour, tout comme l’outil décisionnel pour la gestion d’incidents liés à une inconduite. Les documents de formation couverts par le programme d’agents de liaison auprès des victimes ont également été adaptés en fonction de l’abrogation. Le groupe de travail envisage de garantir que « l’inventaire » des modifications requises fait l’objet d’une coordination et d’un suivi.
- Comme l’abrogation constitue un changement d’orientation marqué, les FAC voudront probablement mener un examen pour savoir si les principes énoncés dans le CANFORGEN sont bien compris, en particulier par les personnes qui assument des fonctions disciplinaires. Cela peut déterminer le besoin d’établir d’autres directives ou d’apporter d’autres modifications. Il serait également utile de déterminer s’il existe d’autres obstacles au signalement.
Justice militaire
- Une autre modification importante s’est produite lorsque l’ancienne juge Arbour a recommandé que les FAC n’aient plus compétence concurrente dans les infractions de nature sexuelle prévues au Code criminel. Cette modification figurait dans le projet de loi C-66 présenté par la ministre au Parlement, au printemps dernierNote de bas de page 4. L’objectif consistait à retirer officiellement aux FAC la capacité de mener des enquêtes et des poursuites pour tout crime de nature sexuelle.
- À la fin de 2021, le MDN et les FAC ont mis en œuvre des procédures visant à transférer les cas aux provinces, en tenant compte du choix des victimes. Jusqu’à présent, 242 cas ont été transférés à la police civile, dont 58 ont été refusés. La Grande Prévôt des Forces canadiennes (GPFC) confirme que 308 cas n’ont pas été transférés, principalement parce que les victimes préféraient demeurer dans le système de justice militaire ou parce qu’elles ne souhaitaient pas lancer une enquête criminelle, au moment du signalement.
- Un groupe de travail a récemment été créé pour élaborer un protocole entre le Bureau du GPFC et celui du solliciteur général de l’Ontario. Le groupe élabore un cadre qui pourrait servir de modèle à d’autres provinces. Il comprend des représentants de différents services de police civils, des représentants du gouvernement de l’Ontario, des services provinciaux aux victimes, de la police militaire et du CSRIS.
- À l’heure actuelle, le groupe élabore les détails d’une approche pour permettre la mise en commun des renseignements avec les FAC, à des fins disciplinaires ou administratives. On m’a dit qu’une entente pourrait être conclue d’ici l’été. C’est probablement l’une des voies les plus déterminantes du processus. Qu’une enquête criminelle aboutisse ou non à des poursuites, les FAC doivent être en mesure de régler l’affaire par l’intermédiaire de leurs processus internes. Cela exige qu’elles aient accès aux renseignements du système de justice civil.
Instruction et perfectionnement professionnel militaires
- En ce qui concerne l’instruction et l’éducation militaire, le rapport de l’EEIC a conclu que : « Malgré l’abondance de matériel d’instruction et de matériel doctrinal, les événements ont démontré que la formation à l’éthique au sein des FAC n’est toujours pas en voie d’atteindre ses objectifs. » Par conséquent, l’ancienne juge Arbour a réitéré les préoccupations de l’ancienne juge Deschamps et recommandé que les FAC utilisent des méthodes d’enseignement plus efficaces et interactives, offrent des incitatifs pour les postes d’instructeurs dans les écoles d’instruction élémentaire, et effectuent une sélection plus rigoureuse des instructeurs, tant sur le plan des compétences que sur celui du caractère.
- L’Académie canadienne de la Défense (ACD) est responsable du perfectionnement professionnel des membres des FAC. En collaboration avec des experts en la matière du CCPC, un continuum d’instruction et d’éducation sur la conduite et la culture a été élaboré. Celui-ci établit les activités d’apprentissage qui devraient être offertes aux militaires selon leur grade et à différentes périodes de leur carrière. Des efforts sont en cours pour garantir que les principaux programmes de leadership offerts par les FAC demeurent ancrés dans les concepts de leadership modernes. Par exemple, le volet d’apprentissage à distance du Programme de leadership primaire est en cours de révision et sera mis à l’essai plus tard cet été. Le Programme de leadership intermédiaire fera bientôt l’objet d’essais de validation pour garantir que le contenu demeure pertinent et qu’il a été intériorisé.
- En réponse à une recommandation de l’ancien juge Fish, les services d’examen du MDN et des FAC ont récemment évalué plusieurs programmes des FAC. Ces études, qui seront abordées dans un rapport d’évaluation à venir, ont porté sur la conception, la prestation et l’efficacité de quatre modules sur la justice militaire et les griefs. Les programmes examinés comprennent celui de l’agent de liaison avec les victimes et le programme de justice militaire au niveau de l’unité ainsi que les renseignements relatifs aux griefs fournis aux recrues et aux militaires désignés. Les conclusions du rapport et les recommandations d’amélioration seront communiquées aux responsables des programmes.
- Bien que la qualité du matériel d’instruction et les méthodes utilisées soient d’une importance cruciale, les compétences et l’intégrité morale des instructeurs le sont davantage. Au cours de leurs examens, les anciennes juges Arbour et Deschamps avaient entendu dire que les instructeurs n’avaient pas nécessairement les bons antécédents ou la bonne attitude, de sorte que la formation liée à la culture ne faisait que satisfaire aux formalités. Cette question est traitée à plusieurs niveaux.
- L’ACD organise des ateliers sur le leadership fondé sur le caractère (LFC) à l’intention des instructeurs et basés sur des exercices interactifs ainsi que sur des principes de leadership progressif, conformément au modèle de LFC conçu par l’Ivey Business SchoolNote de bas de page 5. De nombreux instructeurs de l’École de leadership et de recrues des Forces canadiennes ont assisté à l’atelier, et on m’a dit que les commentaires ont été très positifs. Les personnes qui participent à l’atelier en ressortent avec des « outils pratiques de mise en œuvre pour la formation en leadership ». D’autres instructeurs des nombreux établissements d’instruction des FAC reçoivent également ce type de formation, qui est conçue pour les aider dans leur rôle d’enseignement du LFC.
- Dans mon dernier rapport d’étape, j’ai décrit le travail accompli pour améliorer la sélection des instructeurs. Un outil de sélection a été conçu pour fournir une approche plus structurée dans l’approbation des nominations aux établissements d’instruction. Il est attendu que les personnes sélectionnées poursuivent leur propre perfectionnement professionnel dans le cadre du Programme de perfectionnement des instructeurs des FAC, qui offre trois niveaux progressifs de formation. Les FAC sont d’avis que cette approche est préférable à la création potentielle d’un nouveau groupe professionnel de formateurs, d’éducateurs et d’instructeurs au sein des FAC (recommandation 24 de l’EEIC).
- Je crois que les affectations appropriées aux postes d’instruction sont une priorité pour les FAC. Cependant, cela reste compliqué avec tant de priorités concurrentes en raison de la pénurie de personnel. Il y a plusieurs années, afin de créer un incitatif, les FAC ont modifié leur approche en attribuant aux postes d’instruction le même niveau de pointage (aux fins de promotion) que celui correspondant à un déploiement. L’autre problème vient du fait qu’accepter un rôle d’instructeur a souvent des répercussions financières négatives. Les FAC cherchent des moyens de rehausser le profil de ces affectations et de réduire les facteurs dissuasifs.
- Le CCPC offre également une série d’activités d’apprentissage visant à aider ses dirigeants à parfaire leurs compétences en tant que gestionnaires de personnes, y compris des séances d’encadrement avec rétroaction basée sur des évaluations psychométriques personnelles et des cours de gestion des conflits. À mon avis, quiconque cherche à devenir un meilleur dirigeant au sein des FAC a à sa disposition du matériel didactique et des séances de formation modernisés et interactifs.
Les collèges militaires
- L’EEIC a mis en lumière d’importantes préoccupations au sujet des deux collèges militaires du MDN et des FAC. Par conséquent, on a recommandé :
- la réalisation d’un examen afin de déterminer les avantages, les inconvénients et les coûts pour les FAC et de façon générale associés à la poursuite de l’instruction des élèves-officiers dans les collèges militaires;
- l’élimination de la structure de commandement des responsabilités et des pouvoirs de l’escadre des cadets (le MDN et les FAC avaient décidé d’inclure cette pratique dans la portée de l’examen du comité);
- la mobilisation du CCPC auprès des deux collèges pour régler des problèmes de longue date;
- l’adaptation du sondage de fin d’études pour recueillir de l’information sur l’expérience des cadets en lien avec l’inconduite sexuelle ou la discrimination.
- Le comité chargé d’examiner les collèges, composé de cinq experts externes et de deux représentants de l’Équipe de la défense, a récemment présenté son rapport au ministre. Le cabinet du ministre l’a publié en mars et a souligné que le rapport permettrait au MDN et aux FAC d’effectuer des changements et des investissements importants. Le rapport compte 49 recommandations qui concernent un large éventail de sujets, notamment les coûts, la gouvernance, la qualité des programmes d’études et les qualités requises chez les dirigeants des collèges.
- Le comité n’a pas recommandé l’élimination de la structure des pouvoirs de l’escadre des cadets, mais a convenu avec l’ancienne juge Arbour que cette structure avait eu des effets imprévus et qu’elle nécessitait des modifications importantes. Par conséquent, le comité a suggéré plusieurs changements, notamment la suppression de tout pouvoir – et de toute apparence de pouvoir – permettant d’imposer des mesures correctives ou une perte de privilèges, afin de s’assurer qu’aucun cadet ne dispose d’un pouvoir disciplinaire, réel ou perçu, sur un autre cadetNote de bas de page 6.
- Le MDN et les FAC planifient la réponse aux recommandations. Des mesures ont déjà été prises à l’égard de certaines recommandations, tandis que seule une planification budgétaire et de l’infrastructure à long terme permettra de donner suite à d’autres. On prévoit qu’il faudra plusieurs années pour pleinement mettre en œuvre la majorité des recommandations. L’une des recommandations formulées par le comité était que le sous-ministre et le chef d’état-major de la Défense mettent sur pied une équipe pour « permettre la mise en œuvre de ces recommandations, dans le cadre d’un plan de mise en œuvre séquentiel, assorti d’échéanciers et mesurable », et que le ministre de la Défense nationale publie un rapport annuel sur l’état de la mise en œuvre.
- Entre-temps, le sondage élaboré en 2022 en réponse à l’EEIC est réalisé annuellement auprès des étudiants de chaque année de son programme. Il constitue une source inestimable de renseignements. Le troisième sondage de ce type a été lancé récemment. Depuis la création du sondage, les résultats obtenus sont abordés avec les étudiants et le personnel du collège en séances de discussion ouvertes. La direction du collège a mis en place des plans d’action pour résoudre les problèmes soulevés. Ceux-ci sont surveillés par l’ACD.
Un processus de recrutement plus court et une libération anticipée des candidats non-convenables
- Les recommandations 20, 22 et 25 visent à améliorer l’efficacité du processus de recrutement tout en permettant une évaluation plus approfondie de l’aptitude des recrues. L’EEIC a fait état d’un processus de recrutement lourd qui souvent ne permettait pas de trouver les bonnes personnes au bon moment. On recommandait donc de restructurer et de simplifier le recrutement, l’enrôlement et l’instruction élémentaire.
- De nombreuses initiatives relatives au processus d’intégration ont été récemment entreprises. En réponse à l’EEIC, les FAC ont créé une période de probation pour leurs recrues de la Force régulière et de la Première réserve. Elles cherchent ainsi à améliorer leur rendement sur deux fronts :
- favoriser un processus plus efficace permettant d’évaluer les exigences médicales, d’aptitude et de sécurité après le recrutement;
- expulser en temps opportun les recrues dont les comportements et les attitudes ne cadrent pas avec l’éthos des FAC.
- Il a été nécessaire d’effectuer des changements structurels pour répondre à ces objectifs, et le recours à une période de probation pour les nouveaux membres des FAC a été lancé en décembre dernier. Les FAC ont mis en place une déclaration d’adhésion modifiée que les recrues doivent signer et par laquelle ils consentent à ce que : « Pendant la période probatoire…mon respect des normes de conduite professionnelle des FAC sera étroitement surveillé et évalué. Le non-respect de l’une de ces normes peut entraîner ma libération des FAC. »
- Par ailleurs, les FAC ont récemment modifié les pouvoirs requis pour libérer une recrue non-convenable. Les établissements d’instruction, par l’intermédiaire de comités de déontologie, participent maintenant plus directement à la décision de libérer un membre des FAC qui n’a pas encore atteint le statut de militaire qualifié ou ce qu’on appelle le « niveau opérationnel de compétence » (NOC).
- Le comité qui a examiné les collèges militaires a également jugé qu’un processus plus direct était nécessaire pour libérer les cadets inaptes, déclarant que les commandants des collèges étaient les mieux placés pour autoriser la libération d’une recrue pour conduite inacceptable, plutôt que d’attendre un examen d’une autorité centrale. Il s’agit d’un changement important dans la structure des pouvoirs des FAC.
- Selon la nouvelle politique, l’unité responsable des carrières militaires au Quartier général de la Défense nationale surveillera les libérations pendant la période de probation et recueillera des données à cet égard. Les renseignements et les connaissances dégagés de ces résultats seront utiles pour déterminer si des ajustements sont nécessaires et si l’objectif est atteint ou non.
Une approche plus systématique pour promouvoir les bonnes personnes
- Plusieurs recommandations de l’EEIC visent à s’assurer que la sélection des futurs dirigeants des FAC se fonde sur des renseignements complets et met davantage l’accent sur le caractère en plus de la compétence et du rendement. Le rapport de l’EEIC reconnaît que les FAC ont pris des mesures positives pour améliorer la sélection de leurs dirigeants, mais comporte néanmoins les recommandations suivantes :
- que les outils d’évaluation actuellement utilisés pour les promotions d’officiers généraux fassent l’objet d’un examen externe, et que l’utilisation de ces outils soit étendue aux autres grades;
- que les inconduites antérieures et présentes fassent l’objet d’une divulgation officielle et systémique, et qu’elles soient prises en compte dans le processus d’évaluation du rendement;
- que les comités de planification de la relève examinent systématiquement et régulièrement les cas d’inconduite au moyen d’une liste d’examen des incidents;
- qu’une fiche d’inconduite soit préparée pour les candidats que l’on envisage de promouvoir au grade de lieutenant-colonel (lcol)/capitaine de frégate (capf) et aux grades supérieurs, ainsi qu’au grade d’adjudant-chef (adjuc)/premier maître de 1re classe (pm 1).
- Les FAC ont depuis produit un formulaire sur les « lacunes de conduite passée » qui est maintenant utilisé pour les promotions au grade de lcol/capf et plus ainsi qu’au grade d’adjuc/pm 1. Le formulaire exige que le commandant effectue un examen du dossier personnel et de la fiche de conduite du militaire, puis qu’il atteste de l’absence ou de la présence de condamnations ou encore de mesures correctives ou disciplinaires. Le CANFORGEN connexe stipule que les comités de sélection utiliseront l’information pour déterminer la capacité du militaire à exécuter les fonctions du grade supérieur.
- Les FAC ont également introduit un formulaire de présélection que doivent soumettre les candidats que l’on envisage de promouvoir au grade d’adjuc/pm 1 ainsi qu’au grade de lcol/capf et plus ou pour des nominations de commandement. Ils doivent y attester qu’aucune mesure administrative ou disciplinaire n’a été prise à leur encontre et qu’ils ne font l’objet d’aucune condamnation pour une infraction civile. En ce qui concerne la prise en compte des lacunes de conduite dans le processus d’évaluation du rendement, les FAC indiquent dans leurs lignes directrices que les auteurs doivent déterminer si la conduite du militaire en service et en dehors de ses fonctions est « acceptable » ou « inacceptable ».
- Les recommandations 33 et 34 de l’EEIC font référence à l’utilisation par les FAC d’évaluations psychométriques et d’évaluations à 360 degrés pour aider à l’évaluation des personnes souhaitant être promues à des grades plus élevés. Il a été recommandé que ces outils soient évalués chaque année par un expert externe « pour les affiner progressivement » et que les résultats soient communiqués au ministre. Cet examen n’a pas encore eu lieu. Les FAC sont en train d’établir leur prochain contrat pour les outils psychométriques. Cela pourrait entraîner un changement des instruments utilisés à l’avenir.
- Jusqu’à présent, l’utilisation des outils psychométriques a été étendue aux promotions aux grades de colonel et de capitaine de vaisseau dans la Force régulière. J’ai été informée qu’une fois que la capacité contractuelle d’expansion sera en place, l’utilisation des évaluations psychométriques et des évaluations à 360 degrés sera étendue aux grades recommandés dans l’EEIC. Le chef du personnel militaire a récemment fait appel à des personnes qui peuvent l’aider à analyser les renseignements résultant de l’utilisation élargie de ces instruments pour évaluer l’aptitude d’un militaire à être promu.
- Depuis 2021, les FAC ont réitéré leur intérêt pour la promotion de ceux qui peuvent être les plus utiles dans la recherche d’un changement de culture. À ce stade, on peut dire que certains des éléments clés sont en place. Il est clair qu’une collecte et une documentation plus solides des fautes commises, sur l’ensemble de la carrière d’un militaire, constituent une première étape cruciale. La capacité à faire en sorte que ces renseignements soient pris en compte dans les évaluations de rendement et les promotions sera le facteur déterminant.
- Compte tenu de l’impossibilité actuelle de procéder à un examen externe de leurs outils d’évaluation, les FAC pourraient envisager de fournir au ministre toutes les assurances possibles que le processus en place permet d’obtenir les résultats escomptés. Il pourrait s’agir, par exemple, d’un résumé des cas où les résultats des outils d’évaluation ou de l’entrevue externe indépendante ont conduit à ne pas proposer des personnes pour une promotion.
Un dispositif de planification de la relève plus proactif
- Plusieurs recommandations de l’EEIC font référence à la nécessité d’une approche modernisée pour s’assurer que les bonnes personnes se trouvent au bon endroit d’une année à l’autre. Cela nécessite un horizon de planification à plus long terme. L’EEIC a formulé plusieurs recommandations concernant la planification de la relève, notant que les politiques et les pratiques variaient considérablement d’un environnement à l’autre et d’une direction générale à l’autre, et qu’il n’y avait pas d’orientation claire. L’ancienne juge Arbour a noté que les progrès ont stagné ces derniers temps en ce qui concerne la promotion des femmes et leur représentation aux échelons supérieurs.
- Les FAC prévoient une série d’activités visant à atteindre l’équité pour les femmes. Par exemple, elles fixent des objectifs de promotion pour les femmes pour différents grades au sein de chaque groupe professionnel militaire. Ces mesures seront promulguées dans le Plan d’équité en matière d’emploi 2025-2028 des FAC, qui devrait être publié à l’automne. Le CCPC prévoit de mettre en place des mécanismes de compte rendu pour mesurer les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs.
- L’EEIC a également recommandé que les comités de relève pour certains grades comprennent un membre civil extérieur au MDN et aux FAC. Les FAC ont opté pour une approche différente selon laquelle les comités de relève comprendront désormais un membre des FAC « non affilié » d’une organisation ou d’un commandement de niveau 1 différent, et d’un grade égal ou supérieur à celui des membres du comité, ainsi qu’un membre civil de l’Équipe de la Défense occupant un poste juste en dessous du niveau exécutif, ou plus élevé. Cette configuration des membres est jugée obligatoire et se reflète dans la nouvelle politique des FAC sur la gestion des talents et la planification de la relève.
- Enfin, l’EEIC a recommandé que la politique d’universalité des services soit revue « sous l’angle de l’Analyse comparative entre les sexes Plus ». Les FAC ont récemment publié leur nouvelle politique. C’est le résultat de plusieurs années de travail. Un expert externe a été consulté tout au long du processus pour fournir des conseils sur l’Analyse comparative entre les sexes Plus. Tout en mettant l’accent sur la nécessité opérationnelle d’appliquer des normes minimales, la politique stipule que les FAC fourniront un soutien pour permettre aux militaires de respecter les normes lorsqu’ils sont temporairement dans l’incapacité de le faire. Il s’agit d’une caractéristique importante qui peut aider les FAC à conserver certains de leurs membres qui sont temporairement « non qualifiés ».
Réponse de l’organisation aux cas d’inconduite sexuelle
- La nouvelle période probatoire appliquée aux recrues permettra de traiter efficacement et rapidement les problèmes de conduite. Comme cela a été indiqué précédemment, les FAC disposent désormais d’une méthode simplifiée pour dégager les personnes incapables de respecter les normes éthiques des FAC. Ce processus s’applique à toute personne qui n’a pas encore atteint le niveau opérationnel de compétence. Espérons que le message sera clair : seuls ceux qui se conduisent de manière professionnelle méritent une place au sein des FAC.
- Une fois la période probatoire terminée, il existe d’autres voies de recours, notamment : les auditions sommaires, les cours martiales et les examens administratifs. Les examens administratifs sont le processus par lequel les FAC déterminent « la viabilité de la poursuite des services d’un membre des FAC » en raison d’un manquement à la conduite.
- Dans sa recommandation 6, l’EEIC a proposé un examen des cas d’inconduite sexuelle dans lesquels l’autorité centrale a déterminé, après une évaluation des faits, que le militaire devrait être « maintenu en poste sans restriction de carrière », même si dans plusieurs des cas, les commandants ont recommandé sa libération. L’examen a été mené par un expert en assurance qualité de la Commission de la fonction publique. Une équipe de spécialistes internes a participé à l’examen, composée de professionnels civils du ministère dans des domaines tels que les relations de travail, les services d’examen et les services d’aide aux victimes.
- Après avoir examiné plus de 80 dossiersNote de bas de page 7, l’équipe a recommandé plusieurs améliorations :
- Modifications du cadre décisionnel, y compris l’utilisation d’un spectre de gravité et d’un tableau de conséquences correspondant. Par exemple, les transgressions les plus graves, telles que les infractions sexuelles au Code criminel (pornographie juvénile, agression sexuelle, etc.), relèveraient d’une présomption de licenciement. Les cas de transgression se situant au bas de l’échelle seraient alors traités avec des conséquences moins sévères;
- Modifications de la structure de prise de décision. L’équipe d’examen a recommandé la création d’un comité comprenant un expert en prise de décisions administratives, un expert en inconduite sexuelle et le commandant du militaire;
- Modifications des mécanismes de la procédure afin d’introduire un système de gestion des dossiers plus robuste et un accès normalisé aux renseignements détenus par les forces de police et les bureaux des procureurs. Le protocole en cours d’élaboration par la Grande Prévôt des Forces canadiennes et le bureau du Solliciteur général de l’Ontario concernant le transfert des dossiers au système de justice civile pourrait être utile à cet égard (voir la section « Justice militaire » du présent document).
- Le MDN et les FAC prévoient actuellement plusieurs modifications du cadre entourant la libération d’un membre des FAC. Par exemple, l’examen des faits serait effectué par un comité qui inclurait la chaîne de commandement du militaire. D’autres changements sont envisagés, notamment l’introduction d’une échelle de gravité à partir de laquelle les décideurs pourraient déterminer l’issue la plus appropriée, y compris la libération pour les infractions les plus graves.
- Si les FAC souhaitent moderniser leur processus de conduite, elles pourraient commencer par se familiariser avec les jugements des cours supérieures et les décisions des tribunaux d’appel concernant l’inconduite sexuelle des dix dernières années. En examinant ces jugements, je constate une nette tendance à soutenir le licenciement pour tout attouchement sexuel sur le lieu de travail. Elle repose en grande partie sur la logique suivante :
- Tout harcèlement sexuel comprenant des attouchements non consensuels de nature sexuelle est sans équivoque défini comme une agression sexuelle; et l’agression sexuelle est une infraction au Code criminelNote de bas de page 8;
- La simple existence d’une politique ministérielle interdisant le harcèlement sexuel constitue un avertissement suffisant pour une personne, de sorte qu’il n’est pas nécessaire d’émettre un avertissement officiel préventif. Par ailleurs, il n’est pas nécessaire d’avertir un employé que tout acte criminel constitue un motif de licenciement;
- Le fait que des cas semblables aient été traités dans le passé par des mesures administratives autres que le licenciement n’a plus de poids;
- La législation sur la sécurité au travail met l’accent sur l’obligation légale de l’employeur de fournir un lieu de travail sûr, notamment exempt de harcèlement et de discrimination. Le licenciement fait partie de l’éventail des mesures dont disposent les employeurs pour atteindre cet objectif.
- Les modifications apportées en 2021 au Code canadien du travail ont entraîné un changement important dans la manière dont la sécurité sur le lieu de travail est considérée au Canada. Cette situation, combinée à l’évolution rapide de la jurisprudence en matière de harcèlement sexuel dans le cadre de l’emploi, a mis l’accent sur les obligations de l’employeur. Je dirais que la valeur inhérente des mesures correctives est devenue moins pertinente dans de nombreux cas, car le facteur primordial devient le maintien d’un environnement de travail exempt de harcèlement pour tout le monde, et pas seulement pour la présumée victime. Dans certains cas, la non-libération peut donner lieu à des poursuites en dommagesNote de bas de page 9. Dans le passé, les mutations étaient considérées comme une solution viable, séparant les victimes et les défendeurs. Aujourd’hui, il y a un impératif moral à tenir compte du fait que les employés de l’unité d’accueil sont maintenant exposés.
- L’une des préoccupations soulevées dans le rapport 2021 de Fish était l’incapacité apparente des FAC à imposer des mesures disciplinaires aux réservistes en tout temps. Cela s’explique par les limites imposées au moment où les réservistes sont soumis au Code de discipline militaire dans le cadre de la Loi sur la défense nationale. Selon le rapport, cette situation est considérée comme un problème par de nombreux hauts dirigeants. L’ancien juge Fish a recommandé la création d’un groupe de travail chargé d’examiner cette question, en particulier en ce qui concerne les inconduites sexuelles et les comportements haineux, et de « faire des recommandations sur les mesures de réforme ». Compte tenu du grand nombre de réservistes au sein des FAC, cette question doit être abordée. Les FAC ont besoin de mieux comprendre la portée et la nature du problème.
Conseils et contribution visant à orienter les pratiques exemplaires
- Plusieurs recommandations découlant de l’examen externe indépendant complet (EEIC) portent sur la nécessité d’intégrer d’autres expertises pour moderniser les pratiques opérationnelles et de gestion. Par exemple, l’ancienne juge Arbour a recommandé que les FAC augmentent le nombre de détachements dans d’autres ministères et au secteur privé pour certains de leurs hauts dirigeants, afin d’élargir l’expérience de ces derniers. Un cadre relatif aux détachements est en cours d’élaboration.
- L’apport de chercheurs externes a également été jugé utile. Il a été recommandé de consulter le milieu universitaire en vue de faciliter la recherche externe. Cette consultation a mené à des changements aux politiques internes. Les FAC ont créé une base de données de leurs propres recherches sur l’inconduite et le harcèlement sexuels, la diversité, l’inclusion et le changement de culture que les chercheurs et les membres du public peuvent consulter. Le CCPC confirme que cette base de données est mise à jour régulièrement, au besoin.
- L’EEIC a également recommandé un rôle plus déterminé de la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) et du Comité externe d’examen des griefs militaires (CEEGM). Les deux organisations sont bien placées pour informer les FAC des problèmes qui pourraient être devenus plus courants ou systémiques. Le point de vue externe fourni par la CCDP et le CEEGM peut apporter plus des précisions sur les obstacles structurels au changement de culture.
- En réponse aux recommandations de l’EEIC, les FAC ont renoncé à l’obligation pour les personnes concernées d’épuiser les mécanismes internes de plainte avant d’avoir accès à la CCDP. Jusqu’à présent, la CCDP a reçu 83 plaintes liées au harcèlement sexuel ou à la discrimination fondée sur le sexe. Certaines d’entre elles en sont encore à divers stades du processus, mais, le mois dernier, 29 dossiers avaient été conclus. La Commission a récemment modifié une partie de son processus pour accroître son efficacité et traiter plus rapidement les plaintes.
- Pour les griefs liés à l’inconduite sexuelle, le CCPC a été désigné comme l’autorité initiale selon la recommandation de l’EEIC. Le CCPC s’appuie sur l’expertise en la matière du Centre de soutien et de ressources sur l’inconduite sexuelle (CSRIS) dans l’examen de ces cas. Si le grief n’est pas réglé au niveau de l’autorité initiale, il est soumis à l’attention du CEEGM. D’avril 2024 à avril 2025, 24 cas ont été soumis. Les résumés des dossiers qui ont été réglés sont présentés sur le site Web du CEEGM.
- L’ancienne juge Arbour a également discuté de la contribution qui pourrait être apportée en interne, en précisant que les FAC ne tiraient pas parti de l’expertise que l’on trouve dans le noyau civil du Ministère. Elle a souligné, à titre d’exemple, le domaine de la gestion des ressources humaines. Tout compte fait, les FAC sont probablement beaucoup moins repliées sur elles-mêmes qu’il y a 20 ans. Il est toutefois possible d’en faire plus. La discussion sur l’élaboration des politiques présentée plus tôt dans ce rapport offre un autre exemple. En ce qui concerne les recours en matière de conduite, je crois que les FAC gagneraient à mettre davantage l’accent sur les relations de travail et le droit du travail dans leurs délibérations sur qui devrait demeurer membre des FAC.
Conclusion
- À mon avis, d’après tous les changements que j’ai examinés ces deux dernières années, il semble que les FAC sont en voie de répondre à l’intention de toutes les recommandations de l’EEIC d’ici la fin de l’année, comme prévu.
- De nombreux changements ont eu lieu depuis que l’ancienne juge Arbour a commencé son examen en 2021. Les FAC ont modernisé leurs documents doctrinaux de base, confirmant à nouveau leurs valeurs et leur engagement à faire respecter ces valeurs. Elles ont mené de vastes consultations, tant en interne qu’en externe, pour comprendre la nature du problème. Elles ont adopté le modèle de leadership fondé sur le caractère, qui met l’accent sur le caractère de la personne lors de l’évaluation ou de la promotion de leurs membres. Elles offrent continuellement aux superviseurs l’occasion de se perfectionner par l’optimisation de leur valeur en tant que leaders. Elles disposent également d’un réseau de services de restauration et de gestion des conflits qui peuvent aider à mieux comprendre et à traiter les causes profondes. Les fondations sont en train de se solidifier.
- Cependant, dans de nombreux cas, d’autres étapes restent à franchir pour que ces changements fassent partie intégrante de la marche en avant. Par exemple, il reste beaucoup de travail à faire pour assurer la cohérence des politiques et des manuels d’orientation des FAC, de sorte que les valeurs puissent être soutenues concrètement. Les changements constants provoqués par les pressions externes ont ajouté des turbulences à un processus qui était, à mon avis, déjà assez problématique. Le service chargé des questions de réglementation qui a été nouvellement établi offre une solution potentielle. Or,comme pour toute bonne idée, il faudra beaucoup de travail en amont pour la rendre viable. Idéalement, l’ensemble des règlements et des politiques des FAC devrait être peaufiné de manière à corriger le chevauchement et le décalage entre les textes et à refléter les priorités stratégiques.
- Ensuite, il y a la clarté du message. Il va sans dire que l’utilisation d’une terminologie sans ambiguïté pour définir ce qui constitue un comportement inacceptable est la première étape inconditionnelle. Je crois qu’il y a eu beaucoup de progrès à cet égard. Les recommandations de l’EEIC concernant la terminologie et les définitions ont toutes fait l’objet d’une action. Cela devrait aider à dissiper la confusion décrite par l’ancienne juge Arbour, tant pour ceux qui administrent les enquêtes, les plaintes et les griefs que pour les victimes.
- Je crois également que le changement systémique effectué plus tôt cette année concernant l’adoption de la définition du harcèlement dans le Code canadien du travail mènera à une restructuration bien nécessaire relativement aux plaintes des membres des FAC. Le processus utilisé jusqu’à récemment était beaucoup plus compliqué pour les membres des FAC que le processus en place pour le reste de la fonction publique. L’harmonisation est maintenant terminée. Cela devrait apporter plus d’uniformité dans la façon de traiter le harcèlement dans les FAC. De plus, la direction aura enfin une meilleure idée de la situation grâce aux données que le système a maintenant la capacité de produire.
- La précision des données est évidemment un élément crucial pour toute organisation qui cherche à évoluer. La gestion du changement est difficile sans des renseignements détaillés sur les composantes du problème. Cela a des répercussions sur la capacité de surveiller et d’adapter les politiques et les programmes en conséquence. Il est actuellement impossible de savoir dans quelle mesure les plaintes sont traitées dans l’ensemble de l’organisation.
- Le problème pour les FAC, c’est que les données relatives aux différents types d’inconduite sont éparpillées dans de nombreuses bases de données qui ont été construites au fil des ans. Le CCPC travaille à la création d’une base de données intégrée qui saisira tous les éléments de l’inconduite. Il s’agit d’une vaste entreprise. Si elles parviennent à saisir systématiquement les résultats des divers mécanismes de recours, les FAC seront bien mieux placées pour déterminer si les conclusions des examens individuels sur l’inconduite concordent et soutiennent, ou non, le changement de culture recherché par les FAC.
- On a dit que les problèmes d’inconduite qui affligent certaines organisations, y compris les FAC, sont le produit d’une culture largement misogyne qui crée un environnement de travail qui permet ou même encourage la persistance d’une conduite non professionnelle. Le MDN et les FAC déploient beaucoup d’efforts pour démanteler ce type d’environnement. Ce qui reste, c’est le problème des personnes qui sont incapables d’intérioriser l’éthique des FAC une fois que le « système » a corrigé son fonctionnement.
- La période de probation des FAC, qui a récemment été mise en place pour les recrues, représente un outil utile pour les FAC. Si ce système fonctionne comme il le devrait, certaines recrues seront invitées à envisager une autre carrière avant d’atteindre leur statut de militaire qualifié. La visibilité que cela créera à l’échelle de l’unité sera très importante pour les FAC.
- Les décisions rendues par les cours et tribunaux supérieurs démontrent clairement que la jurisprudence en matière d’inconduite sexuelle en milieu de travail a considérablement évolué au cours des 10 dernières années. Aujourd’hui, plus que jamais, tout type d’attouchement non consensuel de nature sexuelle dans le cadre de son emploi est susceptible d’entraîner le congédiement, même pour un seul événement et même s’il y a des circonstances atténuantes.
- Une évaluation récente du processus d’examen administratif qui vise à déterminer la viabilité du maintien en service d’une personne a mené à des recommandations d’amélioration. Ces questions sont en cours d’examen. Le plan devra tenir compte de l’évolution de la jurisprudence. Ces décisions fournissent des repères utiles aux commandants, y compris la prise en compte de l’élément de « l’intérêt public ». Encore une fois, comme pour la période de probation, les décisions en matière de libération, dans le cadre d’un processus au niveau de l’unité, donneront une visibilité bien nécessaire à la résolution des FAC d’exclure de leurs rangs les personnes qui ne peuvent pas se conformer aux normes éthiques établies. De plus, une visibilité accrue va de pair avec une responsabilisation accrue.
- Au Canada, la sécurité au travail – un environnement exempt de harcèlement et de discrimination – est de plus en plus considérée comme un droit inhérent qui reflète les opinions de la société civile. Pour une organisation comme les FAC, l’impact d’une conduite non professionnelle qui n’est pas contrôlée peut discréditer une organisation, tant dans ses rangs qu’à l’extérieur, et peut nuire à la capacité de s’acquitter de son mandat.