ARCHIVÉE - Sommaire du Rapport d'incidence cumulative du trouble de stress post-traumatique (TSPT) et d'autres troubles mentaux

Introduction

Les problèmes de santé mentale sont caractérisés par des modifications de la pensée, de l'humeur ou du comportement d'un individu qui provoquent un état de détresse et nuisent à son fonctionnement. Les problèmes de santé mentale présentent un intérêt pour les employeurs en raison de leurs répercussions sur la productivité, l'absentéisme, le roulement du personnel et d'autres conséquences néfastes. Dans les organisations militaires, ceux-ci revêtent une signification supplémentaire dans la mesure où :

Les Forces canadiennes (FC) ont déployé plus de 40 000 de leurs membres en vue de soutenir la mission en Afghanistan depuis ses débuts en 2001; plus de 150 d'entre eux ont perdu la vie et un nombre beaucoup plus élevé a subi des blessures graves. Pour cette raison, jamais les effets psychologiques à long terme liés aux déploiements des FC n'ont suscité un intérêt aussi grand.

Au cours de la dernière décennie, les FC ont renouvelé leur système de soins de santé mentale et entrepris un certain nombre de projets de recherche destinés à évaluer les répercussions des blessures de stress opérationnel1 (BSO) sur les FC et leurs membres. Globalement, ces études ont démontré qu'une minorité significative de membres des FC déployés antérieurement ont subi des BSO. Un grand nombre de ces études comporte des limites importantes dans la mesure où :

La présente étude surmonte ces limites en évaluant la fraction d'un large échantillon de membres du personnel déployés antérieurement et pour lesquels un diagnostic de BSO a été formellement posé par les FC pendant une période moyenne de suivi de 4,5 ans.

Méthodologie

Au total, 30 518 membres déployés le 31 décembre 2008 ou à une date antérieure à la suite de leur déploiement à l'appui de la mission en Afghanistan ont été identifiés. Ce résultat a été obtenu grâce à la validation croisée de la base de données de planification et de suivi des tâches des Forces canadiennes (PSTFC), du système de gestion des ressources humaines (SGRH) et du système central de calcul de solde (SCCS).

Les données sur l'utilisation de services de soin de santé mentale ont été prises en considération pour améliorer l'efficacité du processus de révision des dossiers médicaux en déterminant les sous-ensembles faisant potentiellement l'objet d'une évaluation à l'égard de problèmes de santé mentale. Ces données proviennent du registre de rendez-vous du système d'information sur la santé des Forces canadiennes (SISFC), du système fédéral de traitement des demandes de soins de santé (SFTDSS) (soins externes) et de différentes sources de données antérieures pour les bases ayant récemment mis en œuvre le registre de rendez-vous du SISFC.

Un échantillon aléatoire de 2 045 individus réparti en fonction du lieu de déploiement principal et du recours ou non aux services de soins de santé mentale a été sélectionné à des fins de révision des dossiers médicaux. Des infirmières expérimentées dans la recherche ont extrait les données sur le processus d'évaluation, les diagnostics posés, l'attribution des problèmes diagnostiqués aux opérations des FC par les cliniciens et le traitement prévu. Au total, 1 934 révisions de dossiers médicaux ont été réalisées dans le cadre de cette analyse provisoire, soit 95 % de l'échantillon visé.

Résultats

Au cours de la période moyenne de suivi consécutive au déploiement de 54 mois, une proportion estimée à 30 % de la cohorte a reçu des services de soins de santé mentale spécialisés (c.-à-d., des soins autres que ceux offerts par les services psychosociaux ou différents des soins primaires) par l'intermédiaire des FC. Par ailleurs, 8 % des individus de la cohorte ont reçu un diagnostic de trouble de stress post-traumatique (TSPT) lié à leur déploiement en Afghanistan (et accompagné ou non d'autres problèmes). De plus, 5,2 % des individus de la cohorte souffrent d'autres BSO diagnostiquées qui découlent de leur déploiement en Afghanistan, comme la dépression (2,2 %), les troubles d'adaptation (2 %) ou les problèmes d'anxiété autres que le TSPT. Les troubles mentaux non liés à des BSO et les BSO découlant d'autres opérations étaient moins courants dans cette cohorte (ils touchaient respectivement 4,5 % et 1,2 % de la cohorte).

La fraction d'une cohorte qui reçoit un diagnostic pour un problème donné à n'importe quel moment de la période de suivi visée est désignée sous l'appellation d'incidence cumulative. L'incidence cumulative des BSO était plus élevée pour les membres déployés à Kandahar (17,1%) et à Kaboul (14,5 %); elle était plus faible chez ceux déployés dans le golfe Persique (6,5%), au camp Mirage ou ailleurs en Asie du Sud-Ouest (3,3 %). Néanmoins, même les membres déployés dans des lieux présentant un niveau de menace moins élevé, comme le camp Mirage, ont enregistré des taux importants de BSO.

Discussion

Au total, 13,2 % d'une cohorte importante et diversifiée de membres des FC ayant été déployés en vue de soutenir la mission en Afghanistan ont reçu un diagnostic de BSO au cours d'une période moyenne de suivi de près de cinq ans. Le TSPT a été le trouble le plus courant (8 % de la cohorte). Par ailleurs, 5,2 % des individus de la cohorte présentaient au moins une BSO autre qu'un TSPT. Une fraction importante de tous les problèmes de santé mentale diagnostiqués au sein de la cohorte déployée précédemment a été considérée comme des BSO.

Une fois les différences méthodologiques (particulièrement la durée de la période de suivi) prises en compte, l'incidence cumulative des BSO liées au déploiement en Afghanistan (13,2 %) est cohérente avec les résultats d'autres études sur les répercussions de la mission sur la santé mentale, comme les résultats fréquemment cités du processus amélioré de dépistage postdéploiement. Malheureusement, il n'existe pas de données internationales fondées sur une méthodologie similaire pouvant être utilisées à des fins de comparaison; nous ne savons donc pas si ce taux est plus élevé ou plus faible que ceux de nos alliés.

Cette étude présente des avantages importants par rapport à celles qui ont été réalisées précédemment par les FC ou d'autres pays.

Sa principale limite est qu'elle ne peut pas tenir compte des diagnostics des membres qui n'ont pas cherché à obtenir des soins par l'intermédiaire des FC et de ceux qui développeront des problèmes plus tard. Néanmoins, le déclenchement tardif des BSO est considéré comme relativement rare. De plus, l'étude se fonde sur une longue période de suivi.

Aucun processus de diagnostic n'est entièrement fiable. Par ailleurs, le lien entre un trouble et un déploiement peut être difficile à établir. Quoi qu'il en soit, les évaluations des FC en matière de santé mentale sont habituellement exhaustives. Il est même possible d'avancer que les FC possèdent plus d'expérience que toute autre institution d'envergure au Canada en ce qui a trait au diagnostic et au traitement des traumatismes dus au stress. Pour ces raisons, des erreurs de diagnostic et d'attribution semblent improbables.

Cette étude démontre principalement que les FC doivent être prêtes à assurer la prestation de soins de santé mentale de haute qualité à une minorité significative de membres du personnel déployés antérieurement, dans la mesure où celle-ci développera inévitablement une BSO à la suite d'une opération exigeante. Une analyse supplémentaire des données recueillies dans le cadre de l'étude abordera d'autres aspects, notamment la réalisation d'une analyse de survie formelle et l'établissement de résultats organisationnels à long terme en ce qui concerne les blessures de stress opérationnel.


1 Les FC désignent tout problème psychologique persistant qui survient à la suite d'une opération militaire sous l'appellation de blessure de stress opérationnel (BSO)

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