Rapport de 2015 sur la mortalité par suicide dans les Forces armées canadiennes (de 1995 à 2014)

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Rapport du médecin général
Programme de recherche en santé du médecin général
Numéro de document du médecin général (SGR-2015-005)
Juin 2015

Auteurs :

  • Elizabeth Rolland-Harris, M.Sc., Dre
  • Jeff Whitehead, M.D., M.Sc., FRCPC
  • Henry Matheson, M.S.S., T.S.I.
  • Mark A. Zamorski, M.D., M.H.S.A.

Révisé par :

  • Colonel SF Malcolm, Directeur, Direction – Protection de la santé de la Force
  • Colonel AMT Downes, Directeur, Direction de la santé mentale

Approuvé par :

  • Brigadier-général HC MacKay, Médecin général

© Sa Majesté la Reine (en droit du Canada), telle que représentée par le ministre de la Défense nationale, 2015

Table des matières

Résumé

Introduction

La Direction – Protection de la santé de la Force (DPSF) effectue régulièrement des analyses sur le taux de suicide et la relation entre le suicide et le déploiement. Le présent rapport en est une mise à jour pour la période s’échelonnant de 1995 à 2014.

Méthodes

Le présent rapport décrit les taux bruts de suicide de 1995 à 2014, établit des comparaisons entre la population canadienne et les FAC au moyen des ratios standardisés de mortalité (RSM) et analyse le taux de suicide selon les antécédents de déploiement au moyen des RSM en fonction de la normalisation directe. Il traite également de la variation du taux de suicide selon le commandement et, à partir de données tirées du Rapport sur les examens techniques des suicides par des professionnels de la santé (ETSPS), de l’effet d’autres facteurs de risque dans les suicides qui se sont produits en 2014.

Résultats

Entre 1995 et 2014, il n'y a pas eu d'augmentation statistiquement significative des taux de suicide. Le nombre de suicides chez les hommes de la Force régulière n’a pas été statistiquement différent du taux prévu en fonction du taux de suicide chez les hommes de la population canadienne. Chez les militaires qui ont déjà fait l’objet d’un déploiement, le taux de suicide n’est pas plus élevé, statistiquement parlant, que dans la population civile comparable. Par contre, on observe dans les ratios de taux une tendance selon laquelle les militaires qui ont déjà participé à un déploiement présentent un risque de suicide accru comparativement aux militaires qui n’ont aucun antécédent de déploiement; cette tendance n’est toutefois pas statistiquement significative. Les ratios de taux permettent aussi de constater que le risque de suicide est plus élevé chez les militaires qui appartiennent au commandement de l’Armée de terre que chez les autres militaires.

Alors que les recherches antérieures des FAC n’ont jamais établi de corrélation entre le fait d’avoir participé à un déploiement et le suicide, on observe dans les plus récents résultats une tendance de ratios de taux de suicide élevés (1,48, IC : 0,98, 2,22), au cours des dix dernières années, chez les militaires qui ont déjà fait l’objet d’un déploiement comparativement à ceux qui n’ont jamais participé à un déploiement. Toutefois, ce résultat manque de justesse le seuil de signification statistique. Le risque de suicide est nettement plus élevé pour le personnel de l’Armée de terre que pour les autres militaires (ratio de taux normalisé selon l’âge = 2,02, IC : 1,45, 2,61), et l’écart entre le taux de suicide dans l’Armée et le taux de suicide dans les autres commandements s’est accru au cours des cinq dernières années. Cependant, il semble que cette situation soit attribuable à des taux inférieurs à la normale civile chez les militaires n’appartenant pas à l’Armée de terre plutôt qu’à un taux élevé chez les militaires de l’Armée de terre (RSM = 1,08, IC : 0,81, 1,41). Le taux de suicide des hommes dans l’Armée de terre est nettement plus élevé (30,35/100 000, IC : 23,03, 39,69) chez ceux qui appartiennent aux armes de combat que chez les autres (18,21/100 000, IC : 14,75, 22,54).

Les résultats des ETSPS de 2014 appuient la théorie d’un enchaînement de causalité multifactoriel plutôt que celle d’un lien direct entre des facteurs de risques particuliers (p. ex. l’ESPT ou le déploiement) et le suicide.

Conclusions

Le taux de suicide dans les FAC n’a pas augmenté de façon significative avec le temps, et il n’est pas plus élevé que celui de la population canadienne une fois normalisé selon l’âge. Toutefois, le petit nombre de cas restreint la capacité d’établir la présence de liens statistiquement significatifs. Contrairement aux résultats antérieurs, l’étude pointe maintenant vers les antécédents de déploiement comme un potentiel facteur de risque de suicide dans les FAC. Le risque de suicide élevé dans l’Armée de terre constitue également un résultat nouveau. Les traumatismes liés au déploiement (particulièrement à la mission en Afghanistan) et les troubles mentaux qui en découlent sont des mécanismes plausibles pour expliquer ces changements. Cependant, un effet de distorsion résiduel pourrait aussi entrer en jeu (p. ex. il pourrait exister un nombre disproportionné de militaires ayant vécu des expériences traumatisantes dans leur enfance ou d’autres expériences traumatisantes dans le personnel de l’Armée de terre ou chez les militaires qui participent à des déploiements). Des recherches additionnelles seront nécessaires pour étudier ces hypothèses en profondeur.

suicide; Forces armées canadiennes, taux; taux ajustés selon l’âge; ratios standardisés de mortalité; ratios de taux; déploiement; population canadienne

Introduction du rapport

Généralement, les rapports traitant du suicide préparés par la cellule d’épidémiologie de la Direction - Protection de la santé de la Force se concentrent sur la surveillance et l’épidémiologie en matière de suicide au sein des Forces armées canadiennes (FAC). Pour la première fois, le présent rapport décrit aussi l’ensemble des données se rapportant au suicide dans les FAC et l’évolution de ce phénomène au cours des 20 dernières années (chapitre 1).

Pour une première fois également, le rapport épidémiologique est complété par des renseignements approfondis sur les mécanismes et les facteurs de risque sous-jacents qui pourraient être entrés en jeu dans les suicides d’hommes de la Force régulière en 2014, renseignements tirés du Rapport sur les examens techniques des suicides par des professionnels de la santé (chapitre 2). Enfin, le présent rapport contient aussi une analyse approfondie de la variation du taux de suicide selon le commandement (chapitre 3).

Par le passé, le contenu des chapitres 2 et 3 faisait l’objet de rapports distincts. Le fait de combiner ces trois rapports simplifie l’accès à l’ensemble des données existantes sur la mortalité par suicide dans les FAC.

Chapitre 1 - Épidémiologie du suicide dans les Forces armées canadiennes, de 1995 à 2014

Dr. Elizabeth Rolland-Harris, M.Sc., Dre
Direction - Protection de la santé de la Force, section Épidémiologie

Dr. Jeff Whitehead, M.D., M.Sc., FRCPC
Direction - Protection de la santé de la Force, section Épidémiologie

1.1 Introduction

Depuis le début des années 1990, des inquiétudes ont été soulevées au sujet du taux de suicide apparent dans les FAC et de ses éventuels liens avec les déploiements 1. Les FAC ont donc lancé un programme de surveillance active de la mortalité par suicide en vue de comparer, d’une part, le taux de suicide de l’ensemble des FAC à celui de la population canadienne, et d’autre part, le taux de suicide chez les militaires ayant fait l’objet d’un déploiement à celui des autres militaires.

L’étude des taux de suicide dans les FAC repose sur des comparaisons rigoureuses avec les taux et les tendances dans la population générale. Le ministère de la Défense nationale (MDN) récolte des données sur les suicides dans les FAC, mais les comparaisons avec la population générale dépendent de la publication par Statistique Canada des taux de mortalité au Canada, laquelle a généralement lieu environ 4 ans après la fin de la période de récolte de données. À l’heure actuelle, les données sur les suicides dans les FAC sont disponibles jusqu’à 2014, alors que les données sur la population canadienne les plus récentes sont celles de 2011.

La Direction – Protection de la santé de la Force prépare régulièrement des rapports épidémiologiques traitant de l’évolution du taux de suicide dans les FAC et la comparant à celle du taux de suicide dans la population canadienne et des analyses du taux de suicide selon les antécédents de déploiement. Le présent rapport, comme ceux qui l’ont précédé, ne traite que des suicides au sein de la Force régulière, parce que les données sur les suicides et sur les caractéristiques et le nombre de militaires de la Force de réserve sont incomplètes, et qu’elles sont essentielles à un calcul fiable du taux de suicide. Le taux de départs est élevé chez les réservistes de classe A, et les suicides au sein de ce groupe ne sont pas nécessairement signalés au MDN puisque c’est principalement le secteur civil qui se charge d’enquêter sur eux. Le nombre précis de personnes à risque est aussi incertain, un problème exacerbé par le fait que la définition de ce qui constitue un réserviste « actif » est nébuleuse. De même, la mortalité par suicide chez les cadets, les rangers et les réservistes supplémentaires ne peut pas être étudiée de manière fiable. Comme les données sur les tentatives de suicide sont souvent incomplètes, le présent rapport, comme les autres études portant sur la santé professionnelle, ne tient compte que des suicides réussis. Les données utilisées dans l’analyse ne concernent que les militaires qui sont morts par suicide alors qu’ils étaient en service actif dans la Force régulière, et non les militaires qui se sont suicidés après avoir quitté les FAC; ces derniers tombent sous la portée de l’Étude sur la mortalité et l’incidence du cancer au sein des Forces armées canadiennes.

1.2 Méthodes

Les FAC utilisent délibérément des méthodes redondantes pour s’assurer que tous les cas de suicide au sein de la Force régulière soient comptabilisés. Les renseignements sur le nombre de suicides et les caractéristiques démographiques des militaires jusqu’en 2012 ont été fournis par la Direction -- Gestion du soutien aux blessés (DGSB). À partir de septembre 2012, les données sur le nombre de suicides ont été obtenues auprès de la Direction de la santé mentale (DSM). La DSM vérifie aussi ses données par renvoi croisé avec celles du Centre de soutien pour les enquêtes administratives (CSEA), qui fait partie de la Direction – Enquêtes et examens spéciaux (DEES). Il convient de souligner que les enquêtes sur les suicides durent souvent plusieurs mois et que les enquêtes sur les suicides s’étant produits au cours de l’année précédente n’étaient pas toutes terminées au moment de publier le présent rapport.

Les renseignements sur les antécédents de déploiement et sur le nombre de militaires des FAC (selon l’âge, le sexe et les antécédents de déploiement) proviennent de la Direction -- Gestion de l’information des ressources humaines (DIRHG). Les données sur les antécédents de déploiement se fondent sur les codes de service et les renseignements sur les unités déployées fournis par la DIRHG. Il convient de souligner que le nombre de militaires qui a déjà fait l’objet d’un déploiement varie parfois par rapport à des rapports antérieurs en raison de mises à jour des dossiers de la DIRHG.

Les données sur les suicides au Canada selon l’âge et le sexe ont été fournies par Statistique Canada. Au moment de rédiger le rapport, les données les plus récentes disponibles étaient celles de 2011. Le taux de suicide au Canada est calculé en fonction des données des certificats de décès. Les codes utilisés dans le cadre du rapport sont ceux de la CIM-9, de E950 à E959 (suicide et blessures auto-infligées) dans les tableaux standards produits par Statistique Canada pour la période de 1995 à 1999. Pour la période de 2000 à 2008, le nombre de décès par suicide a été tiré du tableau CANSIM 102-0540 de Statistique Canada en fonction des codes du CIM-10 de X60 à X84 et Y87.0. Pour les décès par suicide de 2009 à 2011, la source est le tableau CANSIM 102-0551. Les décès de cause indéterminée (CIM-9, de E980 à E989; CIM-10, de Y30 à Y34) sont exclus par Statistique Canada, mais sont couramment inclus dans les statistiques sur le suicide publiées dans d’autres pays (p. ex. au Royaume-Uni, tant dans le contexte civil que dans le contexte militaire). Les règles d’exclusion de Statistique Canada ont été respectées dans la présente analyse en vue de permettre de comparer les données. Tous les dénominateurs de la population canadienne sont tirés du tableau CANSIM 051-0001 de Statistique Canada. Jusqu’en 2010 inclusivement, les dénominateurs représentent les données intercensitaires définitives, tandis que pour 2011 il s’agit des données postcensitaires définitives. Selon certaines sources, les données provenant des certificats de décès sous-estiment le taux de suicide, mais le taux véritable ne représente sans doute pas plus de 1,25 fois le taux officiel (estimation du National Center for Injury Prevention and Control du CDC). Rien ne laisse croire que les certificats de décès des militaires ou des vétérans sous-estiment davantage le taux de suicide que ceux des autres Canadiens.

Le taux de suicide des femmes est habituellement le tiers ou le cinquième de celui des hommes. Étant donné la faible proportion de femmes dans les FAC, il n’est donc pas inhabituel qu’il n’y ait aucun suicide ou qu’un très petit nombre de suicides de femmes dans une année. En raison de l’instabilité associée à d’aussi petits nombres de cas, les comparaisons avec le taux de suicide canadien n’ont été effectuées que pour les hommes. Le taux brut de suicide chez les hommes membres des FAC a été calculé de 1995 à 2014. Le taux de suicide n’a pas été calculé pour les années antérieures à 1995, car la méthode d’estimation du taux de suicide historique dans les FAC n’est pas bien définie.

Pour permettre de comparer les taux chez les hommes membres de la Force régulière à ceux chez les hommes canadiens en général, les ratios standardisés de mortalité (RSM) ont été calculés pour les suicides jusqu’à 2011, en fonction d’une méthode indirecte de normalisation selon l’âge. Cette méthode permet de neutraliser l’effet des écarts de distribution selon l’âge entre la Force régulière des FAC et la population canadienne. Un RSM représente le nombre de cas observés divisé par le nombre de cas prévus dans une population normale à risque (en l’occurrence, la population canadienne), selon l’âge et le sexe, exprimé sous forme de pourcentage. Par conséquent, un RSM de moins de 100 % signifie que le taux de suicide est moins élevé dans la population étudiée que dans la population canadienne, tandis qu’un RSM de plus de 100 % signifie que le taux de suicide est plus élevé dans la population étudiée que dans la population canadienne.

Le calcul des intervalles de confiance (IC) pour les données relatives à la population est controversé, mais il est fourni ici pour ceux qui souhaiteraient généraliser les résultats à d’autres années. Les intervalles de confiance des taux de suicide chez les hommes de la Force régulière et des RSM ont été calculés directement au moyen des limites de confiance à 95 % de la distribution de Poisson, exactement selon la méthode décrite par Breslow et Day 2. Dans tous les cas, les IC sont très utiles pour illustrer la variabilité aléatoire potentielle lorsque le nombre de cas est aussi faible sur le plan épidémiologique. Les intervalles de confiance des RSM qui comprennent 100 % ne sont pas statistiquement significatifs.

Les RSM ont été calculés de manière distincte pour les hommes de la Force régulière selon qu’ils aient ou non déjà fait l’objet d’un déploiement. Cependant, les RSM ne peuvent pas être comparés directement entre eux, car ils sont normalisés en fonction de la distribution de populations différentes.

Pour permettre de comparer directement le risque de suicide chez les hommes de la Force régulière ayant déjà fait l’objet d’un déploiement et celui de ceux qui n’ont pas d’antécédents de déploiement, une normalisation directe a été effectuée en utilisant la population masculine totale de la Force régulière comme référence. Le taux de suicide normalisé selon l’âge des hommes de la Force régulière qui ont déjà participé à un déploiement a été comparé à celui des militaires sans aucun antécédent de déploiement au moyen de ratios de taux. Cependant, comme les taux concernant des groupes d’âge particuliers sont très instables pour cette population (car ils se basent sur de très petits nombres et présentent donc un risque de variabilité élevé), nous recommandons la prudence dans les comparaisons entre les taux normalisés de façon directe. Les intervalles de confiance ont été calculés selon la méthode décrite par Rothman et Greenland 3.

1.3 Résultats

A. Taux brut de suicide chez les hommes de la Force régulière (de 1995 à 2014)

Le tableau 1.1 présente le taux de suicide pour 100 000 personnes chez les hommes membres de la Force régulière. Comme on dénombre moins de 20 cas de suicide la plupart des années, les taux n’ont pas été calculés sur une base annuelle, car les résultats n’auraient pas été statistiquement fiables. Des périodes de cinq ans ont donc été utilisées (de 1995 à 1999, de 2000 à 2004, de 2005 à 2009 et de 2010 à 2014). Étant donné la rareté des suicides de femmes dans les FAC, le taux correspondant n’a pas été calculé. Il n’y a eu aucun suicide de femmes dans la Force régulière de 1995 à 2002; 2 en 2003; aucun en 2004 ni en 2005; un par année de 2006 à 2008; 2 en 2009; aucun en 2010; 1 en 2011; 3 en 2012; 1 en 2013; 1 en 2014.

Tableau 1.1 : Taux pluriannuel de suicide pour les hommes de la Force régulière des FAC (de 1995 à 2014)*
Année Nombre d'années-personnes (AP) pour les hommes de la Force régulière 4 des FAC Nombre de suicides chez les hommes de la Force régulière des FAC Taux de suicide pour 105 personnes chez les hommes de la Force régulière des FAC (95% CI)
1995 62 255 12
1996 57 323 8
1997 54 982 13
1998 54 284 13
1999 52 689 10
1995-1999 281 533 56 19,9 (15,1-26,0)
2000 51 537 12
2001 51 029 10
2002 52 747 9
2003 54 137 9
2004 53 873 10
2000-2004 263 323 50 19,0 (14,1-25,1)
2005 53 648 10
2006 54 301 7
2007 55 140 9
2008 55 704 13
2009 56 813 12
2005-2009 275 606 51 18,5 (13,8-24,4)
2010 58 723 12
2011 58 622 21
2012 58 135 10
2013 57 687 9
2014 56 699 16
2010-2014 289 866 68 23,5 (18,4-29,9)

* Le nombre confirmé de suicides chez les hommes de la Force régulière pour 2009 a augmenté d’un depuis la parution du rapport « Le suicide dans les Forces armées canadiennes de 1995 à 2012 ».

Comme le montre le tableau 1.1, le taux de suicide chez les hommes de la Force régulière n’a pas évolué de manière sensible entre 1995 et 2009. Si le taux semble avoir augmenté quelque peu au cours des cinq dernières années, les intervalles de confiance de toutes les périodes, y compris celle de 2010 à 2014, se chevauchent, ce qui signifie que l’augmentation n’est pas statistiquement significative. L’augmentation est en grande partie attribuable à un nombre de suicides anormalement élevé en 2011. Prenez note que l’abréviation AP désigne les années-personnes 4.

B. Comparaison entre le taux de suicide chez les hommes de la Force régulière des FAC et le taux de suicide dans la population canadienne au moyen des ratios standardisés de mortalité (de 1995 à 2011)

En raison de l’instabilité statistique du taux de suicide chez les hommes de la Force régulière des FAC, causée par le petit nombre de cas, la meilleure approche consiste à comparer la mortalité par suicide en estimant le nombre prévu de cas si le taux canadien était appliqué à la population de militaires. Cette méthode, appelée normalisation indirecte, est couramment utilisée dans les études portant sur des professions particulières. Pour calculer le ratio standardisé de mortalité (RSM), il suffit de diviser le nombre de cas observés chez les hommes de la Force régulière par le nombre de cas prévus (en fonction du taux canadien). Les calculs ne peuvent donc être effectués que jusqu’en 2011, puisque c’est, à l’heure actuelle, l’année la plus récente pour laquelle Statistique Canada a publié les taux de suicide. Les comparaisons ont été effectuées par période de cinq ans et de dix ans lorsque c’était possible, étant donné que les taux sur dix ans présentent des intervalles de confiance moins étendus (tableau 1.2).

Tableau 1.2 : Comparaison entre le taux de suicide chez les hommes de la Force régulière des FAC et le taux de suicide chez les hommes canadiens au moyen des ratios standardisés de mortalité (RSM), de 1995 à 2011 *
Période Âge Nombre d'années-personnes (AP) pour les hommes de la Force régulière des FAC Taux de suicide chez les hommes canadiens Nombre prévu de suicides chez les hommes de la Force régulière des FAC Nombre observé de suicides chez les hommes de la Force régulière des FAC RSM par suicide (IC à 95%)
1995-1999 (5 ans) 15-19 4 056 19,36 0,79 2
1995-1999 (5 ans) 20-24 26 521 26,81 7,11 7
1995-1999 (5 ans) 25-29 52 268 25,28 13,22 14
1995-1999 (5 ans) 30-34 72 904 27,61 20,13 17
1995-1999 (5 ans) 35-39 64 964 29,40 19,10 10
1995-1999 (5 ans) 40-44 33 881 29,44 9,97 3
1995-1999 (5 ans) 45-49 18 769 28,12 5,28 3
1995-1999 (5 ans) 50-54 7 766 26,83 2,08 0
1995-1999 (5 ans) 55-59 404 23,92 0,10 0
Total (1995-1999) 77,77 56 72,0% (54,6-94,2)
2000-2004 (5 ans) 15-19 5 875 14,87 0,87 1
2000-2004 (5 ans) 20-24 28 433 21,70 6,17 6
2000-2004 (5 ans) 25-29 36 274 20,56 7,46 9
2000-2004 (5 ans) 30-34 48 996 22,48 11,01 8
2000-2004 (5 ans) 35-39 65 618 25,34 16,63 10
2000-2004 (5 ans) 40-44 47 569 26,08 12,41 10
2000-2004 (5 ans) 45-49 20 602 26,77 5,51 5
2000-2004 (5 ans) 50-54 9 256 26,20 2,42 1
2000-2004 (5 ans) 55-59 700 23,05 0,16 0
Total (2000-2004) 62,65 50 79,8% (59,2-105,4)
1995-2004 (10 ans) 15-19 9 931 17,07 1,69 3
1995-2004 (10 ans) 20-24 54 954 24,17 13,28 13
1995-2004 (10 ans) 25-29 88 542 22,94 20,31 23
1995-2004 (10 ans) 30-34 121 900 25,18 30,70 25
1995-2004 (10 ans) 35-39 130 582 27,40 35,77 20
1995-2004 (10 ans) 40-44 81 450 27,67 22,54 13
1995-2004 (10 ans) 45-49 39 371 27,40 10,79 8
1995-2004 (10 ans) 50-54 17 022 26,49 4,51 1
1995-2004 (10 ans) 55-59 1 104 23,43 0,26 0
Total (1995-2004) 139,85 106 75,8% (62,3-92,0)
2005-2009 (5 ans) 15-19 7 412 11,84 0,88 0
2005-2009 (5 ans) 20-24 39 045 18,82 7,35 10
2005-2009 (5 ans) 25-29 45 551 17,61 8,02 7
2005-2009 (5 ans) 30-34 41 004 18,58 7,62 6
2005-2009 (5 ans) 35-39 47 669 22,29 10,63 11
2005-2009 (5 ans) 40-44 50 000 25,51 12,75 13
2005-2009 (5 ans) 45-49 31 281 26,58 8,31 3
2005-2009 (5 ans) 50-54 11 897 25,27 3,01 1
2005-2009 (5 ans) 55-59 1 747 23,23 0,41 0
Total (2005-2009) 58,97 51 86,5% (64,4-114,0)
2010-2011 (2 ans) 15-19 2 664 12,45 0,33 0
2010-2011 (2 ans) 20-24 19 352 18,93 3,66 6
2010-2011 (2 ans) 25-29 22 260 16,47 3,67 7
2010-2011 (2 ans) 30-34 18 648 18,61 3,47 10
2010-2011 (2 ans) 35-39 16 144 21,26 3,43 5
2010-2011 (2 ans) 40-44 15 999 22,35 3,58 3
2010-2011 (2 ans) 45-49 14 575 26,15 3,81 2
2010-2011 (2 ans) 50-54 6 482 25,24 1,64 0
2010-2011 (2 ans) 55-59 1 221 23,75 0,29 0
Total (2010-2011) 23,88 33 138,2% (95,1-194,3)

* Certains estimés pourraient avoir légèrement changé comparativement aux rapports précédents en raison de mises à jour concernant la population canadienne, la population d’hommes membres de la Force régulière et le nombre de suicides.

Nous avons calculé un RSM sur 10 ans, l’augmentation du nombre de cas facilitant la détection d’éventuels écarts par rapport au taux canadien. Nous n’avons pas tenté de regrouper davantage les années, car il aurait alors fallu mélanger les données de la période précédant les combats intenses en Afghanistan avec celles de la période de combats, ce qui n’aurait pas permis d’obtenir un portrait clair des facteurs de risque. Pour la période de dix ans qui s’étend de 1995 à 2004, le RSM est de 76 %, ce qui signifie que le nombre de suicides d’hommes dans la Force régulière était inférieur de 24 % à ce qu’il aurait été selon le taux pour les hommes canadiens, une fois neutralisé l’effet des différences dans la distribution des âges. Ce résultat est statistiquement significatif, puisque la limite supérieure de l’intervalle de confiance est inférieure à 100 %.

Pour la période de 2005 à 2009 (tableau 1.2), les données indiquent que le taux de suicide dans la population d’hommes de la Force régulière est inférieur de 14 % à celui de la population canadienne, une fois neutralisé l’effet des différences dans la distribution des âges. Ce RSM n’est pas statistiquement significatif, puisque l’intervalle de confiance comprend 100 %. Pour les années 2010 et 2011, même si le RSM est de plus de 100 %, l’intervalle de confiance comprend 100 %, ce qui signifie que les résultats ne sont pas statistiquement significatifs. Enfin, les intervalles de confiance des RSM de toutes les périodes se chevauchent, ce qui voudrait dire qu’il n’y a pas d’écart statistiquement significatif entre les RSM des différentes périodes de cinq ans. Le RSM de la période de 2010 à 2011 doit être interprété avec précaution, pour les raisons suivantes :

  1. le RSM de 2010 à 2011 repose sur les données de deux années seulement, et un nombre anormalement élevé de suicides a été enregistré dans la deuxième de ces années;
  2. les intervalles de confiance de ce RSM sont très étendus, ce qui pourrait indiquer que le RSM n’est pas stable;
  3. les intervalles de confiance de ce RSM chevauchent ceux des périodes de cinq ans précédentes, ce qui signifie que d’éventuels écarts ne sont pas statistiquement significatifs.

C. Comparaison entre le taux de suicide chez les hommes de la Force régulière des FAC selon les antécédents de déploiement et le taux de suicide canadien, au moyen des ratios standardisés de mortalité (de 1995 à 2011)

Certains avancent que le risque de suicide serait plus élevé chez les hommes de la Force régulière qui ont déjà participé à un déploiement que chez les autres, même si des analyses antérieures n’ont pas établi cette corrélation. Le tableau 1.3 présente les RSM selon les antécédents de déploiement.

Tableau 1.3 : Ratios standardisés de mortalité par suicide chez les hommes de la Force régulière des FAC, selon les antécédents de déploiement, de 1995 à 2011
Âge Suicides chez les hommes de la Force régulière des FAC ayant fait l’objet d’un déploiement Suicides chez les hommes de la Force régulière des FAC n’ayant jamais fait l’objet d’un déploiement
Prévision Réalité RSM (IC à 95%) Prévision Réalité RSM (IC à 95%)
1995-1999 (5 ans)
15-19 0,01 0 0,78 2
20-24 1,33 2 5,78 5
25-29 4,90 3 8,31 11
30-34 8,07 10 12,06 7
35-39 7,84 4 11,26 6
40-44 4,21 1 5,76 2
45-49 2,13 0 3,15 3
50-54 0,73 0 1,35 0
55-59 0,01 0 0,08 0
Total 68% (42-105) 74% (52-103)
2000-2004 (5 ans)
15-19 0,01 0 0,86 1
20-24 1,33 1 4,84 5
25-29 3,56 3 3,90 6
30-34 6,45 6 4,56 2
35-39 9,42 6 7,21 4
40-44 6,75 6 5,66 4
45-49 2,89 3 2,62 2
50-54 1,12 0 1,30 1
55-59 0,06 0 0,10 0
Total 79% (51-117) 80% (52-119)
1995-2004 (10 ans)
15-19 0,02 0 1,67 3
20-24 2,69 3 10,60 10
25-29 8,42 6 11,90 17
30-34 14,59 16 16,11 9
35-39 17,49 10 18,29 10
40-44 11,12 7 11,42 6
45-49 5,03 3 5,75 5
50-54 1,86 0 2,65 1
55-59 0,08 0 0,18 0
Total 73% (54-98) 78% (60-101)
2005-2009 (5 ans)
15-19 0,01 0 0,87 0
20-24 1,28 4 6,00 6
25-29 3,36 3 4,61 4
30-34 4,62 2 2,97 3
35-39 7,38 6 3,21 5
40-44 8,56 11 4,15 2
45-49 5,22 3 3,11 0
50-54 1,74 0 1,28 1
55-59 0,20 0 0,21 0
Total 90% (60-129) 80% (49-122)
2010-2011 (2 ans)
15-19 0,00 0 0,33 0
20-24 0,69 1 2,97 5
25-29 1,48 3 2,19 4
30-34 1,93 5 1,54 5
35-39 2,22 4 1,21 1
40-44 2,37 2 1,21 1
45-49 2,39 2 1,42 0
50-54 0,90 0 0,73 0
55-59 0,14 0 0,15 0
Total 140% (82-224) 136% (78-221)

Les RSM de chacune des périodes de cinq ou dix ans (avant 2005) montrent que le nombre de suicides chez les hommes de la Force régulière est constamment moins élevé qu’il ne le serait selon le taux de suicide de l’ensemble des hommes canadiens. Par exemple, de 1995 à 2004, le nombre de suicides chez les hommes de la Force régulière ayant fait l’objet d’un déploiement correspond à 73 % de ce qu’il aurait dû être selon le taux canadien, ce qui signifie que les militaires ayant déjà fait l’objet d’un déploiement affichaient un risque de suicide de 27 % inférieur aux hommes canadiens du même âge. Ce résultat est statistiquement significatif puisque l’intervalle de confiance ne comprend pas 100 %. En ce qui concerne les hommes de la Force régulière qui n’ont jamais fait l’objet d’un déploiement, le RSM est de 78 %, ce qui signifie que leur risque de suicide est 22 % moins élevé que celui de l’ensemble des hommes canadiens du même âge. En revanche, ce résultat n’est pas statistiquement significatif. Les RSM ne devraient pas être comparés entre eux, car ils concernent des populations différentes.

De 2005 à 2009, le risque de suicide chez les hommes de la Force régulière qui avaient déjà participé à un déploiement était inférieur de 10 % au risque de suicide des hommes canadiens du même âge. Cependant, ce résultat n’est pas statistiquement significatif.

Les données de la période de 2 ans (2010-2011) sont fournies par souci d’exhaustivité, mais les intervalles de confiance pertinents sont très étendus et les résultats ne sont pas statistiquement significatifs. Par conséquent, même si le RSM trahit un risque de suicide nettement plus élevé que les années précédentes pour les militaires, peu importe leurs antécédents de déploiement, il est difficile de déterminer si la hausse marquée du risque de suicide dans ces deux populations constitue le début d’une tendance ou s’il s’agit d’une variation aléatoire du nombre annuel de suicides, tout particulièrement compte tenu du nombre de suicides observé en 2011.

D. Taux de suicide des hommes de la Force régulière des FAC selon les antécédents de déploiement, en fonction de la normalisation directe (de 1995 à 2014)

Les tableaux 1.4 (périodes de 5 ans) et 1.5 (périodes de 10 ans) présentent les résultats de la normalisation directe. Un ratio de taux de suicide inférieur à 1,0 signifie que le risque de suicide est moins élevé pour les militaires ayant fait l’objet d’un déploiement que pour les autres, alors qu’un ratio de taux supérieur à 1,0 signifie que le risque de suicide est plus élevé pour les militaires ayant fait l’objet d’un déploiement que pour les autres.

Tableau 1.4 : Comparaison des taux de suicide sur cinq ans chez les hommes de la Force régulière des FAC, selon les antécédents de déploiement, en fonction de la normalisation directe (de 1995 à 2014)*
Âge Nombre d’années-personnes pour les hommes de la Force régulière des FAC Taux de suicide/105 pour les hommes de la Force régulière des FAC Taux de suicide/105 normalisé selon l’âge Ratio de taux de suicide (IC à 95 %)
Avec antéc. de dépl. Sans antéc. de dépl. Avec antéc. de dépl. Sans antéc. de dépl.
1995-1999 (5 ans)
15-19 4 056 0,00 49,83
20-24 26 521 40,23 23,20
25-29 52 268 15,47 33,47
30-34 72 904 34,23 16,02
35-39 64 964 15,00 15,67
40-44 33 881 6,98 10,22
45-49 18 769 0,00 26,78
50-54 7766 0,00 0,00
55-59 404 0,00 0,00
Total 281 533 19,05 20,39 19,83 19,90 1,00 (0,57-1,75)
2000-2004 (5 ans)
15-19 5 875 0,00 17,26
20-24 28 433 16,29 22,43
25-29 36 274 17,34 31,62
30-34 48 996 20,91 9,85
35-39 65 618 16,14 14,06
40-44 47 569 23,19 18,43
45-49 20 602 27,77 20,41
50-54 9 256 0,00 20,10
55-59 700 0,00 0,00
Total 263 323 19,14 18,84 18,42 18,13 1,02 (0,57-1,80)
2005-2009 (5 ans)
15-19 7 413 0,00 0,00
20-24 39 044 58,09 18,66
25-29 45 557 15,61 15,19
30-34 41 004 12,00 18,74
35-39 47 665 18,06 34,63
40-44 50 003 32,66 12,25
45-49 31 279 15,29 0,00
50-54 11 899 0,00 19,87
55-59 1 749 0,00 0,00
Total 275 613 20,63 16,13 22,38 17,01 1,37 (0,74-2,57)
2010-2014 (5 ans)
15-19 5 121 0,00 0,00
20-24 42 790 31,96 30,11
25-29 55 679 28,44 23,13
30-34 48 534 40,66 23,27
35-39 40 462 25,19 7,89
40-44 38 312 24,64 10,09
45-49 33 980 20,55 10,36
50-54 19 001 16,10 15,21
55-59 3 919 0,00 0,00
Total 287 798 26,72 20,27 27,42 17,56 1,56 (0,91-2,66)

* Certains estimés pourraient avoir légèrement changé comparativement aux rapports précédents en raison de mises à jour concernant la population d’hommes dans la Force régulière.

Tableau 1.5 : Comparaison des taux de suicide sur 10 ans chez les hommes de la Force régulière des FAC, selon les antécédents de déploiement, en fonction de la normalisation directe (de 1995 à 2014)*
Âge Nombre d’années-personnes pour les hommes de la Force régulière des FAC Taux de suicide/105 pour les hommes de la Force régulière des FAC Taux de suicide/105 normalisé selon l’âge Ratio de taux de suicide (IC à 95 %)
Avec antéc. de dépl. Sans antéc. de dépl. Avec antéc. de dépl. Sans antéc. de dépl.
1995-2004 (10 ans)
15-19 9 931 0,00 30,58
20-24 54 954 27,01 22,81
25-29 88 542 16,35 32,79
30-34 121 900 27,63 14,07
35-39 130 582 15,66 14,98
40-44 81 450 17,42 14,54
45-49 39 371 16,33 23,81
50-54 17 022 0,00 9,99
55-59 1 104 0,00 0,00
Total 544 856 19,10 19,72 19,10 19,13 1,00 (0,67-1,49)
2005-2014 (10 ans)
15-19 12 534 0,00 0,00
20-24 81 834 45,65 24,75
25-29 101 236 22,32 19,70
30-34 89 538 26,90 21,34
35-39 88 127 21,30 22,13
40-44 88 315 28,99 11,44
45-49 65 259 18,20 4,69
50-54 30 900 10,37 17,23
55-59 5 668 0,00 0,00
Total 563 411 23,72 18,26 25,47 17,27 1,48 (0,98-2,22)

* Certains estimés pourraient avoir légèrement changé comparativement aux rapports précédents en raison de mises à jour concernant la population d’hommes dans la Force régulière.

La relation entre le déploiement et le risque de suicide varie au fil du temps. Pendant les dix ans de 1995 à 2004, le RSM ne montre aucun effet de la participation à un déploiement sur le risque de suicide. Le ratio de taux de suicide de 1,00 signifie que le taux de suicide est le même chez les hommes qui ont déjà participé à un déploiement et chez ceux qui n’ont jamais participé à un déploiement. Les données pour 2005 à 2014, elles, montrent une augmentation non-statistiquement significative du ratio de taux de suicide des militaires qui ont déjà fait l’objet d’un déploiement par rapport à ceux qui n’ont aucun antécédent de déploiement. Cependant, comme dans les autres périodes analysées, l’intervalle de confiance englobe 1,00, ce qui signifie que le résultat n’est pas statistiquement significatif. En outre, les intervalles de confiance de chacune de ces périodes se chevauchent, ce qui voudrait dire qu’il n’y a pas eu de variation statistiquement significative du ratio de taux de suicide entre la période de 1995 à 2004 et la période de 2005 à 2014.

En ce qui concerne les périodes de 2010 à 2014 (5 ans) et de 2005 à 2014 (10 ans), les ratios de taux de suicide se situent nettement au-dessus de 1,00 (respectivement, à 1,56 et à 1,48); ces résultats sont aussi proches d’être statistiquement significatifs (la limite inférieure des intervalles de confiance est proche de 1,00 dans les deux cas). Il se pourrait donc que le risque de suicide soit plus grand chez les hommes de la Force régulière ayant fait l’objet d’un déploiement que chez les autres. Il convient toutefois de garder à l’esprit la puissance statistique limitée de l’étude et le fait, déjà mentionné dans la section Méthodes, que les taux de suicide selon l’âge sont extrêmement instables pour cette population.

Chapitre 2 – Résultats des examens techniques des suicides par des professionnels de la santé, 2014

Dr. Elizabeth Rolland-Harris, M.Sc., Dre
Direction – Protection de la santé de la Force, section Épidémiologie

Henry Matheson, M.S.S., T.S.I.
Direction de la santé mentale

2.1 Introduction

Cette nouvelle section qui s’ajoute au rapport annuel sur la Mortalité par suicide dans les Forces armées canadiennes de 2014 renseigne sur les méthodes de suicide, les facteurs psychosociaux et les antécédents de déploiement qui pourraient avoir joué un rôle dans les suicides de 2014 examinés. L’ajout de cette section remplace la publication annuelle du Rapport sur les examens techniques des suicides par des professionnels de la santé 5 préparé annuellement par la Direction de la santé mentale du ministère de la Défense nationale. Les suicides des membres de la Force de réserve font aussi l’objet d’un examen technique du suicide par des professionnels de la santé, dans la mesure où les FAC en sont avisés lorsqu’ils relèvent des autorités civiles. Les rapports sur les examens techniques des suicides par des professionnels de la santé faisaient état des données concernant tous les examens effectués (qu’ils visent des membres de la Force régulière ou de la Force de réserve), mais comme dans le reste du présent rapport, les renseignements ci-dessous sont circonscrits aux hommes membres de la Force régulière.

2.2 Méthodes

Les données ci-dessous sont récoltées dans le cadre du processus d’examen technique des suicides par des professionnels de la santé (ETSPS) à la suite d’un suicide. L’instauration des ETSPS était une des principales recommandations du Groupe d’expert des FAC sur la prévention du suicide en 2009. Ces examens ne se substituent pas aux commissions d’enquête, mais se concentrent plutôt sur les questions liées à la santé en tirant profit des connaissances scientifiques les plus récentes sur les facteurs de suicide et la prévention du suicide. Le processus d’ETSPS remplit plusieurs fonctions utiles. Il sert de mécanisme rapide de vérification de la qualité des soins, il permet de cerner les lacunes et les points à améliorer dans le programme de prévention du suicide des FAC et il fournit des données complètes et exactes qui permettent d’améliorer la surveillance des suicides. Le médecin général lance un ETSPS dès qu’un suicide est confirmé. L’examen est mené par une équipe composée d’un professionnel de la santé mentale et d’un médecin militaire généraliste. L’équipe examine tous les dossiers médicaux pertinents et effectue des entrevues avec le personnel médical, les membres de l’unité, les membres de la famille et toute autre personne à même d’avoir des renseignements sur les circonstances du suicide. Tous ces renseignements sont rassemblés en vue de mieux comprendre les circonstances qui ont mené au suicide.

2.3 Résultats

Le suicide est un évènement rare, mais tragique, qui représente un problème de santé publique important au Canada et dans les Forces armées canadiennes. Selon la définition de Durkheim dans Suicide: A Study in Sociology 6, le suicide est le résultat [traduction] « [d’]interrelations complexes entre des caractéristiques multiples » 7. Comme le suicide est causé par de multiples facteurs, des interventions sur des volets multiples sont nécessaires pour en réduire le risque.

Des données tirées des ETSPS imposés par les politiques des FAC sont présentées ci-dessous pour permettre de mieux comprendre les facteurs de risque et les caractéristiques des hommes de la Force régulière qui se sont ôté la vie en 2014. Même si 16 hommes de la Force régulière se sont suicidés en 2014, les données ci-dessous ne concernent que 15 cas, un des examens étant toujours en cours au moment de la publication du rapport. Comme il a été mentionné dans la section Méthodes, seules les données des hommes de la Force régulière sont présentées ci-dessous, même si les rapports sur les examens techniques des suicides par des professionnels de la santé fournissaient auparavant des données sur tous les examens effectués (hommes ou femmes, de la Force régulière comme de la Force de réserve). Les motifs de cette décision sont les suivants :

  1. Sauf pour un formulaire d’ETSPS non encore reçu, des données exhaustives ont été recueillies sur les suicides chez les hommes de la Force régulière en 2014. Nous avons donc confiance en l’exhaustivité et la représentativité des résultats présentés, et ceux-ci permettront donc d’adopter des politiques et des pratiques basées sur les faits.
  2. Les données sur les réservistes n’ont pas cet avantage. Étant donné les problèmes propres au signalement aux FAC des suicides de membres de la Force de réserve, nous ne pouvons pas être certains de l’exhaustivité des données les concernant. Il faudrait pour fonder des décisions sur les données limitées dont nous disposons être relativement certains que ces quelques cas sont représentatifs de l’ensemble des suicides de membres de la Force de réserve, qu’ils aient été signalés ou non aux FAC. C’est une hypothèse qui ne peut être vérifiée. De fait, il est probable que les cas de suicides de réservistes signalés aux FAC présentent des différences systématiques par rapport aux autres cas de suicides chez les réservistes (p. ex. sur le plan des antécédents de déploiement). Cependant, en l’absence d’une méthode de décompte systématique des suicides de membres de la Force de réserve, il ne s’agit que d’hypothèses.
  3. L’utilisation des données sur les suicides de membres de la Force de réserve est aussi à proscrire en raison du petit nombre de cas signalés aux FAC (n = 3). La publication de renseignements sur ces cas violerait plus que probablement l’anonymat des personnes concernées et contreviendrait donc aux règles de protection de la vie privée.

Soulignons que tous les décès par suicide font l’objet d’un ETSPS en vue d’en tirer des enseignements. À l’heure actuelle, il est prévu d’inclure les données de l’ensemble des ETSPS (hommes et femmes, Force régulière et Force de réserve) depuis la mise en place des ETSPS dans le rapport de l’année prochaine.

A. Caractéristiques démographiques

Au moment de leur suicide, la majorité des militaires étaient mariés (tableau 2.1). De ceux qui étaient mariés, 5 (55,6 %) vivaient encore avec leur épouse, tandis que 4 (44,4 %) étaient séparés (ne pas confondre avec une séparation officielle) en raison de problèmes de couple. Le tiers (n = 5) des personnes décédées avaient des enfants mineurs, mais aucun d’entre eux ne vivait avec leurs enfants au moment du décès.

Tableau 2.1 : État civil au moment du décès
État civil N (%)
Célibataire (jamais marié) 2 (13,3%)
Union civile 2 (13,3%)
Marié 9 (60,0%)
Séparation officielle ou divorce 2 (13,3%)

Dans près de la moitié des cas (46,7 %), le militaire n’avait pas dépassé le niveau du diplôme d’études secondaires; 26,6 % des suicidés avaient obtenu un diplôme d’études postsecondaires (tableau 2.2).

Tableau 2.2 : Niveau de scolarité atteint au moment du décès
Niveau de scolarité N (%)
Études secondaires incomplètes 3 (20,0%)
Diplôme d’études secondaires 7 (46,7%)
Études collégiales ou techniques incomplètes 1 (6,7%)
Diplôme d’études collégiales 1 (6,7%)
Baccalauréat 2 (13,3%)
Maîtrise ou études supérieures 1 (6,7%)

B. Précisions sur les suicides

Le tableau 2.3 présente un résumé des méthodes de suicide employées au cours de la période visée selon les ETSPS. Comme d’autres études l’ont déjà établi 8,9, la pendaison, les armes à feu et l’asphyxie sont les trois méthodes de suicide les plus courantes. Sur cet aspect, les résultats concordent avec ceux des hommes canadiens : la pendaison et les armes à feu sont les deux méthodes de suicide les plus courantes dans cette population 10.

Tableau 2.3 : Méthode de suicide
Méthode de suicide N (%)
Pendaison 8 (53,3%)
Arme à feu (autre que l’arme de service) 4 (26,7%)
Asphyxie (Causée par le monoxyde de carbone, la noyade ou l’hélium) 2 (13,3%)
Drogues 1 (6,7%)

La consommation d’alcool a été confirmée dans deux (13,3 %) des cas de suicides analysés dans la présente étude, et la consommation simultanée d’alcool et de drogues a été confirmée dans deux (13,3 %) autres cas. Pour les deux tiers (10) des suicides examinés, il n’a pas été possible de déterminer si l’alcool ou la drogue étaient en jeu. Cela ne signifie pas que la présence de drogue ou d’alcool a été catégoriquement réfutée, mais plutôt que les éléments de preuve ne permettaient pas de parvenir à une conclusion.

C. Accès aux soins

Chacune des 15 personnes visées par la présente étude avait utilisé les services d’un établissement de soins au moins une fois avant son suicide. La plupart d’entre elles avaient utilisé trois services différents avant de passer à l’acte (intervalle : 1-5). Dans les deux tiers des cas, le militaire avait eu recours à au moins un type de traitement dans les 30 jours précédant son décès; pour une période de trois mois avant le décès, le pourcentage passe à 73,3 %. Dans l’ensemble, 93,3 % des militaires qui se sont suicidés avaient reçu un quelconque type de soins de santé dans l’année précédant leur décès.

Dans la majorité des cas (80,0 %), les soins avaient été fournis dans un établissement de soins de santé. Parmi les militaires ayant reçu des soins dans ce type d’établissement (tableau 2.4), 58,3 % l’avaient fait dans les 30 jours précédant leur décès. Il convient de souligner que les soins demandés dans un établissement de soins de santé n’étaient pas nécessairement liés à la santé mentale.

Tableau 2.4 : Accès aux soins avant le suicide*
Service N (%) % ayant eu recours dans les 30 jours précédents
Établissement de soins de santé 12 (80,0%) 58,3%
Conseiller en alcoolisme et toxicomanie de base 4 (26,7%) 50,0%
Services psychosociaux 11 7 (46,7%) 14,3%
Services d’aumônerie 3 (20,0%) 0,0%
Soins de santé mentale en consultation externe 8 (53,3%) 75,0%
Soins de santé mentale en hôpital 5 (33,3%) 60,0%

* Le total n’est pas de 100 % étant donné que dans 93,3 % des cas le militaire a eu recours à au moins deux services.

L’absence d’accès aux soins dans les 30 jours précédant le suicide ne signifie pas nécessairement qu’il existait un obstacle à l’accès aux soins; il se peut simplement que la personne ait déjà eu recours à ce type de soins dans un passé plus lointain ou que l’accès ait été offert, mais que le patient ne se soit pas présenté à ses rendez-vous. Ce type de comportement correspond à celui qui est observé dans la population générale. Selon l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes – Santé mentale et bien-être de 2012, lorsqu’elles sont interrogées sur les entraves à l’accès aux soins de santé mentale, 43,2 % des personnes ayant des besoins en matière de santé mentale indiquent qu’elles « préfère[nt se] débrouiller tout[es] seul[es] ».

D. Facteurs liés à la santé mentale

Dans plus de la moitié (53,3 %) des cas de suicide, il y avait des antécédents documentés de troubles de l’humeur, y compris la dépression (40,0 %) et la dysthymie (6,7 %). Quatre des militaires (26,7 %) souffraient d’un trouble de l’anxiété, comme un trouble panique (13,3 %) ou un trouble de stress aigu (6,7 %). Quatre des militaires (26,7 %) souffraient à la fois d’un trouble de l’humeur et d’un trouble de l’anxiété au moment de leur décès. De plus, dans 13,3 % des cas, le militaire avait reçu un diagnostic de trouble de stress post-traumatique plus de trois mois avant son décès, et dans 20 % des cas, le militaire avait reçu un diagnostic de traumatisme cérébral au moins un an avant son décès. La portion de ces facteurs liés à la santé mentale qui peut être attribuée au stress opérationnel n’a pas été déterminée dans le cadre des ETSPS.

Des indications préalables d’idées suicidaires ou des tentatives de suicide antérieures ont été documentées dans cinq cas (33,3 %). Il est probable que la présence d’idées suicidaires ou de tentatives de suicide dans l’échantillon ait été plus élevée que cette estimation, mais que le patient ait nié avoir pensé au suicide ou tenté de se suicider ou n’ait pas présenté d’idées suicidaires au moment de sa dernière visite dans un établissement de soins de santé. Soulignons que le formulaire de l’Examen médical périodique que doivent remplir tous les membres des FAC comprend une question sur les idées suicidaires. L’Examen médical périodique est effectué tous les 5 ans pour les militaires de moins de 40 ans et tous les 2 ans pour les militaires de 40 ans et plus.

E. Facteurs non liés à la santé mentale

Le formulaire des ETSPS permet de récolter des renseignements sur toute une liste, non exhaustive, de facteurs potentiels de stress professionnel et personnel qui pourraient contribuer à la décision de s’ôter la vie. Le tableau 2.5 dresse le portrait de ces facteurs chez les hommes de la Force régulière s’étant suicidés en 2014.

Tableau 2.5 : Facteurs de stress professionnel et personnel attestés avant le suicide
Facteur N (%)
Échec avéré ou probable d’une relation conjugale 12 (80,0%)
Échec d’une autre relation (p.ex. famille ou amis) 4 (26,7%)
Suicide réussi d’un conjoint, d’un membre de la famille ou d’un ami 5 (33,3%)
Décès d’un membre de la famille ou d’un ami (autres que les suicides) 1 (6,7%)
Problèmes de santé physique 7 (46,7%)
Maladie d’un membre de la famille 3 (20,0%)
Endettement 6 (40,0%)
Problèmes professionnels 8 (53,3%)
Problèmes juridiques 6 (40,0%)

Au moins un des facteurs énumérés au tableau 2.5 était présent dans tous les cas de suicides d’hommes de la Force régulière de l’année 2014. Dans 80 % des cas, plus d’un facteur était présent, et dans près de la moitié des cas (46,7 %), de quatre à sept de ces facteurs ont été attestés.

Au cours de leur vie, trois des personnes en question (20 %) ont été victimes de violence physique, sexuelle ou émotionnelle, et cinq d’entre elles (33,3 %) ont commis des actes de violence physique ou émotionnelle.

Au moment de leur décès, près de la moitié des militaires en cause (46,7 %) étaient visés par un quelconque type de procédure judiciaire ou disciplinaire ou un processus d’examen administratif (p.ex. libération des FAC, absence sans permission, conseil d’examen médical ou de révision des carrières). Chacun de ces sept militaires était visé soit par une procédure administrative (p.ex. mesures disciplinaires, libération des FAC ou poursuite juridique) (20 %), soit par un conseil d’examen médical (20 %), soit par ces deux types de procédures (6,7 %). Plus de 70 % de ces sept personnes étaient visées par plus d’une procédure au moment de leur décès.

2.4 Recommandations résultant du processus d’ETSPS de 2014

Au moment de la rédaction du présent rapport, 18 ETSPS avaient été effectués au cours de l’année 2014 en rapport à des suicides de membres de la Force régulière ou de la Force de réserve. À partir de ces examens, 29 recommandations ont été formulées. Même si rien n’indique qu’un correctif simple aurait permis d’éviter ne serait-ce qu’un de ces suicides, les recommandations formulées visent à renforcer les trois piliers du programme de prévention du suicide des FAC (excellence des soins de santé; efficacité du leadership; sensibilisation et mobilisation des militaires). Les principales catégories de recommandations concernent les politiques, la sensibilisation et les soins cliniques.

Plusieurs des recommandations de politiques tirées des ETSPS de 2014 concernent les dossiers médicaux. Le besoin d’un processus d’ajout rapide des renseignements médicaux pertinents au dossier médical électronique a été soulevé. Les exemples fournis comprennent les évaluations de la dépendance, les rapports de fournisseurs de soins externes et les rapports de réunions de soins concertés. L’accent sera mis sur l’importance de la mise à jour rapide de la documentation lors de l’atelier national annuel sur la santé mentale; une intervention en la matière prendra aussi la forme de modifications qui seront apportées au Système d’information sur la santé des Forces canadiennes (SISFC) en 2015 et qui permettront d’ajouter directement toutes les notes cliniques sur la santé mentale au dossier du patient.

Par ailleurs, les auteurs de deux examens insistent sur la nécessité pour les cliniciens d’être mieux renseignés sur les politiques en santé mentale, en particulier la politique concernant les rendez-vous manqués et la politique d’accès aux fournisseurs de soins externes pour les professionnels de la santé. Ces recommandations sont actuellement examinées par la Direction – Politiques médicales.

Trois recommandations ont été formulées au sujet de la sensibilisation; elles portent sur la prévention du suicide et les ressources connexes, la consommation de drogues illicites et les catégories médicales temporaires et permanentes. Deux des trois recommandations sont déjà appliquées dans le cadre des programmes En route vers la préparation mentale (RVPM) 12 et Énergiser les Forces – Promotion de la santé. La troisième recommandation, sur les catégories médicales, a été soumise à l’examen du Comité d’assurance de la qualité clinique.

Plusieurs recommandations ont aussi été formulées à l’égard des soins cliniques, y compris l’application des contraintes à l’emploi pour raison médicale comme moyen de signaler à la chaîne de commandement qu’un militaire pourrait avoir besoin d’un soutien accru. Deux recommandations insistent aussi sur le besoin d’interventions postsuicide axées sur le soutien au personnel médical et aux collègues des militaires après un suicide ou une tentative de suicide.

Un certain nombre d’autres recommandations vise le renforcement de processus existants, y compris le renforcement des contrôles en vue des affectations à des postes isolés; l’engagement de la famille dans les soins de santé des militaires; le renforcement des liens entre le système de santé civil et le système de santé militaire en vue d’améliorer la continuité des soins et la planification des sorties.

Toutes les recommandations ont fait ou feront l’objet d’un examen par le Comité d’assurance de la qualité clinique ou le Comité consultatif sur la qualité et la sécurité des patients du Groupe des services de santé des FAC, lesquels les appliqueront le cas échéant.

Chapitre 3 – Sélection d’analyses sur le suicide chez les hommes de la Force régulière, selon le commandement, de 2002 à 2014

Dr. Elizabeth Rolland-Harris, M.Sc., Dre
Direction – Protection de la santé de la Force, section Épidémiologie

3.1 Introduction

En 2011, une augmentation du nombre de suicides chez les hommes de la Force régulière des FAC, combinée à un phénomène semblable aux États-Unis 13,14, a soulevé des préoccupations sur la possibilité que le taux de suicide soit plus élevé chez les hommes de la Force régulière du commandement de l’Armée de terre que chez les hommes appartenant aux autres commandements. Des analyses préliminaires (portant sur les hommes de la Force régulière selon le commandement) effectuées en septembre 2011 indiquent que sur une période de 10 ans, de 2002 à 2011, le taux de suicide a été plus élevé dans le commandement de l’Armée de terre que dans le commandement de la Force aérienne ou dans les commandements « Autres » 15. Une analyse subséquente 16 a établi que le taux brut de suicide est plus élevé chez les hommes de l’Armée de terre que chez ceux des autres commandements, et ce, de manière statistiquement significative. Cependant, l’analyse n’a cerné aucun écart statistiquement significatif du taux de suicide entre les métiers des armes de combat et les autres occupations.

En vue d’approfondir l’examen des tendances en matière de suicide chez les hommes de la Force régulière des FAC, les analyses suivantes ont été effectuées sur la période de janvier 2002 à décembre 2014 : 1) calcul des taux bruts de suicide dans l’Armée de terre, d’une part, et les autres commandements, d’autre part, de même que calcul des taux normalisés selon l’âge pour les mêmes catégories; 2) nouveau calcul du taux de suicide dans les métiers des armes de combat; 3) calcul de la moyenne mobile normalisée selon l’âge du taux de suicide pour 100 000 personnes, pour l’Armée de terre et les autres commandements.

Le présent chapitre offre un résumé des résultats, des méthodes et des limites se rapportant à ces analyses. Chaque analyse comporte des limites qui doivent être gardées à l’esprit lorsque les résultats sont interprétés; ces limites sont donc présentées immédiatement après la section présentant les résultats de chaque analyse.

3.2 Méthodes

A. Données sur les suicides et renseignements démographiques connexes (données utilisées en guise de numérateur)

Jusqu’à 2012, les renseignements sur le nombre de suicides par année dans les FAC et sur le nom, l’année du décès, l’âge, le sexe et l’unité des personnes qui se sont suicidées proviennent de la Direction – Gestion du soutien aux blessés (DGSB). Après cette date, les données ont été fournies par le Centre de soutien aux enquêtes administratives (CSEA) de la Direction – Enquêtes et examens spéciaux (DEES). Les renseignements sur l’élément constitutif, l’arme, l’identifiant de la structure des groupes professionnels militaires ou le groupe professionnel militaire (IDSGPM/GPM), la description de la dernière unité connue et de la dernière affectation connue ont été obtenus au moyen d’une demande ponctuelle d’accès aux données du Système de gestion des ressources humaines de la Direction - Gestion de l’information des ressources humaines (SGIRH).

Le commandement a été déterminé des trois manières suivantes :

  1. Lorsque le commandement était explicitement mentionné dans le rapport d’ETSPS 17 ou dans le rapport sur le cas de suicide d’un militaire (pour les cas de 2011 à 2014), c’est cette information qui a été utilisée.
  2. Cependant, si les renseignements sur le commandement dont relevait un militaire n’étaient pas compris dans l’ETSPS ni la base de données de la DGSB ou du CSEA, le commandement a été déterminé en fonction de l’unité d’appartenance du militaire.
  3. Dans certains cas, l’IDSGPM/GPM et le grade ont aussi été utilisés pour déterminer le commandement d’un militaire quand les renseignements sur son unité d’appartenance n’étaient pas clairs. Cette méthode de classification subjective pourrait faire en sorte que certains cas aient été attribués au mauvais commandement, ce qui aurait un effet sur la validité des résultats.

Les renseignements sur l’IDSGPM pour l’analyse des « métiers des armes de combat » ont été obtenus directement auprès de la Direction – Gestion de l’information des ressources humaines. Tous les militaires correspondant aux IDSGPM suivants ont été considérés comme appartenant à une arme de combat : 00005 (ÉQUIP), 00008 (ARTIL CAMP), 00009 (ARTIL DA), 00010 (FANT), 000178 (BLINDÉS), 000179 (ARTIL), 000180 (INF), 000181 (GÉNIE), 00339 (GÉNIE CBT) et 00368 (ARTIL C) (à partir de 2012) 18.

B. Nombre de militaires de la Force régulière des FAC à risque (données utilisées en guise de dénominateur)

Pour chaque année, le nombre de militaires de la Force régulière selon le commandement et l’IDSGPM de l’Armée de terre (c.-à-d. les nombres servant de dénominateurs) ont été obtenus auprès de la DIRHG au moyen d’une demande ponctuelle.

C. Analyse

Les données sont présentées sous forme de nombre brut de suicides et de taux brut de suicide (pour 100 000 personnes) pour les 12 dernières années (de janvier 2002 à décembre 2014), soit la période pendant laquelle les FAC étaient déployées en Afghanistan. Les taux correspondent au nombre de suicides divisé par le nombre total de personnes-années. Par ailleurs, pour les analyses selon le commandement, les taux et les ratios de taux normalisés selon l’âge ont été calculés en fonction de la normalisation directe, de manière à tenir compte de potentielles différences dans la distribution des âges entre les groupes (c.-à-d. pour neutraliser d’éventuelles distorsions liées à l’âge). Le taux pour chaque commandement a été normalisé selon l’âge en utilisant la population des hommes de la Force régulière comme population de référence. Les intervalles de confiance à 95 % ont été calculés au moyen des limites de confiance à 95 % de Poisson.

3.3 Résultats

A. Suicide chez les hommes de la Force régulière des FAC selon l’appartenance au commandement de l’Armée de terre ou aux autres commandements, de 2002 à 2014

Le tableau 3.1 montre le nombre de suicides d’hommes de la Force régulière par année selon la catégorie de commandement (Armée de terre ou autres commandements) et le taux brut de suicide pour 100 000 personnes pour chacune de ces catégories. Au cours des 13 dernières années, 80 hommes du commandement de l’Armée de terre et 67 hommes de tous les autres commandements (Marine, Force aérienne et Autres) se sont suicidés. Les intervalles de confiance des taux de chaque catégorie de commandement ne se chevauchent pas, ce qui signifie qu’il existe un écart statistiquement significatif entre les taux bruts de suicide du commandement de l’Armée de terre et des autres commandements.

Tableau 3.1 : Taux brut de suicide chez les hommes de la Force régulière des FAC selon l’appartenance au commandement de l’Armée de terre ou aux autres commandements, de 2002 à 2014
Année

Nombre d’hommes de la Force régulière des FAC selon le commandement - Armée

Nombre d’hommes de la Force régulière des FAC selon le commandement - Non-armée Nombre de suicides chez les hommes de la Force régulière des FAC selon le commandement - Armée Nombre de suicides chez les hommes de la Force régulière des FAC selon le commandement - Non-armée Taux de suicide chez les hommes de la Force régulière des FAC selon le commandement, pour 105 personnes (IC à 95 %) - Armée Taux de suicide chez les hommes de la Force régulière des FAC selon le commandement, pour 105 personnes (IC à 95 %) - Non-armée
2002 18 379 34 607 5 4 30,13 (24,05, 37,67) 14,53 (11,34, 18,58)
2003 18 953 35 076 3 6 30,13 (24,05, 37,67) 14,53 (11,34, 18,58)
2004 19 098 34 642 5 5 30,13 (24,05, 37,67) 14,53 (11,34, 18,58)
2005 18 859 34 632 5 5 30,13 (24,05, 37,67) 14,53 (11,34, 18,58)
2006 18 863 35 329 3 4 30,13 (24,05, 37,67) 14,53 (11,34, 18,58)
2007 19 497 35 410 2 7 30,13 (24,05, 37,67) 14.53 (11,34, 18,58)
2008 19 829 35 951 5 8 30,13 (24,.05, 37,67) 14,53 (11,34, 18,58)
2009 21 503 35 595 6 6 30,13 (24,05, 37,67) 14,53 (11,34, 18,58)
2010 23 547 35 605 5 7 30,13 (24,05, 37,67) 14,53 (11,34, 18,58)
2011 22 665 36 062 15 6 30,13 (24,05, 37,67) 14,53 (11,34, 18,58)
2012 22 066 36 128 8 2 30.13 (24.05, 37.67) 14.53 (11.34, 18.58)
2013 21 325 36 362 9 0 30,13 (24,05, 37,67) 14,53 (11,34, 18,58)
2014 20 911 35 788 9 7 30,13 (24,05, 37,67) 14,53 (11,34, 18,58)
2002-2014 265 495 461 187 80 67 30,13 (24,05, 37,67) 14,53 (11,34, 18,.58)

Au cours des 13 années décrites dans le tableau 3.1, le taux brut de suicide dans le commandement de l’Armée de terre était le double de celui dans les autres commandements. Pour faciliter la comparaison, la figure 3.1 illustre les taux bruts sur cinq ans, de 2005 à 2009 et de 2010 à 2014. Sur la période de cinq ans de 2010 à 2014 (figure 3.1, ci-dessous), la différence entre le taux brut de l’Armée et celui des autres commandements est de l’ordre du triple. Si pour la période de 2005 à 2009 il n’y a pas d’écart statistiquement significatif entre le taux brut de suicide dans l’Armée de terre et celui dans les autres commandements, pour la période de 2010 à 2014, les intervalles de confiance des deux groupes ne se chevauchent pas, ce qui signifie qu’il existe un écart statistiquement significatif entre eux.

Nous estimons important de rappeler qu’un taux brut n’est pas ajusté pour tenir compte d’autres problèmes potentiels ou de changements de circonstances (y compris la présence de facteurs confusionnels). Comme nous l’avons mentionné dans les chapitres précédents, la probabilité statistique de suicide chez les militaires est influencée par une variété de facteurs sociaux interreliés, lesquels ne sont pas pris en considération dans les taux bruts. Ces taux peuvent cependant mettre en évidence le déséquilibre dans le fardeau que représente le suicide dans les FAC : le commandement de l’Armée de terre est touché de façon disproportionnée par ce phénomène.

Figure 3.1
Figure 3.1.  Voir la description suivant.

Figure 3.1 : Taux brut de suicide sur cinq ans selon le commandement, de 2005 à 2009 et de 2010 à 2014, pour les hommes de la Force régulière seulement

Figure 3.1 Texte
Taux brut de suicide sur cinq ans selon le commandement, de 2005 à 2009 et de 2010 à 2014, pour les hommes de la Force régulière seulement
Tranche d'années Non-Armée (IC à 95%) Armée (IC à 95%)
2005-2009 16,96 (11,45, 24,25) 21,31 (13,19, 32,60)
2010-2014 12,23 (7,67, 18,46) 41,62 (30,45, 55,61)

Le tableau 3.2 présente les taux et les ratios de taux de suicide normalisés selon l’âge chez les hommes de la Force régulière pour l’Armée de terre et pour les autres commandements. Le ratio de taux se situe à 2,02, ce qui signifie que le taux de suicide normalisé selon l’âge est environ deux fois plus élevé dans l’Armée de terre que dans les autres commandements. Ce résultat est statistiquement significatif, ce qui n’était pas le cas dans les comparaisons précédentes. Deux facteurs peuvent expliquer partiellement ces résultats : 1) les analyses précédentes ont comparé l’Armée de terre à chaque autre commandement séparément (au lieu de les regrouper dans une seule catégorie) 19; 2) la présente analyse comprend les données de l’année 2013, au cours de laquelle tous les suicides d’hommes membres de la Force régulière (n = 9) se sont produits dans le commandement de l’Armée de terre, ce qui a modifié substantiellement le rapport entre le nombre de suicides dans l’Armée de terre et le nombre de suicides dans les autres commandements.

Tableau 3.2 : Taux de suicide normalisé selon l’âge chez les hommes de la Force régulière pour le commandement de l’Armée de terre et pour les autres commandements, de 2002 à 2014
Âge Taux brut de suicide pour 100 000 personnes - Armée Taux brut de suicide pour 100 000 personnes - Non-armée Taux de suicide normalisé selon l’âge pour 100 000 personnes - Armée Taux de suicide normalisé selon l’âge pour 100 000 personnes - Non-armée Ratio de taux de suicide (IC à 95 %)
15-19 0 0
20-24 35,34 20,11
25-44 28,57 15,84
45-64 36,18 9,33
Total 30,13 14,53 30,14 14,95 2,02 (1,45, 2,81)

B. Comparaison du taux de suicide chez les hommes de la Force régulière des FAC au moyen des ratios standardisés de mortalité, stratifiés selon l’appartenance au commandement de l’Armée de terre ou à un autre commandement, de 2002 à 2011

Le tableau 3.3 présente les ratios standardisés de mortalité pour l’ensemble des commandements, pour le commandement de l’Armée de terre et pour les autres commandements. Le RSM des autres commandements, à 0,74, signifie que le taux de suicide est plus faible dans ce groupe que dans la population canadienne. En outre, comme les intervalles de confiance de ce RSM ne comprennent pas 1,0, il s’agit d’un résultat statistiquement significatif. Les intervalles de confiances des RSM pour le commandement de l’Armée de terre et l’ensemble des commandements, eux, comprennent 1,0; les variations qu’ils représentent ne sont donc pas statistiquement significatives. Ainsi, même si le RSM de l’Armée de terre se situe au-dessus de 1,0, il n’y a statistiquement pas d’écart entre le taux de suicide des hommes dans l’Armée de terre et celui de la population canadienne.

Tableau 3.3 : Ratios standardisés de mortalité pour les suicides d’hommes de la Force régulière des FAC, selon le commandement, de 2002 à 2011
Commandement et année Âge Nombre de militaires de la FAC (AP) Taux de suicide chez les hommes canadiens (pour 100 000 personnes) Nombre prévu de suicides de militaires de la FAC Nombre observé de suicides de militaires de la FAC RSM par suicide (IC à 95 %)
Armée / 2002-2011 15-19 4 890 12,79 0,63 0
Armée / 2002-2011 20-24 43 073 19,37 8,34 12
Armée / 2002-2011 25-29 48 449 17,98 8,71 14
Armée / 2002-2011 30-34 40 899 19,61 8,02 8
Armée / 2002-2011 35-39 38 857 22,95 8,92 7
Armée / 2002-2011 40-44 33 045 24,67 8,15 6
Armée / 2002-2011 45-49 19 581 26,52 5,19 6
Armée / 2002-2011 50-54 7 230 25,57 1,85 1
Armée / 2002-2011 55-59 1 126 23,38 0,26 0
Total 237 150 21,60 50,08 54 1,08 (0,81, 1,41)
Autres commandements / 2002-2011 15-19 9 855 12,79 1,26 0
Autres commandements / 2002-2011 20-24 38 581 19,37 7,47 9
Autres commandements / 2002-2011 25-29 47 342 17,98 8,51 6
Autres commandements / 2002-2011 30-34 52 122 19,61 10,22 12
Autres commandements / 2002-2011 35-39 65 976 22,95 15,14 12
Autres commandements / 2002-2011 40-44 69 738 24,67 17,20 14
Autres commandements / 2002-2011 45-49 45 853 26,52 12,16 4
Autres commandements / 2002-2011 50-54 20 253 25,.57 5,18 1
Autres commandements / 2002-2011 55-59 3 189 23,38 0,75 0
Total 352 909 21,60 77,90 58 0,74 (0,60, 0,97)
Ensemble des commandements / 2002-2011 15-19 14 745 12,79 1,89 0
Ensemble des commandements / 2002-2011 20-24 81 654 19,37 15,82 21
Ensemble des commandements / 2002-2011 25-29 95 791 17,98 17,23 20
Ensemble des commandements / 2002-2011 30-34 93 021 19,61 18,24 20
Ensemble des commandements / 2002-2011 35-39 104 833 22,95 24,06 19
Ensemble des commandements / 2002-2011 40-44 102 783 24,67 25,35 20
Ensemble des commandements / 2002-2011 45-49 65 434 26,52 17,35 10
Ensemble des commandements / 2002-2011 50-54 27 483 25,57 7,03 2
Ensemble des commandements / 2002-2011 55-59 4 315 23,38 1,01 0
Total 590 059 21,60 127,97 112 0,88 (0,72, 1,07)

C. Comparaison du taux de suicide sur cinq ans des hommes de la Force régulière de la FAC au moyen des ratios standardisés de mortalité, stratifiés selon l’appartenance au commandement de l’Armée de terre ou à un autre commandement, de 2002 à 2006 et de 2007 à 2011

La figure 3.2 illustre les différences entre les RSM de l’Armée de terre et des autres commandements, sur des périodes de cinq ans. Comme pour les résultats présentés au tableau 3.3, même si le RSM de l’Armée de terre paraît plus élevé que celui des autres commandements pour les deux périodes analysées, les intervalles de confiance se chevauchent chaque fois. Les écarts ne sont donc pas statistiquement significatifs. En outre, on peut voir que les intervalles de confiance pour le RSM de l’Armée de terre sont fort étendus (en particulier de 2007 à 2011), ce qui signifie que les taux ont varié sensiblement au fil des années.

Figure 3.2
Figure 3.2.  Voir la description suivant.

Figure 3.2 : Comparaison du RSM par suicide sur cinq ans selon le commandement, hommes de la Force régulière seulement, de 2002 à 2006 et de 2007 à 2011

Figure 3.2 Texte
Comparaison du RSM par suicide sur cinq ans selon le commandement, hommes de la Force régulière seulement, de 2002 à 2006 et de 2007 à 2011
Tranche d'années Non-Armée (IC à 95%) Armée (IC à 95%)
2002-2006 0,62 (0,40, 0,92) 0,86 (0,53, 1,31)
2007-2011 0,91 (0,63, 1,27) 1,47 (1,01, 2,06)

D. Suicide chez les hommes de la Force régulière dans les métiers des armes de combat, de 2002 à 2014

Nous avons calculé le taux de suicide dans les métiers de l’Armée de terre (c.-à-d. les armes de combat) pour les hommes de la Force régulière. De 2002 à 2014, il y a eu 56 suicides dans cette population (hommes de la Force régulière dont l’IDSGPM indique une arme de combat). Chez les femmes des mêmes métiers, il n’y a eu aucun suicide pendant la même période.

Le taux de suicide chez les hommes de la Force régulière appartenant à un métier d’arme de combat semble plus élevé [30,35 (IC à 95 %, 23,03, 39,69)] que le taux de suicide chez les hommes de la Force régulière qui n’appartiennent pas à cette catégorie de métiers [18,21 (IC à 95 %, 14,75, 22,54)]. Les intervalles de confiance de ces deux taux ne se chevauchent pas, ce qui signifie qu’ils sont statistiquement significatifs et donc que le taux de suicide est plus élevé dans les armes de combat que les autres occupations.

E. Moyenne mobile sur trois ans du taux de suicide chez les hommes de la Force régulière, selon l’appartenance au commandement de l’Armée de terre ou à un autre commandement

Comme il n’y a qu’un petit nombre de suicides dans les FAC annuellement, les variations d’une année à l’autre sont considérables. Les moyennes mobiles, c’est-à-dire la moyenne des résultats d’une année cible combinés à ceux de l’année précédente et de l’année suivante 20, ont été utilisées par d’autres chercheurs dans le cadre d’études sur les suicides chez les militaires 21. La méthode vise à limiter l’effet des variations attribuables à la petitesse du nombre de cas et à refléter d’éventuels changements au fil du temps.

La figure 3.3 illustre l’évolution des moyennes mobiles pour l’ensemble des commandements (triangles), le commandement de l’Armée de terre (losanges) et les commandements autres que celui de l’Armée de terre (carrés). La figure montre que même si le taux de l’Armée de terre reste toujours légèrement supérieur ou égal à celui des autres catégories de commandement jusqu’en 2008, à partir de 2009 l’écart se creuse. De 2009 à 2012, la moyenne mobile du taux des autres commandements semble avoir diminué, mais elle s’est stabilisée depuis.

Figure 3.3
Figure 3.3.  Voir la description suivant.

Figure 3.3 : Moyennes mobiles sur trois ans selon le commandement, Forces armées canadiennes, de 2002 à 2014

Figure 3-3 Texte
Figure 3.3 : Moyennes mobiles sur trois ans selon le commandement, Forces armées canadiennes, de 2002 à 2014
Année (point médian des moyennes mobiles sur trois ans) Tous inclus Armée Non-armée
2002 16,8 21,4 14,4
2003 17,4 23,0 14,4
2004 18,0 22,8 15,3
2005 16,7 22,9 13,4
2006 16,0 17,5 15,2
2007 17,6 17,2 17,8
2008 20,3 21,4 19,6
2009 21,5 24,7 19,6
2010 25,7 38,4 17,7
2011 24,4 41,0 13,9
2012 22,9 48,4 7,4
2013 20,3 40,4 8,3
2014 21,9 42,6 9,7

3.4 Limites des données

Les résultats du présent chapitre présentent plusieurs limites potentielles, et il est important de tenir compte des éléments suivants dans l’interprétation des résultats :

  1. Les nombres sur lesquels se fondent les analyses sont très petits et instables; il convient donc d’interpréter les résultats avec précaution.
  2. Par ailleurs, comme la dernière unité ou la dernière base d’appartenance des militaires a servi à déterminer le commandement, les données ne tiennent pas compte de la possibilité qu’un militaire ait été affecté très récemment à ce commandement et n’ait pas réellement eu le temps d’y fonctionner (par exemple, dans les cas où des militaires suivent de l’instruction).
  3. Les dénominateurs utilisés dans l’étude (nombre d’hommes de la Force régulière selon le commandement) pourraient être inexacts, le système de la DIRHG n’étant pas mis à jour régulièrement. Les nombres pourraient donc varier selon la date d’accès aux données.
  4. L’absence de données de la DIRHG avant 2002 ne permet pas d’évaluer si les écarts entre le taux de suicide dans l’Armée de terre et celui dans les autres commandements présentaient un profil différent avant la guerre en Afghanistan.
  5. Enfin, les intervalles de confiance étendus pour plusieurs des taux obtenus signifient que les analyses n’avaient peut-être pas la puissance nécessaire pour détecter des écarts statistiquement significatifs.

Chapitre 4 - Analyse et conclusions

Dr. Elizabeth Rolland-Harris, M.Sc. Dre
Direction - Protection de la santé de la Force, section Épidémiologie

Dr. Mark A. Zamorski, M.D., M.H.S.A.
Direction de la santé mentale

4.1 Analyse

Le résultat selon lequel il n’y a pas d’écart statistiquement significatif entre le taux de suicide des hommes de la Force régulière et celui des hommes dans la population canadienne s’inscrit dans la lignée d’une grande variété d’études comparant le taux de suicide chez les militaires et le taux de suicide chez les civils 22.

Comme le montre le tableau 1.1, le taux de suicide chez les hommes de la Force régulière dans les FAC est stable. Les données de 2010 à 2014 indiquent une hausse du taux brut de suicide comparativement aux années précédentes, mais la hausse n’est pas statistiquement significative. Sur la période de 2010 à 2014, il aurait fallu 83 suicides (au lieu des 68 qui se sont produits) pour qu’une hausse significative soit enregistrée par rapport à la période de 2005 à 2009. En raison du petit nombre de cas, il est difficile pour les FAC de déceler des variations faibles, mais importantes dans le taux de suicide.

Le petit nombre de cas limite aussi l’analyse par RSM de la comparaison entre le nombre observé de suicides et le nombre prévu en fonction du taux canadien. Soulignons que lorsque l’intervalle de confiance à 95 % comprend 100 %, cela signifie que l’écart entre le taux chez les hommes de la Force régulière et le taux de la population canadienne n’est pas statistiquement significatif. Cependant, le tableau 1.2 montre que sur une période de dix ans (de 1995 à 2004), le taux de suicide a été sensiblement plus bas chez les hommes de la Force régulière que dans la population canadienne. Pour la même période, les RSM (tableau 1.3) comparant les taux de suicide des militaires selon les antécédents de déploiement montrent que le fait d’avoir fait l’objet d’un déploiement n’augmente pas le risque de suicide chez les militaires des FAC; ce résultat est statistiquement significatif. Cependant, les taux en fonction de la normalisation directe pour la période de 2010 à 2014 indiquent que la relation entre les antécédents de déploiement et le risque de suicide est presque statistiquement significative.

Les résultats des deux analyses normalisées de la relation entre les antécédents de déploiement et le suicide peuvent paraître contradictoires, mais il faut garder à l’esprit les éléments suivants :

  1. La normalisation directe est généralement la méthode privilégiée pour les études épidémiologiques, car elle permet de comparer des taux différents (p. ex. le taux chez les militaires ayant déjà fait l’objet d’un déploiement et le taux chez ceux qui n’ont aucun antécédent de déploiement), mais cette méthode est aussi très instable dans les situations où le nombre de cas est faible et où le nombre de cas et les taux s’y rattachant tendent à varier de manière aléatoire (deux caractéristiques qui s’appliquent aux suicides d’hommes de la Force régulière).
  2. Le calcul des taux, que ce soit par normalisation directe ou indirecte, ne concerne qu’un unique facteur de risque associé au suicide dans les FAC, alors que de multiples facteurs entrent en jeu dans l’étiologie du suicide. En ce qui a trait aux taux de suicide en fonction de la normalisation directe de 2005 à 2014 selon les antécédents de déploiement, il semble que la probabilité de déploiement ait été plus grande pour les militaires d’âge mûr que pour les jeunes militaires. Cependant, quand on sait que les hommes d’âge mûr représentent le groupe chez qui le risque de suicide est le plus élevé dans la population canadienne 23, il semble plus que probable que les antécédents de déploiement ne soient pas le seul facteur contribuant à une augmentation du risque de suicide chez ces militaires.
  3. Les deux analyses en question ont été effectuées à partir d’un indicateur d’antécédents de déploiement très rudimentaire (variable binaire indiquant s’il y a eu ou non déploiement). Cette approche réduit l’effet différentiel des caractéristiques propres aux déploiements (en particulier le degré d’exposition aux traumatismes psychologiques) sur la probabilité de suicide chez les militaires. Ce format de variable était celui qui se prêtait le mieux à l’analyse compte tenu du petit nombre annuel de suicides, mais cette limite signifie que tous les résultats obtenus doivent être interprétés avec précaution.

Le rapport de 2015 fournit également certains renseignements sur les caractéristiques démographiques, les facteurs de risque et l’accès préalable aux soins pour 15 des 16 hommes de la Force régulière qui se sont suicidés en 2014. Il semble que des problèmes antérieurs de santé mentale (en particulier les troubles de l’humeur), les problèmes conjugaux et le fait d’être visé par des procédures disciplinaires, juridiques ou administratives soient des caractéristiques courantes des militaires dont le suicide est étudié ici. Toutefois, il n’est pas possible de déterminer si la présence de ces caractéristiques diffère entre ces militaires et le reste des hommes de la Force régulière des FAC. Quoi qu’il en soit, ces constatations cadrent avec ce qui a été observé dans d’autres organisations militaires 24,25, et pourraient donc donner des pistes de solutions sur les cibles prioritaires pour les mesures de prévention du suicide – en particulier en ce qui concerne l’accès rapide et continu aux soins et l’offre de conseils et d’information sur les relations personnelles, l’endettement et la gestion de la colère.

Le processus d’ETSPS de 2014 s’est aussi soldé par un certain nombre de recommandations qui devront être examinées par les différentes directions des FAC et du MDN responsables de la santé et du bien-être des FAC. Même s’il reste impossible de prévenir tous les suicides, les FAC continuent leurs efforts pour cerner et éliminer les facteurs de risque associés au suicide, que ce soit pour les militaires de la Force régulière ou de la Force de réserve.

Les résultats des analyses portant sur les variations du taux de suicide selon le commandement pourraient être soumis aux mêmes limites et aux mêmes facteurs de distorsion que ceux qui compliquent l’analyse du lien entre le déploiement et le suicide. Cette constatation ainsi que des observations formulées par d’autres indiquent clairement que les analyses épidémiologiques à une variable ne suffisent pas à décrire le phénomène du suicide dans les FAC de manière adéquate et exacte, ni ne permettent d’établir avec une certitude suffisante la présence ou l’importance de facteurs de risques potentiels. De nouvelles sources de données, y compris l’Enquête sur la santé mentale dans les Forces armées canadiennes de 2013, nous offrent de nouveaux outils et de nouvelles ressources en vue de mieux comprendre les mécanismes de la relation entre le suicide et le commandement. Par ailleurs, les données dont nous disposons en matière de surveillance du suicide couvrent maintenant une période de 20 ans et permettraient d’effectuer des analyses approfondies à variables multiples d’une plus grande rigueur (y compris des analyses de régression). Pour ce faire, des données sur les facteurs de risque seront nécessaires pour tous les cas de suicide et pour un groupe de militaires des FAC servant de groupe de contrôle 26. Ces méthodes avancées permettront de neutraliser la distorsion attribuable à l’âge et à d’autres facteurs du risque de suicide sur l’effet du déploiement. Elles permettront aussi aux FAC de déterminer la meilleure manière de définir les catégories de déploiement. Dans le présent rapport, le déploiement couvre tous les types de déploiements, peu importe leur durée et leur nature (opérations de combat, maintien de la paix ou interventions humanitaires). D’autres études ont tenu compte du nombre total de déploiements 27,28,29, de la durée du premier déploiement 28, de la durée de l’ensemble des déploiements 28,29, du lieu de déploiement 28, du degré d’isolation lors du déploiement 27, de l’occupation dans le cadre du déploiement 27 et du type d’exposition au combat 27,30. Nous espérons effectuer cette analyse, sous réserve de l’accès aux données nécessaires. Nous évaluerons la pertinence des différentes approches susmentionnées de catégorisation des déploiements dans le cadre de cette analyse.

Dans l’ensemble, il ressort clairement des données analysées dans le présent rapport que le phénomène du suicide dans les Forces armées canadiennes a progressivement changé au cours des 20 dernières années. Au fil du temps, l’effet bénéfique de l’appartenance aux Forces armées canadiennes sur le taux de suicide s’est estompé, et nous assistons à l’avènement d’un nouvel environnement dans lequel les taux de suicide augmentent chez les militaires qui appartiennent au commandement de l’Armée de terre, chez les militaires qui exercent des métiers des armes de combat et chez les militaires qui ont déjà fait l’objet d’un déploiement. En outre, un écart croissant se fait jour entre le taux de suicide des hommes de la Force régulière selon qu’ils appartiennent au commandement de l’Armée de terre ou à un autre commandement, un phénomène qui trouve un écho dans l’Armée américaine. Si ces éléments sont préoccupants, ils ne suffisent pas à conclure que les ressources offertes en santé mentale ne sont pas suffisantes. De fait, les données de l’Enquête sur la santé mentale et les résultats des ETSPS de 2014 montrent que la demande de soins en santé mentale a été satisfaite, de sorte que l’accès à ces soins est bien supérieur pour les militaires que dans les systèmes de santé des provinces et des territoires.

L’évolution des tendances est beaucoup plus probablement expliquée par deux grands facteurs :

  1. Des indices clairs pointent vers un effet majeur de la mission en Afghanistan sur la santé mentale d’une minorité substantielle des militaires qui ont été déployés pour l’appuyer 29. Des différences claires ont aussi été établies quant à la présence de troubles de santé mentale entre les militaires qui ont été déployés dans le cadre de cette mission et les autres militaires 31. Les liens théoriques et empiriques manifestes entre les traumatismes liés au déploiement, les troubles de santé mentale et le phénomène du suicide 31 peuvent expliquer ces tendances en matière de comportements suicidaires chez les hommes de la Force régulière.
  2. Les pratiques des FAC en matière de maintien de l’effectif pour les militaires souffrant de troubles de santé mentale ont évolué. Les militaires qui sont entièrement rétablis après avoir souffert de troubles de santé mentale peuvent continuer leur service à condition de satisfaire les normes d’universalité du service 27,31. Pour ce qui est des militaires qui ne se rétablissent pas complètement, il s’écoule désormais plus de temps qu’auparavant avant leur libération.

Nous estimons important de rappeler encore une fois que le suicide est un phénomène qui fait intervenir de multiples facteurs et qui ne peut être expliqué par les seuls antécédents de déploiement. Par conséquent, il serait contraire à l’approche de santé publique des FAC en matière de prévention du suicide de placer une importance disproportionnée sur certains facteurs choisis. Le fait de se concentrer uniquement sur le déploiement, le trouble de stress post-traumatique ou tout autre facteur de risque mentionné dans le présent rapport ne représente pas une approche de prévention du suicide efficace 31.

4.2 Conclusions

Nos conclusions sont les suivantes, dans la mesure où il se peut que l’analyse statistique n’ait pas décelé des écarts réels en raison du petit nombre de cas de suicide (c.-à-d. que la puissance de l’étude est faible) :

  1. De 1995 à 2014, il n’y a eu aucun changement statistiquement significatif du taux de suicide chez les hommes de la Force régulière.
  2. Le taux de suicide normalisé en fonction de l’âge et du sexe ne diffère pas de manière statistiquement significative du taux de suicide dans la population canadienne.
  3. L’analyse en fonction de la normalisation directe indique que les antécédents de déploiement pourraient constituer un facteur de risque de suicide chez les hommes de la Force régulière depuis 2010. Ce résultat pourrait être attribuable à la distorsion associée à d’autres facteurs.
  4. Un taux élevé de troubles de l’humeur, de problèmes conjugaux et de procédures professionnelles pourraient être des indicateurs de risque de suicide élevé chez les hommes de la Force régulière.
  5. Selon les analyses, le taux brut de suicide chez les hommes appartenant au commandement de l’Armée de terre serait plus élevé que chez ceux des autres commandements, et ce, de manière statistiquement significative. Cet effet pourrait être expliqué en partie par l’écart entre le taux brut de suicide chez les militaires des métiers de combat et le taux chez les autres militaires.
  6. Maintenant que nous disposons de données sur la Force régulière pour une période de 20 ans, des méthodes statistiques avancées devront être envisagées pour les analyses futures, de manière à mieux décrire le phénomène du suicide dans les FAC.

1 A. Wong, M. Escobar, A. Lesage, M. Loyer, C. Vanier et I. Sakinofsky, « Are UN peacekeepers at risk for suicide? », Suicide and Life-Threatening Behavior, 2001; vol. 31, p. 103-112.

2 N.E. Breslow et N.E. Day, Statistical Methods in Cancer Research: Volume II-The Design and Analysis of Cohort Studies, Lyon, International Agency for Research on Cancer, 1987.

3 K.J. Rothman et S. Greenland, Modern Epidemiology, 2e éd., Lippincott, Williams & Wilkins, Philadelphia, 1998, p. 260-264.

4 Les années-personnes sont [traduction] « une mesure combinant les personnes et le temps en guise de dénominateur pour les taux de prévalence et de mortalité qui décrivent, pour différentes périodes, le risque de maladie ou de décès d’un sujet particulier. Il s’agit de la somme des périodes de temps où chacun des sujets était à risque. La mesure la plus couramment utilisée est l’année-personne » (non souligné dans l’original). A Dictionary of Epidemiology, M. Porta, S. Greenland et J.M. Last, dir., 5e éd., New York (É.-U.), Oxford UP, 2008.

5 A. Heber et S. Roux, Medical Professional Technical Suicide Review Report, Surgeon General Health Research Program, Ottawa, Department of National Defence, 2015, numéro de document SGR-2015-002.

6 É. Durkheim, Le suicide : étude de sociologie, Paris, Les Presses universitaires de France, 1967.

7 The Language of Social Research, P.F. Lazarsfeld et M. Rosenberg, dir., Glencoe (Illinois), Free Press, 1955.

8 R. Collins, H. Matheson, P. Sedge et C. Girard, Medical Professional Technical Suicide Review Report, Surgeon General Health Research Program, Ottawa, Department of National Defence, 2013, numéro de document SGR-2013-007.

9 A. Heber et coll., 2015, idem.

10 T. Navaneelann, « Les taux de suicide : un aperçu », Coup d’œil sur la santé, Ottawa, ministère de l’Industrie, 2012, numéro 82-624-X au catalogue.

11 Comprend les soins offerts par les travailleurs sociaux, les infirmières en santé mentale et les conseillers en alcoolisme et toxicomanie de base, voir http://www.forces.gc.ca/fr/communaute-fac-services-sante-mentale/index.page.

12 http://www.forces.gc.ca/fr/communaute-fac-services-sante-rvpm/index.page.

13 United States Army, Health Promotion, Risk Reduction, Suicide Prevention Report, Washington (D.C.), U.S. Army, 2010.

14 B. Kuehn, « Soldier suicide rates continue to rise: military, scientists work to stem the tide », Journal of the American Medical Association, 2009, vol. 301, p. 111-113.

15 M. Wiens, Brief Report: CF Regular Force Male Suicide Rate by Command, DFHP, DND, Ottawa, 2011.

16 E. Rolland-Harris et J. Fontaine, Brief Report: Selected Analyses on Suicide in the Canadian Armed Forces, by Command, 2002-2013, DFHP, DND, Ottawa, 2014.

17 R. Collins, H. Matheson, P. Sedge et C. Girard, Medical Professional Technical Suicide Review Report, Ottawa, Directorate of Mental Health, Department of National Defence, septembre 2013, numéro de document SGR-2013-007.

18 Des renseignements détaillés sur les différents IDSGPM, y compris les tâches qui y correspondent généralement, peuvent être consultés à l’adresse http://www.forces.gc.ca/fr/a-propos-politiques-normes-medicales-occupations/fc-enonces-taches-groupe-professionnel-militaire.page.

19 E. Rolland-Harris et J. Fontaine, Brief Report: Selected Analyses on Suicide in the Canadian Armed Forces, by Command, 2002-2013, DFHP, DND, Ottawa, 2014.

20 Par exemple, la valeur de la moyenne mobile pour 2006 correspond à la moyenne des valeurs de 2005, de 2006 et de 2007. Pour 2002 et 2014, comme il n’y avait pas d’année précédente ou suivante, la moyenne mobile comprend les données de deux années (p. ex. pour 2014, la moyenne de 2013 et de 2014).

21 Defence Analytical Services and Advice, Suicide and Open Verdict Deaths in the UK Regular Armed Forces 1984-2012, DASA (MoD), Bristol (Royaume-Uni), document consulté le 27 février 2014, adresse: https://www.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/280450/2012.pdf.

22 M. Zamorski, « Suicide prevention in military organizations », International Review of Psychiatry, 2011, vol. 23, p. 173-180.

23 Navaneelann, 2012, idem.

24 M.A. Reger, D.J. Smolenski, N.A. Skopp, M.J. Metzger-Abamukand, H.K. Kang, T.A. Bullman, S. Perdue et G.A. Gahm, « Risk of Suicide Among US Military Service Members following Operation Enduring Freedom or Operation Iraqi Freedom Deployment and Separation from the US Military », JAMA Psychiatry, 2015, doi : 10.1001/jamapsychiatry.2014.3195.

25 N.E. Bush, M.A. Reger, D.D. Luxton, N.A. Skopp, J. Kinn, D. Smolenski et G.A. Gahm, « Suicide and Suicide Attempts in the U.S. Military, 2008-2010 », Suicide Ann Life-Threatening Behavior, 2013, vol. 43, no 3, p. 262-273.

26 I. Sakinofsky, A. Lesage, M. Escobar, A. Wong et C. Vanier, Suicide in the Canadian Armed Forces with Special Reference to Peacekeeping, Ottawa, Directorate of Health Protection and Promotion, Department of National Defence, 1996.

27 B.G. Garber, M.A. Zamorski et R. Jetly, « Mental Health of Canadian Forces Members While on Deployment to Afghanistan », Can J Psychiatry, 2012, vol. 57, no 12, p. 736-744.

28 D. Boulos et M.A. Zamorski, « Deployment-related mental disorders among Canadian Forces personnel deployed in support of the mission in Afghanistan, 2001-2008 », Can Med Assoc J, 2013, vol. 185, no 11, p. E545-552.

29 C.A. LeardMann, T.M. Powell, T.C. Smith, M.R. Bell, B. Smith, E.J. Boyko, T.I. Hooper, G.D. Gackstetter, M. Ghamsary et C.W. Hoge, « Risk Factors Associated With Suicide in Current and Former US Military Personnel », JAMA, 2013, vol. 310, no 5, p. 496-506.

30 T.S. Wells, S.C. Miller, A.B. Adler, C.C. Engel, T.C. Smith et J.A. Fairbank, « Mental health impact of the Iraq and Afghanistan conflicts: a review of US research, service provision, and programmatic responses », Int Rev Psychiatry, 2011, vol. 23, p. 144-152.

31 M.A. Zamorski, E. Rolland-Harris, R. Jetly, A. Downes, J. Whitehead, J. Thompson et D. Pedlar, « Military Deployments, Posttraumatic Stress Disorder, and Suicide Risk in Canadian Armed Forces Personnel and Veterans », Can J Psychiatry, 2015, vol. 60, no 4, p. 200.

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