Rapport de 2019 sur la mortalité par suicide dans les Forces armées canadiennes (de 1995 à 2018)

Liste des figures

Liste des tableaux

Résumé

Introduction : Le suicide est une tragédie et un problème important de santé publique. La prévention du suicide constitue l’une des principales priorités des Forces armées canadiennes (FAC). Afin de mieux comprendre le suicide dans les FAC et de cibler les efforts continus en matière de prévention, le Directeur – Protection de la santé de la Force (DPSF) et le Directeur – Santé mentale (DSM) mènent régulièrement des analyses pour examiner les taux de suicide et la relation entre le suicide, le déploiement et d’autres risques potentiels de suicide. Le présent rapport constitue une mise à jour de la période s’échelonnant de 1995 à 2018.

Méthodes : Le présent rapport décrit les taux bruts de suicide de 1995 à 2018, les comparaisons entre la population canadienne et les FAC au moyen des ratios standardisés de mortalité (RSM) et les taux de suicide chez les personnes ayant des antécédents de déploiement au moyen des RSM et de la normalisation directe. Il examine également la variation du taux de suicide selon le commandement d’armée et, au moyen de données tirées des examens techniques des suicides par des professionnels de la santé (ETSPS), la prévalence d’autres facteurs de risque en ce qui concerne les suicides survenus en 2018.

Résultats : Entre 1995 et 2018, il n’y a pas eu d’augmentation statistiquement significative des taux globaux de suicide. Le nombre d’hommes de la Force régulière décédés par suicide n’était pas statistiquement plus élevé que le taux prévu en fonction des taux de suicide observés chez les hommes dans la population canadienne en général. Les ratios des taux de suicide comparant les hommes ayant fait l’objet d’un déploiement n’établissent pas un risque accru de suicide comparativement à ceux qui n’ont jamais participé à un déploiement. Ces ratios des taux mettent aussi en lumière que depuis 2006, et jusqu’en 2018, faire partie du commandement de l’Armée de terre augmente de manière appréciable le risque de suicide, relativement aux personnes qui font partie des autres commandements d’armée.

Les constatations les plus récentes révèlent que le taux de suicide chez les militaires ayant fait l’objet d’un déploiement pourrait être inférieur que chez ceux qui n’ont jamais fait l’objet d’un déploiement (ratio de taux de suicide : 0,74, intervalle de confiance [IC] à 95 % : 0,45, 1,20). Ceci va à l’encontre de la tendance sur dix ans (2005 à 2014) qui semble indiquer que les militaires ayant fait l’objet d’un déploiement présentent un risque accru comparativement à ceux qui n’ont jamais fait l’objet d’un déploiement. Toutefois, les données les plus récentes, tout juste inférieures au seuil statistiquement significatif, indiquent que la tendance constatée pendant le conflit en Afghanistan et à la suite de celui-ci semble fluctuer. Les hommes de la Force régulière faisant partie du commandement de l’Armée de terre présentent un risque significativement plus élevé de suicide par rapport aux hommes de la Force régulière relevant d’un autre commandement (ratio de taux de suicide ajusté selon l’âge = 2,37 IC à 95 % : 1,78, 3,15).

La moyenne mobile sur trois ans suggère que l’écart entre les taux du commandement de l’Armée de terre et ceux observés chez les hommes de la Force régulière relevant d’un autre commandement semble se rétrécir. Au sein de la Force régulière de l’Armée de terre, les hommes appartenant aux groupes professionnels des armes de combat affichaient des taux de suicide significativement supérieurs sur le plan statistique (31,63/100 000, IC à 95 % : 25,12, 39,73) par rapport aux hommes de l’Armée de terre n’appartenant pas aux groupes professionnels des armes de combat (17,25/100 000, IC à 95 % :14,10, 21,08).

Les résultats des ETSPS de 2018 continuent d’appuyer la théorie d’un enchaînement de causalité multifactoriel (qui comprend des facteurs biologiques, psychologiques, interpersonnels et socio-économiques) plutôt qu’un lien direct entre des facteurs de risque individuels (p. ex., l’état de stress post-traumatique [ESPT] ou le déploiement) et le suicide. Ces résultats concordent avec ceux des ETSPS des années précédentes.

Conclusions : Les taux de suicide dans les FAC n’ont pas augmenté de façon marquée avec le temps dans la période d’observation et, une fois standardisés selon l’âge, ils ne sont pas plus élevés que ceux de la population canadienne. Le faible nombre a cependant limité la capacité de déceler une importance statistique. Le risque accru de suicide chez les hommes de la Force régulière faisant partie de l’Armée de terre comparativement aux militaires relevant d’un autre commandement est une constatation que les FAC continuent de surveiller.

Mots clés : Déploiement; Forces armées canadiennes; population canadienne; ratio de taux; ratio standardisé de mortalité; suicide; taux; taux ajusté selon l’âge.

Sommaire

La perte tragique de vie par suicide des membres des Forces armées canadiennes (FAC) requiert notre attention continue afin de mieux comprendre ces évènements difficiles et guider nos efforts de prévention. Le présent rapport décrit le phénomène du suicide au sein des FAC et l’épidémiologie des suicides chez les hommes de la Force régulière entre 1995 et 2018 et on accorde une attention particulière aux facteurs de risque associés aux suicides chez les hommes de la Force régulière qui ont eu lieu en 2018.

Le rapport est produit par la section d’épidémiologie du Directeur – Protection de la santé de la Force (DPSF), avec la contribution du Directeur – Santé mentale (DSM).

Méthodes

Les données décrites à la section 3.1 [Résultats des rapports d’examen technique des suicides par des professionnels de la santé (ETSPS), hommes de la Force régulière, pour 2018 seulement] sont recueillies pendant le processus d’ETSPS, à la suite d’un suicide. L’ETSPS, un outil d’assurance de la qualité pour les Services de santé des Forces canadiennes (SSFC), est effectué à la demande du médecin général adjoint dès que tout suicide est confirmé dans la Force régulière ou dans la Première réserve. Chaque ETSPS est généralement mené par une équipe composée d’un professionnel de la santé mentale et d’un médecin militaire généraliste.

Le Directeur – Gestion du soutien aux blessés (D Gest SB) a fourni les données épidémiologiques décrites à la section 3.2 (Épidémiologie des suicides chez les hommes de la Force régulière de 1995 à 2018 inclusivement) et à la section 3.3 (Épidémiologie des suicides chez les hommes de la Force régulière, selon le commandement d'armée, de 2002 à 2018 inclusivement) pour la période allant jusqu’à 2012. Depuis septembre 2012, les données sur le nombre de suicides ont été obtenues auprès de la DSM, qui en assure le suivi. Enfin, les données utilisées en guise de dénominateur (taux de suicide au Canada en fonction de l’âge et du sexe) ont été obtenues auprès de Statistique Canada.

Les fréquences, les ratios standardisés de mortalité (ratio du nombre observé de suicides dans les FAC et du nombre de cas escomptés dans les FAC, si les FAC correspondaient à la population canadienne en général, d’un point de vue de l’âge et du sexe) et les taux standardisés de façon directe ont été calculés. Dans le présent rapport, les ratios standardisés de mortalité ont été calculés jusqu’en 2017, parce que Statistique Canada avait publié des données pour la population canadienne en général jusqu’à cette date.

Résultats

Diagnostic de maladie mentale chez les hommes qui sont décédés par suicide en 2018

Au nombre des troubles mentaux connus au moment du décès figuraient les troubles dépressifs (41,7 %), un trouble anxieux (16,7 %) ou l'état de stress post-traumatique (33,3 %). Dans un quart (25 %) des cas de décès par suicide survenus en 2018 chez les hommes de la Force régulière, les membres présentaient un trouble connu lié à la consommation de substances. Au moment du décès, il était courant (41,7 %) chez les hommes de présenter au moins deux diagnostics liés à la santé mentale.

Facteurs de stress professionnel et personnel chez les hommes qui sont décédés par suicide en 2018

Au moment du décès, au moins un facteur de stress professionnel ou personnel était présent dans 83,3 % des cas de suicide survenus en 2018 chez les hommes de la Force régulière (y compris les facteurs suivants : échec d’une relation, suicide d’un ami ou d’un membre de la famille, décès d’un ami ou d’un membre de la famille, maladie personnelle ou d’un membre de la famille, dettes, problèmes professionnels, problèmes juridiques). Deux tiers (66,6 %) des cas présentaient au moins trois facteurs de stress concomitants avant le décès.

Taux bruts de suicide, 1995 – 2018

Au cours de la période de 2015 à 2018, le taux brut de suicide chez les hommes de la Force régulière s’élevait à 23,8 (intervalle de confiance à 95 % [IC] : 18,0; 31,3) pour 100 000. Ce taux était constant avec celui de 2010 à 2014. De plus les intervalles de confiance de toutes les périodes se chevauchent, ce qui laisse entendre qu’il n’y a pas de variation significative quant aux taux bruts de suicide dans le temps.

Comparaison des taux de suicide chez les hommes de la Force régulière des FAC et au sein de la population canadienne au moyen des ratios standardisés de mortalité, 1995 – 2017

Les intervalles de confiance des ratios standardisés de mortalité (RSM) des périodes 2010 à 2014 ainsi que 2015 à 2017 ne démontrent aucun changement significatif. De surcroît, les intervalles de confiances se chevauchent entre eux, ce qui voudrait dire qu’il n’y a pas eu de changement significatif dans les RSM pendant cette période.

Répercussions des déploiements sur le taux de suicide chez les hommes de la Force régulière des FAC

La comparaison des RSM des cas ayant des antécédents de déploiement et de ceux n’ayant aucun antécédent de déploiement (1995 à 2017) n’a révélé aucune différence statistiquement significative entre les taux de suicide des groupes avec ou sans antécédent de déploiement. Cependant, l’équilibre du ratio de décès entre les personnes déployées et non déployées a changé entre la période précédente 2015 et la période de 2015 à 2018 mais était non significatif.

Répercussions du commandement d’armée sur les taux de suicide chez les hommes de la Force régulière des FAC

La comparaison du ratio de taux de suicide ajusté selon l’âge chez les hommes faisant partie du commandement de l’Armée de terre à celui des hommes relevant d’un autre commandement pour la période de 2002 à 2018 a révélé une variation statistiquement significative [2,37 (IC à 95 % : 1,78; 3,15)]. Cette constatation a été étayée par un RSM significativement plus élevé au sein du commandement de l’Armée de terre au cours des périodes allant de 2007 à 2011 [173 % (IC : 123, 236)] et de 2012 à 2016 [186 % (IC à 95 % : 135, 254)]. Le RSM pour l’Armée de terre en 2017 n’était pas significativement plus élevé (202 % [IC à 95 % : 92, 303]). Cependant, ce RSM est basé sur une seule année d’observations et devrait donc être interprété avec prudence.

Le taux de suicide chez les hommes de la Force régulière faisant partie des groupes professionnels des armes de combat de l’Armée de terre semble être plus élevé que le taux global de suicide parmi les hommes de la Force régulière ne faisant pas partie des professionnels des armes de combat de l’Armée de terre [31,63 (IC à 95 % : 25,12; 39,73) par rapport à 17,25 (IC à 95 % :14,10; 21,08)].

1. Introduction

Le suicide est une tragédie et un problème important de santé publique. La prévention du suicide constitue l’une des principales priorités des Forces armées canadiennes (FAC). La surveillance et l’analyse des cas de suicide chez les membres des FAC fournissent de précieux renseignements qui servent à guider et à cibler les efforts continus en matière de prévention du suicide. Les données probantes amassées dans les rapports annuels servent à s’assurer que les programmes cliniques et de prévention ciblent les individus à haut risque, et de manière optimale.

Depuis le début des années 1990, des inquiétudes ont été soulevées au sujet du taux de suicide observé dans les FAC et de ses éventuels liens avec les déploiements. Les FAC ont donc lancé un programme de surveillance active de la mortalité par suicide en vue de comparer, d’une part, le taux de suicide de l’ensemble des FAC à celui de la population canadienne en général (PCG), et d’autre part, le taux de suicide chez les militaires ayant fait l’objet d’un déploiement à celui des autres militaires.

Par le passé, les rapports sur les suicides produits par la section d’épidémiologie du Directeur – Protection de la santé de la Force portaient avant tout sur la surveillance et l’épidémiologie des suicides au sein des FAC. Depuis 2015, le rapport a été élargi de manière à comprendre l’ensemble des données probantes qui ont trait aux suicides dans les FAC, en plus de décrire l’évolution du phénomène du suicide au cours des 22 dernières années. Le présent rapport fournit une analyse plus approfondie de la variation des taux de suicide selon le commandement d’armée, ainsi que de l’information sur les mécanismes et les facteurs de risque sous-jacents qui pourraient avoir contribué aux suicides survenus en 2018 chez les hommes de la Force régulière d’après les examens techniques des suicides par des professionnels de la santé (ETSPS).

Le présent rapport d’analyse, tout comme les rapports précédents, ne porte que sur l’analyse des suicides survenus chez les hommes de la Force régulière. Les raisons sont les suivantes :

  1. Les suicides chez les femmes sont peu nombreux (0 à 2 par année), ce qui empêche de réaliser des analyses des tendances. Si nous présentions séparément leurs caractéristiques, cela porterait atteinte aux principes relatifs à la protection des renseignements personnels des personnes concernées (divulgation de « l’identité » et « d’attributs » Note de bas de page 1).
  2. En ce qui a trait aux données de la Réserve, on remarque aussi des problèmes au sujet de l’intégralité des données, en plus de ceux concernant la divulgation de l’identité et d’attributs. Les dossiers de la Réserve peuvent être incomplets en ce qui concerne les cas de suicide et l’information sur la taille et les caractéristiques de la Réserve, et ces deux aspects sont nécessaires pour calculer des taux de suicide fiables. Le taux de départs est élevé chez les réservistes de classe A, et les suicides au sein de ce groupe ne sont pas nécessairement signalés au ministère de la Défense nationale (MDN). Le nombre précis de personnes à risque est aussi incertain.
  3. Puisque les données sur les tentatives de suicide sont souvent incomplètes, comme c’est le cas dans d’autres études portant sur la santé au travail, le présent rapport ne traite que des décès par suicide, et exclut les tentatives. De plus, les données utilisées dans l’analyse ne concernent que les militaires qui sont morts par suicide alors qu’ils étaient en service actif dans la Force régulière, et non les militaires qui se sont suicidés après avoir quitté les forces armées.

2. Sources de données et méthodes

2.1 Sources de données

2.1.1 Examen technique des suicides par des professionnels de la santé

Les données sur les facteurs de risque de suicide (facteurs psychosociaux et liés à la santé mentale) sont recueillies à partir des rapports d’examen technique des suicides par des professionnels de la santé (ETSPS). Les ETSPS sont réalisés par des professionnels de la santé militaires à la demande du médecin général adjoint lorsqu’il est probable qu’un suicide soit à l’origine d’un décès. Ensemble, ils examinent tous les dossiers de santé pertinents et réalisent des entrevues avec les individus qui ont prodigué des soins au membre et qui ont travaillé avec lui et qui pourraient avoir connaissance des circonstances du suicide en question. Les ETSPS ont commencé en 2010 comme outil d’assurance de la qualité au sein des Services de santé des Forces canadiennes (SSFC) afin de fournir au médecin général des observations et recommandations liées à l’amélioration des efforts de prévention du suicide au sein des SSFC. Tous ces renseignements sont recueillis et gérés par le Directeur – Santé mentale (DSM).

2.1.2 Surveillance épidémiologique

Les renseignements sur le nombre de suicides et les caractéristiques démographiques des militaires jusqu’en 2012 ont été fournis par Le Directeur – Gestion du soutien aux blessés (D Gest SB). Depuis septembre 2012, les données sur les suicides ont été obtenues auprès du DSM, qui en assure le suivi. Le DSM vérifie aussi ses données par renvoi croisé avec celles du Centre de soutien pour les enquêtes administratives (CSEA), qui fait partie de l’organisation du Directeur – Enquêtes et examens spéciaux (DEES).

Les renseignements sur les antécédents de déploiement et sur le nombre de membres des FAC (selon l’âge, le sexe et les antécédents de déploiement) proviennent du Directeur – Gestion de l’information des ressources humaines (DIRHG). Les antécédents de déploiement sont fondés sur les codes d’identification d’unité (CIU) du DIRHG. Il convient de souligner que le nombre de militaires ayant déjà fait l’objet d’un déploiement varie parfois par rapport aux données antérieures en raison de mises à jour des dossiers du DIRHG.

Les taux de suicide au Canada en fonction de l’âge et du sexe ont été obtenus auprès de Statistique Canada. Au moment de la préparation du présent rapport, les données étaient disponibles jusqu’en 2017. Les taux de suicide sont tirés des données des certificats de décès recueillies par les provinces et les territoires et assemblées par Statistique Canada. Les codes utilisés dans le cadre du rapport sont ceux de la CIM-9, de E950 à E959 (suicide et blessures auto-infligées) dans les tableaux standards produits par Statistique Canada pour la période de 1995 à 1999. Pour la période de 2000 à 2008, le nombre de décès par suicide a été tiré du tableau 102-0540 du Système canadien d’information socio-économique (CANSIM) de Statistique Canada d’après les codes de la CIM-10 X60 à X84 et Y87.0. Pour les décès par suicide survenus au cours de la période de 2009 à 2011, les données sont tirées du tableau CANSIM 102-0551 et, pour la période de 2012 à 2017, les données proviennent du tableau CANSIM 13-10-0156-01. Les décès de cause indéterminée (CIM-9, de E980 à E989; CIM-10, de Y30 à Y34) sont exclus par Statistique Canada, mais sont couramment inclus dans les statistiques sur le suicide publiées dans d’autres pays (p. ex., au Royaume-Uni, tant dans le contexte civil que dans le contexte militaire). Les règles d’exclusion de Statistique Canada ont été respectées dans la présente analyse en vue de permettre la réalisation de comparaisons valides. Tous les dénominateurs de la population canadienne en général jusqu’en 2013 sont tirés du tableau CANSIM 051-0001 de Statistique Canada. Ceux de 2012 et des années suivantes ont été tirés du tableau CANSIM 17-10-0005-01. Jusqu’en 2010 inclusivement, les dénominateurs représentent les données intercensitaires définitives, tandis que pour 2011 à 2017, il s’agit des données postcensitaires définitives.

Les renseignements sur l’élément constitutif, l’armée, l’identification de la structure des groupes professionnels militaires/le code de groupe professionnel militaire (IDSGPM/CGPM), la description de la dernière unité connue et l’emplacement de la dernière affectation connue ont été obtenus auprès du Directeur  – Gestion de l’information des ressources humaines (SGIRH) au moyen d’une demande faite à l’aide du Système de gestion des ressources humaines (SGRH).

Le commandement a été déterminé des trois manières suivantes :

  1. Lorsque le commandement était explicitement mentionné dans le rapport d’ETSPS ou dans le rapport sur le cas de suicide d’un militaire (pour les cas de 2011 à 2018), c’est cette information qui a été utilisée.
  2. Cependant, si les renseignements sur le commandement dont relevait un militaire n’étaient pas compris dans l’ETSPS ni dans la base de données du CSEA/D Gest SB, le commandement a été déterminé en fonction de l’unité d’appartenance du militaire.
  3. Dans certains cas, l’IDSGPM/le CGPM et le grade ont aussi été utilisés pour déterminer le commandement d’un militaire quand les renseignements sur son unité d’appartenance n’étaient pas clairs. Cette méthode de classification subjective pourrait faire en sorte que certains cas aient été attribués au mauvais commandement, ce qui aurait un effet sur la validité des résultats.

Les renseignements sur l’IDSGPM pour l’analyse relative aux « groupes professionnels de l’Armée de terre » (ou « armes de combat ») ont été obtenus directement auprès du DGIRH. Les militaires ont été considérés comme appartenant à un groupe professionnel de l’Armée de terre si leur IDSGPM était l’un des suivants : 00005 (ÉQUIP), 00008 (ARTIL C), 00009 (ARTIL DA), 00010 (FANT), 000178 (BLINDÉS), 000179 (ARTIL), 000180 (INF), 000181 (GÉNIE), 00339 (GÉNIE CBT) et 00368 (ARTIL C) [à partir de 2012]Note de bas de page 2

2.2 Méthodes

Les taux bruts de suicide chez les hommes de la Force régulière des FAC ont été calculés pour la période de 1995 à 2018. Les taux de suicide pour les années antérieures à 1995 n’ont pas été calculés, car la méthode de détermination des décès par suicide dans les FAC n’était alors pas bien définie.

Pour pouvoir comparer les taux chez les hommes faisant partie de la Force régulière à ceux de la population canadienne en général, les ratios standardisés de mortalité (RSM) ont été calculés pour les suicides jusqu’à 2017, en fonction d’une méthode indirecte de standardisation selon l’âge. Cette méthode permet de neutraliser l’effet des écarts de distribution selon l’âge entre les hommes de la Force régulière des FAC et ceux de la population canadienne en général. Un RSM représente le nombre de cas observés divisé par le nombre de cas escomptés dans une population normale à risque (en l’occurrence, la population canadienne), selon l’âge et le sexe, exprimé sous forme de pourcentage. Par conséquent, un RSM de moins de 100 % signifie que le taux de suicide est moins élevé dans la population étudiée que dans la population canadienne, tandis qu’un RSM de plus de 100 % signifie que le taux de suicide est plus élevé dans la population étudiée.

Les RSM ont été calculés séparément pour les hommes de la Force régulière qui ont pris part à une opération de déploiement et ceux pour qui ce n’a jamais été le cas.

Le calcul des intervalles de confiance (IC) pour les données relatives à la population est présenté ici pour ceux qui souhaitent généraliser les résultats à d’autres années. Les intervalles de confiance des taux de suicide chez les hommes de la Force régulière et des RSM ont été calculés directement au moyen des limites de confiance à 95 % de la distribution de Poisson, exactement selon la méthode décrite par Breslow et Day [1].

Pour pouvoir comparer directement le risque de suicide chez les hommes de la Force régulière ayant déjà fait l’objet d’un déploiement à celui des hommes qui n’ont pas d’antécédents de déploiement, une standardisation directe a été effectuée en utilisant la population masculine totale de la Force régulière des FAC comme référence. Le taux de suicide ajusté selon l’âge des hommes de la Force régulière qui ont déjà participé à un déploiement a été comparé à celui des militaires n’ayant aucun antécédent de déploiement au moyen de ratios de taux.

En raison du faible nombre de cas de suicides enregistrés chaque année dans les FAC, on observe une grande variabilité aléatoire d’une année à l’autre. Les moyennes mobiles, c’est-à-dire la moyenne des résultats d’une année cible combinés à ceux de l’année précédente et de l’année suivanteNote de bas de page 3, ont été utilisées par d’autres chercheurs dans le cadre d’études sur les suicides chez les militaires [2]. La méthode vise à limiter l’effet des variations attribuables au faible nombre de cas et à refléter d’éventuels changements dans les tendances au fil du temps.

3. Résultats

3.1 Résultats des rapports d’examen technique des suicides par des professionnels de la santé, hommes de la Force régulière, année 2018 seulement

3.1.1 Facteurs liés à la santé mentale

Des ETSPS ont été réalisés pour douze des treize cas de suicide d’hommes de la Force régulière qui ont eu lieu en 2018Note de bas de page 4. Un trouble dépressif avait été diagnostiqué chez 42 % des hommes pour lesquels des données ont été recueillies (tableau 1). Pour quatre d’entre eux (33,3 %), un trouble de stress post traumatique a été indiqué, mais aucun trouble lié à un traumatisme ou au stress n’avait été signalé avant le décès. Un quart de ces hommes (25 %) avaient déjà eu des problèmes de dépendance ou de consommation de substances. En plus des facteurs liés à la santé mentale, un des hommes (8,3 %) avait reçu un diagnostic de traumatisme cérébral lié au combat qui s’était produit au moins un an avant le décès. Aucun autre cas de traumatisme cérébral n’a été rapporté. Dans l’ensemble, cinq hommes (41,7 %) présentaient au moins deux facteurs de risque liés à la santé mentale au moment de leur décès. Le rapport d’ETSPS ne précisait pas si ces facteurs de risque étaient associés au stress opérationnelNote de bas de page 5.

Tableau 1 : Facteurs liés à la santé mentale
Facteur 2018 (N [%])*
Troubles dépressifs 5 (41,7)
Troubles liés à des traumatismes et des facteurs de stress (état de stress post-traumatique) 4 (33,3)
Troubles liés à des traumatismes et des facteurs de stress (autre) 0 (0)
Troubles anxieux 2 (16,7)
Troubles liés à la dépendance et la consommation de substances 3 (25,0)
Traumatisme cérébral 1 (8,3)
Troubles de personnalité 1 (8,3)

* Le total n’est pas de 100 %, car certaines personnes n’avaient pas de facteur de santé mentale au moment du décès, et certaines personnes avaient plus d’un facteur de santé mentale.

Des données indiquant des idées suicidaires ou des tentatives de suicide antérieures avaient été consignées dans 3 cas (25 %).

3.1.2 Facteurs de stress professionnel et personnel

Tous sauf deux (83,3 %) de ces hommes de la Force régulière qui sont décédés par suicide en 2018 présentaient au moins un des facteurs de stress figurant au tableau 2. Deux tiers d’entre eux (66,6 %) avaient déclaré au moins trois facteurs de stress concomitants avant leur décès.

Tableau 2 : Prévalence des facteurs de stress professionnel et personnel attestés avant le suicide
Facteur 2018 (N [%])*
Échec avéré ou probable d’une relation conjugale 7 (53,8)
Échec d’une autre relation (p. ex., famille ou amis) 6 (50,0)
Suicide réussi d’un conjoint, d’un membre de la famille ou d’un ami 5 (41,7)
Décès d’un membre de la famille ou d’un ami (autres que les suicides) 7 (58,3)
Problème de santé physique 5 (41,7)
Maladie d’un membre de la famille 4 (33,3)
Dettes 3 (25,0)
Problèmes liés au travail, au superviseur ou au rendement au travail 4 (33,3)
Problèmes juridiques 2 (16,7)

* Le total n’est pas de 100 % étant donné que, dans 66,6 % des cas, le militaire était touché par plus d’un facteur de stress.

Au cours de sa vie, un des hommes (8,3 %) avait été victime de violence physique, sexuelle ou émotionnelle, selon les dossiers.

Dans l’année précédant leur décès, 7 des hommes (58,3 %) avaient eu des problèmes juridiques ou disciplinaires (p. ex., une enquête de police, une action en justice, une absence sans permission, une incarcération). Au moment de son décès, un des hommes (8,3 %) était sur le point de recevoir sa libération des FAC (raisons disciplinaires, administratives ou médicales), et trois (25,0 %) avaient eu des problèmes juridiques ou disciplinaires au cours des douze derniers mois.

3.2 Épidémiologie des suicides chez les hommes de la Force régulière de 1995 à 2018 inclusivement

Le tableau 3 présente le nombre annuel de suicides chez les hommes de la Force régulière, de 1995 à 2018 inclusivement, de même que le taux brut correspondant sur cinq ans. Le taux brut de suicide chez les hommes de la Force régulière des FAC n’a pas évolué de manière sensible entre 1995 et 2018. Les intervalles de confiance de toutes les périodes, y compris celles de 2010 à 2018, se chevauchent, ce qui signifie que l’augmentation n’est pas statistiquement significative.

Tableau 3 : Taux pluriannuel de suicide chez les hommes de la Force régulière des FAC (de 1995 à 2018)
Année Nombre d’années-personnes pour les hommes de la Force régulière des FACNote de bas de page 6 Nombre de suicides chez les hommes de la Force régulière des FAC* Taux de suicide pour les hommes de la Force régulière des FAC pour 105 (IC : 95 %)
1995 62 255 12  
1996 57 323 8  
1997 54 982 13  
1998 54 284 13  
1999 52 689 10  
1995-1999 281 533 56 19,9 (15,1; 26,0)
2000 51 537 12  
2001 51, 29 10  
2002 52 747 9  
2003 54 137 9  
2004 53 873 10  
2000-2004 263 323 50 19,0 (14,1; 25,1)
2005 53 648 10  
2006 54 301 7  
2007 55 140 9  
2008 55 704 13  
2009 56 813 12  
2005-2009 275 606 51 18,5 (13,8; 24,4)
2010 58 723 12  
2011 58 622 21  
2012 57 940 10  
2013 57 687 9  
2014 56 699 16  
2010-2014 289 866 68 23,5 (18,4; 29,9)
2015 56 284 14  
2016 56 561 14  
2017 56 699 13  
2018 57 008 13  
2015-2018 226 552 54 23,8 (18,0; 31,3)

* Le nombre de suicides confirmés chez les hommes de la Force régulière des FAC en 2009 a augmenté de un depuis la publication du rapport « Le suicide dans les Forces canadiennes de 1995 à 2012 ».

Le taux de suicide chez les femmes de la Force régulière n’a pas été calculé, car les suicides chez les femmes sont peu courants. En effet, de 1995 à 2002, il n’y a eu aucun suicide chez les femmes, tandis qu’il y en a eu deux en 2003, aucun en 2004 et 2005, un par année de 2006 à 2008, deux en 2009, aucun en 2010, un en 2011, trois en 2012, un par année de 2013 à 2016 et aucun en 2017 et 2018.

Une comparaison du taux de suicide chez les hommes de la Force régulière et du taux de suicide chez leurs homologues civils est présentée au tableau 4. Pour la période de 2005 à 2009, les données indiquent que le taux de suicide dans la population d’hommes de la Force régulière des FAC est inférieur de 13 % à celui de la population canadienne, une fois neutralisé l’effet des différences dans la distribution des âges. Bien que les RSM de 2000 à 2014 sont supérieurs à 100 %, les intervalles de confiance se chevauchent, ce qui voudrait dire que ces résultats ne sont pas statistiquement significatifs. Le RSM pour la période de 2015-2017 (3 ans) n’était pas non plus significatif.

Comparaison du taux de suicide chez les hommes de la Force régulière des FAC et du taux de suicide chez les hommes canadiens au moyen des ratios standardisés de mortalité (RSM) de 1995 à 2017
Année RSM par suicide (intervalle de confiance à 95 %)*
1995-1999 72 % (55, 94)
2000-2004 80 % (59, 105)
2005-2009 87 % (64, 114)
2010-2014 123 % (97, 156)
2015-2017** 117 % (84, 159)

* Certaines estimations pourraient avoir légèrement changé comparativement aux rapports précédents en raison de mises à jour concernant la population d’hommes dans la Force régulière des FAC.

** Fondé sur trois années d’observation seulement.

† Statistiquement significatif.

Dans une analyse plus approfondie, le tableau 5 présente une comparaison du RSM des hommes ayant des antécédents de déploiement et du RSM des hommes n’ayant pas d’antécédents de déploiement. Dans le cas de la période de trois ans de 2015 à 2017, le RSM plus élevé passe du groupe de ceux ayant eu un déploiement à ceux qui n’en ont pas eu. Toutefois, aucun des RSM figurant dans le tableau (quelle que soit la période) n’est statistiquement significatifNote de bas de page 7.

Tableau 5 : Ratios standardisés de mortalité par suicide chez les hommes de la Force régulière des FAC selon les antécédents de déploiement (1995 à 2017)
Année RSM (IC à 95 %) des hommes ayant des antécédents de déploiement* RSM (IC à 95 %) des hommes n’ayant pas d’antécédents de déploiement*
1995-1999 68 % (42, 105) 74 % (52, 103)
2000-2004 81 % (53, 120) 79 % (51, 118)
2005-2009 99 % (67, 141) 74 % (46, 113)
2010-2014 117 % (84, 160) 111 % (74, 160)
2015-2017** 94 % (56, 150) 145 % (92, 219)

* Certaines estimations pourraient avoir légèrement changé comparativement aux rapports précédents en raison de mises à jour concernant la population d’hommes dans la Force régulière des FAC.

** Fondé sur trois années d’observation seulement.

Le taux sur dix ans pour la période de 1995 à 2004 affiche un RSM légèrement inférieur chez les hommes ayant des antécédents de déploiement (RSM : 75 % [IC à 95 % : 54 %, 100 %]) que chez les hommes n’en ayant pas (RSM : 77 % [IC à 95 % : 60 %, 100 %]); ces deux estimations approchent, mais n’atteignent pas, une valeur statistiquement significative. De plus, le RSM sur 10 ans n’indique pas d’écart statistiquement significatif pour la période de 2005 à 2014 chez les hommes ayant des antécédents de déploiement (RSM : 109 % [IC à 95 % : 85 %, 138 %]) par rapport aux hommes n’en ayant pas (RSM : 92 % [IC à 95 % : 67 %, 121 %]).

Une analyse comparative des mêmes groupes au moyen d’une autre méthode statistique (standardisation directe) n’a pas non plus permis d’établir un lien statistiquement significatif entre les hommes ayant des antécédents de déploiement et les hommes n’en ayant pas. Les taux sur dix ans (de 1995 à 2004 et de 2005 à 2016) ne sont pas non plus significatifs.

Tableau 6 : Comparaison des taux de suicide sur cinq ans chez les hommes de la Force régulière des FAC, selon les antécédents de déploiement, au moyen de la standardisation directe (de 1995 à 2018)
Année Hommes ayant des antécédents de déploiement Hommes n'ayant pas d'antécédents de déploiement Ratio des taux de suicide (IC à 95 %)a
1995-1999 19,83 19,90 1,00 (0,57; 1,75)
2000-2004 18,97 17,89 1,06 (0,60; 1,88)
2005-2009 24,85 15,60 1,59 (0,86; 2,97)
2010-2014 24,41 18,75 1,30 (0,77; 2,19)
2015-2018 * 22,28 30,29 0,74 (0,45; 1,20)

a Certaines estimations pourraient avoir légèrement changé comparativement aux rapports précédents en raison de mises à jour concernant la population d’hommes dans la Force régulière des FAC.

* Fondé sur quatre années d’observation.

3.3 Épidémiologie des suicides chez les hommes de la Force régulière, selon le commandement d’armée, de 2002 à 2018 inclusivement

Au cours des 17 dernières années, il y a eu 118 décès par suicide parmi les hommes de la Force régulière du commandement de l’Armée de terre et 83 décès parmi les hommes de tous les autres commandements d’armée (Marine, Force aérienne et autre). Le taux brut de suicide du commandement de l’Armée de terre s’élève à 33,60 par 100 000 personnes (IC à 95 % : 27,45; 41,05) tandis que celui des autres commandements s’établit à 13,14 (IC à 95 % : 11,01; 17,13). Les intervalles de confiance des taux de chaque catégorie de commandement d’armée ne se chevauchent pas, ce qui signifie qu’il existe un écart statistiquement significatif entre les deux groupes. Les taux de suicide ajustés selon l’âge sont comparables aux taux bruts (Armée de terre : 33,17 [IC à 95 % : 27,02; 39,33]; autres commandements : 14,01 [IC à 95 % : 10,98; 17,04]). De plus, le ratio des taux de suicide ajustés selon l’âge est significatif [2,37 (IC à 95 % : 1,78 : 3,15], ce qui signifie que le taux de suicide ajusté selon l’âge chez les hommes de la Force régulière est environ deux fois et demie plus élevé dans l’Armée de terre que dans les autres commandements.

Une analyse du RSM de chacun des commandements d’armée pour chaque période (2002 à 2006, 2007 à 2011 et 2012 à 2016, 2017 seulement) a été réalisée (tableau 7). Les RSM du commandement de l’Armée de terre pour les périodes de 2007 à 2011 et de 2012 à 2016 sont considérablement supérieurs à 100 %, alors que le RSM de la Marine/autres pour la période de 2012 à 2016 est considérablement inférieur à 100 %. Tous les autres RSM ne sont pas statistiquement significatifs. Par ailleurs, les RSM de l’ensemble des commandements d’armée sont systématiquement non significatifs pour les quatre périodes.

Tableau 7 : Ratios standardisés de mortalité des suicides chez les hommes de la Force régulière des FAC, selon le commandement d’armée (2002 à 2017)
Commandement d'armée RSM des suicides (intervalle de confiance à 95 %), 2002 à 2006 RSM des suicides (intervalle de confiance à 95 %), 2007 à 2011 RSM des suicides (intervalle de confiance à 95 %), 2012 à 2016 RSM des suicides (intervalle de confiance à 95 %), 2017*
Armée de terre 105 % (66, 159) 173 % (123, 236) 186 % (135, 254) 202 % (92, 383)
Force aérienne 68 % (33, 125) 81 % (39, 148) 89 % (45, 160) 164 % (44, 419)
Marine/autres 75 % (45, 117) 72 % (43, 114) 39 % (19, 72) 0 % (0)
Tous les commandements 86 % (64, 113) 112 % (87, 143) 109 % (85, 140) 109 % (58, 186)

† Statistiquement significatif.

* Fondé sur une année d’observation

Le taux de suicide chez les hommes de la Force régulière de l’Armée de terre appartenant aux groupes professionnels des armes de combat a également été calculé. De 2002 à 2018, il y a eu 77 suicides chez les hommes de la Force régulière dont l’IDSGPM indique une arme de combat. Chez les femmes des mêmes groupes professionnels, il n’y a eu aucun suicide pendant la même période.

Le taux de suicide chez les hommes de la Force régulière appartenant aux groupes professionnels des armes de combat de l’Armée de terre [31,63 (IC à 95 % : 25,12; 39,73)] semble plus élevé que le taux de suicide chez les hommes de la Force régulière dans l’Armée de terre [17,25 (IC à 95 % : 14,10; 21,08)]. Les intervalles de confiance de ces deux taux ne se chevauchent pas, ce qui signifie que l’écart est statistiquement significatif et qu’il y a donc un risque accru de suicide chez les hommes de la Force régulière qui appartiennent aux groupes professionnels des armes de combat par rapport à ceux qui n’appartiennent pas à ces groupes.

La figure 1 illustre l’évolution des moyennes mobiles pour l’ensemble des commandements d’armée (triangles), le commandement de l’Armée de terre (losanges) et les commandements autres que celui de l’Armée de terre (carrés). La figure montre que le taux de l’Armée de terre reste toujours légèrement supérieur ou égal à celui des autres catégories de commandement jusqu’en 2008. À partir de 2009, l’écart se creuse entre l’Armée de terre et les commandements autres que l’Armée de terre ou tous les commandements. Cette hausse de la moyenne de l’Armée de terre semble s’être arrêtée après 2012, mais la moyenne est demeurée très supérieure aux niveaux antérieurs à 2010. De 2009 à 2013, la moyenne mobile du taux des commandements autres que celui de l’Armée de terre semble avoir diminué, mais par la suite elle est revenue au niveau d’avant 2011. Depuis 2012, il semble que l’écart entre les taux bruts de suicide de l’Armée de terre et ceux des autres commandements diminue.

Figure 1 : Moyennes mobiles sur trois ans selon le commandement, Forces armées canadiennes, de 2002 à 2018.
Figure 1 : Contenu
Figure 1 : Moyennes mobiles sur trois ans selon le commandement, Forces armées canadiennes, de 2002 à 2018.
Année (point médian des moyennes mobiles sur trois ans) Tous commandements Armée Non-armée
2002 16,8 24,1 12,9
2003 17,4 24,8 13,4
2004 18,0 22,8 15,3
2005 16,7 22,9 13,4
2006 16,0 21,0 13,3
2007 17,6 24,1 14,1
2008 20,3 27,9 15,9
2009 21,5 30,8 15,9
2010 25,7 41,3 15,8
2011 24,4 43,9 12,1
2012 22,9 48,4 7,4
2013 20,3 40,4 8,3
2014 22,9 43,0 11,1
2015 26,0 43,5 16,6
2016 24,2 39,9 15,0
2017 23,5 34,9 16,8

4. Limites des données

  1. Ces analyses sont fondées sur des nombres très petits et variables; il faut donc se montrer prudent dans l’interprétation des résultats.
  2. Les suicides chez les femmes sont peu nombreux (0 à 2 par année), ce qui empêche la réalisation d’analyses de tendances.
  3. Comme la dernière unité/base de la personne a été utilisée pour catégoriser le commandement d’armée, cette méthode ne tient pas compte du fait que la personne a peut-être été affectée depuis peu à ce commandement d’armée, sans avoir vraiment servi sous ce commandement d’armée pendant une période appréciable (par exemple, dans le cas d’une personne qui reçoit une formation).
  4. Les dénominateurs de cette étude (nombre d’hommes de la Force régulière dans chaque commandement) peuvent aussi être inexacts, car le système du DIRHG n’est pas systématiquement mis à jour. Par conséquent, les données utilisées en guise de dénominateur peuvent différer selon la date à laquelle le rapport a été produit par le DIRHG.
  5. L’absence de données du DIRHG avant 2002 ne permet pas d’évaluer si les écarts entre le taux de suicide dans l’Armée de terre et celui dans les autres commandements présentaient un profil différent avant la guerre en Afghanistan.
  6. Enfin, les intervalles de confiance étendus pour plusieurs des taux obtenus signifient que les analyses n’avaient peut-être pas la puissance nécessaire pour détecter des écarts statistiquement significatifs.

5. Conclusions

Les conclusions suivantes tiennent compte du fait qu’il est possible qu’un écart réel n’ait pas été constaté lors de l’analyse statistique en raison du petit nombre de suicides (faible efficacité statistique de l’étude) :

  1. De 1995 à 2018, il n’y a eu aucun changement statistiquement significatif du taux de suicide parmi les hommes de la Force régulière des FAC.
  2. Le taux de suicide standardisé selon l’âge et le sexe ne diffère pas de manière significative du taux de suicide dans la population canadienne en général.
  3. Les taux élevés d’échecs probables de relations [y compris les relations conjugales (58,3 %) et celles avec d’autres personnes (50 %)] et de décès d’un membre de la famille ou d’un ami (autres que les suicides) (58,3 %) pourraient être des indicateurs de risque de suicide élevé chez les hommes de la Force régulière des FAC.
  4. Selon les analyses, le taux brut de suicide chez les hommes de la Force régulière appartenant au commandement de l’Armée de terre serait significativement plus élevé que celui des hommes appartenant aux autres commandements d’armée. Cet effet pourrait être expliqué en partie par l’écart important entre le taux brut de suicide chez les hommes de la Force régulière appartenant aux groupes professionnels des armes de combat et celui des hommes n’appartenant pas à ces groupes.

Références

[1] N.E. Breslow et N.E. Day, Statistical Methods in Cancer Research, Volume II – The Design and Analysis of Cohort Studies (publication scientifique no 82 de l’IARC), Centre international de recherche sur le cancer, Lyon, France, 1987.

[2] DASA (MoD), Defence Analytical Services and Advice, Suicide and Open Verdict Deaths in the UK Regular Armed Forces 1984-2012, Bristol, R.-U, Consulté le 27 février 2014 : http://www.dada.mod.uk/publications/health/deaths/suicide-and-open-verdict/2012/2012.pdf

[3] M. Porta, S. Greenland et J.M. Last (éd.), A Dictionary of Epidemiology, 5e édition, New York (É.‑U.), Oxford UP, 2008.

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