Rapport de 2020 sur la mortalité par suicide dans les Forces armées canadiennes (de 1995 à 2019)

Liste des figures

Liste des tableaux

Résumé

Introduction : Chaque décès par suicide constitue une tragédie. La prévention du suicide est un aspect important de la santé publique et une priorité des Forces armées canadiennes (FAC). Afin de mieux comprendre le suicide au sein des FAC et de parfaire les efforts continus en matière de prévention, les Services de santé des Forces canadiennes effectuent chaque année des analyses pour examiner les taux de suicide et la relation entre le suicide, le déploiement et d’autres facteurs de risque potentiels de suicide. La présente analyse, réalisée par la Direction – Santé mentale (DSM), représente une mise à jour pour la période s’échelonnant de 1995 à 2019.

Méthodes : Le présent rapport décrit les taux bruts de suicide de 1995 à 2019, les comparaisons entre la population canadienne et les FAC au moyen des ratios standardisés de mortalité (RSM) et les taux de suicide selon les antécédents de déploiement au moyen des RSM et de la standardisation directe. On y examine également la variation du taux de suicide selon le commandement/environnement et, au moyen de données tirées des examens techniques des suicides par des professionnels de la santé (ETSPS), la prévalence d’autres facteurs de risque en ce qui concerne les suicides survenus en 2019.

Résultats : De 1995 et 2019, il n’y a pas eu d’augmentation statistiquement significative des taux globaux de suicide. Le nombre d’hommes de la Force régulière décédés par suicide n’était pas statistiquement plus élevé que le nombre attendu en fonction des taux de suicide observés chez les hommes dans la population canadienne en général pour chaque période évaluée.

Les ratios des taux de suicide comparant les hommes de la Force régulière selon qu’ils avaient ou non des antécédents de déploiement n’indiquaient pas de lien statistiquement significatif entre le déploiement et un risque accru de suicide. Les constatations les plus récentes (de 2015 à 2019) révèlent que le taux de suicide chez les militaires ayant pris part à un déploiement était légèrement plus élevé, mais pas statistiquement différent par rapport au taux de ceux qui n’avaient jamais participé à un déploiement (ratio des taux de suicide ajustés selon l’âge : 1,13; intervalle de confiance [IC] à 95 % : 0,59 à 2,16). Ces observations concordent avec la tendance sur 10 ans (de 2005 à 2014), qui indiquait que les militaires ayant des antécédents de déploiement étaient possiblement plus à risque de suicide que ceux n’ayant pas de tels antécédents (ratio des taux de suicide ajustés selon l’âge : 1,46; IC à 95 % : 0,98 à 2,18).

Ces ratios de taux montrent par ailleurs que, de 2006 à 2019 inclusivement, le fait qu’un militaire fasse partie du commandement de l’Armée de terre était associé à un risque plus élevé de suicide par rapport à un militaire relevant d’un autre commandement (ratio des taux de suicide ajustés selon l’âge : 2,13; IC à 95 % : 1,62 à 2,79). La moyenne mobile du taux de suicide sur trois ans donne à penser que l’écart rétrécit entre le taux de suicide des membres de l’Armée de terre et celui des membres d’autres commandements. Les hommes de la Force régulière appartenant aux groupes professionnels des armes de combat de l’Armée de terre affichaient un taux de suicide plus élevé (31,51/100 000 [IC à 95 % : 25,18 à 39,36]) que celui des hommes de la Force régulière occupant d’autres professions (18,20/100 000 [IC à 95 % : 15,31 à 21,62]), et cet écart était statistiquement significatif.

Les résultats des ETSPS de 2019 continuent d’appuyer la théorie d’un enchaînement de causalité multifactoriel (qui comprend des facteurs biologiques, psychologiques, interpersonnels et socio-économiques) plutôt qu’un lien direct entre des facteurs de risque individuels (p. ex. l’état de stress post-traumatique ou le déploiement) et le suicide. Ces résultats concordent avec ceux des ETSPS des années précédentes.

Conclusions : Les taux de suicide au sein des FAC n’ont pas augmenté de façon statistiquement significative au cours de la période d’observation décrite et, une fois standardisés selon l’âge, ils n’étaient pas non plus statistiquement supérieurs à ceux de la population canadienne. Toutefois, les petits nombres limitent la capacité ou la probabilité de déceler une signification statistique au moyen des évaluations. Le risque accru de suicide chez les hommes de la Force régulière faisant partie de l’Armée de terre comparativement aux militaires relevant d’un autre commandement est une constatation que les FAC continuent de surveiller.

Mots clés : Déploiement; Forces armées canadiennes; population canadienne; ratio de taux; ratio standardisé de mortalité; suicide; taux; taux ajusté selon l’âge.

Sommaire

Le décès tragique par suicide de membres des Forces armées canadiennes (FAC) requiert une attention continue afin de comprendre ces évènements difficiles et de mieux cibler les efforts de prévention du suicide dans les FAC. Le présent rapport décrit le phénomène du suicide au sein des FAC et l’épidémiologie des suicides chez les hommes de la Force régulière de 1995 et 2019; il comprend de l’information supplémentaire sur les facteurs de risque associés aux suicides d’hommes de la Force régulière en 2019.

Méthodes

Les données décrites dans la section 3.1 [Résultats des rapports d’examen technique des suicides par des professionnels de la santé, hommes de la Force régulière, année 2019 seulement] sont tirées des ETSPS de 2019. L’ETSPS est l’une des enquêtes effectuées après chaque suicide au sein des FAC. L’ETSPS, un outil d’assurance de la qualité pour les Services de santé des Forces canadiennes (SSFC), est effectué à la demande du médecin général adjoint dès qu’un suicide est confirmé dans la Force régulière ou dans la Première réserve. Chaque ETSPS est généralement mené par une équipe composée d’un professionnel de la santé mentale et d’un médecin militaire généraliste.

La Direction – Gestion du soutien aux blessés a fourni les données épidémiologiques décrites à la section 3.2 (Épidémiologie des suicides chez les hommes de la Force régulière de 1995 à 2019 inclusivement) et à la section 3.3 (Épidémiologie des suicides chez les hommes de la Force régulière, selon le commandement d’armée, de 2002 à 2019 inclusivement) pour la période allant jusqu’à 2012. Depuis septembre 2012, la DSM assure le suivi des données sur le nombre de suicides. Les renseignements sur les antécédents de déploiement et sur le nombre de membres des FAC proviennent de la Direction – Gestion de l’information des ressources humaines (DIRHG). Enfin, les données sur la population canadienne en général et les taux de suicide au Canada en fonction de l’âge et du sexe ont été obtenus auprès de Statistique Canada.

Les mesures calculées incluent les fréquences, les taux bruts, les ratios standardisés de mortalité (RSM; ratio du nombre observé de suicides dans les FAC et du nombre de cas escomptés dans les FAC, si les FAC correspondaient à la population canadienne en général du point de vue de l’âge et du sexe) et les taux standardisés de façon directe. Les RSM ont été calculés jusqu’en 2018, parce que Statistique Canada a publié des données pour la population canadienne en général jusqu’à cette date.

Résultats

Diagnostic de maladie mentale chez les hommes qui sont décédés par suicide en 2019

Au nombre des troubles mentaux connus au moment du décès par suicide chez les hommes de la Force régulière en 2019 figuraient les troubles dépressifs (28,6 %), les troubles anxieux (14,3 %), l’état de stress post traumatique (21,4 %) ou d’autres troubles liés à des traumatismes et au stress (14,3 %). Dans un peu plus de la moitié (57,1 %) de ces décès par suicide, la personne présentait un trouble lié à la consommation de substances. Il était fréquent (50,0 %) que la personne présente au moins deux diagnostics liés à la santé mentale au moment du décès (c.-à-d. une combinaison qui pouvait comprendre des troubles dépressifs, des troubles liés à des traumatismes et au stress, des troubles anxieux, des troubles liés à la dépendance ou à la consommation de substances, des traumatismes crâniens ou des troubles de la personnalité).

Facteurs de stress professionnel et personnel chez les hommes qui sont décédés par suicide en 2019

Au moment du décès, au moins un facteur de stress professionnel ou personnel était présent dans tous les cas de suicide survenus en 2019 chez les hommes de la Force régulière (dont les facteurs suivants : échec d’une relation, suicide d’un ami ou d’un membre de la famille, décès d’un ami ou d’un membre de la famille, maladie personnelle ou d’un membre de la famille, dettes, problèmes professionnels, problèmes juridiques). Presque tous les cas (92,9 %) présentaient au moins deux facteurs de stress concomitants avant le décès.

Taux bruts de suicide, 1995 – 2019

Au cours de la période de 2015 à 2019, le taux brut de suicide chez les hommes de la Force régulière s’élevait à 24,5 pour 100 000 (IC à 95 % : 19,2 à 31,1). Ce taux était constant par rapport au taux brut de 2010 à 2014 (24,2/100 000 [IC à 95 % : 19,0 à 30,9]). De plus, les intervalles de confiance des taux de suicide pour toutes les périodes étudiées se chevauchaient dans une certaine mesure, ce qui indique une faible probabilité de différences statistiquement significatives quant aux taux bruts de suicide dans le temps.

Comparaison des taux de suicide chez les hommes de la Force régulière des FAC et au sein de la population canadienne au moyen des ratios standardisés de mortalité, 1995 – 2018

Les RSM pour la période de 2010 à 2014 (126 % [IC à 95 % : 99 à 159]) et pour la période de 2015 à 2018 (119 % [IC à 95 % : 90 à 156]) n’apparaissent pas statistiquement significatifs, ce qui donne à penser que, pour les deux périodes, le nombre observé de suicides chez les hommes de la Force régulière était semblable à ce à quoi on aurait pu s’attendre dans la population générale des hommes au Canada si la répartition par âge était la même. Toutefois, le RSM pour la période de 2010 à 2014 est très proche du seuil de signification et ne devrait pas être considéré d’emblée comme étant non significatif d’un point de vue statistique.

Répercussions des déploiements sur le taux de suicide chez les hommes de la Force régulière des FAC

Les RSM ont été calculés séparément pour les hommes de la Force régulière ayant pris part à une opération de déploiement (92 % [IC à 95 % : 75 à 113]) et ceux pour qui cela n’a jamais été le cas (94 % [IC à 95 % : 77 à 115]) pour la période de 1995 à 2018. Ces résultats n’ont pas révélé de différence statistiquement significative dans les taux de suicide par rapport à la population canadienne de sexe masculin lorsque l’on tient compte de l’âge.

Répercussions du commandement d’armée sur les taux de suicide chez les hommes de la Force régulière des FAC

Un ratio des taux de suicide ajustés selon l’âge a été calculé afin de comparer le commandement de l’Armée de terre aux autres commandements pour la période de 2002 à 2019. Ce ratio était statistiquement significatif (2,13 [IC à 95 % : 1,62 à 2,79]), ce qui indique un taux de suicide plus élevé chez les hommes de la Force régulière au sein du commandement de l’Armée de terre. Cette constatation était appuyée par un RSM statistiquement plus élevé au sein du commandement de l’Armée de terre au cours de la période de 2007 à 2011 (173 % [IC à 95 % : 123 à 237]) et de la période de 2012 à 2016 (186 % [IC à 95 % : 134 à 252]), ce qui indique que les taux de suicide étaient plus élevés que ce à quoi on s’attendrait chez les hommes canadiens avec une répartition semblable selon l’âge.

Le taux brut de suicide chez les hommes de la Force régulière appartenant aux groupes professionnels des armes de combat de l’Armée de terre a également été calculé et ce, pour la période de 2002 à 2019. On a constaté qu’il était plus élevé que le taux global de suicide chez les hommes de la Force régulière occupant d’autres professions (31,51/100 000 [IC à 95 % : 25,18 à 39,36] par rapport à 18,20/100 000 [IC à 95 % : 15,31 à 21,62]).

Conclusion

Les taux de suicide au sein des FAC n’ont pas augmenté de façon statistiquement significative au cours de la période d’observation décrite et, une fois standardisés selon l’âge, ils n’étaient pas non plus statistiquement supérieurs à ceux de la population canadienne. Toutefois, les petits nombres limitent la capacité ou la probabilité de déceler une signification statistique au moyen des évaluations. Le risque accru de suicide chez les hommes de la Force régulière faisant partie de l’Armée de terre comparativement aux militaires relevant d’un autre commandement est une constatation que les FAC continuent de surveiller.

1. Introduction

Chaque décès par suicide peut avoir des répercussions tragiques sur les familles, les amis et les collègues. La prévention du suicide est un problème de santé publique important au Canada et l’une des principales priorités des Forces armées canadiennes (FAC). Le Plan d’action pour la prévention du suicide des FAC témoigne de la volonté de l’organisation de garantir que tout est mis en œuvre pour atténuer le risque de suicide. Les enquêtes et les analyses touchant les cas de décès par suicide dans les FAC fournissent de précieux renseignements qui peuvent aider à guider et à cibler les efforts continus en matière de prévention du suicide. Ce rapport annuel est une façon de garantir que les programmes cliniques et de prévention sont optimisés.

Depuis le début des années 1990, des inquiétudes sont soulevées au sujet du taux de suicide observé dans les FAC et de ses éventuels liens avec les déploiements. Les FAC ont donc lancé un programme de surveillance de la mortalité par suicide en vue de comparer, d’une part, le taux de suicide des FAC à celui de la population canadienne et, d’autre part, le taux de suicide chez les militaires ayant des antécédents de déploiement à celui des autres militaires.

Par le passé, les rapports portaient avant tout sur la surveillance et l’épidémiologie des suicides au sein des FAC. Depuis 2015, le rapport a été élargi de manière à comprendre des renseignements supplémentaires qui ont trait aux suicides dans les FAC, y compris une analyse approfondie de la variation des taux de suicide selon le commandement d’armée. Le présent rapport fournit également des renseignements sur les facteurs de risque sous-jacents qui pourraient avoir contribué aux suicides survenus en 2019 chez les hommes de la Force régulière d’après les examens techniques des suicides par des professionnels de la santé (ETSPS).

Le présent rapport, tout comme les rapports précédents, ne porte que sur l’analyse des suicides survenus chez les hommes de la Force régulière. Tous les décès par suicide recensés au sein des FAC, y compris dans la Force de réserve et chez les femmes, font l’objet d’un ETSPS; cependant, la présente analyse ne tient pas compte des données qui résultent de ces enquêtes pour les raisons suivantes :

  1. Les suicides chez les femmes sont peu nombreux (de 0 à 2 par année), ce qui empêche de réaliser des analyses des tendances. De plus, si nous présentions séparément leurs caractéristiques, cela porterait atteinte aux principes relatifs à la protection des renseignements personnels des personnes concernées (divulgation de « l’identité » et « d’attributs »Note de bas de page 1).
  2. En ce qui a trait aux données de la Force de réserve, on remarque des problèmes au sujet de l’intégralité des données, en plus de ceux concernant la divulgation de l’identité et d’attributs, tel que mentionné plus haut. Comme de nombreux membres de la Force de réserve reçoivent leurs soins de santé dans le cadre du système de santé provincial, les cas de suicides ne sont pas toujours signalés de façon intégrale et les dossiers sont parfois incomplets.
  3. Puisque les données sur les tentatives de suicide sont souvent incomplètes, en raison de différences dans la définition de ce terme et du manque d’uniformité en matière de signalement, et comme c’est le cas dans d’autres études portant sur la santé au travail, le présent rapport ne traite que des décès par suicide, et exclut les tentatives. De plus, les données utilisées dans l’analyse ne concernent que les militaires qui sont morts par suicide alors qu’ils étaient en service actif dans la Force régulière, et non les militaires qui se sont suicidés après avoir quitté les forces armées. Pour obtenir plus de renseignements sur les vétérans, consultez l’Étude de 2019 sur la mortalité par suicide chez les vétérans [2].

2. Sources de données et méthodes

2.1 Sources de données

2.1.1 Examen technique des suicides par des professionnels de la santé

Les données sur les facteurs de risque de suicide (facteurs psychosociaux et liés à la santé mentale) sont recueillies à partir des rapports d’examen technique des suicides par des professionnels de la santé (ETSPS). Les ETSPS sont réalisés par des professionnels de la santé militaires à la demande du médecin général adjoint lorsqu’il considère qu’un suicide est à l’origine d’un décès. Ensemble, ils examinent tous les dossiers de santé pertinents et réalisent des entrevues avec les membres de la famille, les fournisseurs de soins de santé et les collègues qui ont travaillé avec la victime et qui peuvent avoir connaissance des circonstances du décès. Les ETSPS ont commencé en 2010 comme outil d’assurance de la qualité au sein des Services de santé des Forces canadiennes (SSFC) afin de fournir au médecin général des observations et des recommandations sur les améliorations à apporter aux efforts de prévention du suicide au sein des SSFC. Tous les renseignements liés aux ETSPS sont recueillis et gérés par la Direction – Santé mentale (DSM).

Six catégories de facteurs liés à la santé mentale et neuf catégories de facteurs de stress professionnel et personnel ont été définies. On a déterminé que ces facteurs étaient présents si le problème existait au moment du décès. Les catégories de facteurs liés à la santé mentale comprenaient :

  1. les troubles dépressifs : i) trouble disruptif avec dysrégulation émotionnelle; ii) trouble dépressif caractérisé, épisodes isolés et itératifs; iii) trouble dépressif persistant (dysthymie); iv) trouble dysphorique prémenstruel; v) trouble dépressif induit par une substance ou un médicament; vi) trouble dépressif dû à une autre affection médicale; vii) autre trouble dépressif précisé; viii) trouble dépressif non précisé.
  2. les troubles liés à des traumatismes et des facteurs de stress: i) trouble réactionnel de l’attachement; ii) trouble de désinhibition du contact social; iii) trouble de stress post-traumatique; iv) trouble de stress aigu; v) troubles de l’adaptation; vi) autre trouble consécutif aux traumatismes et au stress précisé; vii) trouble consécutif aux traumatismes et au stress non précisé.
  3. les troubles anxieux: i) anxiété de séparation; ii) mutisme sélectif; iii) phobie spécifique; iv) trouble d’anxiété sociale (phobie sociale); v) trouble panique; vi) crise de panique; vii) agoraphobie; viii) trouble anxieux généralisé; ix) trouble anxieux induit par une substance ou un médicament; x) trouble anxieux dû à une autre affection médicale; xi) autre trouble anxieux précisé; xii) trouble anxieux non précisé.
  4. les troubles liés à la dépendance et à la consommation de substances;
  5. le traumatisme cérébral : est considéré comme un problème actif si l’individu en a déjà souffert;
  6. les troubles de personnalité : sont considérés comme un problème actif si l’individu en a déjà souffert.

Les catégories de facteurs de stress professionnel et personnel comprenaient :

  1. l’échec avéré ou probable d’une relation conjugale;
  2. l’échec d’une autre relation (p. ex., famille ou amis);
  3. le suicide réussi d’un conjoint, d’un membre de la famille ou d’un ami (est considéré comme un problème actif si l’individu y a déjà été confronté);
  4. le décès d’un membre de la famille ou d’un ami (autres que les suicides);
  5. un problème de santé physique;
  6. la maladie chronique du conjoint ou de la conjointe ou d’un membre de la famille;
  7. un endettement excessif, une faillite ou des difficultés financières;  
  8. des problèmes liés à l’emploi, au superviseur ou au rendement au travail;
  9. des problèmes juridiques de nature civile (p. ex. un conflit concernant la garde des enfants, un litige).

2.1.2 Surveillance épidémiologique

Les renseignements sur le nombre de suicides et les caractéristiques démographiques des militaires jusqu’en 2012 ont été fournis par la Direction – Gestion du soutien aux blessés (D Gest SB). Depuis septembre 2012, les suicides ont fait l’objet d’un suivi et les données ont été obtenues auprès de la DSM. La DSM vérifie ses données par renvoi croisé avec celles du Centre de soutien pour les enquêtes administratives (CSEA), qui fait partie de la Direction – Enquêtes et examens spéciaux (DEES).

Les renseignements sur les antécédents de déploiement et sur le nombre de membres actifs des FAC en date du 1er juillet d’une année donnée (p. ex. âge, sexe, unité, commandement, code d’identification de la structure des groupes professionnels militaires/code de groupe professionnel militaire [ID SGPM/CGPM] et antécédents de déploiement) proviennent de la Direction – Gestion de l’information des ressources humaines (DIRHG). Les antécédents de déploiement sont fondés sur les codes d’identification d’unité (CIU) de la DIRHG; les déploiements incluent toutes les affectations au niveau international, à un endroit se trouvant à l’extérieur du Canada et des États-Unis, et excluent les entraînements, les exercices et les réunions avec les partenaires internationaux, le cas échéant. Il convient de souligner que le nombre de militaires actifs au cours d’une année donnée et de militaires ayant déjà fait l’objet d’un déploiement varie parfois par rapport aux données antérieures en raison de mises à jour des dossiers de la DIRHG. En outre, le commandement est catégorisé (Armée de terre, Force aérienne, Marine ou autre) en fonction du dernier commandement précisé ou, dans certains cas, des renseignements sur l’unité.

Les taux de suicide au Canada en fonction de l’âge et du sexe ont été obtenus auprès de Statistique Canada. Au moment de la préparation du présent rapport, les données étaient disponibles jusqu’en 2018. Les taux de suicide sont tirés des données des certificats de décès recueillies par les provinces et les territoires et assemblées par Statistique Canada. Les codes utilisés dans le cadre du rapport sont ceux de la CIM-9, de E950 à E959 (suicide et blessures auto-infligées) dans les tableaux standards produits par Statistique Canada pour la période de 1995 à 1999. Pour la période de 2000 à 2018, le nombre de décès par suicide a été extrait du tableau 13-10-0392-01, « Décès et taux de mortalité par groupe d’âge, selon certains groupes de causes » de Statistique Canada, d’après les codes de la CIM-10, de X60 à X84 et Y87.0. Lors de la production par Statistique Canada des statistiques sur les décès annuels, les données des années précédentes pourraient avoir été révisées pour refléter les mises à jour ou les changements reçus des bureaux provinciaux et territoriaux de l’état civil. Les décès de cause indéterminée (CIM-9, de E980 à E989; CIM-10, de Y34 à Y87.2) sont exclus par Statistique CanadaNote de bas de page 2, mais sont couramment inclus dans les statistiques sur le suicide publiées dans d’autres pays (p. ex., au Royaume-Uni, tant dans le contexte civil que dans le contexte militaire). Les règles d’exclusion de Statistique Canada ont été respectées dans la présente analyse en vue de permettre la réalisation de comparaisons valides. Tous les dénominateurs de la population canadienne en général jusqu’en 2000 sont tirés du tableau CANSIM 051-0001 de Statistique Canada. Ceux de 2000 et des années suivantes sont tirés du tableau CANSIM 17-10-0005-01, « Estimations de la population au 1er juillet, par âge et sexe ». Jusqu’en 2015 inclusivement, les dénominateurs représentent les données intercensitaires définitives, tandis que pour 2016, 2017 et 2018, il s’agit des données postcensitaires mises à jour.

Les renseignements sur l’élément constitutif, l’armée, l’IDSGPM/CGPM, la description de la dernière unité connue et l’emplacement de la dernière affectation connue des membres des FAC qui se sont suicidés ont été obtenus auprès de la Direction – Gestion de l’information des ressources humaines (SGIRH), au moyen d’une demande faite à l’aide du Système de gestion des ressources humaines (SGRH), ou ont été tirés des données d’ETSPS, la préférence étant accordée aux données d’ETSPS, le cas échéant.

Le commandement a été déterminé des trois manières suivantes :

  1. Lorsque le commandement était explicitement mentionné dans le rapport d’ETSPS ou dans le rapport sur le cas de suicide d’un militaire (pour les cas de 2011 à 2019), c’est cette information qui a été utilisée.
  2. Lorsque les renseignements sur le commandement dont relevait un militaire n’étaient pas compris dans l’ETSPS ni dans la base de données du CSEA/D Gest SB, le commandement a été déterminé en fonction de l’unité d’appartenance du militaire.
  3. Dans certains cas, l’IDSGPM et le grade ont aussi été utilisés pour déterminer le commandement d’un militaire quand les renseignements sur son unité d’appartenance n’étaient pas clairs. Cette méthode de classification subjective pourrait faire en sorte que certains cas aient été attribués au mauvais commandement, ce qui aurait un effet sur la validité des résultats.

Les renseignements sur l’IDSGPM pour l’analyse relative aux groupes professionnels des armes de combat de l’Armée de terre ont été obtenus directement auprès de la DGIRH. Les militaires ont été considérés comme appartenant à un groupe professionnel des armes de combat de l’Armée de terre si leur IDSGPM était l’un des suivants : 00005 (ÉQUIP), 00008 (ARTIL C), 00009 (ARTIL DA), 00010 (FANT), 000178 (BLINDÉS), 000179 (ARTIL), 000180 (INF), 000181 (GÉNIE), 00339 (GÉNIE CBT) et 00368 (ARTIL C) [à partir de 2012].Note de bas de page 3

2.2 Méthodes

Les taux bruts de suicide chez les hommes de la Force régulière des FAC ont été calculés pour la période de 1995 à 2019. Les taux de suicide pour les années antérieures à 1995 n’ont pas été calculés, car la méthode de détermination des décès par suicide dans les FAC n’était alors pas bien définie.

Pour pouvoir comparer les taux de suicide chez les hommes faisant partie de la Force régulière à ceux de la population canadienne en général, les ratios standardisés de mortalité (RSM) ont été calculés pour les suicides jusqu’à 2018, en fonction d’une méthode indirecte de standardisation selon l’âge. Cette méthode permet de neutraliser l’effet des écarts de distribution selon l’âge entre les hommes de la Force régulière des FAC et ceux de la population canadienne en général. Un RSM représente le nombre de cas observés divisé par le nombre de cas escomptés dans une population normale à risque (en l’occurrence, la population canadienne), selon l’âge et le sexe, exprimé sous forme de pourcentage. Par conséquent, un RSM de moins de 100 % signifie que le taux de suicide est moins élevé dans la population étudiée que dans la population canadienne, tandis qu’un RSM de plus de 100 % signifie que le taux de suicide est plus élevé dans la population étudiée.

Les RSM ont été calculés séparément pour les hommes de la Force régulière qui ont pris part à une opération de déploiement et ceux pour qui ce n’a jamais été le cas, ainsi que pour ceux qui appartiennent à l’une des quatre catégories de commandement (c.-à-d. Armée de terre, Force aérienne, Marine et autre).

Le calcul des intervalles de confiance (IC) pour les statistiques tirées des données relatives à la population est présenté dans le présent rapport pour ceux qui souhaitent généraliser les résultats ou les comparer à d’autres années ou à d’autres populations définies. Les intervalles de confiance des taux de suicide chez les hommes de la Force régulière et des RSM ont été calculés directement au moyen des limites de confiance à 95 % de la distribution de Poisson, exactement selon la méthode décrite par Breslow et Day [3].

Les intervalles de confiance servent habituellement à mesurer l’incertitude liée à une estimation statistique (p. ex. une moyenne d’échantillon ou un taux de mortalité) lorsqu’on a affaire à des échantillons provenant d’une population définie. Néanmoins, lorsque des statistiques comme les taux de suicide sont calculées à partir d’une population ayant fait l’objet d’un dénombrement complet, la stabilité statistique est moins déterminante, car l’ensemble de la population est comptabilisé. En règle générale, les erreurs qui ont trait au processus de collecte des données, au codage des causes de décès ou à l’estimation des dénominateurs de la population sont plus préoccupantes. Dans ces cas, le taux de suicide calculé et ses intervalles de confiance constituent simplement une caractérisation de la distribution géographique du taux, et ceci en partant de l’hypothèse qu’il suit une distribution théorique connue (p. ex. la distribution de Poisson) autour du taux calculé (c.-à-d. que certains individus qui ne sont pas décédés avaient une probabilité non nulle de décès par suicide). Cela permet de comparer les taux d’une population et leur distribution à ceux d’une autre population (p. ex. une population caractérisée par l’année); les intervalles de confiance donnent une certaine indication quant à savoir si les deux estimations sont comparables (c.-à-d. lorsque les intervalles de confiance se chevauchent) ou différentes (c.-à-d. lorsque les intervalles de confiance ne se chevauchent pas) avec un certain niveau de probabilité statistique. Le niveau p=0,05 est utilisé pour déterminer si deux distributions géographiques présentent des différences statistiquement significatives.

On a également recouru à la standardisation directe en fonction de la structure par âge de la population masculine totale de la Force régulière pour établir deux comparaisons. Pour comparer plus précisément le risque de suicide chez les hommes de la Force régulière ayant des antécédents de déploiement et ceux sans antécédent de déploiement, et chez les hommes appartenant au commandement de l’Armée de terre et ceux qui relèvent d’un autre commandement, des ratios de taux standardisés avec des intervalles de confiance de 95 % ont été calculés, tel qu’indiqué dans Rothman et Greenland [4].

En raison du faible nombre de cas de suicides enregistrés chaque année dans les FAC, on observe une variabilité aléatoire d’une année à l’autre. Les moyennes mobiles, c’est-à-dire la moyenne des résultats d’une année cible combinés à ceux de l’année précédente et de l’année suivanteNote de bas de page 4, ont été utilisées par d’autres chercheurs dans le cadre d’études sur les suicides chez les militaires [5]. La méthode vise à limiter l’effet des variations annuelles dues au faible nombre de cas et à refléter d’éventuels changements dans les tendances au fil du temps.

3. Résultats

3.1 Résultats des rapports d’examen technique des suicides par des professionnels de la santé, hommes de la Force régulière, année 2019 seulement

3.1.1 Facteurs liés à la santé mentale

Des ETSPS ont été réalisés pour 14 des 15 cas de suicide d’hommes de la Force régulière des FAC qui ont eu lieu en 2019Note de bas de page 5, et un cas a fait l’objet d’un examen pilote à double fin par une commission d’enquête. Treize des membres des FAC (92,9 %) pour lesquels des données ont été recueillies ont indiqué présenter au moins un des facteurs liés à la santé mentale figurant au tableau 1. Le facteur lié à la santé mentale « trouble lié à la dépendance et la consommation de substances » est celui qui a été rapporté le plus souvent, à savoir par huit hommes (57,1 %), suivi des « troubles liés à des traumatismes et des facteurs de stress », qui ont été signalés par un total de cinq hommes (trois [21,4 %] présentaient un ESPT et deux [14,3 %] présentaient d’autres troubles). Un trouble dépressif a été rapporté chez quatre hommes (28,6 %), et deux hommes (14,3 %) avaient un trouble anxieux. Deux hommes avaient subi une lésion cérébrale traumatique dans le passé; l’un avait subi cette lésion dans l’année ayant précédé son décès, et l’autre avait subi deux lésions, mais plus d’un an avant son décès.

Des données indiquant des idées suicidaires ou des tentatives de suicide antérieures avaient été consignées dans quatre cas (28,6 %) (données non incluses). Dans l’ensemble, sept hommes (50,0 %) présentaient au moins deux des facteurs liés à la santé mentale au moment de leur décès.

L’ETSPS ne précise pas si ces problèmes de santé mentale sont associés au stress opérationnelNote de bas de page 6; néanmoins, il cherche à déterminer si le suicide peut être relié à un déploiement, et aucun des 14 hommes dont le cas a fait l’objet d’un ETSPS interrogé à ce sujet n’a répondu « Non » ou « Inconnu ».

Tableau 1 : Facteurs liés à la santé mentale
Facteur lié à la santé mentale 2019 (N [%])*
i) Troubles dépressifs 4 (28,6 %)
ii) Troubles liés à des traumatismes et des facteurs de stress 5 (35,7 %)
Troubles liés à des traumatismes et des facteurs de stress (ESPT) 3 (21,4 %)
Troubles liés à des traumatismes et des facteurs de stress (Autre) 2 (14,3 %)
iii) Troubles anxieux 2 (14,3 %)
iv) Troubles liés à la dépendance et la consommation de substances 8 (57,1 %)
v) Traumatisme cérébral (déjà déclaré) 2 (14,3 %)
vi) Trouble de personnalité (déjà déclaré) 1 (7,1 %)

* Le total n’est pas de 100 %, car certaines personnes n’avaient pas de facteur de santé mentale au moment du décès, et certaines personnes avaient plus d’un facteur de santé mentale.

3.1.2 Facteurs de stress professionnel et personnel

Les facteurs de stress professionnel et personnel connus pour les hommes de la Force régulière décédés par suicide en 2019 figurent au tableau 2. Tous les hommes présentaient au moins un facteur de stress connu et treize d’entre eux (92,9 %) en avaient déclaré deux ou plus. Le facteur de stress le plus courant était l’échec avéré ou probable d’une relation conjugale, qui a été observé chez dix hommes (71,4 %).

Tableau 2 : Prévalence des facteurs de stress professionnel et personnel attestés avant le suicide
Facteurs de stress professionnel et personnel 2019 (N [%])a
Échec avéré ou probable d’une relation conjugale 10 (71,4 %)
Échec avéré ou probable d’une autre relation (p. ex., famille ou amis) 5 (35,7 %)
Suicide réussi d’un(e) conjoint(e), d’un membre de la famille ou d’un ami (en tout temps)b 4 (28,6 %)
Décès d’un membre de la famille ou d’un ami (autres que les suicides) 2 (14,3 %)
Problème de santé physique 7 (50,0 %)
Maladie chronique d’un(e) conjoint(e) ou d’un membre de la famille 2 (14,3 %)
Endettement excessif, faillite ou difficultés financières 6 (42,9 %)
Problèmes liés à l’emploi, au superviseur ou au rendement au travail 7 (50,0 %)
Problèmes juridiques de nature civile (p. ex. un conflit concernant la garde des enfants, un litige) 2 (14,3 %)

a Le total n’est pas de 100 % étant donné que treize personnes étaient touchées par plus d’un facteur de stress.

b Constitue un problème actif s’il s’est produit pendant le cheminement de vie d’une personne.

Outre ces facteurs de stress, six de ces hommes (42,9 %) avaient été victimes de violence physique, sexuelle ou émotionnelle ou d’agression au cours de leur vie, selon les dossiers. Avant leur décès, cinq des hommes (35,7 %) avaient eu des problèmes juridiques, disciplinaires ou autres. Deux hommes (14,3 %) étaient sur le point de recevoir leur libération des FAC; l’un devait faire l’objet d’une libération volontaire à sa demande et l’autre, d’une libération en vertu du numéro 5b à la demande de sa chaîne de commandement.

3.2 Épidémiologie des suicides chez les hommes de la Force régulière de 1995 à 2019 inclusivement

Le tableau 3 présente le nombre annuel de suicides chez les hommes de la Force régulière, de 1995 à 2019 inclusivement, de même que le taux brut correspondant sur cinq ans. Le taux brut de suicide sur cinq ans chez les hommes de la Force régulière des FAC ne semble pas avoir varié de façon importante entre 1995 et 2019, mais varie entre un minimum de 18,5 pour 100 000 (IC à 95 % : 13,8, 24,4) pour la période de 2005 à 2009 et un maximum de 24,5 pour 100 000 (IC à 95 % : 19,2, 31,3) pour la période plus récente de 2015 à 2019. On observe un chevauchement important entre les intervalles de confiance de toutes les périodes de cinq ans, ce qui signifie que les écarts entre les périodes ne sont pas statistiquement significatifs.

Tableaux 3 : Taux pluriannuel de suicide chez les hommes de la Force régulière des FAC (de 1995 à 2019)b
Année Nombre d’années-personnes pour les hommes de la Force régulière des FACNote de bas de page 7 Nombre de suicides chez les hommes de la Force régulière des FACa Taux de suicide pour les hommes de la Force régulière des FAC pour 105 (IC à 95 %)
1995 62 255 12  
1996 57 323 8  
1997 54 982 13  
1998 54 284 13  
1999 52 689 10  
De 1995 à 1999 281 533 56 19,9 (15,1, 26,0)
2000 51 537 12  
2001 51 029 10  
2002 52 458 9  
2003 54 151 9  
2004 52 265 10  
De 2000 à 2004 261 440 50 19,1 (14,2, 25,2)
2005 53 666 10  
2006 54 332 7  
2007 55 188 9  
2008 55 774 13  
2009 56 909 12  
De 2005 à 2009 275 869 51 18,5 (13,8, 24,4)
2010 56 231 12  
2011 56 213 21  
2012 56 117 10  
2013 56 134 9  
2014 55 724 16  
De 2010 à 2014 280 419 68 24,2 (19,0, 30,9)
2015 55 575 14  
2016 56 465 14  
2017 56 406 13  
2018 56 699 13  
2019 57 052 15  
De 2015 à 2019 282 197 69 24,5 (19,2, 31,1)

a Le nombre de suicides confirmés chez les hommes de la Force régulière des FAC en 2009 a augmenté de un depuis la publication du rapport « Le suicide dans les Forces canadiennes de 1995 à 2012 ».

b Certaines estimations pourraient avoir légèrement changé comparativement aux rapports précédents en raison de mises à jour concernant la population d’hommes dans la Force régulière des FAC.

Le taux de suicide chez les femmes de la Force régulière n’a pas été calculé, car les suicides chez les femmes sont peu courants. En effet, de 1995 à 2002, il n’y a eu aucun suicide chez les femmes, tandis qu’il y en a eu deux en 2003, aucun en 2004 et 2005, un par année de 2006 à 2008, deux en 2009, aucun en 2010, un en 2011, trois en 2012, un par année de 2013 à 2016, aucun en 2017 et 2018 et deux en 2019.

Une comparaison du taux de suicide chez les hommes de la Force régulière et du taux de suicide chez leurs homologues civils au moyen des RSM est présentée au tableau 4. Pour la période de 2005 à 2009, les données indiquent que le taux de suicide dans la population d’hommes de la Force régulière des FAC est inférieur de 14 % à celui de la population canadienne, une fois neutralisé l’effet des écarts de distribution selon l’âge. Ce RSM n’est pas statistiquement significatif, puisque l’intervalle de confiance comprend 100 %. Bien que les RSM de 2000 à 2014 sont supérieurs à 100 %, l’intervalle de confiance comprend également 100 %, et même si cela voudrait dire que ces résultats ne sont pas statistiquement significatifs, il faut se montrer prudent dans leur interprétation, puisqu’ils sont presque statistiquement significatifs. Le RSM pour la période de 2015 à 2018 (4 ans) n’était pas non plus statistiquement significatif.

Tableau 4 : Comparaison du taux de suicide chez les hommes de la Force régulière des FAC et du taux de suicide chez les hommes canadiens au moyen des ratios standardisés de mortalité (RSM) (de 1995 à 2018)a
Année RSM par suicide (intervalle de confiance à 95 %)
De 1995 à 1999 72 % (55, 94)
De 2000 à 2004 80 % (60, 106)
De 2005 à 2009 86 % (64, 114)
De 2010 à 2014 126 % (99, 159)
De 2015 à 2018** 119 % (90, 156)

a Certaines estimations pourraient avoir légèrement changé comparativement aux rapports précédents en raison de mises à jour concernant la population d’hommes dans la Force régulière des FAC ou les statistiques de l’état civil et les estimations de la population masculine canadienne publiées par Statistique Canada.

** Fondé sur quatre années d’observation jusqu’en 2018 seulement, car les données de Statistique Canada pour 2019 n’étaient pas disponibles au moment de rédiger ce rapport.

† Statistiquement significatif.

Dans une analyse plus approfondie, le tableau 5 présente une comparaison du RSM des membres ayant des antécédents de déploiement et du RSM des membres n’ayant pas d’antécédents de déploiement. Dans le cas de la période de quatre ans de 2015 à 2018, le RSM plus élevé passe, si on le compare à la période de cinq ans précédente, du groupe de ceux ayant eu un déploiement à ceux qui n’en ont pas eu; de plus, le RSM de la période de 2015 à 2018 semble statistiquement significatif pour ceux qui ont des antécédents de déploiement. Toutefois, aucun des autres RSM dans le tableau (quelle que soit la période) n’est statistiquement significatifNote de bas de page 8.

Tableau 5: Ratios standardisés de mortalité par suicide chez les hommes de la Force régulière des FAC selon les antécédents de déploiement (de 1995 à 2018)a
Année RSM (IC à 95 %) des hommes ayant des antécédents de déploiement RSM (IC à 95 %) des hommes n’ayant pas d’antécédents de déploiement
De 1995 à 1999 68 % (42, 105) 74 % (52, 103)
De 2000 à 2004 81 % (53, 120) 79 % (51, 118)
De 2005 à 2009 99 % (67, 141) 73 % (45, 112)
De 2010 à 2014 121 % (87, 165) 111 % (74, 162)
De 2015 à 2018** 90 % (56, 136) 153 % (105, 216)

a Certaines estimations pourraient avoir légèrement changé comparativement aux rapports précédents en raison de mises à jour concernant la population d’hommes dans la Force régulière des FAC ou les statistiques de l’état civil et les estimations de la population masculine canadienne publiées par Statistique Canada.

** Fondé sur quatre années d’observation jusqu’en 2018 seulement, car les données de Statistique Canada pour 2019 n’étaient pas disponibles au moment de rédiger ce rapport.

† Statistiquement significatif.

Sur de plus longues périodes, il ne semble pas que le taux de suicide chez les hommes de la Force régulière ayant ou non des antécédents de déploiement soit différent du taux escompté dans la population masculine canadienne une fois neutralisé l’effet des écarts de distribution selon l’âge. Le taux sur dix ans pour la période de 1995 à 2004 affiche un RSM légèrement moins élevé chez les hommes ayant des antécédents de déploiement (RSM : 75 % [IC à 95 % : 54 %, 100 %]) que chez les hommes n’en ayant pas (RSM : 77 % [IC à 95 % : 60 %, 100 %]); cependant, ces deux estimations n’atteignent pas une valeur statistiquement significative, mais s’en approchent. De même, le RSM sur 10 ans n’indique pas d’écart statistiquement significatif pour la période de 2005 à 2014 chez les hommes ayant des antécédents de déploiement (RSM : 111 % [IC à 95 % : 87 %, 140 %]) par rapport aux hommes n’en ayant pas (RSM : 91 % [IC à 95 % : 68 %, 121 %]), ce qui signifie qu’il n’y a aucune différence par rapport au taux ajusté selon l’âge escompté dans la population canadienne.

Le tableau 6 présente une analyse comparative des mêmes groupes au moyen d’une autre méthode statistique (standardisation directe), qui n’a pas non plus permis d’établir un lien statistiquement significatif entre les hommes ayant des antécédents de déploiement et les hommes n’en ayant pas. Selon une comparaison des taux sur dix ans au moyen de la standardisation directe, selon les antécédents de déploiement, pour les périodes de 1995 à 2004 et de 2005 à 2014, il semble que les deux taux ne soient pas statistiquement significatifs, et les ratios de taux de suicide standardisés par âge se chiffrent à 1,02 (IC à 95 % : 0,68, 1,52) et 1,46 (IC à 95 % : 0,98, 2,18) respectivement. Cependant, le ratio des taux pour la période de 2005 à 2014, qui indique un taux plus élevé chez les hommes ayant des antécédents de déploiement, est presque statistiquement significatif.

Tableau 6 : Comparaison des taux de suicide sur cinq ans chez les hommes de la Force régulière des FAC, selon les antécédents de déploiement, au moyen de la standardisation directe (de 1995 à 2019)a
Année Hommes ayant des antécédents de déploiement (Taux pour 105 Hommes n’ayant pas d’antécédents de déploiement (Taux pour 105 Ratio des taux de suicide (IC à 95 %)
De 1995 à 1999 19,83 19,90 1,00 (0,57, 1,75)
De 2000 à 2004 18,97 17,89 1,06 (0,60, 1,88)
De 2005 à 2009 24,85 15,60 1,59 (0,86, 2,97)
De 2010 à 2014 25,79 19,07 1,35 (0,80, 2,28)
De 2015 à 2019 30,30 26,91 1,13 (0,59, 2,16)

a Certaines estimations pourraient avoir légèrement changé comparativement aux rapports précédents en raison de mises à jour concernant la population d’hommes dans la Force régulière des FAC.

3.3 Épidémiologie des suicides chez les hommes de la Force régulière, selon le commandement d’armée, de 2002 à 2019 inclusivement

Au cours des 18 dernières années, il y a eu 122 décès par suicide parmi les hommes de la Force régulière du commandement de l’Armée de terre et 94 décès parmi les hommes de tous les autres commandements d’armée (Marine, Force aérienne et autre). Le taux brut de suicide du commandement de l’Armée de terre s’élève à 32,88 pour 100 000 (IC à 95 % : 27,43; 39,39) tandis que celui des autres commandements s’établit à 14,97 pour 100 000 (IC à 95 % : 12,17; 18,45). Les intervalles de confiance des taux de ces deux catégories (c.-à-d. commandement d’armée et autres commandements) ne se chevauchent pas, ce qui signifie qu’il existe un écart statistiquement significatif entre les deux groupes. Les taux de suicide ajustés selon l’âge au moyen de la standardisation directe (Armée de terre : 32,35 pour 100 000 [IC à 95 % : 26,44; 38,27]; autres commandements : 15,22 pour 100 000 [IC à 95 % : 12,12; 18,31]) sont comparables aux taux bruts. De plus, le ratio des taux de suicide ajustés selon l’âge est significatif [2,13 (IC à 95 % : 1,62 : 2,79], ce qui signifie que le taux de suicide ajusté selon l’âge chez les hommes de la Force régulière est un peu plus de deux fois plus élevé dans l’Armée de terre que dans les autres commandements.

Un RSM (comparaison avec la population canadienne) a été calculé pour chaque catégorie de commandement et chaque période (c.-à-d. de 2002 à 2006, de 2007 à 2011, de 2012 à 2016 et de 2017 à 2018 seulement) (tableau 7). Les RSM du commandement de l’Armée de terre pour les périodes de 2007 à 2011 et de 2012 à 2016 sont tous deux statistiquement significatifs et supérieurs à 100 %, alors que les RSM de la Marine et des autres catégories de commandement d’armée pour les périodes de 2002 à 2006, de 2012 à 2016 et de 2017 à 2018 sont statistiquement significatifs et inférieurs à 100 %. Tous les autres RSM ne sont pas statistiquement significatifs. Par ailleurs, les RSM de l’ensemble des commandements d’armée sont non statistiquement significatifs pour les quatre périodes.

Tableau 7 : Ratios standardisés de mortalité des suicides chez les hommes de la Force régulière des FAC, selon le commandement d’armée (de 2002 à 2018)a
Commandement d’armée RSM des suicides (intervalle de confiance à 95 %), de 2002 à 2006 RSM des suicides (intervalle de confiance à 95 %), de 2007 à 2011 RSM des suicides (intervalle de confiance à 95 %), de 2012 à 2016 RSM des suicides (intervalle de confiance à 95 %), de 2017 à 2018*
Armée de terre 105 % (66, 159) 173 % (123, 237) 186 % (134, 252) 173 % (97, 286)
Force aérienne 76 % (36, 140) 80 % (38, 147) 89 % (44, 159) 189 % (87, 360)
Marines/autres 51 % (27, 87) 73 % (44, 116) 41 % (20, 75) 21 % (3, 77)
Tous les commandements 76 % (55, 101) 112 % (88, 144) 106 % (82, 137) 114 % (74, 168)

a Certaines estimations pourraient avoir légèrement changé comparativement aux rapports précédents en raison de mises à jour concernant la population d’hommes dans la Force régulière des FAC ou les statistiques de l’état civil et les estimations de la population masculine canadienne publiées par Statistique Canada.

† Statistiquement significatif.

* Fondé sur deux années d’observation.

Le taux de suicide chez les hommes de la Force régulière de l’Armée de terre appartenant aux groupes professionnels des armes de combat a également été calculé. De 2002 à 2019, il y a eu 81 suicides chez les hommes de la Force régulière dont l’IDSGPM indique une arme de combat de l’Armée de terre. Chez les femmes des mêmes groupes professionnels, il n’y a eu aucun suicide pendant la même période.

Le taux de suicide chez les hommes de la Force régulière appartenant aux groupes professionnels des armes de combat de l’Armée de terre semble plus élevé que le taux global de suicide chez les hommes de la Force régulière faisant partie d’autres groupes professionnels. Pour la période de 2002 à 2019, les taux bruts de suicide s’élevaient à 31,51 pour 100 000 (IC à 95 % : 25,18, 39,36) chez les hommes appartenant aux groupes professionnels des armes de combat de l’Armée de terre par rapport à 18,20 pour 100 000 (IC à 95 % : 15,31, 21,62) chez les hommes qui n’appartiennent pas à ces groupes. Les intervalles de confiance de ces deux taux ne se chevauchent pas, ce qui signifie que l’écart semble statistiquement significatif et qu’il y a donc un risque plus élevé de suicide chez les hommes de la Force régulière appartenant aux groupes professionnels des armes de combat de l’Armée de terre par rapport à ceux qui n’appartiennent pas à ces groupes.

La Figure 1 présente l’évolution de la moyenne mobile des taux de suicide sur trois ans (c.-à-d. les taux de suicide calculés par intervalles d’un an pour des périodes de trois années consécutives) pour l’ensemble des commandements d’armée (triangles), le commandement de l’Armée de terre (losanges) et les commandements autres que celui de l’Armée de terre (carrés); la moyenne mobile sur trois ans est établie en fonction de l’année médiane (p. ex. les taux pour 2017, 2018 et 2019 sont intégrés dans la moyenne mobile établie en fonction de 2018). La figure montre que le taux de l’Armée de terre reste toujours légèrement supérieur ou égal à celui de l’ensemble des autres commandements jusqu’en 2008; mais qu’à partir de 2009, le taux de suicide au sein de l’Armée de terre connaît une nette augmentation par rapport à celui des autres commandements. Cette hausse du taux de suicide de l’Armée de terre semble s’être arrêtée après 2012, mais la moyenne est demeurée très supérieure aux niveaux antérieurs à 2010. De 2010 à 2013, la moyenne mobile du taux de suicide des commandements autres que celui de l’Armée de terre semble avoir diminué, mais par la suite elle est revenue au niveau d’avant 2011. Depuis 2012, il semble que l’écart entre les taux bruts de suicide de l’Armée de terre et des autres commandements diminue et que ces taux sont davantage similaires ces dernières années.

Figure 1 : Moyennes mobiles sur trois ans selon le commandement, Forces armées canadiennes, de 2002 à 2019
Figure 1: Text
Figure 1 : Moyennes mobiles sur trois ans selon le commandement, Forces armées canadiennes, de 2002 à 2019
Année (point médian des moyennes mobiles sur trois ans) Tous commandements Armée Non-armée
2002 16,82 24,11 12,92
2003 17,42 24,81 13,42
2004 17,98 22,84 15,33
2005 16,73 22,88 13,38
2006 15,99 20,97 13,29
2007 17,59 24,06 14,06
2008 20,26 27,95 15,89
2009 21,88 31,21 16,19
2010 26,54 42,03 16,52
2011 25,51 44,62 12,83
2012 23,74 48,53 7,80
2013 20,84 40,27 8,70
2014 23,29 42,72 11,15
2015 26,23 39,72 18,13
2016 24,34 39,49 15,22
2017 23,59 34,32 17,07
2018 24,10 29,49 20,81

4. Limites des données

  1. Ces analyses sont fondées sur de petits nombres qui varient d’une année à l’autre; il faut donc se montrer prudent dans l’interprétation des résultats.
  2. Les suicides chez les femmes sont peu nombreux (zéro à deux par année), ce qui empêche la réalisation d’analyses de tendances.
  3. Comme la dernière unité/base de la personne a été utilisée pour catégoriser le commandement d’armée, cette méthode ne tient pas compte du fait que la personne a peut-être été affectée depuis peu à ce commandement d’armée, sans avoir vraiment servi sous ce commandement d’armée pendant une période appréciable.
  4. Le données utilisées en guise de dénominateur dans le cadre de cette étude (nombre d’hommes de la Force régulière des FAC dans chaque commandement) proviennent du système du DIRHG et sont mises à jour de temps à autre. Ces données peuvent donc différer selon la date à laquelle le rapport a été produit par le DIRHG.
  5. L’absence de données du DIRHG avant 2002 ne permet pas d’évaluer si les écarts entre le taux de suicide dans l’Armée de terre et celui dans les autres commandements présentaient un profil différent avant la guerre en Afghanistan.
  6. Enfin, les intervalles de confiance étendus pour plusieurs des taux obtenus signifient que les analyses n’avaient peut-être pas la puissance nécessaire pour détecter des écarts statistiquement significatifs.

5. Conclusions

Les conclusions suivantes de l’analyse des décès par suicide chez les hommes de la Force régulière des FAC réalisée en 2020 sont conformes à celles des années précédentes et doivent être prises en considération dans les limites évoquées ci-dessus :

  1. De 1995 à 2019, il n’y a eu aucun changement statistiquement significatif du taux de suicide parmi les hommes de la Force régulière des FAC.
  2. Une fois standardisé selon l’âge et le sexe, le taux de suicide parmi les hommes de la Force régulière des FAC ne diffère pas de manière significative du taux de suicide dans la population canadienne en général.
  3. Les ETSPS de 2019 continuent d’appuyer la théorie d’un enchaînement de causalité multifactoriel plutôt qu’un lien direct entre des facteurs de risque individuels et le suicide. Une forte prévalence de facteurs liés à la santé mentale (92,9 % ayant un trouble actif et 50 % en ayant au moins deux), de l’échec d’une relation (y compris d’une relation conjugale [71,4 %] et autres [35,7 %]), de problèmes de santé physique (50,0 %), de problèmes liés au travail, au superviseur ou au rendement au travail (50,0 %) et d’endettement excessif (42,9 %) est observée.
  4. Selon les analyses, le taux brut de suicide chez les hommes de la Force régulière appartenant au commandement de l’Armée de terre serait significativement plus élevé que celui des hommes qui appartiennent aux autres commandements des FAC. Cet effet pourrait être expliqué en partie par l’écart important entre le taux brut de suicide chez les hommes de la Force régulière appartenant aux groupes professionnels des armes de combat et celui des hommes n’appartenant pas à ces groupes.

Références

[1] Statistique Canada, Stratégie de contrôle de la divulgation pour les données canadiennes des statistiques de l’état civil – Bases de données sur les naissances et les décès, ministère de l’Industrie, Ottawa, 2016.

[2] K. Simkus, A. Hall, A. Heber et L. VanTil, Étude de 2019 sur la mortalité par suicide chez les vétérans : période de suivi de 1976 à 2014, 2019. Tiré de : https://www.veterans.gc.ca/fra/about-vac/research/research-directorate/publications/reports/veteran-suicide-mortality-study-2019.

[3] N.E. Breslow et N.E. Day, Statistical Methods in Cancer Research. Volume II, The Design and Analysis of Cohort Studies (publication scientifique n82 de l’IARC), Centre international de recherche sur le cancer, Lyon, France, 1987.

[4] K.J. Rothman et S. Greenland, Modern Epidemiology (2édition), Lippincott Williams &Wilkins, Philadelphie, Pennsylvanie, 1998.

[5] DASA (MoD), Defence Analytical Services and Advice, Suicide and Open Verdict Deaths in the UK Regular Armed Forces 1984-2012, Bristol, R.-U. Consulté le 27 février 2014 : https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/208450/2012.pdf.

[6] M. Porta, S. Greenland et J.M. Last (éd.), A Dictionary of Epidemiology, 5édition, New York (É.‑U.), Oxford UP, 2008.

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