L'État et l'impact de la maladie mentale dans les FAC et la société canadienne
Selon l’Agence de la santé publique du Canada, il y a 12 principaux déterminants de la santé, soit l’emploi et les conditions de travail; l’éducation et l’alphabétisme; les environnements physiques; les réseaux de soutien social; les habitudes de santé et la capacité d’adaptation personnelles; les environnements sociaux; un développement sain durant l’enfance; le patrimoine biologique et génétique; la culture; le niveau de revenu et le statut social; le sexe; et les services de santé.
Les FAC peuvent influer d’une façon ou d’une autre sur la plupart des déterminants de la santé, exception faite du développement sain durant l’enfance, du patrimoine biologique et génétique, du sexe et de la culture. En effet, les membres des FAC ont tous un emploi; ils disposent d’un réseau de soutien constitué de leurs pairs, des membres de leur famille et de la chaîne de commandement; ils reçoivent de la formation continue, par l’entremise du programme de développement professionnel; et, bien qu’ils aient souvent à travailler dans un environnement austère et dangereux, ils peuvent compter sur un équipement, une formation et un leadership de la plus haute qualité. Il est rare qu’une organisation ait une telle influence. Il est évident que l’impact des FAC sur la santé mentale de ses membres dépasse largement le mandat du Gp Svc S FC.
Les leaders des FAC sont voués à améliorer la santé mentale des militaires. Il est bien connu qu’une organisation militaire en bonne santé mentale et physique est plus forte et plus efficace. Le chapitre 1901.4 des Directives du CEMD aux commandants communique les attentes à l’intention des chefs supérieurs pour ce qui concerne le soutien et la promotion de la santé de leurs subordonnés. Il énonce ce qui suit :
- promouvoir la santé et la condition physique au sein de l’unité;
- donner l’exemple – mener une vie saine et active et favoriser l’atteinte d’une santé et condition physique optimum auprès des membres du personnel. Créer et renforcer une culture basée sur des habitudes de vie saines en faisant la promotion d’initiatives stratégiques locales et de programmes visant à éduquer et à motiver les membres du personnel afin qu’ils fassent des choix santé et à leur faciliter la tâche en ce sens;
- motiver les membres du personnel à participer aux programmes de promotion de la santé offerts au sein de l’unité ou encore sur la base ou l’escadre et soutenir le budget de fonctionnement et d’entretien du programme local de promotion de la santé;
- collaborer avec les membres du personnel des Services de santé afin de déterminer les principaux problèmes de santé que doivent surmonter les membres de l’unité et de prendre les mesures qui s’imposent;
- les restrictions touchant l’emploi recommandées parles médecins militaires doivent être scrupuleusement respectées. Desarrangements seront pris sur le lieu de travail, lorsque cela est sécuritaire et prudent, et dans la mesure du possible, pour permettre aux membres du personnel blessés et malades de poursuivre leur travail dans un poste compatible avec les restrictions imposées;
- créer, le plus possible, un climat de confiance et de compréhension à propos des soins de santé. Les membres des FAC doivent savoir que les renseignements médicaux les concernant sont strictement confidentiels et que cette confidentialité sera rigoureusement protégée. Ils doivent également être convaincus que la chaîne de commandement les soutiendra le plus possible de manière à maximiser leurs chances de rétablissement après une maladie ou une blessure.
On ne saurait sous-estimer l’importance de ces principes fondamentaux pour ce qui concerne la santé physique et mentale d’une organisation militaire.
Santé mentale
« La santé mentale est un état de bien-être dans lequel chaque personne réalise son potentiel, fait face aux difficultés normales de la vie, travaille avec succès de manière productive et peut apporter sa contribution à la communauté. »
Organisation mondiale de la Santé (2007).
Qu’est-ce que la santé mentale? Consulté le 12 janvier 2013 à l’adresse :
http://www.who.int/features/qa/62/fr/index.html
Maladie mentale
Les maladies mentales sont définies au moyen de critères de diagnostic rigoureux, qui figurent dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. Chaque diagnostic entraîne des conséquences différentes, selon le degré de gravité et d’autres facteurs. Comme pour toute affection mentale ou physique, il n’est jamais certain qu’une personne se rétablira complètement; en effet, certains individus ne se rétabliront jamais, même s’ils reçoivent les meilleurs traitements possible.
Bien que « rétablissement » signifie normalement « retour à un état antérieur », bien des personnes se porteront mieux qu’avant à bien des égards. Il peut simplement s’agir d’une prise de conscience de sa vulnérabilité à la maladie et de la nécessité de faire plus attention à soi-même.
Le diagnostic le plus fréquent au Canada et dans les FAC relativement à la santé mentale est la dépression majeure, et la maladie mentale liée aux opérations le plus souvent diagnostiquée est l’état de stress post-traumatique (ESPT).
Blessure psychologique
Il est reconnu qu’une personne peut subir une blessure tant physique que psychologique lors des opérations. Le terme « traumatisme lié au stress opérationnel » (TSO) ne correspond pas à un diagnostic, mais plutôt à un groupe de diagnostics qui sont liés à des blessures découlant des opérations. Les TSO les plus courants sont l’ESPT, la dépression majeure et l’anxiété généralisée. Le terme TSO a permis d’éliminer plusieurs obstacles à l’obtention de soins et a contribué à réduire les préjugés entretenus à l’égard de la maladie mentale.
Il importe cependant que ce concept n’entraîne pas la stigmatisation d’autres maladies mentales, sous prétexte qu’elles seraient moins importantes. Le stress au travail peut avoir une incidence sur la santé mentale et contribuer à la maladie mentale.
Des soins nécessaires
Les FAC sont un sous-ensemble de la société canadienne, et l’état de santé mentale de leurs membres reflète celui de la population générale. Nous avons toutefois ceci d’unique que nous n’enrôlons pas d’individus présentant une maladie mentale grave préexistante, comme la schizophrénie. En revanche, nous sommes davantage touchés par les traumatismes liés au stress en raison des environnements dangereux dans lesquels nous sommes appelés à travailler.
Dans la société canadienne, la maladie mentale exerce une plus grande pression sur le système de santé que tous les cancers réunis, et un Canadien sur cinq sera atteint d’une maladie mentale au cours de sa vie. Selon la Commission de la santé mentale du Canada, chaque jour, 500 000 Canadiens s’absentent du travail pour des raisons de santé mentale. Il y a tout lieu de croire que les problèmes de santé mentale et la maladie mentale sont aussi répandus au sein des FAC et que leur impact sur notre organisation est le même.
L’observation qui ressort le plus souvent des travaux de recherche en santé mentale menés au sein des FAC est celle selon laquelle la majorité des sujets ne présentent pas de maladie mentale au cours d’une année donnée. Cependant, une importante minorité de sujets éprouveront des problèmes au cours d’une année, et un nombre beaucoup plus grand de sujets souffriront de maladie mentale à un certain moment au cours de leur vie. Selon l’Enquête sur la santé mentale dans les FAC de 2002, 15 p. 100 du personnel des FAC ont présenté les symptômes de l’un des cinq troubles mentaux les plus fréquents au cours des 12 derniers mois (dépression majeure, phobie sociale, état de stress post-traumatique [ESPT], trouble panique, anxiété généralisée).
Des études ont montré que la prévalence globale des maladies mentales au sein des FAC est semblable à celle observée dans la population générale, y compris en ce qui concerne la dépendance à l’alcool. Cependant, pour des raisons que nous n’avons pas encore élucidées, les membres de la Force régulière présentent un risque de dépression environ deux fois supérieur à celui de leurs homologues civils.
Les personnes qui souffrent d’une maladie mentale diagnostiquée ne sont pas les seules à avoir besoin de soutien. Il existe un groupe de personnes, petit mais non négligeable, qui n’a pas reçu de diagnostic de maladie mentale en bonne et due forme, mais qui éprouve une détresse telle qu’elle peut avoir une incidence sur lavie quotidienne, que ce soit à la maison ou au travail. Parmi les 12 p. 100 des membres des FAC déployés en Afghanistan ayant affirmé que leur état de santé mentale avait nui à leur travail, plus de la moitié n’avait pas reçu de diagnostic de trouble mental.
Impact des opérations
Le déploiement s’est révélé être un facteur de risque de problèmes de santé mentale. Selon l’étude de 2011 sur l’incidence du cumulatif des traumatismes liés au stress opérationnel (2011 Operational Stress Injury Cumulative Incidence Study) publiée par le Gp Svc S FC, 13 p. 100 du personnel déployé en Afghanistan jusqu’en 2008 a reçu un diagnostic de maladie mentale associée au déploiement après un suivi de plus de quatre ans. L’exposition au combat et l’exposition à des atrocités sont des facteurs de risque de maladie mentale post-déploiement. Cependant, le déploiement ne représente qu’une part relativement faible du fardeau global des troubles mentaux au sein des FAC. Les militaires sont exposés à pratiquement tous les risques non opérationnels de maladie mentale auxquels sont exposés leurs homologues civils, et ils peuvent être tout aussi vulnérables qu’eux.
Aucun élément d’information ne laisse croire que le risque de problèmes de santé mentale associé aux déploiements est plus élevé chez les réservistes des FAC que chez les membres de la Force régulière; trois études populationnelles de grande envergure ne sont pas parvenues à démontrer que le risque de problèmes de santé mentale post-déploiement était plus élevé chez les réservistes. En fait, les études semblent indiquer que la santé mentale des réservistes des FAC serait en moyenne légèrement meilleure que celle des membres de la Force régulière.
Les données de l’enquête de 2002 sur la santé mentale dans les FAC (2002 CAF Mental Health Survey), de l’évaluation de 2010 de la santé mentale dans un contexte opérationnel (2010 Operational Mental Health Assessment) et de l’étude de 2011 sur l’incidence du cumulatif des traumatismes liés stress opérationnel (2011 Operational Stress Injury Cumulative Incidence Study) ont révélé que le risque de maladie mentale augmentait légèrement après chaque déploiement.
Les périodes de transition peuvent aussi être une source de stress pour les militaires et peuvent avoir un effet sur leur état de santé mentale. Les périodes de transition ont lieu avant et après les missions, lors d’un changement de grade ou d’emploi, et lors des périodes d’affectation. Quiconque a déjà participé à une mission de combat, de paix ou d’assistance humanitaire sait que cela bouleverse la vie, et le retour à la maison peut être difficile pour certaines personnes. Les militaires vivent une dernière transition en fin de carrière, lorsqu’ils redeviennent des civils. Cette période peut être plus difficile pour les personnes dont la carrière au sein des FAC prend fin en raison d’une blessure ou d’une maladie physique ou mentale.
Suicide
Le suicide est un important problème de santé publique associé à la maladie mentale. Il s’agit de la deuxième cause de décès chez les Canadiens de 15 à 34 ans. Comme le nombre annuel de cas de suicide est relativement faible chez les membres des FAC, il est impossible de déterminer s’il y a une variation statistiquement significative d’une année à une autre. Pour cette raison, les taux sont calculés sur une période de cinq ans.
Le taux de suicide au sein de l’armée américaine a doublé au cours des 10 dernières années, et nous avons portéune attention particulière au taux de suicide dans les FAC. Contrairement à ce qui s’observe dans l’armée américaine, les taux de suicide sont demeurés stables au sein des FAC au cours des 10 dernières années. Par ailleurs, le taux de suicide dans les FAC n’est pas plus élevé que dans la population générale, si l’on compare des personnes du même groupe d’âge et du même sexe; en fait, il est plus faible. Enfin, le taux de suicide n’est pas plus élevé chez les personnes qui ont été déployées que chez celles qui n’ont pas été déployées.
Utilisation des services
Environ 15 p. 100 des membres de la Force régulière se prévalent de services de santé mentale chaque année. La recherche de soins est également courante après un déploiement : environ 30 p. 100 des personnes déployées en appui à la mission en Afghanistan ont demandé des soins de santé mentale spécialisés par l’intermédiaire du Gp Svc S FC dans les quatre années ayant suivi leur déploiement. Bien que ces données révèlent que les services de santé des FAC sont accessibles et acceptables pour de nombreux militaires, moins de la moitié des individus présentant un trouble mental apparent cherchent à obtenir des soins au cours d’une année donnée. Ce besoin non comblé en matière de soins de santé mentale n’est pas un problème propre aux FAC. Les études montrent que les membres de la Force régulière des FAC présentant des problèmes de santé mentale sont plus nombreux à tenter d’obtenir des soins que leurs homologues civils.
Malgré la réduction du temps d’attente pour accéder les soins, ceci demeure un problème, tant dans les FAC que dans la population générale. Bien que la plupart des personnes ayant des problèmes persistants finissent par chercher à se faire soigner, un nombre d’entre elles attendent des années ou même des décennies avant de le faire. Pendant cette période, ces personnes souffrent inutilement et ne sont pas aussi productives qu’elles pourraient l’être, et leur problème de santé peut devenir encore plus difficile à traiter.
Le stigmate et les obstacles à l'obtention de soins
Selon le Comité d’experts des FAC sur la prévention du suicide (2010), les membres des FAC font état d’un large éventail d’obstacles à l’obtention de soins de santé mentale. L’obstacle mentionné le plus souvent est leur non reconnaissance du fait qu’ils ont un problème. Le deuxième obstacle mentionné par ces personnes est le désir de régler leurs problèmes eux-mêmes. D’autres obstacles sont également signalés, comme une attitude négative envers les soins de santé mentale (p. ex. le fait de considérer que ces soins sont inefficaces ou nuisibles) et la crainte que l’obtention de soins ait éventuellement des répercussions sur la carrière. Certains obstacles à l’obtention de soins que l’on observe habituellement dans la population civile, comme l’incapacité de payer pour les soins, la barrière des langues ou le temps d’attente, ne s’appliquent pas aux FAC.
Le stigmate demeure un problème qu’il est impossible d’éliminer complètement, mais la plupart des membres des FAC font maintenant preuve d’ouverture envers les problèmes de santé mentale et les soins de santé mentale. Par exemple, seuls 6 p. 100 des membres des FAC déployés en Afghanistan ont indiqué à leur retour au pays qu’ils auraient moins d’estime pour une personne qui reçoit des soins de santé mentale. En comparaison, selon un sondage mené par le Centre canadien to toxicomanie et de santé mentale, 49 p. 100 des membres de la population générale fréquenterais une personne qui serait atteinte d’un problème de santé mentale grave. Un plus grand nombre de membres des FAC s’inquiètent toutefois de la façon dont ils seraient eux-mêmes perçus; en effet, 15 p.100 affirment qu’ils seraient préoccupés par le regard des autres s’ils devaient obtenir des soins de santé mentale. Étant donné que l’effectif des FAC est en perpétuel changement et que les membres des FAC font partie de la société canadienne et sont influencés par elle, les FAC et la société ne doivent ménager aucun effort pour s’attaquerà ce problème.
Répercussions de la maladie mentale sur le travail
Les troubles mentaux sont présents dans toutes les populations de travailleurs; ils nuisent à la productivité, ils provoquent un roulement indésirable de personnel, et ils poussent les travailleurs à demander des congés de maladie de courte ou de longue durée et à demander des prestations d’invalidité ou de maladie. Les altérations de la santé mentale qui ne sont pas suffisamment importantes pour être considérées comme une maladie mentale ont également un impact sur la vitalité, la créativité, la motivation et l’engagement des travailleurs, ce qui a des conséquences prévisibles sur la capacité d’une organisation à offrir des produits et des services de qualité. Les effets des maladies mentales et des problèmes de santé mentale sur le travail, et, au bout du compte, sur le succès d’une organisation, sont considérables.
En bref, l’état et l’impact des maladies mentales au sein des FAC sont complexes et difficiles à mesurer. Les 10 dernières années nous ont permis de comprendre la santé mentale des membres des FAC comme jamais auparavant. Nous sommes exposés aux mêmes maladies que le reste des Canadiens, et nous sommes en service dans des environnements dangereux aux quatre coins du globe. Nous avons maintenant une bien meilleure compréhension de l’impact de ces opérations, et nous avons une approche très avant gardiste en ce qui concerne la maladie mentale, ce qui fait de notre organisation l’une de celles des pays de l’OTAN où le stigmate à cet égard est le moins répandu.
De nombreux facteurs influent sur la santé mentale des membres des FAC : des facteurs sur lesquels les FAC ont une emprise, mais aussi des facteurs sur lesquels elles n’en ont aucune. Comme vous pourrez le constater dans la section suivante, nous avons un système de santé mentale complet, qui vise à améliorer la santé mentale, à réduire le risque de maladie, à offrir des soins de grande qualité et à améliorer notre compréhension de tous les aspects de la maladie mentale.
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