Directive de l’aumônier Général – réflexion spirituelle de l’aumônier dans un contexte public

Références

A. Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces Canadiennes, Volume 1 – Chapitre 33 Services d’aumônerie, ORFC : Volume I - Chapitre 33 Services d'aumônerie - Canada.ca

B. La Stratégie de santé globale et de mieuxêtre de l’Équipe de la Défense, La Stratégie de santé globale et de mieux-être de l'Équipe de la Défense - Canada.ca

C. Jugement Cour Suprême: Mouvement laïque québécois c. Saguenay (Ville). Date: 20150415; Dossier: 35496 2015 CSC 16 

D. Mission: prêts – La stratégie de performance intégrée de l’Armée canadienne (SPIAC), 24 novembre 2015, https://strongproudready.ca/missionready/wp-content/uploads/4500-1-canadian-armyintegrated-performance-strategy.pdf

Situation

1. Cette politique remplace la directive « Prière publique lors des cérémonies militaires » émise en 2013 par le Bureau de l'Aumônier général.

2. L’un des fondements d’une force militaire est de réfléchir à son histoire et son passé, ainsi qu'aux sacrifices de ses membres et de leurs familles. Historiquement, la prière publique a été une pratique courante au sein des Forces armées canadiennes (FAC) lors de cérémonies et de certaines fonctions publiques pour commémorer des occasions spéciales telles que la bataille de l'Atlantique, la bataille d'Angleterre, le Jour du Souvenir, ainsi que d'autres événements d'importance locale.

3. Bien que la dimension de la prière puisse occuper une place significative pour certains de nos membres, nous ne prions pas tous de la même façon; pour d’autres, la prière ne joue aucun rôle dans leur vie. Par conséquent, il est essentiel pour les aumôniers de favoriser une approche inclusive lorsqu'on s'adresse publiquement aux militaires. Les aumôniers doivent s’assurer que tous les membres se sentent respectés et inclus, notamment en adoptant des pratiques inclusives qui respectent la diversité des croyances au sein des FAC.

4. Le Service de l'aumônerie royale canadienne (SAumRC) a pour mandat d'offrir des services d’aumônerie qui répondent aux besoins spirituels/religieux des membres actifs des FAC et leurs familles (réf A). La reconnaissance de la dimension spirituelle de l’individu est conforme au cadre stratégique décrit dans la Stratégie de santé globale et de mieux-être de l’Équipe de la Défense (réf B), qui préconise une stratégie axée sur neuf dimensions globales de la santé qui inclut la spiritualité.

5. Suite à la décision de la Cour suprême du Canada (CSC) dans l'affaire Mouvement laïque québécois c. Saguenay (Ville) (réf. C), le SAumRC a entrepris une analyse approfondie de l'impact que cette décision juridique pourrait avoir sur les politiques et pratiques actuelles. La CSC a établi une norme stricte en vue de la neutralité religieuse de l'État, que le SAumRC a l'obligation légale de respecter. Cette exigence s'aligne également sur le principe d'inclusion qui est primordial au sein des FAC. Cette décision établit notamment que :

« L’évolution de la société canadienne a engendré une conception de cette neutralité suivant laquelle l’État ne doit pas s’ingérer dans le domaine de la religion et des croyances. L’État doit plutôt demeurer neutre à cet égard, ce qui exige qu’il ne favorise ni ne défavorise aucune croyance, pas plus que l’incroyance. La poursuite de l’idéal d’une société libre et démocratique requiert de l’État qu’il encourage la libre participation de tous à la vie publique, quelle que soit leur croyance. Un espace public neutre, libre de contraintes, de pressions et de jugements de la part des pouvoirs publics en matière de spiritualité, tend à protéger la liberté et la dignité de chacun, et favorise la préservation et la promotion du caractère multiculturel de la société canadienne. En raison de l’obligation qu’il a de protéger la liberté de conscience et de religion de chacun, l’État ne peut utiliser ses pouvoirs d’une manière qui favoriserait la participation de certains croyants ou incroyants à la vie publique au détriment des autres. »

Objectif

6. À la lumière du contexte social et juridique canadien décrit ci-dessus, la présente directive vise à guider les aumôniers dans leur rôle de contributeurs à la santé spirituelle de tous les membres des FAC, et de conseillers de la chaîne de commandement militaire en ce qui concerne les réflexions des aumôniers lors de fonctions publiques.

7. Le bien-être religieux, spirituel et moral des membres des FAC et de leurs familles est d'abord et avant tout « la responsabilité des commandants » (réf A, para. 33.06). À ce titre, un commandant peut demander qu’un aumônier partage une réflexion lors de fonctions publiques lorsqu'il le juge approprié, par exemple lors d’une parade ou rassemblement militaire, lors d’une célébration commémorative militaire, d'une cérémonie de graduation ou lors d'un souper officiel. Une « fonction publique » est un cadre dans lequel les membres des FAC sont tenus obligatoirement de se rendre dans l'exercice de leurs fonctions. Lors de ces occasions, la présente directive doit être respectée.

Adresses publiques

8. Lorsque la réflexion d'un aumônier à l'occasion de fonctions publiques s'inscrit dans le contexte d'une cérémonie, d'un défilé ou d'un rassemblement militaire public obligatoire, la réflexion doit être de nature inclusive et respecter la diversité religieuse et spirituelle du Canada. La réflexion doit faire en sorte que les personnes présentes puissent raisonnablement s'identifier aux mots qui sont prononcés. Les aumôniers s'efforceront de faire en sorte que tous se sentent inclus et en mesure de participer à la réflexion en toute conscience, quelles que soient leurs croyances (religieuses, spirituelles, agnostiques, athées).

9. Tout élément spirituel d'une réflexion doit être conforme à la définition suivante utilisée par la Stratégie de rendement intégré de l'Armée canadienne (réf. D) : « La spiritualité guide la façon dont nous comprenons notre parcours de vie : son chemin et ses pratiques. Elle donne un sens et un but à notre vie, et est souvent exprimée ou vécue à travers la religion, la philosophie ou une règle de vie. Elle est essentielle au développement du caractère moral, des valeurs et des croyances, et est intrinsèque à la façon dont nous nous percevons nousmêmes, les autres et la communauté. Notre spiritualité est informée par notre vision du monde et de la vie et est le plus souvent comprise comme un moyen par lequel il est possible de se connecter à soi, la nature et le monde, à autrui, en privé ou au sein d’une communauté ».

10. Une fonction publique est une occasion pour les aumôniers de proposer des réflexions qui rassemblent les gens, favorisent l'unité, soulignent les points en commun, et/ou honorent les expériences humaines de vie et de mort qui jalonnent nos vies. Elles peuvent s’exprimer de différentes manières telles que : des réflexions sur les valeurs canadiennes ou des FAC ; une recherche de sens et d’appartenance; un conseil ou une parole de sagesse ; ou des mots de remerciement, de reconnaissance, d'espoir ou de souvenir.

11. Les leaders spirituels traditionnels autochtones ont également un rôle essentiel à jouer et peuvent partager un enseignement qui cadre avec la visée inclusive de cette directive.

12. Les réflexions publiques doivent être faites d'une manière appropriée pour engager toutes les personnes rassemblées. Lorsque les aumôniers prononcent une réflexion dans le cadre d'une fonction publique, ils doivent choisir judicieusement des mots inclusifs. Ils doivent employer un langage qui tient compte des principes de l’analyse comparative entre les sexes (ACS+), en plus d’intégrer des éléments dans les deux langues officielles et peut inclure l’usage de langues locales, si approprié.

13. Pour manifester d’une manière visible le concept de neutralité religieuse de l’État, le SAumRC remplacera le foulard actuel de l’aumônier en y arborant dorénavant l’insigne du SAumRC en remplacement des insignes de la tradition de foi. L'insigne du SAumRC est un symbole spirituel commun et inclusif. Seul le foulard du SAumRC est autorisé à être porté avec l’uniforme militaire dans le cadre de cérémonies publiques et chaque aumônier a la possibilité de choisir de le porter ou non. Noter que si l’aumônier choisit de porter le foulard, conformément au règlement sur la tenue du SAumRC, la coiffure ne doit pas être portée. 

14. Les aumôniers doivent tenir compte du fait que certains objets ou symboles peuvent provoquer un inconfort ou des souvenirs traumatiques, lorsqu'ils choisissent les vêtements qu'ils portent lors d'occasions publiques.

15. Il convient de noter que l'ordre de « retirer la coiffure » ne devrait jamais être donné avant la réflexion d'un aumônier, car il ne s'agit pas d'un événement religieux, comme l'indique le Manuel de l’exercice et du cérémonial des Forces canadiennes (chapitre 2, paragraphe 22).

Application

16. Le renforcement de cette politique comprend deux dimensions. La première étant le volet éducatif. En ce sens, le Centreécole des aumôniers des Forces canadiennes (CEAFC) jouera un rôle clé en intégrantcette nouvelle directive sur la réflexion spirituelle dans le cadre de tous les cours offerts aux aumôniers durant leur carrière. L’autre volet est administratif et disciplinaire puisque des mesures correctives, une suspension du mandat de l’Aumônier général, ainsi que des actions disciplinaires pourraient être entreprises dans le cas d’un aumônier qui ne se  conforme pas à cette directive.

Conclusion

17. L'intention de cette directive est de fournir aux aumôniers des FAC une orientation et une directive claire concernant la présentation d'une réflexion spirituelle lors de fonctions publiques qui requièrent la présence obligatoire de membres des FAC.

18. Le SAumRC affirme la valeur et l'importance de la diversité des croyances au sein de la société canadienne et des FAC. Le SAumRC incarne et adhère au principe de la neutralité de l'État en tant qu'institution publique canadienne en ne favorisant pas un groupe confessionnel religieux ou un système de croyances particulier au détriment des autres, tout en s’assurant de respecter d’une manière holistique la dimension et les besoins spirituels de tous. À cette fin, cette politique met en place les conditions pour fournir aux membres des FAC des réflexions inclusives, engageantes et réfléchies qui, lors d'événements militaires publics communs, rassembleront les membres par la pensée, contribueront à leur bien-être général et à leur résilience, et agiront comme un moyen d’unir les membres en tant qu’Équipe de la Défense.

Signé

Major-général J.L.G. Bélisle, MB, MSM, CD

L’Aumônier général

Le 11 octobre 2023

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