Opération Mobile

Nom de l’opération internationale : S.O.

Dates des opérations internationales : S.O.

Organisme responsable : Gouvernement du Canada

Région géographique : Afrique

Lieu : Libye

Nom de l’opération canadienne : Opération Mobile

Dates des opérations canadiennes : Du 25 février au 8 mars 2011

Mandat de la mission :

Évacuer les ressortissants canadiens et étrangers de Libye

Notes sur la mission :

En décembre 2010, dans la ville rurale de Sidi Bouzid, en Tunisie, Mohamed Bouazizi est en train de charger sa charrette en bois avec les fruits et légumes qu’il va essayer de vendre ce jour-là. En tant que seul soutien de famille pour sa mère veuve et ses six frères et sœurs, son travail est crucial pour la survie de la famille. Mais il n’a pas de permis pour vendre ses produits. Lorsque la police veut confisquer sa charrette, il refuse et est alors supposément giflé par une policière. Humilié en public, Bouazizi marche jusqu’à un bâtiment du gouvernement où il s’immole par le feu.

Son geste déclenche une série de protestations à Sidi Bouzid ce jour-là, qui sont capturées sur des téléphones portables et partagées sur Internet. En quelques jours, des protestations éclatent partout en Tunisie. En l’espace d’un mois, le président Zine el Abidine Ben Ali doit fuir le pays. Les manifestations en Tunisie entrainent des protestations au Bahreïn, en Égypte, en Libye, en Syrie et au Yémen qui deviennent violentes avec des appels à des changements de régime dans ces pays. C’est ainsi que commence le Printemps arabe.

En Libye, les manifestants anti-gouvernementaux entament une insurrection armée pour renverser le régime du président Mouammar Kadhafi. En réponse, les forces gouvernementales commencent à utiliser la violence contre les civils dans une tentative d’intimider toute opposition. Les civils étant pris pour cible par les forces pro-Kadhafi, les Nations Unies ainsi que les pays ayant des ressortissants en Libye s’alarment.

Alors que les protestations s’étendent en Libye, les étrangers présents dans le pays commencent à être pris entre deux feux. En une semaine, on estime à 1 000 le nombre de civils tués dans les combats entre les forces pro et anti-gouvernementales. Le meurtre d’un ouvrier du bâtiment turc alors qu’il grimpe sur une grue ajoute aux inquiétudes concernant la sécurité. Selon une estimation faite avant le conflit, il y a plus de 2,5 millions de travailleurs étrangers en Libye. Les Égyptiens sont les plus nombreux, avec environ un million de personnes. Mais la Libye compte aussi environ 60 000 Bangladais, 30 000 ressortissants chinois, dont beaucoup sont des travailleurs du pétrole, et 25 000 Turcs. Les étrangers présents en Libye viennent du monde entier – principalement d’Afrique, mais aussi d’Asie, des Caraïbes, d’Europe, du Moyen-Orient et d’Amérique du Nord. La situation se détériore au point que les ressortissants étrangers doivent être évacués pour éviter de devenir des victimes dans une situation en train de dégénérer en guerre civile.

Les étrangers commencent à fuir le pays. Le 22 février, environ 5 000 Égyptiens ont déjà franchi la frontière pour retourner dans leur pays, alors que 10 000 autres attendent pour la traverser. D’autres ressortissants étrangers prennent des vols commerciaux pour quitter le pays. Cependant, comme le niveau de violence augmente, les avions n’e parviennent pas toujours à atterrir à Tripoli, l’espace sur la piste étant limité en raison de tous les avions déjà sur place pour évacuer les gens. Dans d’autres cas, les problèmes de sécurité amènent certaines compagnies aériennes à annuler leurs vols réguliers.

Face à la violence qui se répand en Libye, plus de 20 gouvernements dans le monde commencent à préparer l’évacuation de leurs citoyens du pays. La France, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Russie et la Serbie envoient des avions après avoir reçu l’autorisation d’atterrir à Tripoli. La Turquie envoie deux traversiers pour évacuer ses 25 000 citoyens, les États-Unis en affrètent un autre et émettent un avis à leurs citoyens pour que ceux qui souhaitent partir se rendent au port de Tripoli. Le Royaume-Uni affrète un avion et redéploie le HMS Cumberland en vue des évacuations.

Le 22 février, les évacuations sont bien en cours: les deux traversiers turcs évacuent 3 000 Turcs. Quatre avions russes s’envolent avec 405 citoyens russes ainsi que des centaines de citoyens serbes et turcs, tandis que deux avions militaires français quittent avec à leur bord des citoyens français. Un avion militaire néerlandais évacue 32 citoyens néerlandais et 50 ressortissants d’autres pays, tandis qu’un avion militaire ukrainien récupère 170 Ukrainiens. Le Bangladesh toutefois recommande à ses ressortissants qui sont au nombre de 60 000 environ en Libye, de rester dans le pays et d’attendre que leurs conditions s’améliorent.

La Chine a environ 30 000 ressortissants en Libye, dont environ 12 000 sont évacués vers l’Égypte ou sur des vols charters retournant en Chine, alors que des navires de passagers grecs sont en route pour évacuer d’autres Chinois. La Chine redéploie également sa frégate Xuzhou menant des opérations de lutte contre la piraterie dans le golfe d’Aden vers les eaux au large de la Libye. La Corée du Sud redéploie également un navire de guerre effectuant lui aussi des opérations anti-piraterie pour évacuer ses citoyens. Il y a environ 7 500 citoyens de l’Union européenne en Libye au moment où les évacuations commencent, dont 6 500 demandent à être évacués. Alors que beaucoup parviennent à fuir vers la Tunisie voisine, 4 400 sont évacués de Libye.

Chaque avion évacue en priorité les citoyens de son pays. Toutefois, lorsque les avions peuvent atterrir, ils prennent à leur bord des citoyens d’autres pays s’il reste de la place. Des Canadiens sont ainsi évacués sur des vols en provenance de la Grande-Bretagne, de Malte et d’Espagne. Sur le vol espagnol, ils partent avec des ressortissants britanniques, mexicains et portugais. Le transport d’autres ressortissants s’étend même aux opérations de traversiers. Un traversier affrété par les Chinois embarque ainsi 900 travailleurs bangladais, népalais et vietnamiens à Benghazi à destination de la Crète. Mais Human Rights Watch rapporte des cas où les équipages des traversiers refusent l’accès aux personnes voulant être évacuées, ayant même dans certains cas recours à la violence pour faire respecter leurs ordres.

Alors que les combats se poursuivent entre les forces pro et anti-gouvernementales en Libye, des intentions criminelles ou des préjugés anti-étrangers semblent être à l’origine de certaines attaques contre les étrangers. À certains postes de contrôle, les étrangers en fuite doivent en effet se frayer un chemin au travers de civils armés. Dans d’autres cas, ils sont victimes de violences. Par exemple, le 25 février, une entreprise de construction turque est attaquée par un groupe de Libyens qui vandalise le matériel, vole des marchandises et attaque les travailleurs étrangers.

Les efforts d’évacuation n’étant pas non plus sans risque, des troupes se rendent parfois sur place pour protéger les équipages des avions de ligne et les personnes évacuées. Trois fusiliers marins néerlandais de la frégate HNLMS Tromp sont ainsi pris en otage par les forces pro-gouvernementales lorsqu’ils débarquent à Syrte dans le cadre d’un effort d’évacuation des travailleurs européens de la ville. La menace est suffisamment importante pour que des membres du Special Air Service britannique prennent place à bord de trois avions C-130 Hercules qui atterrissent dans le désert pour transporter des travailleurs du pétrole de leur pays. Lors de ce qui constitue leur deuxième vol de ce type, l’un des avions est atteint par des tirs.

Beaucoup d’autres personnes tentent de fuir par la voie terrestre et de passer la frontière de la Tunisie, une expérience source de grandes inquiétudes. Début mars, environ 40 000 personnes sont en effet bloquées du côté libyen de la frontière, les autorités tunisiennes fermant leur frontière plusieurs heures par jour. Les Tunisiens n’ont tout simplement pas la capacité de traiter le grand nombre de personnes qui fuient la Libye.

Alors que les combats deviennent de plus en plus violents, l’évacuation par les gouvernements étrangers cesse pratiquement. Lorsque l’OTAN s’engage dans la guerre civile, des milliers d’étrangers sont encore coincés dans certains points chauds. Cependant, les efforts pour les évacuer sont lents, car seuls quelques navires effectuent des évacuations. Lorsque l’OTAN met fin à sa campagne en octobre, il y a encore des travailleurs étrangers en Libye.

L’effort canadien:

La Libye compte alors plus de 1 400 ressortissants canadiens, la plupart travaillant pour de grandes entreprises telles que SNC-Lavalin et Suncor. L’effort canadien commence le 23 février, alors que deux avions affrétés sont utilisés pour évacuer les ressortissants canadiens en Libye. Le premier avion est censé voler de Rome à Tripoli le matin du 24 février, mais ne parvient pas à obtenir d’assurance et ne part donc jamais. Le deuxième avion charter arrive à l’aéroport de Tripoli le matin du 26 février, mais il repart à vide, faute de Canadiens à l’aéroport.

Compte tenu de la violence en Libye et des problèmes d’évacuation des Canadiens, le ministre du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI) Lawrence Cannon annonce que le gouvernement prend des dispositions pour évacuer les Canadiens en Libye. Il détourne notamment vers Rome un CC-177 Globemaster des Forces armées canadiennes de son parcours d’approvisionnement Trenton-Afghanistan-Trenton. Par ailleurs, deux CC-130 Hercules du 436e Escadron quittent Trenton le 27 février, à destination de Malte pour aussi aider à l’évacuation.

La Force opérationnelle interarmées Malte (FOIM) est mise sur pied le 25 février, opérant depuis un hôtel de La Valette, à Malte en collaboration avec des représentants du MAECI. Le 27 février, la FOIM reçoit en renfort une équipe de liaison et de reconnaissance opérationnelles comptant 13 membres, du personnel médical pour aider les personnes à évacuer, ainsi que des policiers militaires pour assurer la sécurité. Le lendemain, la FOIM atteint sa pleine capacité opérationnelle avec environ 72 membres, dont l’équipage et le personnel de soutien au sol. Le 1er mars, le premier ministre Stephen Harper annonce que le NCSM Charlottetown quittera Halifax pour aider à l’évacuation des Canadiens.

L’ambassade britannique à Malte devient le centre de coordination de l’une des opérations d’évacuation multinationales. Les représentants de huit à douze pays se réunissent régulièrement pour coordonner leurs efforts et éviter ainsi des problèmes tels que les retours d’avions de Libye presque vides, sinon vides. Ainsi, un vol charter canadien arrivé à Tripoli à 3 heures du matin le samedi 26 février est reparti vide parce qu’il n’y avait pas de Canadiens à l’aéroport et que la congestion de l’aéroport ne lui permettait pas de rester. Parmi les problèmes de coordination des départs, il y avait les mauvaises communications à l’intérieur des villes et les routes impraticables vers les aéroports, comme c’était le cas à Tripoli. Des communiqués du MAECI indiquent que les Canadiens souhaitant être évacués de Tripoli doivent être à l’aéroport à 10 heures. Plus tard dans la journée (26 février), le CC-177 peut ainsi évacuer 46 personnes, dont 24 Canadiens. Parmi les personnes à bord se trouvent des diplomates canadiens et australiens.

Un deuxième vol de CC-177, le 28 février, permet d’évacuer un Canadien, un Allemand, un Vietnamien et 44 travailleurs philippins et thaïlandais d’un champ pétrolifère près de Ghat, dans le sud-ouest du pays. Les CC-130 effectuent pour leur part trois vols. Le premier, le 3 mars, permet d’évacuer 14 Canadiens et plus d’une douzaine d’autres ressortissants de Tripoli. Les autres vols de Hercules ont lieu les 5 et 8 mars.

Face aux difficultés rencontrées par les Canadiens pour être évacués, certains d’entre eux trouvent d’autres itinéraires pour sortir de Libye. Quelque 207 Canadiens sont évacués par avion sur des vols organisés par d’autres pays, et 26 autres partent à bord d’un traversier affrété par les États-Unis. SNC-Lavalin évacue ses propres employés de Libye, en utilisant des bus pour les emmener de Benghazi au Caire.

Les droits d’atterrissage sont également contestés par le gouvernement libyen qui décide. Les États-Unis se font initialement refuser tous droits d’atterrissage en Libye. Le CC-177 canadien se voit également refuser le droit d’atterrissage pour sa demande d’évacuation initiale. Dans un autre cas d’annulation de vol, un CC-130 Hercules canadien doit faire demi-tour à mi-chemin de Tripoli en raison du manque d’espace sur la piste de l’aéroport de cette ville.

Bien que les autorités canadiennes ne précisent pas ce qu’elles faisaient, elles ont admis par la suite que des membres de la Force opérationnelle interarmées 2 ont été déployés. Le ministre de la Défense MacKay a déclaré que l’Armée canadienne avait autorisé la protection de la force comprise dans les équipages des CC-130 et du CC-177.

Le 8 mars 2011, un CC-130J Hercules avec à son bord la Force opérationnelle interarmées Malte effectue le dernier vol d’évacuation militaire au départ de l’aéroport international de Tripoli. En 11 jours d’opérations, la Force opérationnelle interarmées Malte porte secours à 61 Canadiens et 130 autres ressortissants étrangers avec six vols d’évacuation – deux effectués par CC-177 Globemaster et quatre par des CC-130J Hercules.

Détails de la page

Date de modification :