Cunningham c. Tomey Homma

Document d'information

Éminent Canadien japonais, Tomekichi « Tomey » Homma mène une bataille juridique marquante de 1900 à 1903 pour contester la Loi sur les élections provinciales de la Colombie-Britannique privant les Canadiens asiatiques et les Premières Nations du droit de vote. La décision rendue en 1903 par la plus haute cour d’appel du Canada confirme le pouvoir des provinces de restreindre le droit de vote en fonction de la race. L’injustice de ce précédent juridique fournit donc aux premiers militants canadiens en faveur des droits de la personne une illustration irréfutable de la nécessité de mesures pour protéger les droits des Canadiens. Pour cette raison, l’affaire Cunningham c. Tomey Homma est considérée comme une étape clé de l’évolution des droits de la personne au Canada et Homma devient un symbole du mouvement.

En 1900, Homma, immigrant japonais et citoyen canadien (ou plutôt sujet britannique par naturalisation, selon la dénomination utilisée avant l’adoption de la Loi sur la citoyenneté en 1947), demande que son nom soit inscrit sur la liste électorale du district de Vancouver. Sa demande est refusée, ce qui n’a rien de surprenant puisqu’en 1895, la Loi sur les élections provinciales est modifiée afin de priver les Canadiens d’origine japonaise du droit de vote, tout comme les Premières Nations et les Canadiens d’origine chinoise (les femmes sont aussi excluses du droit de vote). Homma décide donc de poursuivre le registraire, Thomas Cunningham. À l’époque, aucun texte législatif ne protège les citoyens de la discrimination. Le seul recours possible consiste à s’en remettre aux tribunaux pour que les juges déterminent la validité des lois selon leur interprétation de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867 (AANB). La cour de comté et la Cour suprême de la Colombie-Britannique rendent toutes deux une décision en faveur d’Homma. Cependant, la victoire d’Homma est de courte durée. En 1903, la plus haute cour d’appel du Canada, le Comité judiciaire du Conseil privé (CJCP) à Londres, en Angleterre, rend une décision en faveur de la Colombie-Britannique. Le CJCP confirme la Loi sur les élections provinciales et déclare que l’AANB accorde aux provinces la juridiction exclusive sur les droits civils, y compris le droit de vote.

La décision du CJCP marquera profondément le fédéralisme canadien, car elle définit, sur le plan juridique, le droit de vote comme un privilège qu’une province peut accorder ou retirer aux immigrants ou aux personnes nées au Canada pour des raisons fondées sur la race. Elle atteste aussi une longue tradition d’exclusions fondée sur la race, l’ethnie, la classe et le genre qui a marqué l’histoire du droit de vote au Canada. Elle fera d’ailleurs jurisprudence et sera citée dans d’autres actions en justice contre la législation anti-asiatique.

La bataille juridique qu’a menée Tomekichi Homma est connue comme l’un des actes de résistance à la répression les plus importants de l’histoire des droits de la personne au Canada. Les revendications d’Homma de recevoir un traitement équitable ont poussé d’autres personnes à se battre pour l’égalité des droits et, après coup, l’affaire Cunningham c. Tomey Homma est devenue un élément essentiel de notre compréhension du contexte et des évènements qui ont mené à la promulgation de la Déclaration canadienne des droits en 1960 ainsi qu’à l’enchâssement de la Charte canadienne des droits et libertés dans la Loi constitutionnelle de 1982. Le droit de vote pour tous les Canadiens n’est accordé qu’en 1960. Bien que Tomekichi Homma n’ait pas connu l’émancipation des Canadiens japonais de son vivant, ses démarches ont marqué le début d’une longue campagne pour la reconnaissance des droits politiques et de l’égalité.

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2017-12-07