L’antisémitisme dans les écoles de l’Ontario de la maternelle à la 12e année
© Robert Brym, MSRC (2025)
Professeur émérite
Université de Toronto
robert.brym@utoronto.ca
Sur cette page
- Liste des tableaux
- Liste des données
- Sommaire
- 1. Répartition sociale des incidents antisémites
- 2. En quoi les incidents étaient-ils antisémites?
- 3. Que s’est-il passé durant les incidents?
- 4. Réactions des victimes et des écoles
- 5. Conclusion
- À propos de l’auteur
Liste des tableaux
- Tableau 1 : Incidents par mois, en pourcentage
- Tableau 2 : Question – « Au moment de l'incident, quel type d'établissement scolaire votre enfant fréquentait-il ? » en pourcentage
- Tableau 3 : Question – « Dans quel conseil scolaire se trouvait l'école de votre enfant au moment de l'incident ? » en pourcentage
- Tableau 4 : Question – « À votre avis, qu'est-ce qui, dans l'incident, en a fait un acte antisémite ? Veuillez sélectionner autant d'options que nécessaire » en pourcentage
- Tableau 5 : Question – « Que s’est-il passé lors de l’incident? Veuillez sélectionner toutes les options suivantes qui s’appliquent » en pourcentage
- Tableau 6 : Question – « Comment votre enfant a-t-il réagi à l’incident? Veuillez sélectionner toutes les options qui s’appliquent » en pourcentage
- Tableau 7 : Question – « Qu’a fait l’établissement scolaire de votre enfant à propos de l’incident ? Veuillez sélectionner toutes les options qui s’appliquent » en pourcentage
- Tableau 8 : Question – « Combien de temps a-t-il fallu à l’établissement scolaire pour commencer à agir en réponse à l’incident? » en pourcentage
- Tableau 9 : Question – « À la suite de l’incident, avez-vous décidé de transférer votre enfant vers une autre école ou envisagé de le faire ? » en pourcentage
Liste des données
- Figure 1 : Incidents par mois, entre octobre 2023 et janvier 2025, en pourcentage
- Figure 2 : Incidents par niveau scolaire (de la maternelle à la 12e année) en pourcentage des incidents
Format substitut
L’antisémitisme dans les écoles de l’Ontario de la maternelle à la 12e année [Version PDF - 2.60 Mo]
Sommaire
Depuis le 7 octobre 2023, une vague d'incidents antisémites ciblant les élèves juifs de la maternelle à la 12e année soulève des préoccupations. Ces inquiétudes reposent en grande partie sur des témoignages isolés ou des plaintes qui n'ont pas été documentées ou résolues. Afin d'avoir une meilleure connaissance de la situation, le bureau de l'envoyée spéciale pour la préservation de la mémoire de l'Holocauste et la lutte contre l'antisémitisme a commandé au professeur Robert Brym une enquête sur le sujet en Ontario, où résident la plupart des enfants juifs du Canada. L'enquête examine la prévalence, la nature et l'impact des incidents antisémites dans les écoles primaires et secondaires de la province.
La présente étude confirme l’existence d’une déconnexion entre (1) la volonté des écoles ontariennes de veiller à ce que tous les élèves se sentent respectés, inclus et valorisés et (2) le traitement que reçoivent les élèves d’appartenance juive. Sa principale source d’information est constituée d’un sondage mené auprès de 599 parents juifs sur leurs signalements de 781 incidents antisémites survenus dans les écoles ontariennes de la maternelle à la 12e année. Les incidents antisémites sont définis comme étant ceux que les parents sondés et leurs enfants considèrent comme antisémites. Les 781 incidents signalés dans cette étude ont été vécus directement par environ 10 % des quelque 30 000 enfants juifs d’âge scolaire de l’OntarioNote de bas de page 1. Le sondage est accessible en ligne en français et en anglais. Il a été mené de fin janvier à début avril 2025 et couvre les incidents survenus au cours des 16 mois entre octobre 2023 et janvier 2025. L’échantillon du sondage reflète les deux tiers des personnes juives de l’Ontario les plus étroitement liées à la communauté juive par l’appartenance à un organisme, la croyance et l’identité.
Voici les principales constatations du sondage :
- Plus de 40 % des incidents antisémites impliquent des saluts nazis, des affirmations selon lesquelles « Hitler aurait dû finir le travail (d’extermination des Juifs) » et d’autres commentaires similaires. Moins de 60 % des incidents antisémites évoquent Israël ou la guerre Israël-Hamas.
- Près d’un incident antisémite sur six est initié ou approuvé par un membre du corps enseignant ou implique une activité autorisée par l’établissement scolaire.
- Un peu plus des deux tiers des incidents antisémites se déroulent dans les écoles publiques anglophones et près d’un cinquième des incidents signalés visent les écoles juives privées comme cibles des incidents. Par ailleurs, 14 % des incidents se déroulent dans des écoles privées francophones, catholiques et non juives.
- Près des trois quarts des incidents antisémites se déroulent dans une école du Toronto District School Board (TDSB), de l’Ottawa-Carleton District School Board (OCDSB) ou du York Region District School Board (YRDSB).
- Les réactions émotionnelles les plus fréquentes chez les victimes d’incidents antisémites comprennent la colère (31 %), la peur de retourner à l’école ou de subir de l’intimidation (près de 27 %) ainsi que la crainte de perdre leurs amis non juifs et d’être isolés socialement (plus de 27 %).
- Certains enfants supplient leurs parents de ne pas signaler l’incident antisémite par peur qu’il devienne public, ce qui les exposerait à du harcèlement ou à de l’intimidation.
- Parmi les incidents antisémites signalés aux autorités scolaires, 49 % n’ont pas fait l’objet d’une enquête. Dans presque 9 % des cas, les autorités scolaires nient la nature antisémitique de l’incident ou recommandent de renvoyer la victime de l’école de façon définitive ou de lui faire suivre ses cours en ligne.
- Dans moins du tiers des cas signalés aux autorités scolaires, les écoles réagissent en offrant des services de counseling à l’enfant ciblé ou à l’agresseur, en punissant l’agresseur, en créant ou en modifiant un programme visant à promouvoir la tolérance ethnique, raciale et religieuse à l’égard des personnes juives, ou en signalant l’incident à la police.
- À cause des incidents antisémites vécus par leurs enfants, 16 % des parents les ont changés d’école ou envisagent de le faire. Certains ont même déménagé afin d’inscrire leur enfant dans un établissement différent.
- Dans 39 % des cas, les écoles privées juives constituent le premier choix des parents qui ont transféré ou transfèrent leur enfant dans une autre école.
1. Répartition sociale des incidents antisémites
Le 7 octobre 2023, l’attaque du Hamas et les représailles israéliennes qui ont suivi ont entraîné un déferlement d’hostilité sans précédent envers les élèves juifs de la maternelle à la 12e année, en Ontario. L’enquête sur laquelle se fonde le présent rapport couvre 16 mois s’étendant d’octobre 2023 à janvier 2025. Près de 45 % des incidents recensés dans le cadre du sondage se sont déroulés au cours des 78 jours compris entre le 7 octobre 2023 et le début des vacances scolaires de décembre 2023 (voir le graphique 1). Hormis les vacances d’été, de juillet à août 2024, les incidents se sont stabilisés pour atteindre environ un cinquième du niveau observé d’octobre à décembre 2023. Cependant, une résurgence des incidents équivalant à environ un tiers de ceux observés d’octobre à décembre 2023 est survenue à l’approche du premier anniversaire des attentats du Hamas du 7 octobre 2023 et du déclenchement de la guerre Israël-Hamas.

Figure 1 – Incidents par mois, entre octobre 2023 et janvier 2025, en pourcentage - Version Texte
Date | Pourcentage d’incidents |
---|---|
Oct 2023 | 16,53 |
Nov 2023 | 19,42 |
Déc 2023 | 8,78 |
Jan 2024 | 4,75 |
Fév 2024 | 4,24 |
Mar 2024 | 5,37 |
Avr 2024 | 4,65 |
Mai 2024 | 4,24 |
Juin 2024 | 2,79 |
Juil 2024 | 0,83 |
Août 2024 | 0,41 |
Sep 2024 | 5,17 |
Oct 2024 | 6,92 |
Nov 2024 | 5,58 |
Déc 2024 | 3,62 |
Jan 2025 | 6,92 |
Près de 82 % des incidents signalés se sont déroulés dans la région métropolitaine de Toronto (61 %) et dans la région métropolitaine d’Ottawa (21 %), les deux plus grandes agglomérations de population juive en Ontario (voir le tableau 1). De plus, près de 86 % des incidents signalés se sont déroulés au sein d’écoles publiques anglophones et d’écoles privées juives (respectivement 67 % et 19 %; voir le tableau 2). Moins de 8 % des signalements proviennent des écoles publiques francophones, et moins de 5 % proviennent des écoles privées non juives. Les écoles catholiques anglophones et francophones représentent respectivement 1,5 % et 0,1 % des cas.
Région métropolitaine de recensement | Pourcentage |
---|---|
Toronto | 60,8 |
OttawaNote * du tableau 1 | 20,9 |
London | 2,6 |
Kitchener-Cambridge-Waterloo | 1,5 |
Hamilton | 1,5 |
Kingston | 1,2 |
Barrie | 0,9 |
Guelph | 0,9 |
Oshawa | 0,6 |
Windsor | 0,5 |
La région de Sudbury | 0,4 |
Autre | 8,2 |
Total | 100,0 |
Notes du tableau 1
- Note * du tableau 1
-
La partie ontarienne de la région métropolitaine de recensement d'Ottawa-Gatineau.
Établissement scolaire par type | Pourcentage |
---|---|
Public anglophone | 66,8 |
Privé juif | 19,0 |
Public francophone | 7,9 |
Privé non juif | 4,6 |
Catholique anglophone | 1,5 |
Catholique francophone | 0,1 |
Total | 100,0 |
Conseil scolaire | Pourcentage |
---|---|
Toronto District School Board | 39,0 |
Ottawa-Carleton District School Board | 19,8 |
York Region District School Board | 15,7 |
Conseil des écoles publiques de l’Est de l’Ontario | 4,4 |
Thames Valley District School Board | 3,0 |
Durham District Schol Board | 2,0 |
Hamilton-Wentworth District School Board | 1,8 |
Waterloo Region District School Board | 1,8 |
Peel District School Board | 1,7 |
Conseil scolaire viamonde | 1,5 |
Ottawa Catholic School Board | 1,5 |
Limestone District School Board | 1,3 |
Simcoe County District School Board | 1,3 |
Upper Grand District School Board | 1,3 |
Greater Essex County District School Board | 0,7 |
Toronto Catholic District School Board | 0,5 |
Catholic District School Board of Eastern Ontario | 0,3 |
Halton District School Board | 0,3 |
Rainbow District School Board | 0,3 |
Avon Maitland District School Board | 0,2 |
Bluewater District School Board | 0,2 |
Conseil scolaire catholique MonAvenir | 0,2 |
District School Board of Niagara | 0,2 |
Hamilton-Wentworth Catholic District School Board | 0,2 |
Thunder Bay Catholic District School Board | 0,2 |
Trillium Lakelands District School Board | 0,2 |
Upper Canada District School Board | 0,2 |
York Catholic District School Board | 0,2 |
Total | 100,0 |
Les répondants devaient indiquer le nom de la circonscription scolaire dans laquelle se trouvait leur enfant au moment de l’incident antisémite signalé. Près de 75 % des 597 incidents antisémites pour lesquels une circonscription scolaire a été indiquée se sont déroulés dans une école du Toronto District School Board (39 %), de l’Ottawa-Carleton District School Board (20 %) et du York Region District School Board, tout juste au nord de la ville de Toronto (16 %). Les 25 % restants sont répartis entre 25 des 88 conseils scolaires de l’Ontario (voir le tableau 3). Aucun signalement ne provient des conseils scolaires restants, qui couvrent des régions peu occupées par les personnes juives. Toutefois, cela ne veut pas dire qu’aucun incident antisémite ne s’y est produit.
Le pourcentage des incidents signalés a augmenté de façon constante de la maternelle à la 10e année, puis a ralenti à la 11e année, avant de chuter de façon marquée à la 12e année (voir la figure 2). Cette baisse pourrait s’expliquer par deux phénomènes bien connus, (1) les élèves essaient de rester à l’écart des ennuis et se concentrent davantage sur leurs études pour améliorer leurs résultats scolaires avant de soumettre leur candidature au collège ou à l’université ; et/ou (2) de nombreux adolescents plus âgés deviennent plus réticents à parler de leurs problèmes avec leurs pairs à leurs parents, en raison de leur besoin croissant d’autonomie et de leur désir d’intimité.

Figure 2 : Incidents par niveau scolaire (de la maternelle à la 12e année) en pourcentage des incidents – Version texte
Niveau scolaire | Pourcentage d’incidents |
---|---|
M (Maternelle) | 1,8 |
1ere année | 3,2 |
2e année | 5,1 |
3e année | 4,6 |
4e année | 6,5 |
5e année | 6,9 |
6e année | 7,9 |
7e année | 8,2 |
8e année | 9,9 |
9e année | 12,9 |
10e année | 13,1 |
11e année | 11,8 |
12e année | 8,1 |
Total | 100 |
2. En quoi les incidents étaient-ils antisémites?
Le sondage demandait aux parents : « Selon vous, en quoi cet incident était-il antisémite? Sélectionnez toutes les options qui s’appliquent. » Le tableau 4 montre la répartition des 942 réponses fermées à la question entre les six options proposées. (Le nombre de réponses dépasse le nombre d’incidents, car les répondants pouvaient choisir plusieurs options.) La question divise les six options en deux groupes : (1) des réactions négatives envers les Juifs et (2) des réactions négatives envers Israël.
Options de questions | Pourcentage |
---|---|
Expressions d'attitudes négatives à l'égard des personnes juives | |
L'incident impliquait le déni de l'Holocauste, la minimisation de l'importance de l'Holocauste, ou l'idée que les personnes juives utilisent l'Holocauste pour légitimer des actions déplorables | 9,2% |
L'incident impliquait des affirmations erronées sur la richesse excessive des personnes juives, le pouvoir politique ou le contrôle des médias. | 7,4% |
L'incident impliquait une condamnation générale des personnes juives, des déclarations haineuses comme « Hitler aurait dû finir le travail », « F**k you Jews », « Les Juifs sont des vermines » et « Les Juifs sont bon marché » | 23,8% |
Sous-total | 40,4% |
Expressions d'attitudes extrêmes et négatives envers Israël | |
L'incident impliquait des déclarations extrêmes et négatives et/ou erronées sur Israël — par exemple, qu'il n'a pas le droit d'exister en tant qu'État juif, qu'il est fondamentalement un État raciste, qu'il commet un génocide à Gaza, et que le sionisme est égal au nazisme. | 29,6% |
L'incident impliquait le harcèlement d’un enfant appelé « tueur de bébés », invité à « choisir un camp » dans la guerre Israël-Hamas, ou autrement traité comme s'il était personnellement responsable de ce qui se passe dans la guerre de Gaza. | 14,2% |
L'incident impliquait un enseignant ou une activité scolaire sanctionnée exprimant un point de vue qui a fait en sorte que votre enfant ne se sente pas le bienvenu ou qui a exclu votre enfant parce qu’il est juif. | 15,7% |
Sous-total | 59,6% |
Total | 100,0% |
Force est de constater que le pourcentage des réponses qui n’ont rien à voir avec Israël ou la guerre Israël-Hamas est élevé. Plus de 40 % des réponses sont liées au déni de l’Holocauste, à des affirmations sur la richesse ou le pouvoir excessif des Juifs ou encore à la condamnation générale des Juifs, des exemples d’accusations et de dénonciations qui ont commencé à disparaître du vocabulaire et de la mentalité au Canada dans les années 1960 et qui ont été, aurait-on cru, presque totalement oubliés dans la deuxième moitié du 21e siècle.
En septembre 2024, cinq garçons ont encerclé plusieurs fois par jour une jeune fille juive âgée de 13 ans pendant plusieurs jours en criant « Sieg Heil! », les mains levées pour former un salut nazi. Elle les suppliait chaque fois d’arrêter, en vain. En octobre 2024, un membre du personnel enseignant à Ottawa a dit à une enfant âgée de six ans qu’elle n’était qu’à moitié humaine parce l’un de ses parents est juif.
Les répondants considèrent que près de 60 % des incidents sont antisémites en raison de la haine profonde exprimée envers Israël. Parmi les réponses anti-israéliennes, plus de 14 % tiennent les enfants des écoles juives personnellement responsables de certains aspects de la guerre Israël-Hamas, comme ce fut le cas d’un élève de neuf ans de la région de York, au nord de la ville de Toronto, qui s’est fait traiter de « terroriste, violeur et tueur de bébés » par un camarade de classe en septembre 2024.
Près de 16 % des incidents signalés concernaient des actions ou des activités anti-israéliennes soutenues ou organisées par le personnel enseignant ou l’administration scolaire. Des enseignants ont porté des vêtements affichant une carte d’Israël, de la Cisjordanie et de Gaza qui était dépourvue de frontières entre les régions et arborait les couleurs du drapeau palestinien ou le slogan « Du fleuve à la mer », niant de ce fait l’existence d’Israël en image et en volonté exprimée. En 2024, à Ottawa, une enseignante a remarqué qu’une enfant juive âgée de six ans portait un collier avec un pendentif à la forme d’Israël. Elle a informé l’élève qu’il s’agissait d’une carte de la Palestine. Lorsqu’un camarade de classe d’appartenance juive lui a répondu « C’est Israël » et expliqué qu’il s’agissait d’un cadeau de leur école juive, l’enseignante a rétorqué : « Les enseignants de ton école juive mentent. » D’autres enseignants ont invité des conférenciers à parler du conflit israélo-palestinien d’un point de vue strictement palestinien sans inviter leurs homologues israéliens afin d’offrir une interprétation plus nuancée de l’histoire complexe derrière le conflit. Plusieurs conseillers scolaires portaient également le keffieh lors de rencontres de conseil scolaire où l’on demandait aux parents de soulever les problèmes de mauvais traitements infligés à leurs enfants juifs. La mère d’un élève de 12e année à Ottawa a signalé une rencontre en novembre 2023 où l’intervenant a dédramatisé les atrocités commises par le Hamas le 7 octobre 2023.
« Seulement » environ 30 % des réponses renvoient à des propos extrêmement négatifs au sujet d’Israël tenus par des élèves. En outre, 315 réponses « autres » à cette question ont été rédigées par les répondants eux-mêmes. Plusieurs de ces réponses « autres » développent ou répètent de l’information déjà fournie. Cependant, près de 26 % des réponses « autres » mentionnent la glorification d’Hitler, des nazis, des chambres à gaz, des croix gammées et de l’Holocauste, tandis que près de 14 % des réponses font état d’alertes à la bombe ciblant les écoles juives privées.
Le sionisme est la conviction que le peuple juif a le droit à l’autodétermination sur sa terre ancestrale. Dans un sondage effectué auprès de 588 adultes juifs canadiens en 2024 et un sondage de suivi réalisé en janvier 2025, 94 % des répondants ont appuyé le droit d’Israël d’exister en tant qu’État juif. Seulement 1 % des répondants s’opposaient au sionisme. Au Canada comme ailleurs, l’existence d’Israël se trouve au cœur de l’identité juive. Le sionisme n’exclut pas l’existence d’un État palestinien indépendant au sein des territoires occupés. En effet, 61 % des Juifs canadiens avec un avis sur la question approuvent une solution à deux États au conflit israélo-palestinienNote de bas de page 2. Pourtant, la plupart des élèves qui se livrent à des comportements haineux envers leurs camarades de classe juifs semblent croire que le sionisme est un ennemi qui doit être anéanti. De plus, plusieurs élèves considèrent manifestement tous les Juifs comme des sionistes et vice-versa. Par conséquent, plusieurs élèves juifs se font constamment dire qu’ils n’ont pas le droit d’exister en tant que personne, en tant que groupe ethnoreligieux ni en tant que nation.
3. Que s’est-il passé durant les incidents?
Les parents ont dû répondre à la question : « Que s’est-il passé durant l’incident? Sélectionnez toutes les options qui s’appliquent. » Le tableau 5 présente la répartition des 959 occurrences que les parents ont relevées dans les réponses ferméesNote de bas de page 3. (Encore une fois, le nombre de réponses est supérieur au nombre d’incidents, car les répondants pouvaient sélectionner plusieurs réponses.)
Les cas les plus fréquents, soit près de 35 % du total, concernent des actes de harcèlement sous forme de menaces, d’intimidation, d’expressions de haine, mais aussi d’incitation à la violence, d’insultes et de « blagues » péjoratives proférées en personne, par téléphone ou en ligne. Cette catégorie comprend le cas d’une menace avec une arme à feu qui a mené à l’emprisonnement de l’agresseur pendant plusieurs jours, à sa suspension de l’école pendant 10 jours et à son interdiction de participer à certaines activités et d’entretenir certaines relations dans l’attente de son procès. En deuxième position, à plus de 17 % des cas, se trouvent des activités approuvées par le personnel enseignant ou l’école lors desquelles est exprimé un point de vue qui amène les enfants juifs à se sentir rejetés parce qu’ils sont juifs. Les actes de vandalisme (près de 15 % des occurrences), les gestes agressifs de la main (plus de 10 % des cas), les messages injurieux communiqués sur papier (près de 9 % des cas) et ceux communiqués numériquement (près de 8 % des cas) Enfin, à un peu plus de 6 % des cas, les agressions physiques (frapper, pousser, cracher, lancer des objets, toucher agressivement, restreindre les mouvements) complètent la liste des incidents antisémites.
En résumé, le tableau illustre le traitement que certains élèves de l’Ontario réservent à leurs camarades de classe juifs, comment et à quel point certains enseignants et administrateurs scolaires de l’Ontario excluent les enfants juifs, les dévalorisent et leur manquent de respect, non seulement en faisant peu pour prévenir, arrêter et punir les actes antisémites, mais aussi en posant des gestes qui incitent les élèves juifs à se sentir en danger et pas les bienvenus.
Options de réponses | Pourcentage |
---|---|
Une agression a eu lieu (coups, poussées, crachats, lancés d'objets, contacts agressifs, mouvement empêché). | 6,2 |
Des actes de vandalisme ont eu lieu (dommages malveillants à la propriété, dégradation, graffiti). | 14,9 |
Du harcèlement verbal a eu lieu face-à-face ou par téléphone, Zoom, Teams, etc. (menaces, intimidation, expression de haine, incitation à la violence, insultes, « blagues » péjoratives). | 34,7 |
Des gestes de la main agressifs ont été faits (salut nazi, doigt d'honneur, triangle inversé, mimique de fusillade, trancher la gorge). | 10,3 |
Un enseignant ou une activité scolaire sanctionnée a exprimé un point de vue qui a fait en sorte que votre enfant ne se sente pas le bienvenu ou qui a exclu votre enfant parce qu’il est juif. | 17,4 |
Des abus écrits ont été distribués par lettre, tract, affiche, autocollant, etc. | 8,8 |
Des abus numériques rédigés par des camarades ont été envoyés par courriel ou publiés sur les réseaux sociaux. | 7,7 |
Total | 100,0 |
4. Réactions des victimes et des écoles
4.1 Réactions des victimes
L’expression de la haine envers les personnes juives dans les écoles affecte inévitablement les enfants juifs de multiples façons. Afin de mieux cerner ces réactions, les sondés ont dû répondre à la question : « Comment votre enfant a-t-il réagi à l’incident? Sélectionnez toutes les options qui s’appliquent. » Le tableau 6 catégorise 1 379 réponses distinctes à la partie fermée de la question.
Un pourcentage relativement faible d'enfants ont ri de l'incident (un peu plus de 3 % des réactions), n'en ont pas parlé à leurs parents (un peu plus de 5 %) ou ont décidé de lutter contre l'antisémitisme à l'école à la suite de cet incident (moins de 7 %). Les réactions émotionnelles les plus courantes des victimes d'incidents antisémites étaient la colère (31 %), la peur de retourner à l'école ou d'être victime d'intimidation (près de 27 %) et la crainte de perdre leurs amis non juifs et d'être isolés socialement (plus de 27 %).
221 parents ont choisi d’ajouter des détails dans leurs propres mots dans la partie ouverte de la question. D’après les réponses, il est rapidement devenu clair que, si de nombreux enfants réagissent en ressentant une fierté accrue de leur judéité, en confrontant leurs agresseurs et en signalant l’incident aux autorités scolaires, la grande majorité ressent également une vive douleur émotionnelle. Les réponses textuelles des parents fournissent une longue liste d’adjectifs attestant ce résultat. Ils ont écrit que leurs enfants étaient tristes, bouleversés, anxieux, déprimés, craintifs, confus, désemparés et terrifiés.Note de bas de page 4 De plus, certains enfants ont perdu confiance dans les autorités scolaires ou ont caché leur identité juive à l’école (dans un cas, l’élève est même allé jusqu’à se cacher pendant l’heure du dîner). D’autres ont eu du mal à se concentrer sur leurs travaux scolaires ou ont développé des symptômes psychosomatiques tels que des maux d’estomac ou de tête. D’autres encore ont insisté pour rester à la maison ou changer d’écoleNote de bas de page 5. Certains ont pleuré.
Les réponses à cette question ne nous renseignent aucunement sur la durée de ces réactions émotionnelles. Cependant, elles font ressortir une conséquence sociologique des incidents antisémites. De nombreux élèves juifs se sont regroupés en solidarité pour trouver réconfort et sécurité, ont rejoint ou renforcé leur participation à des organismes juifs, confirmant ainsi l’observation de l’auteur Jean-Paul- Sartre selon laquelle l’antisémite aide à créer le JuifNote de bas de page 6.
Réaction de l'enfant | Pourcentage |
---|---|
Mon enfant a ri de l’incident. Il a pris l’incident à la légère. | 3,4 |
Mon enfant n’a pas mentionné l’incident. | 5,4 |
Mon enfant était en colère à propos de l’incident. | 30,7 |
En raison de l’incident, mon enfant avait peur d’être intimidé(e) et/ou de retourner à l’école. | 26,5 |
En raison de l’incident, mon enfant craignait de perdre ses ami(e)s non juif (ve)s ou d’être isolé(e) socialement. | 27,1 |
En raison de l’incident, mon enfant a décidé de lutter contre l’antisémitisme à l’école. | 6,8 |
Total | 100,0 |
4.2 Réactions des écoles
Plus de 65 % des personnes interrogées ont signalé un incident antisémite survenu à l’école de leur enfant aux autorités scolaires. Près de 35 % ne l’ont donc pas fait, ce qui semble être principalement dû à deux circonstances. D’une part, certains enfants supplient leurs parents de ne pas signaler l’incident par peur que ce dernier devienne public, ce qui les exposerait à du harcèlement ou à de l’intimidation. Comme l’a exprimé le parent d’un élève de 11e année de Toronto : « Mon enfant ne fait pas confiance aux autorités scolaires parce que la dernière fois qu’[il ou elle] a dénoncé un “Heil Hitler” antisémite, l’école n’a pas fait preuve de discrétion et [il ou elle] s’est ensuite fait intimider. » D’autre part, certains parents estiment que l’école ne ferait rien de concret s’ils signalaient l’incident, après en avoir déjà fait l’expérience dans le passé.
Le tableau 7 corrobore ce dernier point. Il catégorise 781 réponses à la question : « Qu’a fait l’école de votre enfant par rapport à l’incident? Sélectionnez toutes les options qui s’appliquent. » Encore une fois, les parents pouvaient donner plusieurs réponses. Dans 49 % des cas, les autorités scolaires n’ont pas enquêté sur l’incident signalé. Dans 8 % des cas, leur examen de l’incident les a amenées à conclure que celui-ci n’était pas antisémite, contrairement à l’évaluation des parents et de leur enfant. Dans un nombre certes infime de cas, les autorités scolaires ont recommandé l’équivalent d’une punition pour les victimes : dans un peu plus de 1 % des cas, elles ont suggéré que la victime soit retirée de l’école de façon définitive ou qu’elle suive ses cours en ligne.
Options de réponse | Pourcentage |
---|---|
Les autorités scolaires n'ont pas mené d’enquête sur l’incident. | 49,0 |
Les autorités scolaires ont dit que l’incident ne constituait pas un cas d’antisémitisme. | 8,2 |
Les autorités scolaires ont recommandé que mon enfant soit expulsé de façon permanente. | 0,2 |
Les autorités scolaires ont recommandé que mon enfant suive les cours à distance s’il/elle/iel ne se sentait pas en sécurité. | 1,0 |
Sous-total | 58,5 |
Les autorités scolaires ont fourni un accompagnement à mon enfant. | 4,2 |
Les autorités scolaires ont fourni un accompagnement à (aux) l’agresseur(s) de l’incident. | 3,8 |
Les autorités scolaires ont pris des mesures disciplinaires contre le(s) auteur(s) de l’incident, sans aller jusqu’à la suspension. | 6,1 |
Les autorités scolaires ont suspendu le(s) auteur(s) de l’incident. | 4,7 |
Les autorités scolaires ont créé ou modifié un programme pour promouvoir la tolérance ethnique, raciale et religieuse envers les personnes juives. | 2,8 |
L’incident a été signalé à la police. | 5,3 |
Sous-total | 26,9 |
Autres (divers) Note * du tableau 7 | 14,6 |
Total | 100,0 |
Notes du tableau 7
- Note * du tableau 7
-
Note : La grande majorité de ces cas répètent ou précisent des informations déjà fournies.
Dans une minorité de cas, l’école a réagi en offrant des services de counseling à l’enfant ciblé (plus de 4 %) ou à la personne ayant commis l’agression (près de 4 %), en punissant cette dernière sans suspension (un peu plus de 6 %) ou avec suspension (près de 5 %), en créant ou en modifiant un programme visant à promouvoir la tolérance ethnique, raciale et religieuse à l’égard des personnes juives (moins de 3 %), ou en signalant l’incident à la police (un peu plus de 5 %). Dans l’ensemble, et même en incluant d’autres réponses positives dans la catégorie « autres divers », ces réponses représentent bien moins d’un tiers du total. Sur une note un peu plus positive, lorsque les autorités scolaires sont intervenues, plus de 60 % l’ont fait dans la semaine suivant le signalement (tableau 8).
Délai de réaction de l’établissement scolaire | Pourcentage |
---|---|
L’école a commencé à réagir dans un délai d’un jour. | 41,3 |
L’école a commencé à réagir dans un délai d’une semaine. | 19,2 |
L’école a commencé à réagir dans un délai d’un mois. | 5,3 |
L’école a commencé à réagir plus d’un mois après l’incident. | 2,3 |
L’école n’a pris aucune mesure en réponse à l’incident. | 32,0 |
Total | 100,0 |
Après que leur enfant a subi des incidents antisémites, environ un parent sur huit ayant répondu à ce sondage a pris la décision difficile de transférer son enfant dans une autre école. Dans certains cas, cette décision impliquait un déménagement.
Le tableau 9 met en évidence les déplacements des enfants qui ont changé ou qui vont bientôt changer d’école. Plus de 88 % d’entre eux ont quitté ou quitteront une école publique anglophone; plus de 8 %, une école publique francophone; et plus de 3 %, une école privée non juive. Il n’y a pas de cas enregistré d’enfants quittant des écoles catholiques ou juives.
Les écoles privées juives représentent le premier choix lors d’un changement d’école. Près de 39 % des familles qui décident de changer d’école suivent cette voie. Ce nombre serait sans aucun doute plus élevé si des écoles juives étaient présentes dans de plus petites localités. En effet, en Ontario, seule Toronto dispose d’une école secondaire juive, et on ne retrouve aucune école primaire juive à l’extérieur de Toronto, d’Ottawa, de Hamilton et de London. Autrement dit, 9 % des Juifs de l’Ontario n’ont pas accès à une école juive à temps plein, tous niveaux confondus, et 19 % n’ont pas accès à une école secondaire juive.
Mentionnons un autre obstacle à l’inscription dans une école juive, le gouvernement ontarien ne finance pas les écoles juives, contrairement aux gouvernements du Québec, du Manitoba, de l’Alberta et de la Colombie-Britannique- (les seules autres provinces ayant une population juive importante). Ces quatre provinces offrent des subventions partielles pour les frais de scolarité. Même si certaines écoles juives de l’Ontario sont subventionnées par des organismes philanthropiques communautaires, bien des personnes juives n’ont pas les moyens d’envoyer leurs enfants dans des écoles juives ou vivent trop loin des écoles pour envisager une inscription. Néanmoins, les écoles juives du Canada ont connu une hausse des inscriptions depuis le 7 octobre 2023Note de bas de page 7.
École d’origine | Nouvelle école | Nombre d'élèves | Pourcentage |
---|---|---|---|
École publique anglophone | École publique anglophone | 24 | 25,3 |
École publique francophone | 5 | 5,3 | |
École catholique anglophone | 9 | 9,5 | |
École catholique francophone | 1 | 1,1 | |
École privée non juive | 8 | 8,4 | |
École privée juive | 37 | 38,9 | |
Sous-total | 84 | 88,4 | |
École publique francophone | École publique anglophone | 3 | 3,2 |
École publique francophone | 1 | 1,1 | |
École catholique francophone | 4 | 4,2 | |
Sous-total | 8 | 8,4 | |
École privée non juive | École publique anglophone | 2 | 2,1 |
École publique francophone | 1 | 1,1 | |
Sous-total | 3 | 3,2 | |
Total | 95 | 100.0 |
5. Conclusion
Les conseils scolaires de l’Ontario sous-estiment largement à la fois le nombre d’élèves juifs dont ils ont la responsabilité et la fréquence des incidents antisémites dans les écoles de la maternelle à la 12e année. Le Toronto District School Board (TDSB) – qui scolarise près du tiers des élèves juifs de l’Ontario – est représentatif de ces enjeux. Au cours de l’année scolaire 2023-2024, le portail Racisme, Préjugés et Haine du TDSB a recensé 2 155 incidents, dont 312 (14,5 %) ont été catégorisés comme antisémites. Bien qu’élevé, ce chiffre est probablement bien en deçà de la réalité, et ce, pour trois raisons principales :
- Une définition étroite de l’identité juive :
Le TDSB définit l’antisémitisme principalement comme une forme de haine religieuse. Or, les Juifs ne constituent pas uniquement un groupe religieux. Selon le recensement canadien et les méthodes types de recherche, les personnes qui s’identifient comme juives par leur origine ethnique, culturelle ou ancestrale – même si elles ne déclarent aucune affiliation religieuse – sont aussi considérées comme juives. Par exemple, dans le recensement de 2021, 11 % des Juifs de la région de Toronto se sont identifiés comme juifs sur une base ethnique, culturelle ou ancestrale, sans adhésion religieuse. Le TDSB ne semble pas prendre en compte les incidents impliquant ces élèves, même lorsque ceux-ci sont clairement motivés par l’antisémitisme. En conséquence, de nombreux élèves concernés sont exclus des décomptes officielsNote de bas de page 8.
- Application incohérente de la définition de l’AIMH :
En 2018, le TDSB a adopté la définition de l’antisémitisme proposée par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (AIMH), qui inclut les discours et actes niant le droit d’Israël d’exister en tant qu’État juif. En pratique, cependant, le conseil scolaire omet fréquemment de classer ces incidents comme antisémites, même si ce type d’hostilité est largement répandu dans ses écoles.
- Sous-déclaration liée à la peur :
De nombreux élèves juifs choisissent de ne pas signaler les incidents par crainte d’être ostracisés, victimisés à nouveau ou agressés physiquement. Ce climat de peur pousse certains à cacher leur identité en retirant tout symbole visible de leur judaïté – colliers, broches, bracelets ou inscriptions en hébreu sur leurs vêtements. Cette autocensure rend le problème moins visible et contribue à une sous-estimation du nombre réel d’incidents.
Les conséquences de l’antisémitisme généralisé pour les élèves juifs et leurs familles sont graves. Dans le système public, les élèves juifs sont fréquemment ostracisés, isolés et victimes d’agressions verbales et physiques. Les écoles juives sont la cible de graffitis, de vandalisme, de menaces de bombe et même de fusillades. Dans plus de 4 cas sur 10, les incidents antisémites s’inspirent du nazisme et expriment, par exemple, le souhait que tous les Juifs soient bientôt gazés et incinérés. Dans moins de 6 cas sur 10, ils nient le droit d’Israël d’exister en tant qu’État juif – un élément central de l’identité juive pour la majorité des Juifs.
Tous les conseils scolaires ne sont pas touchés de la même façon par la propagation de l’antisémitisme. Les incidents antisémites se concentrent dans le système public anglophone, particulièrement dans les grandes villes de l’Ontario. Mais quelle que soit la fréquence des incidents, peu d’actions concrètes sont entreprises pour remédier à la crise. Dans environ 6 cas signalés sur 10, les écoles n’enquêtent pas, nient que l’incident est antisémite, ou punissent indirectement les victimes en leur recommandant de suivre les cours à distance ou de changer d’école.
Les conseils scolaires affirment que « les écoles devraient être des lieux sûrs et accueillants où tous les élèves et membres du personnel se sentent respectés, inclus et valorisés dans leurs environnements d’apprentissage et de travail. »Note de bas de page 9. Comme le démontre ce rapport, il est temps d’appliquer ce principe à tous les élèves.
Annexe : Méthodologie
En vue de recruter des parents pour le sondage, une liste de 257 organismes juifs de l’Ontario et les adresses électroniques de leurs dirigeants a été dressée. La liste comprend, entre autres, les synagogues, les camps d’été, les écoles de jour, les écoles à temps partiel, les programmes d’éducation de la petite enfance et les groupes de jeunes. À la fin de janvier 2025, un courriel a été envoyé aux dirigeants de ces organismes pour les aviser que le sondage serait mis en ligne début février. Quelques jours plus tard, ils ont également été invités à transmettre un deuxième courriel (fourni par le chercheur) à tous les membres de leurs organismes. Ce deuxième courriel contenait de l’information sur le sondage et expliquait comment les parents d’enfants fréquentant une école de la maternelle à la 12e année de la province pouvaient y répondre en ligne. Des courriels et des appels téléphoniques de suivi ont été envoyés, encourageant les divers organismes et communautés juifs à participer. Des publicités sur le sondage ont été publiées dans le Canadian Jewish News, la principale source d’information sur la communauté juive du Canada.
Le sondage, disponible en ligne en anglais et en français jusqu’au début du mois d’avril 2025, a recueilli 599 signalements portant sur 781 incidents antisémitesNote de bas de page 10. On estime que ces 781 incidents ont eu lieu entre octobre 2023 et janvier 2025 inclusivement et qu’ils ont directement affecté au moins 10 % des quelque 30 000 enfants juifs d’âge scolaire de l’Ontario. Ce pourcentage se fonde sur l’observation que de nombreux incidents se sont déroulés alors que des élèves juifs rentraient ensemble à pied, se réunissaient dans les couloirs et dans les cours d’école, s’assoyaient aux côtés d’élèves juifs en classe, assistaient à des rassemblements scolaires avec les autres élèves juifs de leur établissement et étaient évacués en raison d’alertes à la bombe. Les rapports d’incident constituent la base quantitative de la présente étude. De plus, 14 répondants ont participé à des entrevues semi-dirigées d’environ 35 minutes.
Au cours de la recherche, il est apparu clairement que, malgré les affirmations contraires, certains parents craignent que les renseignements qu’ils fournissent puissent être retracés jusqu’à eux, ce qui entraînerait des conséquences inconnues pour leur vie privée et leur sécurité, ainsi que pour celles de leurs enfants. Il est également apparu que de nombreux enfants sont réticents à parler à leurs parents des incidents antisémites qu’ils subissent. Ils croient que leurs parents s’adresseront aux autorités scolaires et que celles-ci prendront des mesures contre l’agresseur, ce qui risque de propager la nouvelle de l’incident dans la population étudiante et de conduire à de l’ostracisme, du harcèlement ou à des agressions physiques. En définitive, le niveau élevé d’anxiété au sein de la communauté juive ontarienneNote de bas de page 11 a limité le nombre total d’incidents signalés disponibles dans le cadre du sondage.
Le sondage est fondé sur un échantillon non probabiliste d’adultes juifs en Ontario qui reflète grossièrement les caractéristiques d’environ deux tiers des adultes juifs de l’Ontario ayant des liens relativement étroits avec la communauté juive de la province, dans la mesure où ils sont membres d’une synagogue ou d’un autre organisme juif.
Pour illustrer la comparaison entre l’échantillon et l’ensemble de la population juive de l’Ontario, soulignons deux caractéristiques importantes de l’échantillon et de la population : la zone de résidence et le lien avec la vie juive organisée. Dans un cas, les données de Toronto sont utilisées comme approximation pour l’ensemble de l’Ontario, ce qui est moins problématique qu’on ne pourrait le penser puisque, selon le Recensement du Canada de 2021, 81,4 % des Juifs de l’Ontario vivent dans la région métropolitaine de recensement de Toronto.
Le tableau A1 montre où résident les Juifs en Ontario et les répondants au sondage. Il divise les deux groupes en 11 régions métropolitaines de recensement de la province comptant plus de 1 000 Juifs chacune, et dans une catégorie « autre » pour le reste de la province.
La plus grande différence entre l’échantillon et la population se trouve dans le pourcentage de répondants provenant de Toronto et d’Ottawa, de loin les deux plus grands centres juifs de l’Ontario. L’échantillon de Toronto est inférieur d’environ 18 points de pourcentage à celui de la population, tandis que celui d’Ottawa est supérieur d’environ 15 points de pourcentage. Ces résultats peuvent être attribués à la campagne publicitaire relativement plus efficace du sondage à Ottawa et peut-être à la fréquence plus élevée des incidents antisémites à Ottawa par rapport à la taille de sa population juive. Malgré cette différence, la composition sociale des personnes juives de Toronto et d’Ottawa ne semble pas très différente. Les communautés juives des deux villes avaient notamment le même âge médian en 2021, soit 42,4 ansNote de bas de page 12. De plus, la répartition confessionnelle des Juifs se ressemble dans les deux villes, la principale différence étant le pourcentage plus élevé de Juifs réformés à Toronto et de Juifs non confessionnels à Ottawa (tableau A2). Cette différence peut s’équilibrer dans la mesure où les Juifs réformés et non confessionnels sont les Juifs les moins traditionnels au Canada.
Région métropolitaine de recensement | Population juive | Pourcentage de la population juive | Pourcentage de l'échantillon |
---|---|---|---|
Toronto | 186 905 | 81,4 | 60,8 |
OttawaNote * du tableau A1 | 14 045 | 6,1 | 20,9 |
Hamilton | 5 310 | 2,3 | 1,5 |
London | 2 765 | 1,2 | 2,6 |
Barrie | 2 275 | 1,0 | 0,9 |
Kitchener-Cambridge-Waterloo | 2 245 | 1,0 | 1,5 |
St. Catharines-Niagara | 1 710 | 0,7 | 0 |
Oshawa | 1 645 | 0,7 | 0,6 |
Kingston | 1 410 | 0,6 | 1,2 |
Windsor | 1 270 | 0,6 | 0,5 |
Guelph | 1 210 | 0,5 | 0,9 |
AutreNote ** du tableau A1 | 5 950 | 3,9 | 8,6 |
Total | 229 485 | 100,0 | 100,0 |
Notes du tableau A1
- Note * du tableau A1
-
Partie ontarienne de la région métropolitaine de recensement d’Ottawa–Gatineau.
- Note ** du tableau A1
-
Comprend les zones situées à l’extérieur des régions métropolitaines de recensement.
En second lieu, comme on pouvait s’y attendre compte tenu de la méthodologie d’échantillonnage de la présente étude, l’échantillon est composé de personnes qui ont plus de liens avec la vie juive organisée que les Juifs de la population de l’Ontario dans son ensemble. Ainsi, selon le sondage auprès des Juifs au Canada de 2018, 70 % des ménages juifs de Toronto comptent au moins un membre qui appartient à une synagogue ou à un autre organisme juifNote de bas de page 13. Ce pourcentage est sans doute plus faible dans d’autres villes ontariennesNote de bas de page 14. Pour l’échantillon de cette étude, le chiffre correspondant est de 99 %. De même, selon le recensement de 2021, près de 86 % des Juifs de l’Ontario déclarent appartenir à la religion juiveNote de bas de page 15. Le chiffre correspondant pour l’échantillon de cette étude est supérieur à 97 %.
En résumé, bien que l’échantillon ne puisse pas être considéré comme représentatif de la population juive de l’Ontario, les données disponibles laissent entendre qu’il n’est pas très différent des quelque deux tiers des Juifs de l’Ontario qui ont des liens relativement étroits avec la communauté, par leur appartenance à des synagogues et à d’autres organismes juifs.
Dénomination | Toronto 2018 | Échantillon Ontario | Échantillon Toronto | Échantillon Ottawa |
---|---|---|---|---|
OrthodoxeNote * du tableau A2 | 17 | 10 | 10 | 15 |
Conservateur | 27 | 38 | 38 | 34 |
Réformé | 17 | 18 | 20 | 10 |
Autre dénominationNote ** du tableau A2 | 13 | 4 | 5 | 3 |
Aucune dénomination | 26 | 29 | 28 | 38 |
Total | 100 | 100 | 100 | 100 |
Source (colonne 1) : Robert Brym, Keith Neuman et Rhonda Lenton, Enquête 2018…
Notes du tableau A2
- Note * du tableau A2
-
Comprend les Orthodoxes, Orthodoxes modernes, Hassidiques, Yeshivish et Chabad.
- Note ** du tableau A2
-
Comprend les Re-constructionnistes, Humanistes, Spiritualistes, Renewal et autres.
À propos de l’auteur
Robert Brym est professeur émérite de sociologie S.D. Clark à l’université de Toronto et membre de la Société royale du Canada. Il a publié plus de 200 travaux universitaires et a reçu de nombreux pris pour ses publications et son enseignement, notamment le prix Northrop Frye (Université de Toronto), le British Journal of Sociology Prize (London School of Economics), le prix de la contribution exceptionnelle de l’Association canadienne de sociologie, ainsi que le prix Louis Rosenberg pour services distingués en études juives canadiennes. Ses principaux projets de recherche ont porté sur la politique des intellectuels, l’émigration juive de l’Union soviétique et de ses États successeurs, la deuxième intifada contre les personnes juives, ainsi que les communautés juives au Canada. Pour consulter et télécharger ses publications, visitez : Robert Brym - Université de Toronto (seulement disponible en anglais).