Mot d’ouverture de l’honorable Jonathan Wilkinson, ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, à l’occasion de la table ronde intitulée « Canada et États‑Unis : partenariat pour la prospérité dans le domaine de l’énergie et au-delà » 

Discours

Le 15 janvier 2025

Woodrow Wilson International Center for Scholars, Washington D.C.

Je remercie Christopher [Christopher Sands, directeur du Canada Institute du Wilson Center], et merci beaucoup de m’avoir invité ici aujourd’hui et de m’avoir accueilli. Je suis ravi de la présence de Heather [Heather Reams, présidente de Citizens for Responsible Energy Solutions]. Nous avons eu l’occasion de nous rencontrer hier pour discuter de certaines de ces questions.

Je vais peut-être fournir un cadre et des remarques pour la discussion que nous allons avoir après cela.

Nous avons tous, j’en suis sûr, entendu à maintes reprises l’adage selon lequel le Canada et les États‑Unis sont les meilleurs amis, les alliés les plus proches et le partenaires économiques les plus importants.

Bien que la répétition de ces mots soit devenue en quelque sorte un cliché, ces déclarations sont incontestablement vraies.

Au-delà de notre amitié et de notre partenariat économique, nous sommes des partenaires indéfectibles sur la scène internationale. Cela est d’autant plus important ces derniers temps, compte tenu du comportement de plus en plus agressif de certains acteurs internationaux, dont la Chine.

Pékin constitue une menace croissante pour notre sécurité collective et nos économies en raison de son contrôle de produits de base essentiels, comme des minéraux critiques, et de sa capacité à inonder nos marchés de produits bon marché fabriqués selon des normes laxistes sur le plan de la main‑d’œuvre et de l’environnement.

C’est pour ces raisons et de nombreuses autres raisons que le Canada a été et demeure un partenaire proche des États‑Unis sur la scène internationale. Nous le constatons actuellement dans le cadre de la lutte contre les feux de forêt en Californie, où des avions-citernes et des pompiers canadiens sont déployés d’urgence pour aider nos amis.

Mais le Canada est bel et bien une nation distincte et souveraine. Le sport national du Canada est le hockey sur glace. Nous portons des tuques et achetons notre café et nos beignes chez Tim Hortons, chaîne de restaurants qui porte elle-même le nom d’un joueur de hockey.

Nous sommes très fiers d’avoir deux langues officielles : le français et l’anglais. 

Nos institutions politiques sont de type parlementaire, et nous sommes extrêmement fiers du filet de sécurité sociale que nous avons collectivement mis en place au cours du siècle dernier.

Les Canadiens respectent leurs amis américains et admirent l’esprit d’entreprise qui règne aux États‑Unis.

Après avoir travaillé pendant 20 ans dans le milieu de la technologie, je peux vous dire que c’est un sujet auquel les Canadiens réfléchissent beaucoup dans le contexte de la productivité de nos différentes économies.

Mais les Canadiens sont des Canadiens. Et nous demeurerons avant tout Canadiens. Selon moi, toute allusion contraire nous fait oublier les difficultés auxquelles le Canada et les États‑Unis sont confrontés en raison de l’agressivité croissante de la Chine. De plus, toute allusion contraire nous fait oublier le véritable travail que nous devrions faire pour tirer parti des avantages mutuels que nous procure notre relation et pour profiter des énormes occasions supplémentaires aux plans économique et sécuritaire qui s’offrent à nous.

À l’heure actuelle, les États‑Unis et le Canada collaborent très efficacement dans toute une série de domaines différents.

L’un de ces domaines est certainement la gestion de notre frontière commune, soit la plus longue frontière non militarisée du monde. Sur le terrain, les responsables canadiens et américains collaborent chaque jour pour sécuriser et gérer efficacement les flux de marchandises et de personnes à la frontière, tout en identifiant et en traitant les menaces. Cette coopération est essentielle à la prospérité et à la sécurité de nos deux pays.

Et bien qu’une collaboration active sur les questions frontalières existe depuis de très nombreuses années, nous reconnaissons certainement, tout comme l’administration Trump qui arrive au pouvoir, qu’il est possible d’en faire davantage pour résoudre les problèmes de migration illégale, d’expédition de drogues et, dans le cas du Canada, de circulation d’armes à feu illégales des États‑Unis vers le Canada.

Bien que l’ampleur de ces problèmes à la frontière canado-américaine soit de loin inférieure aux difficultés à la frontière méridionale des États‑Unis, il est possible d’en faire plus en intensifiant les efforts de collaboration entre nos deux pays.

À la suite de nos discussions avec la prochaine administration Trump, le Canada a récemment annoncé un plan frontalier renforcé qui comprend des investissements supplémentaires de plus d’un milliard de dollars américains dans des domaines tels que le déploiement de drones, de tours de surveillance mobiles, d’agents au sein de nouvelles équipes canines et d’hélicoptères supplémentaires pour renforcer la frontière.  

Un autre domaine de coopération mutuellement bénéfique de longue date est celui de la défense aérienne continentale par l’intermédiaire du NORAD. Nos deux pays collaborent sous la bannière du NORAD depuis 70 ans. Nous sommes déterminés à renforcer ces liens et à accroître la collaboration dans le domaine de la défense, ce qui implique que le Canada s’engage à atteindre l’objectif de 2 % du PIB fixé par l’OTAN. 

En ce qui concerne notre partenariat économique, la relation entre le Canada et les États‑Unis fait l’envie du monde entier. 

  • En 2023, des biens et services d’une valeur d’environ 2,7 milliards de dollars américains ont franchi chaque jour la frontière canado‑américaine.
  • Trente-six États américains font du Canada leur premier marché d’exportation.
  • Les entreprises et les consommateurs canadiens achètent plus de biens aux États‑Unis que la Chine, le Japon et l’Allemagne réunis.
  • Près de la moitié des biens que les États‑Unis achètent au Canada sont des matières premières utilisées par les fabricants américains, ce qui contribue à la création d’emplois aux États‑Unis et à la compétitivité globale de l’Amérique du Nord. 

Nos économies constituent un partenariat tellement intégré que je dirais qu’elles sont effectivement « interconnectées ».

Cela est vrai dans de nombreux secteurs. Et le secteur de l’automobile en est un exemple. En effet, les pièces font l’objet de multiples allers-retours entre les deux pays avant de former un produit fini pouvant être vendu.

Mais il n’y a pas de domaine où la nature intégrée de nos économies est plus évidente que dans celui de l’énergie et des ressources clés, comme les minéraux critiques. En voici des exemples :

  • Le Canada fournit d’importantes quantités d’hydroélectricité à bas prix à plusieurs États américains par le biais de lignes de transport fixes. L’électricité canadienne alimente l’équivalent de six millions de foyers américains, soit plus que chaque foyer de l’État de l’Ohio.
  • Le Canada et les États‑Unis disposent d’un réseau intégré de pipelines qui crée des emplois et assure la sécurité énergétique. Nous fournissons environ quatre millions de barils par jour grâce à ce réseau. Il s’agit principalement de pétrole brut lourd, qui n’est pas produit aux États‑Unis. Or, les entreprises américaines ont investi massivement dans des raffineries complexes pour traiter le pétrole brut lourd canadien à bas prix. Les entreprises et les consommateurs américains en tirent des avantages en matière de coûts.
  • Il n’y a pas d’autres solutions économiquement viables pour les raffineries du Midwest américain. Et pour les raffineries américaines du Golfe, il existe une solution de rechange pour le pétrole brut lourd. Il s’agit du Vénézuéla, qui n’est guère un partenaire amical ou stable.
  • Cette relation est également réciproque : le pétrole américain est acheminé vers la côte est du Canada, où il contribue à la sécurité énergétique et à notre économie.
  • En ce qui concerne le gaz naturel, le gaz canadien alimente des régions des États‑Unis où l’approvisionnement local n’existe tout simplement pas, comme le nord-ouest du Pacifique et la Californie. Quant au gaz canadien expédié aux États‑Unis, il permet d’alimenter les installations de traitement et d’exportation de gaz naturel liquéfié aux États-Unis. 
  • Le Canada est le plus grand fournisseur de potasse. La potasse répond à la demande de la majorité des agriculteurs américains, qui l’utilisent comme engrais. La potasse canadienne limite les coûts de transport et permet de produire à bas prix les aliments que les familles américaines mettent sur leur table. La potasse permet également aux États‑Unis d’éviter de s’approvisionner auprès de pays moins fiables et plus hostiles, notamment la Russie.
  • Le Canada fournit également des quantités importantes d’uranium pour les centrales nucléaires. En fait, l’uranium canadien alimente actuellement l’équivalent de près de 20 millions de foyers américains. Une fois de plus, cela permet aux États‑Unis de réduire leur recours aux producteurs d’uranium moins fiables, comme la Russie.
  • En outre, le Canada fournit des quantités importantes de minéraux critiques, notamment du germanium, du zinc, du nickel, du cuivre et du graphite, qui sont utilisés dans toute une série de secteurs économiques américains, y compris des applications liées à la défense. Dans le domaine des minéraux critiques, la source d’approvisionnement alternative est généralement la Chine.

Dans le domaine de l’énergie et des ressources naturelles, les États-Unis ont besoin du Canada et vice-versa.

Les relations économiques entre les deux pays sont en effet bien équilibrées. En ce qui a trait au commerce qui n’est pas lié à l’énergie, les États-Unis ont un excédent commercial de plus de 50 milliards de dollars américains avec le Canada.

Dans le cas particulier de l’énergie, les États-Unis tirent parti de l’abondance de ressources que possède le Canada pour obtenir de l’énergie et des minéraux dont leur économie a besoin. Et ils obtiennent de l’énergie et des minéraux à faible coût, ce qui leur permet d’avoir accès à de l’énergie à un prix réduit; puis des milliers de travailleurs américains s’affairent à raffiner et à transformer ces ressources, pour finalement les vendre à un prix plus élevé au reste du monde. C’est une très bonne affaire pour les États-Unis. En 2023, les États-Unis ont exporté pour 122 milliards de dollars de produits pétroliers raffinés, ce qui équivaut sensiblement aux importations de pétrole brut du Canada. Autrement dit, les États-Unis ne peuvent pas dominer le marché de l’énergie sans l’énergie canadienne.

À l’heure actuelle, le Canada et les États-Unis tirent d’importants avantages mutuels du libre-échange qui existe entre nos pays respectifs. Et il est important pour les Canadiens et les Américains que cela se poursuive.

Il est donc un peu difficile pour moi de comprendre la discussion sur les droits imposés au Canada par les États-Unis. L’imposition de droits de douane au plus proche ami et partenaire économique des États-Unis causera sans aucun doute des difficultés financières aux familles canadiennes. Toutefois, cela fera aussi augmenter le prix de l’énergie et des aliments pour les consommateurs américains. Par exemple, dans le Midwest, les prix de l’essence pourraient augmenter jusqu’à 75 cents le gallon avec l’imposition de droits de douane de 25 %.

Et, en tant que pays démocratique souverain qui doit protéger ses propres intérêts nationaux, l’imposition injustifiée de droits de douane au Canada exigera nécessairement une réponse – et, en fin de compte, ce seront les citoyens de nos pays respectifs qui en paieront le prix.  

Plutôt que de s’engager dans une voie où, inévitablement, tous seront perdants, je propose quelque chose de complètement différent.

Selon moi, nous devrions en fait souligner et reconnaître les énormes avantages qui découlent des flux économiques déjà présents, et nous devrions miser davantage sur les réussites actuelles :

  • pour créer de la valeur et des emplois supplémentaires
  • pour accroître davantage la prospérité énergétique de nos deux pays
  • pour réduire collectivement notre dépendance actuelle à l’égard d’acteurs internationaux non alignés, notamment la Chine 

… et ce, en créant une alliance canado-américaine sur l’énergie et les minéraux. Cette alliance pourrait être l’une des priorités entre la nouvelle administration et le Canada pour nous permettre de réaliser notre vision commune, soit des factures d’énergie abordables, des économies fortes et stables, et une Amérique du Nord qui est son propre fournisseur d’énergie et un fournisseur d’énergie mondial.  

Permettez-moi de vous donner quelques exemples précis de la façon dont nous pouvons agir, à court terme, pour créer d’autres avantages mutuels, avantages qui créeront de la valeur partout aux États-Unis et au Canada :

  • Dans le domaine des minéraux critiques qui sont nécessaires pour l’énergie, ainsi que pour des applications dans le secteur de la défense et de l’aérospatiale, et qui sont exploités dans le Nord canadien et dans plusieurs provinces :
    • Il est possible d’investir conjointement dans un projet qui permettra d’accroître l’approvisionnement en germanium, ce qui permettrait aux États-Unis de cesser d’en acheter de la Chine. Il existe également des possibilités en ce qui concerne le gallium, un autre minéral important que la Chine a récemment indiqué qu’elle ne vendra plus aux États-Unis.
    • Nous pouvons également travailler à améliorer, à court terme, l’approvisionnement en scandium et en titane en provenance du Québec, deux minéraux importants pour des applications dans le secteur de la défense.
    • Nous pouvons aussi travailler ensemble sur le traitement des terres rares et l’augmentation de leur approvisionnement, réduisant une fois de plus l’exposition à la Chine et la dépendance à l’égard de celle-ci qui contrôle actuellement pratiquement toute la transformation des terres rares dans le monde.
  • En ce qui concerne l’uranium, nous avons la possibilité de travailler ensemble pour élargir l’accès à l’uranium canadien et de travailler conjointement pour compléter le cycle du combustible nucléaire, réduisant ainsi la dépendance à l’égard de la Russie et, ce faisant, améliorant la sécurité continentale. L’Ontario possède de l’expertise dans le domaine de la conception de petits réacteurs modulaires et de l’enrichissement de l’uranium.
  • Et des possibilités semblables existent en ce qui concerne la réduction de la dépendance à l’égard de la Russie pour la potasse. La Saskatchewan pourrait aider encore plus les agriculteurs américains avec de nombreux projets déjà en cours en Saskatchewan pour accroître la production.
  • Nous pouvons améliorer le flux de pétrole brut canadien en provenance de l’Alberta pour contribuer à la réalisation de l’objectif de l’administration Trump de domination mondiale dans le domaine de l’énergie, en travaillant ensemble notamment sur des projets comme l’amélioration de la capacité du réseau principal d’Enbridge.
  • Et nous pouvons travailler ensemble pour résoudre les problèmes entourant la canalisation 5, ce qui améliorerait la sécurité énergétique de plusieurs États du Midwest. 

Bien sûr, nous avons du travail à faire... nous, les Canadiens de même que les Américains. Nous devons rendre la délivrance de permis pour les grands projets plus efficace et tirer parti des possibilités qui s’offrent aux peuples autochtones de profiter économiquement de tels projets.

Il y a beaucoup de possibilités qui peuvent être avantageuses pour les deux pays. Mais rien de tout cela n’est possible si nous nous engageons dans des mesures de représailles.

 

Les deux pays ont un vif intérêt pour les mêmes objectifs ou résultats, et il y a un élan pour une coopération renouvelée et renforcée à une époque d’incertitude géopolitique.

Laissons nos deux pays indépendants et souverains utiliser cet effort conjoint renouvelé comme fondement pour améliorer la coopération et accroître les avantages mutuels dans une foule d’autres domaines.

Il y a en effet un potentiel énorme si nous travaillons ensemble pour assurer la production et la fabrication terrestres, veiller simultanément à ce que l’accès à l’énergie et aux minéraux critiques existe à l’intérieur de nos frontières collectives – et faire en sorte que nous ne puissions pas être pris en otage par des pays et des acteurs qui ne partagent pas nos valeurs et qui peuvent être intrinsèquement peu fiables.

J’ai commencé mon intervention en mentionnant que le Canada est le pays du hockey. Au hockey, il y a eu des dizaines de duos impressionnants : Gretzky et Kurri pour les Oilers d’Edmonton, Phil Esposito et Bobby Orr pour les Bruins de Boston, Sidney Crosby et Evgeni Malkin pour les Penguins de Pittsburgh.

Mais sur la scène mondiale, il n’y a qu’un seul partenariat qui se démarque vraiment : le Canada et les États-Unis.

  • Nos interconnexions économiques soutiennent les emplois des deux côtés de la frontière.
  • Nous avons combattu côte à côte lors de deux guerres mondiales.
  • Et nous intervenons régulièrement pour aider activement à faire face aux crises qui surviennent dans l’autre pays, comme c’est le cas actuellement avec les terribles feux de forêt en Californie.

Qu’il s’agisse de hockey ou peut-être de football, l’effort collectif d’une équipe est souvent ce qui détermine sa réussite ou son échec sur la glace… ou sur le terrain. Il ne fait aucun doute qu’un joueur talentueux peut changer le cours des choses. Toutefois, une équipe bien coordonnée est habituellement invincible. Telle est la relation entre le Canada et les États-Unis en matière d’énergie et de minéraux.

Plutôt que de chercher à ériger des barrières qui entraveront les flux commerciaux, augmenteront les coûts pour les citoyens des deux côtés de la frontière et rendront les deux pays moins sécuritaires, engageons-nous dans une conversation en vue de saisir les occasions importantes qui existent actuellement pour créer une valeur commune supplémentaire et renforcer la sécurité collective. Ou en d’autres termes, nous devrions former une véritable alliance dans le domaine de l’énergie et des minéraux.

Encore une fois, je vous remercie de m’avoir invité à prendre la parole devant vous aujourd’hui et j’ai hâte d’en discuter davantage avec vous.

Merci

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