Discours prononcé par l’honorable Tim Hodgson à l’occasion du sommet du Conseil de l’Atlantique sur l’avenir de la sécurité énergétique
Discours
Le 29 octobre 2025
Le discours prononcé fait foi
Bonjour à tous, Good afternoon!
Je tiens à signaler que nous nous trouvons sur le territoire ancestral de nombreuses nations – dont les Mississaugas de Credit, les Chippewa, les Haudenosaunee et les Wendats –, où habitent aujourd’hui bon nombre de peuples des Premières Nations, inuits et métis.
D’ailleurs, la ville de Toronto est visée par le Traité n° 13 signé avec les Mississaugas de Credit et par les Traités Williams signés avec plusieurs bandes Mississaugas et Chippewa.
Il n’est pas exagéré de dire que nous nous rencontrons aujourd’hui à un moment charnière.
Les pays qui ont établi l’ordre économique mondial après la Deuxième Guerre mondiale le réorganisent aujourd’hui. Nous sommes à mi-chemin entre 2000 et 2050, année cible pour la carboneutralité. L’intelligence artificielle a porté un coup dur – ou donné un coup de fouet – aux plans les mieux conçus et impose des choix urgents en matière de gouvernance, de biais, de sécurité et d’autonomie des données.
Le multilatéralisme se transforme en mercantilisme. Les chaînes d’approvisionnement deviennent la cible de manipulations de la part d’économies non marchandes. L’énergie devient un outil de pression politique. Les frontières entre sécurité économique, sécurité nationale et sécurité énergétique n’existent plus.
Dans ce contexte, la séance d’aujourd’hui, ainsi que la réunion du G7 de demain, ne pourra pas être une simple table ronde sur les politiques. Il doit s’agir d’une séance d’information sur l’économie du monde libre : un lieu où nous définissons la voie à suivre pour assurer la sécurité énergétique, mobiliser des capitaux et déployer à plus grande échelle des technologies qui nous procurent un avantage.
Cela dit, je crois fermement que nous pouvons tirer le meilleur parti de ce moment, grâce à la diplomatie, à la coopération et à des politiques intelligentes. Le G7 est un outil extraordinairement puissant qui nous permet d’y parvenir.
Je le sais, parce que la situation actuelle nous rappelle les origines du G7 lui‑même.
Il y a un demi-siècle, un choc pétrolier frappait l’économie mondiale : les prix ont monté en flèche, la croissance a ralenti, l’inflation a bondi. L’effondrement du système de taux de change fixes de Bretton Woods a créé le chaos sur les marchés monétaires internationaux.
Pour y remédier, en novembre 1975, les dirigeants de six démocraties industrielles ont formé un cabinet de crise : le G6. Un an plus tard, le Canada l’a rejoint, et le G6 est devenu le G7.
Il ne s’agissait pas simplement de parler pour parler, comme c’est parfois le cas dans les forums multilatéraux ces temps-ci. Il revenait aux grandes démocraties du monde de prendre des mesures structurées et de préserver la stabilité et la croissance, grâce à la coopération. Et ça a fonctionné. Dans les années 1970, le G7 s’est efforcé d’harmoniser ses plans, de réduire les risques sur les marchés, de maintenir les citoyens au travail et de veiller à ce que la pénurie d’énergie ne soit pas utilisée pour exercer des pressions sur nos pays.
Cet ADN fondateur – une alliance qui évolue rapidement lorsque l’énergie devient une arme – demeure l’héritage déterminant du G7.
Mais à l’heure actuelle, il faut que ce soit plus qu’un héritage. Aujourd’hui, comme je viens de le dire, nous faisons face à un nouveau type de crise énergétique, façonnée par les pressions géopolitiques, les changements climatiques et les perturbations technologiques. Tout comme le G7 a été le point d’ancrage de la réponse mondiale aux chocs pétroliers, il doit aujourd’hui jouer un rôle de premier plan dans l’élaboration d’un nouvel ordre énergétique sûr, durable et fondé sur le marché.
La sécurité énergétique est le premier pilier à construire pour affronter cette crise.
Les événements récents ont fait ressortir une vérité sans équivoque : nos démocraties ne peuvent pas se permettre d’être complaisantes ou de dépendre de fournisseurs qui ne partagent pas nos valeurs.
À l'extrémité du spectre, nous avons vu la Russie utiliser l’énergie comme arme contre l’Ukraine et pour exercer des pressions sur l’Europe. Cette réalité a redéfini le paradigme énergétique, mettant en évidence la valeur stratégique des systèmes nationaux durables qui préservent la stabilité et la liberté d’action.
L’abordabilité de l’énergie est le deuxième pilier à construire pour affronter cette crise. Face à l’instabilité des prix, la politique doit refléter les préoccupations du quotidien.
Nous devons nous efforcer d’offrir à nos citoyennes et citoyens des factures d’énergie moins élevées et plus prévisibles, sans sacrifier la sécurité ou nos ambitions climatiques. Cela signifie qu’il faut accroître l’efficacité énergétique et affiner la conception du marché, accélérer l’approvisionnement propre, ferme et flexible, moderniser les réseaux pour réduire les coûts de congestion et diversifier les combustibles et le commerce pour éviter qu’un seul choc ne fixe les prix. L’accessibilité, ce n’est pas un slogan. Il s’agit de déterminer si notre système énergétique est au service de la population, s’il renforce la compétitivité et s’il mène au consentement du public pour la transition.
Chaque démocratie a donc un choix à faire : se tenir aux côtés de ses partenaires pour bâtir une souveraineté énergétique, des moyens de subsistance abordables et justes, et des économies de marché libres et prospère; ou dériver vers une vulnérabilité face à ceux qui voudraient réorganiser le monde à leurs propres fins. Dans un monde aussi controversé, il n’y a pas de juste milieu.
C’est pourquoi le gouvernement ici au Canada a adopté une position opérationnelle d’édification nationale.
Comme le premier ministre du Canada l’a indiqué, et comme vous le verrez dans notre premier budget la semaine prochaine, nous transformerons le mode de fonctionnement du gouvernement. Pour ce faire, il faudra :
- prendre plus de mesures, tout en réduisant les formalités administratives;
- concentrer sans relâche l’argent public là où il permet de débloquer stratégiquement l’investissement privé;
- équilibrer le budget de fonctionnement selon un calendrier crédible de trois ans, afin que les capitaux soient assurés et abordables;
- accroître considérablement nos exportations d’ici 2035, pour générer 300 milliards de dollars en nouveaux échanges commerciaux, et ainsi financer les services publics que nous sommes fiers d’offrir à la population canadienne.
En termes clairs, nous agirons plus rapidement, nous gaspillerons moins et nous construirons et exporterons l’énergie, les ressources naturelles, les produits manufacturés et les produits agricoles qui consolident notre économie et nos alliances.
Ce ne sera pas chose facile, mais ce qui en vaut la peine l’est rarement. Et nous savons qu’il y a des clients intéressés de l’autre côté. En fait, les pays situés de l’autre côté de l’océan ne cessent de me dire que nous avons ici, au Canada, ce qu’ils veulent et ce dont ils ont besoin pour faire tourner leur économie.
Notre proposition de valeur pour les alliés et les investisseurs est claire : la primauté du droit; l’échelle et la diversité des ressources; une ingénierie de calibre mondial; et un centre financier capable de mobiliser des capitaux mondiaux.
Mais pendant trop longtemps nous avons sous-exploité le potentiel de cette proposition de valeur. Aujourd’hui, nous n’avons plus de temps pour les demi-mesures ou les lenteurs. L’heure est venue d’agir avec audace, de prendre des décisions claires et de retrouver un esprit de croissance.
Cela signifie que le Canada et les Canadiens doivent se remettre en question et recadrer la conversation nationale. Plus besoin de se demander : « Pourquoi bâtir? » La vraie question, c’est : « Comment y arriver? » Cela signifie qu’il faut éliminer les obstacles et les lourdeurs administratives. Cela signifie également qu’il faut agir de manière responsable dès le départ, c’est-à-dire respecter notre obligation de consultation pour que les peuples autochtones soient de véritables partenaires et protéger notre environnement pour éviter d’avoir à réparer nos erreurs plus tard.
Comprenez-moi bien. Dans la nouvelle économie que nous sommes en train de bâtir, le Canada ne sera plus défini par des retards. Nous serons définis par nos résultats.
À quoi ressemblent nos résultats? Cela commence par une vision : faire du Canada une superpuissance des énergies classiques et propres et des ressources naturelles.
Pour être une superpuissance énergétique moderne, il faut assurer la fiabilité et la décarbonation en réduisant l’utilisation du pétrole et du gaz à faibles émissions, en prolongeant la durée de vie des centrales nucléaires et en construisant de petits réacteurs modulaires (PRM), en produisant de l’énergie renouvelable abordable et bien intégrée, en séquestrant le carbone à grande échelle et en mettant en place des chaînes de valeur de bout en bout pour les minéraux critiques.
Cela signifie qu’il faut à la fois garantir l’abordabilité et la sécurité de l’énergie ici, au pays, et travailler avec nos partenaires pour garantir les leurs. Nous pouvons y arriver grâce à nos exportations, qu’il s’agisse de gaz naturel liquéfié à faible intensité carbone, d’uranium qui permet de créer des cycles de combustible nucléaire sûrs, de technologies qui facilitent la transition énergétique et construisent des réseaux sécurisés, ou des minéraux critiques dont ont besoin le secteur de la défense et l’industrie manufacturière de pointe.
Les projets dans ces domaines permettront non seulement d’injecter des capitaux énormes dans notre économie, de créer de nouveaux emplois pour les Canadiennes et les Canadiens d’un océan à l’autre et de libérer le véritable potentiel de nos ressources, mais aussi de rendre notre pays plus sûr sur le plan énergétique qu’il ne l’a été au cours des dernières décennies.
Nous savons que nous devons agir rapidement. C’est pourquoi le gouvernement a créé le Bureau des grands projets, un guichet fédéral unique pour les projets d’intérêt national. Son travail consiste à combler les lacunes en matière de réglementation et de délivrance des permis, à assurer la coordination avec les provinces et les territoires et à veiller à ce que les plans de financement puissent être réalisés de manière à ce que les projets susceptibles d’être financés obtiennent un « oui » en temps voulu.
Pour la première série de projets qui seront désignés comme projets d’intérêt national, la norme est claire : publier le chemin critique, atteindre les jalons et rendre compte des résultats. C’est ainsi que les notes d’investissement deviennent des calendriers de construction.
Tant pour les projets d’intérêt national que pour la croissance par l’entremise d’autres filières, nous nous concentrons sur quelques thèmes, qui comportent tous d’importantes considérations en matière de sécurité, d’économie et de climat.
Le premier thème concerne les corridors énergétiques stratégiques : le GNL là où nos alliés en ont besoin maintenant; les pôles de CUSC qui maintiennent la compétitivité de l’industrie lourde tout en réduisant le nombre d’émissions; et les interconnexions électriques qui renforcent la fiabilité, intègrent l’énergie propre et permettent aux provinces et aux territoires de compter davantage les uns sur les autres.
La deuxième thème est notre stratégie pour les minéraux critiques. Nous avons confié au Bureau des grands projets deux projets miniers de calibre mondial, la mine Foran en Saskatchewan et la mine Red Chris en Colombie-Britannique. Mais nous ne nous intéressons pas seulement aux mines. Nous cherchons également à accroître les activités de transformation, de raffinage et de recyclage au Canada, afin de réduire les risques liés aux chaînes d’approvisionnement des pays alliés et d’accroître la valeur ajoutée au pays.
Un autre thème important est celui de l’énergie nucléaire de prochaine génération, y compris le prolongement de la durée de vie des centrales actuelles pour protéger la production d’électricité de base sans émission ainsi que les PRM pour alimenter en électricité les collectivités, les mines et l’industrie en électricité de base propre. En fait, la semaine dernière, j’étais au complexe nucléaire de Darlington avec le premier ministre du Canada et le premier ministre de l’Ontario [Doug Ford] pour l’annonce d’un investissement supplémentaire de 3 milliards de dollars dans leur projet de PRM, qui fera du Canada le premier pays du G7 à disposer d’un PRM opérationnel.
Le dernier thème que je mentionnerai aujourd’hui est celui des infrastructures commerciales qui permettent d’acheminer notre énergie, nos biens et nos produits vers de nouveaux marchés. Nous recherchons des projets qui permettent d’augmenter le débit des exportations et d’éliminer les goulots d’étranglement dans les chaînes d’approvisionnement, coordonnés par l’entremise du Bureau des grands projets au moyen d’un guichet unique de délivrance de permis et de cadres de partenariat avec les Autochtones.
J’espère qu’il est clair que la mise à profit de nos ressources et la relance de la construction pour stimuler la croissance économique et la sécurité énergétique au Canada sont des priorités absolues.
Mais le Canada n’a jamais été un pays centré sur lui-même. N’importe quel Canadien ou Canadienne sait que la sécurité, la paix et la démocratie pour nos alliés, c’est aussi la sécurité, la paix et la démocratie chez nous.
Cette semaine, alors que la ministre de l’Énergie de l’Ukraine [Svitlana Grynchuk] se joint à nous, ici, à Toronto, nous sommes confrontés au fait évident que pour l’Ukraine, la sécurité énergétique n’est pas une question de politique abstraite – c’est une réalité pour laquelle ils doivent se battre dans leur théâtre de guerre. Lorsqu’un assaillant hostile ennemi de la démocratie s’en prend aux réseaux électriques, au stockage de gaz et au transport d’énergie, il ne s’attaque pas seulement à l’infrastructure, mais aussi à la capacité de personnes libres à vivre une vie ordinaire et pleine d’espoir.
L’Ukraine est la frontière de la démocratie. C’est le point de rencontre entre la résilience du système énergétique et la survie nationale. Le Canada est aux côtés de l’Ukraine et de tous ceux qui luttent pour la sécurité énergétique, et nous nous efforçons de soutenir nos amis en Ukraine.
Aujourd’hui, j’annonce deux mesures concrètes que nous prenons à cet égard.
Tout d’abord, à compter de cette année, Ressources naturelles Canada appuiera les secteurs de l’arpentage, de la construction et du génie de l’Ukraine en fournissant un système de positionnement GNSS/GPS moderne et de haute précision. Nous avons entamé un transfert de technologie des Levés géodésiques du Canada de RNCan vers le StateGeoCadastre de l’Ukraine, ce qui permettra d’obtenir des renseignements très précis même lorsque les stations terrestres et l’infrastructure géodésique ont été endommagées par la guerre.
Ce sera extrêmement utile pour la reconstruction des infrastructures essentielles dans les domaines de l’énergie, des transports, de l’agriculture, de la gestion de l’eau, de l’arpentage et du génie civil.
Deuxièmement, cet été, des scientifiques de RNCan se sont rendus en Lituanie pour former des scientifiques ukrainiens à l’utilisation de compteurs d’énergie et d’outils de planification énergétique dans les camps militaires. Dans les situations de pénurie d’énergie, les camps militaires temporaires sont souvent les plus durement touchés. Les pratiques et les technologies d’économie d’énergie peuvent donc apporter aux soldats une certaine assurance et une certaine résilience. Au bout du compte, notre objectif est de traduire les données et la technologie en avantages opérationnels et en vies protégées.
Ces projets sont des instruments de solidarité aux résultats mesurables : économies de carburant, renforcement des actifs, accélération des reconstructions. Ils aideront l’Ukraine à remporter la victoire et nous aideront tous à sécuriser la prochaine décennie.
Car, en fin de compte, la sécurité énergétique est un sport d’équipe. En tant que président du G7, le Canada espère être une source d’inspiration, un entraîneur et un capitaine d’équipe. Mais au final, nous sommes prêts à jouer à n’importe quelle position pour aider nos co-équipiers. J’entends le faire savoir clairement et présenter à nos alliés, au cours des deux prochains jours, la proposition de valeur du Canada, telle qu’elle a été décrite précédemment.
Comme l’a dit un grand Canadien, Marshall McLuhan : « Il n’y a aucun passager sur la navette Terre; nous sommes tous des membres de l’équipage. » En cette période d’urgence, tout le monde a un rôle à jouer : les gouvernements, les investisseurs, les travailleurs, les innovateurs et les nations alliées – côte à côte, projet par projet.
J’espère que, lorsque cette rencontre du G7 se terminera vendredi, nous aurons donné à nos sept pays, et à tous nos alliés, des instructions claires afin :
- de sécuriser le gaz naturel en tant qu’outil de transition gérée;
- de développer l’énergie propre, y compris le nucléaire;
- de s’aligner sur une planification responsable de l’intelligence artificielle et de l’énergie, de sorte que le développement de l’informatique renforce nos systèmes au lieu de les mettre sous pression;
- d’organiser notre soutien au système énergétique ukrainien.
Tel est le programme de ce sommet du Conseil de l’Atlantique, converti en actions.
Il y a exactement un demi-siècle, les fondateurs du G7 ont transformé une crise en plan, et un plan en action coordonnée. On dit que ceux qui ne tirent pas de leçons du passé sont condamnés à répéter les mêmes erreurs, mais dans notre cas, répéter le succès initial de l’Alliance est exactement ce vers quoi nous tendons.
Ou bien nous agissons de toute urgence, ou bien nous acceptons des risques plus grands, des prix plus élevés et un avenir plus lent. Pour des alliés comme l’Ukraine, si nous n’agissons pas de toute urgence, nous acceptons également la fin de l’ordre démocratique fondé sur des règles tel que nous le connaissons.
Le Canada n’acceptera pas cette situation. Nous optons plutôt pour l’action. Force au pays, harmonisation à l’international.
Notre parole a de la valeur. Nos ressources sont vastes. Nos travailleurs sont prêts. Nos alliés attendent.
Que ce moment de crise ouvre une nouvelle ère de force sous la forme de chaînes d’approvisionnement en énergie et en minéraux critiques fiables, responsables et résilientes. Que vous soyez exploitant de lignes à Windsor, entrepreneur en technologies propres à Tokyo ou jeune famille à Kharkiv, vous pouvez planifier votre vie en ayant confiance dans la liberté et la sécurité que vous méritez et dans l’énergie qui sous-tend tout cela.
Merci.