Lettre de la Ministre de la santé à l’appui de traitement et l’approvisionnement plus sécuritaire

Cette lettre a été envoyée aux ministres provinciaux et territoriaux de la Santé et aux collèges réglementaires afin d’encourager l’action à tous les niveaux pour mieux offrir aux personnes qui consomment des drogues un éventail complet d’options d’accès pour recevoir des soins de la part des praticiens. Il s’agit notamment d’améliorer l’accès à des solutions de rechange de qualité pharmaceutique à l’approvisionnement en drogues illégales contaminées pour les personnes exposées à un risque de surdose.

24 août 2020

Chers collègues,

Je vous écris aujourd'hui pour vous faire part de ma sincère préoccupation quant aux effets nocifs constants et grandissants que subissent les Canadiens qui souffrent de problèmes de consommation de substances. Je sollicite votre soutien pour prendre des mesures concrètes afin de remédier à ces effets nocifs grandissants et de mieux protéger la santé, la sécurité et la vie de ces Canadiens.

Comme vous le savez, la crise des surdoses a été l'une des plus importantes crises de santé publique de l'histoire récente du Canada. Entre janvier 2016 et décembre 2019, près de 15 400 Canadiens ont perdu la vie à la suite de causes apparemment associées aux opioïdes.

Tragiquement, dans de nombreuses régions du pays, la pandémie du nouveau coronavirus (COVID-19) aggrave la crise des surdoses, ainsi que d'autres effets graves associés à la consommation de substances. Selon plusieurs indications, l'approvisionnement dans la rue devient encore plus imprévisible et toxique en raison de la perturbation des réseaux d'approvisionnement. Les risques pour les consommateurs de drogues sont en outre exacerbés par la pression qui pèse actuellement sur les services de soutien pendant la pandémie de COVID-19.

Nous constatons actuellement l'incidence dévastatrice de la convergence de ces crises. Par exemple, en juin 2020, le British Columbia Coroners Service a fait état de 175 décès dus à la toxicité des drogues illégales, ce qui représente le plus grand nombre de décès jamais enregistré pour un seul mois dans l'histoire de cette province. Pour mettre les choses en perspective, il s'agit du même nombre de personnes qui sont mortes de la COVID-19 au cours des six derniers mois en Colombie-Britannique. En Ontario, il y a eu une augmentation de 25 p. cent des décès causés par des surdoses entre mars et mai 2020 par rapport à la même période l'année dernière. Alberta Health Services a également signalé une augmentation importante du nombre d'appels d'urgence concernant des opioïdes en mai de cette année. Les nouvelles quotidiennes font état d'une augmentation des surdoses dans les communautés de partout au pays.

Tous les ordres de gouvernement et les professionnels de la santé doivent prendre des mesures immédiates pour éviter de nouveaux décès dus à l'approvisionnement en drogues illicites contaminées et à la COVID-19.

Je m'adresse à vous, ministres de la Santé, régulateurs des professions du secteur de la santé et organisations représentant les professionnels de la santé, pour vous demander de faire tout ce qui est en votre pouvoir pour contribuer à offrir aux personnes qui consomment des drogues un éventail complet d'options d'accès aux médicaments, en fonction de leur situation individuelle, qui les aideront à éviter les risques accrus associés à l'approvisionnement en substances toxiques. Ceci inclut votre soutien aux programmes qui offrent un meilleur accès à une solution de rechange plus sécuritaire et de qualité pharmaceutique aux substances toxiques provenant de la rue.

Les pratiques exemplaires établies pour le traitement de la consommation problématique d'opioïdes comprennent divers médicaments oraux, y compris la buprénorphine-naloxone, la méthadone et la morphine orale à libération lente. Pour les patients qui ne répondent pas bien à ces thérapies traditionnelles par agonistes opioïdes, l'hydromorphone et la diacétylmorphine (héroïne de qualité pharmaceutique) injectables sur ordonnance ont réussi à stabiliser et à maintenir la santé de certains patients souffrant de trouble lié à l'utilisation d'opioïdes dans un contexte clinique.

Les résultats de ces programmes au Canada, en Suisse, en Allemagne et au Royaume-Uni ont démontré des effets bénéfiques considérables sur la santé, améliorant la santé physique et mentale des patients. L'Initiative canadienne de recherche sur l'abus de substances (ICRAS) a élaboré des lignes directrices sur le traitement par agonistes opioïdes injectables, et l'Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé a publié une revue rapide de la preuve clinique et de la rentabilité du traitement par agonistes opioïdes injectables pour les patients souffrant de dépendance aux opioïdes.

Santé Canada a pris des mesures pour rendre ces médicaments plus accessibles. En mai 2019, le Ministère a approuvé l'utilisation d'hydromorphone injectable par des praticiens de santé qualifiés comme traitement pour les adultes souffrant d'un grave trouble lié à l'utilisation d'opioïdes. En avril 2019, sur recommandation de la Dre Theresa Tam, l'administratrice en chef de la santé publique du Canada, la diacétylmorphine (héroïne de qualité pharmaceutique) a été ajoutée à la Liste des drogues pour un besoin urgent de santé publique, ce qui a permis à toutes les provinces et tous les territoires d'importer ce médicament pour le traitement du trouble lié à l'utilisation d'opioïdes. Le traitement à la diacétylmorphine a été approuvé dans certains pays, dont la Suisse, le Royaume-Uni, l'Allemagne et les Pays-Bas.

Le fait d'offrir une solution de rechange de qualité pharmaceutique aux drogues toxiques qu'il est possible de se procurer dans la rue (soit un approvisionnement plus sécuritaire), que ce soit dans le cadre d'un traitement ou comme mesure de réduction des risques, peut aider les personnes qui consomment des drogues en réduisant leur risque de surdose, d'infection et de sevrage. Au début de la pandémie, Santé Canada a autorisé une exemption temporaire à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances pour faciliter la prescription à l'aide d'options de traitement flexibles (par exemple, en permettant aux prescripteurs d'utiliser des ordonnances verbales pour les stupéfiants et aux pharmaciens de prolonger et renouveler les ordonnances) afin d'aider les patients à respecter les conseils d'éloignement social et d'auto-isolement. Cette exemption, qui devait initialement expirer à la fin du mois de septembre 2020, a été prolongée jusqu'au 30 septembre 2021 par Santé Canada, compte tenu de la persistance de la pandémie de COVID-19.

Le Ministère finance également plusieurs projets pilotes d'approvisionnement plus sécuritaire par l'intermédiaire du Programme sur l'usage et les dépendances aux substances. Ces projets novateurs seront évalués afin de constituer une base de données probantes relative à l'approvisionnement plus sécuritaire en vue de favoriser la généralisation de modèles efficaces.

Malgré les efforts mentionnés ci-dessus, plusieurs intervenants font savoir au Ministère que des obstacles à l'accès à des solutions de rechange de qualité pharmaceutique aux drogues toxiques qu'il est possible de se procurer dans la rue subsistent, que ce soit à des fins de traitement ou de réduction des risques. De nombreuses personnes qui consomment des drogues ne sont pas en mesure de trouver des praticiens pour leur fournir le traitement ou l'accès à un approvisionnement plus sécuritaire. Certains médecins indiquent qu'ils ne se sentent pas appuyés par leurs collèges réglementaires ni suffisamment informés, et que le coût des médicaments peut constituer un obstacle pour certains.

Je vous encourage à examiner votre sphère d'influence et à vous efforcer d'éliminer les obstacles qui empêchent la concrétisation d'un approvisionnement plus sécuritaire en cette période sans précédent. Envisagez les mesures que vous pourriez prendre pour permettre aux prestataires de services de votre administration de tirer parti de la flexibilité réglementaire qui est en place à l'échelle fédérale et d'améliorer l'accès aux solutions de rechange de qualité pharmaceutique pour les personnes qui consomment des drogues. Je sais que des mesures importantes ont été mises en place pour réduire la prescription excessive d'opioïdes, ce qui est louable et nécessaire. Toutefois, nous devons trouver un équilibre entre cet objectif et les besoins des personnes exposées à un risque élevé de surdose, en veillant à ce que les professionnels de la santé se sentent dotés des outils nécessaires et soutenus pout prescrire des médicaments à des fins de traitement ou de réduction des méfaits sans crainte de représailles.

De nombreuses ressources sont disponibles pour guider les prestataires dans leur démarche, comme les documents d'orientation de l'ICRAS mentionnés ci-dessus et leurs six lignes directrices nationales rapides, qui ont été élaborés pour répondre aux besoins urgents des consommateurs de substances, des prestataires de services et des décideurs en lien avec la pandémie de COVID-19. Santé Canada a également mis au point une trousse d'outils pour clarifier la prescription pour le traitement du trouble lié à la consommation de substances et pour assurer un approvisionnement plus sécuritaire.

Il est primordial de reconnaître que le trouble lié à la consommation de substances est un problème de santé et social, et de traiter les personnes qui consomment des drogues avec compassion tout en leur apportant le soutien dont elles ont besoin. Sachez que je suis prête à collaborer avec vous pour que nous puissions déterminer la manière de faire évoluer ces questions et atteindre l'objectif commun de sauver des vies et de prévenir les effets néfastes.

Je vous prie d'agréer, Madame, Monsieur, l'expression de mes sentiments les meilleurs.

L'honorable Patty Hajdu, C.P., députée

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