Renseignements destinés aux professionnels de la santé : Le cannabis (marijuana, marihuana) et les cannabinoïdes
Plante séchée ou fraîche et huile destinées à l'administration par ingestion ou par d'autres moyens
Agent psychoactif
Le présent document a été préparé par la Direction générale de la légalisation et réglementation du cannabis de Santé Canada pour fournir des renseignements sur l'usage du cannabis (marihuana) et des cannabinoïdes à des fins médicales. Le présent document est un résumé d'articles scientifiques examinés par les pairs et de revues internationales sur les utilisations thérapeutiques possibles et sur les effets néfastes du cannabis et des cannabinoïdes. Ce document ne se veut pas exhaustif et devrait être utilisé en complément avec d'autres sources fiables d'information. Ce document n'est pas une revue systématique ou une méta-analyse de la littérature; une évaluation rigoureuse de la qualité et de la véracité des données disponibles n'a pas été effectuée, et une côte de la qualité des données n'a pas été attribuée. Même si son format s'y apparente, ce document n'est pas une Monographie de produit de médicament qui est un document requis lorsqu'un produit reçoit un Avis de conformité en autorisant la vente au Canada.
Ce document ne saurait être interprété comme constituant l'expression de conclusions ou des opinions de Santé Canada sur l'usage adéquat du cannabis (marihuana) ou des cannabinoïdes à des fins médicales.
Le cannabis n'est pas un produit thérapeutique approuvé, sauf si un produit du cannabis spécifique a obtenu un numéro d'identification de médicament (DIN) et un avis de conformité (AC). La présentation de cette information ne doit pas être interprétée comme une approbation par Santé Canada de l'usage de ce produit ou du cannabis et des cannabinoïdes en général.
Préparé par Santé Canada
Date de la version la plus récente : Printemps 2018
Déclaration de réactions indésirables à des produits à base de cannabis (marihuana, marijuana)
Signaler les effets indésirables associés à la consommation de cannabis et de produits du cannabis est importante afin de pouvoir recueillir des renseignements essentiels concernant les dangers potentiels du cannabis et des produits du cannabis à des fins médicales. Lorsque vous signalez des réactions indésirables, veuillez fournir autant de renseignements que possible, y compris le nom du producteur autorisé, le nom de la marque du produit, le nom de la souche et le numéro de lot du produit utilisé en plus de tout autre renseignement complémentaire sur le formulaire de déclaration des réactions indésirables. Fournir à Santé Canada l'information la plus complète possible au sujet des réactions indésirables aidera Santé Canada à effectuer tout suivi et à prendre toute action qui pourrait être nécessaire.
Toutes les réactions indésirables soupçonnées associées à l'utilisation de cannabis et de produits à base de cannabis (séchée ou fraîche ou sous forme d'huile) à des fins médicales doivent être signalées auprès du Programme Canada Vigilance par l'un des trois moyens suivants :
- En ligne
- En appelant le numéro sans frais 1-866-234-2345
- En remplissant le formulaire de déclaration des réactions indésirables du Programme Canada Vigilance et en l'envoyant :
- par télécopieur (sans frais) au 1-866-678-6789;
- par courrier à l'adresse :
Programme Canada Vigilance
Santé Canada
Indice de l'adresse 0701D
Ottawa (Ontario) K1A 0K9
Vous trouverez des étiquettes affranchies, le formulaire de déclaration de Canada Vigilance et les lignes directrices pour la déclaration des effets indésirables sur le site Web de MedEffetMC Canada.
TABLE DES MATIÈRES
- Liste des figures et des tableaux
- Liste des abréviations
- Paternité de l'œuvre et remerciements
- Aperçu des énoncés récapitulatifs
- 1.0 Le système endocannabinoïde
- 2.0 Pharmacologie clinique
- 3.0 Posologie
- 4.0 Usages thérapeutiques possibles
- 4.1 Soins palliatifs
- 4.2 Qualité de vie
- 4.3 Nausées et vomissements induits par la chimiothérapie
- 4.4 Syndrome cachectique (cachexie, p. ex. résultant de la blessure des tissues par l'infection ou d'une tumeur) et perte de l'appétit (anorexie) chez les patients atteints du SIDA ou d'un cancer, et de l'anorexie mentale
- 4.5 Sclérose en plaques, sclérose latérale amyotrophique, traumatisme médullaire et les maladies de la moelle épinière
- 4.6 Épilepsie
- 4.7 Douleur
- 4.7.1 Douleur aiguë
- 4.7.2 Douleur chronique
- 4.7.2.1 Douleur inflammatoire et neuropathique chronique induite expérimentalement
- 4.7.2.2 Douleur neuropathique et douleur chronique non cancéreuse chez l'humain
- 4.7.2.3 Douleur causée par un cancer
- 4.7.2.4 Effet « d'épargne en opiacés » et la synergie cannabinoïdes-opioïdes
- 4.7.2.5 Céphalées et migraines
- 4.8 Arthritides et troubles musculosquelettiques
- 4.9 Autres maladies et symptômes
- 4.9.1 Troubles du mouvement
- 4.9.2 Glaucome
- 4.9.3 Asthme
- 4.9.4 Hypertension
- 4.9.5 Stress et troubles psychiatriques
- 4.9.6 Maladie d'Alzheimer et démence
- 4.9.7 Inflammation
- 4.9.8 Troubles du système gastro-intestinal (syndrome du côlon irritable, maladie intestinale inflammatoire, hépatite, pancréatite, syndrome métabolique/obésité)
- 4.9.8.1 Syndrome du côlon irritable
- 4.9.8.2 Maladies inflammatoires de l'intestin (maladie de Crohn, colite ulcéreuse)
- 4.9.8.3 Maladies du foie (hépatite, fibrose, stéatose, lésion de reperfusion de l'ischémie, encéphalopathie hépatique)
- 4.9.8.4 Syndrome métabolique, obésité, diabète
- 4.9.8.5 Maladies du pancréas (diabète, pancréatite)
- 4.9.9 Propriétés antinéoplasiques
- 4.9.10 Nouvelles utilisations thérapeutiques possibles
- 5.0 Précautions
- 6.0 Mises en garde
- 7.0 Effets indésirables
- 8.0 Surdose/toxicité
- Références
Liste des figures et des tableaux
Figures
Figure 1
Le système endocannabinoïde dans le système nerveux
Figure 2
Pharmacocinétique du THC
Figure 3
Algorithme clinique proposé à l'intention des médecins qui envisagent d'appuyer l'usage thérapeutique du cannabis chez un patient souffrant de douleur neuropathique chronique incurable
Tableaux
Tableau 1
Actions pharmacologiques sélectionnées du cannabis/cannabinoïdes psychoactifs
Tableau 2
Recommendations pour l'évaluation et la gestion des patients
Tableau 3
Relation entre le pourcentage de THC présent dans la matière végétale et la dose (en mg de THC) disponible dans un joint moyen
Tableau 4
Comparaison entre le cannabis et les médicaments sur ordonnance à base de cannabinoïdes
Tableau 5
Essais cliniques positifs, randomisés, à double insu et contrôlés par placebo publiés sur le cannabis fumé et le cannabis vaporisé et les bienfaits thérapeutiques connexes
Liste des abréviations
- 2-AG :
- 2-arachidonoylglycérol
- 5-ASA :
- acide 5-aminosalicylique (5-aminosalicylic acid)
- 5-HT :
- 5-hydroxytryptamine
- 2-OG :
- 2-oléoyglycérol
- AA :
- acide arachidonique
- ACCESS :
- AIDS Care Cohort to evaluate Exposure to Survival Services
- ACTH :
- hormone adrénocorticotrope (adrenocorticotropic hormone)
- ADN :
- acide désoxyribonucléique
- AEA :
- anandamide
- AINS :
- anti-inflammatoire non stéroïdien
- AIT :
- accident ischémique transitoire
- AKT1 :
- AKT serine/threonine kinase 1
- ALAT :
- alanine aminotransférase
- Alb. :
- Alberta
- ALSPAC :
- Avon Longitudinal Study of Parents and Children
- AMP :
- adénosine monophosphate
- Apo-E :
- apolipoprotéine E
- APRI :
- AST-to-platelet ratio index
- ARN :
- acide ribonucléique
- ARNm :
- acide ribonucléique messager
- ASAT :
- aspartate aminotransférase
- AUC :
- aire sous la courbe (area-under-the-curve)
- AUC12 :
- aire sous la courbe 12 heures (12-hour AUC)
- AVC :
- accident vasculaire cérébral
- BHO :
- huile de haschich butane (butane hash oil)
- b.i.d.. :
- bis in die (c.-à-d. deux fois par jour)
- BCOS :
- Bipolar Comprehensive Outcomes Study
- BDNF :
- facteur neurotrophique issu du cerveau (brain-derived neurotrophic factor)
- BDS :
- extrait botanique (botanical drug substance)
- BPI :
- Brief Pain Inventory
- C :
- commencement
- c. :
- contre
- Ca2+ :
- calcium
- c.-à-d. :
- c'est-à-dire
- CAMPS :
- Cannabis Access for Medical Purposes Survey
- CAMS :
- Cannabis in Multiple Sclerosis
- CAPS :
- Clinician-Administered PTSD Scale
- CARDIA :
- Coronary Artery Risk Development In young Adults
- CB :
- cannabinoïde
- C.-B. :
- Colombie-Britannique
- CBC :
- cannabichromène
- CBD :
- cannabidiol
- CBDA :
- acide cannabidiolique
- CBDV :
- cannabidivarine
- CBG :
- cannabigérol
- CBN :
- cannabinol
- CCL :
- ligan de type chimiokine (motif C-C) (chemokine (C-C motif) ligand)
- CDAI :
- indice d'activité de la maladie de Crohn (Crohn's disease activity index)
- CDKL5 :
- cyclin-dependent kinase-like 5
- CGI-I :
- amélioration de l'impression clinique globale (clinical global impression improvement)
- CGI-S :
- échelle d'impression clinique globale (clinical global impression scale)
- CI50 :
- concentration inhibitrice médiane
- CIM :
- classification internationale des maladies
- Cmax :
- concentration sanguine maximale d'une drogue
- CNR1 :
- récepteur cannabinoïde 1 (cannabinoid receptor 1)
- CNR2 :
- récepteur cannabinoïde 2 (cannabinoid receptor 2)
- COMT :
- catéchol-O-méthyltransférase
- COX :
- cyclo-oxygénase
- CUPID :
- Cannabinoid Use in Progressive Inflammatory Brain Disease
- CVF :
- capacité vitale forcée
- CYP :
- cytochrome P450
- D :
- durée de l'action
- DAG :
- diacylglycérol
- DAGL :
- diacylglycérol lipase
- DAT1 :
- transporteur actif de dopamine 1 (dopamine active transporter 1)
- DE50 :
- dose efficace médiane
- DL50 :
- dose léthale médiane
- DNBS :
- acide dinitrobenzène sulfonique (dinitrobenzene sulfonic acid)
- DSM-5 :
- manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (cinquième édition)
- DSM-IV :
- manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (4e édition)
- E :
- effet maximal
- E.T. :
- écart-type
- ECA :
- enzyme de conversion de l'angiotensine
- EDSP :
- Early Developmental Stages of Psychopathology
- EEG :
- électroencéphalogramme
- EEN :
- échelle d'évaluation numérique
- EEN-ID :
- échelle d'évaluation numérique pour l'intensité de la douleur
- EMBLEM :
- European Mania in Bipolar Longitudinal Evaluation of Medication
- EORTC QLQ-C30 :
- European Organization for Research and Treatment of Cancer Quality of Life Questionnaire, Core Module
- EQ-5D :
- EuroQoL five dimensions questionnaire
- ESAS :
- Edmonton Symptom Assessment System
- ESCCAD :
- Enquête de Surveillance Canadienne de la Consommation d'Alcool et de Drogues
- ESPT :
- état de stress post-traumatique
- ETA :
- éthanolamine
- EVA :
- échelle visuelle analogique
- FAACT :
- l'évaluation fonctionnelle du traitement de l'anorexie/cachexie (Functional Assessment of Anorexia/Cachexia Treatment)
- FAAH :
- hydrolase des amides d'acides gras (fatty acid amide hydrolase)
- FSH :
- hormone folliculo-stimulante (follicle stimulating hormone)
- g :
- gramme
- GABA :
- acide gamma-aminobutyrique (gamma-aminobutyric acid)
- GB :
- Grande-Bretagne
- GI :
- gastro-intestinal
- GnRH :
- gonadolibérine (gonadotropin-releasing hormone)
- GPR55 :
- récepteur 55 couplé aux protéines G (G protein-coupled receptor 55)
- GRADE :
- Grading of Recommendations, Assessment, Development and Evaluation
- h :
- heure
- HDL :
- lipoprotéine de haute densité (high density lipoprotein)
- HHS :
- hypothalamo-hypophyso-surrénalien
- HMG-CoA :
- 3-hydroxy-3-méthylglutaryl-coenzyme A
- HOMA-IR :
- homeostatic model assessment of insulin resistance
- HPO :
- hypothalamo-hypophyso-ovarien
- HR :
- rapport de risques (hazard ratio)
- IC :
- intervalle de confiance
- ICAM-1 :
- molécule-1 d'adhérence intercellulaire (intercellular adhesion molecule-1)
- IFN :
- interféron
- IIQ :
- intervalle interquartile
- IL :
- interleukine
- IM :
- intramusculaire
- IMC :
- indice de masse corporelle
- IND :
- nouveau médicament d'investigation (investigational new drug)
- iNOS :
- oxyde nitrique synthase inductible (inducible nitric oxide synthase)
- IP :
- intrapéritonéal
- Î.-P.-É. :
- Île-du-Prince-Édouard
- IRMf :
- imagerie par résonance magnétique fonctionnelle
- ITD :
- imagerie du tenseur de diffusion
- IV :
- intraveineux
- K+ :
- potassium
- kg :
- kilogramme
- L :
- litre
- LCR :
- liquide céphalorachidien
- LDL :
- lipoprotéine de basse densité (low density lipoprotein)
- LH :
- hormone lutéinisante (luteinizing hormone)
- LOX :
- lipo-oxygénase
- MA :
- maladie d'Alzheimer
- MAGL :
- monoacylglycérol lipase
- Man. :
- Manitoba
- Met :
- méthionine
- mg :
- milligramme
- MGCH :
- maladie du greffon contre l'hôte
- MH :
- maladie de Huntington
- MII :
- maladie inflammatoire de l'intestin
- min :
- minute
- mL :
- millilitre
- MMP :
- métalloprotéinase matricielle (matrix metalloproteinase)
- MOVE 2 :
- Mobility Improvement in Multiple Sclerosis-Induced Spasticity Study
- MP :
- maladie de Parkinson
- MSIS-29 :
- Multiple Sclerosis Impact Scale 29
- MUSEC :
- Multiple Sclerosis and Extract of Cannabis trial
- Na+ :
- sodium
- NAPE :
- N-arachidonoylphosphatidyléthanolamine
- NASEM :
- Académie nationale des sciences, du génie et de la médecine (National Academy of Sciences, Engineering and Medicine)
- N.-B. :
- Nouveau-Brunswick
- NCS :
- National Comorbidity Survey
- NCS-R :
- National Comorbidity Survey - Replication
- N.-É. :
- Nouvelle-Écosse
- NEMESIS :
- Netherlands Mental Health Survey and Incidence Study
- NESARC :
- National Epidemiological Survey on Alcohol and Related Conditions
- ng :
- nanogramme
- NHANES :
- National Health and Nutrition Examination Survey
- NK :
- cellules Natural killer
- NK-1 :
- neurokinine 1
- nM :
- nanomolaire
- NMDA :
- N-méthyle D-aspartate
- nmol :
- nanomole
- NRG1 :
- neuréguline 1
- NSDUH :
- National Survey on Drug Use and Health
- NST :
- nombre de sujets à traiter
- Nt :
- Nunavut
- NVIC :
- nausées et vomissements induits par la chimiothérapie.
- OEA :
- oleoyléthanolamide
- OMS :
- Organisation mondiale de la santé
- Ont. :
- Ontario
- OSSI :
- Organisation de soins de santé intégrés
- PASAT :
- Paced Auditory Serial Addiction Test
- PDQ-39 :
- 39-Item Parkinson Disease Questionnaire
- p. ex. :
- par exemple
- PEA :
- palmitoyléthanolamide
- PIO :
- pression intraoculaire
- PLD :
- phospholipase-D
- PO :
- administration orale
- POMS :
- Profile of Mood States
- p/p :
- poids/poids
- PPAR :
- récepteur activable par les proliférateurs des peroxysomes (peroxisome proliferator-activated receptor)
- PRISMA :
- Preferred Reporting Items for Systematic Reviews and Meta-Analyses
- Qc :
- Québec
- q.i.d. :
- quater in die (c.-à-d. quatre fois par jour)
- QI :
- quotient intellectuel
- QV :
- qualité de vie
- QVLS :
- qualité de vie liée à la santé
- RACFM :
- Règlement sur l'accès au cannabis à des fins médicales
- RC :
- rapport de cotes
- RCA :
- rapport de cotes ajusté
- RR :
- risque relatif
- Rx :
- prescription médicale
- s :
- seconde
- SAFTEE :
- Systematic Assessment of Treatment Emergent Events
- Sask. :
- Saskatchewan
- s.c. :
- sous-cutanée
- SCI :
- syndrome du côlon irritable
- SCI-A :
- SCI à motif alternatif (alternance constipation/diarrhée)
- SCI-C :
- SCI à constipation prédominante
- SCI-D :
- SCI à diarrhée prédominante
- SDRC :
- syndrome de douleur régionale complexe
- SDLP :
- écart-type de la position latérale
- SEC :
- système endocannabinoïde
- SF-36 :
- 36-Item Short Form Health Survey
- SGT :
- syndrome de Gilles de la Tourette
- SHC :
- syndrome d'hyperémèse cannabinoïde
- SHNA :
- stéatose hépatique non alcoolique
- SIBDQ :
- Short Inflammatory Bowel Disease Questionnaire
- SIDA :
- syndrome d'immunodéficience acquise
- SLA :
- sclérose latérale amyotrophique
- SNC :
- système nerveux central
- SNP :
- polymorphisme mononucléotidique (Single Nucleotide Polymorphism)
- S.O. :
- sans objet
- SP :
- sclérose en plaques
- S-TOPS :
- Short-Form Treatment Outcomes in Pain Survey
- SYS :
- Saguenay Youth Study (étude sur les jeunes du Saguenay-Lac-Saint-Jean)
- t.i.d. :
- ter in die (c.-à-d. trois fois par jour)
- TAR :
- traitement antirétroviral
- THC :
- delta-9-tétrahydrocannabinol
- THCA :
- acide tétrahydrocannabinolique
- THCV :
- tétrahydrocannabivarin
- TLCL :
- triglycéride à chaîne longue de lipides
- TM :
- traumatisme médullaire
- Tmax :
- délai pour atteindre la concentration sanguine maximale d'une drogue
- T.-N. :
- Terre-Neuve et Labrador
- TNBS :
- acide trinitrobenzène sulfonique (trinitrobenzene sulfonic acid)
- TNF :
- facteur de nécrose tumorale (tumor necrosis factor)
- T.N.-O. :
- Territoires du Nord-Ouest
- TRH :
- tyrolibérine (thyrotropin-releasing hormone)
- TRPV1 :
- canal ionique àpotentiel de récepteur transitoire vanilloïde de type 1 (transient receptor potential vanilloid channel 1)
- TUC :
- trouble d'utilisation du cannabis
- TWSTRS :
- Toronto Western Spasmodic Torticollis Rating Scale
- UDI :
- utilisateurs de drogues par injection
- UPDRS :
- Unified Parkinson's Disease Rating Scale
- Val :
- valine
- VCAM-1 :
- molécule-1 d'adhérence des cellules vasculaires (vascular cellular adhesion molecule-1)
- VEMS :
- volume expiratoire maximal à la seconde
- VIH :
- virus de l'immunodéficience humaine
- VIS :
- virus d'immunodéficience simienne
- Yn :
- Yukon
- βA :
- beta-amyloïde
- Δ9-THC :
- delta 9-tétrahydrocannabinol
- µg :
- microgramme
- μM :
- micromolaire
Paternité de l'œuvre et remerciements
Auteur : Hanan Abramovici Ph.D.
Co-auteurs : Sophie-Anne Lamour, Ph.D. et George Mammen, Ph.D.
Affiliations :
Direction générale de la légalisation et réglementation du cannabis, Santé Canada, Ottawa, ON, Canada K1A 0K9
Courriel : hanan.abramovici@canada.ca
Remerciements :
Santé Canada tient à exprimer sa reconnaissance et ses remerciements aux personnes ci-après pour leurs commentaires et suggestions sur le contenu de ce document d'information.
Donald I. Abrams, M.D.
Médecin-chef d'hématologie et d'oncologie
Hôpital général de San Francisco
Oncologie intégrée
Centre de médecine intégrée Osher
Professeur de médecine clinique
University of California San Francisco
San Francisco, CA 94143-0874
É-U
Pierre Beaulieu, M.D., Ph.D., F.R.C.A.
Professeur titulaire
Département de pharmacologie et d'anesthésiologie
Faculté de médecine
Université de Montréal
Bureau R-408, Pavillon Roger-Gaudry
C.P. 6128, succursale Centre-ville
Montréal (Québec)
H3C 3J7
Canada
Bruna Brands, Ph.D.
Professeur titulaire
Département de pharmacologie et de toxicologie
Directrice de programme, Programme collaboratif d'études sur la toxicomanie
University of Toronto
33, rue Russell
Toronto (Ontario)
M5S 2S1
Canada
Ziva Cooper, Ph.D.
Professeure adjointe de neurobiologie clinique
Division de l'abus de substances
Institut psychiatrique de l'État de New York et Département de psychiatrie
Collège des médecins et chirurgiens de l'Université Columbia
1051 Riverside Drive
New York, NY 10032
États-Unis
Paul J. Daeninck, M.D., M.Sc., F.R.C.P.C.
Président, Groupes sur le siège de la maladie de la gestion des symptômes et des soins palliatifs
ActionCancer Manitoba
Professeur adjoint
Collège de médecine de l'Université du Manitoba
Hôpital Saint-Boniface
409, avenue Taché
Winnipeg, MB
R2H 2A6
Canada
Mahmoud A. ElSohly, Ph.D.
Professeur de recherche et professeur d'études pharmaceutiques
Centre national de recherches sur les produits naturels et Département d'études pharmaceutiques
École de pharmacie
University of Mississippi
University, MS 38677
É-U
Javier Fernandez-Ruiz, Ph.D.
Professeur titulaire de biochimie et de biologie moléculaire
Département de biochimie et de biologie moléculaire
Faculté de médecine
Université Complutense
Madrid, 28040
Espagne
Tony P. George, M.D., F.R.C.P.C.
Professeur et codirecteur de la Division du cerveau et des produits thérapeutiques
Département de psychiatrie, Université de Toronto
Chef de la Division de la schizophrénie
Centre de toxicomanie et de santé mentale
1001, rue Queen ouest, Unité 2, Pièce 118A
Toronto (Ontario)
M6J 1H4
Canada
Manuel Guzman, Ph.D.
Professeur titulaire
Département de biochimie et de biologie moléculaire
Faculté de Chimie
Université Complutense
Madrid, 28040
Espagne
Matthew N. Hill, Ph.D.
Professeur adjoint
Département de biologie cellulaire et anatomie & psychiatrie
Hotchkiss Brain Institute
University of Calgary
Calgary (Alberta)
T2N 4N1
Canada
Cecilia J. Hillard, Ph.D.
Professeure
Département de pharmacologie et de toxicologie
Directrice du centre de recherche en neuroscience
Medical College of Wisconsin
8701 Watertown Plank Road
Milwaukee, Wisconsin 53226
États-Unis
Mary Lynch, M.D., F.R.C.P.C.
Professeure d'anesthésie, de psychiatrie et de pharmacologie
Dalhousie University
Directeur, Pain Management Unit-Capital Health
Centre des sciences de la santé Queen Elizabeth II
4e étage, édifice Dickson
5820, avenue University
Halifax (N.-É.)
B3H 1V7
Canada
Jason J. McDougall, Ph.D.
Professeur Département de pharmacologie et d'anesthésie, de gestion de la douleur et de médecine périopératoire
Dalhousie University
5850, rue College
Halifax (N.-É.)
B3H 4R2
Canada
Raphael Mechoulam, Ph.D.
Professeur
Institut de recherche sur les drogues, Faculté de médecine
Hebrew University
Jérusalem
91120
Israël
Linda Parker, Ph.D.
Professeure et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en neurosciences du comportement
Département de psychologie
University of Guelph
Guelph (Ontario)
N1G 2W1
Canada
Roger G. Pertwee, MA, D.Phil. D.Sc.
Professeur de neuropharmacologie
Institut des sciences médicales
University of Aberdeen
Aberdeen
AB25 2ZD
Écosse, Royaume-Uni
Keith Sharkey, Ph.D.
Professeur
Département de physiologie, de biophysique et de médecine
University of Calgary
HSC 1745
3330 Hospital Drive NW
Calgary (Alberta)
T2N 4N1
Canada
Mark Ware, M.D., M.R.C.P., M.Sc.
Professeur associé
Départements d'Anesthésie et de Médecine Familiale
Université McGill
Directeur de la recherche clinique
Unité de gestion de la douleur Alan Edwards
A5.140-Hôpital général de Montréal
1650, avenue Cedar
Montréal (Québec)
H3G 1A4
Canada
Aperçu des énoncés récapitulatifs
Les énoncés récapitulatifs suivants visent à résumer le contenu des sections 4.0 (Usages thérapeutiques possibles) et 7.0 (Effets indésirables) et leurs sous-sections respectives. Les énoncés récapitulatifs peuvent être également trouvés dans leurs sections et sous-sections respectives dans le corps même du document. Remarque: la plupart des études cliniques sur le cannabis (expérimental ou thérapeutique) ont été réalisées avec du cannabis séché contenant plus de THC que de CBD et typiquement, mais pas toujours, avec du THC de plus faible teneur (< 9 % de THC). De plus, la majorité des études cliniques sur le cannabis (expérimental ou thérapeutique) ont administré du cannabis séché en fumant. Enfin, les résultats d'études cliniques sur le cannabis à des fins thérapeutiques pourraient ne pas être applicables à d'autres chémotypes de cannabis ou d'autres produits du cannabis ayant des teneurs et ratios en THC et en CBD différents.
4.0 Usages thérapeutiques possibles
4.1 Soins palliatifs
- Jusqu'à maintenant, les données provenant d'études d'observation et d'études cliniques suggèrent que le cannabis (données limitées) et les cannabinoïdes sur ordonnance (p. ex., le dronabinol, le nabilone ou le nabiximols) pourraient être pratiques pour le soulagement d'une gamme de symptômes uniques ou cooccurrents souvent observés dans le cadre de soins palliatifs
- Ces symptômes comprennent, mais ne sont pas limités à, la nausée réfractaire et les vomissements associés à la chimiothérapie ou la radiothérapie, l'anorexie ou la cachexie, la douleur réfractaire aiguë, l'humeur dépressive et l'anxiété aiguë et l'insomnie.
- Un nombre limité d'études observationnelles suggèrent que l'usage de cannabinoïdes en soins palliatifs pourrait aussi être associé à une diminution du nombre de certains médicaments utilisés par cette population de patients.
4.2 Qualité de vie
- Les études cliniques disponibles rapportent des effets mixtes du cannabis et des cannabinoïdes sur ordonnance sur les mesures de la qualité de vie (QV) pour une variété de troubles divers.
4.3 Nausées et vomissements induits par la chimiothérapie
- Les études précliniques démontrent que certains cannabinoïdes (THC, CBD, THCV, CBDV) et acides de cannabinoïdes (THCA et CBDA) suppriment les nausées et les vomissements aigus ainsi que les nausées d'anticipation.
- Les études cliniques suggèrent que la consommation de certains cannabinoïdes et de cannabis (données limitées) peut soulager les nausées et les vomissements induits par la chimiothérapie (NVIC).
4.4 Syndrome cachectique (cachexie, p. ex. résultant de la blessure des tissus par l'infection ou d'une tumeur) et perte de l'appétit (anorexie) chez les patients souffrant du SIDA ou d'un cancer, et de l'anorexie mentale
- Les données disponibles provenant d'études cliniques chez l'humain suggèrent que le cannabis (données limitées) et le dronabinol pourraient augmenter l'appétit et la consommation de calories, et promouvoir le gain de poids chez les patients atteints du VIH/SIDA.
- Les preuves pour le dronabinol sont toutefois mixtes et les effets sont modestes chez les patients atteints de cancers et sont faibles chez les patients atteints d'anorexie mentale.
4.5 Sclérose en plaques, sclérose latérale amyotrophique, traumatisme médullaire et les maladies de la moelle épinière
- Les données provenant d'études précliniques suggèrent que le THC, le CBD et le nabiximols soulagent les symptômes de tremblements, d'hypertonie spastique et d'inflammation associés à la sclérose en plaques (SP).
- Les données disponibles d'essais cliniques suggèrent que le cannabis (données limitées) et certains cannabinoïdes (dronabinol, nabiximols, THC/CBD) sont associés à une certaine amélioration des symptômes de la SP et du traumatisme médullaire (TM), y compris la spasticité, les spasmes, la douleur, le sommeil et les symptômes associés au dysfonctionnement de la vessie.
- Des données très limitées provenant d'études précliniques suggèrent que certains cannabinoïdes délaient de manière modeste la progression de la maladie et prolongent la survie dans des modèles animaux de sclérose latérale amyotrophique (SLA), alors que les résultats d'un nombre très limité d'études cliniques sont mixtes.
4.6 Épilepsie
- Les preuves anecdotiques suggèrent un effet antiépileptique du cannabis (souches prédominantes en THC et CBD).
- Les données disponibles d'études précliniques suggèrent que certains cannabinoïdes (CBD) pourraient posséder des caractéristiques antiépileptiques et anti-convulsives, tandis que les agonistes du récepteur CB1 (THC) pourraient posséder des caractéristiques pro- ou antiépileptiques.
- Toutefois, les preuves cliniques pour un effet antiépileptique du cannabis sont plus faibles, mais émergentes et nécessitent des études plus approfondies.
- Des données provenant d'études cliniques avec l'EpidiolexMD (CBD oral) suggèrent l'efficacité et la tolérabilité d'EpidiolexMD pour les convulsions pharmacorésistantes dans le syndrome de Dravet ou pour le syndrome Lennox-Gastaut résistant au traitement.
- Des données provenant d'études observationnelles suggèrent une association entre le CBD (préparations à base de plantes et huile) et une réduction de la fréquence des crises épileptiques ainsi qu'une amélioration de la qualité de vie chez les adolescents atteints d'épilepsie pharmacorésistante rare et grave.
- L'EpidiolexMD a été approuvé par la FDA (Juin 2018) chez les patients de 2 ans et plus pour traiter les crises épileptiques associées au syndrome de Dravet et au syndrome Lennox-Gastaut résistant au traitement.
4.7 Douleur
4.7.1 Douleur aiguë
- Les études précliniques suggèrent que certains cannabinoïdes peuvent bloquer les réactions à la douleur aiguë induite de façon expérimentale dans des modèles animaux.
- Les résultats provenant d'études cliniques avec du cannabis fumé, du THC oral, des extraits de cannabis et le nabilone sur la douleur aiguë induite expérimentalement chez des bénévoles humains en santé sont limités et mixtes et suggèrent des effets selon la dose dans certains cas : des doses plus faibles de THC semblent avoir un effet analgésique et des doses plus élevées semblent avoir un effet hyperalgésique.
- Les études cliniques sur certains cannabinoïdes (nabilone, THC oral, lévonontradol, AZD1940, GW842166) pour la douleur postopératoire suggèrent un manque d'efficacité.
4.7.2 Douleur chronique
4.7.2.1 Douleur inflammatoire et neuropathique chronique induite expérimentalement
- Les endocannabinoïdes, le THC, le CBD, le nabilone et certains cannabinoïdes synthétiques ont tous été identifiés comme possédant des effets antinociceptifs dans des modèles animaux de douleur chronique (inflammatoire et neuropathique).
4.7.2.2 Douleur neuropathique et douleur chronique non cancéreuse chez l'humain
- Quelques études ayant utilisé des méthodes expérimentales possédant de la validité prédictive pour les pharmacothérapies utilisées pour soulager la douleur chronique ont signalé des effets analgésiques du cannabis fumé.
- De plus, il existe des preuves plus cohérentes de l'efficacité des cannabinoïdes (cannabis fumé ou vaporisé, nabiximols, dronabinol) dans le traitement de la douleur chronique d'étiologies différentes, surtout dans des cas où des traitements traditionnels ont été essayés et ont échoué.
4.7.2.3 Douleur causée par un cancer
- Les données cliniques disponibles limitées pour certains cannabinoïdes (le dronabinol, le nabiximols) suggèrent un effet analgésique modeste pour le dronabinol et un effet analgésique modeste et mixte pour le nabiximols sur la douleur causée par le cancer.
4.7.2.4 Effet « d'épargne en opiacés » et la synergie cannabinoïdes-opioïdes
- Bien que les études précliniques et les études de cas suggèrent que certains cannabinoïdes pourraient posséder un effet « d'épargne en opiacés », les études épidémiologiques et cliniques menées avec du THC oral et du nabiximols ont obtenu des résultats mixtes.
- Des études observationnelles suggèrent une association entre les états américains avec des lois autorisant l'accès au cannabis (à des fins médicales et non médicales) et une baisse des taux d'opioïdes prescrits et de mortalité associée aux opioïdes.
4.7.2.5 Céphalées et migraines
- Les preuves soutenant l'utilisation du cannabis et des cannabinoïdes dans le soulagement des céphalées et des migraines sont très limitées et mixtes
4.8 Arthritides et troubles musculosquelettiques
- Les données provenant d'études précliniques suggèrent que la stimulation des récepteurs CB1 et CB2 soulage des symptômes de l'arthrose, et le THC et le CBD soulagent des symptômes de la polyarthrite rhumatoïde.
- Les données provenant d'études cliniques sont très limitées et seuls des effets modestes ont été observés dans l'utilisation du nabiximols dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde.
- Il n'existe aucune étude clinique concernant l'utilisation du cannabis dans le traitement de la fibromyalgie et les données cliniques limitées avec le dronabinol et le nabilone suggèrent un effet modeste sur la réduction de la douleur et de l'anxiété, et l'amélioration du sommeil.
- Le rôle des cannabinoïdes dans l'ostéoporose a seulement été étudié dans des études précliniques et est complexe et contradictoire.
4.9 Autres maladies et symptômes
4.9.1 Troubles du mouvement
4.9.1.1 Dystonie
- Les données limitées provenant d'études précliniques suggèrent qu'un agoniste synthétique des récepteurs CB1 et CB2 pourrait soulager des symptômes ressemblant à ceux de la dystonie, et que le CBD retardes la progression de la dystonie.
- Les données provenant d'un nombre limité d'études de cas et de petits essais cliniques ouverts ou contrôlés par placebo suggèrent une amélioration des symptômes de dystonie avec du cannabis inhalé, des effets mixtes du THC oral, une amélioration des symptômes de dystonie avec du CBD oral et une absence d'effets du nabilone sur les symptômes de dystonie.
4.9.1.2 Maladie de Huntington
- Les données provenant d'études précliniques signalent des résultats mixtes avec le THC sur les symptômes ressemblant à ceux de la Maladie de Huntington (MH).
- Les données limitées provenant d'études de cas et des essais cliniques à petite envergure sont mixtes et suggèrent une absence d'effets du CBD, du nabilone et du nabiximols et une amélioration limitée des symptômes de MH avec le cannabis fumé.
4.9.1.3 Maladie de Parkinson
- Les résultats d'un nombre limité d'études précliniques, de cas, cliniques et observationnelles sur certains cannabinoïdes pour le traitement des symptômes de la maladie de Parkinson (MP) sont mixtes.
- Une étude de cas sur le cannabis fumé ne suggère aucun effet alors qu'une étude observationnelle sur le cannabis fumé suggère une amélioration des symptômes.
- Une étude clinique à petite envergure portant sur le nabilone suggère une amélioration des symptômes, tandis qu'une autre étude clinique sur un extrait oral de cannabis (THC/CBD) et une étude clinique avec du CBD ne suggèrent aucune amélioration des symptômes.
4.9.1.4 Syndrome de Gilles de la Tourette
- Les données limitées provenant de petites études cliniques suggèrent que le THC administré par voie orale améliore certains symptômes du syndrome de Gilles de La Tourette (SGT) (tics).
4.9.2 Glaucome
- Les données limitées provenant de petites études cliniques suggèrent que l'administration orale de THC réduit la pression intraoculaire (PIO), tandis que l'administration orale de CBD pourrait, au contraire, provoquer une augmentation de la PIO.
4.9.3 Asthme
- Les données limitées provenant d'études précliniques et cliniques sur l'effet du THC en aérosol sur les symptômes asthmatiques sont mixtes.
- L'inhalation d'irritants pulmonaires générés par la fumée/vaporisation du cannabis peut aggraver les symptômes asthmatiques.
4.9.5 Stress et troubles psychiatriques
4.9.5.1 Anxiété et dépression
- Des données provenant d'études cliniques et précliniques suggèrent que le THC présente des effets biphasiques sur l'humeur : les faibles doses de THC possèdent des effets anxiolytiques et de hausse de l'humeur et les doses élevées de THC possèdent des effets anxiogènes et de baisse de l'humeur.
- Les données limitées d'un petit nombre d'études cliniques sur le cannabis contenant du THC et sur certains cannabinoïdes sur ordonnance suggèrent que ces substances pourraient améliorer les symptômes d'anxiété et de dépression chez les patients souffrant d'anxiété et/ou de dépression secondaires à d'autres maladies chroniques (p. ex., patients souffrant du VIH/SIDA, SP, douleur neuropathique chronique).
- Les données provenant d'études précliniques suggèrent que le CBD présente des effets anxiolytiques dans différents modèles animaux d'anxiété, tandis que des données limitées provenant d'études cliniques suggèrent que le CBD pourrait posséder des effets anxiolytiques dans un modèle expérimental d'anxiété sociale.
- Les données limitées de certaines études observationnelles suggèrent aussi que le cannabis contenant des concentrations égales de CBD et de THC est associé à une atténuation de certaines perturbations de l'humeur (p. ex., l'anxiété ou le découragement) comme observés avec le cannabis prédominant en THC utilisé par des patients à des fins médicales.
4.9.5.2 Troubles du sommeil
- Les données expérimentales chez l'humain suggèrent que le cannabis et le THC possèdent des effets selon la dose sur le sommeil : les doses plus faibles semblent diminuer la latence d'endormissement et augmenter le sommeil lent et la durée totale de sommeil, alors que les doses élevées semblent causer des perturbations du sommeil.
- Les données limitées d'études cliniques suggèrent aussi que certains cannabinoïdes (le cannabis, le nabilone, le dronabinol et le nabiximols) pourraient améliorer le sommeil chez les patients souffrant de perturbations du sommeil associées à certaines maladies chroniques.
4.9.5.3 État de stress post-traumatique
- Les études expérimentales précliniques et humaines suggèrent un rôle pour certains cannabinoïdes dans le soulagement de symptômes semblables à ceux de l'état de stress post-traumatique (ESPT).
- Toutefois, bien que des données limitées provenant d'études cliniques à court terme suggèrent un potentiel pour le THC oral et le nabilone à diminuer certains symptômes de l'ESPT, il n'existe aucune étude clinique à long-terme pour ces préparations ou aucune étude clinique sur les effets du cannabis fumé ou vaporisé sur l'ESPT.
- Des preuves limitées issues d'études observationnelles suggèrent une association entre la consommation de cannabis à base de plantes et des niveaux persistants / élevés de sévérité des symptômes de l'ESPT au fil du temps.
- Il existe des données limitées suggérant une association entre l'ESPT et le TUC.
4.9.5.4 Symptômes de sevrage de l'alcool et des opioïdes (symptômes de sevrage de drogue/substitution)
- Les études précliniques suggèrent que l'agonisme aux récepteurs CB1 (p. ex. le THC) pourrait aider à augmenter les propriétés renforçantes de l'alcool, augmenter la consommation d'alcool et augmenter les risques de rechute de consommation d'alcool ainsi qu'exacerber la sévérité des symptômes du sevrage alcoolique.
- Les études précliniques suggèrent que certains cannabinoïdes (p. ex. le THC) pourraient soulager les symptômes du sevrage aux opiacés.
- Les données provenant d'études observationnelles suggèrent que la consommation de cannabis pourrait aider à soulager les symptômes du sevrage aux opiacés, mais les données cliniques sont insuffisantes pour tirer conclusions fiables.
4.9.5.5 Schizophrénie et psychose
- Des données considérables provenant d'études précliniques, cliniques et épidémiologiques appuient une association entre la consommation de cannabis (surtout le cannabis prédominant en THC) et le THC et un risque accru de psychoses et de schizophrénie.
- Des preuves émergentes provenant d'études précliniques, cliniques et épidémiologiques suggèrent que le CBD pourrait atténuer la psychose induite par le THC.
4.9.6 Maladie d'Alzheimer et démence
- Les études précliniques suggèrent que le THC et le CBD pourraient protéger contre l'excitotoxicité, le stress oxidatif et l'inflammation dans les modèles animaux de la maladie d'Alzheimer (MA).
- Les études de cas, cliniques et observationnelles limitées suggèrent que le THC oral et le nabilone sont associés à l'amélioration d'un nombre de symptômes associés à la MA (p. ex. activité motrice nocturne, comportement perturbé, sommeil, agitation, résistivité).
4.9.7 Inflammation
4.9.7.1 Maladies inflammatoires de la peau (dermatite, psoriasis, prurit)
- Les résultats provenant d'études précliniques, cliniques et de cas sur le rôle de certains cannabinoïdes dans la modulation d'affections inflammatoires de la peau sont mixtes.
- Certaines études cliniques et de séries prospectives de cas suggèrent que certains cannabinoïdes ont un rôle protecteur (THC, CBD, HU-210), tandis que d'autres suggèrent un rôle nuisible (cannabis, THC, CBN).
4.9.8 Troubles du système gastro-intestinal (syndrome du côlon irritable, maladie intestinale inflammatoire, hépatite, pancréatite, syndrome métabolique/obésité)
4.9.8.1 Syndrome du côlon irritable
- Les études précliniques dans des modèles animaux du syndrome du côlon irritable (SCI) suggèrent que certains agonistes synthétiques des récepteurs de cannabinoïdes inhibent les réactions à la douleur induite par la distension colorectale et ralentissent le transit GI.
- Les études cliniques expérimentales avec des volontaires sains ont signalé des effets selon la dose et le sexe sur diverses mesures de la motilité GI.
- Des données limitées provenant d'une petite étude clinique sur le dronabinol pour le traitement de symptômes du SCI suggèrent que celui-ci pourrait augmenter la conformité du côlon et diminuer l'index de la motilité du côlon chez les femmes atteintes du SCI à diarrhée prédominante SCI-D) ou SCI à motif alternatif (alternance constipation/diarrhée) (SCI-A), tandis qu'une autre petite étude clinique avec le dronabinol suggère une absence d'effet au niveau du transit gastrique, de l'intestin grêle ou du côlon.
4.9.8.2 Maladies inflammatoires de l'intestin (maladie de Crohn, colite ulcéreuse)
- Les études précliniques dans les modèles animaux de maladies inflammatoires de l'intestin (MII) suggèrent que certains cannabinoïdes (les agonistes synthétiques des récepteurs CB1 et CB2, le THC, le CBD, le CBG, le CBC ou les extraits de plante entière de cannabis) pourraient limiter l'inflammation intestinale et la sévérité de la maladie à différents degrés.
- Des données provenant d'études par observation suggèrent que les patients consomment du cannabis afin de soulager les symptômes du MII.
- Un nombre très limité d'études cliniques à petite échelle avec des patients atteints du MII et sur lesquels les traitements traditionnels avaient échoué ont signalé l'amélioration de nombreux symptômes associés au MII après la consommation de cannabis fumé.
4.9.8.3 Maladies du foie (hépatite, fibrose, stéatose, lésion de reperfusion de l'ischémie. encéphalopathie hépatique)
- Les études précliniques suggèrent que l'activation des récepteurs CB1 est défavorable pour les maladies du foie (p. ex. favorise la stéatose, la fibrose), tandis que l'activation des récepteurs CB2 semble avoir quelques effets bénéfiques.
- De plus, les études précliniques suggèrent aussi que le CBD, le THVC et les doses très faibles de THC pourraient posséder des effets protecteurs sur les lésions de réperfusion de l'ischémie hépatique et pour l'encéphalopathie hépatique.
4.9.8.4 Syndrome métabolique, obésité, diabète
- Les études précliniques suggèrent que l'activation aiguë des récepteurs CB1 cause une augmentation de la synthèse et de l'entreposage des gras tandis que l'activation chronique des récepteurs CB1 (ou l'antagonisme des récepteurs CB1) cause la perte de poids et l'amélioration d'une gamme d'indicateurs métaboliques.
- Les études par observation suggèrent une association entre la consommation chronique de cannabis et l'amélioration du profil métabolique, tandis que les données précliniques et les preuves cliniques très limitées suggèrent un effet bénéfique potentiel du THCV sur le contrôle glycémique (chez les patients atteints du diabète de type II).
4.9.8.5 Maladies du pancréas (diabète, pancréatite)
- Les études précliniques dans les modèles animaux expérimentaux de certains cannabinoïdes dans le traitement de la pancréatite aiguë ou chronique sont limitées et contradictoires.
- Les données limitées provenant d'études de cas suggèrent une association entre les épisodes de consommation aiguë de grandes quantités de cannabis et la pancréatite aiguë.
- Des études par observation limitées suggèrent une association entre la consommation chronique de cannabis et l'incidence plus faible du diabète sucré.
- Une étude clinique à petite échelle a signalé que le THC administré oralement ne soulageait pas la douleur abdominale associée à la pancréatite chronique.
4.9.9 Propriétés antinéoplastiques
- Les études précliniques suggèrent que certains cannabinoïdes (le THC, le CBD, le CBG, le CBC, le CBDA) bloquent fréquemment, mais non toujours, la croissance des cellules cancéreuses in vitro et affichent une gamme d'effets antinéoplastiques in vivo bien que normalement à des doses très élevées qui ne seraient pas utilisées cliniquement.
- Bien que des données limitées provenant d'une étude observationnelle suggèrent que les patients atteints de cancer consomment du cannabis pour soulager les symptômes associés au cancer (p. ex., les modifications chimiosensorielles, la perte de poids, la dépression, la douleur), il n'existe qu'une seule étude clinique limitée menée avec des patients atteints de glioblastome multiforme ayant signalé que des injections intratumorales de doses élevées de THC n'ont pas amélioré la survie des patients plus que ce qui est observé avec l'utilisation d'agents chimiothérapeutiques courants.
7.0 Effets indésirables
7.1 Carcinogenèse et mutagenèse
- Les données provenant d'études précliniques suggèrent que la fumée de cannabis contient plusieurs des mêmes cancérogènes et mutagènes que la fumée de tabac et que la fumée de cannabis est aussi mutagénique et cytotoxique, sinon plus, que la fumée de tabac.
- Toutefois, des données limitées et mitigées provenant d'études épidémiologiques ont jusqu'à présent été incapables de découvrir une association robuste et uniforme entre la consommation de cannabis et les différents types de cancer, à l'exception possible d'un lien entre la consommation de cannabis et le cancer des testicules (c.-à-d., tumeurs des cellules germinatives testiculaires).
7.2 Appareil respiratoire
- Des données provenant d'études précliniques suggèrent que la fumée de cannabis contient plusieurs des mêmes irritants pulmonaires et toxines que la fumée de tabac et même, dans certains cas, de plus grandes quantités de certaines de ces substances.
- Les études de cas suggèrent que fumer du cannabis est associé à une gamme de changements histopathologiques des tissus pulmonaires, à une gamme de symptômes respiratoires semblables à ceux observés chez les fumeurs de tabac et des changements dans certaines fonctions pulmonaires dans le cas d'utilisation fréquente à long terme.
- L'association entre l'utilisation intensive et fréquente du cannabis fumé (sans tabac) et la maladie pulmonaire obstructive chronique est incertaine, mais, s'il en existe une, elle est probablement faible.
7.3 Système immunitaire
- Les études précliniques suggèrent que certains cannabinoïdes possèdent une grande variété d'effets complexes sur les fonctions du système immunitaire (pro- ou anti-inflammatoire, stimulant ou inhibant).
- Les études cliniques et par observation limitées des effets du cannabis sur le nombre de cellules immunitaires et sur la charge virale plasmatique du VIH sont mixtes, de même que les données concernant l'usage fréquent de cannabis (c.-à-d. quotidient/TUC) et l'adhésion à la TAR.
- Des preuves limitées, mais croissantes provenant d'études de cas suggèrent aussi que l'utilisation de cannabis est associé à des réactions de types allergiques ou d'hypersensibilité.
7.4 Système reproducteur et endocrinien
- Les données précliniques suggèrent que certains cannabinoïdes peuvent avoir des effets négatifs sur de nombreuses mesures de la santé reproductive. De plus, les données limitées d'études par observation des humains sur le cannabis semblent appuyer les données de certaines des études précliniques.
- Les données des études par observations d'humains suggèrent aussi une association selon la dose et l'âge entre la consommation de cannabis et les tumeurs des cellules germinatives testiculaires.
- Les données précliniques suggèrent clairement que l'exposition in utero à certains cannabinoïdes est associée à de nombreux dommages à court et à long terme sur la progéniture en développement.
- Toutefois, les données provenant d'études par observation des humains sont complexes et suggèrent que bien que des facteurs de confusion pourraient expliquer les associations entre la consommation intensive de cannabis pendant la grossesse et les effets néfastes néonataux ou périnataux, l'utilisation intensive de cannabis pendant la grossesse est associée à une reduction du poids à la naissance.
7.5 Appareil cardiovasculaire
- Les études précliniques suggèrent que des doses très faibles de THC pourraient avoir un effet cardioprotecteur sur l'infarctus du myocarde induit expérimentalement.
- Des données provenant d'études de cas et d'études observationnelles suggèrent que fumer du cannabis de manière aiguë et chronique est associé à des effets néfastes sur la santé vasculaire, cardiovasculaire et cérébrovasculaire (p. ex., infarctus du myocarde, AVC, artérite) en particulier chez les consommateurs d'âge moyen (et plus).
- Cependant, une revue systématique récente suggère que les données examinant les effets du cannabis sur la santé cardiovasculaire sont incohérentes et insuffisantes.
7.6 Système gastro-intestinal et foie
- Des données provenant de rapports de cas suggèrent que la consommation chronique et intensive de cannabis (à THC prédominant) est associée à un risque plus élevé de syndrome d'hyperémèse du cannabis (SHC).
- Des données limitées provenant d'études par observation suggèrent des résultats mitigés entre la consommation de cannabis (à THC prédominant) et les risques de progression de la fibrose du foie associée à une infection de l'hépatite C.
7.7 Système nerveux central
7.7.1 Cognition
- Des données provenant d'études cliniques suggèrent que la consommation aiguë de cannabis (à THC prédominant) est associée à de nombreux effets cognitifs aigus.
- Des données provenant d'études obervationnelles suggèrent que la consommation chronique de cannabis est associée à quelques effets cognitifs et comportemenaux qui pourraient subsister pour des durées de temps variées au-delà de la période d'intoxication aiguë selon de nombreux facteurs.
- Des données limitées provenant d'études cliniques par imagerie sur des humains suggèrent que le THC et le CBD pourraient exercer des effets opposés sur les fonctions neuropsychologiques et neurophysiologiques.
- Des données provenant principalement d'études cliniques transversales par imagerie sur les humains suggèrent que la consommation chronique et intensive de cannabis est associée à de nombreux changements structurels dans la matière grise et la substance blanche dans différentes régions du cerveau.
- En outre, le début précoce de la consommation et la consommation de cannabis à taux élevé et prédominant en THC ont été associés à des risques plus élevés de certains changements structurels du cerveau et de déficience cognitive.
7.7.2 Fonction psychomotrice et conduite automobile
- Des données provenant d'études cliniques expérimentales suggèrent que la consommation aiguë de cannabis (à THC prédominant) affaiblit de nombreuses habiletés psychomotrices et cognitives nécessaires pour conduire un véhicule à moteur.
- Bien que la consommation chronique/fréquente de cannabis puisse être associée à un certain degré de tolérance à certains des effets du cannabis chez certains individus, la consommation chronique de cannabis peut toujours poser des risques à la conduite sécuritaire en raison, en partie, de la charge corporelle importante du THC menant à un niveau chronique de troubles psychomoteurs.
- Des données provenant d'études cliniques et épidémiologiques suggèrent la présence d'effets de réponse selon la dose, avec des doses croissantes de THC augmentant les risques de collisions de véhicule à moteur pouvant entrainer des blessures et la mort.
- Combiner de l'alcool avec du cannabis (THC) est associé à un niveau plus élevé d'affaiblissement des capacités et un risque accru de blessures.
7.7.3 Effets psychiatriques
7.7.3.1 Anxiété, ESPT, dépression et trouble bipolaire
- Des données d'études cliniques suggèrent la présence d'effets biphasiques en fonction de la dose du THC sur l'anxiété et l'humeur puisque des doses faibles de THC semblent avoir des effets anxiolytiques et de hausse de l'humeur tandis que des doses élevées de THC peuvent produire de l'anxiété et diminuer l'humeur.
- Des études épidémiologiques suggèrent une association entre la consommation de cannabis (à THC prédominant), en particulier la consommation chronique et intensive, et l'apparition de troubles anxieux, dépressifs et bipolaires, et la persistance de symptômes liés au à l'ESPT, au trouble panique, au trouble dépressif et au trouble bipolaire.
- Les résultats préliminaires d'enquêtes suggèrent une association entre l'utilisation de produits concentrés de cannabis ultra-puissants (p. ex. huile de haschich butane, BHO) et des taux plus élevés d'anxiété et de dépression autodéclarées et d'autres drogues illicites, ainsi que des niveaux plus élevés de dépendance physique qu'avec l'herbe de cannabis à forte puissance.
7.7.3.2 Schizophrénie et psychose
- Des données provenant d'études cliniques suggèrent que l'exposition aiguë au cannabis (à THC prédominant) ou au THC est associée, en fonction de la dose, à des troubles comportementaux et cognitifs transitoires aigus imitant une psychose aiguë.
- Des études épidémiologiques suggèrent une association entre la consommation de cannabis (à THC prédominant), en particulier la consommation précoce, chronique et intensive, et la psychose et la schizophrénie.
- Les risques de schizophrénie associés à la consommation de cannabis sont particulièrement élevés chez les individus possédant des antécédents personnels ou familiaux de schizophrénie.
- La consommation de cannabis est aussi associée au début précoce de la schizophrénie chez les individus vulnérables, et à l'exacerbation des symptômes schizophréniques actuels et à des conséquences cliniques plus graves.
7.7.3.3 Idées suicidaires, tentatives de suicide et mortalité
- Des données d'études épidémiologiques suggèrent aussi l'existence d'une association en fonction de la dose entre le cannabis et les tendances suicidaires, en particulier chez les hommes.
7.7.3.4 Syndrome amotivationnel
- Les données limitées disponibles pour une association entre la consommation de cannabis et un « syndrome amotivationnel » sont mixtes.
Remarque importante : Par souci d'exhaustivité et pour des raisons contextuelles, le contenu du présent document comprend de l'information aussi bien sur le cannabis séché et autres produits à base de cannabis, que sur certains cannabinoïdes. Toutefois, les produits de cannabis et les cannabinoïdes ne sauraient être considérés comme étant équivalents, bien que les renseignements se rapportant à ceux-ci apparaissent au même endroit dans le texte. Le cannabis et les produits de cannabis sont des matières hautement complexes ayant des centaines de constituants chimiques, alors que les cannabinoïdes sont habituellement des molécules isolées. L'établissement de comparaisons directes entre les produits de cannabis et les cannabinoïdes devrait forcément tenir compte des différences quant aux voies d'administration, à la posologie, aux composantes pharmacologiques individuelles et leurs interactions potentielles, ainsi qu'aux diverses propriétés pharmacocinétiques et pharmacodynamiques de ces différentes substances.
1.0 Le système endocannabinoïde
Le système endocannabinoïde (SEC) (Figure 1) est un ancien système de signalisation lipidique ubiquiste, conservé au cours de l'évolution, que l'on retrouve chez tous les vertébrés, lequel semble jouer un très grand rôle de régulation dans tout le corps humainReference 1. Le SEC participe à la régulation d'un nombre très vaste de procès physiologiques et physiopathologiques, dont le développement du système nerveux, la fonction immunitaire et cardiovasculaire, l'inflammation, l'appétit, le métabolisme et l'homéostasie énergétique, la digestion, le développement osseux, la densité osseuse, la plasticité synaptique et l'apprentissage, la douleur, la reproduction, la maladie psychiatrique, le comportement psychomoteur, la mémoire, les cycles de veille et de sommeil ainsi que la régulation du stress et de l'état émotionnel et de l'humeurReference 2-Reference 4. En outre, tout porte à croire que le dérèglement du SEC contribue à de nombreuses maladies chez l'humain et engendre notamment de la douleur, de l'inflammation, des troubles psychiatriques et des maladies neurodégénérativesReference 5.
Composantes du système endocannabinoïde
Le SEC est principalement composé : des récepteurs de cannabinoïdes 1 et 2 (CB1 et CB2); des ligands des récepteurs CB soit la N-arachidonoyl-éthanolamine (« l'anandamide ») et du 2-arachidonoylglycérol (2-AG); des enzymes de synthèse des endocannabinoïdes la N-acyltransférase, la phospholipase D, la phospholipase C-β et la diacylglycérol lipase (DAGL); et des enzymes de dégradation des endocannabinoïdes, l'hydrolase des amides d'acides gras (FAAH) et la monoacylglycérol lipase (MAGL) (Figure 1)Reference 2. L'anandamide et le 2-AG sont considérés comme des activateurs endogènes primaires de signalisation cannabinoïde, mais d'autres molécules endogènes dont les effets sont semblables à ceux des cannabinoïdes ont également été décrites. Ces autres molécules comprennent le 2-arachidonoylglycérol éther (éther de noladine), la N-arachidonoyl-dopamine, la virodhamine, l'éthanolamine N-homo-γ-linolénoyl et la N-docosatétraenoyléthanolamineReference 2Reference 6-Reference 9. D'autres molécules telles que le palmitoyléthanolamide (PEA) et l'oleoyléthanolamide (OEA) ne semblent pas se fixer aux récepteurs cannabinoïdes, mais plutôt à une isozyme spécifique appartenant à une classe de récepteurs nucléaires et de facteurs de transcription, soit les récepteurs activables par les proliférateurs des peroxysomes (PPARs)Reference 9. Ces éthanolamines d'acyles gras pourraient toutefois avoir tendance, par inhibition compétitive de la FAAH et/ou par effets allostériques directs, à potentialiser l'effet de l'anandamide sur d'autres récepteurs comme le canal ionique à potentiel de récepteur transitoire vanilloïde de type 1 (TRPV1)Reference 10. On appelle généralement ce type d'effet « effet de l'entourage »Reference 10Reference 11. Le terme « effet de l'entourage » est aussi utlisé dans le contexte des interactions entre les phytocannabinoïdes et les terpènes dans un système physiologique (voir Section 1.1.2).
Synthèse des endocannabinoïdes
Les endocannabinoïdes sont les dérivés d'acide arachidonique qui sont synthétisés « sur demande » (p. ex. en réponse à un potentiel d'action dans les neurones ou en réponse à un autre type de stimulus biologique) à partir de précurseurs phospholipides membranaires pour répondre au besoin des cellulesReference 2Reference 12-Reference 14. La synthèse des endocannabinoïdes « sur demande » permet d'assurer que la signalisation des endocannabinoïdes soit étroitement contrôlée sur le plan spatial et temporel. La production de l'anandamide implique principalement, et non exclusivement, le transfert de l'acide arachidonique de la phosphatidylcholine à la phosphatidyléthanolamine par la N-acyltransférase pour aboutir à la N-arachidonoylphosphatidyléthanolamine (NAPE). La NAPE est ensuite hydrolysée pour former l'anandamide par une phospholipase D spécifique de la NAPEReference 2Reference 15. D'autres voies synthétiques comprennent l'élimination de chaînes d'acyles du NAPE par l'enzyme α/β-hydrolase 4 afin d'obtenir du glycérophospho-N-arachidonoyléthanolamine et pour ensuite effectuer l'hydrolyse des liaisons phosphodiesters du glycérophospho-N-arachidonoyléthanolamine à l'aide de l'enzyme phosphodiestérase 1 afin d'obtenir de l'anandamideReference 16. Par contre, le 2-AG est principalement synthétisé au moyen d'une hydrolyse à la phospholipase Cβ du phosphatidylinositol-4,5-bisphosphate avec l'acide arachidonique à la position sn-2 pour produire du diacylglycérol (DAG). Le DAG est ensuite hydrolysé par la DAGL pour former le 2-AGReference 2Reference 15. Bien que l'anandamide et le 2-AG soient des dérivés de l'acide arachidonique, ils sont synthétisés par des voies différentes de celles par lesquelles les éicosanoïdes sont synthétisésReference 17. Néanmoins, il semble qu'il pourrait y avoir un dialogue croisé (« cross-talk ») entre les voies des éicosanoïdes et des endocannabinnoïdesReference 17.
Génétique et signalisation au moyen des récepteurs cannabinoïdes
Les endocannabinoïdes tels que l'anandamide et le 2-AG, de même que les phytocannabinoïdes Δ9-tetrahydrocannabinol (Δ9-THC), le Δ8-THC, le cannabinol (CBN) et bien d'autres, se lient (avec affinité et efficacité variantes) aux récepteurs CB1 et CB2 et les activent, ces derniers étant des récepteurs couplés aux protéines G qui activent les cascades de signalisation à dépendance Gi/Go Reference 18Reference 19. Les récepteurs sont encodés par des gènes distincts qui se trouvent sur des chromosomes distincts; chez les humains, le locus du gène du récepteur CB1 (CNR1) se trouve sur le chromosome 5q15 tandis que le locus du gène du récepteur CB2 (CNR2) se trouve sur le chromosome 1p36Reference 20. La séquence codante du CNR1 consiste en un exon codant pour une protéine de 472 acides aminésReference 21. La protéine de récepteur CB1 partage à 97 - 99 % l'identité de séquence d'acides aminés avec toutes les espèces confondues (humaine, rat, souris)Reference 21. Comme dans la séquence codante du CNR1, la séquence codante du CNR2 ne comprend qu'un seul exon, mais celui-ci code pour une protéine plus courte, soit 360 acides aminés de longueurReference 21. Le récepteur CB2 humain partage à 48 % l'identité d'acide aminé avec le récepteur CB1 humain; le récepteur CB2 de la souris partage à 82 % l'identité de séquence d'acide aminé avec le récepteur CB2 humainReference 21.
L'activation des récepteurs CB1 ou des récepteurs CB2 couplés aux protéines Gi/o aboutit à l'inhibition de l'activité de l'enzyme adenylyl-cyclase, à une baisse de l'accumulation de l'adénosine monophosphate (AMP) cyclique avec une baisse correspondante de l'activité de la protéine kinase A, ainsi qu'à l'inhibition de l'influx calcique (Ca2+) à travers divers canaux du Ca2+; elle entraîne aussi la stimulation de canaux K+ rectifiants entrants et les cascades de signalisation des protéines kinases activées par des agents mitogènesReference 3Reference 13. L'anandamide a un effet agoniste partiel sur les récepteurs de CB et se lie avec un peu plus d'affinité aux récepteurs CB1 par rapport aux récepteurs CB2Reference 2Reference 22. Le 2-AG semble bien se lier également aux deux récepteurs CB (avec un peu plus d'affinité pour le CB1) mais avec plus de puissance et d'efficacité par rapport à l'anandamide aux récepteurs CBReference 2Reference 22.
Dans le système nerveux central (SNC), l'effet global de l'activation du récepteur CB1 est la répression de la libération des neurotransmetteurs (5-hydroxytryptamine (5-HT), glutamate, acétylcholine, acide gamma-aminobutyrique (GABA), noradrénaline, dopamine, D-aspartate, cholécystokinine) au niveau des synapses inhibitrices et excitatrices avec des effets à court et à long termeReference 2Reference 18Reference 23. L'inhibition de la libération des neurotransmetteurs intervient au moyen d'un mécanisme de signalisation rétrograde par lequel les endocannabinoïdes synthétisés et libérés depuis la membrane cellulaire des neurones postsynaptiques se répandent vers l'arrière à travers la fente synaptique et se lient aux récepteurs CB1 situés sur les terminaisons présynaptiques (Figure 1)Reference 3. C'est ce mécanisme de signalisation rétrograde qui permet de régler la neurotransmission de manière spatio-temporelle préciseReference 3. Dans les cellules immunitaires, l'activation des récepteurs CB2 empêche la libération des cytokines ou des chimiokines, et la migration des neutrophiles et des macrophages, entraînant des effets régulateurs complexes sur la fonction du système immunitaireReference 19.
Expression et distribution des récepteurs cannabinoïdes
La plupart des tissus sont dotés d'un SEC fonctionnel, les récepteurs CB1 et CB2 disposant de schémas distincts d'expression tissulaire. Le récepteur CB1 est l'un des récepteurs couplés aux protéines G les plus abondants dans les systèmes nerveux central et périphériqueReference 19. Ce dernier a été décelé au niveau du cortex cérébral, de l'hippocampe, de l'amygdale, des noyaux gris centraux, de la substantia nigra pars reticulata, des segments internes et externes du globus pallidus et du cervelet (couche moléculaire) et aux niveaux central et périphérique des conduits de la douleur y compris la substance grise periaqueductale, la medulla ventrolaterale rostrale, les régions des neurones primaires afférents de la corne dorsale de la moelle épinière y compris les nocicepteurs périphériques et les interneurones médullairesReference 4Reference 23Reference 24. La densité des récepteurs CB1 est la plus élevée dans le gyrus du cingulum, le cortex frontal, l'hippocampe, le cervelet et les noyaux gris centrauxReference 5. Des niveaux d'expression modérés du récepteur CB1 sont constatés dans le cerveau antérieur basal, l'amygdale, le noyau accumbens, la substance grise periaqueductale et l'hypothalamus; des niveaux d'expression beaucoup plus faibles sont observés dans le mésencéphale, le pont de Varole et la medulla ou le tronc cérébralReference 5. Une expression du récepteur CB1 relativement faible est constatée dans le thalamus et le cortex moteur primaireReference 5. Le récepteur CB1 s'exprime également dans plusieurs autres organes et tissus, dont les adipocytes, les leucocytes, la rate, le cœur, les poumons, l'appareil gastro-intestinal (GI) (foie, pancréas, estomac, intestin grêle et gros intestin), les reins, la vessie, les organes reproducteurs, les muscles squelettiques, les os, les articulations et la peauReference 25-Reference 43. Les récepteurs CB2 sont les plus fortement concentrés dans les tissus et les cellules du système immunitaire tels que les leucocytes et la rate, mais ils peuvent aussi être présents dans l'os et dans une moindre mesure dans les cellules hépatiques ainsi que les cellules nerveuses, dont les astrocytes, les oligodendrocytes et les cellules microgliales, et même les sous-populations neuronalesReference 44Reference 45.
D'autres cibles moléculaires pour les cannabinoïdes
Outre les récepteurs CB1 et CB2 bien connus, plusieurs autres cannabinoïdes se lieraient avec bon nombre d'autres cibles moléculaires. De telles cibles comprennent le troisième récepteur cannabinoïde putatif GPR55 (récepteur 55 couplé aux protéines G, G protein-coupled receptor), la famille des canaux cationiques à potentiel de récepteur transitoire, et une classe de récepteurs nucléaires et de facteurs de transcription, les PPARs, ainsi que les récepteurs 5-HT1A, les adréno-récepteurs α2 et les récepteurs d'adénosine et de glycine. Pour plus de détails à ce sujet, veuillez consulter la Section 2.1 ainsi que les ressources ci-aprèsReference 8Reference 9Reference 22Reference 46-Reference 49. La modulation de ces autres cibles des cannabinoïdes complique davantage les multiples effets des cannabinoïdes déjà connus.
Cessation du signal
L'action de deux enzymes hydrolytiques, à savoir la FAAH et la MAGL mettent rapidement fin à la signalisation des endocannabinoïdesReference 3. La FAAH intervient essentiellement au niveau post-synaptiqueReference 50Reference 51 et dégrade de façon préférentielle l'anandamideReference 14; et la MAGL, quant à elle, intervient au niveau pré-synaptiqueReference 50Reference 51 et favorise le catabolisme du 2-AG (Figure 1)Reference 14. Les signaux de terminaison sont essentiels afin de s'assurer que les activités biologiques sont bien régulées et une activité de signalisation prolongée, tel que lors de l'utilisation du cannabis, peut avoir des effets délétèresReference 52Reference 53.
Déréglementation du système endocannabinoïde et enjeux thérapeutiques généraux de la consommation des cannabinoïdes
La déréglementation du SEC semble se lier à un certain nombre de situations pathologiques, et les changements que connaît le fonctionnement du système sont soit protecteurs ou nocifsReference 54. La modulation du SEC au moyen de l'inhibition ciblée de voies métaboliques spécifiques et/ou de l'agonisme ou de l'antagonisme ciblé de ses récepteurs pourrait être prometteuse du point de vue thérapeutiqueReference 13. Toutefois, un enjeu majeur et constant dans l'usage routinier de cannabis (prédominant en THC) et des cannabinoïdes psychoactifs (p. ex. le THC) en clinique demeure celui de parvenir au ciblage sélectif du siège de la maladie ou des symptômes tout en ménageant d'autres régions du corps telles que les centres du cerveau qui s'occupent de la fonction cognitive et de l'humeurReference 23Reference 54-Reference 57. Malgré cet important défi, de plus en plus de données probantes tirées d'études cliniques sur le cannabis fumé ou vaporisé (prédominant en THC) contre la douleur chronique non cancéreuse (principalement la douleur neuropathique) suggèrent que l'utilisation de doses très faibles de THC (< 3 mg/dose) procure des bienfaits thérapeutiques entraînant peu d'effets secondaires psychoactifsReference 58Reference 59 (se reporter aussi à la Section 3.0 et 4.7.2.2 pour obtenir des détails supplémentaires).
Rôle du système endocannabinoïde dans le développement du système nerveux
Le récepteur CB1 s'exprime grandement dans le cerveau en développementReference 60. Par exemple, les récepteurs CB1 s'expriment grandement aux premières étapes du développement fœtal, dès le jour embryonnaire E12,5 (chez la souris) et durant les dernières étapes du développement fœtal (jour embryonnaire E21), le niveau d'expression étant élevé dans la substance blanche, dans plusieurs structures différentes (notamment l'hippocampe, le cervelet, le noyau caudé et le putamen et le cortex cérébral) et continue d'augmenter après la naissance jusqu'à l'âge adulte; en revanche, après la naissance, le niveau d'expression du récepteur CB1 commence à diminuer dans d'autres structures comme le corps calleux, le fornix, la strie terminale et le fascicule rétroflexeReference 60. De plus, dans le cerveau adulte, le récepteur CB1 semble être situé sur la membrane plasmique axonale et dans les endosomes somatodendritiques tandis que, dans le cerveau fœtal, le récepteur CB1 est localisé principalement sur les endosomes, dans les axones et dans la région somatodendritiqueReference 60. Les données dont on dispose semblent indiquer un rôle de neurodéveloppement pour le SEC, y compris dans des fonctions telles que la survie, la prolifération, la migration et la différenciation des progéniteurs neuronauxReference 60. L'activation du récepteur CB1, en réponse à une stimulation par des endocannabinoïdes, comme le 2-AG et l'anandamide, favorise ces fonctions mais retarde la transition à partir d'un phénotype progéniteur compétent multipotent, proliférateur et migratoire vers un phénotype neuronal plus stable post-mitotique bien différenciéReference 60Reference 61. Les études in vitro portant sur les effets de l'activation du récepteur dans les cultures neuronales primaires mènent à penser que le récepteur CB1 est principalement un régulateur négatif de la croissance des neurites étant donné que l'activation du récepteur CB1 entraîne un arrêt, une répulsion ou un effondrement des cônes de croissance et qu'elle influence ainsi la capacité des axones à atteindre leurs ciblesReference 60. Toutefois, ces réponses médiées par les récepteurs CB1 pourraient être surmontables par les effets des effecteurs de promotion de la croissance locaux au cône de croissance et l'équilibre entre les effets des endocannabinoïdes et des facteurs de croissance détermineraient les résultats généraux du développement des neurones. Le récepteur CB1 semble également agir comme un régulateur négatif de la synaptogénèse et peut ainsi avoir une incidence sur le devenir de la communication neuronaleReference 60. L'exposition aux cannabinoïdes qui activent le récepteur CB1 (comme le THC) au cours des périodes de développement du système nerveux comme le développement embryonnaire pendant la grossesse peut modifier le processus de développement neuronal normal de la progéniture et avoir une incidence négative sur les fonctions cérébrales normales pouvant causer une déficience à long terme de plusieurs fonctions et comportements cognitifsReference 61 (voir aussi les Sections 2.5 et 7.4 pour obtenir des renseignements complémentaires). Par exemple, une étude menée sur des souris enceintes a démontré que l'administration d'une faible dose de THC modifie le niveau d'expression de 35 protéines dans le cerveau des fœtusReference 62. De plus, cette étude identifie concrètement une cible moléculaire précise pour le THC dans le SNC en développement dont la modification peut perturber directement et de façon permanente les connexions du réseau neuronal au cours de la corticogénèse en permettant la formation de filopodes neuronaux ectopiques et en transformant la morphologie axonaleReference 62. Une autre étude in vitro à l'aide d'explants de cellules ganglionnaires de la rétine a démontré que l'administration de cannabidiol (CBD) réduit la taille des cônes de croissance neuronaux, le nombre des filopodes, la longueur totale des projections, l'effondrement induit des cônes de croissance et la rétraction des neurites (c.-à-d. la répulsion chimique) par l'entremise du récepteur GPR55Reference 63.
1.1 Cannabis
1.1.1 Chimie et composition
Le Cannabis sativa (c.-à-d. le cannabis, marihuana, marijuana) est un chanvre qui pousse dans les climats tempérés et tropicauxReference 67. Les feuilles et les sommités fleuries du Cannabis produisent plus de 500 composés distincts répartis en 18 classes chimiques différentes et hébergent plus de 100 différents phytocannabinoïdesReference 68-Reference 71. Les principaux phytocannabinoïdes semblent être le delta-9-tétrahydrocannabinol (Δ9-THC, THC), le CBN et le cannabidiol (CBD)Reference 72-Reference 74, bien que l'abondance relative de ceux-ci et d'autres phytocannabinoïdes puisse varier en fonction d'un certain nombre de facteurs tels que la variété du cannabis, les conditions du sol et les conditions climatiques, ainsi que les techniques de cultureReference 75Reference 76. D'autres phytocannabinoïdes que l'on retrouve dans le cannabis sont le cannabigérol (CBG), le cannabichromène (CBC), le tétrahydrocannabivarin (THCV) et bien d'autresReference 70. Dans la plante vivante, ces phytocannabinoïdes existent aussi bien sous forme d'acide monocarboxylique inactif (p. ex. acide tetrahydrocannabinolic, le THCA) que sous forme décarboxylée active (p. ex. le THC). Toutefois, la chaleur (à des températures supérieures à 120 °C) provoque la décarboxylation (p. ex. du THCA au THC)Reference 77-Reference 79. De plus, la pyrolyse (comme en fumant) transforme chaque membre des centaines de composés contenus dans le cannabis en plusieurs autres composés, dont bon nombre reste encore à caractériser tant d'un point de vue chimique que pharmacologique. Donc, le cannabis peut être considéré comme une drogue brute contenant un nombre important de constituants chimiques et pharmacologiques, et ce n'est que peu à peu que l'on commence à comprendre ses propriétés.
De tous les constituants du cannabis et particulièrement parmi les cannabinoïdes, le Δ9-THC est de loin le cannabinoïde le plus étudié et est à l'origine de nombreux, si ce n'est de la plupart des effets physiques et psychotropiques du cannabisReference 80. D'autres phytocannabinoïdes (tels que le CBD, le CBC et le CBG) sont présents en moindre quantité dans la plante et ont peu de propriétés psychotropiques, voire aucunesReference 80. Cependant, les producteurs canadiens de cannabis autorisés à des fins médicales proposent maintenant une grande variété de souches de cannabis contenant différentes teneurs en THC et CBD, y compris les souches prédominantes de THC, de CBD ou les souches équilibrées pour les patients qui ont reçu une autorisation de la part de leur professionnel de la santé pour avoir accès au cannabis à des fins médicales. Pour obtenir plus de renseignements, veuillez consulter le site Web suivant : producteurs de cannabis à des fins médicales autorisés approvés par Santé Canada.
1.1.2 Autres constituants
Le nombre élevé de composés que l'on trouve dans le cannabis compte plusieurs classes chimiques dont les phytocannabinoïdes, les composés azotés, les acides aminés, les protéines, les enzymes, les glycoprotéines, les hydrocarbures, les alcools simples, les aldéhydes, les cétones et les acides, les acides gras, les esters et les lactones simples, les stéroïdes, les terpènes, les phénols non-cannabinoïdes, les flavonoïdes, les vitamines et les pigmentsReference 70. De plus, des différences en ce qui concerne la présence et l'abondance relative de quelques-unes de ces diverses composantes ont été étudiées et des différences ont été relevées entre l'extrait de cannabis, sa vapeur et sa fumée, mais aussi entre les diverses variétés de celui-ciReference 81. Il convient de noter que la fumée du cannabis contient beaucoup de composés n'ayant pas été détectés ni dans l'extrait ni dans la vapeur de ce dernier, y compris beaucoup d'autres qui sont reconnus ou que l'on soupçonne comme étant cancérogènes ou mutagènesReference 81-Reference 83. Par ailleurs, les comparaisons entre la fumée du cannabis et celle du tabac ont révélé que la fumée du cannabis contient bon nombre des agents chimiques cancérogènes que l'on trouve dans la fumée du tabacReference 82Reference 84 (voir Section 7.1 pour plus de renseignements).
On en sait relativement peu sur les actions pharmacologiques des divers autres composés contenus dans le cannabis (p. ex. les terpènes, les flavonoïdes). Toutefois, on estime que certains de ces composés (p. ex. les terpènes) possèdent un large spectre d'actions (p.ex. comme antioxydant, anxiolytique, anti-inflammatoire, antibactérien, antinéoplastique, antipaludique), mais cette information provient de quelques études in vitro et in vivo seulement, et il n'existe aucun essai clinique pour étayer ces affirmations. Les terpènes varient largement d'une variété de cannabis à une autre et l'on pense qu'ils sont principalement responsables des différences quant au parfum des différentes souches de cannabisReference 75. On estime aussi que les terpènes seraient à l'origine des qualités distinctives de l'inhalation du cannabis fumé et éventuellement du « high » associé à l'activité de fumer du cannabisReference 75, mais encore une fois, cette hypothèse n'a pas encore fait l'objet d'une étude approfondie. La notion selon laquelle les terpènes pourraient, d'une manière ou d'une autre, modifier ou accentuer les effets des cannabinoïdesReference 85Reference 86, c.-à-d. l' « effet de l'entourage » reste. pour l'instant. hypothétique étant donné qu'il existe peu, voire aucune, donnée probante préclinique pour étayer cette hypothèse, et qu'à ce jour il n'y a pas encore eu d'essai clinique à ce sujet.
1.1.3 Stabilité et entreposage
La plupart des renseignements sur la stabilité du cannabis ne font aucune distinction entre le Δ9-THC et son acide carboxylique (Δ9-THCA). Ce dernier est transformé en Δ9-THC par la chaleur lors de la vaporisation ou lors de la cuisson, ou par la pyrolyse lorsqu'il est fumé ou dans l'entrée des chromatographes en phase gazeuse utilisées dans les analyses judiciairesReference 87. Il a été démontré que la décarboxylation complète du Δ9-THCA en Δ9-THC se produit à partir de 98 ºC et jusqu'à une température de 200 ºC. Au fur et à mesure que la température augmente, le taux de décarboxylation augmente : cela prend 4 heures pour une décarboxylation complète à 98 ºC, mais seulement quelques secondes à 200 ºCReference 88-Reference 90. La chaleur, la lumière, l'humidité, l'acidité et l'oxydation affectent tous la stabilité du cannabis et des phytocannabinoïdesReference 91Reference 92. Le National Institute on Drug Abuse signale que les échantillons conservés de ses cigarettes préparées avec soin et normalisées sont stables pendant des mois, particulièrement s'ils sont entreposés sous 0 °C (-18 ºC) dans l'obscurité et dans des contenants hermétiquement fermésReference 93. Toutefois, même à +18 ºC, seul un tiers de la teneur en Δ9-THC est perdu sur cinq ans, avec une certaine augmentation de la concentration du CBN. Il se trouve que les cigarettes de cannabis à concentration plus faible (1,15 % de THC) perdent davantage de Δ9-THC comparativement aux cigarettes à plus forte concentration en Δ9-THC (2,87 % de THC)Reference 93. Turner et coll. ont constaté que la teneur en THC du cannabis diminuait à un taux de 3,83, de 5,38 et de 6,92 % par an pour le cannabis stocké à -18 ºC, 4 ºC et à 22 ºC, respectivementReference 94. Sevigny a fourni la formule suivante pour calculer le déclin de THC : THC0 = THCa / e-(k) (t) où THC0 est la concentration initiale inconnue de THC, THCa est la concentration de THC mise à l'essai, k est la constante du taux de déclin qui peut varier en fonction de deux conditions : k = 0,0263 (taux de déclin moyen de la limite inférieure pour les échantillons stockés dans l'obscurité à 3 ºC) et k = 0,0342 (taux de déclin moyen de la limite supérieure pour les échantillons stockés à la lumière naturelle d'un laboratoire à 22 ºC) et t est le délai d'analyse entre la saisie et l'essai (exprimé en mois)Reference 95. Pour connaître les conditions de stabilité et d'entreposage particulières du cannabis offerts par des producteurs commerciaux autorisés au Canada, veuillez consulter les renseignements fournis par les producteurs commerciaux autorisés.
2.0 Pharmacologie clinique
2.1 Pharmacodynamique
Une grande partie des renseignements pharmacodynamiques sur le cannabis renvoie aux effets du principal constituant, le Δ9-THC, qui a un effet agoniste partiel sur les deux récepteurs CBReference 46Reference 48Reference 96, agit au niveau des récepteurs non-CB et d'autres ciblesReference 46Reference 48Reference 97, et est responsable des effets psychoactifs du cannabis par l'entremise de ses actions sur le récepteur CB1Reference 46Reference 48Reference 98. Le Δ8-THC, un isomère du Δ9-THC, se trouve en des quantités plus réduites dans la plante, mais tout comme le Δ9-THC, il a un effet agoniste partiel sur les deux récepteurs CB et son efficacité et sa puissance sont relativement les mêmes que ceux du Δ9-THC dans des essais in vitroReference 96. Une étude in vivo chez l'animal et une étude clinique laissent supposer que le Δ8-THC serait un antiémétique beaucoup plus puissant que le Δ9-THCReference 99Reference 100.
Le CBN est un produit de l'oxydation du Δ9-THC et possède 10 % de l'activité de celui-ci au niveau du récepteur CB1Reference 101. Peu d'études font cas de ses effets, mais d'après un nombre restreint d'études in vitro, il aurait certaines propriétés immunosuppressivesReference 102.
Le CBG est un agoniste partiel des récepteurs CB1/2 et, d'après un nombre restreint d'études in vitro, il pourrait avoir certaines propriétés anti-inflammatoires et analgésiquesReference 49Reference 101Reference 103Reference 104. Par exemple, les essais in vitro ont révélé que le CBG, à une concentration de 100 µg/mL (correspond approximativement à une concentration de 300 µM et est supérieure à l'intervalle physiologique habituel; elle n'est donc pas vraiment représentative des conditions in vivo chez l'humain), est associé à une inhibition supérieure à 30 % des enzymes cyclo-oxygénases (COX) 1 et 2. En revanche, il n'a entraîné qu'une faible inhibition (< 10 %) de la production de prostaglandines in vivo à des concentrations qui n'ont pas causé de cytotoxicitéReference 104. L'acide cannabigérolique a un profil semblable. Il a aussi été démontré que le CBG bloque les récepteurs 5-HT1A et agit comme un agoniste de l'adrénorécepteur α2Reference 105. Des preuvesémergentes suggèrent que le CBG peut produire des signes d'analgésie en activant les adénorécepteurs α2 Reference 46.
Le CBD n'a pas d'effet psychoactif décelable, et ne semble pas se lier aux récepteurs CB1 ou CB2 à des concentrations physiologiques significatives, mais il existe de nouvelles preuves suggérant que le CBD pourrait agir en tant que modulateur allostérique non-compétitif négatif des récepteurs CB1Reference 106. Il existe aussi une quantité importante de données suggérant que le CBD touche aussi à l'activité de bon nombre d'autres cibles, y compris les canaux ioniques, les récepteurs et les enzymesReference 18Reference 101Reference 107. Par exemple, il a été révélé que le CBD bloque l'activité de la FAAH, ce qui entraîne une augmentation des niveaux de l'anandamide, agit comme un agoniste du canal TRPV1, inhibe l'absorption d'adénosine en agissant comme un agoniste indirect aux récepteurs de l'adénosine, agit comme un agoniste des récepteurs 5-HT1A, agit comme un modulateur allostérique positif des récepteurs glycine et agit comme un antioxydant et un épurateur des espèces réactives de l'oxygène, ainsi que comme une homéostase calcique régulatrice par l'intermédiaire de l'échangeur mitochondrial sodium/calcium (Na+/Ca2+)Reference 108. Les effets du CBD sur ces cibles et sur d'autres cibles moléculaires sont associés à des effets anti-inflammatoires, analgésiques, anti-émétiques, antipsychotiques, anti-ischémiques, anxiolytiques et anti-épileptiformesReference 108.
Le THCV a un effet antagoniste sur le récepteur CB1 et un effet agoniste partiel sur le récepteur CB2 dans des études in vitro et in vivoReference 109Reference 110, ainsi qu'un effet agoniste sur le récepteur 5-HT1AReference 47. Des études précliniques suggèrent que le THCV pourrait posséder des propriétés comme agent anti-épileptiforme ou anti-convulsant, anti-nociceptif et antipsychotique potentielsReference 108.
Une grande partie de ce que l'on sait sur les propriétés bénéfiques de ces cannabinoïdes non-psychotropiques (p. ex. CBD, THCV) provient d'études in vitro et in vivo et il existe peu d'études cliniques rigoureuses et bien menées sur ces substances. Toutefois, les résultats issus de ces études pré-cliniques laissent entrevoir de potentielles indications thérapeutiques telles que la psychose, l'épilepsie, l'anxiété, les troubles du sommeil, la neurodégénération, l'ischémie cérébrale et myocardiaque, l'inflammation, la douleur et les réactions immunitaires, les vomissements, la prise d'aliments, le diabète de type 1, la maladie hépatique, l'ostéogénèse et le cancerReference 18Reference 101Reference 111. Pour plus de renseignements sur la pharmacologie des cannabinoïdes, le lecteur est invité à consulter les ressources suivantesReference 22Reference 46Reference 48Reference 101Reference 112.
Interactions entre phytocannabinoïdes et différences des phytocannabinoïdes parmi diverses souches de cannabis
En dépit des affirmations anecdotiques, il existe peu de renseignements fiables sur les interactions réelles ou potentielles d'importance biologique ou physiologique entre les phytocannabinoïdes, surtout le Δ9-THC et le CBD. Les quelques renseignements existants sont complexes et exigent plus de précisions au moyen d'études supplémentaires. Les paragraphes suivants résument les renseignements disponibles à ce sujet.
Facteurs influençant la nature d'interactions éventuelles entre les phytocannabinoïdes
Diverses études ont signalé une potentialisation des interactions, une opposition des interactions ou des interactions neutres entre le Δ9-THC et le CBDReference 113-Reference 128. Les divergences relevées quant à la nature des interactions entre le Δ9-THC et le CBD rencensées dans la littérature pourraient s'expliquer par les différences liées aux doses et aux ratios du THC et du CBD utilisés dans les différentes études, les différences au niveau de la voie d'administration et au niveau des effets liés à l'ordre d'administration (traitement préliminaire au CBD versus l'administration concomitante simultanée avec le Δ9-THC), les différences au niveau de la durée du traitement (aiguë par rapport à chronique), les différentes espèces animales utilisées, de même que les paramètres tant biologiques que physiologiques faisant l'objet de l'examenReference 129.
Différences entre les interactions pharmacocinétiques et pharmacodynamiques
En général, il semble y avoir deux types de mécanismes pouvant régir d'éventuelles interactions entre le CBD et le Δ9-THC; celles d'origine pharmacocinétiqueReference 121Reference 129 et celles d'origine pharmacodynamiqueReference 114Reference 116. En dépit de la nature limitée et complexe des renseignements disponibles, il semble qu'en général, l'administration préliminaire du CBD pourrait potentialiser certains effets du THC (par un mécanisme pharmacocinétique). La potentialisation des effets du THC par le CBD pourrait être due à l'inhibition du métabolisme du THC dans le foie, entraînant un taux plasmatique plus élevé de THCReference 121Reference 129. L'administration concomitante simultanée du CBD pourrait permettre d'atténuer certains effets du THC (par un mécanisme pharmacodynamique). De plus, le ratio entre les deux phytocannabinoïdes jouerait aussi un rôle pour déterminer si l'effet global sera potentialisateur ou antagoniste. On pourrait observer l'atténuation des effets induits par le THC par l'intermédiaire du CBD lorsque le ratio du CBD et du THC est d'au moins 8 : 1Reference 115Reference 128, tandis que le CBD semble potentialiser certains des effets associés au THC lorsque le ratio du CBD et du THC se situe à environ 2 : 1Reference 128. Il existe de nouvelles preuves provenant d'études précliniques suggérant que des doses infraliminaires antiémétiques d'une combinaison du THC et du CBD ou d'acide cannabidiolique (CBDA) pourraient être efficaces dans des modèles animaux du traitement de la nausée aiguë ou des nausées d'anticipation (veuillez consulter la Section 4.3 pour plus de détails).
Effets psychologiques et physiologiques associés à la variation des concentrations des phytocannabinoïdes
Un certain nombre d'études ont examiné les effets neurophysiologiques, cognitifs, subjectifs ou comportementaux qu'entraîne une variation des concentrations du Δ9-THC, du CBD ou d'autres cannabinoïdes tels que le CBC dans le cannabis fuméReference 120Reference 130. Lors d'une étude, 24 hommes et femmes en santé qui avaient déclaré avoir consommés du cannabis au moins 10 fois dans leur vie avaient été soumis à un essai clinique inter- et intra-sujets à double insu et contrôlé avec placebo; celui-ci a révélé que des variations délibérées systématiques des niveaux du CBD ou du CBC dans le cannabis fumé n'étaient associées à aucune différence importante dans les essais subjectifs, physiologiques ou de performance mesurésReference 120. Lors d'une autre étude, les effets subjectifs liés à l'inhalation ou à l'administration par voie orale du matériel végétal de cannabis avaient fait l'objet d'une comparaison directe aux effets de l'inhalation ou de l'administration par voie orale du Δ9-THC (en utilisant des doses appariées de Δ9-THC) à des sujets normaux en bonne santéReference 130. Cette étude intra-sujets contrôlée, effectuée par permutation et à double insu a signalé peu de différences fiables entre les conditions liées au THC uniquement et celles liées à la plante entière du cannabisReference 130. Les auteurs sont en outre arrivés à la conclusion que les autres cannabinoïdes présents dans le matériel végétal du cannabis n'avaient pas modifié les effets subjectifs du cannabis, mais ils ont aussi spéculé que les échantillons de cannabis à teneur plus élevée en cannabinoïdes ou que différents ratios de cannabinoïdes individuels pourraient raisonnablement entraîner des résultats différents, même si aucune donnée probante à l'appui n'a été avancée dans cette étude. Ils ont également émis l'hypothèse voulant que la plante entière de cannabis et le THC seul pourraient différer en d'autres mesures de résultats plus pertinentes à des entités cliniques (p. ex. la spasticité ou la douleur neuropathique). À l'exception possible d'une étudeReference 131 (voir Section 4.7.2.3. Douleur liée au cancer) qui a suggéré qu'il existe des différences entre l'extrait de la plante entière du cannabis (c.-à-d. le nabiximols, commercialisé sous le nom de SativexMD) et le THC seul dans l'analgésie de la douleur liée au cancer, aucune autre étude clinique n'a examiné cette possibilité. Une étude a comparé les effets subjectifs et physiologiques du THC par voie orale à ceux liés au nabiximols chez des sujets normaux en bonne santéReference 126. Les auteurs ont signalé l'absence d'effets modulateurs du CBD (ou d'autres composantes du cannabis) à des doses thérapeutiques faibles du cannabinoïde, à l'exception éventuelle du « high » subjectifReference 126.
Une étude transversale en ligne menée auprès de 1 877 personnes ayant consommé de façon régulière du cannabis a conclu que les personnes qui avaient indiqué avoir consommés le cannabis dont le ratio CBD/THC était plus élevé avaient aussi indiqué avoir éprouvé peu d'épisodes psychotiques (une expérience typiquement liée à l'exposition à des doses plus élevées de THC)Reference 132. Toutefois, les auteurs ont remarqué que les effets étaient subtils. L'étude avait été aussi entravée par un certain nombre de problèmes méthodologiques qui suggèrent que les conclusions devraient être interprétées avec prudence.
Brunt et coll. (2014) ont mené une étude qui examine la satisfaction thérapeutique auto-déclarée et les effets subjectifs des différentes souches de cannabis de qualité pharmaceutique vendues aux Pays-BasReference 133. Les auteurs ont déclaré qu'au sein de la population à l'étude composée d'environ 100 patients consommant du cannabis à des fins médicales pour des problèmes de santé comme la sclérose en plaques (SP), une douleur chronique, des nausées, un cancer et des problèmes psychologiques, ceux qui consommaient du cannabis avec des concentrations de cannabinoïdes comprenant du THC à 6 % et du CBD à 7,5 % (c.-à-d. cannabis à de « faible taux de THC ») ont signalé que leur niveau d'anxiété et d'abattement (c.-à-d. se sentir triste, déprimé) était beaucoup plus faible, mais ils ont également indiqué que leur appétit était moins stimulé. Fait important, ces patients consommant un « faible taux de THC » ont signalé des taux équivalents de satisfaction thérapeutique, à ceux qui ont déclaré consommer du cannabis comprenant un « taux élevé de THC » (THC à 19 %, CBD < 1 %) et un « taux moyen de THC » (THC à 12 %, CBD < 1 %). Il est également surprenant de constater qu'il y avait peu de différence en matière de quantité quotidienne consommée exprimée en grammes entre les diverses variétés de THC et de CBD, toutes les catégories déclarant, en moyenne, consommer moins d'un gramme de cannabis séché par jour. Les résultats de l'étude sont également conformes au reste des écrits en ce qui concerne la dose moyenne quotidienne en grammes de cannabis séché consommé par les patients (c.-à-d. jusqu'à trois grammes au maximum, mais généralement, environ un gramme ou moins à de concentrations variables de THC). Considérés dans leur ensemble, les résultats de l'étude semblent indiquer que la consommation de cannabis contenant à peu près des concentrations équivalentes « plus faibles » de THC et « plus élevées » de CBD est associée à une efficacité et à une satisfaction thérapeutiques auto-déclarées dans le cadre de plusieurs affections médicales pour lesquelles le cannabis séché est habituellement consommé. Il est aussi lié à une atténuation des niveaux de perturbation de l'humeur. Les données suggèrent également que le cannabis contenant des concentrations plus élevées de THC et de faibles concentrations de CBD n'est pas nécessairement plus efficace que les souches dont les doses sont plus faibles, sauf dans le cas de la stimulation de l'appétit. Cependant, il semble que la consommation de souches à forte concentration de THC est associée à une perturbation de l'humeur plus importante que les souches à concentration faible de THC. L'étude comportait un certain nombre de restrictions, comme l'observation de seulement un petit nombre de patients, d'une quantité limité d'affectations et consistait d'une enquête auto-déclarée.
Deux études in vivo menées chez des primates autres que les humains (c.-à-d. des macaques rhésus) ont démontré que le CBD atténuait certains des effets du THC, y compris les effets d'affaiblissement des capacités cognitives et de perturbation des comportements d'inhibition de l'activité motriceReference 134.
Une étude in vivo menée chez des primates autres que les humains (c.-à-d. des macaques rhésus) a démontré que le CBD, lorsqu'administré selon un rapport de 1 : 1 au THC, atténuait certains des effets d'affaiblissement des capacités cognitives du THC et surtout les effets affectant la mémoire spatiale, mais n'avait aucun effet sur les déficiences du rendement induites par le THC (c.-à-d. les effets non particuliers sur l'activité motrice et la motivation)Reference 134. Une autre étude in vivo menée chez des primates autres que les humains (c.-à-d. des macaques rhésus) examinant les effets aigus et chroniques du CBD sur les perturbations des comportements d'inhibition de l'activité motrice induites par le THC ont démontré que le CBD, à un rapport de 3 : 1 et non de 1 : 1 au THC, atténuait certains des effets comportementaux aigus et chroniques de plus fortes doses de THC sur les perturbation des comportements d'inhibition de l'activité motriceReference 135.
En résumé, bien qu'il semble que le CBD puisse moduler certains effets comportementaux du THC, des études plus approfondies s'imposent afin d'élucider l'influence du CBD et d'autres phytocannabinoïdes ou terpénoïdes aussi bien sur les effets physiologiques ou psychologiques liés à la consommation du Δ9-THC que sur tout trouble médical.
Aperçu des effets pharmacologiques du cannabis
L'essentiel des informations disponibles relatives aux effets aigus du cannabis proviennent des études menées auprès de ceux qui le consomment à des fins non médicales, et beaucoup moins d'informations sont disponibles à partir d'études cliniques menées auprès des patients qui consomment le cannabis à des fins médicales.
Les effets aigus du cannabis fumé ou ingéré comprennent l'euphorie (le « high » de la marijuana) ainsi que des effets cardiovasculaires, bronchopulmonaires, oculaires, psychologiques et psychomoteurs. L'euphorie maximale se produit typiquement rapidement après avoir fumé et prend généralement plus de temps si administré par voie oraleReference 80. Toutefois, certaines personnes peuvent éprouver de la dysphorie et de l'anxiétéReference 136. La tachycardie est le plus fréquent des effets physiologiques aigus associés à la consommation du cannabisReference 137-Reference 140.
Les effets psychoactifs à court terme de la fumée de cannabis chez ceux qui le consomment à des fins non médicales comprennent l'euphorie, telle que mentionnée plus haut, mais aussi la relaxation, la distorsion du temps, la perception accrue d'expériences sensorielles ordinaires (par exemple se nourrir, regarder des films et écouter de la musique) et une perte des inhibitions pouvant déclencher le rireReference 141. Ces effets sont suivis d'une période de dépressionReference 142. La plupart des revues indiquent que la consommation de cannabis est liée à la déficience d'une variété de tâches cognitives et de la mémoire à court termeReference 102Reference 142-Reference 146 et les niveaux de Δ9-THC dans le plasma après avoir fumé le cannabis semblent avoir un effet sur la fonction cognitive qui dépendrait de la dose, du temps et de la concentrationReference 147-Reference 149. La capacité à conduire ou à utiliser de la machinerie complexe, y compris les aéronefs, peut s'avérer considérablement compromiseReference 150-Reference 153.
Le Tableau 1 (ci-dessous), adapté à partir d'une revueReference 154, relève certains des effets pharmacologiques du cannabis dans la marge du dosage thérapeutique. Plusieurs des effets sont biphasiques, par exemple, une activité accrue avec des doses aiguës ou faibles, et une diminution de l'activité avec des doses plus fortes ou un usage chroniqueReference 137Reference 155Reference 156. Les effets diffèrent grandement selon les personnes et peuvent être accrus chez les patients jeunes, gravement malades, plus âgés, ou qui consomment d'autres médicaments.
Systèmes et appareils de l'organisme et effet | Détails des effets |
---|---|
Système nerveux central (SNC) | |
Psychologique (Sections 4.9.5 et 7.7) |
Euphorie (« high »), dysphorie, anxiété, dépersonnalisation, précipitation ou aggravation de la psychose, schizophrénie ou trouble bipolaire (particulièrement chez les individus vulnérables) et idées suicidaires/tentatives de suicide (particulièrement parmi les hommes), données limitées et mitigées dans l'état de stress post-traumatique (ESPT), données mitigées pour le syndrome amotivationnelReference 80Reference 157-Reference 198. |
Perception (Section 7.7.1) |
Perception sensorielle élevée, distorsion de la perception de l'espace et du temps, hallucinations, perceptions erronéesReference 170Reference 174Reference 185Reference 199-Reference 206. |
Sédatif (Sections 6.2 et 7.7) |
Dépression généralisée du SNC, endormissement, somnolence (effet selon la dose sur le sommeil); s'ajoutant aux autres dépresseurs du SNC (opiacés et alcool)Reference 59Reference 137Reference 157Reference 167Reference 171Reference 174Reference 179Reference 180Reference 190Reference 207-Reference 222. |
Cognition, rendement psychomoteur (Sections 7.7.1 et 7.7.2) |
Fragmentation de la pensée, obnubilation (attention et concentration), troubles de la mémoire/amnésie, déficience globale du rendement particulièrement pour les tâches complexes et exigeantes et s'ajoutant aux autres dépresseurs du SNC (p. ex. l'alcool)Reference 120Reference 145Reference 146Reference 150-Reference 153Reference 180Reference 200Reference 201Reference 222-Reference 231. |
Fonction motrice (Sections 4.9.1 et 7.7.2) |
Manque de coordination, ataxie, chutes, dysarthrie, faiblesseReference 137Reference 167Reference 169Reference 171Reference 175Reference 201Reference 202Reference 217Reference 222Reference 232-Reference 236. Des données limitées et mitigées dans la dystonie, la maladie de Huntington, le syndrome de Tourette et la maladie de ParkinsonReference 174Reference 237-Reference 257. |
Épilepsie (Section 4.6) |
Propriétés antiépileptiformes et anticonvulsives avec le CBD (et probablement aussi avec la cannabidivarine (CBDV) et THCV)Reference 210Reference 212Reference 258-Reference 260. Effets mixte pro et antiépileptiformes ainsi que pro et anticonvulsifs avec le THCReference 259Reference 261Reference 262. |
Analgésique (Section 4.7) |
Données limitées d'effets mixtes pour la douleur aiguëReference 263-Reference 270. Effet modéré contre la douleur chronique non liée au cancer (principalement neuropathique)Reference 58Reference 59Reference 108Reference 171Reference 174Reference 179Reference 180Reference 190Reference 213Reference 217Reference 220Reference 221Reference 264Reference 269Reference 271-Reference 277. Effets modestes et mixtes pour la douleur liée au cancerReference 131Reference 278-Reference 281. Effet « d'épargne en opiacés » mixteReference 131Reference 276Reference 280Reference 282-Reference 284. Données très limitées d'effets mixtes pour les céphalées et migrainesReference 285-Reference 289. |
Anti-nausées ou antiémétiques; hyperémétiques (Sections 4.3 et 7.6.1) |
Observé après des doses aiguësReference 282Reference 290-Reference 294; la tolérance pourrait se produire en cas d'usage chroniqueReference 295. Inversement, des nausées et/ou des vomissements peuvent aussi être observés avec l'utilisation à des fins médicalesReference 222. L'hyperémèse a aussi été observé avec des doses plus fortes ou en cas d'usage chronique dans des contextes non médicauxReference 296-Reference 306. |
Appétit (Sections 4.4 et 4.9.8.4) |
Accru chez des sujets normaux en bonne santé mais aussi chez des patients souffrant de l'anorexie et de la cachexie liées au virus de l'immunodéficience humaine (VIH)/ syndrome d'immunodéficience acquise (SIDA)Reference 133Reference 174Reference 218Reference 219Reference 222Reference 307-Reference 310. Données mixtes et modestes pour une perte d'appétit chez les patients atteints du cancerReference 311-Reference 318. Données faibles pour l'anorexie mentaleReference 319Reference 320. |
Tolérance |
Tolérance à la plupart des effets comportementaux et somatiques, y compris le « high » (avec usage chronique)Reference 176Reference 225Reference 321-Reference 330. |
Dépendance, syndrome de sevrage (Section 2.4) |
La dépendance a été produite expérimentalement et observée après une intoxication prolongéeReference 141Reference 157Reference 185Reference 326Reference 331-Reference 334. L'abstinence entraîne des symptômes de sevrage pouvant inclure la colère, l'anxiété, l'agitation, l'irritabilité, l'humeur dépressive, les troubles de sommeil, des rêves étranges, la diminution de l'appétit et la perte de poids corporelReference 185Reference 326Reference 335-Reference 339. |
Systèmes cardiovasculaire et cérébrovasculaire | |
Fréquence et rythme cardiaques (Section 7.5) |
Tachycardie observée après des doses aiguës; la tolérance se produisant avec exposition chroniqueReference 137-Reference 140Reference 179Reference 180Reference 340-Reference 343. Les contractions ventriculaires prématurées, les palpitations, la fibrillation auriculaire, l'arythmie ventriculaire sont aussi observées avec des doses aiguësReference 140Reference 222Reference 344-Reference 348. |
Circulation périphérique (Section 7.5) |
Vasodilatation, rougeur de la conjonctive, hypertension en position couchée, hypotension posturaleReference 214Reference 222Reference 342Reference 344Reference 349-Reference 351. |
Débit cardiaque (Section 7.5) |
DébitReference 344 et demande d'oxygène du myocardeReference 349 accrus. |
Débit sanguin cerebral (Section 7.5) |
Accru avec une dose aiguë, diminué avec usage chronique, variations en fonction de la régionReference 342Reference 352. |
Infarctus du myocarde (Section 7.5) |
Risque accru d'un infarctus aigu du myocarde une heure après avoir fumé le cannabis, surtout chez des personnes souffrant déjà d'une maladie cardiovasculaireReference 140Reference 349. |
Accident vasculaire cerebral (Section 7.5) |
Risque accru de subir un accident vasculaire cérébral après un épisode aigu de cannabis fuméReference 344Reference 353Reference 354. |
Carcinogenèse et mutagenèse | |
(Section 7.1) | La fumée de cannabis contient beaucoup des mêmes substances chimiques que la fumée de tabac et les condensats de la fumée de cannabis sont plus cytotoxiques et mutagènes que ceux de la fumée de tabacReference 82Reference 84. Des données contradictoires lient fumer du cannabis au cancerReference 355-Reference 358. Lien possible entre fumer du cannabis et le cancer des testiculesReference 359. |
Système respiratoire | |
Changements histopathologiques/inflammation (Section 7.2) |
Fumer du cannabis chroniquement est lié aux changements histopathologiques dans les poumons (hyperplasie des cellules basales, stratification, hyperplasie des cellules caliciformes, désorganisation cellulaire, inflammation, épaississement de la membrane basale et métaplasie des cellules squameuses)Reference 360. Fumer du cannabis à long terme est lié à la toux, à la production accrue de mucosités et à la respiration sifflanteReference 361. |
Bronchodilatation (Sections 4.9.3 et 7.2) |
L'exposition aiguë au THC entraîne la dilatation, éventuellement réversible avec l'exposition chronique (en fumant)Reference 361. Le cannabis fumé ou vaporisé pourrait aggraver les symptômes asthmatiquesReference 362Reference 363. |
Fonction pulmonaire (VEM1; CVF) (Section 7.2) |
Faible exposition aiguë, éventuellement stimulante; fumer excessivement à long terme éventuellement associé à une diminution de la fonction pulmonaireReference 361Reference 364-Reference 368. |
Appareil gastrointestinal | |
(Sections 4.9.8 et 7.6) | Diminution de la motilité gastroinstestinale, sécrétion réduite, vidange gastrique et du colôn réduit, actions anti-inflammatoires, données limitées et mixtes d'un effet bénéfique pour le syndrome du côlon irritable et les maladies inflammatoires de l'intestinReference 33Reference 180Reference 275Reference 369. Douleur abdominale, nausée, vomissements, diarrhéeReference 222. |
Foie (Section 4.9.8.3 et 7.6.2) |
Risque accru de stéatose ou de fibrose hépatiques, surtout chez des patients atteints d'hépatite CReference 35Reference 370-Reference 372. Augmentation de l'adhérence au traitement de l'hépatite C avec comme résultat l'absence potentielle prolongée de quantités décelables du virus de l'hépatite CReference 373. |
Pancréas (Section 4.9.8.5) |
Risque de pancréatite aiguë avec l'usage chronique quotidien excessifReference 374-Reference 376Reference 378. |
Système musculo-squelettique | |
(Sections 4.5.1, 4.5.3 et 4.8) | Effet bénéfique éventuel positif dans le soulagement de la douleur chronique associée à la polyarthrite rhumatoïdeReference 379-Reference 381 et à la fibromyalgieReference 179Reference 382Reference 383. Pourrait atténuer la spasticité liée à la sclérose en plaques et au traumatisme médullaireReference 220Reference 221Reference 274Reference 384. Pourrait avoir une incidence négative sur la guérison des osReference 385. |
Yeux | |
(Section 4.9.2) | Données limitées d'une diminution de la pression intraoculaireReference 386-Reference 388. |
Système immunitaire | |
(Section 7.3) | Effets immunomodulateurs complexes avec des effets suppresseurs et/ou stimulants (administration aiguë et chronique)Reference 26Reference 389. Hypersensibilité et réactions allergiquesReference 362Reference 363Reference 390Reference 391. |
Appareil reproducteur | |
Hommes (Sections 2.5 et 7.4) |
Niveaux d'hormone folliculo-stimulante (FSH), hormone lutéinisante (LH) et testostérone soit non affectés soit diminués avec une consommation chronique de cannabis fuméReference 392 (mais voirReference 393 qui rapporte des niveaux augmentés de testostérone). Diminution de la concentration de spermatozoïdes et du nombre de spermatozoïdes et morphologie modifiée avec une consommation chronique de cannabis fumé chez les hommesReference 392Reference 393. Diminution de la motilité des spermatozoïdes, de la capacitation et de la réaction acrosomale avec une exposition in vitro au THCReference 392. Effets stimulants (dose élevée) ou inhibiteurs (dose faible) en fonction de la dose sur le comportement sexuel chez les hommesReference 392Reference 394 (mais voirReference 395 qui suggère une augmentation de la fréquence coïtale avec une augmentation de la fréquence de consommation chez les hommes et les femmes). |
Femmes (Sections 2.5 et 7.4) |
Une administration aiguë de THC supprime la libération de la gonadolibérine (GnRH) et de la tyrolibérine (TRH) avec une libération diminuée de prolactine et de gonadotrophines (FHS et LH) dans des études animales et humainesReference 396. Association entre la consommation de cannabis et des perturbations du cycle menstruel chez les femmes incluant : légère augmentation du taux de cycles menstruels sans ovulation (c.-à-d. cycles anovulatoires), risque plus élevé de fertilité diminuée, phase folliculaire prolongée/ovulation retardée, bien que les données soient mixtesReference 396. Administration chronique/sous-chronique de TCH chez les animaux : fonction de l'axe hypothalamo-hypohyso-ovarien (HPO) altérée, perturbation du développement folliculaire, production d'œstrogène et de progestérone diminuée, poussée de LH bloquée, anovulationReference 396. Le cannabis peut altérer la fonctionnalité de l'axe HPO et les hormones ovariennes produites par l'axe HPOReference 396. Effets inhibiteurs (dose élevée) ou stimulants (dose faible) en fonction de la dose sur le comportement sexuel chez les femmesReference 394 (mais voirReference 395 qui suggère une augmentation de la fréquence coïtale avec une augmentation de la fréquence de consommation chez les hommes et les femmes). |
2.2 Pharmacocinétique
Cette section se limite à la pharmacocinétique humaine de cannabis fumé et vaporisé, aux préparations orales, y compris les médicaments sur ordonnance à base de cannabinoïdes comme le dronabinol (MarinolMD) et le nabiximols (SativexMD) et aux autres voies d'administration (p. ex. rectale, topique). Consultez la Figure 2 (ci-dessous) pour un schéma decrivant la pharmacocinétique du THC.
2.2.1 Absorption
2.2.1.1 Cannabis fumé
L'inhalation de fumée de cannabis déclenche un début d'action plus rapide (en quelques minutes), des concentrations des cannabinoïdes plus élevées dans le sang et une durée plus courte d'effets pharmacodynamiques aigus, comparativement à l'administration par voie oraleReference 78. La quantité de Δ9-THC (et autres cannabinoïdes) produite par les cigarettes de cannabis n'est pas uniforme et constitue une variable essentielle dans l'évaluation de l'absorptionReference 78. La source végétale et la composition de la cigarette/joint ainsi que l'efficience et la façon de fumer du consommateur sont autant de facteurs non contrôlésReference 78Reference 398. Même si l'on signale que les fumeurs peuvent doser leur apport en Δ9-THC, dans une certaine mesure, en adaptant leur comportement de consommation afin d'obtenir les niveaux désirés de Δ9-THCReference 399, d'autres raisons pourraient expliquer les différences observées dans la topographie de la consommationReference 400. Comme mentionné, l'absorption du Δ9-THC par inhalation est extrêmement rapide, quoiqu'assez variable, avec une biodisponibilité de 2 à 56 % par la voie fumée, selon la profondeur de l'inhalation, la durée de l'apnée et la rétention de la boufféeReference 397Reference 401. En pratique, une teneur maximale de 25 à 27 % du THC dans une cigarette de cannabis est absorbée ou libérée dans le système circulatoire à partir de la teneur totale disponibleReference 137Reference 402. On estime qu'entre 2 et 44 µg de THC pénètre dans le cerveau après avoir fumé une cigarette de cannabis contenant de 2 à 22 mg de THC (p. ex. : un joint de 1 g comprenant de 0,2 à 2,2 % de THC livrant entre 0,2 et 5,5 mg de THC selon une biodisponibilité par voie fumée de 10 à 25 %)Reference 403.
Les relations entre la teneur en Δ9-THC du cannabis, la dose administrée et les niveaux plasmatiques qui en découlent ont été étudiés. Les concentrations plasmatiques moyennes de Δ9-THC se situaient à 7,0 ng/mL et à 18,1 ng/mL en une seule inhalation d'une cigarette de cannabis à faible teneur en Δ9-THC de 1,75 % (dose totale disponible ~16 mg Δ9-THC) ou une cigarette de cannabis à forte teneur en Δ9-THC de 3,55 % (dose totale disponible ~34 mg Δ9-THC)Reference 78. Le cannabis fumé contenant 1,64 % de Δ9-THC (dose moyenne disponible de 13,0 mg de Δ9-THC) a donné une pointe moyenne de niveau de THC dans le plasma de 77 ng/mLReference 404. Il en est de même de la consommation des joints de cannabis contenant 1,8 % de Δ9-THC (dose totale disponible ~14 mg Δ9-THC) qui a donné une pointe moyenne de niveaux de THC dans le plasma d'environ 75 ng/mL, tandis qu'avec 3,6 % de Δ9-THC (dose totale disponible ~28,8 mg Δ9-THC) on a pu atteindre une pointe moyenne des niveaux de Δ9-THC dans le plasma de 100 ng/mLReference 405. Une quantité de 25 mg de cannabis fumé dans une pipe contenant 2,5, 6 ou 9,4 % de Δ9-THC (doses totales disponibles de ~0,6, 1,5, ou 2,4 mg de Δ9-THC) était associé à la pointe de concentrations plasmatiques moyennes du Δ9-THC de 10, 25, ou 45 ng/mL de Δ9-THC respectivementReference 59. Une cigarette de cannabis fumé (800 mg) contenant 6,8 % de THC, (p/p) produisant une teneur totale en THC de 54 mg par cigarette était associée à une concentration médiane à la pointe en THC dans le sang total d'environ 60 ng/mL de Δ9-THC (se produisant 15 min après avoir commencer à fumer)Reference 406. Comparativement aux données disponibles pour l'absorption du THC fumé, il existe beaucoup moins de renseignements au sujet du CBD fumé. Dans l'une des premières études cliniques, fumer une cigarette de cannabis comprenant 19 mg de CBD (environ 2,4 % de CBD) a été associé à une pointe moyenne du niveau de CBD dans le plasma sanguin de 110 ng/mL (marge de 42 à 191 ng/mL) trois minutes après l'administration de la doseReference 407. La biodisponibilité systémique estimée du CBD par voie fumée était de 31 % (marge de 11 à 45 %), ce qui est généralement similaire à celle observée avec Δ9-THC.
2.2.1.2 Cannabis vaporisé
La vaporisation du cannabis a été étudiée comme autre solution à la fumée. Les avantages potentiels de la vaporisation comprennent la formation d'une plus petite quantité de sous-produits toxiques comme le monoxyde de carbone, les hydrocarbures aromatiques polycycliques et le goudron, ainsi qu'une extraction plus efficace du Δ9-THC (et du CBD) de la matière végétale du cannabisReference 399Reference 408-Reference 411. Les effets subjectifs et les concentrations plasmatiques du Δ9-THC obtenus par la vaporisation du cannabis sont comparables à ceux obtenus avec le cannabis fuméReference 399. En outre, l'étude a révélé que la vaporisation était bien tolérée, sans effets indésirables signalés, et généralement préféré par rapport à la fumée par les sujets du testReference 399. Même s'il a été signalé que la vaporisation se prête facilement à l'autodosage (comme il a été affirmé pour la fumée)Reference 399Reference 410, l'usage adéquat du vaporisateur visant une administration optimale de cannabis à des fins thérapeutiques doit être établi plus en détailReference 411. La quantité et le type de cannabis placé dans le vaporisateur, la température et la durée de la vaporisation ainsi que le volume du ballon, dans le cas de vaporisateur de type ballon, sont autant de paramètres qui peuvent influencer l'émission de Δ9-THC et autres phytocannabinoïdesReference 410. La bioéquivalence de la vaporisation comparée à la fumée n'a pas été totalement établie. L'inhalation du cannabis vaporisé (900 mg de 3,56 % de Δ9-THC, dose totale disponible de 32 mg de Δ9-THC) chez un groupe de patients prenant des doses à libération soutenue de la morphine ou de l'oxycodone a donné des niveaux de concentration plasmatique moyenne de Δ9-THC de 126,1 ng/mL en l'espace de trois minutes après le début de l'inhalation de cannabis, mais diminuant rapidement pour se situer à 33,7 ng/mL de Δ9-THC en 10 minutes, et atteignant 6,4 ng/mL de Δ9-THC en 60 minutesReference 276. La pointe de concentration (Cmax) de Δ9-THC était atteinte en trois minutes chez tous les participants de l'étudeReference 276. Aucun changement statistiquement significatif n'avait été signalé pour l'AUC12 (aire sous la courbe 12 heures) de la morphine ou de l'oxycodone, cependant, il semblait y avoir une baisse statistiquement significative dans la concentration maximale (Cmax) du sulfate de morphine et du retard dans le temps nécessaire pour atteindre la Cmax de la morphine lors de l'exposition au cannabisReference 276. Une étude clinique a signalé que vaporiser 500 mg de cannabis contenant une faible dose (2,9 %) de THC (environ 14,5 mg de THC) ou une dose élevée (6,7 %) de THC (environ 33,5 mg de THC) a été associé à des valeurs de Cmax médianes pour le sang total de 32,7 (faible dose) et de 42,2 ng/mL (dose élevée) de THC et des valeurs de Cmax médianes pour le plasma sanguin de 46,5 (faible dose) et de 62,1 ng/mL (dose élevée) de THC 10 minutes après l'inhalation, respectivementReference 201. Les valeurs de Cmax médianes pour le sang total pour le 11-hydroxy THC étaient de 2,8 (faible dose) et de 5 ng/mL (dose élevée) et les valeurs de Cmax médianes pour le plasma sanguin étaient de 4,1 (faible dose) et de 7 ng/mL (dose élevée) 10 à 11 minutes après l'inhalation, respectivement. Une autre étude clinique a observé que vaporiser du cannabis contenant de 11 à 12 % de THC (dose administrée de 300 µg/kg) a été associée à des concentrations moyennes dans le plasma sanguin de 73,8 ng/mL de THC et de 6,9 ng/mL de 11-hydroxy THC cinq minutes après la vaporisationReference 412. Une autre étude clinique a démontré que l'inhalation de 8 à 12 bouffées de cannabis vaporisé contenant soit 2,9 % ou 6,7 % de THC (400 mg chacune) a été associée à une Cmax pour le plasma sanguin de 68,5 ng/mL et de 177,3 ng/mL, respectivement, et une concentration médiane dans le plasma sanguin de 23 et 47 ng/mL, respectivementReference 413. La Cmax du 11-hydroxy THC dans le plasma sanguin était de 5,6 et de 12,8 ng/mL, respectivement pour les doses de 2,9 et de 6,7 %.
2.2.1.3 Voie orale
Bien que les effets aigus sur le SNC et les effets physiologiques se ressentent en quelques minutes seulement par la voie fumée ou par vaporisationReference 145Reference 414, ceux-ci se produisent en fonction d'une échelle temporelle en heures en ce qui concerne l'ingestion par voie oraleReference 414Reference 415. L'administration orale aïgue ne permet qu'un déclenchement d'action plus lent, des pics des niveaux de concentrations sanguines des cannabinoïdes plus bas et une durée prolongée des effets pharmacodynamiques par rapport à la fuméeReference 78. L'effet psychotropique ou « high » est observé plus rapidement par la voie fumée que par la voie orale, et c'est la raison pour laquelle la voie fumée semble être la voie préférée d'administration pour de nombreuses personnes, surtout parmi ceux qui utilisent le cannabis à des fins non médicalesReference 416.
En ce qui concerne les médicaments sur ordonnance à base de cannabinoïdes administrés par voie orale tels que le Δ9-THC synthétique (dronabinol, anciennement commercialisé sous le nom de MarinolMD), seulement 10 à 20 % de la dose administrée entre dans la circulation systémique, indiquant un métabolisme de premier passage hépatique intensifReference 222. L'administration d'une dose unique de 2,5 mg de dronabinol chez des volontaires en bonne santé était associée à une concentration plasmatique moyenne maximale (Cmax) de Δ9-THC de 0,7 ng/mL (marge de 0,3 à 1 ng/mL) et à un temps moyen de 2 h (marge de 30 min à 4 h) pour atteindre le pic de concentration plasmatique de Δ9-THCReference 222. Une dose unique de 5 mg de dronabinol a donné une Cmax moyenne de Δ9-THC de 1,8 ng/mL (marge de 0,4 à 3,3 ng/mL), tandis qu'une dose unique de 10 mg a produit une Cmax moyenne de Δ9-THC de 6,2 ng/mL (marge de 3.5 à 9 ng/mL)Reference 222. Encore une fois, le temps moyen au pic de la concentration plasmatique de Δ9-THC se situait entre 30 minutes et 3 h. L'administration deux fois par jour du dronabinol (doses individuelles de 2,5 mg, 5 mg, 10 mg b.i.d.) chez des volontaires en santé a produit des valeurs de Cmax de Δ9-THC de 1,3 ng/mL (marge de 0,7 à 1,9 ng/mL), 2,9 ng/mL (marge de 1,2 à 4,7 ng/mL), et de 7,9 ng/mL (marge de 3,3 à 12,4 ng/mL) respectivement, avec un temps au pic de la concentration plasmatique de Δ9-THC compris entre 30 minutes et 4 h après administration par voie oraleReference 222. Le dosage continu pendant sept jours avec des doses de 20 mg de dronabinol (doses quotidiennes totales de 40 à 120 mg de dronabinol) a produit des concentrations plasmatiques moyennes de Δ9-THC de ~20 ng/mLReference 417.
Une étude de phase I évaluant la pharmacocinétique de trois doses de THC (3 mg, 5 mg et 6,5 mg) administrées par voie orale chez 12 sujets plus âgés en bonne santé (âge moyen de 72 ans, tranches d'âge de 65 à 80 ans) révèle une grande variation entre les personnes en matière de concentrations plasmatiques de THC et de 11-hydroxy-THCReference 175. Chez les sujets ayant atteint la Cmax dans un délai de deux heures, la concentration moyenne de THC était de 1,42 ng/mL (marge de 0,53 à 3,48 ng/mL) pour la dose de 3 mg, 3,15 ng/mL (marge de 1,54 à 6,95 ng/mL) pour la dose de 5 mg et 4,57 ng/mL (marge de 2,11 à 8,65 ng/mL) pour la dose de 6,5 mg.
Une étude à répartition aléatoire, à double insu, contrôlée par placebo et croisée qui évaluait la pharmacocinétique du THC administré par voie orale chez 10 personnes âgées atteintes de démence (âge moyen de 77 ans) au cours d'une période de 12 semaines a signalé que le délai médian pour atteindre la Cmax (Tmax) était compris entre une et deux heures avec la pharmacocinétique du THC augmentant de façon linéaire avec l'augmentation de la dose mais, encore une fois, une grande variation a été observée entre les personnesReference 418. Les patients recevaient 0,75 mg de THC par voie orale deux fois par jour au cours des six premières semaines et 1,5 mg de THC deux fois par jour au cours de la deuxième période de six semaines. La Cmax moyenne était de 0,41 ng/mL après la première dose de THC de 0,75 mg et de 1,01 ng/mL après la première dose de THC de 1,5 mg. Après la deuxième dose de 0,75 mg de THC ou de 1,5 mg de THC, la Cmax était de 0,50 et de 0,98 ng/mL, respectivement.
Il est possible d'ingérer du Δ9-THC par voie orale au moyen d'aliments contenant du cannabis (p. ex. beurre, huile, brownies, biscuits) et des thés préparés à base de feuilles et de sommités fleuries. L'absorption d'une dose orale de 20 mg de Δ9-THC dans un biscuit au chocolat a été décrite comme étant lente et incertaineReference 398, avec une disponibilité systémique de seulement 4 à 12 %Reference 404. Bien que la plupart des sujets aient eu des pics de concentration plasmatique de Δ9-THC (6 ng/mL) entre une et deux heures après ingestion, certains des 11 sujets de l'étude ont eu leur pic à six heures et plusieurs ont eu plus d'un picReference 78. La consommation de brownies préparés avec du cannabis contenant 2,8 % de Δ9-THC (44,8 mg de Δ9-THC total) était associée aux changements comportementaux, bien que les effets aient pris du temps à survenir et étaient variablesReference 415. Les effets se sont produits entre 2,5 et 3,5 heures après la prise de la dose. L'on a aussi noté de modestes changements au niveau du rythme cardiaque et de la pression sanguine. Les concentrations plasmatiques de Δ9-THC n'étaient pas mesurées dans cette étude. Dans une autre étude, la consommation des brownies renfermant une faible dose de Δ9-THC (9 mg de Δ9-THC/ brownie) était associée à des pics de concentrations plasmatiques moyennes de Δ9-THC de 5 ng/mLReference 130. La consommation de brownies contenant une plus forte dose de Δ9-THC (~13 mg Δ9-THC/brownie) était associée à des pics de concentrations plasmatiques moyennes de Δ9-THC de 6 ou de 9 ng/mL selon que le THC dans les brownies provenait de matériel végétal ou y était ajouté sous forme de THC purReference 130. En utilisant des quantités équivalentes de Δ9-THC, l'inhalation par la fumée du cannabis a produit des pics de concentrations plasmatiques de Δ9-THC plusieurs fois (cinq à six fois voire plus) plus élevés que lorsque le Δ9-THC était ingéré par voie oraleReference 130. L'on a documenté des cas de thé préparé à base de sommités fleuries du cannabis séché (19,1 % de Δ9-THCA, 0,6 % de Δ9-THC), cependant, il est probable que la biodisponibilité du Δ9-THC soit plus faible que celle atteinte par la fumée en raison de la faible solubilité dans l'eau du Δ9-THC et des effets de premier passage dans le foieReference 419.
Après l'administration orale de biscuits au chocolat contenant 40 mg de CBD à des sujets humains, les niveaux moyens de CBD dans le plasma sanguin s'étendaient entre 1,1 et 11 ng/mL (moyenne de 5,5 ng/mL) après une heure et le parcours du CBD dans le plasma sanguin après six heures se trouvaient dans la même étendue qu'après 20 mg de THCReference 420. Des doses orales quotidiennes de 10 mg/kg de CBD administrées au cours d'une période de six semaines ont causé des concentrations hebdomadaires dans le plasma sanguin de 5,9 à 11,2 ng/mLReference 421. La prise orale de 5,4 mg de CBD a causé des concentrations de CBD dans le plasma sanguin s'étendant entre 0,2 et 2,6 ng/mL (moyenne : 0,95 ng/mL) après une heureReference 422. La biodisponibilité par voie orale a été estimée comme étant de 6 %Reference 420Reference 423.
Bien que les cannabinoïdes soien lipophiles et que des preuves anecdotiques suggèrent que les cannabinoïdes se dissolvent mieux dans les gras et les huiles, l'influence de divers gras sur l'absorption de cannabinoïdes in vivo n'a pas été très bien étudiée. Une étude clinique préliminaire a examiné les effets des graisses alimentaires sur l'absorption du THC et du CBD chez les ratsReference 424. Une dose de 12 mg/kg de THC ou de CBD dans soit une formule sans lipides ou une formule de triglycérides à chaîne longue de lipides (TLCL) a été administrée à des rats par gavage oral. La biodisponibilité maximale du THC était 2,5 fois plus élevée dans les formules contenant des lipides (Cmax = 172 ng/mL; AUC = 1 050 h.ng/mL) comparativement aux formules sans lipides (Cmax = 65 ng/mL; AUC = 414 h.ng/mL). La biodisponibilité absolue du CBD était trois fois plus élevée dans les formules contenant des lipides (Cmax = 308 ng/mL; AUC = 932 h.ng/mL) comparativement aux formules sans lipides (Cmax = 87 ng/mL; AUC = 327 h.ng/mL). De plus, un modèle de lipolyse in vitro a été utilisé afin d'évaluer le mécanisme à l'aide duquel les lipides pourraient améliorer la biodisponibilité du THC et du CBD. Les résultats ont démontré que 30 % du THC et du CBD étaient en solution dans la phase micellaire et étaient donc facilement accessibles. Des études d'incubation ont permis de déterminer que les cannabinoïdes possèdent une étendue d'association de 70 à 80 % aux chylomicrons naturels des rats et des humains. Les chylomicrons agissent en tant que transporteurs dans les intestins et transfèrent possiblement le THC et le CBD à la grande circulation par l'entremise du système lymphatique et évitent donc le métabolisme de premier passage hépatique, ce qui expliquerait l'augmentation de la biodisponibilité correspondant à l'utilisation de la formule contenant des lipides. Les auteurs ont tiré la conclusion que l'administration de cannabinoïdes accompagnés d'un repas riche en gras ou un biscuit riche en lipides contenant du cannabis peut augmenter l'exposition systémique et peut donc modifier l'efficacité de la substance en transformant une dose presque inefficace en une dose très efficace ou même une dose thérapeutique en une dose toxique.
Des études in vitro et in vivo laissent entrendre que l'exposition du CBD au fluide gastrique (simulé) mène à la conversion du CBD en THC et en hexahydrocannabinolsReference 425Reference 426. Chez la souris, il a été démontré que les hexahydrocannabinols pourraient, comme on l'observe typiquement avec le THC, produire des effets cataleptogènesReference 426. Les répercussions cliniques de cette conversion de CBD en THC et en hexahydrocannabinols font l'objet de débats animés et ne sont actuellement pas claires.
Comparaison de l'administration de doses par voie fumée, vaporisation et prise orale
Une étude clinique a répartition aleatoire, croisée, à double insu, contrôlée par placebo et en double feinte a examiné la pharmacocinétique du THC et de ses métabolites de première et deuxième phase entre les consommateurs de cannabis fréquents et occasionnels après l'administration par voie fumée, vaporisation et prise oraleReference 399. Du matériel végétal de cannabis (800 mg) ayant une teneur de 6,9 % en THC et de 0,2 % de CBD a été utilisé, livrant une dose maximale de 51 mg de THC et une dose maximale de CBD de 1,5 mg. La vaporisation a été effectuée à l'aide du vaporisateur « VolcanoMD » à une température de 210 °C. Le cannabis a été administré oralement par ingestion de brownies au cannabis. Chez les consommateurs de cannabis fréquents (consommant du cannabis cinq fois ou plus par semaine au cours des trois derniers mois), la Cmax de THC moyenne corrigée par rapport aux valeurs de base était de 151 ng/mL après avoir fumé le cannabis, de 85 ng/mL après la vaporisation et de 15 ng/ml après avoir consommé le cannabis par voie orale. Le Tmax moyen était de 7 minutes (voie fumée), 5 minutes (vaporisation) et 2,5 heures (ingestion orale). L'AUC0-72 h moyenne (ug ∙ h/L) était de 200 (voie fumée), 174 (vaporisation) et 167 (ingestion orale). Chez les consommateurs de cannabis occasionnels (consommant du cannabis plus de deux fois par mois, mais trois fois ou moins par semaine), la Cmax de THC moyenne corrigée par rapport aux valeurs de base était de 52 ng/mL après avoir fumé le cannabis, de 48 ng/mL après la vaporisation et de 10 ng/mL après avoir consommé le cannabis par voie orale. Le Tmax moyen était de 7 minutes (voie fumée), 7 minutes (vaporisation) et 2,3 heures (ingestion orale). L'AUC0-72 h moyenne (ug ∙ h/L) était de 20 (voie fumée), 12 (vaporisation) et 43 (ingestion orale). Chez les fumeurs de cannabis fréquents, la Cmax de 11-hydroxy-THC moyenne corrigée par rapport aux valeurs de base était de 9 ng/mL après avoir fumé du cannabis, de 5 ng/mL après la vaporisation et de 7 ng/mL après la consommation orale. Le Tmax moyen était de 13 minutes (voie fumée), 11 minutes (vaporisation) et 2,3 heures (ingestion orale). L'AUC0-72 h moyenne (ug ∙ h/L) était de 31 (voie fumée), 27 (vaporisation) et 52 (ingestion orale). Chez les fumeurs de cannabis occasionnels, la Cmax de 11-hydroxy-THC moyenne corrigée par rapport aux valeurs de base était de 3 ng/mL après avoir fumé du cannabis, de 2 ng/mL après la vaporisation et de 5 ng/mL après la consommation orale. Le Tmax moyen était de 13 minutes (voie fumée), 6 minutes (vaporisation) et 2,4 heures (ingestion orale). L'AUC0-72 h moyenne (ug ∙ h/L) était de 3 (voie fumée), 2 (vaporisation) et 33 (ingestion orale). Ces observations suggèrent que, entre autres, la Cmax de THC dans le sang était considérablement plus faible après la consommation orale comparativement aux voies par inhalation et le temps écoulé avant d'atteindre la concentration maximale de THC dans le sang (Tmax) était beaucoup plus long pour la consommation orale comparativement à l'inhalation pour les consommateurs de cannabis fréquents et occasionnels. De plus, la Cmax était considérablement plus élevée dans les cas où le cannabis était fumé comparativement aux cas où le cannabis était vaporisé, mais seulement parmi les consommateurs de cannabis fréquents. Aussi, les valeurs de Tmax du THC étaient considérablement plus élevées parmi les consommateurs fréquents que parmi les consommateurs occasionnels après avoir consommé du cannabis par voie fumée ou par vaporisation seulement et les valeurs de Cmax pour le 11-hydroxy THC étaient considérablement plus élevées parmi les fumeurs de cannabis fréquents indépendamment de la voie d'administration.
2.2.1.4 Voie oromucosale et intranasale
À la suite d'une seule administration oromucosale de nabiximols (SativexMD) (quatre vaporisations totalisant 10,8 mg de Δ9-THC et 10 mg de CBD), les pics de concentration plasmatique moyenne du THC (~5,5 ng/mL) et du CBD (~3 ng/mL) se produisent généralement entre deux et quatre heures, quoiqu'il y ait une grande variabilité interindividuelle entre les pics de concentrations plasmatiques des cannabinoïdes, le temps du début des effets et le pic de ceux-ciReference 427. Lorsqu'administrées par voie oromucosale, les concentrations sanguines du Δ9-THC et des autres cannabinoïdes sont plus faibles que celles atteintes par l'inhalation du même dosage de cannabis fumé, mais les concentrations sanguines du Δ9-THC sont comparables à celles observées lorsque le dronabinol est administré par voie oraleReference 127Reference 427. L'administration oromucosale de nabiximols se prête aussi facilement à l'autodosageReference 126Reference 380Reference 428Reference 429.
Quelques études précliniques ont exploré l'administration intranasale du THC et du CBD. Dans le cadre d'une étude sur des lapins, l'administration intranasale d'une dose de 1 mg/kg de THC dans une solution liquide ou une formule de gel à base de chitosanes a produit des Cmax de 20 ng/mL et de 31 ng/mL, avec des Tmax de 20 et de 45 minutes, respectivement, comparativement à l'administration par voie intraveineuse où la Cmax était de 1 475 ng/mL et le Tmax était de 0 minuteReference 430. Dans le cadre d'une autre étude sur des rats, l'administration intranasale d'une dose de 200 µg/kg de différentes formules de CBD a produit des valeurs de Cmax s'étendant de 20 à 35 ng/mL avec des valeurs de Tmax s'etendant de 20 à 30 minutes; comparativement à l'administration intraveineuse produisant une Cmax de 3 596 ng/mLReference 431.
2.2.1.5 Voie rectale
Bien que le Δ9-THC en soi ne s'absorbe pas par la voie rectale, la prodrogue, le hémisuccinate de Δ9-THC est absorbée; ce fait, en plus d'une diminution du métabolisme de premier passage par voie rectale entraînent une biodisponibilité plus élevée du Δ9-THC (de 52 à 61 %) par la voie rectale que par la voie oraleReference 432-Reference 436. Les concentrations plasmatiques du Δ9-THC sont dépendantes de la dose et du véhicule et varient aussi selon la structure chimique de l'ester de THCReference 435. Chez les humains, les doses par voie rectale de 2,5 à 5,0 mg du hémisuccinate de l'ester de Δ9-THC ont été associés à des pics de concentrations plasmatiques de Δ9-THC allant de 1,1 à 4,1 ng/mL, dans un délai de deux à huit heures et des pics de concentrations de carboxy-Δ9-THC allant de 6,1 à 42,0 ng/mL, dans un délai de une à huit heures après administrationReference 432.
2.2.1.6 Voie topique
Les cannabinoïdes sont hautement hydrophobes, rendant ainsi le transport à travers la couche aqueuse de la peau l'étape de limitation du taux dans le processus de diffusionReference 78. Il n'existe aucune étude clinique publiée faisant état de l'absorption percutanée d'onguents, de crèmes ou de lotions à base de cannabis. Toutefois, certaines recherches pré-cliniques ont été menées sur l'apport transdermique de cannabinoïdes synthétiques et naturels au moyen d'un timbre dermalReference 437Reference 438. Un timbre contenant 8 mg de Δ8-THC a produit une concentration plasmatique à l'état d'équilibre moyenne de 4,4 ng/mL de Δ8-THC en 1,4 heure chez un modèle de cobaye, et cette concentration était maintenue pendant au moins 48 heuresReference 437. Les perméabilités du CBD et du CBN s'étaient révélées être dix fois plus élevées que celles du Δ8 -THCReference 439. L'application transdermique d'un gel contenant du CBD contenant ou non un agent favorisant la perméabilité de la peau sur des cobayes sans poil a produit des résultats de Cmax de 9 ng/mL sans l'agent et de 36 ng/mL avec l'agent et des Tmax de 38 h et de 31 h après l'administration, respectivementReference 431. De plus, les concentrations à l'état d'équilibre étaient de 6 ng/mL sans et de 24 ng/mL avec l'agent favorisant la perméabilité de la peau. Une autre étude préclinique d'une formule de gel de CBD transdermique (1 % ou 10 %) appliquée quotidiennement en doses croissantes de 0,6, 3,1, 6,2 et 62 mg/jour a produit des résultats de concentrations dans le plasma sanguin de 4 ng/mL, 18 ng/mL, 33 ng/mL et de 1 630 ng/mL, respectivementReference 440. Finalement, une étude préclinique effectuée à l'aide d'une lotion contenant 1 % de CBD a déclaré des résultats de Cmax de 8 ng/mL, un Tmax de 38 h et une concentration de plasma sanguin à l'état d'équilibre de 6 ng/mLReference 441.
2.2.2 Distribution
La distribution du Δ9-THC s'effectue en fonction du temps et commence immédiatement après l'absorption. Il est essentiellement absorbé par les tissus adipeux et les organes hautement perfusés tels que le cerveau, le cœur, les poumons et le foie en raison de son caractère lipophileReference 78. Le Δ9-THC a un grand volume apparent de distribution d'environ 10 L/kg, en raison de sa forte liposolubilitéReference 442. Le volume moyen apparent de distribution du CBD était de 32,7 L/kg (plus élevé que celui du THC) en raison de sa solubilité très élevée dans les lipidesReference 407. Le CBN possède un volume de distribution encore plus élevé : 50 L/kgReference 443. La liaison du Δ9-THC et de ses métabolites aux protéines plasmatiques est d'environ 97 %Reference 444Reference 445. Le Δ9-THC est principalement lié aux lipoprotéines de basse densité (LDL), dont jusqu'à 10 % est présent dans les globules rougesReference 446, tandis que le métabolite, 11-hydroxy THC, est fortement lié à l'albumine, avec seulement 1 % se trouvant dans la fraction libreReference 447.
Les concentrations de Δ9-THC les plus élevées se trouvent dans le cœur et les tissus adipeux, les niveaux atteignant 10 et 1 000 fois celui du plasma, respectivementReference 448. En dépit du haut degré de perfusion du cerveau, la barrière hématoencéphalique semble limiter l'accès et l'accumulation de Δ9-THC dans cet organeReference 78Reference 449Reference 450 et le délai dans la corrélation entre le pic de concentration plasmatique et les effets psychoactifs peut être attribuée, en partie, au temps nécessaire au Δ9-THC pour traverser cette barrièreReference 398. Les études précliniques sur des souris suggèrent un taux de pénétration plus rapide pour le 11-hydroxy THC dans le cerveau comparativement au composé mère à un rapport de 6 : 1 pour le 11-hydroxy THC comparativement au THCReference 397Reference 451Reference 452.
Comme mentionné, le Δ9-THC s'accumule et est retenu dans les tissus adipeux, et sa libération depuis ce site de stockage dans le sang est lentReference 449. On ignore aussi si le Δ9-THC persiste dans le cerveau (un tissu très gras) à long terme; toutefois, la présence d'un déficit cognitif résiduel chez les forts consommateurs de cannabis abstinents suggère que le Δ9-THC pourrait être retenu dans le cerveau au moins à court termeReference 453Reference 454. Une étude qui a caractérisé l'élimination des cannabinoïdes dans le sang de 30 fumeurs masculins journaliers de cannabis pendant leur abstinence continue surveillée au cours d'une période allant jusqu'à 33 jours, dans une unité résidentielle fermée, révèle que du THC et son métabolite inactif 11-nor-9-carboxy Δ9-THC ont été décelés dans le sang jusqu'à un mois après la dernière consommation, ce qui, d'après les auteurs, est quatre fois plus long que ce qui a été décrit précédemmentReference 455. Cette observation appuie encore plus les preuves concernant la distribution, l'accumulation et l'entreposage du THC (et de ses métabolites) dans les tissus adipeux et la libération lente du THC (et de ses métabolites) des réserves des tissus adipeux dans la circulation sanguineReference 225. Le THC dans le plasma (provenant probablement des réserves des tissus adipeux corporels), détecté plusieurs semaines après la dernière consommation, pourrait être associé à un trouble psychomoteur persistant chez les fumeurs chroniques fréquents de cannabis selon les auteurs de l'étudeReference 225. Enfin, une étude expérimentale chez l'animal suggère que la privation d'aliments ou l'administration de l'hormone adrénocorticotrope (ACTH) chez les rats accélère la lipolyse et la libération du Δ9-THC depuis leur réserve de graisse; toutefois, il s'impose davantage de recherches afin de déterminer si ces effets sont associés à de l'intoxication ultérieure ou à des changements comportementaux et cognitifsReference 456.
2.2.3 Métabolisme
En majeure partie, le métabolisme des cannabinoïdes se produit dans le foie et des métabolites différents prédominent selon les voies d'administrationReference 78Reference 398. Le métabolisme complexe du Δ9-THC implique l'oxydation allylique, l'époxydation, la décarboxylation et la conjugaisonReference 398. Le Δ9-THC est oxydé par les oxydases à fonction mixte 2C9, 2C19 et 3A4, associés au cytochrome P450 (CYP) métabolisant les xénobiotiquesReference 78. Les principaux métabolites initiaux du Δ9-THC sont le 11-hydroxy Δ9-THC actif et le 11-nor-9-carboxy Δ9-THC inactifReference 78. Le 11-hydroxy Δ9-THC psychoactif est rapidement formé par l'action susmentionnée des oxydases microsomales dans le foie, des niveaux plasmatiques de ce métabolite étant parallèles à la durée de l'action observable de la drogueReference 457Reference 458.
Le métabolisme de phase I subit par le CBD est très exhaustif, produisant 30 différents métabolites observés dans l'urine dont les plus abondants sont les dérivés hydroxylés 7 (ou 11)-carboxy du CBD et dont le 7 (ou le 11)-hydroxy CBD est un métabolite mineurReference 78Reference 459Reference 460.
Les polymorphismes des isozymes CYP pourraient aussi avoir une incidence sur la pharmacocinétique du THC (et du 11-nor-9-carboxy Δ9-THC). Par exemple les sujets homozygotes pour la variante alléliqueCYP2C9*3 ont révélé des concentrations plasmatiques de Δ9-THC nettement plus élevées, une AUC plus large, et une diminution considérable de la clairance, entre autres mesures, par rapport à l'homozygote du CYP2C9*1 ou à l'hétérozygote du*1/*3Reference 461.
Les xénobiotiques ne sont pas seulement métabolisés par les CYP mais ils modulent également le niveau d'expression et l'activité de ces enzymes; ils sont par conséquent un point central dans les interactions médicamenteuses et les effets indésirables des médicamentsReference 462. Les hydrocarbures aromatiques polycycliques que l'on trouve dans la fumée de tabac et de cannabis augmentent l'expression de CYP1A2Reference 463, alors que le THC, le CBD et le CBN inhibent l'activité des enzymes CYP1A1, 1A2, 1B1 et 2A6Reference 74Reference 464. Il est aussi démontré que le CBD inhibe la formation des métabolites de Δ9-THC catalysés par le CYP3A4, avec moins d'effet sur le CYP2C9Reference 442, bien que suffisamment pour diminuer la formation de 11-hydroxy THCReference 121Reference 465. Veuillez consulter la Section 6.2 pour des renseignements plus détaillées.
Les résultats des expériences in vitro indiquent aussi que le Δ9-THC inhibe le CYP3A4, le CYP3A5, le CYP2C9 et le CYP2C19, alors que le CBD inhibe le CYP2C19, le CYP3A4 et le CYP3A5, bien que des concentrations plus fortes que celles vues en clinique sont nécessaires pour qu'il y ait inhibitionReference 74Reference 427. Bien que peu d'études aient visé spécifiquement à évaluer les interactions entre le cannabis et d'autres médicaments, per se, bon nombre, si ce n'est la plupart des études qui se sont intéressées aux effets thérapeutiques du cannabis (p.ex. le cannabis fumé, vaporisé on ingéré par voie orale) et aux médicaments à base de cannabinoïde (p.ex. le dronabinol, le nabilone, le nabiximols) ont été menées auprès de patients qui prenaient en même temps d'autres médicaments (p. ex. des agents anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), des opioïdes, des antidépressifs, des anticonvulsivants, des inhibiteurs de protéase), et en général, ces dernières n'avaient pas signalé d'augmentations significatives des cas d'effets indésirables graves liés à la combinaison de cannabis ou des cannabinoïdes et ces autres médicaments. Néanmoins, une surveillance attentive des patients consommant du cannabis ou des cannabinoïdes en même temps que d'autres médicaments métabolisés par les enzymes mentionnés ci-haut peut être justifée. Veuillez consulter la Section 6.2 pour des instructions plus détaillées.
La monographie du produit SativexMD met en garde contre la combinaison de SativexMD et de l'amitriptyline ou du fentanyl (ou des opioïdes connexes) qui sont métabolisés par les cytochromes CYP3A4 et 2C19Reference 427. Un essai clinique qui examinait les effets de la rifampicine, du kétoconazole et de l'oméprazole sur la pharmacocinétique du THC et du CBD produits par SativexMD a indiqué que la coadministration de la rifampicine avec SativexMD est associée à une légère diminution des niveaux plasmatiques de THC, de CBD et de 11-hydroxy-THC, tandis que la coadministration de kétoconazole avec SativexMD est liée à une légère augmentation des niveaux plasmatiques de THC, de CBD et de 11-hydroxy-THCReference 466. Aucun effet significatif sur les niveaux plasmatiques de THC, de CBD ou de 11-hydroxy-THC n'a été constaté avec l'oméprazole.
La fumée de cannabis ainsi que le dronabinol administré par voie orale peuvent aussi avoir un effet sur la pharmacocinétique des médicaments antirétroviraux, bien qu'aucun effet néfaste à court terme sur les effets antirétroviraux d'intérêt clinique ait été observéReference 467. L'administration concurrente de cannabis sous forme de tisane (200 mL à 1 g/L contenant 18 % de THC et 0,8 % de CBD) et de 600 mg d'irinotecan par intraveineuse ou de 180 mg de docétaxel par intraveineuse au cours d'une période de 15 jours consécutifs n'a eu aucun effet considérable sur la pharmacocinétique de l'irinotécan ou du docétaxel dans le plasma sanguinReference 468.
De plus, comme il est observé avec la fumée de tabac, la fumée de cannabis a la capacité d'induire le CYP1A2, augmentant ainsi le métabolisme des xénobiotiques biotransformés par cet isozyme tel que la théophyllineReference 469 ou les antipsychotiques clozapine et olanzapineReference 470. Pour plus de renseignements sur les interactions entre médicaments, consultez la Section 6.2.
2.2.3.1 Voie inhalée
Les valeurs plasmatiques du 11-hydroxy THC apparaissent rapidement et augmentent peu après celles du Δ9-THC, environ 15 minutes après avoir commencé à fumerReference 471. Les pics de concentrations plasmatiques du 11-hydroxy THC sont d'environ 5 à 10 % du THC parent et le profil de la AUC de ce métabolite est en moyenne de 10 à 20 % du THC parentReference 458. Des résultats semblables ont été obtenus avec l'administration de THC par intraveineuseReference 472. Après l'oxydation, les métabolites résultant de la biotransformation de type phase II du médicament libre ou de l'hydroxy-THC apparaissent sous forme de conjugués glucuronésReference 398.
Les pics des valeurs plasmatiques du métabolite psycho-inactif, 11-nor-9-carboxy THC, se produisent entre 1,5 et 2,5 heures après avoir fumé et forment environ le tiers de la concentration du THC parentReference 471.
2.2.3.2 Voie orale
En comparant le métabolisme limité du Δ9-THC au métabolite 11-hydroxy suite à l'administration par voie pulmonaire, on observe que l'administration par voie orale du Δ9-THC entraîne une métabolisation significativement meilleure du Δ9-THC au métabolite 11-hydroxy produisant des concentrations plasmatiques comparables de Δ9-THC et de 11-hydroxy Δ9-THC par la voie oraleReference 401Reference 415Reference 473. Les niveaux plasmatiques du métabolite 11-hydroxy actif atteints par l'administration orale sont environ trois fois supérieures à ceux observés dans le plasma par la voie fuméeReference 458. De plus, l'observation du 11-hydroxy- Δ9-THC révèle que celle-ci est autant psychoactive ou encore plus psychoactive que la molécule THC mèreReference 397Reference 403Reference 474-Reference 476. Les concentrations de la drogue parente et du métabolite atteignent leur sommet à environ deux à quatre heures après la prise orale et diminuent pendant plusieurs joursReference 477.
Les renseignements de nature médicale présents sur la monographie du dronabinol (MarinolMD) suggèrent que des doses uniques du Δ9-THC de 2,5 mg, de 5 mg et de 10 mg chez des volontaires en bonne santé entraînent des valeurs plasmatiques moyennes de Cmax du 11-hydroxy Δ9-THC de 1,19 ng/mL (marge de 0,4 à 1,9 ng/mL), 2,23 ng/mL (marge de 0,7 à 3,7 ng/mL), et de 7,51 ng/mL (marge de 2,25 à 12,8 ng/mL) respectivementReference 222. L'administration deux fois par jour du dronabinol (doses individuelles de 2,5 mg, 5 mg, 10 mg b.i.d) chez des volontaires en bonne santé a produit des valeurs plasmatiques moyennes de Cmax de 1,65 ng/mL (marge de 0,9 à 2,4 ng/mL), de 3,84 ng/mL (marge de 1,5 à 6,1 ng/mL), et de 7,95 ng/mL (marge de 4,8 à 11,1 ng/mL) de 11-hydroxy Δ9-THC respectivementReference 222. Le délai nécessaire avant l'atteinte de la Cmax du 11-hydroxy Δ9-THC se situait entre 30 minutes et 4 heures, avec une moyenne d'environ 2,5 heuresReference 222. Comme mentionné ci-haut, le 11-hydroxy Δ9-THC a des propriétés psychomimétiques équivalentes ou supérieures à celles du Δ9-THCReference 401Reference 403Reference 474-Reference 476Reference 478Reference 479.
2.2.4 Excrétion
Les niveaux plasmatiques du Δ9-THC et du CBD diminuent rapidement après avoir cessé de fumer. Les concentrations plasmatiques moyennes de THC sont d'environ 60 % et 20 % des pics de concentrations plasmatiques obtenus 15 et 30 minutes respectivement après avoir fuméReference 480, et se situent sous 5 ng/mL de THC, deux heures après avoir fumé, bien que les concentrations moyennes de THC dans le sérum sont un peu plus élevées lorsque des cigarettes contenant plus de THC sont fuméesReference 401. Une étude a démontré que les niveaux de CBD dans le plasma sanguin chutent sous 5 ng/mL environ 2,5 h après avoir fumé une cigarette contenant 19 mg de CBDReference 407.
À la suite d'une dose fumée, l'élimination du THC et de ses métabolites se produit par les fèces (65 %) et par l'urine (20 %)Reference 78. L'élimination entière du Δ9-THC et de ses métabolites hydroxylés du corps prend en moyenne 0,2 L/kg-h, mais ceci varie beaucoup en raison de la complexité de la distribution des cannabinoïdesReference 222. Le 11-nor-9-carboxy Δ9-THC psycho-inactif est le principal métabolite acide du Δ9-THC excrété dans l'urineReference 481 et il est le cannabinoïde souvent dépisté dans l'analyse judiciaire des liquides corporelsReference 482Reference 483. Une étude caractérisant l'élimination des cannabinoïdes de 30 fumeurs de cannabis quotidiens mâles au cours d'une période soutenue de jusqu'à 33 jours d'abstinence, surveillée dans une résidence fermée, a observé que de faibles niveaux de THC (approx. < 1 ng/mL) et de son métabolite inactif, les 11-nor-9-carboxy THC, étaient détectés dans le sang jusqu'à un mois après la dernière consommation, ce qui a été déclaré par les auteurs comme étant une période de temps quatre fois plus élevée que celle décrite précédemmentReference 455.
À la suite d'une dose par voie orale, le THC et ses métabolites sont aussi excrétés par les fèces et par l'urineReference 78Reference 458. L'excrétion biliaire est la principale voie d'élimination, dont environ la moitié d'une dose par voie orale de THC radiomarqué est récupérée des fèces dans les 72 heures après l'administration, par opposition à une quantité de 10 à 15 % de THC récupérée de l'urineReference 458. L'élimination du CBD du plasma sanguin est semblable à celle du THC, s'étendant de 58 à 94 L/h (c.-à-d. 960 à 1 560 mL/min)Reference 397Reference 407. Une grande portion du CBD administré est éliminé sous forme intacte ou sous forme de son glucuronideReference 459Reference 484Reference 485. D'une dose de CBD administrée, 16 % de cette dose a été récupérée de l'urine sous forme intacte ou conjuguée dans les 72 h après l'administration, tandis que 33 % d'une dose de CBD administrée a été récupérée des fèces sous forme presque intacte (accompagnée de nombreux métabolites monohydroxylés, dihydroxylés et monocarboxyliques) dans les 72 h après l'administrationReference 407Reference 459.
Le déclin du Δ9-THC dans le plasma est multiphasique et les estimations de la demi-vie terminale du Δ9-THC chez les humains ont augmenté à mesure que les méthodes analytiques sont devenues plus sensiblesReference 442. Alors que les chiffres sur la demi-vie de l'élimination terminale du Δ9-THC semblent varier, il est probablement juste de dire qu'elle dure en moyenne quatre jours et pourrait être beaucoup plus longueReference 78. La variabilité des mesures de la demi-vie terminale est due tant à la dépendance de cette mesure sur la sensibilité de l'essai que sur la durée et le choix du moment au cours duquel les mesures sanguines sont effectuésReference 486. De faibles niveaux de métabolites du THC ont été décelés pendant plus de cinq semaines dans l'urine et les fèces des consommateurs de cannabisReference 442. Le degré de consommation de Δ9-THC ne semble pas influencer la demi-vie plasmatique du Δ9-THCReference 398Reference 487.
Comme le THC, la diminution des niveaux de CBD comporte aussi plusieurs phases et la demi-vie du CBD chez les humains après avoir fumé a été estimée comme étant de 27 à 35 h et de 2 à 5 jours après l'administration par voie oraleReference 398Reference 423Reference 460
2.3 Relations entre la pharmacocinétique et la pharmacodynamique
Une grande partie de l'information sur les relations entre la pharmacocinétique et la pharmacodynamique liées aux cannabinoïdes (surtout le Δ9-THC) provient des études sur la consommation du cannabis à des fins non médicales et non sur des études qui s'intéressent à son utilisation pour des raisons thérapeutiques; mais dans l'un et l'autre cas cette relation dépend dans une certaine mesure au moment précis au cours duquel il s'était effectué des observations suite à l'administration des cannabinoïdes. De plus, la relation temporelle entre les concentrations plasmatiques de Δ9-THC et ses effets cliniques ou thérapeutiques, psychotropes, cognitifs et moteurs n'est pas claire. Mais on sait que l'apparition de ces effets tardent par rapport aux concentrations plasmatiques de Δ9-THC, et l'on sait que la tolérance se développe à certains des effets, mais pas à d'autresReference 120Reference 206Reference 486 (Voir la Section 2.4 Tolérance et dépendance).
Comme mentionné plus haut, la relation entre la dose (et la concentration plasmatique) par rapport à la réponse pour des applications thérapeutiques possibles est mal définie, sauf pour ce qui est de l'information obtenue sur le dosage oral du dronabinol (Δ9-THC synthétique, commercialisé sous le nom de MarinolMD, mais n'est plus disponible au Canada), le nabiximols (un extrait botanique du cannabis contenant des concentrations approximativement égales de Δ9-THC et de CBD et bien d'autres cannabinoïdes, terpénoïdes et flavonoïdes, commercialisé sous le nom de SativexMD) ou le nabilone (l'analogue du Δ9-THC synthétique, commercialisé sous le nom de CesametMD) pour leurs indications limitéesReference 222Reference 427Reference 488. Des renseignements plus limités sont disponibles pour le cannabis inhaléReference 58Reference 59. Les interprétations de la pharmacocinétique du Δ9-THC sont aussi compliquées par la présence de métabolites actifs, particulièrement le 11-hydroxy THC psychoactif, qui atteint des concentrations supérieures après une administration par voie orale que par inhalationReference 415Reference 473.
Les concentrations plasmatiques visées de Δ9-THC dans le plasma ont été extrapolées à partir de la réponse du « high » subjectif qui peut ou non être associée aux applications thérapeutiques possibles. Divers modèles pharmacodynamiques présentent des estimations d'une concentration du plasma sanguin dans l'intervalle de 7 à 29 ng/mL de Δ9-THC nécessaire à la production d'un effet « high » subjectif maximal de 50 %Reference 486. D'autres études suggèrent que les concentrations plasmatiques de Δ9-THC liées à 50 % de l'effet « high » maximal varient entre 2 et 250 ng/mL de Δ9-THC (médiane de 19 ng/mL; moyenne de 43 ng/mL Δ9-THC) pour ce qui est de la fumée et de l'administration par voie intraveineuse, tandis que par la voie orale, les taux vont de 1 à 8 ng/mL Δ9-THC (médiane et moyenne de 5 ng/mL Δ9-THC)Reference 130Reference 489. Notamment, l'affaiblissement de la capacité de conduire est observé lorsque la concentration de THC dans le sérum sanguin se trouve entre 7 et 10 ng/mL (environ 3 à 5 ng/mL dans le sang total) et cette concentration de THC dans le sang a été comparée à un taux d'alcoolémie de 0,05 %, qui est aussi associé à l'affaiblissement de la capacité des conducteursReference 149.
Cannabis fumé
La simulation de multiples dosages avec une cigarette à 1 % de THC contenant 9 mg de Δ9-THC a provoqué un effet de « high » maximal d'une durée d'environ 45 minutes après le dosage initial, diminuant à 50 % de cet effet de pointe environ 100 minutes après avoir fuméReference 206. Un intervalle de dosage d'une heure avec cette dose donnerait un « high continu » et le temps de recouvrement après la dernière dose serait de 150 minutes (c.-à-d. 2,5 h). Le pic de concentration plasmatique de Δ9-THC pendant ce dosage est estimé à environ 70 ng/mL.
Une étude clinique a signalé une augmentation du pic du rythme cardiaque et « un effet plaisant de la drogue » perçu en sept minutes après que les sujets du test aient fumé 1 g de cigarette de cannabis contenant 1,8 % ou 3,9 % de THC (doses moyennes de Δ9-THC dans la cigarette étant de 18 mg ou de 39 mg respectivement)Reference 145. Les deux doses ont révélé des différences statistiquement significatives quant aux mesures subjectives et physiologiques, comparativement au placebo; la dose plus élevée était aussi considérablement différente de la dose moins élevée en ce qui a trait aux effets subjectifs, mais pas aux effets physiologiques tels qu'un effct sur le rythme cardiaque. La modélisation pharmacocinétique et pharmacodynamique de la relation entre la concentration et l'effet du Δ9-THC sur les paramètres du SNC et sur le rythme cardiaque suggère que les effets provoqués par le THC tardent à paraître par rapport à la concentration plasmatique du THC, lesquels effets ayant une durée bien plus longue que ceux des concentrations plasmatiques du Δ9-THCReference 490. L'estimation de la demi-vie d'équilibrage du rythme cardiaque était d'environ 7 minutes, mais il fluctuait entre 39 et 85 minutes en ce qui concerne divers paramètres du SNCReference 490. D'après ce modèle, les effets sur le SNC se sont développés plus lentement et ont duré plus longtemps par rapport aux effets sur le rythme cardiaque.
La performance psychomotrice et les effets subjectifs et physiologiques associés aux concentrations du sang total du Δ9-THC chez des fumeurs excessifs et chroniques du cannabis après un épisode aigu de la fumée du cannabis ont fait l'objet d'une étudeReference 406. Les sujets ont déclaré avoir fumé en moyenne un joint par jour au cours des 14 jours précédant le lancement de l'étude (marge de 0,7 à 12 joints par jour). Pendant l'étude, les sujets ont fumé une cigarette de cannabis (poids moyen de 0,79 g) contenant 6,8 % de THC, 0,25 % de CBD, et 0,21 % du CBN (p/p) produisant une teneur totale en THC, en CBD et en CBN de 54, 2,0 et 1,7 mg, respectivement de ces cannabinoïdes par cigarette. La pointe moyenne du niveau de concentration sanguin du THC et la pointe des données de l'échelle visuelle analogique (EVA) pour différentes mesures subjectives s'est produite 15 minutes après avoir commencé de fumer. D'après les auteurs de l'étude, la relation pharmacodynamique et pharmacocinétique a décrit une hystérésis dans le sens antihoraire (c.-à-d. dans des cas où pour la même concentration plasmatique d'une drogue (p. ex. le THC), les effets pharmacologiques s'en sont trouvés davantage sentis ultérieurement qu'ils ne l'étaient plus tôt) pour tous les effets subjectifs mesurés (p.ex. « effet plaisant de la drogue », « high », « défoncé », « stimulé », « tranquille », « anxieux » et « agité »). Ce type spécifique de relation démontre un manque de corrélation entre les concentrations sanguines de THC et les effets observés, débutant tout de suite après avoir fini de fumer et se poursuivant pendant les phases initiales de distribution et d'élimination. Tous les participants ont signalé un pic de « high » subjectif allant de 66 à 85 sur l'EVA avec le pic des concentrations du sang total de THC au moment de ces réponses allant de 13 à 63 ng/mL. À la suite de l'entame de la fumée du cannabis, le rythme cardiaque a connu une augmentation considérable au bout de 30 minutes, la tension artérielle diastolique ne s'est abaissée de façon importante qu'à partir du délai de 30 minutes à 1 heure, et la tension artérielle systolique et la fréquence respiratoire n'avaient changé à aucun moment.
Une étude portant sur les effets aigus subjectifs associés au cannabis fumé à trois doses différentes (c.-à-d. 29,3, 49,1 et 69,4 mg de THC) a indiqué que le THC augmentait considérablement les sensations de « high », d'« étourdissement », les « troubles de la mémoire et de concentration » ainsi que les sentiments d'« abattement », la sensation d'être « sous sédation » et le sentiment d'« anxiété »Reference 491. De plus, l'étude a également montré que des doses plus élevées de THC étaient associées à une durée plus longue d'effets subjectifs. Les résultats de l'étude ont révélé que la durée requise pour atteindre la cote « de high » maximale était légèrement différée (11 à 16 minutes) comparativement à la durée requise pour atteindre la concentration de sérum maximale de THC. La cote de « high » a diminué après avoir atteint un pic dans les 3,5 premières heures après l'administration de la dose. Les scores sur l'EVA pour les « étourdissements », l'« assèchement de la bouche », les « palpitations », les « troubles de la mémoire et de concentration », le sentiment d'« abattement », la sensation d'être « sous sédation » et le sentiment d'« anxiété » atteignaient leur maximum dans les deux premières heures après l'administration de la dose et ces effets ont été liés à la dose. Avec une dose de 29,3 mg de THC dans la cigarette (équivalente à un joint de 300 mg, par exemple, contenant 10 % de THC ou à un joint de 150 mg contenant 20 % de THC), la concentration sérique maximale de THC était d'environ 120 ng/mL et a été associée à un effet de « high » maximal de 50 %. Une dose de 49,1 mg de THC dans la cigarette (équivalente à un joint de 500 mg, par exemple, contenant 10 % de THC ou à un joint de 250 mg contenant 20 % de THC) a été associée à une concentration sérique maximale de THC de 170 ng/mL et à un effet de « high » maximal de 60 %. Une dose de THC de 69,4 mg (équivalent à 700 mg d'un joint, par exemple, contenant 10 % de THC ou à un joint de 350 mg contenant 20 % de THC) a été associée à une concentration sérique de THC de 200 ng/mL et à un effet de « high » maximal de 80 %. La diminution de la stimulation (c.-à-d. sédation) induite par le THC et l'augmentation de l'anxiété ont duré jusqu'à huit heures après la consommation. En effet, la sédation a augmenté près de six fois comparativement au placebo. Fait intéressant, la dose faible de THC a été associée aux scores les plus élevés des cotes « aime les effets de la drogue » et « volonté de recevoir une dose plus élevée de cette drogue ».
Cannabis vaporisé
L'inhalation de cannabis vaporisé (900 mg de Δ9-THC à 3,56 %; dose totale disponible de 32 mg de Δ9-THC) a entrainé l'observation d'une moyenne du niveau de Δ9-THC dans le plasma sanguin de 126,1 ng/mL moins de trois minutes après avoir amorcé l'inhalation de cannabis, chutant rapidement à 33,7 ng/mL de Δ9-THC après 10 minutes et atteignant 6,4 ng/mL de Δ9-THC après 60 minutesReference 276. La pointe de concentration de Δ9-THC (Cmax) était atteinte en trois minutes chez tous les participants de l'étudeReference 276. Les cotes de « high » subjectives les plus élevées ont été déclarées après 60 minutes du début de l'inhalationReference 276.
Une étude clinique a signalé que vaporiser 500 mg ad libitum de cannabis contenant une faible dose (2,9 %) de THC (environ 14,5 mg de THC) ou une dose élevée (6,7 %) de THC (environ 33,5 mg de THC) a été associé à des valeurs de Cmax médianes pour le sang total de 32,7 (faible dose) et de 42,2 ng/mL (dose élevée) de THC et des valeurs de Cmax médianes pour le plasma sanguin de 46,5 (faible dose) et de 62,1 ng/mL (dose élevée) de THC 10 minutes après l'inhalation, respectivementReference 201. Les valeurs de Cmax médianes pour le sang total pour le 11-hydroxy THC étaient de 2,8 (faible dose) et de 5 ng/mL (dose élevée) et les valeurs de Cmax médianes pour le plasma sanguin étaient de 4,1 (faible dose) et de 7 ng/mL (dose élevée) 10 à 11 minutes après l'inhalation, respectivement. Les effets subjectifs ont été mesurés à de nombreux moments et les effets ont été corrélés avec des concentrations de cannabinoïdes dans la salive et le sang. Les concentrations sanguines de THC ont été associées de façon positive aux sensations de « high », de « bon effet de drogue », de « stimulation », de « défoncé », d'« anxiété », d'« agitation », d' « altération du sens du temps », de « troubles d'élocution », d'« étourdissements » et de « bouche et gorge sèches ». Aucune différence considérable n'a été observée entre les effets de la dose faible (2,9 %) et élevée (6,7 %) de cannabis. Le cannabis vaporisé a augmenté considérablement les effets mesurés de « défoncé » et de « tranquille » immédiatement après l'administration de la dose et ces effets ont duré pendant 3,3 heures (ou 4,3 heures, lorsque combinées avec de l'alcool). Les sentiments d'« anxiété » ont démontré des effets considérables de cannabis en relation à la dose pendant 1,4 heure. Les effets indésirables comme la « sensation de soif » et de « bouche et gorge sèches » ont augmenté au cours des 3,3 premières heures après l'administration de la dose. Les sensations d'« difficulté de concentration » et d'« altération du sens du temps » ont produit des effets divers pendant 2,3 heures. Les effets et les durées des effets étaient semblables entre le cannabis fumé et vaporisé.
Une autre étude a mesuré 17 différents effets psychoactifs en fonction de la dose de THC et du temps pour le cannabis vaporiséReference 272. Dans le cadre de cette étude clinique aléatoire à double insu et contrôlée par placebo, des patients ont inhalé un total de 8 à 12 bouffées de cannabis vaporisé contenant soit 0 %, 2,9 % ou 6,7 % de THC (400 mg chacun). La dose de 2,9 % était associée à une Cmax de 68,5 ng/mL et la dose de 6,7 % était associée à une Cmax de 177,3 ng/mL. La Cmax du 11-hydroxy THC dans le plasma sanguin était de 5,6 et de 12,8 ng/mL, respectivement pour les doses de 2,9 et de 6,7 % respectivementReference 413. La dose plus faible a produit des effets moindres que ceux de la dose élevée et les effets du placebo étaient plus faibles que ceux des deux doses actives pour les sensations d'« effet de drogue général », « effet plaisant de la drogue », de « high », d'« affaiblissement des capacités », de « défoncé », de « tranquille » et d'« altération de la perception de la réalité ». Les cotes des sensations de « mauvais effet de drogue », d'« aime la drogue », de « nausée » et d'« altération du sens du temps » étaient considérablement plus faibles avec le placebo que pour les deux doses actives. La dose plus élevée (6,7 %) a été associée à des cotes considérablement plus élevées de sensations de « désir d'en consommer plus », de « faim », de « troubles de mémoire », d'« ivresse », de « confusion » et de « difficultés de concentration » comparativement à la dose placebo; les seules différences considérables entre la dose faible et la dose élevée étaient les sensations d'« ivresse », de « confusion » et de « difficultés de concentration ». Un effet clair de réponse à la dose a été observé pour la majorité des effets psychoactifs.
Cannabinoïdes administrés par voie orale et oromucosale
Les effets subjectifs et physiologiques suite à l'administration contrôlée de nabiximols (SativexMD) par voie oromucosale ou du Δ9-THC par voie orale ont fait l'objet d'une comparaisonReference 126. Des augmentations dans la tension artérielle systolique ont été notées après l'administration de faibles doses (5 mg) et des doses élevées (15 mg) par voie orale de THC, de même que de faibles doses (5,4 mg de Δ9-THC et 5 mg de CBD) et des doses élevées (16,2 mg de Δ9-THC et 15 mg de CBD) de nabiximols par voie oromucosale, les effets atteignant leurs pics à environ trois heures après l'administration. En revanche, la tension artérielle diastolique s'est abaissée entre quatre et huit heures après la prise de la dose. Le rythme cardiaque a augmenté après tous les traitements actifs. Une augmentation statistiquement importante du rythme cardiaque par rapport au placebo a été observée suite à une forte dose par voie orale du THC (15 mg de Δ9-THC) et une forte dose du nabiximols par voie oromucosale (16,2 mg de Δ9-THC et 15 mg de CBD), mais les auteurs ont indiqué que les augmentations semblaient moins significatives cliniquement par rapport à celles enregistrées typiquement pour le cannabis fumé. De fortes doses par voie orale du THC (15 mg de Δ9-THC) et du nabiximols par voie oromucosale (16,2 mg de Δ9-THC et 15 mg de CBD) ont été associées aux « effets plaisants de la drogue » beaucoup plus importants comparativement au placebo, tandis que de faibles doses de nabiximols par voie oromucosale (5,4 mg de Δ9-THC et 5 mg de CBD) ont été associées aux « effets plaisants de la drogue » nettement plus élevés comparativement à 5 mg du THC. Un sentiment subjectif du « high » a été signalé comme étant beaucoup plus important après 15 mg par voie orale du THC par rapport au placebo et à 5 mg par voie orale du THC. En revanche, ni les fortes doses ni les faibles doses du nabiximols par voie oromucosale n'avaient été signalées comme produisant un sentiment statistiquement important du « high » subjectif. Les sujets de l'étude ont signalé avoir été plus anxieux à quatre heures environ après l'administration par voie orale de 5 mg du THC, à 3 heures suite à la prise de 15 mg de THC par voie orale, à 5,5 heures suite à la prise de la faible dose du nabiximols et à 4,5 heures suite à la prise de la forte dose de nabiximols par voie oromucosale. Tous les traitements médicamenteux actifs ont provoqué significativement plus d'anxiété par rapport au placebo. Après administration par voie orale de 15 mg de THC, l'on a observé que la concentration plasmatique du THC avait une faible corrélation positive, mais statistiquement importante avec la tension artérielle systolique et diastolique, l' « effet plaisant de la drogue », et le « high ». Après administration de nabiximols à dose élevée par voie oromucosale, l'on a aussi observé des corrélations positives entre les concentrations plasmatiques du THC et les résultats sur les mesures « anxieux », l' « effet plaisaint de la drogue », « high », « stimulé » et le M-scale (marijuana-scale, échelle M). Comme est le cas pour d'autres études, les auteurs de cette étude ont rapportés que les corrélations linéaires entre les concentrations plasmatiques du THC et les effets physiologiques et subjectifs étaient faibles. En fin, bien que le CBD ne semble pas moduler les effets du THC, les auteurs ont suggéré qu'il aurait peut-être atténué l'ampleur du « high » subjectif.
Une étude clinique au cours de laquelle la dose a été augmentée et qui a examiné le profil pharmacocinétique et pharmacodynamique de doses de THC suprathérapeutiques et administrées par voie orale (c.-à-d. 15 mg, 30 mg, 45 mg, 60 mg, 75 mg, 90 mg) chez sept consommateurs de cannabis révèle que la Cmax augmentait généralement en fonction de la dose, mais qu'elle variait considérablement d'un sujet à l'autre, en particulier lorsque les doses étaient plus élevéesReference 492. La variabilité de Tmax était aussi significative aussi bien chez les sujets qu'entre ceux-ci, la médiane globale étant de 3,3 heures pour le THC et le 11-hydroxy-THC. Le THC augmenta, en fonction de la dose, le rythme cardiaque tandis que la tension arterielle systolique fut diminué par des basses doses de THC (c.-à-d. 30 mg) mais fut augmenté par des doses plus élevés (c.-à-d. 75 mg et 90 mg). Aucun changement n'a été remarqué pour la tension artérielle diastolique. En ce qui concerne les réponses subjectives, les scores des cotes « tout effet de la drogue » et « soif » ont augmenté en fonction de la dose; cependant, pour les effets tels que « l'effet plaisant de la drogue », le « high », « fatigué/sous sédation », « défoncé », « manque de mémoire » et « confus/difficulté de concentration », les doses supérieures à 30 mg n'ont pas été associées de façon constante à des scores plus élevés.
2.4 Tolérance, dépendance et symptômes de sevrage
Tolérance
La tolérance telle que définie par le Liaison Committee on Pain and Addiction (le comité de liaison sur la douleur et la dépendance, un comité mixte composé de représentants de l'American Pain Society, l'American Academy of Pain Medicine, et l'American Society of Addiction Medicine) est un état d'adaptation par lequel l'exposition à une drogue entraîne des changements qui débouchent sur une diminution de l'un ou plusieurs effets de celle-ci au fil du tempsReference 493.
La tolérance aux effets du cannabis ou des cannabinoïdes semble provenir en grande partie des mécanismes pharmacodynamiques plutôt que pharmacocinétiquesReference 325. Les études précliniques indiquent que la tolérance pharmacodynamique est principalement liée aux changements de la disponibilité des récepteurs cannabinoïdes, surtout le récepteur CB1, à pouvoir signaler. Deux mécanismes moléculaires indépendants, mais étroitement liés, sont à l'origine de ces changements: la désensibilisation (ou le découplage du récepteur des événements d'émission de signaux intracellulaires en aval) et la régulation à la baisse (résultant de l'internalisation et/ou de la dégradation du récepteur) des récepteursReference 494. De plus, dans le cerveau, ces adaptations semblent varier selon les régions, indiquant des mécanismes cellulaires et tissulaires spécifiques qui réglementent la désensibilisation et la régulation à la baisseReference 325. Les études ont indiqué que les récepteurs CB1 dans le noyau caudé-putamen et ses aires de projection (p. ex. globus pallidus et substantia nigra) affichent l'ampleur la moins importante de désensibilisation et de régulation à la baisse des récepteurs CB1, tandis que les récepteurs CB1 dans l'hippocampe présentent l'ampleur la plus importante de désensibilisation et de régulation à la baisse en réponse à une exposition chronique au THCReference 495. Les récepteurs CB1 situés dans le striatum sont aussi moins sensibles à la désensibilisation et à la régulation à la baisse que les mêmes récepteurs dans l'hippocampeReference 495.
Une étude clinique a démontré que l'utilisation chronique de cannabis a été associée à une diminution globale de la disponibilité des récepteurs CB1 dans le cerveau dont des diminutions considérables de la disponibilité des récepteurs CB1 dans le lobe temporal, les cortex cingulaires antérieur et postérieur et le noyau accumbensReference 496. L'étude a principalement été menée sur des mâles d'âge moyen de début d'usage de cannabis de 16 ans, de durée moyenne d'utilisation de cannabis de 10 ans, de quantité de consommation moyenne de cannabis de trois joints par jour dont 60 % des sujets de l'étude étaient considérés comme des consommateurs excessifs (plusieurs fois par jour), 30 % étaient des consommateurs modérés (une fois par jour jusqu'à trois à quatre fois par semaine) et 10 % étaient des utilisateurs infréquents (deux à trois fois par mois ou moins). De plus, quelques études cliniques ont examiné la chronologie des changements de la disponibilité des récepteurs CB1 suivant l'administration chronique de THC et suivant l'abstinenceReference 331Reference 497. Au cours de la première étude, fumer du cannabis excessivement quotidiennement chroniquement (en moyenne 10 joints/jour pendant 12 ans) a été associé à la régulation à la baisse réversible et sélective sur le plan régional (diminution de 20 %) des récepteurs de cannabinoïdes CB1 corticaux du cerveauReference 497. Dans le cadre de la seconde étude, la dépendance au cannabis (fumé chroniquement quotidiennement et de façon modérée) a été associée à la régulation à la baisse des récepteurs CB1 (c.-à-d. diminution d'environ 15 % à la base, non en état d'ivresse ou de sevrage) comparativement aux valeurs témoins sainesReference 331. La régulation à la baisse des récepteurs CB1 a commencé à se renverser rapidement dès la fin de l'utilisation de cannabis (en moins de deux jours) et après 28 jours continuels d'abstinence surveillée la disponibilité des récepteurs CB1 n'était pas statistiquement ni considérablement différente de celle des valeurs témoin saines (bien que la disponibilité des récepteurs n'ait jamais atteint les niveaux observés pour les valeurs témoins saines). La disponibilité des récepteurs CB1 a aussi été corrélée de façon négative à la dépendance au cannabis et aux symptômes de sevrage.
Les variations régionales observées d'adaptations cellulaires au THC dans le cerveau peuvent également s'appliquer à d'autres tissus ou organes, ce qui explique pourquoi une tolérance se développe à l'égard de certains effets du cannabis et des cannabinoïdes, mais pas à l'égard d'autres effets. Chez l'animal, l'ampleur et le délai de la tolérance semble être fonction de l'espèce, du ligand du récepteur cannabinoïde, du dosage et de la durée du traitement, et des mesures appliquées pour déterminer la tolérance au traitement par cannabinoïdesReference 325.
La tolérance à la plupart des effets du cannabis et des cannabinoïdes peut se développer après quelques doses seulement et elle se dissipe aussi rapidement suivant l'interruption de son administrationReference 136. On a signalé le développement de tolérance aux effets du cannabis sur la perception, la psychoativité, l'euphorie, l'affaiblissement des capacités cognitives, l'anxiété, l'augmentation du niveau de cortisol, l'humeur, la pression intraoculaire (PIO), les électroencéphalogrammes (EEG), le rendement psychomoteur et la nausée; certaines personnes ont aussi développé une tolérance aux effets cardiovasculaires tandis que d'autres n'ont pas développé ces tolérancesReference 321Reference 329Reference 330. Il y a également des données qui suggèrent que de la tolérance aux effets du cannabis sur le sommeil peut se développer (examiné dans l'articleReference 204). Tel que mentionné plus haut, la dynamique de la tolérance diffère selon les effets étudiés, et se manifeste plus facilement et rapidement pour certains effets que d'autresReference 327Reference 328. Cependent, la tolérance à certains effets thérapeutiques induits par les cannabinoïdes (c.-à-d. la spasticité, l'analgésie) ne semble pas se développer, du moins chez certains patientsReference 211Reference 322Reference 324. Selon un document, dans le contexte clinique, la tolérance aux effets du cannabis ou des cannabinoïdes peuvent éventuellement être allégés en combinant de faibles doses du cannabis ou des cannabinoïdes avec un ou plusieurs médicaments thérapeutiques supplémentairesReference 498.
Une étude a révélé que la tolérance à certains des effets du cannabis, y compris la tolérance au « high », s'est développée lorsque le THC a été administré par voie orale (30 mg q.i.d. pour quatre jours; dose quotidienne totale de 120 mg)Reference 499 et aussi lorsqu'une dose à peu près équivalente a été fumée (cigarette de 3,1 % de THC; q.i.d. pour quatre jours)Reference 500. Il n'y a eu aucune diminution de l'effet stimulant l'appétit, quelle que soit la voie d'administration. Dans une autre étude, l'intensité des effets aigus subjectifs induits par le THC aurait diminué jusqu'à 80 % après 10 jours d'administration de THC par voie orale (10 - 30 mg THC chaque 3 - 4 h)Reference 501.
Une étude clinique qui a évalué les effets du cannabis fumé sur la fonction psychomotrice, la mémoire de travail, la prise de risque, et les effets subjectifs et physiologiques chez les consommateurs de cannabis occasionnels et fréquents après un plan de consommation contrôlé révèle que, comparativement aux consommateurs de cannabis fréquents, les fumeurs occasionnels présentaient beaucoup plus de troubles psychomoteurs, de la mémoire de travail spatiale, une prise de risque et une impulsivité considérablement accrues, des scores nettement plus élevés pour les cotes « high », et « stimulé », ainsi que davantage d'anxiétéReference 176. Les fumeurs occasionnels ont déclaré des scores nettement supérieurs par rapport aux fumeurs fréquents en ce qui concerne la « difficulté de concentration », la « notion du temps modifiée », la « sensation de faim », la « sensation de soif », les « tremblements » et l'« assèchement de la bouche ou de la gorge ». Comparativement aux fumeurs fréquents, les fumeurs occasionnels présentaient une augmentation significative de la fréquence cardiaque par rapport à la fréquence de base et une tension artérielle systolique et diastolique plus élevée peu de temps après l'administration de la doseReference 176. Ces résultats semblent indiquer que les consommateurs fréquents de cannabis peuvent développer une certaine tolérance à des troubles psychomoteurs, malgré les concentrations sanguines plus élevées de THC. Les fumeurs occasionnels ont aussi signalé des effets subjectifs nettement plus longs et plus intenses comparativement aux fumeurs fréquents chez qui les concentrations de THC étaient plus élevées, ce qui suggère qu'une tolérence aux effets subjectifs peut se développer.
Une étude clinique a évalué le développement de la tolérance aux effets de l'administration par voie orale 24 heures sur 24 du THC (20 mg toutes les 3,5 à 6 heures) sur une période de six jours chez 13 fumeurs masculins journaliers de cannabis en bonne santéReference 321. La dose de THC du matin a fait grimper les cotes d'intoxication le deuxième jour, mais ses effets ont diminué les quatrième (après administration d'une dose de THC cumulative de 260 mg) et sixième jours, tandis que le THC a diminué la tension artérielle et augmenté la fréquence cardiaque au cours de la période de six jours, ce qui laisse supposer le développement d'une tolérance aux effets subjectifs d'intoxication du THC et l'absence de tolérance à ses effets cardiovasculaires. La tolérance aux effets subjectifs d'intoxication du THC administré par voie orale est survenue après une exposition à une dose totale de 260 mg de THC durant quatre joursReference 321.
Une autre étude clinique révèle que bien que les grands consommateurs chroniques de cannabis aient développé une tolérance aux affaiblissements comportementaux du THC, ces sujets n'ont pas développé une tolérance croisée aux effets affaiblissants de l'alcool et ce dernier amplifiait les effets affaiblissants du THC sur des mesures telles que l'attention partagéeReference 502.
Une étude non contrôlée, à prolongation ouverte, suivant une etude à répartition aléatoire faisant intervenir l'administration du nabiximols pour une durée initiale de cinq semaines chez des patients atteints de SP et souffrant de douleur neuropathique centrale révèle l'absence de tolérance pharmacologique (mesurée selon la modification du dosage quotidien moyen du nabiximols), analgésie induite par les cannabinoïdes, même après presque deux ans de traitement chez un groupe de patients choisisReference 324. Une autre étude à long terme et à prolongation ouverte du nabiximols chez des patients atteints de spasticité causée par la SP a appuyé cette étude, révélant aussi l'absence de la tolérance pharmacologique à l'effet contre la spasticité (mesurée selon la modification du dosage quotidien moyen de nabiximols), après presque un an de traitementReference 322. Une étude multicentrique et prospective des cohortes, examinant l'innocuité du cannabis à long terme chez des patients l'utilisant dans le cadre de leur schéma posologique de gestion de la douleur pour la douleur chronique non associée au cancer, a observé de petites augmentations non considérables de la dose quotidienne au cours d'une période d'étude d'un anReference 211.
Plus récemment, une étude clinique croisée à double insu, contrôlée par placebo et à trois volets menée auprès des consommateurs de cannabis réguliers suggère que la tolérance pourrait ne pas se manifester envers certains des effets aigus sur les fonctions neurocognitives malgré la consommation régulière de cannabisReference 412. L'étude comprenait 122 participants consommateurs réguliers de cannabis (durée moyenne de consommation : 7 ans; marge de 1 à 23 années), dont le taux d'utilisation moyen était de 44 occasions (marge de 2 à 100) au cours des trois derniers mois. Les traitements consistaient d'un placebo vaporisé ou de 300 µg/kg de THC (cannabis contenant de 11 à 12 % de THC). L'administration aiguë de cannabis vaporisé a affaibli le rendement d'un grand éventail de domaines neurocognitifs : les fonctions exécutives, la maîtrise des impulsions, l'attention et les fonctions psychomotrices des participants étaient considérablement pires après avoir consommé du cannabis comparativement au placebo. La fréquence d'utilisation du cannabis a été considérablement corrélée aux changements d'ivresse subjective après la consommation de cannabis et a été aussi corrélée et a interagi à des changements du rendement psychomoteur, ce qui signifie que l'ivresse subjective et les troubles psychomoteurs à la suite de l'exposition au cannabis diminuent lorsque consommé plus fréquemment; toutefois, les valeurs de base de l'ivresse subjective et des troubles psychomoteurs étaient déjà plus élevées chez les consommateurs fréquents comparativement aux consommateurs moins fréquents (vraisemblablement en raison de la charge corporelle de THC déjà élevé pouvant causer des niveaux d'ivresse suffisants et de légers troubles psychomoteurs). Les auteurs proposent que les fonctions neurocognitives des consommateurs quotidiens (ou presque) puissent être considérablement affaiblies en raison de la consommation répétée de cannabis, au cours et au-delà de la phase d'ivresse initiale.
La tolérance pharmacocinétique (y compris des modifications dans l'absorption, la distribution, la biotransformation et l'excrétion) a également été documentée lors d'administration répétée de cannabinoïdes, mais celle-ci semble s'observer à un degré moindre par rapport à la tolérance pharmacodynamiqueReference 503.
Dépendance et sevrage
La dépendance peut être classée sous deux concepts indépendants, mais qui dans certaines situations sont interdépendants : la dépendancephysique et la dépendance psychologique (c.-à-d. l'addiction)Reference 493. D'après la définition du Liaison Committee on Pain and Addiction, la dépendance physique est un état d'adaptation qui se manifeste par un syndrome de sevrage d'une catégorie de drogue spécifique pouvant se produire à la suite d'une interruption abrupte, d'une réduction rapide de la dose, d'une diminution de la concentration sanguine du médicament et/ou de l'administration d'un antagonisteReference 493. La dépendance psychologique (c.-à-d. l'addiction) est une maladie neurobiologique, primaire et chronique dont le développement et les manifestations subissent l'influence de facteurs génétiques, psychosociaux et environnementaux; elle se caractérise par l'un ou plusieurs des comportements suivants : perte de la capacité à faire preuve de retenue dans l'usage de la drogue, usage compulsif, continuation de l'usage malgré ses effets néfastes et état de manqueReference 493. Le SEC participe au comportement d'acquisition et du maintien de la consommation de la drogue et à divers processus comportementaux et physiologiques associés à la dépendance psychologique ou à l'addictionReference 2. Dans l'ancien DSM-IV (manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, 4e édition), le terme « dépendance » était étroitement relié au concept d'« addiction », lequel peut ou non comprendre la dépendance physique et est caractérisé par la consommation, malgré les dommages et la perte de contrôle sur la consommationReference 504. Il est démontré que la dépendance au cannabis (physique et psychologique) se produit, et ce surtout en présence d'une consommation élevée et chroniqueReference 141Reference 185Reference 326. Dans le nouveau DSM-5, l'expression « dépendance au cannabis » a été remplacée par le concept de « trouble d'utilisation du cannabis » (TUC) dont l'intensité peut varier de légère à grave en passant par modérée, en fonction du nombre de critères des symptômes approuvésReference 505. Dans le DSM-5, le TUC repose sur les critères de diagnostic suivants : une tendance problématique de consommation de cannabis entraînant une détresse ou un trouble clinique important, se manifestant par au moins deux symptômes, au cours d'une période de 12 mois. Pour une liste des symptômes, veuillez vous référer au DSM-5Reference 505.
Dépendance psychologique
Les facteurs de risque de la transition de la consommation à la dépendance ont été identifiés et comprennent les éléments suivants : être jeune, être mâle, être pauvre, posséder un faible niveau d'éducation, habitant dans un milieu urbain, début de consommation précoce de la substance, consommation d'une autre substance psychoactive et cooccurrence d'un trouble psychiatriqueReference 506. Notamment, la transition à la dépendance au cannabis se produit considérablement plus rapidement que la transition à la dépendance à la nicotine ou à l'alcoolReference 506. Les données signalées indiquent qu'après la première année de consommation de cannabis, la probabilité de transition à la dépendance est d'un peu moins de 2 % tandis que la fréquence de dépendance au cannabis à vie parmi ceux qui ont déjà consommé du cannabis est d'environ 9 %Reference 506. La prévalence du développement du TUC augmente à entre 33 et 50 % parmi les consommateurs quotidiensReference 507. Des données épidémiologiques américaines plus récentes suggèrent que les prévalences sur 12 mois et à vie du TUC du DSM-5 sont de 2,5 % et 6,3 %, respectivement, et que les taux correspondants du DSM-IV sur 12 mois et à vie montrent une augmentation substantielle entre 2001-2002 et 2012-2013, avec les taux sur 12 mois et à vie augmentant de 1,5 % et 8,5 %, respectivement, à 2,9 % et 11,7 %, respectivementReference 508. Ces augmentations de la prévalence à 12 mois et à vie sont considérées comme entraînées par les augmentations de la prévalence d'usagers du cannabis.
La National Epidemiological Survey on Alcohol and Related Conditions (NESARC), une étude prospective de grande envergure des États-Unis menée parmi 34 653 répondeurs examinant l'association entre la consommation de cannabis et les risques de trouble de santé mentale et de consommation de substances dans la population générale adulte des États-Unis, a observé que la consommation de cannabis (dans la première vague : 2001-2002) était associée au développement plus tardif (dans la deuxième vague : 2004-2005) de troubles de consommation de substances (c.-à-d., tout trouble de consommation de substance : RC = 6,2, 95 % IC = 4,1 à 9,4; tout trouble de consommation d'alcool : RC = 2,7, 95 % IC = 1,9 à 3,8; tout TUC : RC = 9,5, 95 % IC = 6,4 à 14,1; tout trouble de consommation d'autres drogues : RC = 2,6, 95 % IC = 1,6 à 4,4; et la dépendance à la nicotine : RC = 1,7; 95 % IC = 1,2 - 2,4), mais non pas à des troubles de l'humeur ou d'anxiétéReference 509. Une plus grande fréquence de consommation de cannabis a été associée à un plus grand risque d'incidence et de prédominance de troubles, appuyant une association de réponse liée à la dose entre la consommation de cannabis et les risques de développement de troubles de consommation de substances.
Une autre étude menée à l'aide des données de la NESARC (2012-2013) a observé que la probabilité de développement du TUC après 12 mois et à vie était plus élevée chez les mâles, ceux de descendance autochtone, les célibataires, les gens à faible revenu et les jeunes adultes (p.ex., parmi les jeunes adultes âgés de 18 à 24 ans comparativement aux adultes âgés de 45 ans et plus, le RC = 7,2, 95 % et l'IC = 5,5 à 9,5)Reference 335. De plus, le TUC après 12 mois a été associé à d'autres troubles de consommation de substances (RC = 6,0 à 9,3), aux troubles d'humeur et affectifs (RC = 2,7 à 5,0), les troubles d'anxiété (RC = 1,7 à 3,7) et les troubles de personnalité (RC = 3,8 à 5,0). Les répondeurs à l'enquête atteints de TUC après 12 mois étaient considérablement différents des autres selon toutes les composantes de l'handicap de l'enquête; les handicaps augmentaient au fur et à mesure que la gravité du TUC augmentait. Parmi les participants atteints de TUC après 12 mois selon le DSM-5, 61 % d'entre eux étaient en état de besoin pour le cannabis, 32 % étaient affectés de symptômes de sevrage au cannabis et 23 % étaient affectés de ces deux dernières affectations.
En comparant les données de la première vague (2001-2002) et de la deuxième vague (2012-2013) du NESARC, une étude a observé que la prévalence de la consommation de cannabis avait plus que doublée au cours de la période entre les deux vagues de l'étudeReference 508. De plus, une grande augmentation de TUC s'est produite au cours de cette période puisque près de 3 consommateurs de cannabis sur 10 ont signalé un TUC en 2012-2013. Les jeunes adultes possédaient le plus grand facteur de risque de développement du TUC dans le cadre des deux vagues de l'enquête (RC = 7,2 pour ceux âgés de 18 - 29 ans; RC = 3,6 pour ceux âgés de 30 - 44 ans), mais l'augmentation relative de la prévalence du TUC chez les adultes âgés de 45 à 64 ans et ceux âgés de 65 ans et plus était beaucoup plus élevée que l'augmentation chez les jeunes adultes.
Une étude rétrospective menée sur un échantillon représentatif de l'ensemble de la population de 6 935 adultes australiens examinant l'initiation à la consommation de cannabis et la transition au TUC a observé que le temps moyen entre la première consommation et le début du TUC était de 3,3 ans (temps médian = 2 ans) dont 90 % des cas survenaient dans les huit ans suivant la première consommationReference 510. Les âges d'initiation plus précoces et la consommation d'autres substances étaient de bons indicateurs de la transition de consommation à TUC. En effet, les âges plus précoces de la première consommation de cannabis étaient associés à un risque plus élevé de transition au TUC et chaque âge subséquent de première consommation étant associé à une diminution de 11 % de la probabilité de développement du TUC. Les troubles d'anxiété sociale et de panique ont aussi été associés à la transition de consommation de cannabis au TUC. Les consommateurs de cannabis mâles couraient de plus grands risques de développement du TUC que les femmes et les femmes atteintes d'un trouble dépressif possédaient un plus grand risque de développement du TUC parmi celles-ci. Le commencement précoce de consommation d'alcool et de tabagisme quotidien ont chacun été associés à un risque accru prononcé d'initiation précoce à la consommation de cannabis.
Quelques études cliniques ont examiné les différences entre les hommes et les femmes en ce qui concerne le développement de la dépendance, les symptômes de sevrage et les rechutesReference 511. Pour plus de renseignements, veuillez consulter la Section 2.5, Effets selon le sexe.
Dépendance physique
La dépendance physique se manifeste très souvent dans l'apparition des symptômes de sevrage lorsque l'usage est interrompu de façon abrupte ou abandonné. Les symptômes de sevrage se produisent au cours du premier ou du deuxième jour suivant l'interruption de la consommation de cannabis (fumée ou par voie orale), et les pics des effets se produisent habituellement entre les jours 2 et 6; la plupart des symptômes se résorbent en une à deux semainesReference 512-Reference 514. Les symptômes les plus courants sont un état de manque, la colère ou l'agression, l'irritabilité, l'anxiété, des cauchemars ou des rêves étranges, l'insomnie et des difficultés à dormir, des maux de tête, l'agitation et une diminution de l'appétit ou une perte de poidsReference 185Reference 326Reference 339Reference 512Reference 513. D'autres symptômes comprendraient une humeur dépressive, des frissons, des douleurs à l'estomac, des tremblements et la sudationReference 185Reference 326Reference 339Reference 513. Des symptômes de sevrage sont signalés par jusqu'à un tiers des utlisateurs réguliers dans la population générale et par 50-95 % chez les gros utilisateurs en traitement ou dans des études de rechercheReference 515. Il y a aussi des rapports émergents d'une augmentation de la dépendence physique avec des extraits très puissants de cannabis (par ex. concentrés tels que le BHO (huile de haschich butane) et dabs) (RC = 1.2, p = 0.014)Reference 516Reference 517.
Il n'existe pas de pharmacothérapies approuvées pour gérer les symptômes de sevrage au cannabisReference 518. Une gamme de médicaments a été étudiée, notamment les antidépresseurs (p. ex. buproprione, néfadozone), les régulateurs de l'humeur (p. ex. divalproex, lithium, lofexidine),Reference 519-Reference 521, et la quétiapineReference 522, mais seulement des effets bénéfiques limités ont été observésReference 518. Le zolpidem a aussi été étudié comme traitement pharmacologique potentiel afin de pouvoir cibler précisément les perturbations du sommeil causées par l'abstinenceReference 523Reference 524. Toutefois, les thérapies de substitution aux agonistes (p.ex., le dronabinol, le nabilone, le nabiximols) pourraient être une approche plus prometteuseReference 518.
Une étude clinique pilote récente mesurant la réalisabilité et les effets de dosages fixés et autotitrés de nabiximols sur les symptômes d'état de manque et de sevrage parmi les participants dépendants au cannabis a observé que, comparativement au placebo, de fortes doses fixées de nabiximols (c.-à-d., jusqu'à 40 vaporisations par jour ou 108 mg de THC et 100 mg de CBD) étaient bien tolérées et diminuaient considérablement les symptômes de sevrage du cannabis au cours de la période d'abstinence, mais non pas les symptômes d'état de manqueReference 336. Les doses autotitrées étaient plus faibles et leur efficacité était limitée comparativement aux doses fixées élevées. Les participants ont aussi signalé des taux de « high » et des durées de « high » moins élevées avec l'administration de nabiximols et du placebo comparativement à fumer du cannabis.
Une étude clinique à répartition aléatoire et double insu, contrôlée par placebo, menée pendant six jours chez des patients hospitalisés et portant sur le nabiximols utilisé à titre de traitement de substitution par des agonistes des symptômes de sevrage au cannabis a indiqué que le traitement au nabiximols atténue les symptômes de sevrage au cannabis et améliore la rétention des patients suivant le traitementReference 518. Toutefois, le placebo était aussi efficace que le nabiximols pour promouvoir une réduction à long terme de la consommation de cannabis tel que mesuré lors du suivi. Le traitement au nabiximols a réduit considérablement la gravité générale des symptômes du sevrage au cannabis par rapport au placebo, notamment les effets sur l'irritabilité, la dépression et l'état de manque, et a eu un effet limité sur les troubles du sommeil, l'anxiété, la perte d'appétit, les symptômes physiques et l'agitation.
Une étude clinique intra-sujet et contrôlée par placebo a démontré que le nabilone (dose quotidienne de 6 à 8 mg) diminue les symptômes de sevrage du cannabis, y compris l'irritabilité et les perturbations du sommeil et de l'alimentation causées par l'abstinence chez les fumeurs de cannabis chroniques recherchant un traitementReference 525. Le nabilone avait aussi réduit l'autoadministration de cannabis au cours de la période d'abstinence dans le cadre d'un modèle de rechute en laboratoire. Bien que le nabilone n'ait pas engendré des cotes subjectives associées à la susceptibilité d'abus (c.-à-d. aimer la drogue, désir de consommer à nouveau), la dose élevée (8 mg) a réduit modérément le rendement des tâches psychomotrices. Une étude de suivi a observé que le nabilone (3 mg b.i.d.) administré accompagné du zolpidem (12,5 mg) avait aussi amélioré les perturbations de l'humeur, du sommeil et de l'appétit causées par l'abstinence et avait aussi réduit la consommation de cannabis fumé dans le cadre du modèle de rechute en laboratoire tout en n'ayant aucun effet sur les capacités cognitives des participantsReference 523.
Un essai clinique à double insu de 11 semaines, contrôlé par placebo et portant sur la lofexidine et le dronabinol dans le traitement de TUC n'a révélé, par rapport au placebo, aucun effet bénéfique significatif sur l'abstinence, la réduction des symptômes de sevrage ou le désir des sujets de poursuivre le traitementReference 526. En revanche, une étude précédente a montré l'efficacité du dronabinol administré à raison de 40 mg par jour par rapport au placebo, le dronabinol ayant atténué les symptômes du sevrage et amélioré la volonté de poursuivre le traitement, mais non l'abstinenceReference 527.
Cannabidiol pour lutter contre la dépendance au cannabis et à d'autres drogues
Une analyse systématique récente des données sur le CBD utilisé comme moyen d'intervention pour remédier aux comportements addictifs a révélé qu'à ce jour, seules 14 études ont été menées principalement sur des animaux et seulement quelques unes chez les humainsReference 338. Le nombre limité d'études précliniques effectuées à ce jour laisse supposer que le CBD aurait un pouvoir thérapeutique dans le traitement de l'addiction aux opioïdes, à la cocaïne et à des psychostimulants et certaines données préliminaires semblent indiquer que le CBD serait aussi bénéfique dans le traitement de l'addiction au cannabis et au tabac chez les humainsReference 338. Le nombre limité d'études précliniques publiées jusqu'à maintenant suggère que le CBD aurait un impact sur la phase d'intoxication et de rechute liée à l'addiction aux opioïdes, alors que le CBD ne semble pas avoir d'impact sur les effets de récompense des stimulants (p. ex. cocaïne, amphétamine) mais qu'il pourrait avoir une influence sur la rechuteReference 338.
En ce qui concerne la dépendance au cannabis, les études précliniques indiquent que le CBD, en tant que tel, ne la renforce pas, mais son effet sur le comportement de dépendance lié au cannabis demeure incertainReference 338. Dans une étude clinique, une femme de 19 ans ayant développé une dépendance au cannabis et manifestant des symptômes de sevrage au cannabis dès l'arrêt de la consommation de cannabis a reçu jusqu'à 600 mg de CBD (marge de 300 à 600 mg) au cours d'une période de traitement de 11 jours et le traitement avec le CBD a été associé à une diminution rapide des symptômes du sevrageReference 338Reference 528. Dans une autre étude menée chez l'humain, le cannabis dont le rapport CBD/THC était plus élevé a été associé à des cotes plus faibles d'effets plaisants des stimuli de la drogue (cote explicite « aime la drogue »), mais aucune différence entre les groupes n'a été observée en ce qui concerne les cotes « état de manque » ou « défoncé »Reference 338Reference 529. Toutefois, une étude à sites multiples, à double insu et contrôlée par placebo a démontré que le CBD (en dose de 200 à 800 mg) n'avait aucun effet sur les cotes subjectives associées à la susceptibilité d'abus de cannabisReference 530.
Une étude clinique à répartition aléatoire et double insu, contrôlée par placebo et portant sur 24 fumeurs de tabac en recherche de traitement contre la dépendance au tabac a examiné l'impact du CBD sur l'addiction à la nicotine et conclut que l'inhalation du CBD (400 µg/inhalation), selon les besoins, était associée à une réduction significative du nombre de cigarettes fuméesReference 338Reference 531.
Une étude clinique croisée à répartition aléatoire et à double insu, menée chez dix volontaires en bonne santé, ayant examiné les effets du CBD sur la phase d'intoxication de l'addiction à l'alcool n'a révélé aucune différence en ce qui concerne les sensations d'être « ivre », « drogué » ou « mal en point » entre le groupe ne consommant que de l'alcool et celui prenant de l'alcool et du CBDReference 338Reference 532.
Aucune étude préclinique n'existe sur l'utilisation du CBD pour traiter les comportements d'addiction aux drogues hallucinogènes, aux sédatifs, au tabac ou à l'alcool et aucune étude menée chez l'humain n'existe sur l'utilisation du CBD pour traiter les comportements d'addiction aux opioïdes, aux psychostimulants, aux drogues hallucinogènes ou aux sédatifsReference 338.
2.5 Populations particulières
Enfants/adolescents
Le SEC est présent aux premières étapes du développement et est essentiel pour le développement du système nerveux. Il maintient son expression dans le cerveau tout au long de la vieReference 533. En outre, le SEC subit des changements dynamiques pendant l'adolescence avec des fluctuations importantes du niveau et de l'emplacement du récepteur CB1 dans le cerveau ainsi que des changements des niveaux des endocannabinoïdes 2-AG et de l'anandamideReference 533. Les changements dynamiques qui surviennent dans le SEC pendant l'adolescence coïncident aussi avec une période importante de plasticité neuronale comprenant la prolifération neuronale, le renouvellement des connexions et la synaptogénèse ainsi que l'élagage dendritique et la myélinisation qui se produit en même tempsReference 534. Il semble que cette période de neuroplasticité importante ne s'achève pas avant l'âge de 25 ansReference 534. Ainsi, cette période de neurodéveloppement est essentielle pour garantir un bon développement neurocomportemental et cognitif et est également influencée par des stimuli externes positifs et négatifs (p. ex. insultes neurotoxiques, traumatisme, stress chronique, abus de drogues)Reference 534. D'après les données scientifiques recueillies, les jeunes sont plus sensibles aux effets indésirables liés à la consommation de cannabis, en particulier lorsqu'il s'agit d'un usage chroniqueReference 177Reference 535. Des études examinant la consommation de cannabis à des fins non médicales suggèrent qu'un début précoce (c.-à-d. à l'adolescence et notamment avant l'âge de 15 ans) et une consommation régulière et persistante de cannabis (de cannabis riche en THC) sont associés à de nombreux effets indésirables sur le cerveau et le développement comportemental, notamment le TUC et l'addiction au cannabis, la consommation d'autres drogues illicites, un fonctionnement cognitif compromis et la baisse du quotient intellectuel (QI), un déficit d'attention, un niveau de scolarité plus faible, des idées suicidaires, des tentatives de suicide et une augmentation du risque de schizophrénie ainsi qu'une apparition précoce de la maladieReference 223Reference 536-Reference 546. D'après les données actuelles recueillies, il est difficile de déterminer pendant combien de temps tous les effets neurocognitifs ou certains d'entre eux persistent après l'arrêt de la consommation. Certains chercheurs ont constaté que certains déficits cognitifs perdurent jusqu'à un an ou plus après l'arrêt de la consommation de cannabis, tandis que d'autres ont démontré une période de rétablissement beaucoup plus courte (c.-à-d. 28 jours) pour une partie, au moins, des déficits révélésReference 146Reference 223Reference 536Reference 547Reference 548. Une récente revue de la littérature sur les études observationnelles et précliniques a révélé des preuves cohérentes d'une association entre la consommation de cannabis chez les adolescents (usage fréquent / intensif) et les résultats neuropsychiatriques persistants à l'âge adulte. Même si les données provenant d'études chez les humains n'ont pas établi de causalité seulement basé sur la consommation de cannabis, les études précliniques sur les animaux indiquent que l'exposition des adolescents aux cannabinoïdes peut catalyser des processus moléculaires conduisant à des déficits fonctionnels à l'âge adulte - des déficits qui ne sont pas trouvés après l'exposition des adultes au cannabis. Les auteurs notent que des conclusions définitives ne peuvent pas encore être tirées pour savoir si la consommation de cannabis, à elle seule, a des impacts négatifs sur le cerveau des adolescents, et des recherches futures peuvent aider à élucider cette relation en intégrant des évaluations de résultats moléculaires, structurels et comportementauxReference 549. Des facteurs qui peuvent influencer la persistance de déficiences cognitives peuvent être notamment l'âge au début de la consommation, la fréquence et la durée de la consommation, les comorbidités et la consommation d'autres drogues (tabac, alcool et autres drogues psychotropes).
Bien que les effets indésirables associés à l'usage du cannabis riche en THC chez les jeunes aient été bien documentés, on a beaucoup moins d'information concernant les effets indésirables liés à l'usage du cannabis riche en CBD. Cependant, comme cela a déjà été mentionné, le SEC joue un rôle important dans le développement du système nerveux in utero, ainsi que pendant l'adolescence (se reporter à la Section 7.4) et l'exposition à des cannabinoïdes exogènes, notamment à des doses plus élevées, tous les jours, et durant une période prolongée, peut modifier l'évolution du neurodéveloppement (veuillez consulter la Section 1.0 pour plus de renseignements concernant le rôle du SEC dans le développement du système nerveux).
Personnes âgées
Les données suggèrent que comme dans le cas des changements observés avec le SEC lors du développement et de l'adolescence, il existe des changements dans le SEC liés au vieillissement. Chez les rongeurs, il existe une forte baisse des taux d'acide ribonucléique messager (ARNm) du récepteur CB1 et/ou une liaison spécifique des agonistes du récepteur CB1 dans le cervelet, le cortex, l'hippocampe et l'hypothalamus d'animaux plus âgésReference 550. En outre, le couplage des récepteurs CB1 aux protéines G est également diminué dans des régions particulières du cerveau chez les animaux plus âgésReference 550. Les changements liés à l'âge en matière d'expression des composantes du SEC semblent être similaires chez les rongeurs et les humainsReference 550. La perturbation des récepteurs CB semble favoriser la détérioration liée à l'âge de plusieurs tissus, ce qui laisse supposer que le SEC joue un rôle important dans le contrôle du processus de vieillissementReference 550.
En général, les personnes âgées semblent être plus sensibles aux effets des médicaments agissant sur le SNCReference 551. Plusieurs facteurs physiologiques peuvent être à l'origine de cette sensibilité accrue, notamment: 1) changements liés à l'âge du volume du cerveau et du nombre de neurones, ainsi que des modifications de la sensibilité des neurotransmetteurs qui peuvent ensemble augmenter les effets pharmacologiques d'un médicament; 2) changements liés à l'âge des niveaux pré- et post-synaptiques de certains récepteurs des neurotransmetteurs; 3) changements liés à l'âge de la sensibilité des récepteurs aux neurotransmetteurs; et 4) changements du devenir d'un médicament chez les personnes âgées généralement associés à de plus fortes concentrations de drogues psychotropes dans le SNC. On dispose de très peu d'information sur les effets du cannabis et des cannabinoïdes dans les populations gériatriques et, d'après les niveaux de preuve actuels, aucunes conclusions définitives ne peuvent être tirées en ce qui concerne l'innocuité ou l'efficacité de médicaments à base de cannabinoïdes chez les personnes âgées (mais voir ci-dessous pour découvrir l'une des quelques études cliniques sur l'innocuité effectuée plus particulièrement dans les populations gériatriques)Reference 418Reference 551Reference 552. De plus, les cannabinoïdes étant lipophiles, ils peuvent avoir tendance à s'accumuler davantage chez les personnes âgées, celles-ci étant plus susceptibles de connaître une augmentation des tissus adipeux, une diminution de la masse maigre et du volume total de l'eau dans le corps ainsi qu'une augmentation du volume de distribution des médicaments lipophiles.Reference 551. Enfin, les changements liés à l'âge de la fonction hépatique, comme une diminution du débit sanguin hépatique et un ralentissement du métabolisme hépatique, peuvent ralentir l'élimination de médicaments lipophiles et augmenter la probabilité des effets indésirablesReference 551.
Études cliniques
Une étude à repartition aléatoire, croisée, à double insu et contrôlée par placebo évaluant la pharmacocinétique du THC dans 10 patients plus âgés atteints de démence (âge moyen de 77 ans), au cours d'une période de 12 semaines, a signalé que le temps médian nécessaire pour atteindre la concentration maximale dans le sang (Tmax) se trouvait entre une et deux heures et que la pharmacocinétique du THC augmentait de façon linéaire avec les doses, mais avec de grandes variations entre les personnesReference 418. Les patients ont reçu une dose de 0,75 mg de THC deux fois par jour au cours des six premières semaines et une dose de 1,5 mg de THC deux fois par jour au cours de la seconde période de six semaines. La Cmax moyenne après la première dose de 0,75 mg de THC était de 0,41 ng/mL et la Cmax après la première dose de 1,5 mg de THC était de 1,01 ng/mL. Les Cmax après l'administration de la seconde dose de 0,75 mg et de 1,5 mg de THC étaient de 0,50 et de 0,98 ng/mL, respectivement.
Pour l'instant, seule une étude clinique examinant plus précisément l'innocuité du THC chez les personnes âgées a été menée. Cette étude de phase I, à répartition aléatoire, à double insu, à double feinte, contrôlée par placebo, croisée de trois doses uniques administrées par voie orale de NamisolMD (nouvelle forme de comprimés contenant 3 mg, 5 mg ou 6,5 mg de THC)Reference 175 révèle que, dans l'ensemble, les effets pharmacodynamiques du THC chez les personnes plus âgées en bonne santé étaient plus faibles que les effets signalés précédemment chez les jeunes adultes. De plus, le THC, aux doses d'essai, a semblé être bien toléré par les personnes plus âgées en bonne santéReference 175. Dans cette étude, 12 adultes âgés de 65 ans ou plus en bonne santé ont été inclus. Les critères d'exclusion comprenaient le risque élevé de chute, la consommation régulière de cannabis, des antécédents de sensibilité au cannabis, l'abus de drogues et d'alcool, la fonction cardiopulmonaire compromise et les comorbidités psychiatriques. Les problèmes de santé les plus souvent signalés étaient l'hypertension et l'hypercholestérolémie et les sujets ont déclaré prendre une moyenne de deux médicaments (p. ex. hypolipidémiants, aspirine et bêta-bloquants). Les effets indésirables les plus souvent signalés incluaient la somnolence (27 %), l'assèchement de la bouche (11 %), les troubles de la coordination (9 %), les céphalées (9 %), les difficultés de concentration (7 %), la vision trouble (5 %), un état de relaxation ou d'euphorie et les étourdissements (5 % chacun); la nausée, la sécheresse oculaire, les malaises et les hallucinations visuelles ont tous été signalés à une fréquence de 2 %Reference 175 dans cet essai. Les premiers événements indésirables sont apparus 20 minutes après l'administration, tous les événements indésirables survenant 55 à 120 minutes après l'administration et disparaissant complètement 3,5 heures après l'administration. Il semble qu'une augmentation liée à la dose du nombre de personnes signalant une augmentation du nombre d'événements indésirables avec une augmentation de la dose de NamisolMD ait été observée. Aucun événement indésirable modéré ou grave n'a été signalé dans cet essai. Bien que cet essai clinique ajoute des renseignements importants concernant l'innocuité et la tolérabilité du THC chez les personnes âgées en bonne santé, des essais supplémentaires sont nécessaires pour évaluer l'innocuité et la tolérabilité du cannabis et des cannabinoïdes chez les personnes âgées présentant diverses comorbidités.
Effets selon le sexe
Chez les humains, des différences d'effets selon le sexe ont fréquemment été observées dans les effets biologiques et comportementaux de l'abus de substances, y compris du cannabisReference 553. Chez les animaux mâles, des densités plus élevées de récepteurs CB1 ont été observées dans presque toutes les régions cérébrales analysées, tandis que chez les femelles, on a observé un couplage plus efficace des récepteurs CB1 à la signalisation de protéines G en avalReference 554. Chez les humains, des différences de la densité des récepteurs CB1 entre les sexes ont aussi été observées : on a observé des densités plus élevées chez les hommes que chez les femmesReference 555. Des différences selon le sexe ont aussi été observées en ce qui concerne le métabolisme des cannabinoïdes. Des études précliniques auprès des femelles signalent une augmentation du métabolisme de THC au 11-hydroxy THC comparativement aux mâles, chez qui le THC est aussi biotransformé en au moins trois métabolites moins actifs différentsReference 556. Il existe aussi des données suggérant que les effets des cannabinoïdes varient en fonction de fluctuations dans les hormones liées à la reproductionReference 511Reference 557. Ensemble, ces trouvailles suggèrent que les mécanismes neurobiologiques sous-jacents aux effets selon le sexe des cannabinoïdes pourraient provenir du dimorphisme sexuel du SEC et du métabolisme du THC, mais aussi des effets des fluctuations du niveau d'hormones dans le SECReference 511Reference 557.
Il existe aussi des données suggérant qu'il existe des différences selon le sexe des effets subjectifs, du développement de la dépendance, des symptômes de sevrage, de la rechute et de l'incidence de troubles d'humeur. Les données combinées de quatre études intra-sujet à double insu mesurant les effets du cannabis « actif » fumé (contenant 3,27 à 5,50 % de THC) comparativement aux effets du cannabis « inactif » fumé (contenant 0,0 % de THC) ont démontré que, lorsque la consommation de cannabis était équivalente (presque quotidienne), les femmes signalaient des cotes plus élevées d'effets liés à l'abus de substance comparativement aux hommes, lorsqu'exposés au cannabis « actif » tout en signalant des cotes de niveau d'ivresse semblableReference 511. Ces observations suggèrent que, au moins dans le cas de consommateurs presque quotidiens de cannabis, il se peut que les femmes soient plus sensibles aux effets subjectifs du cannabis, en particulier aux effets associés à la susceptibilité d'abus de cannabis comparativement aux hommes. Une autre étude démontrait les différences selon la dose et le sexe des réponses subjectives au THC administré par prise oraleReference 558. Dans le cadre de cette étude, des effets subjectifs plus élevés ont été observés pour les femmes à la dose plus faible (5 mg), tandis que des réponses subjectives plus élevées ont été observées chez les hommes pour la dose la plus élevée (15 mg). Ensemble, ces études suggèrent que bien que les femmes soient plus sensibles aux effets subjectifs du THC aux doses plus faibles, elles peuvent développer une tolérance à ces effets aux doses plus élevées qui pourraient, par exemple, avoir des répercussions sur le développement de la dépendance. Par exemple, bien que la consommation de cannabis soit plus prévalente chez les hommes et que les hommes semblent être plus probables que les femmes de devenir dépendants au cannabis, les femmes ont tendance à démontrer des intervalles plus courts entre leur première consommation et la consommation régulière ou le développement de la dépendance (connu communément sous le nom « d'effet de télescopage »)Reference 559. De plus, les femmes s'abstenant de la consommation de cannabis ont signalé plus de symptômes de sevrage dont certains étaient plus graves que ceux observés chez les hommes et qui ont été associés à la rechuteReference 560Reference 561. Les femmes atteintes de TUC présentent aussi de plus grandes fréquences de certains problèmes de santé concomitants, comme les troubles d'humeur et d'anxiétéReference 165Reference 562Reference 563.
3.0 Posologie
Le Collège des médecins de famille du Canada, de concert avec d'autres organismes de réglementation médicale provinciaux, a publié un document d'orientation (en 2018) visant l'utilisation autorisée du cannabis à des fins médicales. Veuillez consulter ces documents et tout autre document d'orientation officiel, le cas échéant, afin d'obtenir des renseignements complémentaires concernant la posologie et autres questions liées à l'utilisation autorisée du cannabis à des fins médicales.
Le cannabis compte bon nombre de variables qui sont incompatibles avec le modèle standard de la prescription de médicamentsReference 402. La pharmacologie complexe des cannabinoïdes, des différences (génétiques) entre individus au niveau de la structure du récepteur cannabinoïde et de son fonctionnement, des différences (génétiques) entre individus quant au métabolisme des cannabinoïdes ayant une incidence sur la biodisponibilité, l'exposition antérieure au cannabis et aux cannabinoïdes et l'expérience avec ceux-ci, la tolérance pharmacologique aux cannabinoïdes, les modifications de la distribution et de la densité des récepteurs cannabinoïdes et/ou de leurs fonctionnements suite à un trouble médical, la teneur variable de la matière végétale du cannabis et de quantités et de ratios variées de différents cannabinoïdes et les différents schémas posologiques et voies d'administration qui ont servi à différentes études de recherche, sont autant de facteurs qui contribuent à la difficulté de l'établissement des schémas posologiques uniformes du cannabis (et/ou des cannabinoïdes)Reference 402Reference 480.
Bien que des posologies précises ne soient pas établies, certaines lignes directrices « brutes » relatives à la posologie du cannabis fumé ou vaporisé ont été publiées (voir ci-dessous). Outre sa consommation par la fumée ou la vaporisation, le cannabis est reconnu pour être consommé en produits cuisinés tels que des biscuits ou des brownies ou bu en thés ou en infusions. Toutefois, l'absorption par voie orale de ces produits est lente et erratique, varie selon la matrice ingérée (p. ex. la teneur en matières grasses), le déclenchement de ses effets retardé, et les effets durent plus longtemps par rapport à la fumée (voir Section 2.2); de plus les posologies de produits administrés par voie orale sont encore moins bien établies, contrairement à la fumée et à la vaporisation; toutefois, des données provisoires ont vu le jour concernant la posologie des huiles de cannabisReference 130Reference 415Reference 419Reference 564Reference 565. D'autres formes de préparation rapportées dans la littérature profane comprennent les beurres, les sucreries, les comestibles, les huiles, les compresses, les crèmes, les onguents et les teintures à base de cannabisReference 80Reference 566-Reference 569, mais encore une fois, elle ne contient qu'une quantité limité d'information sur les posologies avec la plupart des renseignements étant de nature anecdotique.
La posologie demeure hautement individualisée et repose très largement sur le titrageReference 402. Les patients sans expérience antérieure avec le cannabis qui amorcent une thérapie à base du cannabis pour la première fois sont mis en garde de débuter par la plus petite dose et de cesser la thérapie si des effets indésirables ou inacceptables se produisent. La consommation du cannabis fumé ou inhalé ou par voie orale doit se faire lentement, en respectant une pause d'au moins 10 à 20 minutes entre chaque bouffée ou inhalation et, en ce qui concerne les produits à base de cannabis consommés par voie orale (p. ex. biscuits et produits de boulangerie), en attendant au moins 30 minutes, mais préférablement trois heures, entre chaque bouchée afin d'en jauger la puissance des effets et d'éviter d'éventuelles surdoses. L'augmentation subséquente de la dose devrait être faite lentement, une fois que l'expérience avec les effets subjectifs soit pleinement appréciée, jusqu'à l'effet ou la tolérabilité. Si des effets indésirables intolérables apparaissent sans preuve de bénéfice significatif, la dose devrait être diminuée et arrêtée. Les lignes directrices portant sur la réduction de la dose n'ont pas été publiées, mais l'existence d'un syndrome de sevrage (voir Section 2.4) suggère que la réduction de la dose devrait se faire lentement (c'est-à-dire sur plusieurs jours ou semaines).
Dose thérapeutique minimale et marges posologiques
Les études cliniques sur le cannabis et les produits à base de cannabis à des fins thérapeutiques se limitent aux études effectuées avec du cannabis séché qui a été fumé ou vaporisé et avec des produits à base de cannabis synthétisé ou naturel qui ont reçu une autorisation de mise en marché (c.-à-d. le dronabinol, le nabilone et le nabiximols). À l'exception possible d'essais menés avec l'EpidiolexMD (huile enrichie de CBD) pour l'epilepsie et un essai clinique pilote ouvert sur l'huile de THC orale pour les symptômes associés à l'état de stress post-traumatique (ESPT)Reference 565, il n'existe aucune autre étude clinique sur la marijuana fraîche ni les huiles de cannabis utilisées à des fins thérapeutiques. Il est donc impossible d'établir des lignes directrices précises en matière de posologie pour ces produits; il existe toutefois certaines sources d'information qui peuvent être consultées comme point de référence (voir ci-après).
Cannabinoïdes sur ordonnance
Des renseignements obtenus sur la monographie de MarinolMD (dronabinol; n'est plus disponible au Canada) indiquent qu'une dose quotidienne par voie orale aussi faible que 2,5 mg de Δ9-THC est associée à un effet thérapeutique (p. ex. traitement de l'anorexie/cachexie liées au VIH/SIDA). Naturellement, la posologie varie en fonction du trouble sous-jacent et des nombreuses autres variables mentionnées ci-dessus. Les marges posologiques du MarinolMD (dronabinol) varient de 2,5 mg à 40 mg de Δ9-THC par jour (dose maximale quotidienne tolérée chez l'humain = 210 mg de Δ9-THC par jour)Reference 222. La dose quotidienne moyenne de dronabinol est 20 mg et la dose quotidienne recommandée maximale est 40 mgReference 222. Des doses inférieures à 1 mg de THC par séance d'administration de doses pourraient réduire encore plus l'incidence et les risques d'effets indésirables. Les marges posologiques du CesametMD (nabilone) varient de 0,2 mg à 6 mg par jourReference 488Reference 570. Les marges posologiques du SativexMD (nabiximols) varient d'une vaporisation (2,7 mg de Δ9-THC et 2,5 mg de CBD) à 16 vaporisations (43,2 mg de Δ9-THC et 40 mg de CBD) par jourReference 280Reference 427. Des renseignements préliminaires provenant d'études cliniques effectuées avec de l'EpidiolexMD, un extrait de cannabis à base d'huile contenant 98 % de CBD, semblent indiquer une marge posologique quotidienne comprise entre 5 et 20 mg/kg par jourReference 259. Pour obtenir des renseignements complémentaires sur la posologie, veuillez consulter le Règlement sur l'accès au cannabis à des fins médicales - Fiche d'information sur les doses journalières (dose)
Données d'enquêtes et cliniques
Diverses études publiées dans des ouvrages revus par un comité de lecture indiquent que la majorité des personnes qui fument ou ingèrent par voie orale du cannabis à des fins médicales déclarent utiliser entre 10 et 20 g de cannabis par semaine, soit environ 1 à 3 g de cannabis par jourReference 220Reference 402Reference 571.
Une étude transversale internationale réalisée en ligne examinant l'expérience des patients par rapport à différentes méthodes de prise de cannabis signale que la grande majorité des 953 participants volontaires provenant de 31 pays préfère l'inhalation à d'autres moyens d'administration (p. ex. thés, aliments, médicaments cannabinoïdes d'ordonnance) pour traiter des symptômes tels que les douleurs chroniques, l'anxiété, la perte d'appétit, la dépression et l'insomnie ou le trouble du sommeil. Les doses journalières moyennes avec le cannabis fumé ou vaporisé étaient de 3 g (la dose médiane du cannabis fumé était de 2 g par jour; celle du cannabis vaporisé était de 1,5 g par jour)Reference 572. Dans le cas des aliments et des teintures, la dose journalière moyenne était de 3,4 g (la dose médiane était de 1,5 g par jour). Pour ce qui est des thés, la dose journalière médiane était de 2,4 g (dose médiane de 1,5 g). Les renseignements concernant les concentrations de cannabinoïdes des produits à base de cannabis (c.-à-d. concentrations de THC/CBD) n'étaient pas disponibles. La fréquence quotidienne d'utilisation pour la fumée était de six fois par jour, tandis qu'elle était de cinq fois par jour pour la vaporisation. Des thés et des aliments ou des teintures étaient utilisés en moyenne deux fois par jour. La première apparition des effets a été observée en moyenne près de 7 minutes après le début de la consommation du cannabis fumé, 6,5 minutes après le début de la vaporisation, 29 minutes après l'ingestion de thé et 46 minutes après l'ingestion d'aliments ou de teintures. D'autres données semblent indiquer que les patients qui utilisent du cannabis à des fins médicales consomment jusqu'à un gramme par jour. Par exemple, les données provenant des Pays-Bas indiquent que la dose quotidienne moyenne de cannabis séché à des fins médicales est de 0,68 g par jour (marge de 0,65 à 0,82 g par jour). L'information obtenue du programme d'accès au cannabis à des fins médicales en Israël en 2016 indique que la dose quotidienne moyenne utilisée par les patients de ce programme était un peu moins de 1,5 g (communication personnelle de Santé Canada). Les données sur le marché canadien recueillies auprès des producteurs autorisés en vertu du Règlement sur l'accès au cannabis à des fins médicales (RACFM) ont montré qu'entre avril 2017 et mars 2018, les professionnels de la santé avaient autorisé leurs clients à utiliser, mensuellement, une moyenne de 2,1-2,5 g / jour de cannabis séché. Toutefois, puisque ces données sont recueillies par producteur autorisé, elles n'incluent pas les cas où les clients ont scindé leur autorisation en deux autorisations ou plus afin de s'enregistrer auprès de plus d'un producteur autorisé à la fois ou les enregistrements personnels de production auprès de Santé CanadaReference 573. Il n'y a pas de données spécifiques sur la quantité moyenne d'huile autorisée par les professionnels de la santé puisque les quantités autorisées sont toujours en g / jour. Pour remplir les commandes d'huiles, les producteurs autorisés égalisent l'huile au cannabis séché en se basant sur la formulation des produits d'huile. En moyenne, les producteurs autorisés égalisent 1 g de cannabis séché à 6,6 g d'huile. En utilisant ce facteur de conversion moyen, les professionnels de la santé ont autorisé une moyenne équivalente de 13,9-16,5 g / jour d'huile.
Les cotes de satisfaction de critères tels que l'apparition d'effets et la facilité d'établissement de la posologie étaient supérieures en ce qui a trait à la fumée et à la vaporisation (c.-à-d. fumée ou vaporisation privilégiées) par rapport à celles d'autres moyens d'administrationReference 572. Cependant, les médicaments cannabinoïdes d'ordonnance (p. ex. dronabinol, nabilone, nabiximols) ont présenté des résultats semblables à ceux obtenus avec des aliments ou teintures et des thés en ce qui concerne les cotes de satisfaction liées à la dose journalière nécessaire et à la facilité d'établissement de la posologie. Les cotes de satisfaction en matière d'effets secondaires ont été plus élevées pour les produits à base de cannabis sans ordonnance non-réglementé, la voie d'administration par inhalation ayant obtenu la meilleure cote, bien que l'enquête n'ait pas posé de questions précises sur les types d'effets secondaires. Les cotes de satisfaction relatives à des critères tels que la durée des effets n'étaient que légèrement plus élevées pour les produits à base de cannabis ingérés par voie orale. Les cotes de satisfaction en matière de coûts étaient légèrement supérieures pour la fumée ou la vaporisation, les thés et les aliments ou teintures, comparativement aux médicaments cannabinoïdes d'ordonnance. Les cotes de satisfaction en matière de facilité de préparation et d'ingestion ont été les plus faibles en ce qui a trait aux thés et aux aliments ou teintures. La plupart des participants ont indiqué avoir utilisé des produits à base de cannabis avant l'apparition de leurs troubles médicaux.
Une étude prospective longitudinale à volet ouvert de patients atteints de douleur chronique résistante aux traitements a observé que les patients titrent leurs doses de cannabis en commençant avec une bouffée ou une goutte d'huile de cannabis par jour et augmentent d'une bouffée ou d'une goutte d'huile de cannabis par dose trois fois par jour jusqu'à ce qu'ils obtiennent un soulagement satisfaisant de la douleur ou que des effets secondaires apparaissentReference 574. Les concentrations de THC dans les produits fumés s'étendaient entre 6 et 14 % et entre 11 et 19 % dans les formules administrées sous forme d'huile par voie orale et les concentrations de CBD dans les produits fumés se trouvaient entre 0,2 et 3,8 % et entre 0,5 et 5,5 % dans les formules d'huiles administrées par voie orale. La quantité mensuelle moyenne de cannabis prescrite était de 43 g ou 1,4 g/jour.
Les données provenant d'études cliniques aléatoires à double insu et contrôlées par placebo sur le cannabis fumé ou vaporisé utilisaient une dose de jusqu'à 3,2 g de cannabis séché de puissances variées (marge de 1 à 23 % de THC; voir le Tableau 5).
Les données provenant d'un essai clinique pilote effectué avec l'inhalateur SyqeMC révèlent qu'une dose inhalée (vaporisé) de 3 mg de THC (produite par une dose aussi faible que 15 mg de matière végétale du cannabis séché à une concentration de 20 % de THC; dose réelle absorbée est de 1,5 mg) était associée à une efficacité analgésique produisant des effets indésirables minimesReference 58. En comparaison des quantités de cannabis exprimées en grammes et utilisées avec la fumée, la vaporisation et l'administration par voie orale, les doses moyennes quotidiennes de cannabinoïdes sur ordonnance étaient de 30 mg pour le dronabinol, de 4,4 mg pour le nabilone, de 46 mg pour le nabiximols et de 43 mg pour le THC et le CBD (c.-à-d. 17 vaporisations).
Les données dans leur ensemble tirées d'enquêtes menées chez des patients et d'études cliniques indiquent que la plupart des patients consomment jusqu'à 3 g de cannabis séché par jour pour des raisons médicales, bien qu'une quantité nettement inférieure (< 1 g par jour) se traduise par une efficacité manifeste et une diminution de l'incidence des effets secondaires.
Posologie et seuil des effets psychotropes
En ce qui concerne la relation entre la posologie et les effets psychotropes, il a été établi qu'une dose inhalée de 0,045 à 0,1 mg/kg de THC (c.-à-d. une dose inhalée individuelle de 3 à 6 mg de THC) suffirait pour atteindre le seuil des effets psychotropes, et une dose inhalée de 0,15 à 0,3 mg/kg de THC (c.-à-d. un dose inhalée individuelle de 10 et 20 mg de THC) étant suffisante pour produire une intoxication importanteReference 412Reference 575. En outre, on a estimé qu'entre une et trois bouffées de cannabis très puissant suffiraient pour produire des effets psychoactifs importantsReference 491. Une étude a montré que, bien que les fumeurs de cannabis dosent leur apport en THC en inhalant des volumes plus faibles de fumée lorsqu'ils fument des joints « puissants » (c.-à-d. de type « skunk », > 15 % THC), cela ne permet pas de compenser complètement pour les doses plus élevées de THC par joint lorsque du cannabis « puissant » est utilisé. Par conséquent, les utilisateurs de cannabis plus puissant sont exposés à de plus grandes quantités de THCReference 576. En ce qui concerne l'administration par voie orale, une dose de 0,15 à 0,3 mg/kg de THC (c.-à-d. une dose orale individuelle de 10 à 20 mg de THC) suffirait pour atteindre le seuil des effets psychotropes et une dose de 0,45 à 0,6 mg/kg de THC (c.-à-d. une dose orale individuelle de 30 et 40 mg de THC) suffirait pour produire une intoxicationReference 412Reference 575Reference 577.
Surveillance
Le Collège des médecins de famille du Canada a publié un document d'orientation décrivant une stratégie et une approche de surveillance des patients à l'intention des médecins qui envisagent d'autoriser l'utilisation de la marijuana à des fins médicalesReference 578. D'autres organismes provinciaux pourraient aussi fournir de l'orientation sur la surveillanceReference 271.
Beaulieu et coll. ont élaboré des recommandations pour les médecins concernant l'évaluation et la gestion de patients pouvant être des candidats pour le cannabis ou les cannabinoïdesReference 271. Les recommandations sont les suivantes :
Tableau 2. Recommendations pour l'évaluation et la gestion des patients
- Examiner les antécédents médicaux et effectuer un examen physique.
- Évaluer les symptômes à traiter, identifier tous les diagnostics actifs et assurez que les patients sont gérés de façon optimale.
- Évaluer les éléments contribuant à l'état psychologique et les risques de dépendance ou d'abus de substance.
- Documenter tous les antécédents de consommation ou la consommation actuelle de drogues illicites ou de médicaments en vente libre, y compris le cannabis et les cannabinoïdes synthétiques.
- Déterminer les effets de la consommation précédente de cannabinoïdes à des fins médicales.
- Considérer une analyse des urines pour évaluer la consommation actuelle de substances médicamenteuses sur ordonnance et en vente libre.
- Fixer des objectifs de traitements utilisant le cannabis, comme : la réduction de la douleur, l'augmentation des capacités fonctionnelles, l'amélioration de la qualité du sommeil, augmentation de la qualité de vie, diminution de l'utilisation d'autres médicaments.
- Élaborer un plan de traitement incorporant ces objectifs.
- Discuter des effets secondaires probables et possibles associés à la consommation de cannabis ou de cannabinoïdes.
- Discuter des risques de dépendance.
- Élaborer un échéancier de suivi afin de pouvoir surveiller le patient.
- Déterminer si les objectifs de traitement sont atteints et si la réponse est appropriée.
- Surveiller pour le mauvais usage ou l'abus des substances (être conscient des caractéristiques cliniques de la dépendance au cannabis).
- Élaborer une stratégie de traitement, surtout pour les patients à risque.
- Maintenir une relation permanente avec le patient.
3.1 Fumée
Selon l'Organisation mondiale de la Santé (OMS)Reference 579, un joint type contient entre 500 mg et 1,0 g de matière végétale de cannabis (poids moyen de 750 mg) dont la teneur en Δ9-THC peut varier entre 7,5 et 225 mg (c.-à-d. généralement entre 1 et 30 %; voir Tableau 3) et dont la teneur en CBD peut varier entre 0 et 180 mg (c.-à-d. entre 0 et 24 %). La majorité des essais cliniques avec le cannabis fumé à des fins médicales ont utilisé des joints de cannabis séché pesant entre 800 et 900 mg. Des estimations plus récentes suggèrent que le poids moyen du cannabis dans un joint est de 320 mgReference 580. On a estimé que la quantité de matière végétale de cannabis exprimée en gramme et brûlée sous la forme d'une bouffée « type » variait de 25 à 50 mg par bouffée, bien que des quantités aussi élevées que 160 mg par bouffée aient été observéesReference 59Reference 139Reference 400Reference 575Reference 581.
La quantité réelle de Δ9-THC présente dans la fumée varie grandement et on l'estime entre 20 et 70 %, le reste étant perdu dans la combustion ou la fumée secondaireReference 402. De plus, la biodisponibilité du Δ9-THC (la fraction du Δ9-THC dans la cigarette qui atteint le courant sanguin) par la voie fumée est très variable (de 2 à 56 %) et est influencée par la topographie de la fumée (c.-à-d. le nombre, la durée et l'espacement entre les bouffées ainsi que le temps de rétention et le volume inhalé)Reference 401. En outre, l'attente d'une récompense par la drogue peut aussi influencer les dynamiques de consommationReference 582. Ainsi, la dose réelle de Δ9-THC absorbée lorsque fumée n'est pas facilement quantifiable, mais elle a été estimée à environ 25 % de la teneur totale disponible en Δ9-THC dans une cigaretteReference 137Reference 402Reference 583.
Relation entre une dose fumée/vaporisée et une dose consommée par voie orale
Peu d'information fiable existe concernant la conversion d'une « dose fumée » du THC en une dose consommée par voie orale équivalente. Cependant, d'après uniquement les mesures de la biodisponibilité, la multiplication de la « dose fumée » du Δ9-THC par un facteur de conversion de 2,5 (afin de corriger les différences entre la biodisponibilité du Δ9-THC au moyen de la voie fumée [~ 25 %] par rapport à la voie orale [~ 10 %], ~ 3 fois plus lorsqu'inhalée par rapport à la voie orale) peut produire une dose orale approximativement équivalente du Δ9-THCReference 137Reference 575Reference 583. Cependant, il est important de souligner que ces études n'ont pas mesuré avec précision la dose fumée exacte de Δ9-THC qui a été administrée et qu'en tant que telle, elle demeure une approximation très grossière. Il est important aussi de souligner que ce « facteur de conversion » semble concerner surtout les effets psychoactifs (p. ex. euphorie, sensation de bien-être, sensation d'un effet plaisant de la drogue, sensation d'être sous sédation, sensation d'être stimulé, échelle du Addiction Research Center Inventory concernant la marijuana), la performance psychomotrice et la prise d'aliments, et est basé sur un nombre très limité d'études pharmacologiques comparativesReference 130Reference 583Reference 584. D'autres études pharmacologiques comparatives rigoureuses sont nécessaires. De plus, aucune étude comparative n'a été faite avec le vapotage. De plus, ce facteur de conversion théorique peut s'appliquer ou non aux effets thérapeutiques. En effet, il est important de souligner que deux études ont indiqué que les personnes qui utilisent du cannabis à des fins thérapeutiques déclarent qu'elles consommaient à peu près les mêmes quantités de cannabis exprimées en gramme, quelle que soit la voieReference 211Reference 572.
Concentrations plasmatiques de Δ9-THC après la fumée/vaporisation et efficacité thérapeutique
Il existe un nombre restreint d'études portant sur l'efficacité et la quantité de cannabis fumé ou vaporisé et la concentration plasmatique de Δ9-THC nécessaire pour obtenir un effet thérapeutique (voir le Tableau 5 qui présente un bref aperçu ainsi que le contenu de ce document pour obtenir des renseignements plus détaillés).
Une étude canadienne d'établissement de la posologie révèle qu'une seule inhalation d'une dose de 25 mg de cannabis fumé (teneur en Δ9-THC de 9,4 %; dose totale disponible de Δ9-THC = 2,35 mg) produit une concentration plasmatique moyenne du Δ9-THC de 45 ng/mL dans les deux minutes suivant le début de la consommationReference 59. L'étude signale une amélioration du sommeil et un soulagement chez les patients souffrant de douleur neuropathique chronique avec effets psychoactifs minimes/douxReference 59.
Une étude clinique ouverte, à dose unique et menée chez des patients souffrant de douleur neuropathique et consommant de très faibles doses de THC inhalées révèle un soulagement statistiquement significatif de la douleur neuropathique et des effets indésirables minimesReference 58. Dans cette étude clinique, 10 patients souffrant d'un quelconque type de douleur neuropathique ont reçu une dose vaporisée de 3 mg de THC (disponible dans l'appareil; ~ 1,5 mg de THC effectivement absorbé) découlant de la vaporisation de 15 mg de cannabis séché contenant 20 % de THC. L'administration de THC a été associée à une réduction statistiquement significative de l'intensité de la douleur selon l'EVA de référence de 3,4 points (c.-à-d. une diminution de 45 % de la douleur) dans les 20 minutes suivant l'inhalation. L'intensité est revenue au niveau de référence dans les 90 minutes suivantes. Du THC a été décelé dans le sang dans la première minute suivant l'inhalation et elle a atteint un niveau maximal dans les trois minutes suivantes, à une concentration moyenne de 38 ng/mL avec des effets psychoactifs minimes/doux.
Un essai clinique contrôlé randomisé de cannabis vaporisé pour soulager la douleur et la spasticité associée à un traumatisme médullaire (TM) et/ou la maladie de la moelle épinière a rapporté que des concentrations plasmatiques médianes de THC de 23 ng/mL (suite à la vaporisation de 46 mg de cannabis à faible teneur en THC (2,9 %); une inhalation estimée de 1,3 mg de THC) et 47 ng/mL (suite à la vaporisation de 56 mg de cannabis à plus forte teneur en THC (6,7 %); une inhalation estimée de 3,8 mg de THC) ont été associées à une réponse analgésique et anti-spastiqueReference 272. Plusieurs des effets psychoactifs ont montré une dépendence liée à la dose, avec la faible dose (2,9 %) associée à une moindre intensité des effets psychoactifs.
Les études ci-mentionées suggèrent que, du moins dans le cas de la douleur neuropathique chronique, les effets psychoactifs peuvent être séparés des effets thérapeutiques et que des doses très faibles de THC peuvent être suffisantes pour produire une analgésie tout en maintenant les effets psychoactifs à un niveau minimal.
Un examen des essais cliniques américains sur l'utilisation du cannabis fumé dans le traitement des nausées et des vomissements induits par la chimiothérapie (NVIC) a révélé que des concentrations plasmatiques de THC > 10 ng/mL étaient associées à la plus forte suppression des nausées et des vomissements, mais que des niveau plasmatiques entre 5 et 10 ng/mL étaient également efficacesReference 293.
% de THC | mg de THC par 750 mg de matière végétale séchée* (« joint moyen ») |
---|---|
1 | 7,5 |
2.5 | 18,75 |
5 | 37,5 |
10† | 75† |
15 | 112,5 |
20 | 150 |
30 | 225 |
Notes de bas de page du Tableau 3
|
Cannabinoïdes (Nom générique) | Marque nominative/Nom enregistré | Principaux constituants/ Source | Statut officiel au Canada | Indications approuvées | Commencement (C)/ Effet maximal (E)/ Durée de l'action (D) | Voie d'administration | Couvert par la province ou le territoire | |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Cannabinoïdes Rx | DronabinolTableau 4 note de bas de page † | MarinolMDTableau 4 note de bas de page †Reference 222 | Δ9-THC synthétique | Approuvé (mais n'est plus disponible au Canada - consultez la remarque)Tableau 4 note de bas de page † | Anorexie associée à la perte de poids liée au SIDA;
Nausée et vomissements graves consécutifs à la chimiothérapie anticancéreuse |
C : 30 à 60 mins
E : 2 à 4 h D : - Effect psychoactif : 4 à 6 h - Effet stimulant de l'appétit : jusqu'à 24h ou plus |
Voie orale | Man.Tableau 4 note de bas de page †;
N.-B.Tableau 4 note de bas de page †; N.-ÉTableau 4 note de bas de page †; Ont.Tableau 4 note de bas de page †; Î.-P.-É.Tableau 4 note de bas de page †; QcTableau 4 note de bas de page †; YnTableau 4 note de bas de page † |
Nabilone | CesametMDReference 488
RAN-Nabilone TEVA-Nabilone CO-Nabilone ACT-Nabilone |
Analogue synthétique du Δ9-THC | Commercialisé | Nausée et vomissements graves consécutifs à la chimiothérapie anticancéreuse | C : 60 à 90 mins
E : 3 à 4 h D : 8 à 12 h |
Voie orale | Alb.; C.-B.; Man.; N.-B.;
T.-N.; N.-É.; Nt; T.N.-O.; Ont.; Î.-P.-É.; Qc; Sask.; Yn |
|
Nabiximols
(THC+CBD et d'autres cannabinoïde, terpénoïdes et flavonoïdes mineurs) |
SativexMD Reference 427 | Extraits botaniques des souches établies et bien caractérisées de C. sativa | CommercialiséTableau 4 note de bas de page * | Tableau 4 note de bas de page * | C : 5 à 30 mins
E : 1,5 à 4 h D : 12- 24 h |
Vaporisateur oromucosal | N.-É. | |
Cannabidiol (CBD) | EpidiolexMD | Extraits botaniques des souches établies et bien caractérisées de C. sativa | En cours d'étude dans des essais cliniques.
Pas un produit approuvé (en Mars 2018). |
S.O. | S.O. | Voie orale | S.O. | |
Produit végétal | Cannabis (fumé ou vaporisé) | S.O. | C. sativa (divers) | Pas un produit approuvé | S.O. | C : 5 mins
E : 20 à 30 mins D : 2 à 3 hReference 491Reference 585 |
Fumée ou inhalation | S.O. |
Cannabis (huile pour administration sublinguale) | S.O. | C.sativa (divers) | Pas un produit approuvé | S.O. | C : 5 - 30 mins
E : 1,5 - 4 h D : 12 - 24 h (basé sur SativexMD Reference 427 |
Voie orale | S.O. | |
Cannabis (voie orale, comestible) | S.O. | C. sativa (divers) | Pas un produit approuvé | S.O. | C : 30 à 90 mins
E : 2 à 3 h D : 4 à 12 hReference 397 |
Voie orale | S.O. | |
Cannabis (topique) | S.O. | C. sativa (divers) | Pas un produit approuvé | S.O. | S.O. | Topique | S.O. | |
Notes de bas de page du Tableau 4
Autorisation de mise sur le marché standard : Traitement auxiliaire pour le soulagement symptomatique de la spasticité chez les adultes souffrant de sclérose en plaques qui n'ont pas suffisamment répondu à d'autres formes de traitement et chez qui l'on décèle une amélioration significative lors de l'essai initial du traitement. Autorisation de mise sur le marché avec conditions : Traitement d'appoint pour le soulagement de la douleur neuropathique chez les adultes atteints de sclérose en plaques; et comme traitement analgésique d'appoint utile chez les adultes atteints de cancer avancé qui présentent une douleur modérée ou grave pendant un puissant traitement opioïde administré à la plus forte dose tolérée contre une douleur de fond persistante. Alb. : Alberta; C.-B. : Colombie-Britannique; Î.-P.-.É. : Île-du-Prince-Édouard; Man. : Manitoba; N.-B. : Nouveau-Brunswick; N.-É. : Nouvelle-Écosse; Nt : Nunavut; Ont. : Ontario; Qc : Québec; Rx : prescription médicale; Sask. : Saskatchewan; S.O. : sans objet; T.-N.: Terre-Neuve et Labrador; T.N.-O. : Territoires du Nord-Ouest; Yn : Yukon |
3.2 Voie orale
L'information pharmacocinétique décrite dans la Section 2.2.1.3 indique l'absorption erratique et lente de Δ9-THC par voie orale et les doses orales de THC sont estimées d'après l'information sur la monographie du MarinolMD (dronabinol, plus disponible au Canada). Une dose de 10 mg b.i.d. de MarinolMD (20 mg au total de Δ9-THC par jour) a produit un pic de concentration plasmatique de Δ9-THC moyen de 7,88 ng/mL (marge de 3,33 à 12,42 ng/mL) avec une biodisponibilité allant de 10 à 20 %Reference 222. Par comparaison, la consommation d'un biscuit au chocolat contenant 20 mg de Δ9-THC a entraîné un pic de concentration plasmatique de Δ9-THC moyen de 7,5 ng/mL (marge de 4,4 à 11 ng/mL), avec une biodisponibilité de 6 %Reference 404. Un comprimé de THC de 8 mg administré par voie orale (NamisolMD) a produit une Cmax moyenne de THC dans le plasma sanguin de 4 ng/mL et une Cmax moyenne semblable pour le 11-hydroxy THC dans le plasma sanguinReference 586. Le thé préparé avec des feuilles et des sommets fleuris de cannabis est documenté, mais aucune donnée n'est disponible quant à son efficacitéReference 419.
Marinol
Bien que le MarinolMD (dronabinol) ne soit plus disponible au Canada, sa monographie indique une dose moyenne de 5 mg de Δ9-THC par jour (marge de 2,5 à 20 mg de Δ9-THC par jour) contre l'anorexie associée à la perte de poids liée au SIDAReference 222. Une dose de 2,5 mg pourrait être administrée avant le repas de midi puis une deuxième de 2,5 mg avant le repas du soir. Par ailleurs, afin de réduire ou d'éviter les NVIC, l'administration d'une dose de 5 mg t.i.d. ou q.i.d. est suggérée. Dans l'un ou l'autre cas, la dose devrait être titrée avec prudence afin d'éviter l'apparition d'effets indésirables. Veuillez consulter la monographie de produit de MarinolMD pour des instructions plus détaillées.
Cesamet
La monographie du CesametMD (nabilone) suggère l'administration de 1 à 2 mg du médicament deux fois par jour, la première dose devant être administrée la veille de l'administration du médicament chimiothérapeutiqueReference 488. Une dose de 2 mg du nabilone a donné une concentration plasmatique moyenne de 10 ng/mL de nabilone une à deux heures après l'administration. La deuxième dose est habituellement administrée une à trois heures avant la chimiothérapie. Au besoin, l'administration du nabilone peut se poursuivre jusqu'à 24 heures après que l'agent chimiothérapeutique ait été pris. La dose quotidienne maximale recommandée est de 6 mg en doses fractionnées. L'ajustement de doses (titrage) pourrait être requis afin de parvenir à la réponse souhaitée, ou dans le but d'améliorer la tolérabilité. Plus d'essais cliniques récents rapportent des doses de départ du nabilone de 0,5 mg au coucher contre la douleur ou l'insomnie liée à la fibromyalgie, et contre l'insomnie liée à l'ESPT)Reference 570Reference 587Reference 588. Veuillez consulter la monographie de produit de CesametMD pour des instructions plus détaillées.
Epidiolex
Les données d'une étude clinique ouverte de l'EpidiolexMD pour le traitement de l'épilepsie infantile résistante aux traitements suggèrent qu'une posologie avec l'EpidiolexMD (huile de CBD 98 à 99 % pure) commence avec une dose de 2 à 5 mg/kg par jour séparée en deux doses quotidiennes, en plus d'un schéma posologique antiépileptique de base, puis la dose est augmentée de 2 à 5 mg/kg une fois par semaine jusqu'à ce que l'intolérance ou une dose maximale de 25 mg/kg par jour soit atteinteReference 258. Dans certaines situations particulières, les auteurs de l'étude mentionnent qu'une augmentation à une dose maximale de 50 mg/kg par jour pourrait être considérée. Chez les patients avec des convulsions pharmacorésistantes dans le syndrome de DravetReference 589 ou pour le syndrome Lennox-Gastaud résistant au traitementReference 590, une dose de 20 mg/kg par jour est efficace et généralement bien tolérée.
Huile de Cannabis
Les données d'une étude prospective, longitudinale et ouverte de l'huile de cannabis pour des patients atteints de douleur chronique non associée au cancer résistante aux traitements a observé que les patients titraient leurs doses d'huile de cannabis en commençant avec une goutte d'huile de cannabis par jour et augmentant d'une goutte d'huile de cannabis par dose trois fois par jour jusqu'à ce qu'ils atteignent un effet analgésique satisfaisant ou que des effets secondaires apparaissentReference 574. Dans le cadre de cette étude, les concentrations de THC dans l'huile de cannabis s'étendaient entre 11 et 19 % et les concentrations de CBD s'étendaient entre 0,5 et 5,5 %.
Une étude pilote ouverte portant sur la supplémentation avec le THC oral (25 mg/mL dans l'huile d'olive) dans le traitement des symptômes associés à l'ESPT suggère que le dosage commence par une dose de 2,5 mg de THC placé sous la langue deux fois par jour (c.-à-d. 0,1 mL de la solution d'huile), soit une dose une heure après le réveil et une dose deux heures avant le coucherReference 565. La dose quotidienne maximale était de 5 mg b.i.d. (c.-à-d. 0,2 mL b.i.d.), ou une dose quotidienne totale de 10 mg (c.-à-d. 0,4 mL).
3.3 Voie oromucosale
L'administration de nabiximols (SativexMD) est décrite sur la monographie du produit, de même qu'une méthode de titrage pour une amorce appropriée du traitementReference 427. Brièvement, les indications posologiques sur la monographie suggèrent qu'au premier jour du traitement, les patients prennent une vaporisation en matinée (à toute heure entre le lever du jour et midi) et une autre en après-midi ou en soirée (à toute heure entre 16 h et le coucher). Les jours suivants, le nombre de vaporisations peut être augmenté à raison d'une vaporisation par jour, au besoin et en fonction de la tolérance. Un intervalle de 15 minutes devrait être respecté entre vaporisations. Lors du titrage de départ, les vaporisations devraient être réparties de façon uniforme au long de la journée. Si à un moment quelconque, il se développe des réactions indésirables inacceptables telles que les vertiges et d'autres réactions liées au SNC, l'administration devrait être interrompue ou réduite ou le régime de traitement modifié en augmentant l'intervalle de temps entre les doses. D'après la monographie du produit, la dose moyenne du nabiximols est de cinq vaporisations par jour (c.-à-d. 13 mg de Δ9-THC et 12,5 mg de CBD) pour les patients souffrant de la SP, tandis que pour ceux présentant des douleurs cancéreuses, les doses se situeraient à huit vaporisations en moyenne par jour (c.-à-d. 21,6 mg de Δ9-THC et 20 mg de CBD). La majorité des patients semblent nécessiter 12 vaporisations ou moins; le dosage devrait être ajusté au besoin et en fonction de la tolérabilité. L'administration de quatre vaporisations chez des volontaires en santé (10,8 mg de Δ9-THC et 10 mg de CBD au total) a été associée à une concentration plasmatique maximale moyenne allant de 4,90 à 6,14 ng/mL de Δ9-THC et de 2,50 à 3,02 ng/mL de CBD selon que le médicament ait été administré sous la langue ou à l'intérieur des joues. Veuillez consulter la monographie de produit de SavitexMD pour des instructions plus détaillées.
3.4 Vaporisation
Le Bureau du cannabis médicinal hollandais a publié des lignes directrices « brutes » sur l'usage des vaporisateursReference 419. Bien qu'il faille déterminer la quantité de cannabis utilisée par personne par jour, la posologie initiale devrait être faible et pourrait être augmentée lentement en fonction des symptômes. La quantité de cannabis que l'on doit placer dans le vaporisateur pourrait varier selon le type de vaporisateur utilisé.
Des études utilisant le vaporisateur VolcanoMD rapportent placer jusqu'à un gramme de cannabis séché dans la cavité de l'appareil, mais de 50 à 500 mg de matière végétale est habituellement utiliséeReference 411; des tests sur des concentrations en Δ9-THC allant jusqu'à 6,8 % ont été effectués à l'aide du vaporisateur VolcanoMDReference 399Reference 411. Les sujets semblaient doser eux-mêmes leur apport selon la teneur en Δ9-THC du cannabisReference 399. Les pics plasmatiques du Δ9-THC variaient de 70 à 190 ng/mL selon la puissance du Δ9-THC. Les niveaux de cannabinoïdes libérés dans la phase de vapeur augmentaient avec la température de la vaporisationReference 411. La température de vaporisation est normalement déclarée comme se trouvant entre 180 et 195 °CReference 419; des températures plus importantes (p. ex. 230 °C) augmentent considérablement les quantités de cannabinoïdes libérées, mais aussi les quantités des sous-produitsReference 411.
Une étude a signalé l'utilisation d'une procédure uniforme d'une suite de bouffées à être utilisée avec du cannabis vaporisé à l'aide du vaporisateur VolcanoMD : 5 secondes d'inhalation, retenir la bouffée pour 10 secondes, puis une pause de 45 secondes avant de répéter l'inhalationReference 276. Les participants ont inhalé autant de la dose de 900 mg de cannabis séché (3,56 % de THC; 32 mg de THC) qu'ils pouvaient tolérer. La température de vaporisation a été fixée à 190 °C.
Dans le cadre d'une autre étude, les patients ont suivi une procédure de suite de bouffées semblables et ont inhalé 4 bouffées, suivies d'une ronde additionnelle de 4 à 8 bouffées deux heures plus tard pour un total d'entre 8 et 12 bouffées au cours d'une période d'un peu plus de deux heuresReference 591.
Une autre étude de vaporisation menée à l'aide du vaporisateur VolcanoMD, se servant de la même procédure de suite de bouffées, a utilisé 400 mg de cannabis séché de trois puissances différentes (1 %, 4 % et 7 % de THC ou 4, 16 et 28 mg de THC par session de dosage)Reference 592. La température de vaporisation était de 200 °C.
Finalement, un ensemble plus récent d'études menées à l'aide du vaporisateur VolcanoMD et la même procédure de suite de bouffées a signalé l'utilisation de 400 mg de cannabis séché comportant soit 2,9 % (12 mg) ou 6,7 % (27 mg) de THC et une température de vaporisation de 185 °CReference 272. Les patients ont inhalé 4 bouffées au début de la séance d'essai, suivi d'une ronde additionnelle d'entre 4 et 8 bouffées trois heures plus tard pour un total d'entre 8 et 12 bouffées au cours d'une période de trois heures.
Les données provenant d'un essai clinique pilote effectué avec l'inhalateur SyqeMC ont révélé qu'une dose inhalée d'aussi peu que 3 mg de THC (~1,5 mg de THC absorbé, produite par une dose aussi faible que 15 mg de matière végétale du cannabis séché à une concentration de 20 % de THC) est associée à une efficacité analgésique produisant des effets indésirables minimesReference 58. Du THC a été décelé dans le plasma dans la première minute suivant l'inhalation et elle a atteint un niveau maximal dans les trois minutes suivantes, à une concentration moyenne de 38 ng/mL.
4.0 Usages thérapeutiques possibles
Bien qu'il existe d'innombrables rapports anecdotiques concernant l'utilisation du cannabis à des fins médicales, les études cliniques qui appuient l'innocuité et l'efficacité du cannabis à des fins thérapeutiques pour une variété d'états pathologiques sont limitées, mais commencent lentement à se faire plus nombreuses. En outre, le niveau de données actuelles concernant l'innocuité et l'efficacité du cannabis à des fins médicales ne remplissent pas les conditions exigées de la Loi sur les aliments et drogues et ses règlements, sauf lorsqu'il s'agit des produits ayant reçu un avis de conformité et une autorisation de mise en marché de Santé Canada. À l'exception d'une petite étude clinique pilote ouverte sur du THC administré par voie orale dans une solution d'huile d'olive pour les symptômes associés à l'ESPT et des essais cliniques sur du CBD administé par voie orale dans une solution d'huile (EpidiolexMD) pour les symptômes associés à l'épilepsie infantile (voir Section 4.6 Épilepsie), il n'existe pas d'études cliniques bien contrôlées sur l'utilisation d'autres produits de cannabis administrés par voie orale tels que les aliments comestibles de cannabis (p. ex. biscuits, pâtisseries) ou topiques à des fins thérapeutiques.
Il a été indiqué à plusieurs reprises que les effets secondaires psychotropes associés à l'utilisation de cannabinoïdes (psychoactifs) limitent leur utilité thérapeutiqueReference 23Reference 55Reference 57Reference 264Reference 593. Le Tableau 5 (« Essais cliniques positifs, randomisés, à double insu et contrôlé par placebo publiés sur le cannabis fumé et le cannabis vaporisé et les bienfaits thérapeutiques connexes ») résume l'information sur les essais cliniques publiés qui ont été effectués jusqu'à présent avec du cannabis fumé ou vaporisé et les produits de cannabis à base d'huile.
Une recension exhaustive de 72 études cliniques contrôlées évaluant les effets thérapeutiques des cannabinoïdes (THC, nabilone, nabiximols principalement administrés par voie orale ou extrait de cannabis administré par voie orale) jusqu'à l'année 2005 révèle que les cannabinoïdes ont un potentiel thérapeutique intéressant en tant qu'antiémétiques, pour stimuler l'appétit dans le cas de maladies débilitantes (cancer et SIDA), en tant qu'analgésiques et dans le traitement de la SP, du TM, du syndrome de Gilles de La Tourette (SGT), de l'épilepsie et du glaucomeReference 594.
Cependant, une analyse systématique et une méta-analyse plus récentes d'essais cliniques à répartition aléatoire portant sur des cannabinoïdes (c.-à-d. cannabis fumé, nabiximols, nabilone, dronabinol, CBD, THC, levonontradol, acide ajulémique) révèlent que la plupart des essais montrent un soulagement des symptômes associés à l'utilisation de cannabinoïdes, mais aucune association statistiquement significative n'émerge de l'ensemble des essaisReference 174. Comparativement au placebo, les cannabinoïdes ont été associés à un nombre moyen plus élevé de patients présentant une amélioration complète des symptômes de nausées et de vomissements, une diminution de la douleur, une réduction moyenne plus importante de la douleur selon une échelle numérique d'évaluation de la douleur et une diminution moyenne sur l'échelle de spasticité d'AshworthReference 174. Un risque accru d'événements indésirables à court terme avec les cannabinoïdes a aussi été démontré. Les événements indésirables fréquemment signalés sont notamment les étourdissements, l'assèchement de la bouche, la fatigue, la somnolence, l'euphorie, les vomissements, la désorientation, la confusion, la perte d'équilibre et les hallucinationsReference 174. Dans l'ensemble, les essais recensés et la méta-analyse menés à l'aide de l'approche GRADE (Grading of Recommendations, Assessment, Development and Evaluation) indiquent qu'il existe des données de qualité modérée appuyant l'utilisation de cannabinoïdes dans le traitement de la douleur neuropathique chronique ou liée au cancer ainsi que dans celui de la spasticité associée à la SP. Il existe aussi des données de qualité faible appuyant leur utilisation pour contrer les NVIC, la prise de poids dans le cas d'une infection par le VIH, les troubles du sommeil et le SGTReference 174. Les essais recensés et la méta-analyse ne comprennent qu'une étude menée avec du cannabis fumé et toutes les autres études cliniques ont consisté en l'administration orale ou oromucosale de médicaments à base de cannabinoïdes (p. ex. nabiximols, nabilone, dronabinol).
L'Académie nationale des sciences, du génie et de la médecine (NASEM) a publié rapport sur les effets du cannabis et des cannabinoïdes sur la santé (en anglais)Reference 595. Ce rapport exhaustif comprend des informations sur les effets thérapeutiques du cannabis et des cannabinoïdes, mais aussi sur d'autres effets sur la santé tels que le cancer, les risques cardiométaboliques, les maladies respiratoires, l'immunité, les blessures et les décès, les effets prénataux, périnataux et néonataux, les effets psychosociaux et et sur la santé mentale. Il traite également des défis et des obstacles à la recherche sur le cannabis ainsi que des recommandations visant à appuyer et à améliorer la recherche sur le cannabis. La plupart des données contenues dans le rapport proviennent de revues systématiques et de méta-analyses, ainsi que d'une recherche primaire de grande qualité. Les données recueillies dans le cadre d'études in vitro ou in vivo sur des animaux n'ont pas été incluses.
Dronabinol est le nom générique de la forme orale du Δ9-THC synthétique. Il est commercialisé aux É.-U sous le nom de MarinolMD. Il était disponible pour vente au Canada sous forme de gélule contenant 2,5, 5 et 10 mg du médicament dissous dans de l'huile de sésame. Il est indiqué pour le traitement des NVIC chez les patients atteints du cancer et à l'anorexie liée au SIDA associée à la perte de poidsReference 222. Le médicament n'est plus vendu au Canada (abandon après commercialisation du médicament depuis février 2012; non pour des raisons d'innocuité). Veuillez consulter la monographie de produit de MarinolMD pour de l'information plus détaillée.
Nabilone est le nom générique d'un analogue structurel synthétique de Δ9-THC, administré par voie orale, qui est commercialisé au Canada sous le nom de CesametMD mais aussi maintenant disponible sous forme générique (p. ex. RAN-nabilone, PMS-nabilone, TEVA-nabilone, CO-nabilone, ACT-nabilone). Il est disponible sous forme de gélules de (0,25, 0,5, ou 1 mg) et est indiqué pour le traitement des NVIC chez les patients atteints d'un cancerReference 488. Veuillez consulter la monographie de produit de CesametMD pour des instructions plus détaillées.
Nabiximols est le nom générique d'un extrait de plante entière de deux souches différentes mais normalisées de Cannabis sativa pouvant générer un produit de vaporisation oromucosale contenant des quantités approximativement équivalentes de Δ9-THC (27 mg/mL) et de CBD (25 mg/mL) et d'autres cannabinoïdes, terpénoïdes et flavonoïdes par 100 μl de vaporisation dispensé. Nabiximols est commercialisé au Canada sous le nom de SativexMD et a reçu un avis de conformité pour servir de traitement auxiliaire pour le soulagement symptomatique de la spasticité chez les adultes souffrant de SP qui n'ont pas suffisamment répondu à d'autres formes de traitement et chez qui l'on décèle une amélioration significative lors d'un essai initial du traitement. Il est également mis sur le marché (avec des conditions) comme traitement auxiliaire pour le soulagement symptomatique de la douleur neuropathique chez les adultes souffrant de SP et (avec des conditions) pour les patients adultes atteints d'un cancer avancé qui présentent une douleur modérée ou grave pendant un puissant traitement opioïde administré à la plus forte dose tolérée contre une douleur de fond persistanteReference 427. Veuillez consulter la monographie de produit de SativexMD pour des instructions plus détaillées.
EpidiolexMD est le nom de marque pour l'extrait de plante entière de cannabis d'une souche de Cannabis sativa contenant des niveaux élevés de CBD et est un produit en solution à base d'huile orale contenant au moins 98 % de CBD à une concentration de 100 mg/mL. L'EpidiolexMD a reçu la désignation de médicament orphelin aux États-Unis pour le traitement du syndrome de Lennox-Gastaut, du syndrome de Dravet et de la sclérose tubéreuse de Bourneville. Au moment de la rédaction de ce document, l'EpidiolexMD n'a toujours pas reçu un Avis de conformité de Santé Canada et ne se retrouve pas sur le marché canadien.
Les données scientifiques et cliniques disponibles ayant trait à l'usage du cannabis et des cannabinoïdes dans le traitement de divers symptômes liés à divers états pathologiques sont résumées dans les sections qui suivent à partir de la prochaine page.
Principales affections médicales et paramètres secondaires connexes (s'il en existe) pour lesquels les bienfaits ont été observés | Pourcentage et dose de Δ9-THC (si connus) |
Durée de l'essai; et nombre de patients ou participants |
Références |
---|---|---|---|
Perte de poids liée au VIH/SIDA | Une cigarette de cannabis (~800 mg) contenant 1,8 % ou 3,9 % de THC en poids, fumée une fois par jour
(c.-à-d. une dose par jour) (~14 à 31 mg de Δ9-THC par jour) |
8 séances au total
(3 séances par semaine) 30 participants |
Reference 219 |
Perte de poids liée au VIH/SIDA; trouble de l'humeur et l'insomnie dus à la maladie | Une cigarette de cannabis (~800 mg) contenant 2,0 % ou 3,9 % de THC en poids, fumée 4 fois par jour
(c.-à-d. quatre doses par jour) (~64 à 125 mg de Δ9-THC par jour) |
4 jours au total
10 participants |
Reference 218 |
Spasticité et douleur causées par la sclérose en plaques | Une cigarette de cannabis (~800 mg) contenant 4 % de THC en poids, fumée une fois par jour
(c.-à-d. une dose par jour) (~32 mg de Δ9-THC par jour) |
3 jours au total
30 patients |
Reference 274 |
Douleur neuropathique chronique du système nerveux central et périphérique
(étiologies diverses) |
Une cigarette de cannabis (~800 mg) contenant 3,5 % ou 7 % de THC en poids, fumée en bouts sur une période de 3 h (c.-à-d. une dose par jour)
(dose quotidienne de THC non disponible) |
1 jour au total
38 patients |
Reference 217 |
Douleur neuropathique chronique causée par la neuropathie sensorielle liée au VIH | Une cigarette de cannabis (~900 mg) contenant 3,56 % de THC en poids, fumée trois fois par jour
(c.-à-d. 3 doses par jour) (~96 mg de Δ9-THC par jour) |
5 jours au total
25 patients |
Reference 190 |
Douleur neuropathique chronique associée au VIH réfractaire à d'autres médicaments | Une cigarette de cannabis (~800 mg) contenant entre 1 et 8 % de THC en poids, fumée quatre fois par jour
(c.-à-d. 4 doses par jour) (dose quotidienne de THC non disponible) |
5 jours au total
28 patients |
Reference 277 |
Douleur chronique post-traumatique ou douleur neuropathique postopératoire réfractaires à d'autres médicaments, ainsi que l'insomnie qui y est associée. | Une dose de 25 mg de cannabis contenant 9,4 % de THC en poids, fumé trois fois par jour
(c.-à-d. trois doses par jour) (~7 mg de Δ9-THC par jour) |
5 jours au total
21 patients |
Reference 59 |
Douleur chronique d'étiologies diverses
(musculosquelettique, post-traumatique, arthritique, neuropathique périphérique, cancéreuse, fibromyalgique, douleur causée par la migraine, la sclérose en plaques, la drépanocytose, et par le syndrome du défilé thoracobrachial) |
Une dose de 900 mg de cannabis vaporisé contenant 3,56 % de THC en poids, administrée trois fois par jour (une dose le premier jour, trois doses par jour au cours des trois jours suivants, et une dose le dernier jour) (~96 mg de Δ9-THC par jour) | 5 jours au total
21 patients |
Reference 276 |
Douleur neuropathique d'étiologies diverses (traumatisme médullaire, syndrome de doulour régionale complexe [SDRC] de type I, causalgie [SDRC de type 2], neuropathie diabétique, sclérose en plaques, névralgie post-herpétique, neuropathie périphérique idiopathique, plexopathie brachiale, radiculopathie lombosacrale et neuropathie post-accident vasculaire cérébral (AVC) | Inhalation de cannabis vaporisé (800 mg) contenant une faible dose (1,29 % ou 10,3 mg de Δ9-THC) ou une dose moyenne de Δ9-THC (3,53 % de Δ9-THC ou 28,2 mg de Δ9-THC) | 3 séances au total;
39 patients |
Reference 591 |
Maladie de Crohn | Une cigarette de cannabis (500 mg) contenant 23 % de THC par poids, fumée deux fois par jour
(c.-à-d. deux doses par jour) (23 mg de Δ9-THC par jour) |
8 semaines;
21 patients |
Reference 596 |
Douleur neuropathique d'étiologies diverses | Inhalation d'une seule dose vaporisée de 15 mg de cannabis séché contenant 20 % de Δ9-THC en poids
(~ 3 mg de Δ9-THC) |
Une séance uniquement;
10 patients |
Reference 58 |
Neuropathie diabétique périphérique
(c.-à-d. diabète sucré de type I et II) |
Inhalation de doses uniques vaporisées de cannabis séché (400 mg/dose) contenant une dose faible (1 % de Δ9-THC ou 4 mg de Δ9-THC), moyenne (4 % de Δ9-THC ou 16 mg de Δ9-THC) ou élevée (7 % de Δ9-THC ou 28 mg de Δ9-THC) de Δ9-THC (4 sessions de dosage uniques; intervalles égales de 2 semaines) | 4 séances au total;
16 patients |
Reference 592 |
Douleur neuropathique causée par un traumatisme médullaire ou une maladie de la moelle épinière | Inhalation d'entre 8 et 12 bouffées provenant de 400 mg de cannabis séché (2,9 % et 6,7 % de THC) | 3 séances au total;
42 patients |
Reference 272 |
4.1 Soins palliatifs
- Jusqu'à maintenant, les données provenant d'études d'observation et d'études cliniques suggèrent que le cannabis (données limitées) et les cannabinoïdes sur ordonnance (p. ex., le dronabinol, le nabilone ou le nabiximols) pourraient être pratiques pour le soulagement d'une gamme de symptômes uniques ou cooccurrents souvent observés dans le cadre de soins palliatifs
- Ces symptômes comprennent, mais ne sont pas limités à, la nausée réfractaire et les vomissements associés à la chimiothérapie ou la radiothérapie, l'anorexie ou la cachexie, la douleur réfractaire aiguë, l'humeur dépressive et l'anxiété aiguë et l'insomnie.
- Un nombre limité d'études observationnelles suggèrent que l'usage de cannabinoïdes en soins palliatifs pourrait aussi être associé à une diminution du nombre de certains médicaments utilisés par cette population de patients.
Les objectifs des soins palliatifs tels que décrits par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) sont entre autres le soulagement de la douleur et d'autres symptômes pénibles et l'amélioration de la qualité de la vie (QV)Reference 597. Bien que l'intégration du cannabis dans des traitements médicaux classiques puisse être caractérisée d'extrêmement prudente, son usage semble gagner du terrain dans des milieux des soins palliatifs où il est plus question de choix personnel, de l'autonomie du patient, de la responsabilisation et du confort de ce dernier, mais surtout de la QVReference 598. Néanmoins, l'établissement de l'efficacité du cannabis comme une option thérapeutique viable dans des contextes de soins palliatifs appelle d'abord à un examen minutieux de ses effets dans un large éventail d'états. De telles données sont encore insuffisantes et des recherches plus approfondies s'imposentReference 599. Certaines populations de patients (p. ex. les personnes âgées ou les personnes atteintes de maladies psychiatriques préexistantes) pourraient être plus sensibles ou plus susceptibles d'éprouver des effets psychotropiques, cognitifs, psychiatriques ou d'autres effets indésirablesReference 600Reference 601.
Données provenant d'études d'observation
Une étude de série de cas prospective, d'observation, sans répartition aléatoire et sans insu évaluant l'efficacité du traitement adjuvant au nabilone dans la gestion de la douleur et des symptômes ressentis par 112 patients atteints d'un cancer au stade avancé, dans un cadre de soins palliatifs, révèle que les patients qui utilisaient du nabilone ont présenté un taux plus faible de début de prise d'AINS, d'antidépresseurs tricycliques, de gabapentine, de dexaméthasone, de métoclopramide et d'ondansétron et qu'ils ont eu plus tendance à arrêter la prise de ces médicamentsReference 284. Les patients se sont vus prescrire du nabilone pour soulager la douleur (51 %), contre les nausées (26 %) et l'anorexie (23 %). Les patients traités ont commencé à prendre une dose de 0,5 ou 1 mg de nabilone au coucher, durant la première semaine, qu'ils ont augmentée par paliers de 0,5 ou 1 mg par la suite. Au moment du suivi, la plupart des patients recevaient une dose quotidienne de 2 mg de nabilone avec une dose quotidienne moyenne de 1,79 mg. Les deux paramètres primaires de l'étude, la douleur et l'utilisation d'opioïde sous la forme de doses équivalentes totales en sulfate de morphine, ont considérablement diminué chez les patients traités comparativement aux patients non traités. Les effets secondaires causés par le nabilone étaient principalement les étourdissements, la confusion, la somnolence et l'assèchement de la bouche. Les patients avaient également moins tendance à commencer à prendre d'autres nouveaux médicaments et pouvaient réduire ou cesser la prise de médicaments administrés au début de l'étude.
Une étude d'observation à laquelle ont participé plus de 100 patients auto-déclarés utilisant du cannabis dans un cadre de soins palliatifs liés au cancer révèle un soulagement significatif de divers symptômes liés au cancer et aux traitements anticancéreux, y compris les nausées, les vomissements, les troubles de l'humeur, la fatigue, la perte de poids, l'anorexie, la constipation, la fonction sexuelle, les troubles du sommeil, les démangeaisons et la douleurReference 602. Bien que la dose quotidienne de cannabis soit demeurée constante tout au long de la période d'étude, 43 % des patients utilisant des analgésiques ont déclaré une réduction de la dose et 1,7 % ont signalé une augmentation de la dose. En outre, 33 % des patients utilisant du cannabis ont réduit la dose de leurs antidépresseurs ou anxiolytiques. Aucun effet indésirable significatif n'a été constaté chez les personnes consommant du cannabis, à l'exception d'une diminution signalée de la mémoire par environ 20 à 40 % de l'échantillon. La diminution signalée de la mémoire dans une partie de l'échantillon pourrait dépendre de l'utilisation du cannabis avec d'autres médicaments tels que les opioïdes et les antidépresseurs; elle pourrait aussi varier en fonction de l'âge. Une amélioration des résultats relatifs aux symptômes et à la détresse a également été observée. Les limites de l'étude comprennent sa nature d'observation, l'absence d'un groupe témoin approprié et la dépendance envers l'auto-déclaration.
Une autre étude d'observation examinant les tendances d'utilisation du cannabis chez des patients israéliens adultes atteints d'un cancer au stade avancé révèle que parmi environ 17 000 patients atteints de cancer faisant l'objet d'un suivi dans un même établissement de santé israélien, 279 patients étaient autorisés à utiliser du cannabis à des fins médicales; parmi ceux-ci, l'âge moyen était de 60 ans (marge de 19 à 93 ans) et les diagnostics de cancer les plus courants étaient le cancer du poumon (18 %), des ovaires (12 %), du sein (10 %), du côlon (9 %) et du pancréas (7,5 %) et la plupart (84 %) des patients étaient atteints d'une maladie métastatiqueReference 233. La plupart des patients (71 %) recevaient des soins palliatifs actifs, des soins de soutien (13 %) et des soins curatifs (6 %). Chez la plupart des patients, le cannabis a été demandé pour plusieurs indications. L'indication la plus courante pour laquelle du cannabis était prescrit était la douleur (76 %); l'anorexie (56 %), une faiblesse généralisée (52 %) et des nausées (41 %) étant aussi des indications courantes. En outre, 70 % des patients ont déclaré une amélioration du contrôle de la douleur et un bien-être général; 60 % ont signalé une amélioration de l'appétit, 50 % ont fait état d'une diminution des nausées et des vomissements et 44 % ont indiqué une réduction de l'anxiété grâce au cannabis. Selon 83 % des patients, l'efficacité générale du cannabis était élevée. La voie d'administration la plus courante (plus de 90 %) était la fumée. Bien que la plupart des répondants (62 %) n'aient signalé aucun effet indésirable lié à l'utilisation du cannabis, les effets indésirables les plus souvent communiqués étaient la fatigue (20,3 %) et les étourdissements (18,8 %), tandis qu'une minorité de patients ont déclaré des idées délirantes (6 %) et des changements d'humeur (4,4 %).
Pour en savoir plus sur l'usage du cannabis et des cannabinoïdes pour contrôler la nausée et les vomissements, veuillez consulter la Section 4.3 du présent document. Pour plus d'information sur l'usage du cannabis et des cannabinoïdes contre l'anorexie et la cachexie associées aux infections à VIH/SIDA ou au cancer, veuillez consulter les Sections 4.4.1 et 4.4.2 respectivement. Pour des informations supplémentaires sur l'usage du cannabis et des cannabinoïdes contre des syndromes de douleur chronique (y compris la douleur cancéreuse), veuillez consulter les Sections 4.7.2.2 et 4.7.2.3. Pour des informations supplémentaires sur l'usage du cannabis et des cannabinoïdes contre les troubles du sommeil associés aux maladies chroniques, veuillez consulter la Section 4.9.5.2, et consulter la Section 4.9.9 sur l'usage du cannabis et des cannabinoïdes en oncologie.
4.2 Qualité de vie
- Les études cliniques disponibles rapportent des effets mixtes du cannabis et des cannabinoïdes sur ordonnance sur les mesures de la qualité de vie (QV) pour une variété de troubles divers.
Une poignée d'études cliniques ont utilisé des instruments normalisés de mesure de la QV afin de mesurer si l'usage du cannabis ou des cannabinoïdes sur ordonnance (p.ex. le nabilone, le dronabinol ou le nabiximols) est associé aux améliorations de la QV. Les données issues de ces études sont résumées ci-dessous.
Études cliniques avec le dronabinol
Un essai croisé, randomisé, à répartition aléatoire, à double insu, contrôlé par placebo du dronabinol (dose maximale de 10 mg de Δ9-THC par jour pour une durée totale de trois semaines) pour le traitement de la douleur neuropathique centrale chez des patients souffrant de la SP a révélé des améliorations statistiquement importantes dans les mesures de la QV (questionnaire de la QV SF-36 [36-Item Short Form Health Survey]; mesures des douleurs corporelles et de la santé mentale)Reference 603.
Une étude pilote de phase II, bicentrique, randomisée, menée à double insu et contrôlée avec placebo sur 22 jours auprès des patients adultes souffrant de modifications chimiosensorielles (c.-à-d. des modifications de l'olfaction et de la gustation) et d'un manque d'appétit lié à un cancer avancé d'étiologies diverses, a rapporté des améliorations renforcées de la perception chimiosensorielle chez les patients traités avec le dronabinol (2,5 mg b.i.d.) par rapport à ceux ayant reçu un placeboReference 604. La majorité (73 %) des patients traités avec le dronabinol ont autodéclaré une augmentation globale de leur appréciation pour la nourriture par rapport à ceux ayant reçu un placebo (30 %). Bien que les résultats globaux de l'évaluation fonctionnelle du traitement de l'anorexie/cachexie sur l'instrument de mesure de la QV (FAACT [Functional Assessment of Anorexia/Cachexia Treatment]), s'en sont trouvés améliorés au même titre tant pour le groupe ayant été traité par le dronabinol que pour le groupe traité au placebo, le sous-domaine du FAACT relatif au bien-être nutritionnel lié à l'anorexie et à la cachexie a connu une amélioration avec le dronabinol comparé au placebo. Des améliorations statistiquement importantes ont été également relevées en ce qui concerne la qualité du sommeil et la détente avec le dronabinol comparé au placebo. Selon les auteurs de l'étude, les effets psychoactifs négatifs ont été minimisés en commençant le traitement du patient par une faible dose (2,5 mg une fois par jour pendant trois jours) suivi d'une augmentation progressive de la dose (jusqu'à un maximum de 7,5 mg de dronabinol par jour).
Études cliniques avec l'extrait de cannabis
Une étude de phase III multicentrique, randomisée, menée à trois volets, en parallèle et à double insu, et contrôlée avec placebo auprès des patients adultes atteints de cancer avancé incurable et souffrant du syndrome de l'anorexie et de la cachexie liées au cancer, a conclu que ni l'extrait de cannabis (2,5 mg de Δ9-THC, 1 mg de CBD, pendant six semaines) ni le THC (2,5 mg de Δ9-THC b.i.d., pendant six semaines) n'avaient offert aucun bienfait statistiquement important comparativement au placebo dans les mesures de la QV (European Organization for Research and Treatment of Cancer Quality of Life Questionnaire, Core Module - EORTC QLQ-C30)Reference 312.
Études cliniques avec le nabilone
Un essai randomisé du nabilone mené à double insu et contrôlé avec placebo auprès des patients souffrant de la fibromyalgie a révélé que le traitement adjuvant au nabilone (quatre semaines, dose maximale pendant la dernière semaine du traitement, 1 mg b.i.d.) a été associé à une amélioration significative dans les mesures de la QV (Visual Analogue Scale for pain [Échelle visuelle analogique pour l'évaluation de la douleur] et le Fibromyalgia Impact Questionnaire [questionnaire d'impact de la fibromyalgie])Reference 587.
Une étude à recrutement enrichi, à sevrage randomisé, à groupes parallèles, à doses variables, à double insu et contrôlée avec placebo, examinant l'efficacité du nabilone comme traitement adjuvant contre la douleur neuropathique périphérique diabétique de longue durée a rapporté des améliorations statistiquement significatives dans les mesures de la QV (Composite EuroQoL five dimensions questionnaire, EQ-5D, Index Score [score de l'indice composite EQ-5D]) et de l'état des patients en général par rapport au placeboReference 605. Les doses du nabilone allaient de 1 à 4 mg par jour, la durée du traitement était de cinq semaines.
Une étude de sept semaines à répartition aléatoire contrôlée par placebo comparant les effets du nabilone par rapport au placebo sur la QV et les effets secondaires durant la radiothérapie indiquée pour des carcinomes de la tête et du cou révèle qu'à la posologie utilisée (0,5 à 2 mg/jour augmentée pendant la durée de l'étude), le nabilone ne prolonge pas le temps nécessaire pour une détérioration de 15 % de la QV (mesuré sur les échelles QLQ-C30 et QLQ-Head and Neck Module, H&N35, de l'EORTC) et qu'il n'est pas plus efficace que le placebo pour soulager la douleur et les nausées ou améliorer la perte d'appétit et de poids, l'humeur et le sommeilReference 606. Cette étude ne révèle entre autres aucune différence statistiquement significative quant à la présence d'effets indésirables entre le groupe recevant du nabilone et celui recevant un placebo.
Études cliniques avec le nabiximols
Un essai prospectif randomisé sur dix semaines mené à double insu et contrôlé avec placebo visant à évaluer l'innocuité et l'efficacité du nabiximols (SativexMD) comme médicament adjuvant contre la neuropathie diabétique périphérique réfractaire, a conclu que le nabiximols n'avait pas démontré d'améliorations statistiquement significatives dans les mesures de la QV (EuroQOL, SF-36 et le McGill Pain and QoL Questionnaire [Questionnaire de McGill sur la douleur et la QV])Reference 607.
Une étude randomisée du nabiximols contrôlée avec placebo, menée sur 12 semaines à double insu, à groupes parallèles et à recrutement enrichi comme thérapie d'appoint chez les patients souffrant de spasticité réfractaire, a conclue qu'il n'y avait pas de différence significative entre le traitement actif et le traitement au placebo dans les mesures de la QV (EQ-5D Health State Index, EQ-5D Health Status VAS, SF-36 [Indice de l'état de santé EQ-5D, EVA de l'état de santé])Reference 608.
Une étude multicentrique randomisée, menée sur cinq semaines, à double insu, à groupes parallèles, à doses graduées et contrôlée avec placebo a évalué l'efficacité analgésique et l'innocuité du nabiximols dans trois gammes de doses chez des patients atteints de cancer, traités aux opioïdes, et souffrant d'une douleur chronique mal contrôléeReference 280. L'étude a rapporté qu'il n'y avait aucun effet du traitement positif sur la QV en général chez la population ayant fait l'objet de l'étude même avec la dose la plus forte du nabiximols (11 à 16 vaporisations par jour).
Études cliniques et d'observation avec le cannabis fumé
Un essai randomisé croisé, mené à double insu et contrôlé avec placebo en quatre périodes du cannabis fumé au traitement de la douleur neuropathique chronique (d'étiologie post-traumatique ou post-opératoire) a conclu que l'inhalation du cannabis fumé (25 mg de cannabis contenant 2,5, 6,0 ou 9,4 % de Δ9-THC, t.i.d. pendant cinq jours) n'avait pas été associée à une différence statistiquement significative par rapport au placebo dans les mesures de la QV (EQ-5D Health Outcomes Quality of Life instrument [Instrument EQ-5D de mesure de la QV, résultats sur la santé])Reference 59.
En revanche, une enquête transversale visant à examiner les bienfaits associés à l'usage du cannabis chez des patients souffrant de la fibromyalgie a rapporté un bienfait statistiquement significatif dans le score sommaire du volet santé mentale du questionnaire SF-36 sur la QV chez des patients qui avaient utilisé le cannabis par rapport à ceux qui n'en avaient pas utiliséReference 179. Toutefois, aucune différence significative n'a été trouvée entre les consommateurs du cannabis et ceux qui n'en consomment pas dans les autres domaines du SF-36, du Fibromyalgia Impact Questionnaire [questionnaire d'impact de la fibromyalgie] ou du Pittsburgh Sleep Quality Index [l'indice de la qualité du sommeil de Pittsburgh].
Un essai d'observation prospectif préliminaire ouvert, d'un seul volet, auprès d'un groupe de 13 patients atteints de la maladie de Crohn ou de la colite ulcéreuse a rapporté que le traitement à l'aide du cannabis inhalé sur une période de trois mois avait amélioré la QV des sujets, entraîné un gain de poids statistiquement important chez les sujets et amélioré l'indice clinique d'activité de la maladie chez les patients atteints de la maladie de CrohnReference 275. Les patients ont signalé des améliorations statistiquement significatives dans la perception de leur état général de santé et dans leur capacité à accomplir des activités quotidiennes et à mener une vie sociale. Ils ont aussi signalé une réduction statistiquement importante de la douleur physique et une amélioration de la détresse mentale.
Une récente revue systématique et méta-analyse de 20 études (11 essais randomisés contrôlés; 9 études de cohorte ou études transversales) examinant l'impact d'une variété de produits à base de cannabinoïdes (cannabis à base d'herbes, nabiximols, nabilone, dronabinol, dexanabinol) sur la qualité de vie liée à la santé (QVLS) dans de multiples maladies n'a rapporté dans l'ensemble aucune association significative. Les auteurs ont attribué les résultats nuls à l'hétérogénéité des caractéristiques des études et à la limite dans laquelle les QVLS étaient des résultats secondaires et non primaires dans la plupart des études. Cependant, les études montrant une relation positive entre les cannabinoïdes et la QVLS étaient plus susceptibles de provenir de symptômes liés à la douleur (douleur neuropathique, sclérose en plaques, maux de tête, maladies inflammatoires de l'intestin), alors que des relations négatives ont été observées surtout chez les patients atteints du VIH qui ont signalé des réductions significatives de la QVLS physique et mentaleReference 609.
4.3 Nausées et vomissements induits par la chimiothérapie
- Les études précliniques démontrent que certains cannabinoïdes (THC, CBD, THCV, CBDV) et acides de cannabinoïdes (THCA et CBDA) suppriment les nausées et les vomissements aigus ainsi que les nausées d'anticipation.
- Les études cliniques suggèrent que la consommation de certains cannabinoïdes et de cannabis (données limitées) peut soulager les nausées et les vomissements induits par la chimiothérapie (NVIC).
Les NVIC constituent un des effets indésirables les plus communs et les plus stressants associés au traitement du cancerReference 610. En l'absence d'antiémétiques efficaces, les nausées associées à la chimiothérapie peuvent être si graves que 20 % des patients choisissent d'arrêter leur traitement par chimiothérapieReference 611. Une fois qu'un patient souffre de nausées, celles-ci ont tendance à persister tout au long du traitement et à rendre les épisodes subséquents de nausées plus gravesReference 612. Les nausées après le traitement sont aussi associées à des déficiences du patient, à une anxiété accrue, à une dépression et à une diminution de la QV qui, ensemble, peuvent avoir une incidence négative sur l'observance du traitement, voire causer son arrêt totalReference 613.
Bien que les nausées surviennent habituellement avant les vomissements, ils empruntent des circuits neuronaux distincts et présentent des différences du point de vue du comportementReference 291. En outre, bien que les mécanismes centraux des vomissements soient bien connus, ceux responsables des nausées sont moins bien comprisReference 291. Cependant, les études scientifiques soulignent le rôle du cortex insulaire et sa fonction de siège des sensations telles que les nausées et le dégoût, d'autres régions centrales (p. ex. area postrema, noyau parabrachial) ainsi que l'apport GI contribuant également à la production de nauséesReference 291Reference 614.
Alors que les vomissements induits par la chimiothérapie semblent être généralement bien contrôlés grâce aux traitements courants de première ligne et aux trithérapies (p. ex. antagonistes des récepteurs 5-HT3, antagonistes des récepteurs de neurokinine et corticostéroïdes), les nausées aiguës, retardées et, surtout, d'anticipation connexes sont encore mal contrôlées et la consommation de cannabis ou de cannabinoïdes peut procurer dans ces cas quelques bienfaitsReference 292Reference 294Reference 613. Une proportion importante (25 à 59 %) de patients recevant une chimiothérapie connaissent des nausées d'anticipation durant le traitement; une fois qu'elles se développent, ces nausées sont réfractaires au traitement de référence par des antagonistes des récepteurs 5-HT3Reference 613. Des traitements anxiolytiques non spécifiques (p. ex. benzodiazépines) sont utilisés pour traiter les nausées d'anticipation, malgré des inconvénients comme une sédation importanteReference 613.
Il convient de noter qu'il a été rapporté que l'usage excessif du cannabis déclenche paradoxalement un syndrome des vomissements cycliques (c.-à-d. l'hyperémèse) (voir Section 7.6.1 pour plus de détails sur ce syndrome).
Études précliniques
Les affirmations des patients selon lesquelles le cannabis fumé soulage les NVIC sont bien connues, et d'autres données suggèrent aussi que le SEC joue un rôle dans la modulation des nausées et des vomissementsReference 291Reference 292Reference 613Reference 615-Reference 621. Les récepteurs CB1 et CB2 se trouvent dans des zones du tronc cérébral associées au contrôle émètogèneReference 622Reference 623, et les conclusions d'études expérimentales chez l'animal suggèrent que les propriétés antinausées et antiémétiques de certains cannabinoïdes (p.ex. le Δ9-THC, le dronabinol et le nabilone) sont le plus probablement associées à leurs actions agonistes aux récepteurs CB1 Reference 99Reference 292Reference 624. Les niveaux de 2-AG sont augmentés dans le cortex insulaire viscéral pendant un épisode aigu de nausées chez les rats et le blocage localisé de 2-AG par l'inhibition ciblée de MAGL dans le cortex insulaire réduit les nausée aiguësReference 290. De même, l'infusion de 2-AG dans le cortex insulaire bloque de manière liée à la dose les nausées anticipées, tandis que la perfusion d'anandamide n'avait aucun effet. Ces résultats suggèrent que le 2-AG, mais pas l'anandamide, entraîne les nausées aiguës et anticipatrices. Ailleurs, il a été montré que l'élévation des endocannabinoïdes tels que l'anandamide et le 2-AG par inhibition des enzymes de dégradation des endocannabinoïdes, FAAH et MAGL, supprime les nausées aiguës et anticipées chez les modèles animauxReference 291Reference 625 et une perfusion localisée d'un agoniste du récepteur CB1 à restriction périphérique dans le cortex insulaire viscéral avait supprimé le comportement analogue à la nausée chez le rat, alors que l'administration systématique n'avait aucun effetReference 614.
Une étude in vivo chez l'animal et une étude clinique de petite envergure suggèrent aussi que le Δ8-THC est un antiémétique plus puissant que le Δ9-THCReference 99Reference 100. Une étude in vitro montre aussi que le Δ9-THC, outre son action aux récepteurs CB1, antagonise aussi le récepteur 5-HT3 Reference 626, lequel est la cible des médicaments antiémétiques standard. Il est donc possible que les cannabinoïdes puissent exercer leur action antiémétique au moyen de plus d'un mécanisme. D'autres études portant sur les nausées et les vomissements menées chez des animaux montrent que le CBD (5 mg/kg, sous-cutanée (s.c.)) inhibe les vomissements (et les nausées) provoqués par des produits chimiques grâce à une activation potentielle des autorécepteurs 5-HT1A somatodendritiques situés au niveau du noyau du raphé dorsalReference 620, tandis qu'une autre étude indique que les effets antiémétiques du CBD pourraient être réversibles par un prétraitement au CBG [5 mg/kg, intrapéritonéal (IP)]Reference 621.
Acides cannabinoïdes et autres cannabinoïdes
Des travaux supplémentaires ont révélé les nouveaux rôles importants des acides cannabinoïdes (c.-à-d. THCA, CBDA) dans l'inhibition des nausées et des vomissements dans les modèles animauxReference 615Reference 616Reference 618Reference 627Reference 628. Dans une étude, lorsqu'il était administré seul, le CBDA administré à une très faible dose (0,5 µg/kg, IP), inhibe le comportement modélisant des nausées aiguës et une dose sous-liminaire de CBDA (0,1 µg/kg IP), lorsqu'elle est administrée avec de l'ondansétron à une dose de 1 µg/kg, produit une amélioration de l'effet antiémétique aiguReference 618. En outre, la dose efficace de CBDA qui a atténué les nausées aiguës était environ 1 000 fois plus faible que celle du CBDReference 618. Le THCA, administré à des doses de 0,5 et 0,05 mg/kg (IP), a réduit les comportements modélisant les vomissements et nausées aiguës; à une dose de 0,05 mg/kg (IP), il a diminué les comportements modélisant les nausées d'anticipation dans les modèles animaux de nausées et de vomissements aigus et d'anticipationReference 616.
Le THCA a démontré un manque d'activité des récepteurs CB1Reference 629 et son administration n'a pas été associée à certains signes comportementaux classiques des agonistes des récepteurs CB1 chez les animaux (c.-à-d'hypothermie, catalepsie)Reference 616, ce qui confirme de précédents résultats d'absence d'effet psychoactif associé au THCA chez les animauxReference 630. Le THCA s'est aussi révélé au moins 10 fois plus puissant que le THC pour réduire les modèles de nausées aiguës et d'anticipationReference 616.
D'autres travaux ont montré que le THC, le CBDA et la benzodiazépine chlordiazépoxide réduit le comportement modélisant les nausées d'anticipationReference 615. Dans cette étude, le CBDA (0,001, 0,01 et 0,1 mg/kg IP) s'est révélé être entre 5 et 500 fois plus puissant que le THC (0,5 mg/kg) pour réduire les nausées d'anticipation et 20 fois plus puissant que la chlordiazépoxide (10 mg/kg). Le traitement par le CBDA n'était pas associé à des effets sur l'activité de locomotion, quelle que soit la dose testée, tandis que la chlordiazépoxide a diminué de manière significative l'activité de locomotion. La coadministration de doses sous-liminaires de CBDA (0,1 µg/kg IP) et de THCA (5 µg/kg IP) a réduit le comportement modélisant les nausées d'anticipation et les études pharmacologiques laissent supposer l'intervention des récepteurs CB1 (pour le THCA) et 5-HT1A (pour le CBDA) dans le mécanisme de répression des nausées d'anticipation. Des recherches plus approfondies sont nécessaires pour élucider les données contradictoires concernant le mécanisme d'action, le cas échéant, du THCA au récepteur CB1. Quant au CBDA, une dose aussi faible que 1 µg/kg (IP) a manifestement inhibé les nausées d'anticipation dans un modèle animal et comparativement aux doses de CBD nécessaires pour le même degré d'effet (1 à 5 mg/kg IP), on pourrait dire que le CBDA était 1 000 à 5 000 fois plus puissant que le CBD pour réprimer les nausées d'anticipation.
D'autres études menées sur des animaux ont montré que l'administration de doses sous-liminaires de THC (0,01 et 0,1 mg/kg IP) et de CBDA (0,01 et 0,1 µg/kg IP) diminue les nausées aiguës et que des doses plus élevées de THC (1 et 10 mg/kg IP) ou de CBDA (1 et 10 µg/kg IP) administrées seules réduisent également les nausées aiguësReference 627. Contrairement à l'effet observé pour les nausées aiguës, les doses sous-liminaires combinées de THC et de CBDA n'ont pas réprimé les nausées d'anticipation chez les animaux. Les doses plus élevées de THC (1 et 10 mg/kg IP) ou de CBDA (1 et 10 µg/kg IP) se sont avérées efficaces pour réduire les nausées d'anticipation. La dose plus élevée de THC (10 mg/kg) a été associée à une hypoactivité non atténuée par le CBDA.
Une étude subséquente a examiné les effets de la combinaison du CBD avec le THC et du CBDA avec le THC sur les nausées et vomissements aigusReference 628. L'étude a montré que 2,5 mg/kg de CBD (IP), en combinaison avec 1 mg/kg de THC (IP), a donné lieu à une inhibition des nausées et vomissements aigus dans un modèle animal et, de la même façon, lorsque 0,05 mg/kg (IP) de CBDA a été combiné à 1 mg/kg de THC, les nausées et vomissements aigus ont été considérablement inhibés. L'administration unique de 2,5 mg/kg de CBD, de 1 mg/kg de THC ou de 0,05 mg/kg (IP) de CBDA n'a pas été associée à une quelconque inhibition des nausées et vomissements aigus.
Outre le THC, le CBD, le THCA et le CBDA, deux autres phytocannabinoïdes, le THCV et la cannabidivarine (CBDV), ont été étudiés, bien que dans une moindre mesure, en vue d'examiner leur potentiel de réduction des nausées dans les modèles animauxReference 613. Il a été démontré que le THCV, à une dose de 10 mg/kg (IP), et le CBDV, à une dose de 200 mg/kg (IP), réduisent les nausées aiguës chez les rats, potentiellement par l'intermédiaire d'un mécanisme indépendant du récepteur CB1. En revanche, on ignore leur capacité à inhiber les nausées d'anticipationReference 619.
Ensemble, les résultats provenant des études précliniques mentionnées ci-dessus semblent indiquer que le Δ9-THC, le CBD, le CBDA et le THCA peuvent tous inhiber les nausées et les vomissements aigus, ainsi que les nausées d'anticipation, à différents degrés et avec une puissance et une efficacité qui varient, tandis que le THCV et le CBDV inhibent les nausées aiguës. De plus, certains de ces cannabinoïdes, lorsqu'ils sont combinés et utilisés à une dose sous-liminaire, au lieu d'être utilisés seuls, peuvent produire des effets synergiques anti-émétiques.
Études cliniques
Les données sur le cannabis fumé et les cannabinoïdes sur ordonnance tels que le nabilone (CesametMD), le dronabinol (MarinolMD) (et le lévonantradol) dans le traitement des NVIC ont été examinéesReference 174Reference 205Reference 594Reference 631. Une méta-analyse et l'analyse systématique de 28 essais cliniques à répartition aléatoire (N = 2 454 participants) portant sur les cannabinoïdes effectués à l'aide de l'approche GRADE signalent que les cannabinoïdes procurent des bienfaits plus importants comparativement aux comparateurs actifs et au placeboReference 174. Toutefois, ces études n'atteignent pas toutes une signification statistique. Le nombre moyen de patients présentant une réponse complète contre des nausées et des vomissements est plus élevé avec les cannabinoïdes sur ordonnance (dronabinol ou nabiximols) qu'avec le placebo (RC = 3,82 [IC à 95 % : 1,55 à 9,42]).
Alors que les cannabinoïdes sur ordonnance présentent des avantages évidents par rapport au placebo dans le contrôle des NVIC, les données provenant d'essais randomisés démontrent que d'un point de vue clinique, ils ne sont que légèrement supérieurs aux antiémétiques antagonistes conventionnels des récepteurs de dopamine D2Reference 205Reference 631. Dans certains cas, les patients semblaient préférer les cannabinoïdes à ces thérapies conventionnelles, malgré l'augmentation de l'incidence des effets indésirables tels que la somnolence, les étourdissements, la dysphorie, la dépression, les hallucinations, la paranoïa et l'hypotension artérielle. Cela s'explique en partie par le fait que pour certains patients, un degré de sédation et d'euphorie peut être perçu comme étant bénéfique pendant une chimiothérapie.
Bien qu'il n'existe pas d'essais cliniques examinés par les pairs sur le traitement au cannabis fumé des NVIC, Musty et Rossi ont publié une revue portant sur les essais cliniques à ce sujet menées aux É.-U.Reference 293. Il y a eu un soulagement des nausées et des vomissements à une hauteur de 70 à 100 % chez les patients ayant fumé du cannabis, tandis que chez ceux ayant eu recours à la gélule de Δ9-THC, le soulagement était de 76 à 88 %. Les concentrations plasmatiques au dessus de 10 ng/mL du Δ9-THC ont été associées à l'inhibition la plus importante des nausées et des vomissements, bien que les concentrations allant de 5 à 10 ng/mL aient été aussi efficaces. Dans tous les cas, les patients n'étaient admis qu'après que leur traitement régulier aux antiémétiques phénothiazines ait échoué.
Une petite étude ouverte avec huit enfants atteints par divers cancers du sang ayant été administré une dose de Δ8-THC (18 mg/m2) deux heures avant le début de leurs traitements chimiothérapeutiques et aux six heures au cours des 24 heures suivantes a réussi a prévenir les vomissements et aucun épisode retardé de nausée ou de vomissement n'a été observé au cours des deux prochains jours suivant les traitements antinéoplastiquesReference 100. Le Δ8-THC pouvait aussi être administré à des doses considérablement plus élevées que celles du Δ9-THC généralement administré à des patients adultes sans la présence d'effets secondaires graves.
Peu, sinon aucun essai clinique comparant directement les cannabinoïdes aux nouveaux antiémétiques tels que les antagonistes des récepteurs 5-HT3 (ondansétron, granisétron) ou neurokinine 1 (NK-1) n'a été mené jusqu'à maintenantReference 610Reference 631. Dans un essai clinique de petite envergure comparant le cannabis fumé (2,11 % de Δ9-THC en doses de 8,4 mg ou 16,9 mg de Δ9-THC; 0,30 % de CBN, 0,05 % de CBD) à l'ondansétron (8 mg) contre les nausées et les vomissements provoqués par l'ipécacuanha chez des volontaires en santé a démontré que les deux doses de Δ9-THC avaient baissé les évaluations subjectives de la nausée ainsi que les mesures objectives des vomissements; toutefois ces effets s'en trouvaient très modestes par rapport à l'ondansétronReference 294. En outre, seul le cannabis a entraîné des changements d'humeur et d'état subjectif. Dans une autre étude clinique à petite taille d'échantillon, l'ondansétron et le dronabinol (2,5 mg de Δ9-THC le premier jour, 10 mg le deuxième jour, 10 à 20 mg par la suite) ont tous les deux offert le même degré de soulagement aux NVIC retardés, et la combinaison du dronabinol et de l'ondansétron n'ont ajouté aucun avantage au-delà de ceux observés avec un seul agentReference 632. Toutefois, deux études chez l'animal ont démontré que de faibles doses de Δ9-THC combinées à de faibles doses des antagonistes des récepteurs 5-HT3, l'ondansétron ou le tropisétron, étaient plus efficaces dans la diminution de la fréquence des nausées et vomissements que lorsqu'elles étaient administrées individuellementReference 633Reference 634. Davantage de recherches sont nécessaires afin de déterminer si la thérapie combinatoire offre plus d'avantages que ceux observés avec les traitements standards plus récents.
Un examen rétrospectif des dossiers sur l'utilisation du dronabinol pour lutter contre les NVIC chez les adolescents atteints de cancer (c.-à-d. leucémie, lymphome, sarcome, tumeur cérébrale) dans un hôpital pédiatrique de niveau tertiaire a indiqué que la plupart des patients qui recevaient une chimiothérapie modérément ou hautement émétisante et un traitement antiémétisant standard (c.-à-d. antagoniste du récepteur 5-HT3 et corticostéroïdes) recevaient aussi du dronabinolReference 635. La dose de dronabinol la plus souvent prescrite dans le cadre de cette étude était 2,5 mg/mReference 2 de solution orale toutes les six heures (selon les besoins) et le nombre médian de doses de dronabinol reçues par hospitalisation était de 3,5. Soixante pour cent des enfants de cette étude auraient répondu favorablement au dronabinol. Cette étude pose notamment les limites suivantes : recherche rétrospective, absence de groupe de comparaison, absence de normalisation de la chimiothérapie et absence de régimes antiémétiques normalisés.
L'usage des cannabinoïdes (administrés par voie orale ou fumée) est actuellement considéré comme la quatrième meilleure thérapie auxiliaire contre les NVIC là où les thérapies antiémétiques conventionnelles ont échouéReference 414Reference 636-Reference 640. Le nabilone (CesametMD) et le dronabinol (MarinolMD) sont indiqués pour le traitement des NVICReference 222Reference 488, cependant le dronabinol n'est plus disponible à la vente sur le marché canadien. Le nabilone peut être administré par voie orale chaque 12 h à des posologies de 1 à 2 mg, tandis que le dronabinol peut être administré chaque 6 à 8 h par voie orale, par voie rectale ou par voie sublinguale à des posologies de 5 à 10 mgReference 308Reference 641.
4.4 Syndrome cachectique (cachexie, p. ex. résultant de la blessure des tissus par l'infection ou d'une tumeur) et perte de l'appétit (anorexie) chez les patients souffrant du SIDA ou d'un cancer, et de l'anorexie mentale
- Les données disponibles provenant d'études cliniques chez l'humain suggèrent que le cannabis (données limitées) et le dronabinol pourraient augmenter l'appétit et la consommation de calories, et promouvoir le gain de poids chez les patients atteints du VIH/SIDA.
- Les preuves pour le dronabinol sont toutefois mixtes et les effets sont modestes chez les patients atteints de cancers et sont faibles chez les patients atteints d'anorexie mentale.
La capacité du cannabis à stimuler l'appétit suite à une exposition aiguë est connue de façon anecdotique depuis des annéesReference 309. En outre, les résultats provenant d'études épidémiologiques portent à croire que les personnes qui consomment activement du cannabis ont un plus grand apport en énergie et en nutriments que ceux qui n'en consomment pasReference 642. Des études en laboratoire contrôlées avec des sujets sains suggèrent que l'exposition aiguë au cannabis, par inhalation ou par ingestion orale de capsules de Δ9-THC, est corrélée nettement à l'augmentation de la consommation d'aliments, de l'apport calorique et du poids corporelReference 309Reference 310. Des études indiquant une forte concentration de récepteurs CB1 dans les zones cérébrales associées au contrôle de l'apport alimentaire et de la satiété confèrent un appui supplémentaire au lien entre la consommation du cannabis et la régulation de l'appétitReference 643-Reference 645. De plus, d'autres données suggèrent aussi que le SEC joue un rôle non seulement dans la modulation de l'appétit, l'apport et la palatabilité alimentaires, mais aussi dans le métabolisme énergétique et la modulation des métabolismes lipidique et glucosique (articles de revueReference 19Reference 644-Reference 646).
4.4.1 Pour stimuler l'appétit et engendrer un gain de poids chez les patients atteints du SIDA
La capacité du cannabis à stimuler l'appétit et la consommation d'aliments a été mise en application dans des situations cliniques où le gain de poids est considéré bénéfique, comme dans le cas de la perte de poids et de muscles associée au VIH.
Une étude multicentrique randomisée ouverte visant à évaluer l'innocuité et la pharmacocinétique du dronabinol et de l'acétate de mégestrol (médicament à effet orexigène) seul ou en combinaison a relevé que seul le traitement à forte dose de l'acétate de mégestrol seul (750 mg par jour), et non le dronabinol seul (2,5 mg, b.i.d., 5 mg du Δ9-THC total par jour) ou la combinaison de la faible dose d'acétate de mégestrol (250 mg par jour) et du dronabinol (2,5 mg b.i.d., 5 mg du Δ9-THC total par jour), a réussit à produire une augmentation significative du poids moyen pendant 12 semaines de traitement chez des patients atteints du syndrome cachectique consécutif au VIHReference 647. L'absence d'effets cliniques observés dans cette étude pourrait avoir été causée par la faible dose du dronabinol.
Malgré les observations de l'étude mentionnée ci-dessus, l'anorexie associée à la perte de poids chez les patients atteints du SIDA est une indication pour le dronabinol (MarinolMD) au Canada (plus disponible au Canada). La monographie du MarinolMD résume un essai randomisé à double insu, de six semaines, contrôlé par placebo, avec 139 patients, dont 72 sont du groupe expérimental qui ont reçu au départ 2,5 mg de dronabinol deux fois par jour, puis une dose réduite de 2,5 mg à l'heure du coucher à cause des effets indésirables (sensation de « high », étourdissements, confusion et somnolence)Reference 648. Au cours de la période de traitement, le dronabinol a augmenté l'appétit considérablement avec une tendance vers l'amélioration du poids corporel, une meilleure humeur et une diminution des nausées. À la fin des six semaines, l'on a permis aux patients de continuer avec la prise du dronabinol, et pendant ce temps, l'appétit a continué de s'améliorerReference 649. Cette étude secondaire ouverte de suivi, menée sur 12 mois, suggère que l'usage à long terme du dronabinol est sécuritaire et efficace dans le traitement de l'anorexie associée à la perte de poids chez les patients atteints du SIDA. L'usage de fortes doses du dronabinol (20 à 40 mg par jour) est rapporté aussi bien dans la monographie du MarinolMDReference 222 que dans la littératureReference 218Reference 219. Toutefois, il faudrait faire preuve de prudence en augmentant la dose à cause de la fréquence accrue des effets indésirables.
Une étude clinique utilisant de plus fortes doses de dronabinol ou de cannabis fumé a démontré que l'administration aiguë de fortes doses de dronabinol (quatre à huit fois la dose normale de 2,5 mg de Δ9-THC b.i.d ou de 10 à 20 mg de Δ9-THC quotidiennement, trois fois par semaine pour un total de huit séances) et de cannabis fumé (trois bouffées à intervalles de 40 secondes avec des cigarettes d'environ 800 mg contenant 1,8 à 3,9 % de THC fournissant donc une quantité quotidienne estimée totale de 14,4 à 31,2 mg de THC dans la cigarette, trois fois par semaine pour un total de huit séances d'étude) a augmenté l'apport calorique chez des fumeurs de cannabis habitués séropositifs pour le VIH affectés de perte de masse musculaire cliniquement importanteReference 219. Une étude ultérieure sur des patients hospitalisés a utilisé des doses encore plus fortes de dronabinol (20 à 40 mg de Δ9-THC total quotidiennement sur une période de quatre jours) et de cannabis fumé (cigarettes d'environ 800 mg contenant 2 à 3 % de THC, administrés quatre fois par jour, fournissant une quantité quotidienne estimée totale de 64 à 125 mg de THC quotidiennement dans la cigarette, au cours d'une période d'étude totale de quatre jours)Reference 218. Les deux drogues ont produit une augmentation substantielle et comparable de la consommation d'aliments et du poids corporel, ainsi qu'une amélioration de l'humeur et du sommeilReference 218Reference 219. D'autres études ont démontré que les augmentations du poids corporel associé au cannabis dans cette population de patients semblent être le résultat d'une augmentation de la masse adipeuse et non de la masse musculaire maigreReference 650Reference 651.
Une sous-étude pilote croisée à double insu contrôlée par placebo examinant les effets de l'utilisation du cannabis sur les hormones de l'appétit chez des hommes adultes porteurs du VIH et présentant une neuropathie sensorielle associée au VIH sur une combinaison de traitements antirétroviraux (TARs) a relevé que, comparativement au placebo, le cannabis fumé (1 à 8 % de THC) est associé à une augmentation significative des niveaux plasmatiques de ghréline (une augmentation de 42 % p/r à une diminution de 12 % avec le placebo) et de leptine (augmentation de 67 % p/r à 11,7 % avec le placebo) et à une diminution des niveaux plasmatiques du peptide YY (diminution de 14,2 % p/r à une augmentation de 23 % avec le placebo)Reference 652. Les concentrations plus élevées de THC ont été associées à une plus forte augmentation de la ghréline, révélant une relation dose-réponse et une augmentation plus faible de la leptine; aucune dose-réponse n'a été observée pour le peptide YY.
Une méta-analyse et une analyse systématique de 28 essais à répartition aléatoire (N = 2 454 participants) portant sur les cannabinoïdes (c.-à-d. cannabis fumé, nabiximols, nabilone, dronabinol, CBD, THC, levonontradol, acide ajulémique) effectués à l'aide de l'approche GRADE signalent qu'il existait des données selon lesquelles le dronabinol a été associé à une augmentation du poids comparativement au placebo et qu'il peut aussi être associé à une augmentation de l'appétit, à un pourcentage plus élevé des réserves lipidiques, à une diminution du nombre de nausées et à l'amélioration de l'état fonctionnel des patients atteints du VIH/SIDAReference 174.
4.4.2 Pour stimuler l'appétit et engendrer un gain de poids chez les patients atteints d'un cancer
L'anorexie est classée comme un des symptômes dégageant le plus de complications associées au cancer avancé, plus de la moitié des patients atteints d'un cancer avancé vivant un manque d'appétit ou une perte de poids, ou les deuxReference 653Reference 654. Alors qu'il est connu de façon anecdotique que fumer du cannabis peut stimuler l'appétit, les effets sur l'appétit et le gain de poids chez les patients souffrant de cachexie causée par un cancer n'ont pas été étudiés. Les résultats d'essais cliniques avec le Δ9-THC (dronabinol) par voie orale ou l'extrait de cannabis par voie orale sont contrastés et les effets, s'il en existe semblent modestes (recensé dans l'articleReference 311.
Dans deux études précoces, le THC par voie orale (le dronabinol) a amélioré l'appétit et l'alimentation chez certains patients suivant une chimiothérapieReference 316Reference 317. Une étude ouverte sur le dronabinol (2,5 mg de Δ9-THC, deux à trois fois par jour pendant quatre à six semaines) chez les patients atteints d'un cancer inopérable ou avancé a indiqué un meilleur appétit et une meilleure alimentation, mais seulement quelques patients ont pu gagner du poidsReference 314Reference 315. L'on a obtenu un gain de poids modeste avec une dose plus importante de dronabinol (5 mg, t.i.d.), mais les effets indésirables sur le SNC, y compris des étourdissements et de la somnolence, ont été des facteurs limitantsReference 318. En revanche, une étude randomisée, à double insu et contrôlée contre placebo menée auprès des patients atteints d'un cancer et souffrant du syndrome d'anorexie-cachexie n'a pas démontré de différence entre les appétits des patients dans l'ensemble des catégories de traitement (extrait de cannabis par voie orale, Δ9-THC ou placebo)Reference 312. De plus, lorsqu'on le compare à l'acétate de mégestrol, un médicament orexigène, le dronabinol était beaucoup moins efficace dans l'amélioration de l'appétit et le gain de poids signalésReference 313.
Une étude pilote de phase II bicentrique menée à double insu, randomisée et contrôlée contre placebo sur une période de 22 jours auprès des patients adultes atteints d'un cancer avancé a rapporté des améliorations renforcées de la perception chimiosensorielle (c.-à-d. des modifications de l'olfaction et de la gustation) chez des patients traités avec le dronabinol (2,5 mg de Δ9-THC b.i.d.) par rapport à ceux ayant reçu un placeboReference 604. La majorité (73 %) des patients traités avec le dronabinol ont auto déclaré une appréciation globale accrue pour la nourriture par rapport à ceux ayant reçu un placebo (30 %). De la même manière, la majorité des patients traités au dronabinol (64 %) ont rapporté une augmentation de l'appétit, tandis que la majorité des patients recevant le placebo ont rapporté une diminution de l'appétit (50 %) ou aucun changement (20 %). L'apport calorique total par kilogramme de poids n'avait pas sensiblement différé entre groupes de traitement, mais il s'était accru dans les deux groupes, comparativement à la normale. En outre, par rapport au placebo, les patients traités au dronabinol ont rapporté une augmentation de leurs apports en protéines proportionnellement à l'énergie totale. Selon les auteurs de l'étude, les effets psychoactifs négatifs ont été minimisés en commençant le traitement du patient par une faible dose (2,5 mg de Δ9-THC, une fois par jour pendant trois jours) suivi d'une augmentation progressive de la dose (jusqu'à un maximum de 7,5 mg de dronabinol par jour).
Selon un examen de la gestion médicale de la cachexie causée par un cancer, le niveau de preuves actuel pour les cannabinoïdes (p. ex. le dronabinol) dans le traitement de cette maladie demeure faibleReference 655. La cachexie causée par un cancer n'est pas une indication de traitement au dronabinol au Canada, ni aux É.-U.
4.4.3 Anorexie mentale
Le SEC participe à la régulation de l'appétit et l'on croit qu'il joue un rôle dans les troubles de l'alimentation comme l'anorexie mentaleReference 644Reference 656. Une augmentation de l'activité du SEC périphérique (c.-à-d. augmentation de l'anandamide plasmatique et de l'expression de l'ARNm du récepteur CB1 dans le sang) a été constatée chez les patients atteints de troubles de l'alimentationReference 657. Bien que des études épidémiologiques et familiales laissent supposer que l'anorexie mentale aurait des fondements génétiques, les études sur la génétique n'indiquent jusqu'à maintenant aucune association entre l'encodage génétique des protéines du SEC et la manifestation d'anorexie mentaleReference 658Reference 659.
Aucune étude n'a examiné les effets de fumer du cannabis sur l'anorexie mentale et des renseignements limités existent sur l'utilisation des cannabinoïdes pour le traitement de l'anorexie mentale. De plus, des différences inter et intraespèces animales quant au comportement associé à l'anorexie mentale ont dans une certaine mesure entravé les recherches pré-cliniques sur les effets du Δ9-THC sur ce trouble.
Une étude de l'anorexie mentale menée sur un modèle de souris a rapporté des résultats contradictoiresReference 660, tandis qu'une autre étude sur un modèle de rat n'a rapporté une atténuation importante de la perte de poids qu'à de fortes doses de Δ9-THC (2,0 mg/kg par jour de Δ9-THC IP)Reference 661.
Un essai croisé randomisé de petite envergure du Δ9-THC par voie orale chez des patients de sexe féminin a suggéré que le THC a entraîné un gain de poids équivalent au placebo actif (diazépam)Reference 320. Le Δ9-THC a été administré en doses quotidiennes augmentant de 7,5 mg (2,5 mg, t.i.d.) à 30 mg (10 mg, t.i.d.) au maximum, 90 minutes avant les repas sur une période de deux semaines. De graves réactions dysphoriques ont été rapportées chez trois des onze patients à qui l'on a administré le Δ9-THC, lesquels se sont retirés de l'étude.
Enfin, une étude clinique prospective, randomisée, croisée de quatre semaines à répartition aléatoire et à double insu portant sur l'administration de doses quotidiennes de 5 mg de dronabinol chez 24 femmes adultes atteintes d'anorexie grave chronique montre une augmentation légère, mais significative, de l'indice de masse corporelle (IMC) comparativement au placeboReference 319.
4.5 Sclérose en plaques, sclérose latérale amyotrophique, traumatisme médullaire et les maladies de la moelle épinière
- Les données provenant d'études précliniques suggèrent que le THC, le CBD et le nabiximols soulagent les symptômes de tremblements, d'hypertonie spastique et d'inflammation associés à la sclérose en plaques (SP).
- Les données disponibles d'essais cliniques suggèrent que le cannabis (données limitées) et certains cannabinoïdes (dronabinol, nabiximols, THC/CBD) sont associés à une certaine amélioration des symptômes de la SP et du traumatisme médullaire (TM), y compris la spasticité, les spasmes, la douleur, le sommeil et les symptômes associés au dysfonctionnement de la vessie.
- Des données très limitées provenant d'études précliniques suggèrent que certains cannabinoïdes délaient de manière modeste la progression de la maladie et prolongent la survie dans des modèles animaux de sclérose latérale amyotrophique (SLA), alors que les résultats d'un nombre très limité d'études cliniques sont mixtes.
La SP est une maladie à médiation (auto)immunitaire, démyélinisante et neurodégénérative chronique du SNC qui touche deux à trois millions de personnes dans le monde et qui se caractérise par des périodes de poussées neurologiques cycliques et par une perte des capacités s'échelonnant sur plusieurs annéesReference 662Reference 663. La démyélinisation et la perte axonale et neuronale dans différentes voies neuronales du SNC entraînent divers problèmes cognitifs, sensoriels et de motricité (p. ex. douleur et spasticité) qui s'accumulent à mesure que la maladie évolueReference 662. La SLA est une maladie neurodégénérative progressive causée par des atteintes sélectives des motoneurones dans la moelle épinière, le tronc cérébral et le cortex moteurReference 664. Bien que la majorité des cas soient sporadiques, des cas familiaux peuvent survenir dans un mode de transmission génétique récessif autosomique, dominant ou dominant lié par le chromosome XReference 665. La pathogenèse de la SLA comprend les lésions excitotoxiques, l'inflammation chronique, le stress oxydatif et l'agrégation de protéinesReference 664.
Un examen systématique de l'efficacité et de l'innocuité des cannabinoïdes pour le traitement de troubles neurologiques sélectionnés comprenant des symptômes comme l'hypertonie spastique, la douleur centralisée, des spasmes musculaires douloureux, des troubles urinaires et des tremblements associés à la SP, par exemple, a suggéré que, selon les données disponibles d'essais cliniques, les cannabinoïdes étaient vraisemblablement efficaces pour le soulagement de l'hypertonie spastique signalée par le patient et mesurée objectivement, efficaces ou vraisemblablement efficaces pour le soulagement de la douleur centrale ou des spasmes musculaires douloureux, vraisemblablement efficaces pour la réduction du nombre de mictions par jour, mais n'étaient probablement pas efficaces pour le soulagement de plaintes de la vessie et ne sont probablement ou possiblement pas efficaces pour la réduction des tremblementsReference 666.
En revanche aux observations de l'examen systématique ci-dessus, une méta-analyse et une analyse systématique plus récentes de 28 essais cliniques à répartition aléatoire (N = 2 454 participants) portant sur les cannabinoïdes (c.-à-d. cannabis fumé, nabiximols, nabilone, dronabinol, CBD, THC, levonontradol, acide ajulémique) effectués à l'aide de l'approche GRADE révèlent que les cannabinoïdes sont associés à une amélioration de la spasticité, mais qu'elle ne parvient pas à atteindre une importance statistiqueReference 174. Les cannabinoïdes (nabiximols, dronabinol et THC/CBD) ont été associés à une amélioration moyenne plus importante de la spasticité sur l'échelle d'Ashworth comparativement au placebo, bien qu'elle n'ait pas atteint une importance statistique. Les cannabinoïdes (nabilone et nabiximols) ont également été associés à une amélioration moyenne plus importante de la spasticité évaluée à l'aide d'échelles numériques. Aussi, le nombre moyen de patients ayant signalé une amélioration d'un score d'impression globale de changement a été plus élevé avec le nabiximols qu'avec le placebo.
Les différences entre les observations de ces deux examens systémiques des cannabinoïdes pour des troubles neurologiques sélectionnés comprennent des différences de méthodologie, d'approche et de critères d'inclusion et d'exclusion. Néanmoins, les deux examens systématiques suggèrent que le cannabis ou les cannabinoïdes étaient associés à un certain niveau de soulagement de l'hypertonie spastique, de spasmes musculaires et de la douleur pour certains des troubles neurologiques sélectionnés (p. ex., la SP, le TM et les maladies de la moelle épinière).
Vous retrouverez ci-dessous un résumé des données examinées par les pairs sur l'utilisation du cannabis et des cannabinoïdes dans le traitement de la SP, la SLA, le TM et les maladies de la moelle épinière.
4.5.1 Sclérose en plaques
De nombreuses études aussi bien chez les patients souffrant de SP que sur les modèles animaux de la maladie suggèrent que le trouble est associé aux changements des niveaux d'endocannabinoïdes, bien que les conclusions restent contradictoiresReference 662Reference 663Reference 667-Reference 670.
Études précliniques
Des études précliniques chez différentes espèces d'animal suggèrent que les cannabinoïdes améliorent les signes du dysfonctionnement moteur dans des modèles expérimentaux de la SP (articles de revueReference 662Reference 663Reference 671). Lyman a été l'une des premières personnes à faire état des effets du Δ9-THC dans l'un de ces modèlesReference 672. Dans son étude, des animaux atteints traités au Δ9-THC ne présentaient aucun signe clinique de la maladie ou des signes cliniques légers à apparition retardée. Les animaux traités ont typiquement connu une réduction nette de l'inflammation des tissus du SNC par rapport aux animaux non traités. Des études ultérieures sur des modèles murins de la SP ont corroboré et élargi ces conclusions, démontrant que le Δ9-THC, mais pas le CBD, a amélioré non seulement les tremblements, mais aussi la spasticité, tout en diminuant la gravité clinique de la maladie en généralReference 667Reference 673. Des travaux supplémentaires soulignent l'importance des récepteurs CB1 dans le contrôle des tremblements, de la spasticité et de la réponse neuroinflammatoire. Par contre, le rôle exact du récepteur CB2 dans la SP reste quelque peu imprécis, quoique l'on croie qu'il joue un rôle dans la régulation de la réponse neuroinflammatoireReference 673-Reference 675.
Deux études ont examiné les effets thérapeutiques potentiels de trois types d'extraits de cannabis d'origine végétale sur différents modèles de souris atteintes de SP (c.-à-d. la maladie démyélinisante induite par le virus de l'encéphalomyélite murine de Theiler et l'encéphalite auto-immune expérimentale)Reference 676Reference 677. Les extraits utilisés étaient un extrait semblable au nabiximols contenant un ratio du THC et de CBD de 1 : 1 à 10 mg/kg pour chaque phytocannabinoïde, un extrait riche en THC (5 mg/kg ou 20 mg/kg) contenant 67,1 % de THC, 0,3 % de CBD, 0,9 % de CBG, 0,9 % de CBC et 1,9 % d'autres phytocannabinoïdes ou un extrait riche en CBD (5 mg/kg ou 20 mg/kg) contenant 64,8 % de CBD, 2,3 % de THC, 1,1 % de CBG, 3 % de CBC et 1,5 % d'autres phytocannabinoïdes. L'une des études signale qu'un schéma thérapeutique de 10 jours avec l'extrait semblable au nabiximols a amélioré l'activité motrice et réduit les infiltrats du SNC, l'activité microgliale et les dommages axonaux et rétabli la morphologie de la myéline; l'extrait riche en CBD (5 mg/kg) seul a semblé atténuer la dégénérescence motrice d'une manière similaire à l'extrait semblable au nabiximols, tandis que l'extrait riche en THC (5 mg/kg) a semblé produire des effets plus faiblesReference 676. L'autre étude indique que le traitement avec l'extrait semblable au nabiximols (10 mg/kg) ainsi que l'extrait riche en THC (20 mg/kg), mais non l'extrait riche en CBD (20 mg/kg), a amélioré les déficits neurologiques habituellement observés chez les souris atteintes d'encéphalite auto-immune expérimentale et réduit également le nombre et l'étendue des agrégats cellulaires présents dans la moelle épinière. En revanche, l'extrait riche en CBD a semblé retarder l'apparition de la maladie seulement, sans toutefois retarder sa progression, et a réduit les infiltrats cellulaires dans la moelle épinièreReference 677. Dans l'ensemble, ces études indiquent que les effets thérapeutiques optimaux dans ces modèles animaux atteints de SP dépendent d'une combinaison de THC, CBD et, potentiellement, d'autres phytocannabinoïdes. Une autre étude a signalé que des traitements quotidiens topiques à l'aide d'une lotion contenant 1 % de CBD produisaient des effets neuroprotecteurs contre le modèle expérimental de l'encéphalomyélite auto-immune de la SPReference 441. Le traitement a été associé à une réduction du score d'activité clinique de la maladie, l'atténuation de la paralysie des membres inférieurs et l'amélioration des cotes histologiques (c.-à-d. la réduction de la démyélinisation, des pertes axonales et des infiltrations de cellules inflammatoires) et de l'expression de cytokines pro-inflammatoires.
Données historiques et d'enquêtes
Chez l'humain, des rapports publiés s'étendant sur une centaine d'années indiquent que les personnes souffrantes d'hypertonie spastique (l'un des symptômes associés à la SP) pourraient éprouver un soulagement avec le cannabisReference 678. En GB, 43 % des patients souffrant de la SP ont déclaré avoir fait l'expérience du cannabis à un moment donné et 68 % de cette population l'avait utilisé pour soulager les symptômes de la SPReference 679. Au Canada, l'on a rapporté en l'an 2000 que la prévalence de l'usage du cannabis à des fins médicales chez des patients à la recherche d'un traitement contre la SP se situait à 16 % en Alberta, 43 % des répondants signalant avoir eu recours au cannabis à un moment donné dans leurs viesReference 221. Quatorze pour cent des personnes souffrant de la SP interrogées en 2002 en Nouvelle-Écosse ont déclaré avoir utilisé le cannabis à des fins médicales, et 36 % déclarant avoir consommé le cannabis pour toute raisonReference 220. Les patients atteints de la SP ont indiqué avoir consommé du cannabis afin de gérer leurs symptômes tels que la spasticité et la douleur chronique, ainsi que l'anxiété ou la dépression, ou les deuxReference 220Reference 221. Les patients atteints de la SP ont aussi déclaré une amélioration de leur sommeil. Les dosages du cannabis fumé rapportés par ces patients varient de quelques bouffées à 1 g ou plus à la foisReference 220.
Études cliniques sur les cannabinoïdes administrés par voie orale (extrait de cannabis, THC par voie orale, le nabiximols)
Les conclusions d'essais randomisés contrôlés avec placebo des cannabinoïdes administrés par voie orale pour le traitement de la spasticité musculaire chez des patients souffrant de la SP sont encourageantes, mais elles restent modestes.
La vaste étude randomisée multicentrique contrôlée avec placebo du cannabis sur la SP (CAMS, CAnnabis in Multiple Sclerosis), qui a évalué les effets des cannabinoïdes dans le traitement de la spasticité et d'autres symptômes relatifs à la SP a fait participer plus de 600 patientsReference 384. Le résultat principal était la modification des mesures globales de spasticité selon l'échelle d'Ashworth. L'étude n'a pas démontré d'amélioration statistiquement significative dans l'échelle (objective) d'Ashworth chez les patients consommant un extrait de cannabis par voie orale ((CannadorMD) contenant 2,5 mg de Δ9-THC et 1,25 mg de CBD (et < 5 % d'autres cannabinoïdes)) ou de Δ9-THC pendant 15 semaines. Toutefois, il y a eu des données subjectives, signalées par les patients quant à l'effet du traitement significatif sur la spasticité et la douleur, avec des améliorations de la spasticité suite à l'administration de l'extrait de cannabis par voie orale (61 %) (doses de 5 à 25 mg de Δ9-THC, de 5 à 15 mg de CBD par jour et < 5 % d'autres cannabinoïdes, ajustés en fonction du poids corporel et dosés en tenant compte des effets secondaires) ou du Δ9-THC par voie orale (60 %) (doses de 10 à 25 mg de Δ9-THC par jour, ajusté en fonction du poids corporel et dosé en tenant compte des effets secondaires) par rapport au placebo (46 %). Les patients prenaient d'autres médicaments en même temps pour gérer les symptômes liés à la SP. En revanche, un suivi à long terme (12 mois) à double insu de l'étude du cannabis sur la SP (CAMS) a montré un léger effet du traitement au Δ9-THC par voie orale (doses de 5 à 25 mg de Δ9-THC par jour, ajusté au poids corporel et dosé selon les effets secondaires) sur la spasticité musculaire, évaluée par des méthodes objectives, tandis qu'un effet du traitement subjectif sur la spasticité musculaire a été constaté aussi bien en ce qui concerne le Δ9-THC par voie orale que l'extrait de cannabis par voie orale (CannadorMD)Reference 680. CannadorMD n'est pas présentement disponible au Canada.
D'autres essais cliniques randomisés sur les capsules d'extrait de cannabis standardisé (contenant 2,5 mg de Δ9-THC et 0,9 mg de CBD par capsule)Reference 681 ou le nabiximols (SativexMD)Reference 428Reference 682Reference 683 ont démontré des résultats semblables, soit des améliorations n'ont été constatées que pour les effetsrapportés par les patients, mais non pas avec les mesures objectives (p.ex. l'Échelle d'Ashworth). Les raisons expliquant ces divergences apparentes entre les mesures subjectives et objectives demeurent incertaines; toutefois, un certain nombre d'explications éventuelles pourraient justifier ces différences. Par exemple, l'on sait que la spasticité est un phénomène complexeReference 684 qui est influencé par les symptômes des patients, le fonctionnement physique et la disposition psychologiqueReference 680. La spasticité est intrinsèquement difficile à mesurer et elle ne possède pas un seul élément qui la définisseReference 683. De plus, la fiabilité et la sensibilité de l'échelle d'Ashworth (dans la mesure objective de la spasticité) ont été remises en questionReference 384Reference 683.
L'efficacité, l'innocuité et la tolérabilité de l'extrait de la plante entière du cannabis administré en capsules (2,5 mg de THC et 0,9 mg de CBD par capsule) ont fait l'objet d'une étude dans un essai clinique prospectif randomisé et croisé mené au cours de 14 jours à double insu et contrôlée avec placebo auprès des patients cliniquement stables souffrant de spasticité associée à la SP et ayant obtenu un score supérieur à 2 sur l'échelle d'AshworthReference 681. Un peu plus de la moitié des sujets de l'étude ont reçu une dose d'entretien de 20 mg ou plus de THC par jour (30 mg de THC par jour au maximum). Les patients prenaient en même temps des médicaments contre la spasticité. Bon nombre des sujets de l'étude avaient déjà expérimenté avec le cannabis; un nombre considérable de ceux qui s'étaient retirés de l'étude aussitôt qu'ils avaient débuté le traitement avec l'extrait du cannabis n'avaient pas d'expérience précédente avec le cannabis. Bien qu'il n'y ait pas eu de différences statistiquement significatives entre le traitement actif à l'extrait du cannabis et le placebo, les tendances en faveur du traitement actif pour la mobilité, la fréquence de spasme autodéclarée par les patients, ainsi que pour l'amélioration de la capacité à s'endormir ont été constatés. L'extrait du cannabis a été généralement bien toléré sans événements indésirables graves pendant la période de l'étude. Toutefois, des événements indésirables ont été légèrement plus fréquents et sévères pendant la période de traitement actif.
Nabiximols
Une étude clinique multicentrique randomisée menée sur six semaines, à double insu, à groupes parallèles et contrôlée avec placebo du nabiximols (SativexMD) pour le traitement de cinq principaux symptômes associés à la SP (spasticité, fréquence de spasme, problème de vessie, tremblements et douleur) a rapporté des résultats mitigésReference 428. Les patients souffraient de SP stable, tous types confondus, cliniquement confirmée, et étaient sous un régime posologique stable. La moitié environ des sujets de l'étude tant du groupe actif que du groupe placebo avait de l'expérience précédente avec du cannabis, que ce soit à des fins non médicales ou médicales. Bien qu'en se fondant sur le score global du symptôme principal [global primary symptom score], qui est une combinaison des scores de tous les cinq symptômes, il ne se soit dégagé de différence significative entre le groupe de traitement actif et le groupe placebo, les patients prenant l'extrait de cannabis ont démontré des différences statistiquement importantes par rapport au placebo en terme des mesures subjectives mais pas en terme de mesures objectives de la spasticité (c.-à-d. l'échelle d'Ashworth). Des différences statistiquement importantes ont aussi été décelées selon l'échelle d'évaluation de l'incapacité neurologique de Guy (Guy's Neurological Disability Score), et dans la qualité du sommeil mais pas en ce qui concerne la fréquence de spasme, la douleur, les tremblements ou les problèmes de vessie, entre autres mesures de résultats. Les patients ont effectué leurs propres titrages à une dose moyenne d'entretien du nabiximols de 40,5 mg de THC et 37,5 mg de CBD (c.-à-d. ~15 vaporisations par jour). Les effets indésirables associés au traitement actif ont été les étourdissements, la perturbation de la faculté d'attention, la fatigue, la désorientation, une sensation d'ivresse et le vertige.
Une étude clinique de suivi ouverte menée à long terme du nabiximols (SativexMD) a conclu que l'effet bénéfique observé dans l'étude par Wade et coll. 2004Reference 428 s'est poursuivi chez des patients qui avaient initialement bénéficié du médicament. La durée moyenne de participation des sujets s'étant inscrits dans l'étude de suivi était de 434 jours (marge de 21 à 814 jours)Reference 682. La quantité moyenne de doses quotidiennes prises par les sujets est demeurée constante ou légèrement réduite au fil du temps. La quantité moyenne de doses quotidiennes du nabiximols était de 11, soit l'équivalent d'une dose de 30 mg de THC et de 28 mg de CBD par jourReference 682. L'usage à long terme du nabiximols chez cette population de patients a été associé à des baisses quant aux mesures subjectives de la spasticité, de la fréquence de spasme, de la douleur et des problèmes de vessie. Les étourdissements, la diarrhée, les nausées, les céphalées et la somnolence étaient parmi les effets indésirables les plus fréquemment signalés, associés à l'usage chronique du nabiximols dans cette étude. Une étude de retrait de deux semaines intégrée à l'étude de suivi à long terme a suggéré que l'interruption de l'usage du nabiximols n'était pas associée à un syndrome de sevrage conséquent, mais que celle-ci était associée aux symptômes assimilés au sevrage (p.ex. perturbation de sommeil, bouffées de chaleur ou sensation de froid, fatigue, humeur dépressive, diminution de l'appétit, labilité émotionnelle, rêves d'apparence réelle, intoxication) de même que la réapparition ou l'aggravation de certains symptômes de la SP.
L'efficacité, l'innocuité et la tolérabilité du nabiximols dans le traitement de la SP ont fait l'objet d'enquête au cours d'une étude clinique randomisée de phase III multicentrique, menée sur six semaines, à double insu avec groupes parallèles et contrôlée avec placebo auprès des patients souffrant de SP stable qui n'avaient pas connu suffisamment de soulagement avec des approches thérapeutiques standardReference 683. Les patients devaient avoir une spasticité importante dans deux groupes musculaires au moins et un score de 2 ou plus sur l'échelle d'Ashworth pour pouvoir participer à l'étude. Un nombre important de patients avait de l'expérience précédente avec du cannabis. Quarante pour cent des sujets ayant été traités au nabiximols ont démontré une baisse auto déclarée de ≥ 30 % de spasticité sur une échelle d'évaluation numérique (EEN) subjective de 11 points par rapport aux sujets recevant le placebo (21,9 %) (différence en faveur du nabiximols = 18 %; IC à 95 % = 4,73, 31,52; p = 0,014). Le nombre moyen de vaporisations par jour était de 9,4 (~25 mg de THC et ~24 mg de CBD). Les sujets tant sous placebo que sous nabiximols ont présenté des incidences d'effets indésirables semblables, mais les effets sur le SNC s'en trouvaient plus courants au sein du groupe du nabiximols. La majorité d'événements indésirables ont été de sévérité légère ou modérée (p.ex. étourdissements, fatigue, humeur dépressive, désorientation, dysgeusie, perturbation de la faculté d'attention, vision floue).
Une étude d'observation, prospective, multicentrique et non interventionnelle sur la pratique clinique (c.-à-d. the MObility improVEment in MS-induced spasticity study, étude MOVE 2) a examiné l'innocuité et l'efficacité du nabiximols dans le traitement des symptômes associés à la SPReference 685. Des patients atteints de SP ont été suivis pendant trois à quatre mois afin de mesurer les résultats, la tolérabilité, la QV et la satisfaction par rapport au traitement. Avant de commencer l'administration du nabiximols, d'autres médicaments antispastiques ont été mis à l'essai chez 90 % des patients de l'étude et la plupart d'entre eux (73 %) se sont vus prescrire du nabiximols. Le nombre moyen de vaporisations par jour du nabiximols était de 6,9 (marge de 1 à 12) déclaré à la période de suivi 1 et de 6,7 (marge de 1 à 16) déclaré à la période de suivi 2. L'évaluation des patients selon les médecins laisse supposer qu'une série de traitements au nabiximols pendant un mois procure un soulagement de la spasticité liée à la SP résistante chez la plupart des patients auxquels le médicament a été administré. Après une période d'un mois, une première réponse à la spasticité a été décelée chez 42 % des patients et une réponse pertinente sur le plan clinique à la spasticité a été détectée chez 25 % de ces patients. Au troisième mois, une première réponse à la spasticité a été décelée chez 59 % des patients et une réponse pertinente sur le plan clinique à la spasticité a été détectée chez 40 % de ces patients. Les scores relatifs aux troubles moyens du sommeil ont diminué de 33 % au cours d'une période de traitement d'un mois chez les patients ayant présenté une première réponse et de 40 % chez les patients ayant manifesté une réponse pertinente sur le plan clinique. Les scores sur l'échelle d'Ashworth modifiée ont diminué de 12 % après un traitement d'un mois chez les patients ayant présenté une première réponse et de 15 % chez les patients ayant manifesté une réponse pertinente sur le plan clinique. Les scores sur l'échelle composite de santé physique de mesure de la QV dans la SP comportant 54 énoncés (MSQoL-54) et le score composite de santé mentale ont révélé une amélioration statistiquement significative au cours de la période de trois mois chez les patients présentant une première réponse et une réponse pertinente sur le plan clinique. Après un traitement au nabiximols de trois mois, la valeur moyenne de l'indice EQ-5D-3L est demeurée stable et une diminution statistiquement significative du pourcentage de patients considérant la raideur musculaire, la limitation de la mobilité, la douleur et les troubles de la vessie comme les symptômes les plus dérangeants a été observée. Dans l'ensemble, après la période de traitement de trois mois, près de 80 % de la population de patients à l'étude recevant du nabiximols étaient « totalement satisfaits » ou « satisfaits » de l'efficacité du nabiximols. Les événements indésirables les plus souvent observés avec le nabiximols ont été les étourdissements (4 %), la fatigue (2,5 %), la somnolence (1,9 %), les nausées (1,9 %) et l'assèchement de la bouche (1,2 %).
Une étude de prolongation de 12 mois sur l'essai clinique MOVE 2 visant à déterminer l'efficacité et l'innocuité à long terme du nabiximols dans la pratique clinique signale que parmi les 52 patients participant à l'étude qui étaient inclus dans l'analyse de l'efficacité, le score moyen de la spasticité sur une échelle numérique a diminué considérablement, passant de 6,0 points au début de l'étude à 4,8 points après un mois et est demeuré à ce niveau après la période de 12 mois, y compris chez les patients qui avaient présenté « une première réponse au traitement »Reference 686. Au début de l'étude, le score relatif aux troubles moyens du sommeil sur l'EEN était de 5,1 points dans le sous-échantillon de participants et, après 12 mois, il a diminué pour passer à 3,2 points. Chez les patients présentant une première réponse, les scores ont diminué, passant de 5,4 à 2,4 et chez les patients présentant une réponse pertinente sur le plan clinique les scores relatifs aux troubles moyens du sommeil sur l'EEN ont diminué, passant de 5,3 points à 1,9 point. En outre, les valeurs moyennes du score composite de santé physique du MSQoL-54 et le score moyen de santé mentale ont tous deux affiché des améliorations, sans être toutefois statistiquement significatifs. La valeur de l'indice EQ-5D-3L a affiché une amélioration au cours de la période de 12 mois chez les patients qui ont présenté une première réponse et une résponse pertinente sur le plan clinique. En outre, à la fin de l'étude, un nombre moins important de patients ayant présenté une première réponse et une réponse pertinente sur le plan clinique ont jugé que les symptômes relatifs à la spasticité liée à la SP, à savoir la raideur musculaire, la douleur, la limitation de la mobilité, la fatigue et les troubles de la vessie, ont été les plus dérangeants par rapport au début de l'étude. Du point de vue des patients, la capacité d'effectuer les activités quotidiennes s'est considérablement améliorée après un traitement de 12 mois au nabiximols, comparativement au début de l'étude, et moins de patients se sont plaints d'une déficience quotidienne dans les activités. L'amélioration était notamment plus prédominante chez les répondants que dans le groupe de l'étude considéré dans son ensemble. La plupart des patients n'ont pas signalé d'événements indésirables. Ceux qui ont été les plus souvent signalés sont notamment les troubles GI, les troubles psychiatriques et les troubles du système nerveux. Le nombre moyen de vaporisations quotidiennes du nabiximols était de 6,2 (marge de 2 à 12) et au moins un autre médicament antispastique a continué à être prescrit chez 28 patients (p. ex. baclofène, tizanidine, tolpérisone ou gabapentine).
Une étude pilote prospective de surveillance post-commercialisation, multicentrique et non interventionnelle menée pour recueillir des données sur la capacité de conduire un véhicule, la tolérabilité et l'innocuité auprès de 33 patients atteints de SP et commençant le traitement au nabiximols signale qu'une période de traitement de quatre à six semaines avec du nabiximols (moyenne de 5,1 vaporisations par jour ou 13,7 mg de THC et 12,8 mg de CBD par jour) a été associée à une amélioration statistiquement significative de la spasticité auto-évaluée, mais qu'elle n'était pas associée à une détérioration statistiquement significative de la capacité de conduire des patients mesurée en laboratoire à l'aide d'une série d'essais cognitifs et psychomoteursReference 687. Cependant, moins de la moitié des patients répondaient aux critères « apte à la conduite ». En outre, 4 patients sur 33 ont éprouvé un événement indésirable non grave, léger ou modéré associé au traitement au nabiximols (p. ex. étourdissements et vertiges).
Une étude non-contrôlée par placebo, sans répartition aléatoire, a évalué de manière quantitative les effets fonctionnels du traitement au nabiximols sur les schémas de marche de 20 patients atteints de SPReference 688. Les patients atteints de SP inscrits avaient un score selon l'échelle étendue d'incapacité de Kurtzke de 5,3 au début de l'étude, ne répondaient pas aux traitements de la spasticité et étaient capables de marcher sans aide pendant six minutes. Les patients étaient traités par nabiximols pendant un mois (nombre moyen de vaporisations par jour = 5,6 ou dose quotidienne de 15 mg de THC et de 14 mg de CBD) et l'étude a indiqué que le traitement au nabiximols était associé à une amélioration statistiquement significative du score du profil de marche, de la vitesse, de la cadence et de la longueur de foulée.
Une étude clinique prospective croisée de quatre semaines à répartition aléatoire et à double insu, contrôlée par placebo et portant sur 44 patients atteints de SP progressive primaire ou secondaire dont la spasticité est modérée à sévère et qui présentent une réaction inadéquate aux agents antispastiques, a examiné les modifications induites par le nabiximols des mesures neurophysiologiques de spasticité chez les patients ayant une spasticité associée à la SP aux membres inférieurs, ainsi que les modifications de la spasticité et des paramètres fonctionnels connexesReference 689. Au début de l'étude, les patients prenaient de façon concomitante de l'acétate de glatiramère, du cyclophosphamide, de l'azathioprine, du fingolimod, du natalizumab, de l'interféron bêta-1b, de l'interféron bêta-1a et du méthotrexate. Les autres médicaments étaient notamment le baclofène, l'épérisone, la tizanidine et des benzodiazépines. La dose quotidienne moyenne de nabiximols consistait en sept vaporisations par jour ou 18,9 mg de THC et 17,5 mg de CBD. L'étude n'a indiqué aucune différence significative de la modification, du début de l'étude à la semaine 4, de la mesure neurophysiologique de spasticité (ratio H/M). De plus, aucun effet significatif n'a été constaté pour toutes les mesures neurophysiologiques secondaires. Cependant, il s'est produit une amélioration statistiquement significative du score moyen des membres inférieurs selon l'échelle modifiée d'Ashworth avec le nabiximols comparativement au placebo. Il n'y a pas eu de différence statistiquement significative des résultats fonctionnels (marche chronométrée sur dix mètres, test 9-Hole Peg, scores relatifs à la douleur sur l'EEN, scores relatifs au sommeil sur l'EEN et scores sur l'échelle d'évaluation de l'intensité de la fatigue) entre le nabiximols et le placebo. La plupart des patients ont éprouvé un événement indésirable : celui le plus souvent signalé se rapportait à des étourdissements légers à modérés (21 %), suivi d'une faiblesse des membres inférieurs, de vertiges, d'hypotension, d'hypertension, de somnolence et d'une pharyngodynie. La plupart des effets secondaires étaient transitoires et sont apparus surtout pendant la phase d'ajustement ou pendant l'augmentation du nombre de vaporisations; ils se sont résorbés après une diminution du nombre de vaporisations. Les limites de l'étude comprennent notamment la taille réduite de l'échantillon, la courte période de traitement et un nombre relativement important d'abandons (14 %) qui ont limité sa robustesse sur le plan statistique.
Une étude de cohorte prospective échelonnée sur un an portant sur 144 patients atteints d'une spasticité modérée ou sévère occasionnée par la SP et présentant des signes d'une réaction inadéquate aux médicaments antispastiques a examiné l'efficacité, l'innocuité et la tolérabilité du nabiximols aux semaines 4, 14 et 48 et a également évalué si les caractéristiques démographiques et cliniques de référence pouvaient prédire la réponse au traitementReference 690. Les patients ont participé au départ à une « phase d'ajustement » de quatre semaines afin de déterminer les sujets répondant au traitement qui présentaient une réduction d'au moins 20 % de la spasticité selon une EEN par rapport aux valeurs initiales. Les répondants ont par la suite participé à l'étude. Le score de spasticité mesurée à l'aide d'une EEN a considérablement baissé chez les répondants en passant de 7,6 (valeur initiale) à 5,2 à la semaine 4, le nombre moyen de vaporisations quotidiennes étant de 6,5 chez les répondants par rapport à 7,7 chez ceux n'ayant pas répondu au traitement. Le score de la spasticité selon l'EEN a continué de progresser dans le groupe de répondants pour atteindre un score de 5 (ou une réduction cliniquement significative de 30 % du score EEN de la spasticité) entre le traitement de la semaine 4 et celui de la semaine 14. Le score sur l'échelle d'Ashworth modifiée était de 4 au début de l'étude chez les personnes ayant répondu au traitement et il s'est considérablement amélioré à la 4e semaine pour décliner constamment jusqu'à la 14e semaine par rapport au début de l'étude. Le traitement au nabiximols a aussi été associé à une amélioration significative du test de la marche de dix minutes, après le traitement de quatre semaines et cette amélioration s'est maintenue à la 14e semaine par rapport au début de l'étude. L'indice de marche a également affiché une progression significative chez les sujets ayant répondu au traitement à la 4e semaine et s'est maintenu à la 14e semaine, malgré un score sur l'échelle étendue d'incapacité de Kurtzke qui est demeuré stable tout au long de la période de l'étude. Le score de la douleur sur une EEN chez les répondants a affiché une diminution statistiquement significative en passant de 4,2 au début de l'étude à 3,3 après le traitement de quatre semaines et sa baisse s'est poursuivie pour atteindre 2,9 à la 14e semaine. Chez les répondants qui ont continué à participer à l'étude, lors du suivi à la 48e semaine, l'efficacité du nabiximols s'est maintenue avec un score de spasticité qui est demeuré considérablement plus faible sur les plans clinique et statistique par rapport au début de l'étude (c.-à-d. réduction de 33 %) et le nombre moyen de vaporisations prises quotidiennement était de 6,2. L'amélioration du score médian sur l'échelle d'Ashworth modifiée est demeurée visible, avec un score de 3 à la 48e semaine par rapport à 4 au début de l'étude. Le score sur l'échelle numérique d'évaluation de la douleur était constamment plus faible à la 48e semaine comparativement au début de l'étude. Aucune autre amélioration n'a été constatée en ce qui concerne le test de la marche de 10 minutes ou l'indice de marche. Quatre-vingts pour cent des patients de l'étude ont signalé des effets secondaires qui sont apparus à une dose quotidienne moyenne de 7,2 vaporisations (19,44 mg de THC et 18 mg de CBD). Les effets secondaires les plus souvent déclarés sont la confusion et le ralentissement idéomoteur (35 %), les étourdissements (24 %), et la fatigue (20 %). L'intensité de la plupart des effets secondaires signalés qui se sont développés pendant la phase d'ajustement était légère et a diminué à mesure que la posologie a été ajustée. Neuf pour cent de tous les patients ayant participé à l'étude (répondants et non-répondants) ont arrêté le traitement dans les quatre semaines suivant le début de l'administration du nabiximols en raison d'effets secondaires, tandis que 9 % des répondants ont cessé le traitement pour la même raison dans les 14 semaines suivant le début du traitement. Un sujet a signalé une dépersonnalisation deux mois après avoir commencé le traitement au nabiximols, tandis qu'un autre a souffert d'une dépression. Enfin, l'analyse démographique suggère que les patients plus jeunes et dont la durée de la maladie était plus courte ont eu tendance à réagir de manière plus favorable au nabiximols (c.-à-d. les « répondants »). Les limites de l'étude comprennent notamment la conception d'observation, la taille limitée de l'échantillon et l'absence d'évaluation de la QV et de l'invalidité dans la vie quotidienne.
Études cliniques CUPID et MUSEC
L'étude CUPID (Cannabinoid Use in Progressive Inflammatory Brain Disease) était une enquête randomisée, à double insu visant à mesurer si le Δ9-THC, administré par voie orale, était en mesure de retarder la progression de la SP. Cet essai de trois ans, financé par les fonds publics s'est effectué au Peninsula Medical School en GB à la suite de la précédente étude CAMS d'un an. Un total de 493 sujets atteints de SP progressive primaire ou secondaire, mais non cyclique, avaient été recrutés partout en GB en 2006. L'essai CUPID n'a trouvé aucune preuve permettant d'étayer l'effet de Δ9-THC sur la progression de la SP, mesuré à l'aide de l'échelle étendue d'incapacité de Kurtzke ou de l'échelle MSIS-29 (Multiple Sclerosis Impact Scale 29 [échelle d'impact de la SP]). Toutefois, les auteurs ont conclu qu'il y avait quelques données qui laissent croire qu'il y aurait des effets bénéfiques chez des participants qui étaient au bas de l'échelle d'incapacité lors du recrutement des patients. Puisque les bienfaits observés l'ont été seulement chez un petit groupe de patients, il serait nécessaire d'effectuer des études supplémentaires en vue d'examiner de plus près les raisons de ces effets sélectifsReference 691.
Une étude clinique randomisée de phase III, menée à double insu, et contrôlée avec placebo (le MUltiple Sclerosis and Extract of Cannabis trial ou MUSEC), publiée par le même groupe de chercheurs que ceux ayant effectué l'essai CUPID, a rapporté qu'un traitement pendant 12 semaines à l'extrait de cannabis par voie orale (CannadorMD) (2,5 mg de Δ9-THC et 0,9 mg de CBD par capsule) a été associé à un soulagement statistiquement significatif déclarée par les patients de la raideur musculaire, des spasmes musculaires et les douleurs corporelles de même qu'une amélioration statistiquement significative du sommeil, comparativement au placebo, chez des patients souffrant de SP stableReference 692. Il n'y a eu aucune différence statiquement significative entre l'extrait de cannabis et le placebo quant aux mesures fonctionnelles telles que celles qui évaluent les effets de la spasticité sur les activités de la vie quotidienne, l'habileté motrice comme la marche ou les effets sur le fonctionnement social. La majorité des patients ayant recours à l'extrait de cannabis utilisaient des doses quotidiennes de 10, 15 ou 25 mg de Δ9-THC avec des doses correspondantes de 3,6, 5,4 et 9 mg de CBD. La majorité des patients de l'étude étaient en même temps sous des analgésiques et des médicaments contre la spasticité, mais ils étaient exclus s'ils prenaient des médicaments immunomodulateurs (p.ex. les interférons). Le traitement actif à l'extrait a été associé à une hausse du nombre d'événements indésirables, mais la majorité de ceux-ci étaient jugés comme étant légers ou modérés et n'avaient pas duré au-delà de la période de l'étude. Le plus grand nombre d'événements indésirables a été observé pendant la période initiale de deux semaines de titrage et ces derniers semblaient baisser progressivement au fil des séances de traitement restantes. Les événements indésirables les plus souvent observés étaient ceux associés aux perturbations du fonctionnement du SNC (p.ex. étourdissements, perturbations de la faculté d'attention, trouble de l'équilibre, somnolence, sentiment anormal, désorientation, confusion et chutes). Les perturbations de la fonction GI étaient le deuxième événement indésirable le plus important couramment signalé (p. ex. les nausées, l'assèchement de la bouche).
Études cliniques avec le cannabis fumé
Seule une étude clinique jusqu'à présent s'est penchée sur l'usage du cannabis fumé pour des symptômes liés à la SPReference 274. L'étude clinique qui était un essai croisé à double insu et contrôlé avec placebo a rapporté une réduction statiquement significative des scores des patients sur l'échelle d'Ashworth modifiée pour l'évaluation de la spasticité après que les patients aient fumé du cannabis une fois par jour pendant trois jours (chaque cigarette contenait 800 mg de 4 % de Δ9-THC; dose totale de Δ9-THC disponible de 32 mg par cigarette). La fumée du cannabis a été associée à une réduction statistiquement significative des scores des patients sur l'EVA pour la douleur, quoique censément au départ, les niveaux de douleurs des patients s'en trouvaient faibles. Aucune différence n'a été observée entre le placebo et le cannabis dans la tâche de marche chronométrée (timed-walk task), une évaluation de la performance physique. La fonction cognitive telle qu'évaluée à l'aide du test PASAT (Paced Auditory Serial Addition Test [test d'addition en séries visant à mesurer la vitesse de traitement des informations auditives]) semblait diminuer de façon significative immédiatement après l'administration du cannabis; toutefois, l'importance clinique à long terme de cette découverte n'a pas fait l'objet d'examen dans cette étude. La majorité des patients (70 %) étaient sous thérapie modificatrice de la maladie (p.ex. l'interféron β-1a, l'interféron β-1b ou le glatiramer) et 60 % étaient sous agents antispastiques (p.ex. le baclofène ou la tizanidine). Le traitement au cannabis a été associé à un certain nombre d'effets indésirables différents mais couramment observés dont les étourdissements, la céphalée, la fatigue, les nausées, irritation de la gorge et sensation d'être trop « high ». Parmi les limitations de l'étude se trouvait le fait que la majorité des patients aient déjà eu de l'expérience précédente avec le cannabis et le fait que l'étude ait été menée sans insu, étant donné que les patients étaient en mesure de distinguer le placebo du traitement au cannabis.
Tolérabilité du cannabis/cannabinoïdes chez les patients atteints de sclérose en plaques
De manière générale, l'on rapporte que le cannabis et les médicaments sur ordonnance à base de cannabinoïdes administrés par voie orale (p.ex. le dronabinol, le nabilone, le nabiximols, CannadorMD) sont bien tolérés chez les patients souffrant de SPReference 681Reference 685-Reference 687Reference 689Reference 690Reference 693Reference 694. Les essais cliniques effectués jusqu'à maintenant n'indiquent pas d'effets indésirables graves associés à l'usage des médicaments sur ordonnance à base de cannabinoïdes (ou du cannabis). Toutefois, il semble y avoir une augmentation en nombre d'effets indésirables non graves associés à l'usage à court terme des cannabinoïdesReference 4. Les effets indésirables physiques les plus communs rapportés sont les étourdissements, la somnolence et l'assèchement de la boucheReference 384Reference 694.
L'usage prolongé du cannabis ingéré ou inhalé a été associé à des performances moins bonnes dans divers domaines cognitifs (vitesse de traitement d'information, mémoire de travail, fonction exécutive, perception visuospatiale) chez des patients atteints de SP, selon une étude transversaleReference 229. Une autre étude transversale a signalé que bien que les patients atteints de SP qui avaient fumé du cannabis quotidiennement étaient plus atteints de troubles cognitifs que ceux qui n'avaient pas consommé, en particulier en ce qui concerne la mémoire de travail, l'attention et la vitesse de traitement de l'information; aucune différence de structure (volume des lésions, l'atrophie générale, les mesures de l'imagerie du tenseur de diffusion [ITD]) n'était observable entre les consommateurs et les non consommateursReference 695. Toutefois, une étude de suivi suggère chez les mêmes patients fumeurs de cannabis, mais non les patients non consommateurs, les réductions de la matière grise et de la substance blanche (dans les régions temporales médiales et latérales, le thalamus, les noyaux gris centraux et le cortex préfrontal) étaient associées aux troubles cognitifs généralisés observésReference 696.
En revanche, une autre étude a conclu que le traitement au nabiximols, chez des patients atteints de SP et n'ayant jamais consommé de cannabis, n'était pas associé à une déficience cognitiveReference 694. Toutefois, l'étude a soulevé la possibilité que des doses plus fortes puissent précipiter des changements dans la disposition psychologique, en particulier chez les patients ayant déjà vécu une psychose. Dans tous les cas, il y a en général un manque d'information sur les effets indésirables à long terme de l'usage chronique des cannabinoïdes chez les patients atteints de la SP, et de manière plus générale pour les patients utilisant ces produits à des fins thérapeutiques.
Dysfonction vésicale associée à la sclérose en plaques ou au traumatisme médullaire
La dysfonction vésicale se produit chez la plupart des patients souffrant de SP ou de TMReference 697. Les plaintes les plus fréquentes sont l'augmentation de la pollakiurie, la miction impérieuse, l'incontinence par impériosité et l'incontinence réflexeReference 698. Les récepteurs cannabinoïdes sont exprimés dans le détrusor et l'urothélium vésical humainReference 37Reference 38, et pourraient aider à réguler le tonus du détrusor et la contraction vésicale ainsi qu'influencer les voies de la réaction nociceptive de la vessie (recensé dansReference 38).
Une première enquête effectuée auprès des patients atteints de SP consommant régulièrement du cannabis pour soulager leurs symptômes de problèmes urinaires a indiqué que plus de la moitié de ces patients ont affirmé une amélioration de la miction impérieuseReference 532. Une étude pilote ouverte de 16 semaines sur les extraits à base de cannabis (cure de traitement au nabiximols suivie de l'entretien avec 2,5 mg de Δ9-THC seulement) contre la dysfonction vésicale chez 15 patients atteints de SP avancée a indiqué une diminution notable de la miction impérieuse, du nombre et du volume des épisodes d'incontinence, de leur fréquence et de la nycturieReference 699. Des améliorations ont aussi été remarquées dans l'auto-évaluation de la douleur et de la qualité du sommeil des patients. Un essai contrôlé randomisé subséquent de 250 patients atteints de SP a suggéré un effet clinique de cannabinoïdes administrés par voie orale (2,5 mg de Δ9-THC ou 1,25 mg de CBD, avec < 5 % d'autres cannabinoïdes par capsule, jusqu'à un maximum de 25 mg/jour) sur les épisodes d'incontinenceReference 697.
4.5.2 Sclérose latérale amyotrophique
Il existe des données précliniques impliquant le SEC dans la progression d'une maladie semblable à la SLA chez les modèles de souris atteintes du trouble; sous certaines conditions les cannabinoïdes, ou l'élévation des niveaux d'endocannabinoïdes au moyen d'une inhibition pharmacologique ou d'une ablation génétique, retarderaient modérément la progression de la maladie et prolongeraient la survie chez ces modèles animaux (recensé dans l'articleReference 700.
Des rapports anecdotiques suggèrent une diminution des crampes musculaires et des fasciculations chez les patients atteints de SLA qui avaient fumé du cannabis ou bu du thé à base de cannabis, et jusqu'à 10 % de ces patients utilisent le cannabis pour le contrôle des symptômesReference 701Reference 702.
Seules deux études cliniques existent sur le cannabis pour le traitement des symptômes associés à la SLA et les résultats de celles-ci sont contrastés. Dans une étude pilote par permutation à double insu randomisée d'une durée de quatre semaines auprès de 19 patients atteints de SLA, les doses de 2,5 à 10 mg par jour de dronabinol (Δ9-THC) ont été créditées d'une amélioration du sommeil et de l'appétit, mais pas des crampes ni des fasciculationsReference 703. En revanche, une étude plus courte de deux semaines n'a indiqué aucune amélioration de ces mesures chez les patients atteints de SLA consommant 10 mg de dronabinol par jourReference 702. Dans les deux cas, le dronabinol a été bien toléré et a présenté peu d'effets secondaires chez cette population de patients aux doses testées.
4.5.3 Traumatisme médullaire (ou maladie de la moelle épinière)
Les études précliniques menées sur des animaux ont révélé l'existence d'un SEC dans la moelle épinière et d'un tonus endocannabinoïde basal dans les moelles épinières non atteintesReference 704. Bien que le rôle du SEC dans la moelle épinière non atteinte ne soit que partiellement connu, les endocannabinoïdes modulent l'analgésie ainsi que l'excitabilité de la moelle épinière en participant au contrôle physiologique des réflexesReference 704. Des études précliniques menées sur des animaux suggèrent que le TM déclenche des changements dans les activités du SEC avec un pic prononcé de la production d'anandamide et du 2-AG dans l'épicentre de la zone atteinteReference 704. Le pic des niveaux d'endocannabinoïdes, lequel reflète un processus de protection actif induit par une lésion, retourne aux niveaux basaux quelques jours après la lésion. Cependant, les niveaux de 2-AG subissent une nouvelle hausse secondaire et plus longue au cours d'une période subséquente de 28 joursReference 704. Le blocage des récepteurs CB1 et CB2 aggrave les lésions associées au TM, tandis que la stimulation de ces deux récepteurs cannabinoïdes semble jouer un rôle protecteur et pourrait aussi soulager la douleur neuropathique associée au TMReference 705-Reference 707. Une étude préclinique a aussi révélé un effet bénéfique du CBD dans le rétablissement de la fonction motrice et une réduction de l'importance des lésions après un TM dans un modèle murinReference 708. Des améliorations subjectives ont été signalées de façon anecdotique par des patients atteints de TM qui fument du cannabisReference 636Reference 709.
Cependant, malgré les données probantes tirées d'études menées sur des animaux et signalées de manière anecdotique, on dispose de données cliniques limitées sur l'usage du cannabis et des cannabinoïdes dans le traitement des symptômes associés au TM comme la douleur, la spasticité, les spasmes musculaires, l'incontinence urinaire et la difficulté à dormir. Des études croisées contrôlées par placebo, menées à double insu et portant sur le Δ9-THC par voie orale ou sur le nabiximols révèlent de modestes améliorations de la douleur, de la spasticité, des spasmes musculaires et de la qualité du sommeil chez les patients atteints de TMReference 636Reference 710Reference 711. Plus récemment, une étude parallèle, contrôlée, à répartition aléatoire et à double insu utilisant un minimum de 15 à 20 mg de Δ9-THC/jour (doses quotidiennes moyennes de 31 mg de Δ9-THC par voie orale, ou 43 mg de hémisuccinate de Δ9-THC par voie rectale) a démontré une amélioration statistiquement significative dans les mesures de spasticité chez des patients atteints de TMReference 712 et une étude croisée, contrôlée et à double insu utilisant le nabilone (0,5 mg b.i.d.) a également indiqué une réduction de la spasticité, comparativement au placebo, chez les patients atteints de TMReference 713.
Un essai clinique récent croisé, à double insu et contrôlé par placebo sur le cannabis vaporisé a démontré des effets bénéfiques d'analgésique et d'agent antispastique pour les patients atteints de TM et de maladies de la moelle épinièreReference 272. Dans le cadre de cet essai clinique, on a administré à 42 patients (dont la majorité consomment actuellement ou ont déjà consommé du cannabis) souffrant de douleur neuropathique causée par un TM ou une maladie de la moelle épinière entre 8 et 12 inhalations de placebo de cannabis ou du cannabis contenant soit une concentration faible (2,9 %) ou élevée (6,7 %) de THC au cours d'une séance de traitement de huit heures (400 mg de matériel de cannabis séché; température de vaporisation de 185 °C). Bien que 400 mg de cannabis séché ait été placé dans le vaporisateur, seulement 45,9 mg (marge de 29,9 à 83,8 mg) du cannabis à concentration de THC faible et 56,3 mg (marge de 15,7 à 172,9 mg) de cannabis à concentration de THC élevé ont été vaporisés. Ces quantités et puissances suggèrent qu'en moyenne entre 1,3 et 3,8 mg de THC aurait pu être inhalé (marge de 0,86 à 11,6 mg de THC). Les concentrations médianes de THC dans le plasma sanguin étaient de 23 ng/mL (max : 68,5 ng/mL) pour le cannabis de puissance de 2,9 % et de 47 ng/mL (max : 177 ng/mL) pour le cannabis de puissance de 6,7 % trois heures après une première ronde de quatre inhalations et immédiatement après une seconde ronde d'entre quatre et huit inhalations additionnelles. L'intensité de la douleur (résultat principal) a diminué selon l'augmentation de la teneur en THC et était statistiquement considérablement différente des valeurs du placebo pour les deux différentes teneurs de THC après la première ronde d'exposition (première ronde = quatre inhalations) et s'est encore plus améliorée comparativement au placebo après la seconde ronde d'inhalations (quatre à huit inhalations additionnelles, pour un total de 8 à 12 inhalations totales). Le soulagement de la douleur était aussi statistiquement considérablement différent entre les concentrations comparativement au placebo. Les nombres de sujets à traiter (NST) pour atteindre une réduction de 30 % de la douleur au cours des séances de traitement de huit heures étaient de 4 pour la concentration faible (2,9 %) et de 3 pour la concentration élevée (6,7 %) comparativement au placebo, tandis que le NST était de 6 lors de la comparaison entre les deux concentrations (mais les deux IC étaient grandes). En comparaison, pour la douleur neuropathique le NST pour la prégabaline est de 3,9 et le NST pour la gabapentine est de 3,8. Les deux puissances de cannabis ont fourni des améliorations considérables à une gamme de descriptions de douleur (c.-à-d. vivacité, brûlure, douloureux, froid, sensibilité, désagrément, douleur profonde et douleur superficielle), mais seulement le cannabis à puissance plus élevée offrait un soulagement à court terme pour les démangeaisons. Aucun effet général n'a été observé pour l'allodynie. Seul le cannabis de puissance faible (2,9 %) a été associé à une réduction statistiquement considérable de l'hypertonie spastique et seulement trois heures après le début du traitement. Généralement, aucune différence statistiquement considérable n'a été observée entre les médicaments de l'étude pour les différents indicateurs de rendement neuropsychologique. De nombreux des effets psychoactifs (« high », « bon effet de drogue », « effet général de drogue », « affaibli », « défoncé », « calmé ») ont démontré une dépendance à la dose avec des effets plus prononcés associés à la dose plus puissante comparativement à la dose plus faible et aussi dans le cas de comparaison des deux puissances au placebo. Les auteurs suggèrent que les patients souffrant de TM ou de maladie de la moelle épinière désirant éviter les effets psychodysleptiques tout en recevant les avantages des effets thérapeutiques devraient considérer d'utiliser la dose plus faible (2,9 %).
4.6 Épilepsie
- Les preuves anecdotiques suggèrent un effet antiépileptique du cannabis (souches prédominantes en THC et CBD).
- Les données disponibles d'études précliniques suggèrent que certains cannabinoïdes (CBD) pourraient posséder des caractéristiques antiépileptiques et anti-convulsives, tandis que les agonistes du récepteur CB1 (THC) pourraient posséder des caractéristiques pro- ou antiépileptiques.
- Toutefois, les preuves cliniques pour un effet antiépileptiqus du cannabis sont plus faibles, mais émergentes et nécessitent des études plus approfondies.
- Des données provenant d'études cliniques avec l'EpidiolexMD (CBD oral) suggèrent l'efficacité et la tolérabilité d'EpidiolexMD pour les crises épileptiques pharmacorésistantes dans le syndrome de Dravet ou pour le syndrome Lennox-Gastaut résistant au traitement.
- Des données provenant d'études observationnelles suggèrent une association entre le CBD (préparations à base de plantes et huile) et une réduction de la fréquence des crises épileptiques ainsi qu'une amélioration de la qualité de vie chez les adolescents atteints d'épilepsie pharmacorésistante rare et grave.
- L'EpidiolexMD a été approuvé par la FDA (Juin 2018) chez les patients de 2 ans et plus pour traiter les crises épileptiques associées au syndrome de Dravet et au syndrome Lennox-Gastaut résistant au traitement.
L'épilepsie est l'un des troubles neurologiques les plus courants dont la prévalence dans le monde est d'environ 1 %Reference 212Reference 714. Il ne s'agit pas d'une seule entité pathologique, mais de divers troubles reflétant une dysfonction du cerveau qui a de nombreuses causes différentesReference 715. L'épilepsie est caractérisée par des crises récurrentes non provoquées qui sont des signes et des symptômes transitoires occasionnés par une activité neuronale excessive ou synchronie anormale dans le cerveauReference 715. Les crises peuvent être de divers types, notamment génétiques et se produisant dans l'enfance (p. ex. syndrome de Dravet, syndrome Lennox-Gastaut) ou acquises et se produisant à l'âge adulte (p. ex. après un traumatisme crânien grave, un accident vasculaire cérébral [AVC] ou causées par une tumeur)Reference 261. Les comorbidités associées à l'épilepsie sont notamment un déclin cognitif, des troubles dépressifs et la schizophrénieReference 716.
Malgré la disponibilité de nombreux médicaments antiépileptiques, près de 30 % des patients atteints d'épilepsie demeurent réfractaires aux traitements classiques, ce qui les conduit à chercher d'autres modalités thérapeutiques, comme le cannabis (e.g. huiles de cannabis enrichies avec CBD)Reference 717.
Système endocannabinoïde et épilepsie
Le SEC est connu pour réguler l'excitabilité corticale, et certains chercheurs ont avancé que les endocannabinoïdes produisent un effet stabilisateur sur l'équilibre entre les neurotransmetteurs excitateurs et les neurotransmetteurs inhibiteurs dans le SNCReference 718.
L'épilepsie du lobe temporal, l'une des formes d'épilepsie les plus courantes observées chez les adultes, est associée à des variations dans l'hippocampe où l'expression du récepteur CB1 est régulée à la baisse durant la phase aiguë, peu de temps après l'effet déclencheur, mais elle est ensuite régulée à la hausse au cours de la phase chronique du troubleReference 212Reference 261Reference 719Reference 720. En outre, il semble que l'expression du récepteur CB1 sur les terminaisons des axones glutamatergiques excitateurs, ainsi que l'expression de la DAGL, laquelle est responsable de la production de l'endocannabinoïde 2-AG, sont toutes deux régulées à la baisseReference 261. En revanche, l'expression du récepteur CB1 sur les terminaisons des axones GABAergiques inhibiteurs semble être régulée à la hausse. De plus, des niveaux réduits de l'endocannabinoïde anandamide ont été décelés dans le liquide céphalorachidien (LCR) des patients ayant reçu un diagnostic récent d'épilepsie du lobe temporal non traitéeReference 721, tandis que normalement, de l'anandamide est trouvé en fortes concentrations dans l'hippocampe, région du cerveau que l'on sait intervenient dans l'épileptogenèse et les troubles convulsifsReference 259. Ensemble, ces études et d'autres qui révèlent des variations de l'expression du récepteur CB1 et DAGL dans l'hippocampe et des changements des niveaux d'anandamideReference 722-Reference 724 indiquent des variations importantes et généralisées du fonctionnement du SEC dans le cas de l'épilepsie. Étant donné que l'on pense que le SEC agit généralement comme un système d'inhibition des neurotransmetteurs, le dérèglement signalé du SEC dans le cas de l'épilepsie pourrait jouer un rôle dans la génération et le maintien de crises épileptiquesReference 261. Il existe aussi des éléments de preuve qui permettent de penser que les endocannabinoïdes favorisent le maintien, mais non le déclenchement, d'une activité épileptiforme en activant les récepteurs du CB1 situés sur les astrocytesReference 725.
Études précliniques
Des études in vitro et in vivo indiquent que certains phytocannabinoïdes (et endocannabinoïdes) pourraient jouer un rôle anticonvulsif, mais aussi, dans certains cas, un rôle proconvulsifReference 259Reference 261Reference 262Reference 714Reference 716Reference 726-Reference 734.
Les récepteurs CB1 sont situés principalement en position présynaptique, où ils inhibent habituellement la libération de neurotransmetteurs classiquesReference 735. On pense que le présumé effet antiépileptique des cannabinoïdes (p. ex. THC) est facilité par l'inhibition présynaptique dépendante des récepteurs CB1 de la libération de glutamateReference 261Reference 723Reference 736; par ailleurs, les effets épileptogènes peuvent être déclenchés par l'inhibition de l'acide gamma-aminobutyriqueReference 261Reference 731Reference 734Reference 737-Reference 739. Par conséquent, les agonistes des récepteurs CB1 (p. ex. THC) ont la capacité de déclencher ou de réprimer l'activité épileptiforme selon les terminaisons présynaptiques sensibles aux cannabinoïdes qui sont de préférence touchés (c.-à-d. glutamatergique ou GABAergique)Reference 262Reference 736Reference 740. En raison de la capacité des agonistes des récepteurs CB1, tels que le THC, à produire des activités proconvulsives ou anticonvulsives et du développement signalé de la tolérance à leurs effets anticonvulsivants, on pense que les agonistes des récepteurs CB1 sont peu susceptibles de produire un avantage thérapeutique pour les patients atteints d'épilepsieReference 259Reference 262.
Contrairement à la situation ambiguë avec les agonistes des récepteurs CB1, tels que le THC, les phytocannabinoïdes, comme le CBD, le CBDV, le THCV et le CBN, semblent avoir principalement des rôles anticonvulsivants et pourraient avoir une plus grande valeur thérapeutique pour le traitement de l'épilepsieReference 259Reference 262. Un certain nombre d'études in vivo ont démontré les effets antiépileptiques du CBD dans différents modèles animaux d'épilepsie (examiné dansReference 259). Des études antérieures utilisant différents modèles d'épilepsie chez le rat et la souris indiquent que le CBD est un anticonvulsivant efficace et que sa puissance augmente considérablement lorsqu'il est combiné avec un médicament antiépileptique tel que la phénytoïne et le phénobarbital utilisés pour traiter des crises majeuresReference 259Reference 741. En revanche, le CBD diminue la puissance anticonvulsivante du chlordiazépoxide, du clonazépam, de la triméthadione et de l'éthosuximide utilisés pour traiter les crises mineuresReference 259Reference 741. Les DE50 de CBD chez les rats variaient de 12 mg/kg (PO) à 380 mg/kg (IP) chez la sourisReference 259Reference 741Reference 742. Une autre étude a signalé que le CBD atténue l'activité épileptiforme in vitro dans des tranches d'hippocampe et affiche une activité anticonvulsive in vivo (100 mg/kg) dans un modèle murin d'épilepsie, celui-ci atténuant ainsi la gravité de la crise, les crises tonicocloniques et la mortalitéReference 730. Une étude de suivi effectuée par ce même groupe a examiné les effets anticonvulsivants du CBD dans deux autres modèles d'épilepsie partielle et du lobe temporal chez le ratReference 728. Le CBD à des doses de 1, 10 et 100 mg/kg a atténué considérablement le pourcentage d'animaux présentant des événements de convulsion (épilepsie du lobe temporal). Cependant, il n'y a eu aucun effet significatif sur le nombre moyen d'événements de convulsion par animal ou sur la gravité de la crise. Dans le modèle de crise partielle, le CBD (1, 10, 100 mg/kg) a diminué le pourcentage d'animaux ayant manifesté des crises tonicocloniques et a été associé à une diminution du taux de mortalité (à 10 et 100 mg/kg); mais il n'a eu aucun effet sur la gravité générale de la crise. Il a également été indiqué que le CBD a quelques effets négatifs mineurs sur la fonction motrice à une dose de 100 mg/kg. Paradoxalement, ces effets se sont atténués lorsque la dose a été doublée (200 mg/kg)Reference 728.
Les effets anticonvulsivants du CBDV pur ainsi que les extraits végétaux contenant du CBDV (et des quantités significatives de CBD), avec et sans THC et THCV, ont été examinés dans un certain nombre de modèles d'épilepsie chez des animauxReference 259Reference 714Reference 716Reference 743. On a constaté que le CBDV (> 10 µM) atténue considérablement l'activité épileptiforme in vitro et qu'il a aussi des effets anticonvulsivants significatifs in vivo (min. > 50 mg/kg IP) dans différents modèles murins d'épilepsieReference 743. Une dose de 200 mg/kg (IP) de CBDV a été associée à un arrêt complet des convulsions toniques dans deux modèles d'épilepsie et a atténué la gravité de la crise et la mortalité à une dose de 200 mg/kg IP. Elle a retardé également considérablement l'apparition de la crise dans un troisième modèle d'épilepsieReference 743. En outre, la coadministration du CBDV et des médicaments antiépileptiques valproate, éthosuximide ou phénobarbital a été associée à des effets anticonvulsivants significatifsReference 743. Par exemple, la coadministration du CBDV (200 mg/kg) et du valproate (50 à 250 mg/kg) ou de l'éthosuximide (60 à 175 mg/kg) a été associée à des effets anticonvulsivants significatifsReference 743. La coadministration de 200 mg/kg de CBDV et du phénobarbital (10 à 40 mg/kg) a été associée également à des effets anticonvulsivants significatifsReference 743. Le CBDV ne semble pas avoir d'effets significatifs sur la performance motrice aux doses testées et il semble aussi être bien toléré lorsqu'il est administré en concomitance avec ces médicaments antiépileptiquesReference 743. Chez la souris et le rat, le CBDV a eu des effets anticonvulsivants significatifs à des doses variant de 50 mg/kg à 400 mg/kg ou plusReference 259Reference 714Reference 716. En outre, des études in vivo menées sur des animaux faisant intervenir deux types d'extraits végétaux enrichis en CBDV (47,4 à 57,8 %) et en CBD (13,7 à 13,9 %) avec et sans THC (1 %) et THCV (2,5 %) ont porté sur les effets anticonvulsivants ainsi que la toxicité de ces extraitsReference 716. L'étude a constaté que les deux extraits végétaux ont eu des actions anticonvulsives significatives similaires dans trois modèles d'épilepsie différents chez des animaux et que la présence de THC/THCV aux doses administrées dans les extraits n'a pas contribué aux actions anticonvulsivesReference 716. Par contre, la présence de THC/THCV dans l'extrait a favorisé certains effets moteurs indésirablesReference 716. Enfin, on a constaté que le CBDV ne ce lie que faiblement au récepteur CB1, ce qui suggère que le mécanisme d'action anticonvulsif du CBDV ne dépend pas du récepteur CB1Reference 716.
Contrairement au CBD et au CBDV, les effets anticonvulsivants du CBN n'ont pas été aussi bien étudiés. Dans une étude, le CBN a produit des effets anticonvulsivants avec une dose efficace médiane (DE50) de 18 mg/kgReference 259Reference 741.
Bien que les études in vitro montrent que le THCV se lie aux récepteurs CB1 avec une affinité relativement élevéeReference 740Reference 744, le THCV ne semble pas être un agoniste puissant au récepteur CB1Reference 259Reference 740Reference 744. Au lieu de cela, les études expérimentales suggèrent que le THCV agit plus comme un antagoniste du récepteur CB1 et comme un agoniste partiel puissant du récepteur CB2Reference 18Reference 259Reference 740Reference 744Reference 745. À des doses plus élevées, toutefois, le THCV semble avoir quelques activités agonistes sur le récepteur CB1Reference 18. En outre, des études in vitro indiquent que le THCV a quelques effets anti-épileptiformes à des concentrations micromolairesReference 740 et des études in vivo suggèrent que le THCV (0,25 mg/kg) a quelques effets anticonvulsivants limités dans un modèle murin d'épilepsieReference 262Reference 740.
Il existe jusqu'à présent peu de données expérimentales concernant les effets anticonvulsivants du CBG. Bien qu'une étude in vitro indique la présence d'une activité anti-épileptiforme pour le CBG, une étude in vivo chez le rat suggère que dans un modèle d'épilepsie, le CBG (à des doses variant de 50 à 200 mg/kg) n'a pas d'effet anticonvulsivantReference 259Reference 746.
Données provenant d'études d'observation et d'enquêtes menées auprès de patients
Selon certaines études, environ 20 % des patients atteints d'épilepsie consomment activement du cannabisReference 717Reference 726Reference 747Reference 748. Une enquête téléphonique menée auprès de 136 patients d'un centre canadien de soins tertiaires de l'épilepsie a révélé que 48 % avaient utilisé du cannabis à un moment de leur vie, 21 % étaient des consommateurs actifs, 13 % étaient des consommateurs fréquents (un jour par semaine ou plus) et 8,1 % étaient de grands consommateurs (tous les deux jours ou plus)Reference 748. Trois pour cent des sujets ont répondu aux critères de dépendance au cannabis. Lorsqu'ils ont été interrogés concernant leur expérience personnelle liée à l'utilisation de cannabis, 68 % des répondants ont déclaré que la gravité de leur crise s'était atténuée, tandis que 32 % ont indiqué ne ressentir aucun effet. En ce qui concerne la fréquence des crises, 54 % ont allégué une amélioration, tandis que 46 % ont déclaré l'absence d'effet. Onze pour cent ont constaté moins d'effets secondaires découlant des médicaments lorsqu'ils utilisaient du cannabis, tandis que 85 % n'ont pas observé d'effet. Quarante-trois pour cent des répondants ont avancé des raisons médicales pour justifier l'utilisation du cannabis. Les auteurs de l'enquête ont fait observer que la consommation de cannabis a été associée à une augmentation de la fréquence des crises et à une plus longue durée de la maladie. Bien que l'on ne connaisse pas avec certitude les raisons de ces associations, il est possible que les patients atteints d'une épilepsie plus grave soient plus enclins à essayer ou à utiliser du cannabis ou que la consommation de cannabis soit associée à une aggravation de l'épilepsie.
Une autre étude a interrogé des patients en consultation externe atteints d'épilepsie dans une clinique allemande de soins tertiaires de l'épilepsie. Parmi les 310 patients atteints d'épilepsie qui ont été interrogés, 28 % ont affirmé qu'ils avaient utilisé du cannabis à un moment ou un autre de leur vie, tandis que 63 % avaient consommé du cannabis après leur diagnostic d'épilepsieReference 747. Près de 70 % des patients atteints d'épilepsie avaient une épilepsie partielle, un peu plus de 20 % avaient une épilepsie idiopathique généralisée et environ 10 % avaient une épilepsie non déterminée. Les raisons courantes de l'utilisation de cannabis comprenaient notamment la curiosité, le plaisir et la relaxation. La plupart des patients (84 %) qui ont commencé à utiliser du cannabis après leur diagnostic d'épilepsie n'ont pas observé d'effet sur l'épilepsie, 5 % ont signalé une amélioration des crises ou des symptômes associés à l'utilisation du cannabis et 11 % ont déclaré une aggravation des crises associée à la consommation de cannabis.
Un examen rétrospectif des dossiers médicaux de 18 patients canadiens atteints d'épilepsie qui étaient autorisés à posséder du cannabis à des fins médicales a signalé que 61 % d'entre eux étaient atteints d'épilepsie focale et 39 % étaient atteints d'épilepsie généraliséeReference 749. Aussi, 22 % étaient atteints de sclérose temporale mésiale, 17 % étaient atteints d'épilepsie idiopathique, 17 % étaient atteints d'épilepsie associée à une tuméfaction, 11 % avaient été diagnostiqués du syndrome de Lennox-Gastaut, 11 % étaient atteints d'épilepsie associée à une malformation congénitale et 11 % étaient classé comme étant atteint d'épilepsie d'origine inconnue. La prévalence de la comorbidité psychiatrique était commune (61 %) et le trouble dépressif était la maladie concomitante la plus fréquente. La majorité des patients avaient utilisé en moyenne cinq médicaments antiépileptiques auparavant. De plus, 89 % des patients possédaient de longs antécédents de consommation de cannabis avant d'obtenir une autorisation d'en posséder. Le mode de consommation était principalement par voie fumée (83 %). Le nombre moyen de bouffées quotidiennes était de quatre et la quantité estimée de cannabis consommée par jour était de 2 g. Tous les patients ayant cessé leur consommation de cannabis ont signalé l'exacerbation de crises épileptiques associées au sevrage. Aucun d'entre eux n'a reporté un état de mal épileptique comme complication. Tous les patients ont signalé une amélioration de la sévérité ou de la fréquence de crises épileptiques. Tous les patients ont signalé une amélioration des troubles d'humeur et du bien-être général; 89 % des patients ont signalé une absence d'effets secondaires; 89 % des patients ont signalé une amélioration de la qualité de sommeil et de l'appétit. Les limites de cette étude comprennent sa nature rétrospective et un biais associé à l'autodéclaration ainsi que l'absence d'un groupe témoin et la petite taille de la population étudiée.
Épilepsie infantile résistante aux traitements
Les résultats de deux enquêtes réalisées auprès de parents d'enfants présentant une épilepsie infantile réfractaire aux traitements et qui ont essayé des huiles de cannabis ont été publiés et résumés iciReference 210Reference 260. Dans une enquête portant sur 19 enfants, 13 avaient le syndrome de Dravet, 4 avaient le syndrome de Doose et 1 enfant avait le syndrome de Lennox-Gastaut; 1 enfant présentait une épilepsie idiopathique d'apparition précoceReference 260. L'âge des enfants était compris entre 2 et 16 ans. Les parents ont indiqué que les enfants souffraient de différents types de crise, y compris des spasmes focaux, tonicocloniques, myocloniques, atoniques et infantiles. Dans pratiquement tous les cas, l'étude révèle que les enfants ont reçu un traitement contre l'épilepsie pendant plus de trois ans avant d'essayer du cannabis enrichi en CBD. Les enfants avaient essayé en moyenne 12 autres médicaments antiépileptiques avant de commencer un traitement au cannabis enrichi en CBD. Les doses de CBD signalées variaient entre moins de 0,5 mg/kg/jour et 28,6 mg/kg/jour, tandis que les doses de THC indiquées variaient de 0 à 0,8 mg/kg/jour. La durée signalée d'utilisation de cannabis enrichi en CBD variait entre deux semaines et plus d'un an. Quatre-vingt-quatre pour cent des parents ayant répondu à l'enquête ont déclaré une réduction de la fréquence des crises de leur enfant. Deux parents ont signalé un arrêt complet des crises chez leurs enfants après plus de quatre mois de traitement. Quarante-deux pour cent des parents interrogés ont signalé une diminution supérieure à 80 % de la fréquence des crises, 16 % ont déclaré une réduction supérieure à 50 % de la fréquence des crises et la même proportion de parents a indiqué une baisse supérieure à 25 % ainsi que l'absence de diminution. Soixante pour cent des parents ont déclaré avoir sevré leur enfant d'un autre médicament antiépileptique après le début du traitement au cannabis enrichi en CBD. Les parents ont fait état d'effets bénéfiques comprenant une meilleure humeur (79 %), une vivacité d'esprit accrue (74 %), un meilleur sommeil (68 %) et une diminution de l'autostimulation (32 %), tandis que les effets indésirables étaient notamment la somnolence (37 %) et la fatigue (16 %). Les limites de cette enquête comprennent notamment le biais d'auto-sélection, l'absence de groupe témoin, l'incapacité de vérifier de façon indépendante les allégations des parents, y compris les renseignements concernant la posologie, ainsi que la taille réduite de l'échantillon et la sous-représentation des types d'épilepsie autres que le syndrome de Dravet.
Les résultats d'une deuxième enquête menée auprès de parentsReference 210 ont également été publiés. Dans cette enquête, 117 parents d'enfants atteints d'une épilepsie réfractaire aux traitements ont répondu. Quarante-cinq pour cent des parents ont signalé un enfant souffrant de spasmes infantiles ou atteints du syndrome de Lennox-Gastaut, tandis que 13 % ont déclaré une épilepsie myoclonique sévère du nourrisson (syndrome de Dravet). Quatre pour cent ont fait état d'une épilepsie myoclonique astatique (syndrome de Doose) et 38 % ont signalé d'autres types d'épilepsie. L'âge des enfants variait de 3 à 10 ans et le nombre médian de médicaments antiépileptiques essayés et n'ayant pas fonctionné avant l'essai de préparations de cannabis enrichi en CBD était de huit. La durée médiane du traitement au cannabis était de 6,8 mois (marge de 3,8 à 9,8 mois). La posologie médiane de CBD dans les préparations était de 4,3 mg/kg/jour (marge de 2,9 à 7,5 mg/kg/jour). La grande majorité de répondants a déclaré utiliser des extraits à base d'huile enrichis en CBD, habituellement administrés deux à trois fois par jour. Le ratio indiqué du CBD et du THC dans les préparations d'huile était d'au moins 15 : 1. Quatre-vingt-cinq pour cent des répondants ont fait état d'une diminution de la fréquence des crises et, notamment, 14 % ont signalé une absence totale des crises, tandis que 9 % n'ont pas déclaré de changement et 4 % ont indiqué une augmentation de la fréquence des crises. Quatre-vingt-six pour cent des répondants ont déclaré une amélioration ou une aggravation dans les 14 jours suivant le début du traitement. Les effets indésirables associés au traitement comprennent notamment une augmentation de l'appétit (29,9 %) et une prise de poids (29,1 %). Fait intéressant, le nombre médian d'effets secondaires signalés pendant l'exposition au traitement était beaucoup plus faible que celui indiqué avant cette exposition. La diminution déclarée du nombre d'effets secondaires durant le traitement a été attribuée à l'arrêt allégué d'au moins un médicament contre les crises d'épilepsie pendant le traitement. Bien que, dans l'ensemble, la prévalence d'effets indésirables ait diminué pendant le traitement avec la préparation de cannabis, les effets indésirables les plus souvent rencontrés étaient la somnolence (12,8 %), la fatigue (9,4 %), l'irritabilité (9,4 %) et les nausées (6,8 %). Les répondants ont signalé une amélioration du sommeil (53 %), de la vivacité d'esprit (71 %) et de l'humeur (63 %). Une fois encore, comme avec l'enquête menée par Porter et coll., celle réalisée par Hussain et coll. 2015 comporte les mêmes limites et les données doivent être interprétées avec prudence.
Un examen rétrospectif des dossiers de 75 enfants et adolescents vivant au Colorado et auxquels des extraits de cannabis ont été administrés par voie orale pour le traitement de l'épilepsie réfractaire aux traitements révèle que 57 % des patients présentaient une amélioration du contrôle des crises et 33 % ont signalé une diminution de plus de 50 % des crisesReference 750. L'âge moyen était de 7,3 ans (marge de 6 mois à 18 ans) au moment du début du traitement à l'extrait de cannabis par voie orale. Quatre pour cent des patients avaient un syndrome de Doose, 17 % avaient un syndrome de Dravet et 12 % ont reçu un diagnostic du syndrome de Lennox-Gastaut. Parmi les enfants ayant un syndrome précis, ceux atteints du syndrome de Lennox-Gastaut représentaient la proportion la plus importante de répondants aux extraits de cannabis par voie orale (89 %), suivis de ceux ayant le syndrome de Dravet (23 %). Les patients atteints du syndrome de Doose ont semblé répondre le moins au traitement (0 %). Lorsqu'ils étaient classés selon le type de convulsion, ceux présentant des convulsions atoniques ont semblé avoir le taux de réponse le plus important (44 %), suivis de ceux ayant des convulsions focales (38 %) et des spasmes épileptiques (36 %), des convulsions tonicocloniques généralisées (30 %), des absences (28 %), des convulsions myocloniques (20 %) et des convulsions toniques (17 %)Reference 210. Les améliorations signalées comprenaient notamment une augmentation de la vivacité d'esprit et du comportement (33 %), des aptitudes du langage (11 %), de l'habileté motrice (11 %) et du sommeil (7 %). Des événements indésirables ont été signalés chez 44 % des patients traités à l'aide d'extrait de cannabis par voie orale. Les effets indésirables associés à l'administration d'extrait de cannabis par voie orale comprenaient notamment l'aggravation des crises (13 %), la somnolence (12 %), la présence de symptômes GI (11 %) et l'irritabilité (5 %). Étonnamment, aucune différence de réaction n'a été signalée fondée sur la souche ou le type d'extrait de cannabis par voie orale à l'aide desquels les patients étaient traités (c.-à-d. teneur élevée en CBD, CBD et autres extraits de cannabis par voie orale, THCA et autres types d'extrait de cannabis par voie orale). La plupart des patients ont reçu un extrait de cannabis par voie orale accompagné d'une teneur élevée en CBD avec ou sans autres extraits de cannabis par voie orale. Les limites de l'étude comprennent notamment les suivantes : taille réduite de l'échantillon, hétérogénéité des produits utilisés, incertitude quant aux doses des cannabinoïdes, incapacité de déterminer la dose-réponse et écarts concernant les évaluations des avantages du traitement entre les familles qui ont emménagé au Colorado pour suivre le traitement et celles qui y résidaient.
Une étude rétrospective et multicentrique a examiné l'effet du traitement au CBD pour lutter contre l'épilepsie incurable grave (c.-à-d. épilepsie acquise, encéphalopathie épileptique précoce avec étiologie génétique connue, encéphalopathie épileptique avec étiologie génétique inconnue, malformation congénitale du cerveau, encéphalopathie hypoxique ischémique et autres maladies, présentant une résistance à cinq à sept médicaments antiépileptiques, au régime cétogène et à la stimulation du nerf vague)Reference 208. L'étude a examiné les dossiers cliniques de visites à la clinique et par téléphone d'enfants et d'adolescents (tranche d'âge : 1 an à 18 ans) atteints d'épilepsie réfractaire et traités dans quatre centres de soins de l'épilepsie pédiatrique en Israël. Soixante-quatorze enfants et adolescents ont été inclus dans l'étude et la dose quotidienne signalée de CBD (1 à 20 mg/kg par jour) a été administrée au cours d'une période moyenne de six mois (au moins trois mois). La dose quotidienne la plus élevée de CBD a été de 270 mg par jour. Quatre-vingts pour cent des enfants inclus dans l'étude ont reçu moins de 10 mg/kg par jour de CBD, le reste (20 %) recevant plus de 10 mg/kg par jour de CBD. Le ratio du CBD et du THC a été de 20 : 1 et les cannabinoïdes ont été dissous dans de l'huile de canola. Des parents ou des enfants plus âgés ont signalé un changement du nombre de crises. Le traitement au CBD a été associé à une diminution de la fréquence des crises ainsi qu'à une amélioration du comportement et de la vivacité d'esprit, du langage, des capacités motrices et de communication et du sommeil. Environ la moitié des parents ont signalé des effets secondaires, 18 % ayant déclaré une aggravation des crises, 22 % ayant indiqué une somnolence et de la fatigue et 7 % ayant fait état de problèmes GI et d'une irritabilité. Les effets secondaires ont conduit à l'abandon de l'extrait d'huile de cannabis chez cinq patients. Les limites de l'étude comprennent notamment sa conception rétrospective, l'absence d'un groupe témoin, l'absence de taux constant d'augmentation des doses, l'utilisation des déclarations des parents pour connaître les effets sur la fréquence des crises, la courte durée de l'étude et son absence de résultats à long terme, l'absence de résultats sur l'EEG et l'absence de mesure de la concentration d'autres médicaments.
Études cliniques
Remarque : L'EpidiolexMD est la marque nominative pour l'extrait de plante entière de cannabis d'une souche de Cannabis sativa contenant des niveaux élevés de CBD et est un produit en solution orale à base d'huile contenant au moins 98 % de CBD à une concentration de 100 mg/mL. L'EpidiolexMD a été approuvé par la FDA (Juin 2018) chez les patients de 2 ans et plus pour traiter les crises épileptiques associées au syndrome de Dravet et au syndrome Lennox-Gastaut. Il a aussi reçu la désignation de médicament orphelin aux États-Unis pour le traitement du syndrome de Lennox-Gastaut, du syndrome de Dravet et de la sclérose tubéreuse de Bourneville. Au moment de la rédaction de ce document, l'EpidiolexMD n'a toujours pas reçu un Avis de conformité de Santé Canada et ne se retrouve pas sur le marché canadien.
Bien qu'il existe de nombreux récits anecdotiques d'améliorations impressionnantes avec des produits à base de cannabis contenant des ratios CBD/THC élevés (p. ex. 20 > 1), les données cliniques recueillies confirmant l'innocuité et l'efficacité du cannabis dans le traitement de l'épilepsie sont relativement raresReference 212Reference 262Reference 666. Les données probantes recueillies tirées d'études cliniques sont examinées ci-dessous et résumées dans une étude CochraneReference 212.
Une étude clinique à répartition aléatoire, contrôlée par placebo, portant sur neuf personnes atteintes d'une épilepsie du lobe temporal non contrôlée et qui n'ont pas répondu au traitement comprenant plusieurs médicaments antiépileptiques révèle ce qui suit : deux des personnes ayant reçu des doses quotidiennes de 200 mg de CBD pendant trois mois n'ont éprouvé aucune crise, une personne a présenté une amélioration partielle et une autre personne n'a pas ressenti d'améliorationReference 212Reference 751. Aucun des patients traités par placebo n'a présenté de signes d'amélioration. Aucun effet indésirable n'a été constaté. Les limites de cette étude comprennent notamment l'absence de comparaison entre le groupe traité par CBD et le groupe recevant un placebo pour déterminer les caractéristiques de référence d'une crise, la taille réduite de l'échantillon, une méthodologie vague, une absence possible d'insu et une absence d'analyse statistique.
Une autre étude clinique à répartition aléatoire, contrôlée par placebo et portant sur 15 patients épileptiques atteints d'une épilepsie du lobe temporal non contrôlée révèle qu'un traitement quotidien avec des doses de 200 et 300 mg de CBD (en combinaison avec divers médicaments antiépileptiques classiques) d'une durée de 3 à 18 semaines a été associé à un arrêt des crises chez quatre (parmi huit) patients traités par le CBDReference 212Reference 752. Un patient (parmi sept) traité par placebo n'a éprouvé aucune crise. Les réactions indésirables comprenaient la somnolence. Les limites de cette étude comprennent notamment l'absence de comparaison entre le groupe traité par CBD et le groupe recevant un placebo pour déterminer les caractéristiques de référence d'une crise, la taille réduite de l'échantillon, une méthodologie vague, une absence possible d'insu et une absence d'analyse statistique.
Un essai clinique contrôlé par placebo portant sur 12 patients souffrant de crises fréquentes qui ne prenaient pas de médicaments antiépileptiques n'a révélé aucune différence statistiquement significative dans la fréquence des crises entre les patients ayant reçu des doses quotidiennes de 200 à 300 mg de CBD pendant quatre semaines et ceux ayant reçu un placeboReference 212Reference 753. Les effets indésirables signalés comprennent notamment la somnolence. Les limites de l'étude comprennent notamment la taille réduite de l'échantillon, l'absence d'insu possible, l'absence de comparaison entre le groupe traité par le CBD et celui recevant un placebo pour déterminer les caractéristiques de référence d'une crise et une méthodologie vague.
Une étude clinique croisée à répartition aléatoire et à double insu, contrôlée par placebo et portant sur 12 patients atteints d'une forme d'épilepsie non totalement contrôlée révèle qu'un traitement avec 100 mg de CBD, administré trois fois par jour pendant six mois, est associé à une diminution de la fréquence des crises, bien que cette dernière ne soit pas bien mesurée et qu'aucune analyse statistique n'ait été effectuéeReference 212Reference 754. Le traitement par le CBD ne semble pas non plus être associé à des changements comportementaux défavorables. Les limites de cette étude comprennent notamment la taille réduite de l'échantillon, l'absence d'analyse statistique et l'absence d'une mesure objective de la fréquence des crises.
Une étude Cochrane portant sur les données cliniques du traitement à base de cannabinoïde destiné à lutter contre l'épilepsie s'est penchée sur les quatre études cliniques mentionnées précédemmentReference 751-Reference 754 et a conclu que, d'après leurs critères d'évaluation, la qualité de tous ces rapports était faible et qu'aucune conclusion fiable ne pouvait en être tirée en ce qui concerne l'efficacité des cannabinoïdes (CBD) comme traitement contre l'épilepsie. Cependant, une dose quotidienne de 200 à 300 mg de CBD pourrait être administrée sans danger à un nombre restreint de patients pendant de courtes périodes, mais l'innocuité du traitement à long terme au CBD n'a pas pu être évaluée de façon fiable dans ces étudesReference 212.
Épilepsie infantile résistante aux traitements
Une étude clinique a examiné les différences entre les composantes du SEC et entre les cibles moléculaires associées à l'action du CBD et a retrouvé une augmentation dans les niveaux d'expression de la sous-unité α-1h des canaux calciques dépendant d'un potentiel d'action, de l'expression du gène du récepteur CB2, et une réduction de l'expression du gène de transport de la sérotonine dans les lymphocytes isolés de patients atteints du syndrome de DravetReference 755.
Un rapport provenant d'un essai à accès élargi relatif à un nouveau médicament d'investigation (IND), l'EpidiolexMD, extrait de cannabis à base d'huile contenant 98 % v/v de CBD, a examiné l'interaction entre le clobazam et l'EpidiolexMD (CBD) pendant le traitement d'une épilepsie réfractaire chez l'enfantReference 232. Treize sujets atteints d'une épilepsie réfractaire ont été inclus dans l'étude. Les diagnostics comprenaient le syndrome de Dravet, le syndrome de Doose, la dysgénésie corticale, le syndrome de duplication du chromosome 15q13 isodicentrique, la mutation du gène CDKL5 (Cyclin-Dependent Kinase-like 5), la sclérose tubéreuse de Bourneville et la lissencéphalie. Soixante-dix pour cent des patients inclus ont manifesté une diminution de plus de 50 % des crises. Les doses quotidiennes d'EpidiolexMD ont varié de 5 mg/kg par jour à une dose maximale de 25 mg/kg par jour. La dose quotidienne moyenne de clobazam a été de 1 mg/kg par jour, la marge étant comprise entre 0,18 et 2,24 mg/kg par jour. La coadministration de CBD et de clobazam a été associée à des niveaux plasmatiques plus élevés de clobazam et de son métabolite actif n-desméthylclobazam. Une étroite surveillance des niveaux plasmatiques de clobazam et de n-desméthylclobazam est recommandée, tout comme un ajustement posologique du clobazam, selon les besoins, pour prévenir la surdose. Des effets secondaires ont été signalés chez 77 % des 13 sujets de l'étude et il s'agissait notamment de la somnolence, de l'ataxie, de l'irritabilité, d'un sommeil agité, de rétention urinaire, de tremblements et d'une perte d'appétit.
Un essai clinique de 12 semaines, d'accès élargi, prospectif et à volets ouverts de l'EpidiolexMD (solution orale d'huile de CBD 98 à 99 % à une concentration de 100 mg/mL) chez des patients âgés de 1 à 30 ans atteints d'épilepsie infantile sévère et insoluble résistante aux traitements (principalement les syndromes de Dravet et de Lennox-Gastaut) a examiné l'efficacité, l'innocuité, et la tolérabilité de l'addition du CBD aux régimes posologiques antiépileptiques actuelsReference 258. En premier lieu, les patients ont été administrés une dose de CBD d'entre 2 et 5 mg/kg/jour divisés en deux doses quotidiennes ajoutées à des traitements antiépileptiques actuels (c.-à-d. un régime cétogène, de clobazam, de valproate) qui a ensuite été titrée à la hausse lentement de 2 à 5 mg/kg une fois par semaine jusqu'à ce que l'intolérance ou la dose maximale de 25 mg/kg par jour (ou jusqu'à un maximum de 50 mg/kg/jour, selon le site de l'étude). La dose maximale à la 12e visite clinique était de 41 mg/kg/jour et la dose moyenne de CBD à la 12e semaine était de 23 mg/kg dans le groupe d'analyse de l'innocuité. La fréquence médiane mensuelle des convulsions motrices était de 30 à la base et de 16 après la période de traitement de 12 semaines et la réduction médiane mensuelle de convulsions motrices était de 37 %. La plus grande réduction de convulsions s'est produite chez les patients atteints de crises épileptiques partielles (réduction de 55 %), de crises atoniques (réduction de 54 %), de crises toniques (réduction de 37 %) ou de convulsions tonico-cloniques (réduction de 16 %). La thérapie combinée (CBD avec clobazam ou valproate) a été associée avec une plus grande réduction de convulsions comparativement aux patients n'utilisant pas le clobazam ou le valproate. Des effets néfastes ont été déclarés chez 79 % des patients du groupe d'innocuité. Des effets néfastes qui ont été observés dans plus de 5 % des cas comprennent : la somnolence (25 %), la perte d'appétit (19 %), la diarrhée (19 %), la fatigue (13 %), des convulsions (11 %), des changements d'appétit (9 %), des états de mal épileptique (8 %), la léthargie (7 %), des changements de concentrations dans le sang de médicaments antiépileptiques concomitantes (6 %), des perturbations d'allure et la sédation. La majorité des effets néfastes étaient faibles ou moyens et transitoires. Les effets néfastes graves qui ont été déterminés comme étant possiblement associés à l'utilisation de CBD (10 %) comprenaient l'état de mal épileptique (6 %), la diarrhée (2 %), la pneumonie (moins de 1 %) et la perte de poids (1 %). Les patients utilisant plus de 15 mg/kg/jour de CBD étaient plus probables de signaler des diarrhées ou des effets secondaires associés (p. ex. la perte de poids). De tous les patients inscrits à l'étude, 3 % s'en sont retirés pour des raisons comprenant des allergies à l'excipient d'huile de sésame, l'hépatotoxicité, la somnolence excessive, de faibles taux d'efficacité, l'intolérance GI, une aggravation des convulsions et l'hyperammoniémie. Les limitations principales de cette étude comprennent la conception à volets ouverts et l'absence d'un groupe témoin adéquat. De plus, l'enjeu d'une réponse considérable au placebo dans les essais pédiatriques a été noté par les auteurs comme étant d'importance particulière dans les essais pédiatriques de traitements à base de cannabis. Les auteurs remarquent que la réponse au placebo dans les essais aléatoires contrôlés de traitements adjuvants chez les patients atteints d'épilepsie semble être plus importante dans la population pédiatrique comparativement aux adultes (19 % comparativement à 9,9 à 15 %).
Un essai randomisé, à double insu et contrôlé par placebo a été mené pour déterminer l'efficacité et l'innocuité de l'EpidiolexMD dans le traitement des convulsions pharmacorésistantes dans le syndrome de DravetReference 589. Après une période de référence de 4 semaines, un total de 120 enfants et jeunes adultes affectés (2,3 à 18,4 ans) ont été randomisés (1:1) pour recevoir soit 20 mg/kg/jour d'une solution orale de CBD ou un placebo, en plus du traitement antiépileptique standard, pendant 14 semaines (2 semaines d'augmentation de la dose et 12 semaines de maintien de la dose). À la fin de la période de traitement, il y a eu une période de transition de 10 jours (10 % de réduction de la dose par jour) suivie d'une période de suivi de 4 semaines. Le type de crise convulsive le plus courant était une crise tonico-clonique généralisée (78 %), suivi d'une crise tonico-clonique généralisée secondaire (21 %).Des convulsions non convulsives ont été rapportées par 61 % des patients du groupe CBD et 69 % dans le groupe placebo. Le traitement par CBD a diminué la fréquence médiane des crises convulsives par mois (critère principal) de 12,4 (extrêmes: 3,9 à 1,717) à 5,9 (extrêmes: 0,0 à 2,159), tandis que le placebo n'a eu aucun effet (de 14,9 à 14,1). La différence médiane ajustée entre les groupes CBD et placebo dans la variation de la fréquence des crises a été de -22,8 points de pourcentage (IC à 95 % = -41,1 à -5,4, p = 0,01). Les effets du CDB sur les crises convulsives ont été observés au cours du premier mois de la période d'entretien. Dans le groupe CBD, 43 % des patients ont présentés une réduction d'au moins 50 % de la fréquence des crises convulsives, comparativement à 27 % dans le groupe placebo (RC, 2,00; IC à 95 % = 0,93 à 4,30; p = 0,08). Au cours de la période de traitement, 3 patients (5 %) du groupe CBD et aucun patient du groupe placebo ont été libérés de leurs convulsions (p = 0,08). Le CBD a diminué de 24,0 à 13,7 la fréquence médiane des crises par mois (réduction ajustée de 28,6 %), tandis que le placebo a diminué de 41,5 à 31,1 (réduction ajustée de 9,0 %), pour une différence médiane ajustée significative entre les groupes de -19,2 points de pourcentage (p = 0,03). Il n'y a pas eu de différence significative entre les groupes pour la réduction des crises non convulsives (p = 0,88). Les effets indésirables fréquents (fréquence> 10 %) dans le groupe CBD ont été: la somnolence (36 %), la diarrhée (31 %), la perte d'appétit (28 %), la fatigue (20 %), les vomissements (15 %), la pyrexie (15 %), la léthargie (13 %), l'infection des voies respiratoires supérieures (11 %) et les convulsions (11 %). La plupart d'entre eux ont été d'intensité légère ou modérée (84 % dans le groupe CBD) et considérés comme liés à l'agent d'essai (75 %). Dans le groupe CBD, 8 patients se sont retirés de l'étude en raison d'effets indésirables, contre 1 dans le groupe placebo.
Au total, 12 patients du groupe CBD et 1 du groupe placebo ont présenté des taux élevés d'aminotransférase; tous prenaient également du valproate. Sur les 9 patients qui ont continué à prendre du CBD (3 patients se sont retirés de l'essai), les taux d'enzymes sont revenus à la normale pendant l'essai, ce qui suggère un stress métabolique transitoire sur le foie. Les différences d'impalabilité entre le traitement actif et le placebo ont pu affecter la cécité chez un petit nombre de patients. La durée de l'essai n'a pas permis d'évaluer le développement potentiel de la tolérance, de sorte que des données supplémentaires sont nécessaires pour déterminer l'efficacité et l'innocuité à long terme du CDB pour le syndrome de DravetReference 589.
Un essai clinique randomisé, à double insu et contrôlé par placebo a été mené pour étudier l'efficacité de l'EpidiolexMD comme traitement d'appoint pour les crises d'épilepsie chez les patients atteints du syndrome de Lennox-Gastaut résistant au traitementReference 590. Après une période de référence de 4 semaines, 171 patients admissibles (âgés de 2 à 55 ans) ont été répartis au hasard (1:1) pour recevoir 20 mg/kg de CBD par jour (n = 86) ou un placebo (n = 85) sous forme de 2 doses équivalentes (matin et soir) pendant 14 semaines (2 semaines d'augmentation de la dose et 12 semaines de maintien de la dose). Le pourcentage médian de réduction de la fréquence mensuelle des crises d'épilepsie par rapport au départ (paramètre primaire) a été de 43,9 % [intervalle interquartile (IIQ) -69,6 à -1,9] dans le groupe CBD et de 21,8 % (IIQ -45,7 à 1,7) dans le groupe placebo. La différence médiane estimée entre les groupes de traitement a été de -17,21 (IC à 95 % -30,32 à -4,09; p = 0,0135) pendant la période de traitement de 14 semaines. L'effet du traitement du CBD sur le critère d'évaluation primaire a été établi au cours des 4 premières semaines de la période d'entretien et a été maintenu pendant toute la période de traitement. Dans le groupe CBD, 38 patients (44 %) ont présenté une réduction de la fréquence des crises d'épilepsie de ≥ 50 % par rapport au début du traitement, comparativement à 20 patients (24 %) dans le groupe placebo (RC 2,57, IC à 95 %, 1,33-4,97; p = 0,0043). Trois patients du groupe CBD ont été exempts de crises d'épilepsie pendant toute la période de maintien de 12 semaines; leur fréquence mensuelle des crises d'épilepsie au début de l'étude se situait dans la fourchette inférieure de 15,6 à 99,2. Au cours de la période de traitement, le CBD a également réduit de façon significative la différence médiane estimée de la fréquence mensuelle des convulsions totales [-21,1 (IC à 95 % -33,3 à -9,4; p = 0,0005)] et des convulsions sans chute [-26,1 (IC à 95 % -46,1 à -8,3; p = 0,0044)] par rapport au placebo. Cela a suggéré que l'ajout de CDB peut avoir des effets à large spectre sur la réduction des convulsions. Les effets indésirables courants (survenant chez ≥10 % des patients) dans le groupe CBD ont été la diarrhée (19 %), la somnolence (15 %), la pyrexie (13 %), la diminution de l'appétit (13 %) et les vomissements (10 %). La plupart des effets indésirables ont été d'intensité légère ou modérée (78 % dans le groupe CBD) et ont disparu à la fin de l'essai (61 %). Les effets indésirables ont entraîné le retrait de l'étude de 12 patients (14 %) du groupe CBD et 1 patient (1 %) du groupe placebo. Sur les 20 patients du groupe CBD qui ont présenté des élévations de l'ALAT ou de l'ASAT (> 3 fois la limite supérieure de la normale), qu'ils aient été signalés ou non comme effets indésirables, 16 prenaient également du valproate. Les effets indésirables graves liés au traitement les plus fréquents (survenant chez > 3 % des patients) ont été signalés collectivement chez 4 patients du groupe CBD et ont compris une augmentation des concentrations d'ALAT (n = 4), d'ASAT (n = 4) et de γ-glutamyltransférase (n = 3). Aucun patient n'a répondu aux critères standards pour les lésions hépatiques graves induites par les médicaments (loi de Hy). Dans l'ensemble, cet essai a démontré que l'ajout de CBD a été efficace pour le traitement des patients présentant des crises d'épilepsie associées au syndrome de Lennox-Gastaut et qu'il a été généralement bien toléré. Toutefois, seule une dose unique de CBD a été testée dans cet essai; les effets de dose-réponse seront évalués d'une manière plus poussée dans une autre étude (GWPCARE3; ClinicalTrials.gov, numéro NCT02224560). Une évaluation plus poussée de l'efficacité et de l'innocuité à long terme du CDB est en cours dans le cadre de l'extension ouverte de cet essai et sera également réalisée à l'aide de données réelles, une fois qu'elles seront disponiblesReference 590.
Un essai clinique en double aveugle contre placebo a été mené pour déterminer l'efficacité et l'innocuité de l'EpidiolexMD (CBD) en association avec des antiépileptiques conventionnels pour traiter les effondrements épileptiques chez les patients atteints du syndrome de Lennox-Gastaut, une encéphalopathie épileptique développementale sévèreReference 756. Un total de 225 patients (âgés de 2 à 55 ans) atteints du syndrome de Lennox-Gastaut et souffrant de ≥ 2 effondrements épileptiques par semaine pendant une période initiale de 28 jours ont été randomisés pour recevoir 20 mg/kg de CBD (n = 76), 10 mg/kg de CBD (n = 73) ou un placebo (n = 76) en 2 doses égales, tous les jours pendant 14 semaines (2 semaines d'augmentation de la dose suivies de 12 semaines de maintien). La réduction médiane en pourcentage par rapport à la valeur initiale de la fréquence des effondrements épileptiques par 28 jours pendant la période de traitement (critère principal) a été, respectivement, de 41,9 % (p = 0,005), 37,2 % (p = 0,002) et 17,2 % dans les groupes recevant 20 mg/kg de CBD, 10 mg/kg de CBD et un placebo. Pendant la période de traitement, un total de 30 patients (39 %) du groupe recevant 20 mg/kg de CBD (OR 3,8; IC 95 % 1,75-8,47; p < 0,001), 26 patients (36 %) du groupe recevant 10 mg/kg de CBD (OR 3,27; IC 95 % 1,46-7,26; p = 0,003) et 11 patients (14 %) du groupe placebo ont présenté une réduction de ≥ 50 % par rapport à leur valeur initiale de la fréquence des effondrements épileptiques. Le pourcentage de patients qui ont présenté une réduction de ≥ 75 % de la fréquence des effondrements épileptiques par rapport à la valeur initiale a été plus élevé dans le groupe recevant 20 mg/kg de CBD (25 %) et dans le groupe recevant 10 mg/kg de CBD (11 %) que dans le groupe placebo (3 %). Aucun patient n'a été exempt d'effondrements épileptiques pendant toute la période de traitement (à partir du premier jour). Cependant, 5 patients (7 %), 3 patients (4 %) et 1 patient (1 %), respectivement, dans les groupes recevant 20 mg/kg de CBD, 10 mg/kg de CBD et un placebo, n'ont pas eu d'effondrements épileptiques pendant toute la phase de maintien (à partir du 15e jour). La réduction médiane en pourcentage par rapport à la valeur initiale de la fréquence de toutes les convulsions par 28 jours pendant la période de traitement a été, respectivement, de 38,4 % (p = 0,009), 36,4 % (p = 0,002) et 18,5 % dans les groupes recevant 20 mg/kg de CBD, 10 mg/kg de CBD et un placebo. Des effets indésirables, dont la majorité (89 %) a été considérée comme d'intensité légère ou modérée, ont été signalés chez 72 à 94 % des patients. Les effets indésirables les plus fréquents avec le CBD ont été la somnolence (n = 14-25), la diminution d'appétit (n = 11-21) et la diarrhée (n = 7-12); ces effets sont survenus plus fréquemment dans le groupe recevant 20 mg/kg de CBD. Les effets indésirables graves (n = 26 vs n = 7) et les retraits de l'essai (n = 7 vs n = 1) ont été plus fréquents dans les groupes CBD que dans le groupe placebo. Des effets indésirables graves considérés comme liés au CBD sont survenus chez 7 patients (1 patient a eu plusieurs événements) et ont inclus une concentration élevée d'aspartate aminotransférase (n = 2), une concentration élevée d'alanine aminotransférase (n = 1), une concentration élevée de γ-glutamyltransférase (n = 1), la somnolence (n = 1), l'augmentation des convulsions pendant le sevrage (n = 1), le status épilepticus non convulsif (n = 1), la léthargie (n = 1), la constipation (n = 1) et l'aggravation de la cholécystite chronique (n = 1). Les élévations maximales des concentrations d'aspartate aminotransférase ou d'alanine aminotransférase 3,2 à 12,2 fois la limite supérieure de la normale ont été les effets indésirables les plus fréquents menant au retrait de l'essai dans les groupes CBD (n = 5). Les élévations des concentrations d'aminotransférase > 3 fois la limite supérieure de la normale sont survenues plus fréquemment chez les patients recevant 20 mg/kg de CBD (n = 11) que chez ceux recevant 10 mg/kg de CBD (n = 3). Dans la plupart de ces cas (n = 11, 79 %), les patients recevaient du valproate simultanément. Aucun patient n'a rencontré les critères pour les lésions hépatiques graves induites par le médicament (drug-induced liver injury ou DILI). La majorité de ces cas (n = 9) ont été résolus après que la dose de CBD a été diminuée ou interrompue, ou que la dose d'un autre médicament antiépileptique a été réduiteReference 756.
Une récente revue systématique de 36 études (30 observationnelles, 6 essais randomisés contrôlés) concernant l'impact des cannabinoïdes comme traitement adjuvant chez les patients épileptiques (âge moyen de 16 ans) a suggéré que le CBD de qualité pharmaceutique était plus efficace que le placebo pour réduire la fréquence des crises épileptiques de 50 %, pour atteindre une complète libération des crise épileptiques [risque relatif (RR) 6,17, IC 95 % 1,50-25,32], et pour améliorer la qualité de vie (RR 1,73, IC à 95 % 1,33-2,26) par rapport au placebo. Les effets indésirables du CBD de qualité pharmaceutique comprenaient la somnolence, la fatigue, la diarrhée, des changements dans l'appétit et l'ataxie. Ces résultats étaient spécifiques aux personnes atteintes de formes rares et graves d'épilepsie pharmacorésistante; par conséquent, les résultats ne peuvent pas être généralisés à la population adulte / âgée ou à ceux ayant des syndromes d'épilepsie moins sévèresReference 757.
4.7 Douleur
Il est désormais bien établi que le SEC joue un rôle important dans la modulation des états nociceptifs et douloureux. Le positionnement précis de la machinerie de signalisation du SEC sur les synapses neuronales joue un rôle essentiel dans les voies de traitement de la douleur aux niveaux supraspinal, spinal et périphériqueReference 24Reference 758-Reference 760.
Rôle des récepteurs CB1 et CB2
Les récepteurs CB1 et CB2 jouent un rôle important dans la nociception et la douleur. Les structures intervenant dans la transmission et le traitement des signaux nociceptifs, comme les nocicepteurs, la corne dorsale de la moelle épinière, le thalamus, la substance grise périaqueducale, l'amygdale et la medulla ventromédiale rostrale, présentent un niveau d'expression modéré à élevé du récepteur CB1Reference 761. Dans divers modèles de douleur chronique chez des animaux, l'expression de l'ARNm et les niveaux de protéines des récepteurs CB1 et CB2 dans le SNC sont régulés à la hausseReference 761. La suppression sélective du récepteur CB1 chez la souris semble fortement atténuer l'efficacité antinociceptive des cannabinoïdes dans les modèles de douleur aiguë et chronique chez ces animaux, ce qui suggère que ce récepteur joue un rôle essentiel dans la modulation de la nociception et de la douleurReference 758Reference 762. Sur les terminaisons périphériques et centrales des nerfs sensoriels nociceptifs, les récepteurs CB1 bloquent la transduction de stimuli nocifs périphériques en des signaux neuronaux centraux de la douleurReference 758Reference 763, tandis que dans la moelle épinière, les récepteurs CB1 agissent pour réduire ou favoriser la propagation de signaux de la douleur dans le cerveauReference 758Reference 764-Reference 766. Au niveau du circuit neuronal, le résultat final de l'activité du récepteur CB1 peut être excitateur ou inhibiteur, selon l'identité de la cellule présynaptique et son emplacement dans le réseau neuronalReference 758. Dans des régions supérieures du cerveau dont la fonction consiste à traiter des afférences nociceptives telles que la substance grise périaqueducale et la medulla ventromédiale rostrale, les récepteurs CB1 peuvent déclencher une inhibition descendante ou bloquer la facilitation descendante vers les circuits nociceptifs de la moelle épinièreReference 758Reference 767-Reference 772. Plus important encore, en ce qui concerne la douleur, les récepteurs CB1 s'expriment grandement dans des voies fronto-limbiques dans le cerveau qui jouent un rôle essentiel dans les aspects affectifs et émotifs de la douleur chez les êtres humainsReference 758Reference 768Reference 773. Les récepteurs CB2 semblent également jouer un rôle important dans la signalisation de la douleur, notamment dans l'apparition d'états de douleur chronique, en inhibitant la libération de médiateurs pro-inflammatoires et pronociceptifs, atténuant donc les réactions inflammatoires et hyperalgésiquesReference 758Reference 774. À cet égard, la localisation stratégique des récepteurs CB2 sur diverses cellules immunitaires (macrophages, lymphocytes et mastocytes dans la périphérie), sur les astrocytes et les microglies dans le SNC (c.-à-d. la moelle épinière) est essentielle pour les rôles joués par les récepteurs CB2 dans la modulation des états douloureux.
Rôle des endocannabinoïdes, de l'anandamide et du 2-AG
Il a été démontré que les endocannabinoïdes, tels que l'anandamide et le 2-AG, ont des effets analgésiques ou antinociceptifs aux niveaux périphérique, spinal et central, principalement en raison de leur capacité à stimuler l'activité des récepteurs CB, bien que d'autres récepteurs (p. ex. TRPV1) interviennent aussi probablementReference 775. Il s'avère que l'inhibition périphérique des enzymes FAAH et MAGL (qui hydrolysent l'anandamide et le 2-AG respectivement) et l'augmentation qui en résulte des taux synaptiques de l'anandamide et du 2-AG réduit la nociception dans les modèles de douleur aiguë et chronique chez des animauxReference 758Reference 763Reference 776-Reference 787. Pendant ce temps, la fraction du arachidonoyl de l'anandamide et du 2-AG rend ces endocannabinoïdes sensibles au métabolisme par des enzymes biosynthétiques eicosanoïdes tels que les COXs, les lipo-oxygénases (LOXs) et les CYPs avec la production subséquente de métabolites endocannabinoïdes prostamides pro-nociceptifs potentiels ou connusReference 758Reference 788Reference 789. Donc la régulation positive de l'expression de la COX-2 dans les états de douleur chronique favoriserait la production supplémentaire de ces métabolites pro-nociceptifs de manière périphérique et centralisée et contribuerait ainsi à la nociception et à la douleurReference 761.
Considérations et mises en garde
Études chez l'animal c. chez l'humain
Des études précliniques chez l'animal prédisent que les cannabinoïdes devraient soulager autant la douleur aiguë que chronique chez l'humain. Toutefois, les résultats des modèles expérimentaux de la douleur chez les volontaires humains ainsi que des essais cliniques auprès des patients souffrant de douleur suggèrent que les cannabinoïdes seraient plutôt plus efficaces contre la douleur chronique qu'aiguë chez l'humainReference 790-Reference 792. Il pourrait y avoir un certain nombre d'explications pour justifier les divergences entre les résultats obtenus d'études effectuées chez des animaux et des essais cliniques auprès des humains. De telles justifications comprennent des variations inter-espèces, des différences de stimulis expérimentales et de protocoles auxquels les études ont eu recours, et des différences des résultats mesurés dans les études. Les données des modèles de douleur chez l'animal se fondent principalement sur des observations des changements comportementaux, et des doses des cannabinoïdes suffisantes pour favoriser une action anti-nociceptive pertinente chez les rongeurs sont semblable à celles qui entraînent d'autres effets comportementaux tels que l'hypomotilité et la catatonieReference 23Reference 793. Ce chevauchement pharmacologique peut rendre difficile la distinction entre les effets anti-nociceptifs associés aux cannabinoïdes et les effets comportementauxReference 23Reference 793.
Modèles expérimentaux de la douleur aiguë c. la douleur chronique
La traduction des résultats de recherches des modèles expérimentaux de la douleur chez l'humain (c.-à-d. la douleur aiguë) à la douleur (chronique) clinique est aussi complexe et non évidenteReference 264. Contrairement à la douleur aiguë, la douleur chronique est une condition complexe impliquant l'interaction des composantes sensorielles, affectives et cognitivesReference 264. En outre, contrairement à la douleur aiguë, la douleur chronique est considérée comme une maladie, qui généralement provient d'une douleur aiguë prolongée dont la prise en charge n'est pas assurée de façon rapide et efficaceReference 794. La douleur chronique semble faire appel à des mécanismes neuronaux spatiotemporels distincts qui diffèrent de ceux de la douleur aiguë et expérimentaleReference 795; la douleur chronique implique une transmission neurale altérée et des changements à long terme de la plasticité dans les systèmes nerveux central et périphérique qui génèrent et maintiennent l'état de la douleur chroniqueReference 794Reference 795. Alors, il s'avère difficile de comparer les études sur les interventions pour la douleur chronique à des études portant sur la douleur induite expérimentalement en raison des différences fondamentales quant à l'état physiologique des sujets, des différences relatives aux stimulis et aux protocoles expérimentaux auxquels les études ont eu recours et en raison des différences au niveau des résultats qui ont été mesurésReference 264.
Effet placebo
L'effet placebo est une autre considération à ne pas oublier lorsque l'on examine les études sur le cannabis et les cannabinoïdes pour le traitement de la douleur. L'effet placebo, un phénomène psychobiologique, est peut-être plus saillant pour des troubles ayant une composante subjective ou psychologique plus significative (p.ex. douleur, anxiété ou dépression) et pourrait n'être pas aussi saillant en ce qui concerne des maladies ayant une composante objective plus physiopathologique (p.ex. maladies infectieuses, cancer)Reference 796Reference 797. Il convient de noter que, dans une étude clinique randomisée à répartition aléatoire contrôlée par placebo portant sur le cannabis vaporisé pour le traitement d'une neuropathie diabétique douloureuse, l'effet du placebo était aussi élevé que 56 % pour l'euphorie et était aussi élevé que 37,5 % pour la somnolence d'un pourcentage maximal de réaction de 100 % pour l'euphorie et de 73,3 % pour la somnolence (observé avec la dose la plus élevée de THC de 7 %)Reference 592. Des preuves émergentes suggèrent aussi un rôle important pour le SEC dans la médiation des effets analgésiques des placebosReference 798-Reference 800. Ces observations soulignent les complexités de l'étude du véritable potentiel analgésique des cannabinoïdes et soulignent aussi l'importance d'inclure un groupe témoin contrôlé par placebo adéquat dans l'étude du potentiel analgésique des cannabinoïdes.
Population des patients ou sujets de l'étude
Beaucoup, voire la plupart des essais cliniques portant sur les cannabinoïdes pour le traitement de la douleur (et même d'autres troubles tels que la SP) ont recruté des patients ou des volontaires ayant été précédemment exposés au cannabis ou aux cannabinoïdes. Cela soulève la question de « levée de l'insu », car tout sujet de l'étude ayant précédemment fait l'expérience du cannabis ou des cannabinoïdes serait plus en mesure de faire la distinction entre un traitement actif avec ces drogues et un traitement au placeboReference 605. De plus, un nombre d'essais cliniques sur le traitement de la douleur (ou d'autres troubles) par le cannabis ou les cannabinoïdes ont eu recours à une « période ouverte » au cours de laquelle la qualité de patients ayant eu des réactions favorables au traitement a été enrichie et, inversement, les sujets éliminés auraient déjà mal réagi aux cannabinoïdes ou ils auraient eu amplement de temps d'en éprouver les effets indésirablesReference 55. Par conséquent, le recours aux personnes ayant précédemment fait l'expérience du cannabis ou des cannabinoïdes ou le recours à une « période ouverte » augmenterait la proportion des patients produisant des résultats qui tendent à surestimer certains bienfaits thérapeutiques potentiels du cannabis et des cannabinoïdes, tout en ayant tendance aussi à sous-estimer l'ampleur ou le degré d'effets indésirables au sein de la population de patients en généralReference 55Reference 605. Il existe aussi des données provenant d'études cliniques et précliniques qui suggèrent l'existence d'effets liés au sexe sur l'analgésie induite par le cannabis et les cannabinoïdes (consultez la Section 2.5,Effets selon le sexe pour plus de renseignements)Reference 557Reference 801-Reference 803.
Autres considérations
Il convient aussi peut-être de mentionner qu'un certain nombre d'essais cliniques laissent croire à une marge thérapeutique relativement étroite de l'usage du cannabis et des cannabinoïdes sur ordonnance pour le traitement de la douleurReference 23Reference 55Reference 57Reference 793. L'on sait que les effets secondaires psychotropes et somatiques très connus, liés à l'usage du cannabis enrichi en THC et des cannabinoïdes (p.ex. le dronabinol, le nabilone, le nabiximols) limitent l'utilité thérapeutique de ces drogues; il est donc suggéré qu'il serait souhaitable de recourir à des traitements axés sur la manipulation du SEC (p. ex. en inhibant les enzymes de dégradation des endocannabinoïdes, FAAH ou MAGL) ou de combiner de faibles doses de cannabinoïdes avec de faibles doses d'autres analgésiques pour atteindre l'effet thérapeutique souhaité tout en minimisant l'incidence, la fréquence et la gravité des effets indésirablesReference 23Reference 57.
Fort des considérations et des mises en garde susmentionnées, les sections suivantes résument les résultats des études ayant examiné le potentiel analgésique du cannabis et des cannabinoïdes dans des modèles précliniques et cliniques de la douleur aiguë induite expérimentalement, ainsi que des études cliniques sur la douleur chronique.
4.7.1 Douleur aiguë
- Les études précliniques suggèrent que certains cannabinoïdes peuvent bloquer les réactions à la douleur aiguë induite de façon expérimentale dans des modèles animaux.
- Les résultats provenant d'études cliniques avec du cannabis fumé, du THC oral, des extraits de cannabis et le nabilone sur la douleur aiguë induite expérimentalement chez des bénévoles humains en santé sont limités et mixtes et suggèrent des effets selon la dose dans certains cas : des doses plus faibles de THC semblent avoir un effet analgésique et des doses plus élevées semblent avoir un effet hyperalgésique.
- Les études cliniques sur certains cannabinoïdes (nabilone, THC oral, lévonontradol, AZD1940, GW842166) pour la douleur postopératoire suggèrent un manque d'efficacité.
4.7.1.1 Douleur aiguë induite de façon expérimentale
Études précliniques
La modulation cannabinergique des circuits neuronaux dans le cerveau et la moelle épinière peuvent inhiber le traitement des signaux nociceptifsReference 804-Reference 807 et un certain nombre d'études précliniques portent à croire que l'anandamide, le THC et certains cannabinoïdes synthétiques bloquent les réactions à la douleur dans différents modèles animaux de douleur aiguë (examiné enReference 23Reference 793).
Études cliniques avec le cannabis fumé
Une étude antérieure par Hill auprès de 26 hommes fumeurs du cannabis n'a pas démontré d'effet analgésique du cannabis fumé (1,4 % de Δ9-THC, 12 mg de Δ9-THC disponible dans la cigarette) en réponse à la stimulation électrique transcutanéeReference 808. Cette étude a néanmoins rapporté une augmentation de la sensibilité sensorielle et de la douleur au stimulus appliqué. En revanche, Milstein a démontré que le cannabis fumé (1,3 % de Δ9-THC, 7,5 mg de Δ9-THC disponible dans la cigarette) a accru la tolérance à la douleur d'un stimulus de pression chez des sujets n'ayant jamais consommé de cannabis et chez ceux qui en ont fait l'expérience, comparativement au placeboReference 809. Une autre étude impliquant des fumeurs de cannabis en santé a rapporté que la fumée des cigarettes du cannabis (contenant 3,55 % de Δ9-THC, ou environ 62 mg de Δ9-THC disponible dans la cigarette) a été associée à un faible effet antinocicepteur proportionnel à la dose en réponse à un stimulus thermiqueReference 269. Un essai par permutation et randomisé plus récent, mené à double insu et contrôlée avec placebo a examiné les effets de trois doses différentes de cannabis fumé sur la douleur intradermique provoquée par la capsaïcine et sur l'hyperalgésie chez 15 volontaires en santéReference 264. La capsaïcine a été administrée 5 ou 45 minutes après la fumée du cannabis. Les effets semblaient dépendre de la dose et du temps. Aucun effet n'a été observé cinq minutes après la fumée, mais l'analgésie a été observée 45 minutes après la fumée et seulement avec la dose médiane du cannabis fumé (4 % de Δ9-THC). La faible dose (2 % de Δ9-THC) n'a eu aucun effet tandis qu'une forte dose (8 % de Δ9-THC) a été associée à une hyperalgésie considérable. Cette étude a identifié une soi-disant « marge thérapeutique étroite »; une dose moyenne a offert des bénéfices analgésiques, une forte dose a aggravé la douleur et a été associée à des effets indésirables supplémentaires, et une faible dose n'a eu aucun effet.
Études cliniques avec le THC par voie orale et l'extrait de cannabis
Une étude en permutation et randomisée, menée à double insu et contrôlée avec placebo auprès de 12 volontaires en santé n'ayant jamais consommé de cannabis chez qui l'on a administré une seule dose par voie orale de 20 mg de Δ9-THC, a rapporté l'absence d'un effet analgésique significatif après exposition à une batterie de tests de douleur multi modèle (pression, chaleur, froid et stimulation électrique transcutanée)Reference 268. En outre, une hyperalgésie considérable a été observée dans le test de la douleur causée par la chaleur. Les effets secondaires psychotropes et somatiques étaient courants et comprenaient l'anxiété, des changements perceptifs, les hallucinations, des pensées, des idées, et l'humeur étranges, la désorientation, l'euphorie, les nausées, la céphalée et les étourdissements.
Une autre étude par permutation et randomisée, contrôlée avec placebo et témoin actif et à double insu auprès de 18 volontaires femelles en santé a signalé l'absence de l'analgésie ou de l'antihyperalgésie avec un extrait de cannabis par voie orale contenant 20 mg de THC et 10 mg de CBD (d'autres cannabinoïdes végétaux constituaient moins de 5 %) dans deux différents modèles expérimentaux de la douleur (de capsaïcine intradermique ou de coup de soleil)Reference 263. Des effets secondaires (sédation, nausées, étourdissements) ont été fréquemment observés. L'hyperalgésie a été aussi observée à la plus forte dose comme cela a été le cas dans l'étude dirigée par Wallace (ci-dessus)Reference 264.
Études cliniques avec le nabilone
Une étude par permutation, randomisée, menée à double insu et contrôlée avec placebo d'une dose unique par voie orale du nabilone (0,5 ou 1 mg) n'a indiqué aucun effet analgésique lors d'un stimulus de douleur tonique provoquée par la chaleurReference 810. Toutefois, un effet antihypéralgésique a été observé à la plus forte dose administrée mais seulement chez les femmes. Les auteurs ont relevé un effet placebo significatif et ont aussi suggéré que le manque d'effet analgésique pourrait avoir été dû à l'administration à dose unique du cannabinoïde; une augmentation progressive de la dose aurait pu éventuellement produire un effet.
Dans le même ordre d'idée, une étude par permutation, randomisée, menée à double insu et contrôlée avec placebo chez des sujets prenant une dose unique par voie orale du nabilone (1, 2 ou 3 mg) n'a indiqué aucun effet analgésique, ni d'effets antihyperalgésiques primaires ou secondaires en réponse à une douleur provoquée par la capsaïcine chez des volontaires mâles en santéReference 593. Des effets indésirables d'intensité légère à modérée ont été relevés chez la majorité des sujets. Des réactions indésirables sévères (p.ex. les étourdissements, la sédation, l'anxiété, l'agitation, l'euphorie, des perturbations perceptuelles et cognitives) ont été rapportées seulement à la plus forte dose d'administration (3 mg) chez quatre sujets, entraînant leur retrait de l'étude. Des effets sur le SNC proportionnels à la dose ont été observés 1,5 à 6 h après le dosage, jusqu'à une durée maximale entre 4 et 6 h après l'administration.
4.7.1.2 Douleur postopératoire
En dépit de l'introduction de nouvelles normes, des lignes directrices et des efforts éducatifs, les données indiquent que la douleur postopératoire continue d'être sous ou mal gérée et bon nombre de médicaments utilisés dans ce cadre ne sont pas suffisamment efficaces ou engendrent des effets secondaires inacceptablesReference 266Reference 811. À ce jour, il existe huit rapports publiés et une revue systématique sur l'usage du cannabis contre la douleur postopératoireReference 265-Reference 267Reference 270Reference 792Reference 812-Reference 815. Les conclusions de la revue systématique sont que les cannabinoïdes étudiés (THC, nabilone, ou un extrait de cannabis par voie orale contenant du THC et du CBD dans un rapport de 2 : 1, lévonontradol, AZD1940, GW842166) ne sont pas des substances idéales pour gérer la douleur postopératoire parce que leur efficacité est soit modéréeReference 266Reference 270, soit moins que le placeboReference 812, soit équivalente au placeboReference 267Reference 792Reference 813Reference 814, ou même antianalgésique à fortes dosesReference 265.
4.7.2 Douleur chronique
Une douleur aiguë mal gérée peut donner lieu à une douleur chroniqueReference 816Reference 817. Contrairement à la douleur aiguë, la douleur chronique est habituellement considérée comme étant une condition bien plus complexe impliquant des facteurs physiques, psychologiques et psychosociaux, et qui contribue à la diminution de la qualité de vieReference 818. L'Association internationale pour l'étude de la douleur considère que la douleur est chronique quand elle persiste au-delà de la période normale de guérison des tissus comprise entre trois et six moisReference 819. En outre, la douleur chronique est associée à un état de réactivité anormal ou à une hausse accrue des voies nociceptives dans le SNC (dénommé « sensibilisation centrale »), ainsi qu'à une modification du fonctionnement cognitifReference 819. Les renseignements ci-dessous résument les études précliniques menées sur des modèles animaux de douleur chronique et les études cliniques menées sur des patients humains à qui on a administré un stimulus expérimental imitant la douleur chronique ou des patients souffrant de douleur chronique d'étiologies différentes.
4.7.2.1 Douleur inflammatoire et neuropathique chronique induite expérimentalement
- Les endocannabinoïdes, le THC, le CBD, le nabilone et certains cannabinoïdes synthétiques ont tous été identifiés comme possédant des effets antinociceptifs dans des modèles animaux de douleur chronique (inflammatoire et neuropathique).
L'efficacité anti-nociceptive des cannabinoïdes a été catégoriquement démontrée dans plusieurs modèles animaux de douleur inflammatoire et neuropathique (examiné enReference 761Reference 775Reference 820Reference 821). De plus, les conclusions de ces études suggèrent que la modulation du SEC, par l'administration d'agonistes des récepteurs cannabinoïdes spécifiques ou par l'élévation des niveaux d'endocannabinoïdes, supprime l'hyperalgésie et l'allodynie induites par divers états neuropathiques (examiné enReference 761Reference 775Reference 821). Ainsi donc, comme dans le cas de la douleur aiguë, des études précliniques de la douleur chronique chez des modèles animaux suggèrent que les endocannabinoïdes (l'anandamide et le 2-AG), le THC et plusieurs cannabinoïdes synthétiques ont des effets bénéfiques (examiné enReference 23Reference 793Reference 821).
En ce qui concerne le CBD, son administration chronique par voie orale ait effectivement diminué l'hyperalgésie sur un modèle de la douleur inflammatoire chez le ratReference 822. Une étude suggère qu'une dose moyenne ou forte de CBD atténuait l'allodynie tactile et l'hypersensibilité thermique chez le modèle murin de la neuropathie diabétique lorsqu'elle était administrée au tout début de la maladie. En revanche, il y avait peu, voire pas, d'effet régénérateur quand le CBD était administré ultérieurementReference 823. À l'inverse, la même étude a démontré que le nabilone n'a pas été aussi efficace que le CBD lorsqu'il a été administré au tout début, mais il a semblé avoir un faible effet bénéfique lorsqu'il était administré plus tard au cours de la maladie. Le CBD a semblé aussi atténuer la microgliose dans la partie lombaire ventrale de la moelle épinière, mais seulement quand il a été administré au tout début de la maladie, tandis que le nabilone n'a eu aucun effet. Xiong et coll. (2012) signalent que l'administration systémique et intrathécale du CBD amplifie les courants induits par la glycine, par l'intermédiaire de récepteurs à glycine α3, dans les neurones de la corne dorsale de coupes de moelle épinière chez le rat et atténue aussi la douleur inflammatoire et neuropathique chronique in vivoReference 824.
4.7.2.2 Douleur neuropathique et douleur chronique non cancéreuse chez l'humain
- Quelques études ayant utilisé des méthodes expérimentales possédant de la validité prédictive pour les pharmacothérapies utilisées pour soulager la douleur chronique ont signalé des effets analgésiques du cannabis fumé.
- De plus, il existe des preuves plus cohérentes de l'efficacité des cannabinoïdes (cannabis fumé ou vaporisé, nabiximols, dronabinol) dans le traitement de la douleur chronique d'étiologies différentes, surtout dans des cas où des traitements traditionnels ont été essayés et ont échoué.
Études cliniques avec des cannabinoïdes
Une méta-analyse et une analyse systématique de 28 essais randomisés contrôlés (ERC) (N = 2 454 participants) portant sur la douleur chronique (y compris le cannabis fumé, le nabiximols, le dronabinol) ont révélé qu'il existait des données de qualité modérée de l'efficacité permettant d'appuyer l'utilisation de cannabinoïdes dans le traitement de la douleur chronique d'étiologies diverses, soulageant principalement la douleur neuropathique centrale ou périphérique dans des individus recevant déjà des médicaments analgésiquesReference 174. La définition de travail de la douleur chronique comprend la douleur neuropathique (centrale, périphérique), la douleur cancéreuse, la neuropathie diabétique périphérique, la fibromyalgie, la neuropathie sensorielle associée au VIH, la douleur réfractaire due à la SP ou à une autre maladie neurologique, la polyarthrite rhumatoïde, la douleur non cancéreuse (nociceptive/neuropathique), la douleur centrale, la douleur musculo-squelettique et la douleur provoquée par une chimiothérapie. Le nombre moyen de patients ayant signalé une diminution de la douleur d'au moins 30 % a été plus élevé avec les cannabinoïdes par rapport au placebo (RC = 1,41), bien que le cannabis fumé ait un effet plus important (RC = 3,43). Les effets secondaires semblaient être comparables aux traitements actuels et comprennent des étourdissements, des sensations de faiblesse, des nausées, des sensations de fatigue, de la somnolence, des sensations d'euphorie, des vomissements, la désorientation, l'endormissement, la confusion, la perte d'équilibre, les hallucinations, la sédation, l'ataxie, les sensations d'intoxication, de xérostomie, de dysgueusie et de faim Reference 167Reference 171Reference 1660Reference 1661. Cependant, ces effets secondaires peuvent être mitigés en consommant de faibles doses de cannabinoïdes, qui peuvent être augmentées de façon graduelle, selon le besoin.
La partie suivante résume les données cliniques existantes sur l'utilisation du cannabis fumé/vaporisé et des cannabinoïdes (THC, nabilone, dronabinol et nabiximols) dans le traitement d'une douleur neuropathique et chronique non cancéreuse.
Études cliniques avec le cannabis fumé ou vaporisé
Une étude clinique intra-sujets à répartition aléatoire contrôlée par placebo, à double placebo et à double insu, a comparé le potentiel analgésique thérapeutique aigu de deux concentrations de cannabis fumé (1,98 % et 3,56 % de THC, cigarettes de 800 mg avec 16 mg et 28 mg de THC respectivement) avec deux doses de dronabinol (10 et 20 mg) en réponse à un stimulus douloureux expérimental (c.-à-d. épreuve au froid) qui possède une validité prédictive pour les pharmacothérapies utilisées pour traiter la douleur chroniqueReference 825. L'étude a observé que le cannabis et le dronabinol produisaient des effets analgésiques dans ce modèle et qu'il n'existait aussi de différences significatives entre le dronabinol et le cannabis fumé dans les mesures de sensibilité à la douleur (p. ex. latence avant de ressentir de la douleur en premier lieu). Cependant, en ce qui concerne la tolérance à la douleur, une faible concentration de cannabis fumé (1,98 % de THC) et des doses faibles et élevées de dronabinol ont augmenté la latence avant la signalisation d'une douleur par rapport au placebo. Les deux concentrations de cannabis et la dose élevée de dronabinol (20 mg) ont réduit les évaluations subjectives de l'intensité de la douleur et l'aspect importun de l'épreuve au froid par rapport au placebo, bien que ces réductions étaient plus élevées après la consommation de cannabis comparativement au dronabinol. Les deux concentrations de cannabis et la dose élevée de dronabinol ont augmenté les évaluations subjectives du « high » et de l'« effet plaisant de la drogue » par rapport au placebo et les deux concentrations de cannabis (mais pas la dose faible de dronabinol) ont augmenté les évaluations de la sensation d'être « stimulé » par rapport au placebo. Enfin, les deux concentrations de cannabis et la dose élevée de dronabinol ont augmenté les évaluations relatives des cotes de « puissance de la marijuana », « aime » et à la « volonté d'en reprendre ». Il ne semblait pas exister de différences liées au sexe en ce qui concerne les mesures de référence de la douleur, les effets analgésiques, subjectifs ou physiologiques dans l'ensemble des conditions de cannabis ou de dronabinol. Dans l'ensemble, le dronabinol a diminué la sensibilité à la douleur et augmenté la tolérance à celle-ci et ces effets ont atteint leur plus haut niveau plus tardivement et ont duré plus longtemps comparativement au cannabis fumé, tandis que ce dernier a produit une atténuation plus importante des évaluations subjectives de l'intensité de la douleur comparativement au dronabinol. Les évaluations subjectives maximales des effets thérapeutiques du dronabinol se sont produites beaucoup plus tôt par rapport à la diminution de la sensibilité à la douleur et à l'augmentation de la tolérance à la douleur (60 min p/r à 4 h). Les limites de cette étude comprennent notamment une population de l'étude biaisée potentielle composée de consommateurs quotidiens de cannabis et la nature expérimentale du stimulus douloureux chez des sujets n'éprouvant généralement pas de douleur.
Une analyse rétrospective comparant les effets analgésiques, subjectifs et physiologiques du cannabis fumé (3,56 ou 5,60 % de THC dans des cigarettes de 800 mg avec 28 mg et 45 mg de THC respectivement) dans 21 hommes et 21 femmes sous des conditions à double insu et contrôlée par placebo a démontré que parmi les hommes le cannabis a considérablement réduit leur sensibilité à la douleur au cours d'épreuves au froid comparativement au placebo tandis que chez les femmes le cannabis actif n'a pas réussi à réduire la sensibilité à la douleur comparativement au placeboReference 803. Le cannabis actif a augmenté la tolérance à la douleur pour les hommes et les femmes immédiatement après être fumé ainsi qu'une augmentation des cotes subjectives associées aux tendances à l'abus (« consommerai à nouveau », « aime », « bon effet de drogue »), de la puissance de la drogue et du « high » comparativement au placebo. Les cotes du « high » variaient selon le sexe, les hommes démontraient des cotes plus élevées au cours de la séance comparativement aux femmes. Les hommes démontraient aussi de plus grandes augmentations de la fréquence cardiaque après avoir fumé du cannabis comparativement aux femmes. Les participants de l'étude ont fumé du cannabis chaque jour ou presque et fumaient en moyenne de 7 à 10 cigarettes de cannabis par jour.
Dans une étude randomisée et contrôlée avec placebo, l'on a signalé une diminution de plus de 30 % de la douleur neuropathique sensorielle associée au VIH chez 52 % des patients fumant une cigarette de cannabis contenant 3,56 % de Δ9-THC (32 mg de Δ9-THC total disponible par cigarette) trois fois par jour (teneur totale quotidienne de 96 mg de Δ9-THC) pendant cinq jours, comparativement à une baisse de 24 % de la douleur dans le groupe placeboReference 190. Le NST afin de réduire de 30 % la douleur était de 3,6 et comparable à celui signalé pour les autres analgésiques dans le traitement de la douleur neuropathique chronique. Dans la portion de l'étude portant sur « la douleur induite de façon expérimentale » le cannabis fumé n'a pas été associé à une différence statistiquement importante en ce qui concerne le seuil de la douleur aiguë provoquée par la chaleur comparativement au placebo. Toutefois, il semblait réduire la surface de la chaleur ainsi que hyperalgésie secondaire induite par la capsaïsine. Les patients prenaient d'autres médicaments contre la douleur pendant l'essai tels que des opioïdes, la gabapentine ou d'autres drogues. Les effets indésirables du cannabis fumé dans cette étude comprenaient la sédation, les étourdissements, la confusion, l'anxiété et la désorientation.
Une autre étude menée par permutation, randomisée et à double insu et contrôlée avec placebo auprès des patients ayant déjà fait l'expérience du cannabis, souffrant de la douleur neuropathique d'étiologies diverses (syndrome de douleur régionale complexe (SDRC), douleur neuropathique centrale consécutive au TM ou à la SP, ou de la douleur neuropathique périphérique consécutive au diabète ou aux lésions nerveuses) a rapporté que l'administration d'une faible ou une forte dose du cannabis fumé (3,5 % de Δ9-THC, 19 mg de Δ9-THC total disponible; ou 7 % de Δ9-THC, 34 mg de Δ9-THC total disponible) était associée à des diminutions équianalgésiques statistiquement significatives de la douleur neuropathique centrale et périphériqueReference 217. Aucun effet analgésique n'a été observé dans des tests de douleur induite de façon expérimentale (stimuli tactile ou thermique) chez ces participants. Les patients prenaient d'autres médicaments contre la douleur pendant l'essai tels que des opioïdes, des antidépressifs, des AINS, ou des anticonvulsivants. Les effets indésirables associés à l'usage du cannabis semblaient dépendre de la dose et comprenaient la sensation de « high », la sédation, la confusion, et la déficience neurocognitive. Des changements cognitifs semblaient être plus accentués avec de fortes doses de Δ9-THC.
Un essai clinique par permutation de phase II mené à double insu et contrôlé contre placebo du cannabis fumé contre la douleur neuropathique réfractaire associée au VIH a rapporté une diminution de 30 % de la douleur polyneuropathique sensorielle distale prédominante associée au VIH chez 46 % des patients ayant fumé du cannabis pendant cinq jours (1 à 8 % de Δ9-THC, q.i.d.) par rapport à une baisse de 18 % dans le groupe placeboReference 277. Le NST dans cette étude était de 3,5. La quasi-totalité des sujets avaient déjà été exposés au cannabis et consommaient en même temps d'autres analgésiques tels que des opioïdes, des médicaments AINS, des antidépressifs, et des anticonvulsivants. L'on a signalé que les effets indésirables associés à l'usage du cannabis ont été fréquents avec une tendance d'effets indésirables modérés ou sévères pendant la phase de traitement actif comparativement au placebo.
Une étude clinique par permutation, randomisée, menée en quatre périodes à double insu et contrôlée avec placebo du cannabis fumé contre la douleur neuropathique chronique causée par le traumatisme ou la chirurgie réfractaire aux thérapies conventionnelles a rapporté que par rapport au placebo, une seule exposition par inhalation de 25 mg de cannabis fumé contenant 9,4 % de Δ9-THC (2,35 mg de Δ9-THC total disponible par cigarette) trois fois par jour (7,05 mg de Δ9-THC total par jour) pendant cinq jours a été associée à une baisse modeste mais statistiquement significative de l'intensité de la douleur moyenne quotidienneReference 59. De plus, il y a eu des améliorations statistiquement significatives au niveau des mesures de la qualité du sommeil et de l'anxiété avec le cannabis. La majorité des sujets avaient déjà été exposés au cannabis et la plupart d'entre eux prenaient en même temps d'autres analgésiques tels que des opioïdes, des antidépressifs, et des anticonvulsivants, ou des médicaments AINS. Les effets indésirables associés à l'usage du cannabis comprenaient des céphalées, un assèchement des yeux, une sensation de brûlure dans les voies respiratoires supérieures (gorge), des étourdissements, des engourdissements et une toux.
Une étude clinique a examiné les effets du cannabis vaporisé sur la pharmacocinétique, les effets subjectifs, les cotes de douleur et l'innocuité des opioïdes administrés par voie orale des patients souffrant de la douleur chronique (musculosquelletique, post-traumatique, arthritique, neuropathique périphérique, cancéreuse, fibromyalgique, causée par la SP, la drépanocytose, et par le syndrome du défilé thoraco-brachial)Reference 276. L'étude a rapporté que l'inhalation du cannabis vaporisé (900 mg, 3,56 % de Δ9-THC) trois fois par jour pendant cinq jours a été associée à une baisse statistiquement significative de la douleur (27 %, IC = 9 - 46). Les sujets prenaient des doses stables à libération soutenue de sulfate de morphine ou d'oxycodone et avaient déjà précédemment consommé du cannabis. Il y a eu une diminution statistiquement importante de la Cmax de sulfate de morphine, mais pas d'oxycodone pendant l'exposition au cannabis. Aucun effet indésirable cliniquement important n'a été relevé, mais tous les sujets ont rapporté avoir ressenti le « high ». La méthodologie de l'étude comportait un certain nombre de limitations dont la petite taille d'échantillon, la courte durée, population de sujet non randomisée, et l'absence d'un placebo.
Une étude par permutation menée à double insu et contrôlée avec placebo auprès de patients souffrant de la douleur neuropathique d'étiologies diverses (p.ex. le TM, le SDRC de type 1, la causalgie (SDRC type 2), la neuropathie diabétique, la SP, la névralgie post-herpétique, la neuropathie périphérique idiopathique, la plexopathie brachiale, la radiculopathie lombosacrale, et la neuropathie post-AVC) a rapporté que l'inhalation du cannabis vaporisé (800 mg contenant une faible dose de Δ9-THC (1,29 % de Δ9-THC; teneur totale disponible de Δ9-THC de 10,3 mg) ou une dose moyenne de Δ9-THC (3,53 % de Δ9-THC; teneur totale disponible de Δ9-THC de 28,2 mg)) pendant trois séances séparées de 6 h chacune a été associée à une réduction statistiquement significative de l'intensité de la douleurReference 591. L'inhalation s'est effectuée selon un protocole normalisé (c.-à-d. « la procédure Foltin ») : il a été signalé verbalement aux participants de tenir le sac du vaporisateur d'une main et de mettre son embouchure dans la bouche, lorsque prêt, d'inhaler (5 s), de retenir la vapeur dans leurs poumons (10s), et enfin d'expirer et d'attendre avant de répéter le cycle de l'inhalation (40s). Des différences non significatives ont été constatées entre le placebo et les traitements actifs en ce qui concerne les cotes d'évaluation de la douleur à la 60e minute suivant le lancement de la séance de l'étude. Après quatre inhalations suivant un signal de l'une ou l'autre dose de THC à la 60e minute, un effet du traitement significatif a été noté 60 minutes plus tard (c.-à-d. à la 120e minute après le lancement de l'essai). Une deuxième inhalation du cannabis vaporisé suivant le signal à la 180e minute après le lancement de l'essai (quatre à huit bouffées, dosage flexible, deux heures suivant la première inhalation) a été associée à une analgésie continue d'une durée supplémentaire de deux heures. Les deux doses : 1,29 % et 3,53 % de Δ9-THC étaient équianalgésiques et nettement meilleures que le placebo pour atteindre l'analgésie. Le NST pour une réduction de la douleur de l'ordre de 30 % était de 3,2 pour la faible dose contre le placebo, 2,9 pour la dose moyenne contre le placebo et 25 pour la dose moyenne contre la faible dose. Les auteurs suggèrent que les conditions des NST pour le traitement actif contre le placebo sont dans la fourchette de deux anticonvulsivants couramment utilisés pour le traitement de la douleur neuropathique (prégabaline, 3,9; gabapentine, 3,8). En se servant du Global Impression of Change rating scale [échelle d'évaluation de l'impression globale du patient à propos de l'évolution de son état], le soulagement de la douleur semblait être maximal après le deuxième dosage à 180 minutes, s'estompant entre une et deux heures plus tard. Les deux doses actives ont produit des effets équivalents dans l'évaluation de « l'acuité » de la douleur, tandis que la faible dose a été plus efficace que le placebo ou la dose moyenne contre la douleur décrite comme étant une douleur « brûlante » ou « lancinante ». Tous les sujets avaient déjà été exposés au cannabis et ils prenaient en même temps d'autres médicaments (opioïdes, anticonvulsivants, antidépressifs et médicaments AINS). Le traitement au cannabis a été associé à une faible déficience de certaines fonctions cognitives, les effets les plus importants étant observés dans les domaines d'apprentissage et de mémoire. L'étude a connu un certain nombre d'inconvénients dont le nombre relativement réduit de patients, une période d'étude courte, et l'éventualité de la levée de l'insu lors du traitement.
Une analyse de l'utilisation du cannabis fumé pour le traitement d'une douleur neuropathique suggère que l'efficacité du cannabis fumé (NST = 3,6, pour une diminution de 30 % de la douleur) est comparable à celle d'agents thérapeutiques classiques (p. ex. gabapentine, NST = 3,7), ce qui est légèrement inférieur à l'efficacité observée avec des antidépresseurs tricycliques (NST = 2,2), mais supérieur à l'efficacité de la lamotrigine (NST = 5,4) et des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (NST = 6,7)Reference 826. L'auteur indique que les concentrations de THC dans le cannabis fumé variaient entre 2 et 9 %, une concentration moyenne de 4 % permettant d'atteindre une bonne efficacité. En outre, l'auteur indique que le cannabis pourrait constituer un traitement de substitution ou d'appoint raisonnable pour les patients atteints d'une neuropathie périphérique réfractaire sévère qui ont essayé d'autres approches thérapeutiques sans obtenir de résultats satisfaisants. Cet examen, avec un autre examen plus récentReference 271 offrent un algorithme clinique utile pour déterminer si un patient est un candidat au traitement au cannabis contre la douleur neuropathique périphérique (voir Figure 3).
Légende :
a Les médicaments courants comprennent les antidépresseurs, les anticonvulsivants, les opiacés, les anti-inflammatoires non stéroïdiens.
b Au moins 30 % de réduction de l'intensité de la douleur.
c Considérer les antécédents de consommation de cannabis ou de cannabinoïdes, les effets secondaires potentiels ou les antécédents d'effets secondaires, la volonté de fumer/vaporiser/prendre oralement.
d Déterminer l'historique complet de toxicomanie et de troubles psychiatriques ou de l'humeur. Si oui ou s'il y a un risque élevé de toxicomanie, agir avec prudence et attention particulière (consulter les Sections 2.4, 5.0 et 6.0); coordonner avec les programmes de traitement de la toxicomanie. S'il existe des antécédents ou des risques de troubles psychiatriques (schizophrénie) ou bipolaires, consulter la Section 7.7.3 et consulter un spécialiste en psychiatrie avant de poursuivre.
e Cannabinoïde particulier, dose, voie d'administration; symptômes traités et résultats; effets néfastes.
f Discuter du fait qu'il n'existe toujours pas de ligne directrice claire concernant l'efficacité, le dosage et la toxicité; accroître la sensibilisation aux voies d'administration de cannabis oral et vaporisé; diriger les patients vers le site Web et les documents de Santé Canada concernant l'accès aux produits de cannabis; suivre les lignes directrices cliniques habituelles d'introduction par dose faible pour ensuite titrer la dose lentement.
g L'efficacité visée devrait être une réduction de l'intensité de la douleur d'au moins 30 %.
Une étude clinique ouverte à dose unique menée chez des patients souffrant de douleur neuropathique et consommant de très faibles doses de THC (provenant du cannabis vaporisé) révèle une amélioration statistiquement significative de la douleur neuropathique accompagnée d'effets indésirables minimesReference 58. Dans cette étude clinique, 10 patients souffrant d'un type quelconque de douleur neuropathique (TM, SDRC, radiculopathie lombosacrale, douleur neuropathique pelvienne) perdurant au moins trois mois qui ont reçu un régime analgésique stable pendant au moins 60 jours (p. ex. opioïdes, antidépresseurs, anticonvulsivants, benzodiazépines, stéroïdes, AINS, cannabis) ont reçu une dose vaporisée de 3 mg de THC (disponible dans l'appareil; ~ 1,5 mg de THC effectivement produit) découlant de la vaporisation de 15 mg de cannabis séché contenant 20 % de THC. L'administration de THC a été associée à une diminution statistiquement significative de l'intensité de référence de la douleur selon l'EVA de 3,4 points (c.-à-d. une réduction de 45 % de la douleur) dans les 20 minutes suivant l'inhalation, avec un retour à la valeur de référence dans les 90 minutes suivantes. Les effets indésirables étaient minimes, mais ils comprenaient des étourdissements, dans les dix minutes suivant l'inhalation, qui ont duré environ 30 minutes et se sont ensuite totalement résorbés. Les sujets ont déclaré consommer entre 2 et 40 g de cannabis par mois (c.-à-d. 0,067 g par jour et 1,3 g par jour). Du THC a été décelé dans le sang dans la première minute suivant l'inhalation et elle a atteint un niveau maximal dans les trois minutes suivantes, à une concentration moyenne de THC de 38 ng/mL.
Une étude canadienne de cohorte multicentrique, prospective sur l'innocuité menée auprès de patient utilisant du cannabis dans le cadre de leur régime de gestion de la douleur pour lutter contre une douleur chronique non cancéreuse révèle que l'utilisation du cannabis n'a pas été associée à une augmentation de la fréquence d'événements indésirables graves par rapport aux témoins, mais qu'elle a été associée à une augmentation de la fréquence d'événements indésirables non gravesReference 211. Dans cette étude, 216 patients souffrant d'une douleur chronique non cancéreuse (nociceptive, neuropathique ou les deux) consommateurs de cannabis et 215 patients du groupe témoin ayant une douleur chronique et non consommateurs de cannabis, ont fait l'objet d'un suivi pendant une période d'un an et ont subi une évaluation afin de connaître la fréquence et le type d'événements indésirables associés à l'utilisation d'un produit normalisé de cannabis végétal (CanniMed comportant 12,5 % de THC, < 0,5 % de CBD). Une proportion importante des sujets de l'étude prenaient des opioïdes, des antidépresseurs ou des anticonvulsivants. Près d'un tiers des sujets de l'étude ayant signalé fumer du cannabis au moins une fois ont déclaré en consommer exclusivement par la fumée, 44 % ont indiqué en consommer par la fumée et l'ingestion orale, 14 % ont déclaré vaporiser, fumer ou ingérer du cannabis par voie orale et un peu moins de 4 % ont indiqué en consommer uniquement par la fumée ou la vaporisation. Les objectifs secondaires visaient à examiner les effets de la consommation de cannabis sur la fonction pulmonaire et neurocognitive et à étudier l'efficacité du cannabis contre la douleur chronique non cancéreuse, y compris l'intensité de la douleur et la QV. Pour le résultat principal, le nombre total d'événements indésirables graves était similaire entre le groupe prenant du cannabis et le groupe témoin et aucun événement indésirable grave n'a été jugé « certainement » ou « très probablement » lié au cannabis fourni par les enquêteurs. Un événement indésirable grave (convulsion) a été considéré comme étant « probablement » lié au cannabis administré dans le cadre de l'étude. Les patients du groupe de traitement au cannabis ont éprouvé une médiane de trois événements par sujet (p/r à une médiane de deux événements par sujet dans les groupes témoins). Le taux d'incidence d'événements indésirables dans le groupe de traitement au cannabis était de 4,61 événements par année-personne et il a été considérablement plus élevé par rapport au groupe témoin où le taux d'incidence était de 2,85 événements par année-personne. Les catégories d'événements indésirables les plus courantes parmi le groupe de traitement au cannabis ont été les troubles du système nerveux (20 %), les troubles GI (13,4 %) et les troubles respiratoires (12,6 %) et le taux relatif aux troubles du système nerveux, aux troubles respiratoires, aux infections et aux troubles psychiatriques s'est avéré considérablement plus élevé dans le groupe traité au cannabis par rapport au groupe témoin. En outre, les événements indésirables légers (51 %) et modérés (48 %) ont été plus courants que les événements graves (10 %) dans le groupe traité au cannabis. La somnolence (0,6 %), l'amnésie (0,5 %), la toux (0,5 %), les nausées (0,5 %), les étourdissements (0,4 %), l'humeur euphorique (0,4 %), l'hyperhidrose (0,2 %) et la paranoïa (0,2 %) ont été jugés « certainement/très probablement » liés au traitement au cannabis. L'augmentation de la dose quotidienne de cannabis n'a pas été associée à un risque plus élevé d'événements indésirables graves et non graves, bien que la quantité maximale quotidienne recommendée de cannabis ait été fixée à 5 g par jour (la dose médiane quotidienne de cannabis était de 2,5 g par jour). En ce qui a trait aux paramètres secondaires, aucune différence dans la fonction neurocognitive n'a été observée entre les utilisateurs de cannabis et les témoins, après un an de traitement et après avoir contrôlé plusieurs facteurs de confusion potentiels. Aucune modification significative n'a été constatée dans certains tests sur la fonction pulmonaire (capacité vitale lente, capacité résiduelle fonctionnelle, capacité pulmonaire totale) au cours de la période de l'étude, bien que des réductions aient été observées dans le volume résiduel, le volume expiratoire maximal par seconde (VEMS) et dans le rapport VEMS/ capacité vitale forcée (CVF) (diminution de 0,78 %). Aucun changement n'a été remarqué dans les fonctions hépatiques, rénales ou endocrines. En ce qui concerne l'efficacité contre la douleur, comparativement au début de l'étude, une réduction significative de l'intensité de la douleur moyenne a été constatée dans le groupe de traitement au cannabis, mais pas dans le groupe témoin (différence = 1,10). Les patients consommant notamment du cannabis ont éprouvé une douleur et une incapacité de référence plus élevées par rapport aux témoins. Même s'il existait une amélioration significative par rapport à l'intensité de la douleur de référence dans le groupe témoin et dans le groupe de traitement au cannabis, une amélioration plus importante de la fonction physique a été observée dans le groupe traité au cannabis par rapport au groupe témoin. Enfin, la composante sensorielle de la douleur et le score total de détresse liée aux symptômes [Edmonton Symptom Assessment System, ESAS] ainsi que l'échelle globale des troubles de l'humeur du profil des états d'humeur [Profile of Mood States, POMS] ont révélé une amélioration dans le groupe traité au cannabis par rapport au groupe témoin. Les limites de l'étude comprennent notamment la taille relativement réduite de l'échantillon et la courte période de suivi qui ont empêché la détermination d'événements indésirables graves rares, un taux d'abandon important attribuable à des événements indésirables (surtout chez les patients n'ayant jamais été traités au cannabis et chez les anciens utilisateurs), l'absence d'efficacité perçue et/ou l'aversion à l'égard du produit de l'étude. La plupart (66 %) des sujets du groupe traité au cannabis étaient des consommateurs de cannabis expérimentés et les auteurs de l'étude avancent qu'un taux plus élevé d'événements indésirables concernant le cannabis aurait été observé si seuls de nouveaux utilisateurs du cannabis avaient été inclus. Par conséquent, les résultats de l'étude concernant l'innocuité de l'utilisation du cannabis contre la douleur chronique non cancéreuse ne peuvent pas être appliqués aux patients n'ayant jamais été traités au cannabis. Enfin, il ne s'agissait pas d'une étude contrôlée à répartition aléatoire et la répartition n'a pas été effectuée à l'insu. Par conséquent, les améliorations des mesures d'efficacité secondaires doivent être interprétées avec prudence.
Une méta-analyse d'études à répartition aléatoire, à double insu et contrôlées par placebo portant sur le cannabis fumé ou vaporisé contre la douleur neuropathique révèle que le cannabis inhalé a donné lieu à une réduction à court terme de la douleur neuropathique chronique chez un patient sur cinq ou six traités (NST = 5,6)Reference 827. En outre, les résultats de l'étude indiquent que le cannabis inhalé serait aussi puissant que la gabapentine (NST = 5,9). Dans cette étude, cent soixante-dix-huit participants d'âge moyen souffrant d'une neuropathie douloureuse perdurant au moins trois mois ont été inscrits aux cinq essais contrôlés à répartition aléatoire nord-américains examinés : deux essais n'ont recruté que des personnes atteintes du VIH et des sujets présentant une neuropathie chronique douloureuse liée au VIH, tandis que les trois essais restants ont recruté des patients atteints d'une neuropathie entraînant un traumatisme, un TM, un diabète sucré et un SDRC. Aucune étude n'a examiné les résultats au-delà de deux semaines. Les effets thérapeutiques ont semblé augmenter parallèlement à la hausse de la teneur en THC. Les abandons des études en raison d'effets indésirables ont été rares. Les effets secondaires subjectifs comprenaient notamment une légère anxiété, une désorientation, de la difficulté à se concentrer, des céphalées, une sécheresse oculaire, une sensation de brûlure, des étourdissements et des engourdissements. La fréquence des effets psychoactifs (p. ex. « sensation de high ») a augmenté parallèlement à la hausse de la dose. Les limites de cette étude reflètent principalement les limites associées aux études d'origine (c.-à-d. petit nombre d'études disponibles, nombre réduit de participants, lacunes dans la dissimulation des répartitions et l'attrition). La méta-analyse n'a pas permis de tirer des conclusions quant à l'efficacité ou l'innocuité à long terme du cannabis inhalé contre la douleur neuropathique chronique étant donné que la durée maximale des études d'origine n'allait pas au delà de deux semaines.
Une étude clinique croisée à répartition aléatoire et à double insu, contrôlée par placebo et à dose unique portant sur des doses faibles, moyennes et élevées de cannabis vaporisé chez 16 patients atteints d'une neuropathie diabétique périphérique douloureuse et visant à mesurer l'efficacité et la tolérabilité à court terme du cannabis a signalé une différence statistiquement significative des scores de douleurs spontanées entre les doses et un effet négatif statistiquement significatif de la dose élevée sur certaines mesures neuropsychologiquesReference 592. Les participants de l'étude avaient un diabète sucré de type I ou II et des antécédents d'au moins six mois de neuropathie diabétique périphérique douloureuse. Les sujets ont participé à quatre séances séparées par deux semaines et ont été exposés au placebo, à des doses faibles (1 % de THC, < 1 % de CBD, 400 mg de matière végétale totale), moyennes (4 % de THC, < 1 % de CBD, 400 mg de matière végétale totale) et élevées (7 % de THC, < 1 % de CBD, 400 mg de matière végétale totale) de THC. Les doses réelles de THC disponibles pour l'inhalation ont été estimées à 0, 4, 16 ou 28 mg de THC par séance d'administration. Des mesures de référence de la douleur spontanée, de la douleur provoquée et des tests cognitifs ont été effectués. On a signalé une différence statistiquement significative des scores de la douleur spontanée entre les doses, avec les scores de l'intensité de la douleur moyenne aux doses faibles, moyennes et élevées étant significativement différents de ceux obtenus avec le placebo et le score de la douleur moyenne à la dose élevée étant significativement différent de celui observé aux doses moyennes, faibles et avec le placebo. Aucune différence statistiquement significative n'a été constatée dans l'intensité de la douleur moyenne entre la dose moyenne et la dose faible. Il y a eu une réduction statistiquement significative des scores de la douleur moyenne provoquée entre la dose de placebo et la dose élevée, entre la dose faible et la dose élevée et entre la dose moyenne et la dose élevée de cannabis. En moyenne, le score de la douleur minimale le plus faible a été obtenu avec la dose élevée (7 % de THC) et le score de la douleur minimale le plus élevé a été observé avec la dose de placebo. Bien que les résultats aient démontré une réduction statistiquement significative pour la douleur spontanée et évoquée entre les doses, la comparaison des proportions de participants ayant obtenu une réduction d'au moins 30 % des scores de la douleur spontanée et provoquée n'a pas révélé des résultats statistiquement significatifs entre les différentes doses. La performance dans certains tests neurocognitifs (l'attention, la mémoire opérationnelle) a fait apparaître des différences statistiquement significatives entre les doses, avec certaines déficiences durant jusqu'à 120 minutes après l'administration. Un effet lié à la dose dans le score du « high » subjectif s'est dissipé après quatre heures. En outre, les résultats de l'étude ont semblé indiquer une corrélation entre le score du « high » subjectif et le score de la douleur spontanée; chaque augmentation d'un point du score du « high » étant associée à une diminution du score de la douleur de 0,32 point. Une euphorie a été observée chez 100 % des personnes à la dose la plus élevée (7 % du THC) et une différence statistiquement significative a été relevée concernant l'euphorie entre la dose élevée et le placebo et entre la dose moyenne et le placebo. Une somnolence a été constatée chez 73 % des personnes à la dose élevée et elle s'est révélée statistiquement significative qu'avec la dose élevée p/r au placebo. Fait intéressant, 56 % des personnes ont signalé une euphorie avec la dose de placebo, ce qui suggère un taux d'anticipation élevé. Les limites de l'étude comprennent notamment la taille réduite de l'échantillon, l'insuffisance de puissance et la courte durée de l'étude, des tests neuropsychiatriques limités et l'absence d'insu potentielle.
Une analyse systématique d'essais contrôlés à répartition aléatoire portant sur les cannabinoïdes (nabilone, vaporisation du cannabis par voie oromucosale, extrait de cannabis par voie orale, cannabis fumé ou vaporisé et inhibiteurs de la FAAH) dans le traitement de la douleur chronique non cancéreuse a été menée conformément aux lignes directrices PRISMA (Preferred Reporting Items for Systematic Reviews and Meta-Analyses) relatives aux examens systématiques faisant rapport des résultats des soins de santé et révèle que la plupart des essais ont démontré un effet analgésique significatif ainsi qu'une amélioration des paramètres secondaires (p. ex. sommeil, raideur musculaire, spasticité)Reference 171. Les effets indésirables fréquents, et probablement liés à la consommation de cannabis, ont été notamment la somnolence, la fatigue, les étourdissements, l'assèchement de la bouche, les nausées et les effets cognitifs dont la gravité était généralement légère à modérée et qui ont été généralement bien tolérés. Les effets indésirables graves ont été notamment l'infection des voies urinaries, le traumatisme cranien, la maladie pulmonaire interstitielle (avec extrait oral de cannabis), les délires (avec le nabilone), des idées suicidaires et la désorientation (avec vaporisateur oro-mucosal de cannabis). Les limites des résultats ont trait principalement à la courte durée de l'étude, à la taille réduite des échantillons des essais inclus et à l'ampleur modeste des effets. Des essais contrôlés à répartition aléatoire plus longs et dont la taille des échantillons est plus importante sont nécessaires pour confirmer les signaux d'efficacité établis par les études de « validation de concept » de plus petite envergure et pour la surveillance à plus long terme de patients afin d'évaluer les facteurs d'innocuité à long terme.
Une autre analyse systématique de six essais contrôlés à répartition aléatoire (N = 226 patients) portant sur le cannabis fumé ou vaporisé pour lutter contre la douleur chronique non cancéreuse a confirmé la pertinence de l'utilisation du cannabis à de faibles doses dans la douleur neuropathique réfractaire conjointement avec des analgésiques classiquesReference 167. La qualité de cinq des six essais analysés a été jugée élevée (selon l'échelle Jadad). Deux cent vingt-six adultes (âge moyen compris entre 45 et 50 ans) souffrant d'une douleur neuropathique chronique (neuropathie associée au VIH, neuropathie post-traumatique, neuropathie mixte) ont été inclus dans l'analyse. Tous les essais ont exclu les patients ayant des antécédents de troubles psychotiques ou des antécédents d'abus de cannabis ou de dépendance au cannabis. Quatre des cinq essais qui ont permis aux patients de continuer à utiliser des opioïdes, des anticonvulsivants et des antidépresseurs ont révélé que plus de 50 % des sujets consommaient des opioïdes concomitants. La dose de THC variait d'environ 1 % à 9,4 % (en poids sec) avec la quantité quotidienne totale de THC produite qui était comprise entre 1,9 mg par jour et 34 mg par jour au maximum. Les deux essais ouverts aux sujets n'ayant jamais été traités au cannabis ont indiqué des abandons ou retraits associés à des effets indésirables potentiels du cannabis fumé (p. ex. psychose, toux persistante, sensation de « high », étourdissements, fatigue), les autres raisons des abandons n'étant pas liées à des effets indésirables. Toutes les études ont fait état d'un effet analgésique statistiquement significatif. Un effet analgésique cliniquement significatif (> 30 % d'amélioration du soulagement de la douleur) a été signalé dans seulement trois des études incluses. Les effets indésirables comprenaient principalement des événements neurologiques ou psychiatriques (p. ex. céphalées, sédation, euphorie, dysphorie, difficulté à se concentrer, faible capacité d'attention et de mémorisation) et l'incidence des effets indésirables a semblé augmenter en fréquence avec l'augmentation de la dose de THC. Les auteurs concluent que les effets cognitifs indésirables à court terme signalés dans les ERC inclus étaient similaires à ceux ressentis avec des opioïdes et ils suggèrent d'appliquer les précautions prises avec les opioïdes au cannabis. Les auteurs affirment que le THC à faible dose (< 34 mg de THC par jour) est associé à une amélioration de la douleur neuropathique réfractaire de gravité modérée chez les adultes consommant des analgésiques concomitants. La possibilité de généralisation des résultats concernant la douleur chronique non cancéreuse est limitée par la qualité des études, la taille réduite des échantillons, la courte durée de l'étude et la variabilité des doses et de l'horaire de prise des doses.
Études cliniques avec les médicaments sur ordonnance à base de cannabinoïdes administrés par voie orale
Nabilone
Une étude descriptive rétrospective ouverte de 20 patients adultes souffrant de douleur chronique, non liée au cancer, et de diverses étiologies (douleur postopératoire ou traumatique, dystrophie sympathique réflexe, l'arthrite, la maladie de Crohn, cystite interstitielle, douleur neuropathique, la myopathie associée au VIH, syndrome post-poliomyélite, douleur inguinale idiopathique et céphalées chroniques) a démontré une amélioration générale subjective et une réduction de l'intensité de la douleur au moyen du nabilone comme traitement auxiliaire de soulagement de la douleurReference 818. De plus, les effets bénéfiques sur le sommeil et les nausées étaient les principales raisons menant à la continuité de son utilisation. Les patients ont utilisé entre 1 et 2 mg de nabilone par jour. De fortes doses (3 à 4 mg/ jour) ont été associées à une incidence accrue d'effets indésirables. Ceux-ci comprenaient l'assèchement de la bouche, les céphalées, les nausées et les vomissements, la fatigue, la déficience cognitive, les étourdissements, et la somnolence. Beaucoup de patients prenaient en même temps d'autres médicaments tels que les AINS, les opioïdes, et divers types d'antidépresseurs. Bon nombre de patients ont aussi signalé avoir utilisé le cannabis dans le passé pour gérer leurs symptômes. Les lacunes de la méthodologie de l'étude comprenaient l'absence d'un groupe témoin et un petit nombre de patients.
Une étude récente évaluant l'efficacité du nabilone à recrutement enrichi, à sevrage randomisé, en groupes parallèles, à doses variables, à double insu et contrôlée avec placebo comme traitement adjuvant contre la douleur neuropathique périphérique diabétique a rapporté une diminution statistiquement significative de la douleur, par rapport au placebo, avec 85 % des sujets du groupe du nabilone déclarant une diminution de la douleur de ≥ 30 % du début à la fin de l'étude et 31 % des sujets du groupe du nabilone déclarant une diminution de la douleur de ≥ 50 % du début à la fin de l'étudeReference 605. Les sujets prenant le nabilone ont aussi rapporté des améliorations significatives de l'anxiété, du sommeil, de la QV et de l'état du patient en général. Les doses du nabilone allaient de 1 à 4 mg/jour. La plupart des patients prenaient en même temps divers autres médicaments contre la douleur, tels que les AINS, les opioïdes, les antidépresseurs et les anxiolytiques. Les événements indésirables associés à l'intervention au nabilone comprenaient les étourdissements, l'assèchement de la bouche, la somnolence, les troubles de la mémoire, la léthargie, la confusion, l'euphorie, les céphalées, l'augmentation de l'appétit, quoique le gain de poids n'ait pas été observé.
Dronabinol
Un essai par permutation et randomisé, mené à double insu et contrôlé avec placebo auprès des patients souffrant de la douleur neuropathique centrale consécutive à la SP a rapporté une baisse de la douleur centrale avec des doses quotidiennes maximales de 10 mg de dronabinolReference 603. Le dosage a commencé avec 2,5 mg de dronabinol/jour, procédant par une augmentation progressive de la dose tous les deux jours; la durée totale de l'essai était de trois semaines (marge de 18 à 21 jours). Les médicaments contre la douleur autres que le paracétamol n'étaient pas autorisés lors de l'essai. Le nombre de patients nécessaire pour traiter contre une réduction de 50 % de la douleur étant de 3,5 (l'IC à 95 % = 1,9, 24,8). Cinquante-quatre pour cent des patients ont eu une réduction de la douleur de l'ordre de ≥ 33 % pendant le traitement au dronabinol comparativement à 21 % des patients ayant reçu le placebo. Le degré de réduction de la douleur dans cette étude a été comparable à celle enregistrée avec d'autres médicaments couramment utilisés dans le traitement des conditions de douleur neuropathique. Aucune différence significative n'a été rapportée entre le groupe de traitement et le groupe placebo quant à la sensibilité thermique, la détection tactile, la détection de la douleur, la sensibilité vibratoire, la sommation temporelle ou l'allodynie mécanique ou l'allodynie au froid. Toutefois, il y a eu une augmentation statistiquement significative du seuil de la douleur à la pression chez des sujets traités au dronabinol. Les effets indésirables auto déclarés ont été courants, surtout lors de la première semaine du traitement actif. Ces derniers comprenaient les étourdissements, les vertiges, la somnolence, les céphalées, la myalgie, la faiblesse musculaire, l'assèchement de la bouche, les palpitations, et l'euphorie.
Un essai de phase I randomisé, mené à dose unique, par permutation et à double insu et contrôlé avec placebo auprès de 30 patients prenant des opioïdes à action courte ou prolongée (68 mg des équivalents de la morphine/jour par voie orale; marge de 7,5 à 228 mg) contre la douleur chronique non liée au cancer réfractaire (d'étiologies diverses), a rapporté que des doses de 10 mg et 20 mg du dronabinol ont été associées à un soulagement significatif de la douleur comparativement au placebo, quoique aucune différence n'ait été observée dans le soulagement de la douleur entre les deux traitements actifsReference 283. L'intensité de la douleur et la douleur évoquée ont aussi été réduites de façon significative chez les sujets ayant reçu les traitements actifs comparativement au placebo. Le soulagement significatif de la douleur par rapport à l'état initial a été aussi rapporté dans une étude ouverte de phase II, une prolongation de l'essai initial de phase I mentioné ci-haut. On a demandé aux patients de suivre une posologie progressive, commençant par une dose de 5 mg par jour et d'augmenter la dose jusqu'à un maximum de 20 mg trois fois par jour. Des effets secondaires importants ont été constatés chez la majorité des patients de l'essai à dose unique, lesquels étaient conformes à des effets secondaires relevés dans d'autres essais cliniques et se sont manifestés plus fréquemment chez les sujets recevant les plus fortes doses du médicament de l'étude. Les auteurs ont rapporté que comparativement à l'essai à dose unique de phase I, la fréquence des effets secondaires auto déclarés de l'étude ouverte de phase II a diminué avec l'usage continu du dronabinol. Les lacunes dans la méthodologie de l'étude comprenaient le nombre réduit des sujets de l'étude, le nombre important de sujets s'étant déjà exposés au cannabis, l'absence de groupes de comparaison appropriés, et l'absence d'un placebo actif. D'autres lacunes propres à l'essai ouvert de phase II comprenaient l'absence d'un groupe témoin ou d'un volet croisé.
Le nabiximols
Santé Canada a approuvé le SativexMD (avec conditions) comme traitement auxiliaire pour le soulagement symptomatique de la douleur neuropathique chez les patients souffrant de SPReference 427.
Un certain nombre d'études randomisées menées par permutation, en groupes parallèles et à double insu et contrôlées avec placebo ont démontré des réductions importantes de la douleur neuropathique centrale et périphérique d'étiologies diverses (p. ex. l'avulsion du plexus brachial liée à la SP) suite à un traitement au nabiximols (SativexMD)Reference 429Reference 828Reference 829. Dans les trois études, les patients prenaient en même temps d'autres médicaments pour gérer leur douleur (p.ex. des antiépileptiques, des antidépresseurs tricycliques, des opioïdes, des médicaments AINS, des inhibiteurs spécifiques du recaptage de la sérotonine, des benzodiazépines, des myorelaxants). Le NST pour une réduction de la douleur de l'ordre de 30 % (jugé cliniquement significatif) variait entre 8 et 9, alors que le NST pour une réduction de l'ordre de 50 % de la douleur neuropathique centrale était de 3,7, et de 8,5 pour la douleur périphérique. Dans deux des trois études, la majorité des patients avaient déjà fait l'expérience du cannabis à des fins médicales ou à des fins non médicalesReference 828Reference 829. De plus, la majorité des sujets faisant partie du groupe de traitement actif ont ressenti des effets indésirables mineurs ou modérés par rapport au groupe placebo, à savoir les nausées, les vomissements, la constipation, les étourdissements, l'intoxication, la fatigue, l'assèchement de la bouche, et autres.
D'après la déclaration et lignes directrices consensuelles en matière de traitement pharmacologique de la douleur neuropathique chronique de la Société canadienne pour le traitement de la douleur mises à jour en 2014, des thérapies à base de cannabinoïdes sont considérées (p.ex. le dronabinol et le nabiximols et le cannabis fumé) comme étant des traitements de troisième ligne (en 2007 elles étaient considérées comme étant des traitements de quatrième ligne) contre la douleur neuropathique; et surtout comme étant des analgésiques adjuvants pour le traitement de la douleur réfractaire aux médicaments standardsReference 830Reference 831 (mais voir aussi la Section 4.8.3 etReference 832 pour des lignes directrices cliniques mises à jour sur l'usage des cannabinoïdes pour le traitement des symptômes associés à la fibromyalgie).
Une étude ouverte de prolongation de neuf mois (38 semaines) a examiné l'efficacité à long terme, l'innocuité et la tolérabilité du nabiximols chez 380 patients (234 sujets ont terminé l'étude) souffrant d'une douleur neuropathique périphérique associée au diabète sucré ou à l'allodynie et utilisant de façon concomitante un autre traitement analgésiqueReference 833. Cent soixante-six patients avaient déjà pris du nabiximols dans le cadre d'un essai clinique apparenté, contrôlé, à répartition aléatoire semblable (doses quotidiennes moyennes contre l'allodynie : 8,9 vaporisations; doses quotidiennes moyennes contre la neuropathie diabétique : 9,5 vaporisations). La dose quotidienne moyenne de nabiximols dans l'étude de prolongation était comprise entre six et huit doses à la pompe (16,2 mg de THC et 15 mg de CBD et 21,6 mg de THC et 20 mg de CBD) et aucune augmentation des doses à la pompe n'a été observée au fil du temps, ce qui semble indiquer une absence de tolérance au médicament de l'étude. Onze pour cent des patients ayant reçu du nabiximols pendant l'essai contrôlé à répartition aléatoire apparenté se sont retirés de l'étude de prolongation en raison d'événements indésirables, tandis que 27 % des patients ayant reçu un placebo pendant l'étude apparentée se sont retirés de l'étude de prolongation en raison d'événements indésirables. Treize pour cent des patients qui avaient reçu du nabiximols dans le cadre de l'essai contrôlé à répartition aléatoire apparenté se sont retirés en raison de son manque d'efficacité. Un médicament analgésique concomitant a été utilisé par 84 % des patients. Les médicaments analgésiques les plus souvent utilisés étaient notamment des anticonvulsivants, des antidépresseurs tricycliques, des opioïdes et des AINS. Les médicaments concomitants non analgésiques étaient notamment des inhibiteurs de la 3-hydroxy-3-méthylglutaryl-coenzyme A (HMG-CoA) réductase, des inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine (ECA), des biguanides et des inhibiteurs de l'agrégation plaquettaire. La grande majorité des patients avaient déjà essayé sans succès au moins un analgésique pour lutter contre leur douleur neuropahique périphérique (c.-à-d. anticonvulsivants et AINS). Tous les patients ont signalé une amélioration du score de la douleur selon l'EEN au fil du temps, en passant du score initial de 6,9 au départ, dans les ERC semblables, à un score de 4,2 à la fin de la période des études de prolongation ouvertes de neuf mois. La moitié au moins des patients ont signalé une amélioration cliniquement significative de 30 % de la douleur comparativement au début des essais contrôlés à répartition aléatoire apparentés et au moins 30 % des patients ont présenté une amélioration de 50 % de la douleur au fil du temps. La réduction maximale des scores de la douleur s'est produite entre la 14e et la 26e semaine, pendant l'étude de prolongation. Une amélioration des scores relatifs à la qualité du sommeil selon l'EEN et des résultats du questionnaire sur la santé EQ-5D s'est maintenue tout au long de la période de l'étude de prolongation. Les événements indésirables toutes causes confondues les plus souvent signalés, selon la classe de système d'organes, ont été les troubles du système nerveux (44 %), les troubles GI (36 %), les troubles généraux et touchant le point d'administration (24 %), les infections et infestations (23 %) et les troubles psychiatriques (21 %). Les événements indésirables liés au traitement les plus courants ont été les étourdissements (19 %), les nausées (9 %), l'assèchement de la bouche (8 %), la dysgueusie (7 %), la fatigue (7 %), la somnolence (7 %) et la sensation d'ivresse (6 %). La plupart (74 %) des événements indésirables liés au traitement se sont résorbés sans conséquence à la fin de la période de l'étude. Cependant, les chercheurs ont continué d'observer des événements indésirables à la fin de l'étude, entre autres la fatigue, les étourdissements et l'insomnie. Onze pour cent des patients ont éprouvé un événement indésirable grave pendant l'étude, 1 % ayant ressenti un effet indésirable lié au traitement. Les événements indésirables jugés liés au traitement étaient notamment des troubles du système nerveux et des troubles psychiatriques : deux patients ont subi une amnésie et de la paranoïa et une tentative de suicide ont été déclarés. Dix-huit pour cent des patients ont cessé de prendre le médicament de l'étude en raison d'événements indésirables liés au traitement. La plupart de ces événements sont survenus au cours de la première semaine de traitement.
4.7.2.3 Douleur causée par un cancer
- Les données cliniques disponibles limitées pour certains cannabinoïdes (le dronabinol, le nabiximols) suggèrent un effet analgésique modeste pour le dronabinol et un effet analgésique modeste et mixte pour le nabiximols sur la douleur causée par le cancer.
Études cliniques avec le dronabinol
Deux études cliniques menées à double insu par permutation et randomisées, contrôlée avec placebo suggèrent que le Δ9-THC (dronabinol) par voie orale présente un effet analgésique chez les patients souffrant de douleur continue d'intensité modérée à grave causée par un cancer avancé. La première est une petite étude d'établissement de la posologie de 5, 10, 15 et 20 mg de Δ9-THC, administrées au cours de jours successifs à 10 patients atteints d'un cancerReference 834. Un soulagement notable de la douleur a été constaté avec les doses de 15 et 20 mg, mais à ces niveaux de fortes doses, les patients se trouvaient sous forte sédation et l'obnubilation était commune. Une deuxième étude contrôlée avec placebo a comparé les doses de 10 et 20 mg de Δ9-THC par voie orale à 60 et 120 mg de codéine chez 36 patients ayant une douleur causée par un cancerReference 281. Bien que les plus faibles et les plus fortes doses de THC avaient un effet analgésique équivalent aux plus faibles et plus fortes doses de codéine respectivement, on a obtenu des différences statistiquement significatives en analgésie qu'entre le placebo et 20 mg de Δ9-THC et entre le placebo et 120 mg de codéine. La dose de 10 mg de Δ9-THC était bien tolérée et, malgré son effet sédatif, elle avait un potentiel analgésique léger. La dose de 20 mg de THC a provoqué la somnolence, des étourdissements, l'ataxie et une vision trouble. Une anxiété extrême a aussi été observée à la dose de 20 mg chez bon nombre de patients.
Études cliniques avec le nabiximols
Un essai clinique, mené par permutation, randomisé, à double insu, en groupes parallèles et contrôlé avec placebo auprès de patients souffrant d'une douleur réfractaire liée à un cancer (mixte, osseuse, neuropathqiue, viscérale, somatique et incidente) a suggéré qu'une dose administrée par voie orale d'extrait de THC et de CBD (nabiximols) contenant 2,7 mg de Δ9-THC et 2,5 mg de CBD par dose est un traitement auxiliaire efficace pour le traitement de la douleur liée au cancer dont les opioïdes forts n'ont pu pleinement soulagerReference 131. Les équivalents par jour de la dose médiane au départ de la morphine variaient de 80 à 120 mg. Quarante-trois pour cent des patients (n = 60) prenant l'extrait ont connu une amélioration ≥ 30 % dans leurs scores d'évaluation de la douleur, ce qui représente le double du nombre de patients ayant atteint ce résultat au sein des groupes du THC seulement (n = 58) et du placebo (n = 59). On a rapporté que les deux médicaments : le nabiximols et le THC ont été bien tolérés chez cette population de patients et que les événements indésirables étaient semblables à ceux d'autres essais cliniques du nabiximols (p.ex. la somnolence, les étourdissements, et les nausées).
Cette étude a été suivie par une étude de prolongation ouverte qui a évalué l'innocuité et la tolérabilité à long terme du nabiximols (de même que le vaporisateur oromucosal du THC) comme traitement auxiliaire contre la douleur chez des patients souffrant de la douleur liée à un cancer en phase terminale réfractaire aux analgésiques opioïdes puissantsReference 279. Les patients qui avaient pris part à l'étude et s'étaient pleinement conformés à ses exigences, et chez qui aucun événement indésirable ne s'était manifesté lors de l'étude parente initiale et chez qui l'on s'attendait à des bienfaits cliniques du nabiximols (avec tolérabilité acceptable) ont été inscrits dans l'étude de prolongation. Le type de douleur le plus fréquemment signalé (50 %) a été la douleur mixte (nociceptive et neuropathique) suivie de la douleur neuropathique (37 %) et la douleur osseuse (28 %). La durée médiane du traitement au nabiximols (n = 39 patients) était de 25 jours (marge de 2 à 579 jours), tandis que la durée moyenne du traitement au vaporisateur oromucosal du THC (n = 4 patients) était de 151,5 jours (marge de 4 à 657 jours). Le nombre moyen de vaporisations par jour du nabiximols pendant les sept derniers jours du dosage était de 5,4 contre 14,5 vaporisations/jour pour le THC seulement. Aucune augmentation de dose n'a été relevée chez les patients prenant le nabiximols au-delà de six mois et jusqu'à un an après l'initiation du traitement. Bien que l'étude ait été ouverte et non comparative sans vérification d'hypothèse formelle et essentiellement utilisée à des fins de statistiques descriptives, une diminution par rapport à la valeur de départ selon le formulaire court d'inventaire de la douleur mesurée [Brief Pain Inventory Short Form] a été constatée en ce qui concerne « la gravité de la douleur » et « la douleur la plus intense » au cours des cinq semaines de traitement. Toutefois, les auteurs ont relevé que les chercheurs cliniques ont jugé que la gestion de la douleur de leurs patients était sous-optimale. Un changement négatif par rapport à la valeur de départ (c.-à-d. indication d'une aggravation) a été rapporté dans le score de fonctionnement physique de l'EORTC QLQ-C30 bien qu'il y ait eu quelques améliorations des scores relatifs au sommeil et à la douleur entre les valeurs de départ et la cinquième semaine de traitement. Huit pour cent des patients sous le nabiximols ont développé de graves événements indésirables liés au nabiximols. Les événements indésirables les plus fréquemment signalés relatifs au nabiximols ont été les nausées ou les vomissements, l'assèchement de la bouche, les étourdissements, la somnolence et la confusion.
Contrairement aux études susmentionnées à l'aide du nabiximols, un essai clinique randomisé, mené par permutation et à double insu, en groupes parallèles et contrôlé avec placebo auprès de patients atteints de cancer et traités aux opioïdes qui souffrent d'une douleur chronique réfractaire liée à un cancer (mixte, osseuse, neuropathqiue, somatique, viscérale) n'a rapporté aucune différence statistiquement importante à la fin de l'essai entre le placebo et le groupe de traitement au nabiximols quant au paramètre primaire de soulagement de 30 % par rapport à la douleur en début de traitementReference 280. Toutefois, en faisant une analyse des taux de réponse continue comme paramètre d'évaluation secondaire (c.-à-d. en comparant la proportion de répondants au traitement avec le médicament actif et le placebo dans l'ensemble des réponses de 0 à 100 %), l'étude a pu rapporter un effet du traitement statistiquement significatif en faveur du nabiximols. Les patients prenaient l'équivalent des doses médianes d'opioïdes variant entre 120 et 180 mg/jour. Les événements indésirables étaient liés à la dose, et seul le groupe ayant reçu la plus forte dose se comparait défavorablement au placebo. Les auteurs ont relevé que l'essai était une étude d'établissement de la posologie et que des études de confirmation étaient indispensables. La méthodologie de l'étude n'a pas permis l'évaluation d'un indice thérapeutique.
Un essai clinique pilote en croisé, aléatoire et contrôlé par placebo du nabiximols pour le soulagement de la douleur neuropathique établie induite par la chimiothérapie n'a observé aucune différence statistiquement significative entre les groupes de traitement et de placebo sur une échelle d'évaluation numérique pour l'intensité de la douleur (EEN-ID)Reference 278. Les auteurs ont noté que cinq participants (répondeurs) ont éprouvé une baisse de deux points ou plus sur l'EEN-ID au cours du traitement ce qui était statistiquement significative comparativement au placebo. La dose moyenne de médicament utilisée dans le domaine de traitement était de huit vaporisations par jour (marge de 3 à 12) et de 11 vaporisations dans le domaine du placebo dont la majorité de ces patients ont titré jusqu'à la dose maximale. Des effets secondaires associés aux médicaments ont été signalés par la majorité des participants et comprenaient la fatigue, la xérostomie, des étourdissements, la nausée, des maux de tête, des « pensées floues », l'augmentation de l'appétit et la diarrhée. Dix des participants ont poursuit dans la phase d'extension de l'essai et les niveaux de douleur continuaient à diminuer d'une base de 6,9 à 5,0 après trois mois et de 4,2 après six mois. La dose moyenne était de 4,5 vaporisations par jour (marge de 2 à 10 vaporisations par jour).
Au Canada, le nabiximols (SativexMD) est approuvé (avec conditions) comme analgésique auxiliaire chez les adultes atteints d'un cancer avancé qui souffrent de douleur modérée à grave prenant la plus forte dose tolérée lors d'une thérapie à fortes doses d'opioïdes contre la douleur persistanteReference 427. Les recommandations de dosage actuelles pour le nabiximols suggèrent une dose quotidienne maximale de 12 vaporisations (32,4 mg de THC et 30 mg de CBD) au cours d'une période de 24 hReference 126Reference 131Reference 427, quoiqu'un plus grand nombre de vaporisations/jour ait été utilisé ou documenté dans des études cliniquesReference 280Reference 427. Il convient de noter que les augmentations du nombre de vaporisations/jour étaient accompagnées d'une incidence accrue d'effets indésirables.
4.7.2.4 Effet « d'épargne en opiacés » et la synergie cannabinoïdes-opioïdes
- Bien que les études précliniques et les études de cas suggèrent que certains cannabinoïdes pourraient posséder un effet « d'épargne en opiacés », les études épidémiologiques et cliniques menées avec du THC oral et du nabiximols ont obtenu des résultats mixtes.
- Des études observationnelles suggèrent une association entre les états américains avec des lois autorisant l'accès au cannabis (à des fins médicales et non médicales) et une baisse des taux d'opioïdes prescrits et de mortalité associée aux opioïdes.
L'effet « d'épargne en opiacés » renvoie à la capacité des médicaments non opiacés de servir comme analgésique auxiliaire avec l'aide d'une dose plus faible de l'opioïde, diminuant ainsi les effets secondaires associés à ces derniers. Bien qu'il existe quelques données précliniques et données provenant d'études de cas étayant de tels effets pour les cannabinoïdes, il s'agit ici d'un fait moins attesté et publié dans des études cliniques. De plus, il existe certaines données provenant d'études épidémiologiques et d'observation suggérant que les individus consommant des opioïdes pour le traitement de douleur non causée par le cancer pourraient aussi utiliser du cannabis afin de gérer la détresse provenant de la douleur non gérée et qu'une certaine portion d'individus consommant de plus fortes doses d'opioïdes pour le traitement de douleur chronique non causée par le cancer pourraient aussi éprouver de plus grands problèmes dans l'ensemble de nombreux domaines, y compris de plus grands risques de TUC.
Les informations suivantes résument les résultats des études précliniques, épidémiologiques et cliniques s'étant penchées sur les interactions cannabinoïde-opioïde ainsi que le potentiel « effet d'épargne en opiacés » des cannabinoïdes.
Données précliniques
Il existe une quantité raisonnable de données probantes pour laisser croire qu'il y ait une interaction fonctionnelle entre les systèmes de récepteurs cannabinoïdes et opioïdes, quoique des recherches supplémentaires s'imposent pour pouvoir comprendre avec précision comment les deux systèmes communiquent entre eux. Les données étayant une interaction putative entre les systèmes cannabinoïdes et opioïdes reposent sur un certain nombre d'observations. D'abord, il a été démontré que les cannabinoïdes et les opioïdes produisent des effets biologiques semblables tels que l'hypothermie, la sédation, l'hypotension, l'inhibition de la motilité GI, l'inhibition de l'activité locomotrice et une activité anti-nociceptiveReference 835-Reference 837. De plus, des études neuroanatomiques chez les animaux ont démontré un chevauchement de la distribution tissulaire des récepteurs cannabinoïdes et opioïdes, les deux types de récepteurs se trouvant dans les tissus du système nerveux liés au traitement des stimuli douloureux, à savoir la substance grise périaqueducale, les noyaux du raphé et les noyaux thalamiques centro-médiansReference 835-Reference 837. Il y a aussi des données qui indiquent que les récepteurs CB1 et les récepteurs mu opioïdes peuvent se colocaliser dans certaines des mêmes sous-populations neuronales telles que celles localisées dans les portions superficielles de la corne dorsale de la moelle épinièreReference 835. Cette colocalisation pourrait jouer un grand rôle dans la modulation des afférences nociceptives périphériques au niveau spinalReference 835. Les deux récepteurs partagent aussi des molécules et voies de transduction de signal dont l'activation entraîne généralement l'inhibition de la libération des neurotransmetteursReference 835Reference 837. Le rôle que jouent ces systèmes de récepteurs dans l'inhibition de la libération des neurotransmetteurs est davantage appuyé par leur emplacement sur les membranes présynaptiquesReference 835. Des données issues de certaines études précliniques portent aussi à croire qu'une administration aiguë d'agonistes de récepteurs cannabinoïdes peut engendrer une sécrétion des peptides opioïdes endogènes, et qu'une administration chronique du THC accroît l'expression génique des précurseurs des opioïdes endogènes (p. ex. préproenképhaline, prodynorphine et proopiomélanocortine) dans diverses structures médullaires et sus-épineuses qui participent à la perception de la douleurReference 835. Quelques études ont même démontré l'existence des hétéromères de récepteurs cannabinoïdes-opioïdes, quoique l'importance biologique de telle hétéromérisation de récepteur ne soit pas encore entièrement élucidéeReference 838Reference 839. Prises ensemble, ces conclusions suggèrent l'existence de chevauchement entre les systèmes de récepteurs cannabinoïdes et opioïdes. De plus, des études précliniques ayant eu recours à la combinaison de différents opioïdes (la morphine, la codéine) et des cannabinoïdes (THC) à doses aiguës ou inférieures au seuil d'efficacité ont révélé des effets additifs et mêmes synergiquesReference 840-Reference 842Reference 842-Reference 845. Une revue systématique récente et une méta-analyse d'études précliniques examinant la force des données existantes de l'effet « d'épargne en opiacés » des cannabinoïdes dans le contexte de l'analgésie ont conclu qu'il y a un effet significatif « d'épargne en opiacés » entre la morphine et le THC lorsqu'ils sont administrés en concomitance, bien qu'il y a une hétérogénéité significative dans les donnéesReference 846. Néanmoins, comparée à l'administration de morphine seule, la DE50 médiane de la morphine est 3,6 fois plus faible lorsqu'elle est administrée en combinaison avec du THC. Un effet significatif « d'épargne en opiacés » a également été signalé pour le THC lorsqu'il est administré en concomitance avec la codéine (DE50 9,5 fois plus faible lorsque le THC est combiné à la codéine par rapport à la codéine seule).
Série de cas cliniques et donées épidémiologiques
Un récent sondage en ligne en section transversale mené auprès de 2 897 participants d'une base de données de 67 422 patients utilisant du cannabis médical dans l'État de Californie a permis de recueillir des données sur l'utilisation du cannabis comme substitut aux analgésiques opioïdes et non opioïdesReference 847. La majorité des participants de l'échantillon a déclaré être en mesure de réduire la quantité d'opioïdes qu'ils consomment lorsqu'ils consomment aussi du cannabis. Les limites de cette étude comprennent l'autodéclaration et un taux de réponse très faible (4 %) ainsi qu'un échantillon biaisé.
L'analyse d'une série de cas de patients révèle une réduction de la dose d'opioïde avec la consommation de cannabis dans le traitement de la douleur chronique non cancéreuseReference 848. Dans un cas, une femme de 47 ans ayant des antécédents de SP chronique progressive depuis dix ans, accompagnés de céphalées, de douleurs musculaires à plusieurs endroits, de spasmes de la vessie et d'une spasticité des jambes, et recevant un traitement quotidien composé de 75 mg de morphine à longue durée d'action, de 24 mg de tizanidine et de 150 mg de sertraline au coucher, a aussi commencé à consommer du cannabis au coucher. Au cours des six mois suivants, la patiente a commencé à fumer régulièrement deux à quatre bouffées de cannabis au coucher et a signalé avoir réduit sa consommation quotidienne de morphine, de tizanidine et de sertraline au coucher aux doses suivantes : 45 mg, 6 mg et entre 100 et 150 mg, respectivement. La patiente a signalé une amélioration de la douleur, de la spasticité, des spasmes de la vessie et du sommeil. La patiente a également signalé ne pas avoir éprouvé d'effets indésirables autres que la sensation d'être quelque peu « high » si elle fumait plus de quatre bouffées à la fois. Un autre patient, un homme de 35 ans atteint de VIH, qui souffrait d'une neuropathie périphérique douloureuse liée au VIH touchant les membres inférieurs et les mains et qui prenait 360 mg par jour de morphine à longue durée d'action avec une dose supplémentaire de 75 mg de sulfate de morphine quatre fois par jour contre la douleur aiguë et 2 400 mg de gabapentine par jour a commencé à consommer du cannabis fumé à raison de trois à quatre bouffées, trois à quatre fois par jour. Au cours des quatre mois suivants, le patient a diminué sa dose de morphine jusqu'à 180 mg par jour; au bout de neuf mois, le patient a cessé de prendre de la morphine ainsi que de la gabapentine. Le patient n'a pas non plus signalé d'effets secondaires liés à l'utilisation de cannabis. Enfin, un homme âgé de 44 ans ayant des antécédents depuis six ans de lombalgie et de douleur à la jambe gauche et prenant 150 mg par jour de morphine à longue durée d'action et 10 mg de cyclobenzaprine, trois fois par jour, qui ne lui permettent pas de bien contrôler la douleur, a commencé à fumer du cannabis, à raison de plusieurs bouffées et, jusqu'à un joint, quatre à cinq fois par jour. Après avoir régulièrement fumé du cannabis pendant deux semaines, le patient a été en mesure de diminuer sa dose de morphine à 90 mg par jour, puis à 60 mg de morphine par jour et de diminuer sa dose de cyclobenzaprine à 10 mg une fois par jour et il a signalé une amélioration du contrôle de la douleur. Les auteurs de l'étude de série de cas déclarent qu'ensemble, les trois patients ont été en mesure de réduire leur dose d'opioïde de 60 à 100 % après avoir commencé le traitement au cannabis. En outre, les patients ont déclaré eux-mêmes avoir pu mieux contrôler la douleur grâce à l'introduction du cannabis dans leur stratégie de gestion de la douleur. Tous les patients ont signalé avoir déjà utilisé du cannabis avant l'apparition d'une morbidité.
Une étude de série de cas prospective, d'observation, sans répartition aléatoire et sans insu évaluant l'efficacité du traitement adjuvant au nabilone dans la gestion de la douleur et des symptômes ressentis par 112 patients atteints d'un cancer au stade avancé, dans un cadre de soins palliatifs, révèle que les patients qui utilisaient du nabilone ont présenté un taux plus faible de début de prise d'AINS, d'antidépresseurs tricycliques, de gabapentine, de dexaméthasone, de métoclopramide et d'ondansétron et qu'ils ont eu plus tendance à arrêter la prise de ces médicamentsReference 284. Les patients se sont vus prescrire du nabilone pour soulager la douleur (51 %), contre les nausées (26 %) et l'anorexie (23 %). Les patients traités ont commencé à prendre une dose de 0,5 ou 1 mg de nabilone au coucher, durant la première semaine, qu'ils ont augmentée par paliers de 0,5 ou 1 mg par la suite. Au moment du suivi, la plupart des patients recevaient une dose quotidienne de 2 mg de nabilone avec une dose quotidienne moyenne de 1,79 mg. Les deux paramètres primaires de l'étude, la douleur et l'utilisation d'opioïde sous la forme de doses équivalentes totales en sulfate de morphine, ont considérablement diminué chez les patients traités comparativement aux patients non traités. Les effets secondaires causés par le nabilone étaient principalement les étourdissements, la confusion, la somnolence et l'assèchement de la bouche. Les patients avaient également moins tendance à commencer à prendre d'autres nouveaux médicaments et pouvaient réduire ou cesser la prise de médicaments administrés au début de l'étude.
Une analyse de séries chronologiques ayant examiné les données de certificats de décès sur une période donnée (1999-2010) entre les États américains ayant établi des programmes d'accès au cannabis à des fins médicales et ceux qui en sont dépourvus a porté sur l'existence d'une association entre la présence de lois étatiques sur le cannabis médical et les taux de mortalité causée par une surdose d'analgésiques opioïdes. Cette analyse révèle que le taux de décès causé par une surdose d'analgésiques opioïdes et corrigé en fonction de l'âge pour 100 000 habitants dans les États qui ont adopté des lois sur le cannabis consommé à des fins médicales est près de 25 % plus faible que celui des États qui en sont dépourvus (IC à 95 % = -37,5 % à -9,5 %)Reference 849. Cette association a semblé se renforcer au fil du temps, avec une réduction du taux moyen annuel de mortalité causée par une surdose d'opioïde de 19,9 % au cours de la première année et une réduction du taux de mortalité due à une surdose d'opioïde de 33,3 % au cours de la sixième année, après l'adoption de lois par l'État sur le cannabis médical. Cette étude indique que les lois sur le cannabis médical seraient associées à une réduction de la mortalité due à une surdose d'analgésiques opioïdes au niveau de la population. Cependant, les mécanismes par lesquels cela semble se produire ne sont pas clairs pour le moment et nécessitent un examen plus approfondi.
Une analyse chronologique qui a examiné l'association entre la légalisation du cannabis par le Colorado à des fins non médicales et les décès liés aux opioïdes (2000-2015) a fait état d'une réduction de 0,7 décès par mois (b = -0,68; 95 % IC = -1,34, -0,03). Plus précisément, il y a eu une diminution de 6 % des décès liés aux opioïdes deux ans après la légalisation du cannabis non médical par rapport à deux états témoins (l'un autorisant le cannabis à des fins médicales, l'autre n'autorisant pas le cannabis à des fins médicales ou non médicales). Toutefois, les auteurs notent que la fenêtre de suivi de deux ans après la légalisation est relativement courte et que des recherches supplémentaires impliquant des périodes de suivi plus longues (et l'examen d'autres états qui ont légalisé le cannabis à des fins non médicales) sont nécessaires pour déterminer si ces réductions sont maintenues ou se dissipent au fil du tempsReference 850.
Deux récentes études observationnelles utilisant des données sur les soins de santé aux États-Unis (Medicare et Medicaid) ont examiné la différence entre les taux de prescription d'opioïdes dans les états américains avec et sans accès légal au cannabis. Bradford et ses collaborateursReference 851 ont constaté que, dans le temps (2010-2015), les états qui ont adopté des lois sur le cannabis médical ont déclaré moins de doses quotidiennes d'opioïdes prescrits (2,21 millions par année) que les états sans loi sur le cannabis médical. Parallèlement à cette découverte, Wen et HockenberryReference 852 ont conclu en utilisant des données transversales que les états ayant des lois sur le cannabis médical ont déclaré une réduction de 5,88 % du taux d'opioïdes prescrits. Cette étude a également examiné les schémas de prescription d'opioïdes dans les états ayant des lois sur le cannabis à des fins non médicales et a montré que l'accès au cannabis était également associé à une réduction des taux de prescription d'opioïdes (c.-à-d. 6,38 % plus bas que dans les états sans cannabis non médical légalisé). Les principales limites de ces études sont la nature associative des résultats, ce qui signifie que la causalité ne peut être établie et le fait qu'il est impossible de déterminer si le cannabis a vraiment remplacé ou s'est substitué à l'usage d'opioïdes, puisque les utilisateurs auraient pu avoir accès et utiliser des opioïdes provenant d'autres sources non médicales.
Une étude rétrospective transversale de 244 patients ayant accès à du cannabis à des fins médicales d'un dispensaire du Michigan a signalé que la consommation de cannabis à des fins médicales était associée à une réduction considérable de consommation d'opiacés ainsi qu'une réduction du nombre d'autres médicaments utilisés et du nombre d'effets secondaires associés à l'utilisation d'autres médicaments ainsi que des améliorations de la QVReference 853. La majorité (80 %) des participants à l'étude ont signalé avoir fumé du cannabis quotidiennement. La réduction moyenne autodéclarée de consommation d'opiacés parmi tous les répondeurs de l'étude était de 64 %. De plus, il existait une réduction statistiquement significative du nombre de médicaments autres que les opiacés (p. ex. les AINS, les médicaments antirhumatismaux modificateurs de la maladie, les antidépresseurs, les inhibiteurs de recaptage de la sérotonine et de la noradrénaline et les inhibiteurs spécifiques du recaptage de la sérotonine) après la consommation de cannabis. Les lacunes de la méthodologie de l'étude comprennent un biais de rappel possible, une population autosélectionnée, l'autodéclaration et des changements dans les taux d'émissions d'ordonnances d'opiacés de la part des médecins.
Une étude prospective, à volets ouverts, à bras unique et longitudinal de 274 patients atteints de douleur chronique resistante aux traitements (c.-à-d. douleur musculosquelettique répandue, douleur neuropathique périphérique, douleur radiculaire lombaire, douleur cancéreuse) a examiné les effets à long terme de traitements de cannabis à des fins médicales sur la douleur et les résultats fonctionnelsReference 574. L'analyse de principe de vouloir traiter a été effectuée sur 206 patients qui ont fourni les données de base et 176 participants ont terminé l'étude et ont été compris dans l'analyse finale. Les patients pouvaient fumer le cannabis, le consommer sous forme de biscuits ou l'utiliser dans un extrait d'huile d'olive sous forme de gouttes (jusqu'à un équivalent maximal de 20 g par mois, mais avec la possibilité d'augmenter cette quantité, s'il y a lieu). Les patients ont reçu la consigne de titrer leur dose de cannabis en commençant par une bouffée de cigarette (ou une goutte d'huile de cannabis) par jour et d'augmenter d'une bouffée ou d'une goutte par dose jusqu'à trois fois par jour jusqu'à ce qu'ils aient atteint un niveau de soulagement de la douleur satisfaisant ou que des effets secondaires apparaissent. On leur a aussi donné la consigne de s'abstenir de conduire pour au moins six heures après avoir consommé du cannabis ou pour plus longtemps s'ils se sentaient désorientés ou ensommeillés. Les concentrations de THC dans les produits fumés s'étendaient entre 6 et 14 % et entre 11 et 19 % dans les formules administrées par voie orale et les concentrations de CBD dans les produits fumés se trouvaient entre 0,2 et 3,8 % et entre 0,5 et 5,5 % dans les formules administrées par voie orale. La quantité mensuelle moyenne d'ordonnances de cannabis lors du suivi était de 43 g (moyenne de 1,4 g par jour). Les traitements au cannabis ont été ajoutés aux schémas posologiques actuels des analgésiques. Parmi les utilisateurs d'opiacés, la dose quotidienne médiane de consommation, en quantité équivalente de sulfates de morphine par prise orale quotidienne, était de 60 mg. Lors de suivis (après une période moyenne de sept mois après le début des traitements), les cotes des symptômes de douleur s'étaient améliorées d'une cote médiane de 83,3 à une cote médiane de 75,0 (p < 0.001) dans le cadre du questionnaire du Short-Form Treatment Outcomes in Pain Survey (S-TOPS) dont 66 % des participants ont déclaré une amélioration, 8 % n'ont déclaré aucun changement et 26 % ont déclaré une détérioration. Au cours d'analyses des sous-groupes, aucune différence n'a été observée dans les résultats principaux entre la douleur neuropathique et non neuropathique ou entre les patients masculins et féminins. Des améliorations ont aussi été observées dans les cotes de l'échelle du Brief Pain Inventory (BPI) de sévérité et d'interférence de la douleur ainsi que dans la majorité des cotes de déficience sociale et affective (c.-à-d. cotes de S-TOPS pour les déficiences sociales associées à la famille, les troubles émotionnels en relation au rôle, la satisfaction envers les résultats, l'index des troubles de sommeil). La consommation d'opiacés au moment du suivi avait aussi diminué de 44 %. La dose (quotidienne) équivalente de morphine orale médiane parmi les participants recevant toujours des opiacés au moment du suivi a diminué de 60 mg à 45 mg, sans toutefois atteindre un niveau statistiquement significatif. Neuf des participants ont abandonné le traitement en raison d'effets néfastes faibles à modérer, principalement la sédation, la lourdeur, la nervosité et les troubles de concentration. Deux autres participants ont abandonné le traitement en raison d'effets secondaires graves : l'un en raison de taux élevés de transaminases hépatiques et l'autre, un participant âgé, a été admis aux soins d'urgence et hospitalisé pour des symptômes de confusion. Le taux total d'abandon du cannabis était de 5,3 %. Les lacunes de la méthodologie de l'étude comprennent l'absence d'un groupe témoin et d'un concept à volet ouvert, l'absence d'évaluations périodiques fréquentes de tous les effets néfastes et la sous-représentation des femmes.
Les résultats d'une étude prospective, transversale, en cohortes et effectuée au cours de deux ans sur 1 514 individus auxquels ont été ordonnés des opiacés pharmaceutiques afin de soulager la douleur chronique non associée au cancer (l'étude « Pain and Opioids IN Treatment ») a examiné le degré de consommation de cannabis par ce groupeReference 209. L'étude a signalé qu'un participant sur six (16 %) avait consommé du cannabis pour soulager la douleur et que 25 % ont signalé qu'ils en auraient consommé pour soulager la douleur s'ils y avaient accès. Parmi ceux consommant du cannabis pour soulager la douleur, le soulagement moyen signalé causé par leur consommation était de 70 % comparativement au soulagement moyen de 50 % signalé pour l'utilisation de médicaments opiacés. Presque la moitié (43 %) avaient consommé du cannabis à des fins non médicales à un moment donné et 12 % de la cohorte entière correspondaient aux critères d'un TUC de la classification internationale des maladies (CIM) au cours de leur vie. Les individus ayant signalé avoir consommé du cannabis à des fins de soulagement de la douleur étaient en moyenne plus jeune et mâles et étaient considérablement plus probables de correspondre aux critères de troubles de consommation d'autres substances licites et illicites et aux critères de risque de dépression modérée ou grave et d'anxiété générale. Les individus qui avaient consommé du cannabis pour soulager la douleur étaient plus probables de signaler des douleurs aux dos et au cou et avaient enduré la douleur pendant une période de temps beaucoup plus longue que ceux n'ayant pas utilisé le cannabis. Ceux qui avaient consommé du cannabis pour soulager la douleur signalaient de la douleur plus aiguë, plus d'interférence liée à la douleur, moins d'adaptation à la douleur et plus de jours hors de rôle au cours de l'année précédente. De plus, ces individus recevaient des ordonnances d'opiacés depuis plus longtemps, recevaient des doses d'opiacés plus élevées, étaient plus probables d'avoir été ordonnés des benzodiazépines et étaient plus probables de ne pas adhérer à leur régime d'opiacés. D'après les auteurs, ces individus consommant du cannabis pour soulager la douleur semblent être un groupe possédant plus de problèmes faisant parti d'un grand nombre de domaines, y compris des troubles psychologiques et des troubles de consommation de substances, à un tel degré que la consommation de cannabis pour soulager la douleur pourrait refléter ces caractéristiques. Alternativement, les auteurs suggèrent que la consommation complémentaire de cannabis pour soulager la douleur pourrait refléter une tentative de la part de ces individus de gérer leurs troubles, étant donné la sensation signalée d'un plus haut niveau d'interférence de douleur signalée. Les limites de cette étude comprennent la sous-déclaration potentielle, un biais potentiel associé à l'autodéclaration et le manque de renseignements sur la quantité et la puissance de cannabis consommée.
Pour appuyer ces résultats, une étude observant les taux de TUC dans un échantillon national de patients de la Veterans Health Administration (n= 1 316 464) diagnostiquée de douleur chronique non associée au cancer et recevant des médicaments opiacés suggère qu'un plus grand nombre de remplissages d'ordonnances d'opiacés était associé à une possibilité plus élevée de diagnostic d'un TUCReference 854. On a observé que les patients ayant reçu une ordonnance pour des opiacés et étant diagnostiqués d'un TUC étaient considérablement plus jeunes et plus probables d'être sans-abri. Ceux diagnostiqués d'un TUC étaient aussi plus probables d'être diagnostiqués d'une maladie du foie et du VIH, bien que moins probables d'être diagnostiqués de démence et de troubles rénaux comparativement à ceux non diagnostiqués d'un TUC. Les patients diagnostiqués d'un TUC étaient aussi plus probables d'être diagnostiqué de schizophrénie, d'autres psychoses, de troubles dépressifs majeurs, de troubles d'anxiété, de troubles d'adaptation, de troubles de la personnalité et de diagnostic mixte. Ceux atteints d'un TUC étaient aussi plus probables d'être diagnostiqués d'abus ou de dépendance d'hallucinogènes, de cocaïne, d'amphétamines, d'opiacés ou d'alcool. La conclusion des auteurs de cette étude suggère que le cannabis, au lieu d'agir en tant que substitut aux opiacés (c.-à-d. le TUC serait associé à une consommation plus faible d'opiacés), ces substances semblent se complémenter puisqu'une consommation plus élevée de médicaments opiacés est associée à un risque plus élevé de TUC. Les limites de cette étude comprennent un échantillon de population principalement homogène (vétérans militaires mâles) et le recours à des entrevues de diagnostic non normalisées semi-structurées soulevant la possibilité que la prévalence actuelle du TUC dans cette population de patients ait été sous-estimée.
Une étude épidémiologique utilisant les données recueillies à partir des vagues 1 et 2 du NESARC (2001 - 2002 et 2004 - 2005) a examiné prospectivement l'association entre la consommation de cannabis et la consommation incidente d'opioïdes prescrits sur ordonnance à des fins non médicales et le trouble 3 ans plus tard, ainsi que la question de savoir si la consommation de cannabis chez les adultes ayant une consommation non médicale d'opioïdes sur ordonnance est associée à une diminution subséquente de la consommation d'opioïdes à des fins non médicalesReference 855. La consommation de cannabis à la vague 1 a été associée à une augmentation significative des probabilités de consommation d'opioïdes sur ordonnance à des fins non médicales pendant la période de suivi à la vague 2, laquelle a persisté même après ajustement pour tenir compte des facteurs de confusion. Cette association a été observée chez les adultes n'ayant pas de trouble de consommation de cannabis au cours des 12 derniers mois et chez les adultes présentant une douleur modérée ou plus intense à la vague 1. De plus, chez les personnes n'ayant pas consommé d'opioïdes à des fins non médicales au cours des 12 mois précédant l'entrevue de la vague 1, il y a eu une association significative entre la consommation de cannabis à la vague 1 et la consommation incidente d'opioïdes à des fins non médicales au cours de la période de suivi. La consommation de cannabis a semblé également être associée à des risques plus faibles de diminution de la consommation d'opioïdes, mais les diminutions ont été nettement plus fréquentes que les augmentations de la consommation d'opioïdes. Après ajustement pour les autres covariables, des associations significatives ont persisté entre la consommation de cannabis à la vague 1 et la prévalence et l'incidence de trouble de consommation d'opioïdes à des fins non médicales à la vague 2. Chez les adultes présentant une douleur modérée ou plus intense à la vague 1, la consommation de cannabis a été associée à un trouble prédominant de consommation d'opioïdes dans les analyses ajustées. Malgré les constatations ci-dessus, la grande majorité des adultes qui ont consommé du cannabis n'ont pas commencé ou augmenté leur consommation d'opioïdes à des fins non médicales.
Une étude de cohorte préliminaire, historique et de petite taille a examiné le lien entre l'inscription à un programme de cannabis à des fins médicales et la consommation d'opioïdes sur ordonnanceReference 856. L'inscription à un programme de cannabis à des fins médicales est associée à une probabilité plus élevée et statistiquement significative de cesser les ordonnances d'opiacés (RC = 17,27; IC = 1,89; 157,36), un RC = 5,12 de réduire les doses quotidiennes d'opiacés (IC = 1,56; 16,88). Des améliorations ont été notées dans la réduction de la douleur, la qualité de vie, la vie sociale, les niveaux d'activité et la concentration avec peu d'effets secondaires.
Données provenant d'essais cliniques
Une revue systématique récente et une méta-analyse d'études cliniques examinant la force des données existantes pour l'effet « d'épargne en opiacés » des cannabinoïdes dans le contexte de l'analgésie ont conclu à l'absence d'études cliniques randomisées et bien contrôlées qui fournissent des preuves d'un effet « d'épargne en opiacés » des cannabinoïdesReference 846. De plus, les données existantes tirées d'essais cliniques examinant la capacité de « réduction de la quantité requise d'opioïdes » du cannabis sont variables. Une étude clinique croisée, contrôlée par placebo, à double insu portant sur des volontaires humains en bonne santé auxquels de faibles doses de THC, de morphine ou une combinaison des deux médicaments ont été administrées n'a pas réussi à établir de différences entre les évaluations des réactions sensorielles des sujets à un stimulus thermique douloureuxReference 857. Cependant, l'étude révèle que la combinaison de la morphine et du THC est liée à une diminution de la réaction affective des sujets au stimulus thermique douloureux. Les auteurs suggèrent que la morphine et le THC pourraient se combiner pour produire une réaction analgésique synergique à aspect affectif d'un stimulus douloureux évoqué de façon expérimentale.
Une récente étude clinique en double aveugle, contrôlée par placebo et intra-sujets a examiné si le cannabis augmente les effets analgésiques de l'oxycodone (à faible dose) et l'impact de la combinaison du cannabis et de l'oxycodone sur le risque d'abus. Dix-huit fumeurs 'actuels' de cannabis en bonne santé (au moins 3 fois par semaine; évalués par toxicologie urinaire et auto-déclaration) ont reçu de l'oxycodone (0, 2,5 et 5,0 mg, PO) avec du cannabis fumé (0,0, 5,6 % THC), et les effets analgésiques ont été mesurés par le test de pression à froid. Les résultats ont révélé que l'oxycodone seule (5,0 mg) augmentait significativement le seuil de douleur (F [1, 17] = 7,5, p ≤ 0,01) et la tolérance (F [1, 17] = 5,4, p ≤ 0,05) par rapport au placebo (cannabis inactif et 0,0 mg d'oxycodone). Lorsqu'il est administré avec du cannabis actif, le 5,0 mg d'oxycodone a également augmenté la tolérance à la douleur par rapport au placebo et au cannabis actif seul (F [1, 17] = 5,5, p ≤ 0,05). La combinaison de cannabis actif et de 2,5 mg d'oxycodone a augmenté le seuil de douleur et la tolérance par rapport au placebo (F [1, 17] = 5,9, p ≤ 0,05 et F [1, 17] = 6,5, p ≤ 0,05, respectivement) et le cannabis actif seul (F [1, 17] = 5,2, p ≤ 0,05 et F [1, 17] = 5,5, p ≤ 0,05, respectivement). En ce qui concerne le risque d'abus, l'oxycodone n'a pas augmenté les évaluations subjectives de l'abus de cannabis ou de l'auto-administration du cannabis. Cependant, une combinaison d'oxycodone (2,5 mg) et de cannabis a entraîné une augmentation légère mais significative du risque d'abus d'oxycodone (p ≤ 0,05). Les chercheurs ont conclu que les résultats démontrent les effets d'épargne en opiacés du cannabis pour l'analgésie qui peuvent s'accompagner d'une augmentation du risque d'abus potentiel lié à l'oxycodoneReference 858.
Une autre étude cliniqueReference 283 a signalé que les patients atteints de douleur chronique non liée au cancer et ne répondant pas aux opioïdes ont ressenti une analgésie accrue, une diminution de l'intensité de la douleur et une diminution de la douleur évoquée lorsqu'on leurs a donné 10 ou 20 mg du dronabinol (pour plus de détails, voir la Section 4.7.2.2, sous « Médicaments sur ordonnance à base de cannabinoïdes administrés par voie orale »).
Dans une autre étude, il a été signalé que les patients atteints de douleur chronique d'étiologies diverses n'ayant pas ressenti de soulagement avec des doses stables d'opioïdes (morphine ou oxycodone à libération prolongée) ont ressenti un plus grand soulagement de la douleur statistiquement significatif (-27 %, IC = 9, -46) par suite de l'inhalation du cannabis vaporisé (900 mg, 3,56 % de THC, t.i.d. pendant cinq jours)Reference 276 (pour plus de détails, consulter la Section 4.7.2.2, sous « Études cliniques avec le cannabis fumé ou vaporisé »). Ces conclusions indiquent que l'ajout de cannabinoïdes (dans le cas dont il est question, le cannabis vaporisé inhalé) à la thérapie d'opioïdes existante contre la douleur pourrait servir à améliorer l'analgésie associée à l'opioïde.
Par contre, une autre étude n'a pas relevé de baisse significative dans les quantités de médicaments opiacés de base ou de celles pour soulager les percées de douleur consommés par la majorité des patients souffrant de la douleur liée au cancer réfractaire, et prenant le nabiximols ou le THCReference 131. Dans le même ordre d'idée, aucun changement statistiquement significatif n'a été constaté dans les quantités de doses des médicaments opiacés de base ou de celles pour soulager les percées de douleur prises par des patients souffrant de la douleur liée au cancer réfractaire, à qui l'on a administré le nabiximolsReference 280. Toutefois, la méthodologie de cette dernière n'a pas permis une évaluation en bonne et due forme d'un « effet d'épargne de l'opioïde » du nabiximols.
En résumé, les études précliniques et les études de cas semblent appuyer un effet « d'épargne en opiacés » du THC, mais les résultats des études cliniques et épidémiologiques sont mitigés. Bien que « la synergie cannabinoïdes-opioïdes » ait été suggéré comme un moyen d'accroître de façon significative les effets analgésiques des opioïdes, tout en évitant ou en minimisant la tolérance aux effets analgésiques des opioïdes et le contournement ou l'atténuation des effets secondaires indésirables bien connus associés à l'usage des cannabinoïdes ou des opioïdes, certaines preuves sont mitigées et nécessitent une étude plus pousséeReference 835Reference 837.
4.7.2.5 Céphalées et migraines
- Les preuves soutenant l'utilisation du cannabis et des cannabinoïdes dans le soulagement des céphalées et des migraines sont très limitées et mixtes.
En ce qui concerne la migraine, une déficience des endocannabinoïdes a été posée comme principe sous-jacent de la pathophysiologie de la migraineReference 859; toutefois les données à l'appui de cette hypothèse s'en trouvent limitées et mixtes. Les études cliniques suggèrent que les concentrations de l'anandamide sont plus basses dans le LCR des migraineux, alors que les niveaux de peptides liés au gène de la calcitonine et d'oxyde nitreux (habituellement inhibés par l'anandamide et impliqués dans le déclenchement de la migraine) sont plus élevésReference 860Reference 861. Au contraire, l'activité de l'enzyme de dégradation de l'anandamide, la FAAH, est considérablement diminuée chez les migraineux chroniques, comparativement au groupe contrôleReference 862.
Bien que des données historiques et anecdotiques attribuent un rôle des cannabinoïdes dans le traitement des céphalées et des migrainesReference 863, aucune étude clinique contrôlée du cannabis ou des cannabinoïdes sur ordonnance pour le traitement des céphalées ou des migraines n'a jusqu'à ce jour été effectuéeReference 864Reference 865.
Dans un exposé de cas, un patient souffrant d'hypertension intracrânienne bénigne et de céphalée chronique a indiqué un soulagement important de la douleur après avoir fumé du cannabisReference 289. Dans un autre exposé de cas, un patient se plaignant d'algie vasculaire de la face réfractaire aux multiples médicaments aigus et préventifs a aussi signalé une amélioration grâce au cannabis fumé ou à la prise du dronabinol (5 mg)Reference 287. Toutefois, il faudrait interpréter ces études de cas à patient unique avec précaution.
Un récent rapport a fait état que l'usage du cannabis était plus fréquent au sein d'une population de patients français souffrant d'algie vasculaire de la face épisodique ou chronique et parmi les patients ayant fait recours au cannabis pour traiter leur céphalée, la majorité de ceux-ci ont signalé des effets variables, incertains, voire même négatifs de la fumée du cannabis sur l'algie vasculaire de la faceReference 286.
Une analyse rétrospective des dossiers de 121 adultes présentant un diagnostic primaire de migraine, et à qui un médecin provenant d'une des deux cliniques spécialisées dans le cannabis médical au Colorado a recommandé un traitement ou une prophylaxie avec du cannabis à des fins médicales, indique que la fréquence des migraines diminuait de 10,4 à 4,6 migraines par mois (p < 0,0001) avec la consommation de cannabis à des fins médicalesReference 285. Quarante pour cent des patients ont signalé des effets positifs, l'effet le plus courant étant la prévention de migraines, la diminution de leur fréquence et leur interruption. Le cannabis inhalé a été jugé plus efficace que son ingestion par voie orale. Des effets négatifs ont été signalés chez 12 % des patients, les produits comestibles étant associés à des effets plus négatifs (c.-à-d. problèmes avec la concordance dans le temps et l'intensité des effets).
Il convient aussi de noter que l'usage du cannabis a été associé au syndrome de vasoconstriction cérébral réversible et à de violentes céphaléesReference 288. De plus, la céphalée est un effet indésirable souvent constaté qui est associé à l'usage de cannabis ou des médicaments sur ordonnance à base de cannabinoïdesReference 59Reference 222Reference 427Reference 488Reference 683Reference 711, et la céphalée est aussi l'un des symptômes physiques les plus souvent signalés associés au sevrage du cannabisReference 866.
Une revue récente de l'utilisation du cannabis pour traiter les maux de tête a révélé qu'il n'y a pas suffisamment de données provenant d'essais cliniques bien contrôlés pour appuyer l'utilisation du cannabis pour soulager les maux de tête, malgré un nombre suffisant de résultats anecdotiques et préliminaires ainsi que des mécanismes neurobiologiques plausibles mandatant des études cliniquesReference 867.
4.8 Arthritides et troubles musculosquelettiques
- Les données provenant d'études précliniques suggèrent que la stimulation des récepteurs CB1 et CB2 dans le soulagement des symptômes de l'arthrose et le THC et le CBD soulagent des symptômes de la polyarthrite rhumatoïde.
- Les données provenant d'études cliniques sont très limitées et seuls des effets modestes ont été observés dans l'utilisation du nabiximols dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde.
- Il n'existe aucune étude clinique concernant l'utilisation du cannabis dans le traitement de la fibromyalgie et les données cliniques limitées avec le dronabinol et le nabilone suggèrent un effet modeste sur la réduction de la douleur et de l'anxiété, et l'amélioration du sommeil.
- Le rôle des cannabinoïdes dans l'ostéoporose a seulement été étudié dans desétudes précliniques et est complexe et contradictoire.
Les arthritides comprennent un large éventail de troubles différents (p. ex. l'arthrose et la polyarthrite rhumatoïde, la spondylarthrite ankylosante, la goutte, et bien d'autres encore) ayant tous en commun le fait qu'ils ciblent et atteignent les articulations. Des études scientifiques ont démontré que les articulations, les os et les muscles contiennent tous un SEC fonctionnel, que certaines arthritides, comme l'arthrose et la polyarthrite rhumatoïde, sont associées à des changements du fonctionnement du SEC et que la modulation de celui-ci peut aider à soulager certains symptômes associés à certaines arthritidesReference 40-Reference 42Reference 774Reference 868-Reference 876. La section ci-dessous résume les données concernant le cannabis/cannabinoïdes dans l'arthrose et la polyarthrite rhumatoïde. Cette section traite également des troubles musculosquelettiques comme la fibromyalgie et l'ostéoporose.
Données tirées d'enquêtes
L'Enquête de surveillancecanadienne de la consommation d'alcool et de drogues (ESCCAD) de 2011 indique qu'une proportion significative de Canadiens âgés de 15 ans et plus signalant utiliser du cannabis à des fins médicales déclarent qu'ils en consomment contre la douleur chronique associée à l'arthrite, par exempleReference 877.
En outre, une étude qui a examiné l'expérience de consommation du cannabis à des fins médicales chez des personnes australiennes révèle que parmi les 128 participants à l'enquête, 35 % ont affirmé qu'ils consommaient du cannabis pour traiter des symptômes associés à l'arthriteReference 878.
Un questionnaire auto-administré adressé à 947 personnes au Royaume-Uni ayant déclaré avoir déjà utilisé du cannabis à des fins médicales révèle que 21 % des personnes interogées ont affirmé qu'elles avaient consommé du cannabis pour traiter des symptômes associés à l'arthrite. Sept pour cent de ces personnes avaient utilisé du cannabis de façon continue pendant une durée médiane de quatre ansReference 571.
Une enquête portant sur 628 personnes canadiennes ayant elles-mêmes déclaré utiliser du cannabis à des fins médicales a cherché à savoir quelle était leur consommation de cannabis à des fins médicalesReference 879. Environ 15 % des personnes déclarant utiliser du cannabis à des fins médicales le consomment pour traiter des symptômes associés à la douleur arthritique, à l'inflammation, à l'insomnie, à l'anxiété, à la dépression et aux spasmes. La plupart d'entre elles ont déclaré préférer la fumée (53 %) plutôt que la vaporisation ou l'ingestion par voie orale (39 % dans les deux cas). La plupart (47 %) des personnes utilisant du cannabis pour soulager l'arthrite ont déclaré consommer du cannabis quatre fois ou plus par jour et une proportion égale a indiqué utiliser au moins 2 g ou plus par jour. La quantité médiane exprimée en gramme parmi les personnes qui utilisaient 2 g ou plus par jour était d'environ 4 g par jour.
4.8.1 Arthrose
Parmi les arthritides, l'arthrose est de loin le type d'arthrite le plus courant et il s'agit de la principale cause d'invalidité chez les sujets âgés de plus de 65 ans dans les pays développésReference 880. L'arthrose découle de lésions du cartilage articulaire induites par une interaction complexe de facteurs génétiques, métaboliques, biochimiques et biomécaniques, suivie d'une activation de réactions inflammatoires impliquant l'interaction du cartilage, de l'os sous-chondral et de la membrane synoviale entraînant d'autres lésions et dégradations du cartilage articulaire et de l'os sous-chondral, de la membrane synoviale et des faisceaux de renforcementReference 871Reference 872. Les résultats subséquents sont une déficience fonctionnelle des articulations et une douleur graveReference 871Reference 872. La douleur associée à l'arthrose n'est généralement pas adéquatement ou sécuritairement maîtrisée à l'aide d'analgésiques, ce qui incite à chercher d'autres méthodes thérapeutiquesReference 872. La maladie touche aussi bien les hommes que les femmes, bien qu'elle semble survenir plus souvent chez les femmesReference 871. De plus, l'arthrose touche le plus souvent les personnes d'âge moyen et les personnes âgées, même si les jeunes personnes peuvent également être concernées par la maladie à la suite d'une blessure ou d'un surmenageReference 871. La douleur associée à l'arthrose comprend des composantes nociceptives et non nociceptives, ainsi que des composantes neuropathiques et inflammatoires; elle est associée à des voies de la douleur anormalement excitables dans le système nerveux périphérique et le SNCReference 871. La douleur et l'incapacité physique associées à l'arthrose s'accompagnent également d'anxiété, de dépression et de changements des facultés cognitives qui ont tous un effet négatif sur la QVReference 870. Les études en neuroimagerie ont révélé que plusieurs régions cérébrales participent au traitement de la douleur due à l'arthrose, y compris l'activation bilatérale des cortex somatosensoriels primaire et secondaire, ainsi que des cortex insulaire, cingulaire, pré-frontal et orbito-préfrontal, et du thalamus, ainsi que l'activation unilatérale du putamen et de l'amygdaleReference 881Reference 882.
Études précliniques
Les modèles d'arthrose chez les animaux comprennent un certain nombre de limites telles que des différences dans l'anatomie, la fonctionnalité, les dimensions, les processus de réparation du cartilage et l'épaisseur comparativement aux articulations d'un être humainReference 871. En outre, les lésions qui se développent dans les modèles d'arthrose chez les animaux correspondent à celles observées chez l'humain, uniquement à un stade particulier de la maladieReference 871. De plus, aucun modèle d'arthrose chez les animaux ne reproduit complètement tous les types de signes et de symptômes de l'arthrose chez l'humain. Ensemble, ces facteurs présentent tous plusieurs difficultés importantes liées à la conversion des résultats obtenus dans ces modèles chez les patients souffrant d'arthrose. Cependant, les modèles d'arthrose chez les animaux sont utiles pour comprendre les effets thérapeutiques potentiels du cannabis et des cannabinoïdes.
Il existe un nombre toujours plus important de preuves qui semblent indiquer que le SEC joue un rôle important dans la physiopathologie de la douleur articulaire associée à l'arthroseReference 871. En ce qui concerne le tonus endocannabinoïde, une étude sur les animaux a signalé des niveaux élevés des endocannabinoïdes anandamide et 2-AG, et des composés dits « d'entourage », le PEA et l'OEA, dans la moelle épinière de rats ayant l'arthrose de l'articulation du genou induite de façon expérimentaleReference 883. Bien qu'aucun changement n'ait été constaté quant aux niveaux ou aux activités des enzymes cataboliques des endocannabinoïdes, FAAH ou MAGL dans la moelle épinière des rats touchés, on a signalé que les taux de protéines des enzymes majeures responsables de la synthèse endocannabinoïde s'en trouvaient considérablement élevésReference 883.
Les récepteurs CB1 et CB2 ont été localisés dans les articulations des genoux confirmant que le contrôle localisé de la douleur des articulations est réalisable sans la nécessité d'impliquer les récepteurs cannabinoïdes centrauxReference 884Reference 885. On a signalé une régulation négative de l'expression des gènes des récepteurs CB1 et CB2 dans la partie lombaire de la moelle épinière de la souris atteinte d'arthrose, probablement en réaction à une augmentation du tonus endocannabinoïde provenant des articulations atteintes d'arthroseReference 886.
Une étude chez les rats révèle que l'injection intra-articulaire de l'agoniste des récepteurs CB1 arachidonyl-2-chloroethylamide chez des animaux témoins a été associée à une réduction du taux d'allumage et la répression de l'activité nociceptive provenant des fibres nerveuses nociceptives innervant les articulations lorsqu'elles ont été soumises à une rotation normale ou nuisibleReference 887. En outre, des animaux souffrant d'arthrose dans les articulations ont manifesté un accroissement de la réponse à l'activation des récepteurs CB1 articulaires. L'effet antinocicepteur a été bloqué par une administration concomitante d'un antagoniste du récepteur CB1 dans les articulations atteintes d'arthrose, mais pas dans les articulations témoins.
L'administration locale de l'URB597 (un inhibiteur de la FAAH) par injection intra-artérielle proximale sur une articulation atteinte par l'arthrose a été associée à une diminution de la mécano-sensibilité des fibres afférentes des articulations chez deux différents modèles de rongeurs de l'arthroseReference 888. Les expériences comportementales menées chez ces animaux ont permis de supposer que le traitement avec l'inhibiteur a aussi diminué la douleur articulaire mesurée en fonction de la baisse de l'incapacitance des membres postérieursReference 888. En plus d'une réponse d'antinociception à l'inhibition de la FAAH, l'URB597 a démontré des effets de réduction de la circulation des leucocytes dans la membrane synoviale indiquant que les endocannabinoïdes pourraient posséder des propriétés antiinflammatoires au niveau des articulationsReference 874.
L'administration systémique d'un agoniste du récepteur CB2 dans un modèle d'arthrite chez le rat a été associée à un renversement lié à la dose de la force de préhension dans le membre atteint, une mesure indirecte de la douleurReference 889. L'efficacité analgésique maximale s'est avérée comparable à celle observée avec le célécoxib dans ce modèle animal d'arthroseReference 889.
Dans une autre étude sur les animaux, il a été démontré que le récepteur CB2 de la partie lombaire de la moelle épinière joue un rôle significatif dans la modulation de la douleur arthritiqueReference 886. En outre, la régulation positive de l'expression du récepteur CB2 dans la partie lombaire de la moelle épinière a été associée à une atténuation de la douleur articulaire. De plus, l'expression des récepteurs mu opioïdes dans la partie lombaire de la moelle épinière était régulée de manière négative, tandis que l'expression des récepteurs delta- et kappa-opioïdes était régulée de manière positive, ce qui laisse supposer la présence d'interactions fonctionnelles entre les systèmes endocannabinoïdes et opioïdes. La diminution de l'expression des récepteurs mu opioïdes et l'augmentation concomitante de l'expression des récepteurs kappa- et delta-opioïdes pourraient en outre contribuer à la composante nociceptive de la maladie.
Une étude sur les animaux menée avec un modèle d'arthrose chez le rat indique que les taux d'ARNm du récepteur CB2 ont considérablement augmenté dans la moelle épinière des rats atteints d'arthroseReference 890. En outre, la stimulation sélective du récepteur CB2 par l'administration de doses systémiques avec un agoniste des récepteurs cannabinoïdes synthétiques a été associée à une atténuation significative du développement et du maintien du comportement lié à la douleur et des réponses neuronales dans la moelle épinière. L'atténuation des taux de cytokines inflammatoires telles que l'interleukine (IL)-1β, le facteur de nécrose tumorale (TNF) α et l'IL-10 a aussi été considérable après le traitement par l'agoniste du récepteur CB2. Les rats n'ont pas semblé acquérir une tolérance aux effets antinocicepteurs de l'agoniste du récepteur CB2 après plusieurs administrations du médicament. L'étude révèle également un lien négatif entre les taux d'ARNm du récepteur CB2 et la chondropathie dans des échantillons post mortem de la moelle épinière chez l'humain.
Une étude sur les animaux portant sur l'arthrose chez la souris a établi un lien entre la maladie et l'augmentation significative des taux du 2-AG dans le cortex préfrontal, région du cerveau intervenant dans le traitement cognitif, des émotions et de la douleur, ainsi que dans le plasmaReference 870. L'arthrose dans ce modèle murin a aussi été liée à une augmentation du comportement apparenté au stress et à l'anxiété chez les souris de type sauvage touchées et les souris dépourvues de l'expression du récepteur CB1, mais pas chez les souris dépourvues de l'expression du récepteur CB2, ce qui indique que ces deux récepteurs auraient des rôles distincts dans la physiopathologie de l'arthrose. La stimulation sélective des récepteurs CB1 et CB2 a été associée à une amélioration de l'allodynie mécanique. Enfin, les patients atteints d'arthrose ont présenté une augmentation significative des niveaux plasmatiques du 2-AG, mais pas de l'anandamide, comparativement aux témoins en bonne santé dont les résultats concordent avec ceux obtenus avec le modèle murin. En outre, l'expression des récepteurs CB1 et CB2 était régulée de façon positive dans les lymphocytes du sang de ces patients et des corrélations positives importantes ont été observées entre les niveaux plasmatiques du 2-AG, la douleur au genou et les scores de dépression, ainsi que des corrélations négatives importantes entre le questionnaire SF-36 (QV) et les scores de performance de la mémoire.
Une étude préclinique chez la souris dépourvue de l'expression du récepteur CB2 appuie également le rôle du récepteur CB2 dans la physiopathologie de l'arthroseReference 891. Une arthrose bien plus grave s'est développée chez ces souris comparativement aux témoins de type sauvage. En outre, le traitement des souris de type sauvage avec un agoniste du récepteur CB2 a semblé occasionner une protection partielle contre l'arthrose. En revanche, une autre étude a observé que la livraison directe d'un agoniste des récepteurs CB2 augmentait l'activité des récepteurs nociceptifs des articulations et que la réaction de douleur intensifiée qui en découlait impliquait les canaux ioniques TRPV1Reference 885.
Une étude préclinique menée chez les rats et qui a examiné les effets du CBD sur la dégénérescence des disques intervertébraux révèle qu'une injection intradiscale directe de 120 nmol de CBD (mais non inférieures à 30 ou 60 nmol), immédiatement après une lésion discale, a considérablement atténué la gravité de la blessure discale et l'effet bénéfique s'est maintenu jusqu'à 15 jours après la blessureReference 892.
Études cliniques
Il n'existe aucunes études cliniques publiées sur le cannabis pour l'arthrose. Chez les humains, une étude révèle que les niveaux d'endocannabinoïdes anandamide et 2-AG dans le liquide synovial de patients atteints d'arthrose ont été supérieurs à ceux de témoins sans inflammation, bien que la pertinence de ces constatations demeure incertaineReference 42.
Une étude clinique croisée multicentrique, à double insu, à double placebo, à répartition aléatoire et contrôle actif d'un inhibiteur de la FAAH révèle l'absence d'activité analgésique (douleur cotée sur l'échelle des Universités de Western Ontario et McMaster) chez des patients atteints d'arthrose du genouReference 893. En revanche, l'administration du naproxène dans le cadre de cette étude a été associée à une analgésie significative. Fait important, cette étude clinique soulève des questions importantes quant à la traduisibilité des résultats des études sur les animaux pour les études menées chez les humains étant donné que l'inhibiteur de la FAAH s'est révélé efficace dans le modèle animal, mais pas chez l'humain. De plus, d'autres enjeux préoccupants comprennent les essais d'un inhibiteur de la FAAH dans une population hétérogène de patients atteints d'arthrose et d'effets hors cible (p. ex. sur le TRPV1).
4.8.2 Polyarthrite rhumatoïde
La polyarthrite rhumatoïde est une maladie inflammatoire auto-immune destructive et systémique qui touche une proportion plus petite, mais non négligeable, de la population adulteReference 880. Elle est caractérisée par une infiltration inflammatoire de la membrane synoviale entraînant une synovite progressive et une destruction éventuelle du cartilage et des articulations, une incapacité fonctionnelle, une douleur significative et des complications systémiques (p. ex. troubles cardiovasculaires, pulmonaires, psychologiques et squelettiques comme l'ostéoporose)Reference 873Reference 894Reference 895. Comme est le cas pour l'arthrose, le SEC joue un rôle important dans la physiopathologie du trouble et la manipulation du SEC s'avère prometteuse sur le plan thérapeutique.
Études précliniques
Une étude préclinique de la polyarthrite rhumatoïde menée sur un modèle chez le rat indique que le traitement avec le THC ou l'anandamide a été associé à une action anti-nociceptive importante dans le test de pression sur la patteReference 379. Une autre étude sur la polyarthrite rhumatoïde (aiguë et chronique) menée sur deux modèles murins différents révèle que l'administration systémique (IP) d'une marge posologique de CBD (2,5 mg/kg, 5 mg/kg, 10 mg/kg, 20 mg/kg par jour), après l'apparition de symptômes arthritiques aigus, pendant une période de dix jours, est associée à l'arrêt de la progression de tels symptômesReference 896. La dose quotidienne de 5 mg/kg IP a été jugée optimale dans les modèles aigus (dix jours) et chroniques (cinq semaines) d'arthrite. Aucun effet secondaire évident n'a été constaté, quelles que soient les doses mises à l'essai. L'administration par voie orale de 25 mg/kg de CBD pendant 10 jours, après l'apparition de symptômes arthritiques aigus, a été associée à une répression de la progression de ces symptômes, bien qu'une dose orale quotidienne de 50 mg/kg se soit avérée presque aussi efficace. La dose quotidienne administrée par voie orale de 25 mg/kg s'est avérée aussi efficace pour réprimer la progression des symptômes arthritiques chroniques lorsqu'elle était administrée pendant une période de cinq semaines. Les effets protecteurs associés à l'exposition au CBD étaient notamment la prévention de dommages histologiques supplémentaires des articulations arthritiques de la patte arrière, la répression de la libération du TNF à partir de cellules synoviales arthritiques, l'atténuation de la prolifération des cellules de ganglions lymphatiques, la répression de la production d'intermédiaires oxygénés réactifs et l'atténuation de la prolifération des lymphocytes.
Les résultats d'une étude examinant les effets anti-nociceptifs du THC dans un modèle de polyarthrite rhumatoïde chez le rat semblent indiquer que l'administration par voie intrapéritonéale de 4 mg/kg de THC est associée à une baisse significative des taux de dynorphine spinale, à une augmentation de l'analgésie par des récepteurs kappa-opioïdes et à une diminution de l'hyperalgésie par des récepteurs N-méthyle D-aspartate (NMDA)Reference 897. Une autre étude effectuée par le même groupe et utilisant le même modèle animal a démontré que le THC est aussi puissant et aussi efficace que la morphine en ce qui concerne l'action anti-nociceptive dans le test de pression sur la patte et qu'il existe une interaction anti-nociceptive synergique entre le THC et la morphine chez des rats arthritiques et non arthritiques dans le test de pression sur la patteReference 381. Une étude de suivi utilisant encore une fois le même modèle animal laisse supposer que le récepteur CB2 joue un rôle important dans la modulation des effets anti-nociceptifs du THCReference 898.
En effet, plusieurs études supplémentaires ont continué de confirmer le rôle important du récepteur CB2 dans la polyarthrite rhumatoïdeReference 868Reference 873Reference 899. Des échantillons de tissus prélevés à partir d'articulations rhumatoïdes d'humains ont révélé une augmentation de l'expression du récepteur CB2 comparativement aux articulations arthrosiques, l'expression du récepteur CB2 étant située sur la couche membranaire et la couche interstitielle sous-membranaire ainsi que sur les agrégats s'apparentant à des folliculesReference 873Reference 899. De plus, l'activation du récepteur CB2 sur les synoviocytes similaires aux fibroblastes découlant d'articulations rhumatoïdes a été associée à une inhibition de la production d'une variété de médiateurs inflammatoires observés dans la polyarthrite rhumatoïde, y compris l'IL-6, la métalloprotéinase matricielle (MMP)-3, la MMP-13 et le ligand de type chimiokine (motif C-C) (CCL) 2Reference 873Reference 899. L'activation des récepteurs CB2 a aussi été associée à une amélioration dépendante de la dose de la gravité de l'arthrose dans un modèle de polyarthrite rhumatoïde chez la sourisReference 899. La stimulation sélective du récepteur CB2 a considérablement diminué le gonflement des articulations, l'inflammation synoviale et la destruction des articulations, ainsi que les concentrations sériques d'anticorps anti-collagènes de type II dans un modèle murin de polyarthrite rhumatoïdeReference 868. Toutefois, d'autres ont déclaré que la stimulation des récepteurs CB2 des articulations cause l'hyperémie synoviale par l'entremise d'un mécanisme impliquant les canaux ioniques TRPV1Reference 900. L'effet vasodilatateur de ces agonistes des récepteurs CB2 est atténué dans les modèles d'arthrite aiguë et chronique suggérant que les récepteurs CB2 sont réglementés à la baisse dans les articulations enflammées.
Une étude préclinique récente a examiné l'efficacité du CBD transdermique pour la réduction de l'inflammation et de la douleur dans un modèle de rat de polyarthrite rhumatoïdeReference 901. Au cours de cette étude, des gels topiques contenant des doses croissantes de CBD (0,6, 3,1, 6,2 et 62,3 mg/jour) ont été appliqués à la surface de la peau dorsale pour quatre jours consécutifs après l'induction d'arthrite pseudorhumatoïde. L'absorption transdermique a causé des augmentations selon la dose de concentrations de CBD dans le plasma sanguin. Le résultat de ces quatre jours d'application a causé des concentrations moyennes dans le plasma sanguin de 3,8 ng/mL, de 17,5 ng/mL, de 33,3 ng/mL et de 1 629,9 ng/mL, respectivement. Les trois doses inférieures ont démontré des corrélations pharmacocinétiques linéaires, mais non la dose la plus élevée. De plus, les doses de gel de 6,2 mg et de 62,3 mg de CBD ont considérablement réduit le gonflement articulaire, les cotes de position des membres en tant qu'échelle d'évaluation de la douleur spontanée, l'infiltration des cellules immunitaires et l'épaississement de la membrane synoviale. La dose de 6,2 mg de CBD a réduit de façon optimale le gonflement et l'épaississement de la membrane synoviale. Le traitement avec le CBD n'était pas associé aux changements du comportement explorateur, suggérant donc l'absence d'effets psychoactifs.
Études cliniques
Chez les humains, une étude a relevé que les niveaux de l'anandamide et de 2-AG dans le liquide synovial des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde étaient plus élevés comparativement à ceux des contrôles normaux non enflammés, bien que l'importance de ces donées demeure incertaineReference 42.
Il n'existe pas d'études cliniques publiées sur le cannabis pour la polyarthrite rhumatoïde.
Une étude préalable évaluant l'efficacité du nabiximols (SativexMD) contre la douleur causée par la polyarthrite rhumatoïde a indiqué un effet analgésique modeste mais statistiquement significatif en mouvement et au repos, ainsi qu'une amélioration de la qualité du sommeilReference 380. L'administration de nabiximols a été bien tolérée et aucune toxicité importante n'a été observée. La dose quotidienne moyenne au cours de la dernière semaine du traitement était de 5,4 activations de la pompe (l'équivalent de 14,6 mg de THC et de 13,5 mg de CBD par jour, et la durée du traitement était de trois semaines). Les différences observées étaient minces et variables parmi les participants.
Une revue effectuée par le Centre de collaboration Cochrane en 2012 a conclu que les données à l'appui de l'usage du cannabis oromucosal (p. ex. le nabiximols) pour le traitement de la douleur consécutive à la polyarthrite rhumatoïde sont faibles et vu le profil des effets secondaires considérables associés à l'usage des cannabinoïdes, les risques éventuels semblent emporter sur tout bienfait modeste procuréReference 894.
4.8.3 Fibromyalgie
La fibromyalgie est un trouble caractérisé par la douleur généralisée (l'allodynie et l'hypéralgie) et une pléthore d'autres symptômes dont le trouble du sommeil, la fatigue, des perturbations émotionnelles et cognitivesReference 902. Bien que la physiopathologie sous-jacente de la fibromyalgie ne soit pas claire, des perturbations du recrutement ou du fonctionnement des voies périphérique et centrale du traitement de la sensation de la douleur et des niveaux de plusieurs neurotransmetteurs importants (sérotonine, noradrénaline, dopamine, opioïdes, glutamate et substance P) ont été relevés chez des patients souffrant de fibromyalgieReference 903-Reference 906. Des symptômes comorbides de la dépression ont aussi été associés à un déficit prononcé d'inhibition de la douleur de même qu'à une augmentation de la douleur chez les patients fibromyalgiquesReference 907.
Études cliniques avec le cannabis fumé ou ingéré par voie orale
Il n'existe pas d'essais cliniques du cannabis fumé ou ingéré pour le traitement de la fibromyalgie. Toutefois, une enquête transversale menée auprès des patients souffrant de la fibromyalgie a relevé que les patients signalaient avoir consommé le cannabis (en le fumant, en le mangeant ou les deux) pour soulager la douleur, les troubles de sommeil, les raideurs, les troubles de l'humeur, l'anxiété, les céphalées, la fatigue, la fatigue matinale, et les troubles digestifs consécutifs à la fibromyalgieReference 179. Les sujets (pour la plupart des femmes d'âge moyen qui n'ont pas répondu au traitement actuel) ont signalé avoir connu des baisses statistiquement importantes de la douleur et des raideurs et une amélioration statistiquement importante de la relaxation, de la somnolence, et du bien-être 2 h après l'administration de cannabis. Les effets secondaires comprenaient la somnolence, l'assèchement de la bouche, les étourdissements, le « high », la tachycardie, l'irritation de la conjonctive, et l'hypotension. L'étude a connu un certain nombre de lacunes notamment la méthodologie de celle-ci, la petite taille d'échantillon, la variabilité dans la fréquence et la durée de la consommation du cannabis et une population de sujets biaisée.
Études cliniques avec les médicaments sur ordonnance à base de cannabinoïdes
Il existe peu d'études cliniques contrôlées s'étant penchées sur le rôle des cannabinoïdes dans le traitement de la fibromyalgie. Les données probantes disponibles sont résumées ci-dessous.
Dronabinol
Une étude pilote contrôlée sans placebo examinant les effets du dronabinol en monothérapie (2,5 à 15 mg de Δ9-THC/jour; avec des augmentations hebdomadaires de 2,5 mg de Δ9-THC, jusqu'à un maximum de 15 mg de THC/jour) sur la douleur induite de façon expérimentale, la poussée réflexe d'axone et le soulagement de la douleur chez des patients fibromyalgiques a rapporté qu'une sous population de ces patients ont connu un soulagement considérable de la douleur (diminution de la perception de la douleur) avec 10 et 15 mg/jour de Δ9-THC mais aucun changement n'a été observé en ce qui concerne la poussée réflexe d'axoneReference 382. L'allodynie évoquée par le toucher et l'hyperalgésie induite par piqûre n'ont pas été affectées de façon significative par le Δ9-THC. Des sujets ayant terminé un cycle de traitement de trois mois (15 mg/jour de Δ9-THC) ont signalé une réduction de la douleur > 50 %. L'étude a néanmoins connu une faible puissance en raison du taux d'abandon élevé par les patients à cause des effets secondaires intolérables du traitement.
Une étude multicentrique rétrospective auprès de patients souffrants de fibromyalgie à qui l'on avait prescrit une dose quotidienne moyenne de 7,5 mg de Δ9-THC sous une période de traitement de sept mois en moyenne, a rapporté une baisse significative du score de la douleur et de la dépression, et une réduction significative de la prise concomitante des médicaments antidouleurs tels que les opioïdes, les antidépressifs, les anticonvulsivants et les médicaments AINS suite au traitement avec le Δ9-THCReference 383. Il est important de noter que l'étude a connu un nombre considérable de lacunes (méthode de collecte de données, critères de sélection hétérogènes de patients, et un taux élevé d'abandon par les sujets) et ainsi donc, les résultats devraient être interprétés avec précaution.
Nabilone
Un essai clinique randomisé du nabilone (1 mg b.i.d.) mené à double insu et contrôlé avec placebo pour le traitement de la fibromyalgie a relevé des améliorations statistiquement importantes aussi bien dans une mesure subjective de soulagement de la douleur et de l'anxiété que dans les scores du questionnaire d'impact de la fibromyalgie, après quatre semaines de traitementReference 587. Toutefois, aucun changement significatif n'a été constaté quant au nombre des points de fibromyalgie ou du seuil de la douleur des points de la fibromyalgie (remarque : le recours aux « points de fibromyalgie » comme critère de diagnostic de la fibromyalgie ne constitue plus une exigence absolue)Reference 908. Les patients prenaient en même temps des médicaments antidouleur tels que les AINS, les opioïdes, et les antidépressifs et les myorelaxants. Le nabilone n'a pas eu de bienfait durable chez les sujets à l'arrêt du traitement.
Une étude clinique randomisée de deux semaines menée par permutation, à double insu et contre témoin actif auprès de 29 patients souffrant de fibromyalgie a rapporté que le nabilone (0,5 à 1,0 mg avant le coucher) a amélioré le sommeil chez cette population de patientsReference 588.
Les Lignes directrices canadiennes pour le diagnostic et la prise en charge du syndrome de fibromyalgie (approuvées par la Société canadienne pour le traitement de la douleur et la Société canadienne de rhumatologie) indiquent qu'en ce qui a trait au traitement éventuel, l'essai d'un cannabinoïde pharmacologique sur ordonnance pourrait être envisagé chez un fibromyalgique, en particulier dans le réglage du trouble de sommeil important (cette recommandation s'est fondée sur la preuve de Niveau 3, Grade C)Reference 832. Pour des renseignements supplémentaires relatifs à l'usage du cannabis et des cannabinoïdes pour soulager les troubles ou les perturbations du sommeil, veuillez consulter la Section 4.9.5.2.
Une revue systématique par Cochrane des données disponibles sur l'efficacité, l'innocuité et la tolérabilité des produits de cannabis provenant d'essais cliniques randomisés, à double insu et d'une durée d'au moins quatre semaines pour le traitement de la fibromyalgie chez les adultes a révélé que 1 mg de nabilone à l'heure du coucher n'est pas associé à des preuves de qualité élevée à modérée pour un résultat d'efficacité (soulagement de la douleur reporté par le participant de > 50 % et impression globale de changement du patient (Patient Global Impression of Change) très ou beaucoup améliorée), de tolérabilité (retrait dû à des événements indésirables), et d'innocuité (événements indésirbales sérieux)Reference 909. Des données de faible qualité ont été trouvées pour le nabilone par rapport au placebo en ce qui concerne le soulagement de la douleur et la qualité de vie liée à la santé, mais pas pour la fatigue, et pour le nabilone par rapport à l'amitriptyline en ce qui concerne l'amélioration de la qualité du sommeil, mais pas pour la douleur et la qualité de vie liée à la santé. Les effets indésirables non graves associés à l'utilisation du nabilone incluent les étourdissements et la somnolence, la sécheresse de la bouche et le vertige, et l'incidence des effets indésirables non graves associés à l'utilisation du nabilone a été plus élevée que celle du placebo ou de l'amitriptyline.
4.8.4 Douleurs musculaires
Les douleurs musculaires touchent une grande proportion de la population et représentent un problème clinique majeurReference 910Reference 911. Les constatations des études précliniques utilisant deux modèles de douleur musculaire aiguë chez des animaux indiquent que l'administration systémique (0,3 à 5 mg/kg IP) et locale ( 0,0125 à 0,1 mg/kg intramusculaire (IM)) de THC serait associée à une diminution dépendante à la dose de la fréquence des tremblements des pattes et à une réduction de la durée du comportement nocifensif après un stimulus musculaire nocifReference 910. Des différences dans les types de récepteurs cannabinoïdes en jeu ont été observées selon la voie d'administration : l'administration systémique du THC a été liée à un engagement des récepteurs CB1 ou CB2, tandis que l'administration locale du THC dans la patte a été principalement liée à un engagement des récepteurs CB2Reference 910. Il n'existe aucune étude expérimentale ou clinique faisant intervenir les cannabinoïdes pour lutter contre la douleur musculaire.
4.8.5 Ostéoporose
L'ostéoporose est une maladie marquée par une diminution de la densité minérale osseuse et un risque accru de fractures de fragilitéReference 912. Elle se manifeste lorsque le cycle de remodelage osseux est perturbé, entraînant une diminution nette du dépôt osseux et une augmentation nette de la résorption osseuseReference 913.
Études précliniques
Les récepteurs cannabinoïdes CB1 et CB2 ont été détectés dans les ostéoblastes et les ostéoclastes des souris, quoique le CB1 s'exprime à de très faibles niveaux par rapport au CB2Reference 20Reference 914Reference 915. En fait, il semble que les récepteurs CB1 s'expriment plus abondamment dans les terminaisons nerveuses sympathiques du muscle squelettique à proximité immédiate des ostéoblastesReference 916. Outre ces récepteurs, le 2-AG et l'anandamide ont été détecté dans l'os trabéculaire de la souris et dans des cultures d'ostéoblastes des souris et des cultures d'ostéoclastes humainesReference 915Reference 917Reference 918. Prises ensemble, ces conclusions suggèrent l'existence d'un SEC fonctionnel dans les os.
Le rôle du SEC dans la physiologie osseuse a fait l'objet d'une étude à l'aide de souris portant des suppressions génétiques des gènes CNR1 ou CNR2. Des phénotypes squelettiques des souris « knock-out » CB1 semblent varier en fonction de la stratégie de ciblage du gène utilisée, de la souche de souris, du sexe, des points temporels auxquels les phénotypes ont fait l'objet d'étude ainsi que des différentes méthodologies expérimentales auxquelles l'on a fait recours pour mesurer la densité osseuseReference 20. Chez une souche de souris présentant une carence en CB1, de jeunes souris femelles avaient des os trabéculaires normaux avec une légère expansion corticale, tandis que de jeunes souris mâles avaient une masse osseuse élevéeReference 914Reference 916. La perte de la fonction du récepteur CB1 a été associée à la protection contre la perte osseuse induite par ovariectomieReference 914. De plus, l'antagonisme des récepteurs CB1 et CB2 a prévenu la perte osseuse induite par ovariectomie in vivoReference 914.
Une étude ultérieure par le même groupe a rapporté que les souris « knock-out » CB1 avaient un pic de la masse osseuse accru, mais qu'elles ont par la suite développé l'ostéoporose liée à l'âgeReference 912. L'augmentation du pic de la masse osseuse a été attribuée à une baisse de la formation et de l'activité des ostéoclastes avec préservation de l'activité des ostéoblastes. En revanche, la perte osseuse chez les souris mutantes semble être due à une formation et une accumulation préférentielles des adipocytes aux dépens d'ostéoblastes dans l'espace de moelle osseuse, ainsi qu'à une décroissance de la formation osseuseReference 912. Contrairement à ces études, une autre étude ayant eu recours à une stratégie différente de ciblage de gêne et à une autre souche de souris a rapporté que les souris « knock-out » CB1 mâles et femelles, ont connu de faibles densités osseuses, une augmentation du nombre des ostéoclastes et une baisse du taux de la formation osseuseReference 916. Les effets de l'ovariectomie chez cette lignée de souris n'ont pas fait l'objet d'étude, très probablement parce que la masse osseuse initiale était trop faible pour permettre de bien mesurer les différences entre les souris soumises à l'ovariectomie et les contrôles.
Une autre étude préclinique effectuée chez des rats plus jeunes et plus âgés révèle que le blocage de l'activité des récepteurs CB1, par l'administration du rimonabant, a eu des effets différents sur l'épaisseur de la corticale osseuse induite par des glucocorticoïdes et sur la densité moyenne de l'os trabéculaireReference 919. Chez les jeunes rats, le rimonabant a atténué les effets ostéoporotiques du traitement par glucocorticoïde chronique, tandis que chez les rats plus âgés, l'effet opposé a été constaté. Les constatations provenant de cette étude corroborent également la théorie selon laquelle le récepteur CB1 jouerait un rôle différent en fonction de l'âge dans les processus de renouvellement des cellules osseuses.
Chez la souris, il a été démontré que l'activation des récepteurs CB1 par THC ralentit considérablement l'allongement des os et possiblement la taille corporelle générale, du moins chez la souris adolescente femelleReference 920. La concentration de THC systémique administré chez la souris (5 mg/kg par jour) a été déclarée similaire à celle décrite pour les fumeurs quotidiens de cannabis.
Une étude préclinique chez les rats évaluant l'incidence de la fumée du cannabis sur la guérison des os autour d'implants en titane a rapporté qu'une exposition chronique à la fumée du cannabis a réduit la guérison des os spongieux autour des implants en réduisant le remplissage des os et le contact entre l'os et l'implant dans le filetage de l'implantReference 385. Aucun effet de ce genre n'a été observé pour l'os cortical.
Les phénotypes squelettiques des souris « knock-out » en récepteur CB2 ont aussi fait l'objet d'étude. Ofek a rapporté que les souris déficientes en CB2 ont présenté un faible phénotype de la densité osseuse ainsi qu'une perte d'os trabéculaire liée à l'âgeReference 921. Ces déficits ont été liés à l'augmentation des nombres de précurseurs d'ostéoclastes et à la diminution des nombres de précurseurs d'ostéoblastesReference 921. De plus, l'on a rapporté qu'un agoniste des récepteurs CB2 sélectif a augmenté la prolifération et l'activité des ostéoblastes et a diminué la formation in vitro des cellules semblables à celles des ostéoclastes et que l'administration de cet agoniste a atténué la perte osseuse induite par ovariectomie in vivoReference 921. Bien qu'une étude plus récente ait rapporté avoir constaté une perte osseuse liée à l'âge, elle n'a pas réussi à déceler des différences significatives des pics de la masse osseuse entre les souris de type sauvage et les souris « knock-out »Reference 922. De plus, contrairement à l'étude menée par OfekReference 921 une stimulation sélective du récepteur CB2 a été associée à une augmentation de la différenciation et de la fonction ostéoblastiques plutôt qu'à une prolifération. Une autre étude n'a pas rapporté de différences concernant les pics de la masse osseuse entre les souris « knock-out » en récepteur CB2 et les souris de type sauvage dans des conditions normalesReference 923. La perte osseuse liée à l'âge n'a pas été mesurée dans cette étude. L'ablation génique du récepteur CB2 semblait protéger contre la perte osseuse induite par ovariectomie, un effet imité par l'administration de l'antagoniste sélectif des récepteurs CB2 Reference 923. Inversement, les résultats des études in vitro portent à croire que l'antagoniste sélectif des récepteurs CB2 a de façon significative accru la formation et la taille des ostéoclastesReference 923. Il serait peut-être utile de noter ici que des polymorphismes mononucléotidiques (SNP) et ses halotypes se trouvant dans la région codante du gène du récepteur CB2 ont aussi été associés à l'ostéoporose chez les humainsReference 924-Reference 926.
4.9 Autres maladies et symptômes
4.9.1 Troubles du mouvement
Les composantes individuelles du SEC sont particulièrement abondantes dans les zones du cerveau qui contrôlent le mouvement, comme les noyaux gris centrauxReference 927. Les effets moteurs surviennent habituellement comme conséquence des changements de l'activité du SEC, et l'activation des récepteurs CB1 entraînant habituellement l'inhibition du mouvementReference 927. De nombreuses études ont indiqué des changements des niveaux et de l'activité des récepteurs CB1 dans les maladies motrices comme la maladie de Parkinson (MP) et de Huntington (MH)Reference 928-Reference 931 et les résultats de ces études suggèrent un lien complexe entre le SEC et leur physiopathologie et celle d'autres maladies neurologiques.
Une analyse systématique de l'efficacité et de l'innocuité des cannabinoïdes contre les troubles du mouvement, comme la MH, la MP, la dystonie cervicale et le SGT indique que les cannabinoïdes seraient probablement inefficaces ou qu'ils auraient une efficacité inconnue et que les risques et avantages du traitement aux cannabinoïdes doivent être soigneusement évaluésReference 666. En outre, l'efficacité comparative du cannabinoïde par rapport à d'autres traitements est inconnue pour ces indicationsReference 666.
4.9.1.1 Dystonie
- Les données limitées provenant d'études précliniques suggèrent qu'un agoniste synthétique des récepteurs CB1 et CB2 pourrait soulager de symptômes ressemblant à ceux de la dystonie, et que le CBD retarde la progression de la dystonie.
- Les données provenant d'un nombre limité d'études de cas et de petits essais cliniques ouverts ou contrôlés par placebo suggèrent une amélioration des symptômes de dystonie avec du cannabis inhalé, des effets mixtes du THC oral, une amélioration des symptômes de dystonie avecdu CBD oral et une absence d'effets du nabilone sur les symptômes de dystonie.
La dystonie se traduit par une hyperactivité des muscles nécessaires pour effectuer un mouvement normal, avec force supplémentaire ou l'activation de muscles avoisinants mais non nécessaires; outre le fait qu'elle entrave la fonction motrice, elle est souvent douloureuseReference 932. La dystonie peut être primaire et inclure le torticolis et le blépharospasme ou la dyskinésie ou dystonie orofaciale (syndrome de Meige). Elle peut aussi être associée à une autre maladie, comme la MH et la dyskinésie tardive survenant après la prise de médicaments bloquant la dopamineReference 932.
Données précliniques
Une étude préclinique menée chez un modèle de hamster de dystonie primaire généralisée a rapporté une diminution dose-dépendante de la gravité de la maladie avec l'administration de l'agoniste des récepteurs cannabinoïdes synthétiques CB1 et CB2, le WIN 55,212-2Reference 933. Toutefois, des doses anti-dystoniques de l'agoniste, ont été associées à de sévères effets secondaires notamment la dépression de l'activité locomotrice spontanée et la catalepsie. De plus, cet agoniste de récepteur CB a accru les effets anti-dystoniques du diazépamReference 933. Une étude de suivi effectuée par le même groupe a confirmé l'efficacité anti-dystonique du WIN 55,212-2 et a aussi démontré que le CBD avait retardé la progression de la dystonie, mais seulement à une très forte doseReference 934. Une étude préclinique de la dystonie aiguë induite par les antipsychotiques et la dyskinésie tardive chez les singes a démontré que la dyskinésie buccale mais pas la dystonie avait été réduite en fonction de la dose par l'agoniste de récepteur CB1 synthétique, le CP 55,940Reference 935.
Données cliniques
Bien que des rapports anecdotiques suggèrent que le cannabis puisse soulager les symptômes associés à la dystonie chez les humainsReference 244, aucune étude clinique bien contrôlée du traitement de la dystonie par le cannabis n'a été publiée.
Une étude de cas a signalé une amélioration du torticolis après avoir fumé du cannabisReference 936. Une autre étude de cas a signalé une amélioration chez un patient souffrant de douleurs thalamiques centrales et d'une dystonie hémiplégique douloureuse du côté droit qui a fumé un joint le matin, une fois par semaine, pendant trois semainesReference 937. Après avoir fumé, le patient a signalé un soulagement total de la douleur et un soulagement de la paresthésie, ainsi qu'une amélioration notable de la dystonie et une amélioration de la capacité à écrire et à faire quelques pas, sans aide. Le soulagement de la douleur a semblé persister jusqu'à 48 heures après chaque épisode de cannabis fumé. Aucune tolérance aux effets du cannabis n'a été observée et le patient a arrêté le traitement analgésique aux opioïdes. Un autre rapport de cas portant sur un patient âgé de 25 ans et consommant du cannabis dans le traitement d'une dystonie généralisée découlant de la maladie de Wilson révèle que le fait de fumer trois à quatre grammes de cannabis par jour a significativement amélioré sa dystonieReference 244. L'observation du médecin a confirmé les allégations du patient : le cannabis a diminué de 50 % le score sur l'échelle d'évaluation de la dystonie de Burke-Fahn-Marsden et celui sur l'échelle d'incapacité. Les effets thérapeutiques n'ont pas semblé durer au-delà de chaque période de 24 heures, ce qui exigeait que le patient consomme du cannabis chaque jour.
Un essai à dose unique de 5 mg de Δ9-THC, contrôlé avec placebo et administré oralement à un musicien atteint de dystonie focale (« dystonie du musicien ») a rapporté une amélioration du contrôle moteur au niveau de la main atteinte du sujet, avec la fatigue et les troubles de concentration cités comme étant les effets secondaires associés à l'usage de Δ9-THCReference 246. Les effets thérapeutiques ont persisté jusqu'à deux heures après la prise avec un retour progressif à des valeurs initiales après cinq heures.
Une étude croisée de phase IIa de huit semaines, à répartition aléatoire et contrôlée par placebo portant sur le dronabinol (15 mg par jour) menée chez neuf patients atteints d'une dystonie cervicale a signalé l'absence d'effet du dronabinol comparativement au placebo sur toute mesure de résultat (échelle clinique Toronto Western Spasmodic Torticollis Rating Scale [TWSTRS], EVA pour l'évaluation de la douleur, impression globale de changement)Reference 240. La plupart des sujets ont éprouvé un événement indésirable, mais aucun n'a été jugé grave. Les événements indésirables liés à l'administration de dronabinol comprenaient notamment les étourdissements, la somnolence, l'assèchement de la bouche, une vision trouble, un goût amer et des vertiges, et ceux-ci étaient jugés légers.
Une autre étude de cas révèle que le dronabinol (2,5 mg, b.i.d. au départ, puis 5 mg, b.i.d.) a été associé à une amélioration de la dystonie chez un patient atteint de SP, de dystonie paroxystique, de tics vocaux complexes et de dépendance au cannabis (consommation quotidienne minimale de cinq joints de cannabis) et qui avait déjà signalé une amélioration des symptômes après avoir fumé du cannabisReference 243. Le patient a aussi fait état d'une réduction importante de l'état de manque de cannabis, une amélioration de la qualité du sommeil, une diminution de la vocalisation, une diminution de l'anxiété et de la fréquence de la dystonie paroxystique avec le dronabinol.
Un essai pilote ouvert de six semaines auprès de cinq patients prenant 100 à 600 mg par jour de CBD a rapporté des améliorations modestes des mouvements dystoniques liées aux doses chez tous les sujets de l'étude, mais aussi l'aggravation des tremblements et de l'hypokinésie chez deux patients ayant en parallèle la MP qui avaient reçus des doses de CBD > 300 mg/jourReference 257. Les effets secondaires du CBD étaient légers et comprenaient une hypotension, une bouche sèche, un ralentissement psychomoteur, des étourdissements et une sédation.
Les résultats d'une étude randomisée menée à double insu et contrôlée avec placebo auprès de 15 patients prenant une dose unique de 0,03 mg/kg du nabilone et ne prenant pas d'autres médicaments antidystoniques n'ont montré aucune réduction significative de la dystonieReference 249.
4.9.1.2 Maladie de Huntington
- Les données provenant d'études précliniques signalent des résultats mixtes avec le THC sur les symptômes ressemblant à ceux de la Maladie de Huntington (MH).
- Les données limitées provenant d'études de cas et des essais cliniques à petite envergure sont mixtes et suggèrent une absence d'effets du CBD, du nabilone et du nabiximols et une amélioration limitée des symptômes de MH avec le cannabis fumé.
Données précliniques et expérimentales chez l'humain
Les résultats d'études effectuées chez les modèles animaux de la MH ainsi que des études effectuées post-mortem sur des patients décédés atteints de la MH suggèrent que les récepteurs CB1 présents dans le cerveau, surtout ceux qui se trouvent au niveau des noyaux gris centraux sont régulés à la baisse et/ou désensibilisés à la suite de l'expression de la protéine mutante huntingtine, et que cela se manifeste au tout début de la maladie, et avant l'apparition de symptômes cliniques évidentsReference 928Reference 938-Reference 947. Une étude in vivo par tomographie à émission de positrons (TEP) menée auprès de patients atteints de la MH corrobore ces conclusions, démontrant d'importantes baisses de la disponibilité du récepteur CB1 partout dans la substance grise du cerveau, du cervelet et du tronc cérébral des patients atteints de la MH, et ce même au stade précoce de la maladieReference 948. Des études précliniques et post mortem supplémentaires chez des patients décédés atteints de la MH indiquent que la diminution des niveaux du récepteur CB1 semble être accompagnée par une croissance des niveaux du récepteur CB2 dans les cellules gliales, les astrocytes et dans les cellules gliales réactivesReference 943Reference 949. Ainsi, une quantité significative de données précliniques et de données cliniques limitées suggèrent que des changements dans le SEC sont étroitement liés à la physiopathologie de la MHReference 943Reference 946-Reference 948.
Une étude préclinique chez un modèle de la souris de la MH n'a pas rapporté d'effets bénéfiques du Δ9-THC (10 mg/kg/jour)Reference 950, tandis qu'une autre étude a rapporté que le Δ9-THC (2 mg/kg/jour) a été associé à une baisse de la pathologie et à une apparition retardée de symptômes semblables à ceux de la MH comparativement aux souris non traitées souffrant de la MHReference 945. Une autre étude préclinique animale sur un modèle de rat de la MD a démontré que l'activation du récepteur CB2 était associée à la réduction des marqueurs d'inflammation associés à un phénotype ressemblant à la MH et à la protection des neurones de projection du néostriatumReference 951. Une étude préclinique a aussi signalé qu'une population limitée de récepteurs CB1 sélectivement situés sur les bornes glutamatergiques des projections corticostriatales pourrait jouer un rôle protecteur, attenuant les dommages excitotoxiques associés à la libération excessive de glutamate chez des patients atteints de la MH, soulevant la possibilité que le ciblage sélectif de ce groupe de récepteurs puisse aider à atténuer la neurodégénération chez les patients atteints de la MHReference 952.
Données cliniques
Les résultats d'études de cas à patient unique sont contrastés. Dans une étude, une dose quotidienne de 1,5 mg de nabilone a augmenté les mouvements choréiquesReference 252, alors que dans un autre cas, le médicament a amélioré l'humeur et a diminué la chorée chez un patient qui avait fumé du cannabis puis avait poursuivi avec 1 mg de nabilone b.i.d.Reference 953.
En ce qui concerne les études cliniques, un essai randomisé mené par permutation et à double insu et contrôlé avec placebo auprès de 15 patients souffrant de la MH prenant 10 mg/kg/jour de CBD par voie orale n'a pas rapporté d'améliorations des symptômes associés à la MHReference 254. Une étude pilote par permutation, randomisée, à double insu et contrôlée contre placebo indique peu d'effets bénéfiques, sinon aucun, de doses de 1 à 2 mg de nabilone par rapport au placebo chez 37 patients atteints de la MHReference 241. Toutefois, le nabilone a été bien toléré dans cette population de patients et n'a pas semblé exacerber la chorée ou la psychose associée à la MH, bien que certains effets indésirables tels que la somnolence et des pertes de mémoire aient été observés. Les patients prenaient en même temps d'autres médicaments contre la MH.
Une étude pilote récemment publiée, de 12 semaines, à double insu, aléatoire, contrôlée par placebo et transversale a examiné l'innocuité et la tolérance du nabiximols chez les patients atteints de la MH et n'a signalé aucune différence considérable des résultats sur les fonctions motrices, cognitives, comportementales ou fonctionnelles associées avec l'utilisation de nabiximols comparativement au placebo chez 26 patients atteints de la MH à l'exception d'une incidence croissante d'étourdissements et de perte d'attention dans le groupe de traitementReference 237. Les lacunes de la méthodologie de l'étude comprennent le manque de puissance afin de pouvoir déterminer si le nabiximols est efficace et sécuritaire à long terme ou s'il est analysé dans une population plus vaste. De plus, les auteurs suggèrent que le manque d'efficacité observé pourrait avoir été expliqué, au moins en partie, par le traitement au cours des stades plus avancés de la MH et que les traitements aux stades antérieurs devraient être étudiés au cours d'études cliniques futures.
4.9.1.3 Maladie de Parkinson
- Les résultats d'un nombre limité d'études précliniques, de cas, cliniques et observationnelles sur certains cannabinoïdes pour le traitement des symptômes de la maladie de Parkinson (MP) sont mixtes.
- Une étude de cas sur le cannabis fumé ne suggère aucun effet alors qu'une étude observationnelle sur le cannabis fumé suggère une amélioration des symptômes.
- Une étude clinique à petite envergure portant sur le nabilone suggère une amélioration des symptômes, tandis qu'une autre étude clinique surun extrait oral de cannabis (THC/CBD) et une étude clinique avec du CBD ne suggèrent aucune amélioration des symptômes.
Une enquête menée auprès de 630 patients suivis dans une clinique des troubles de mouvement a signalé que parmi les 339 répondants, 25 % avaient utilisé du cannabis; 31 % ont déclaré des bienfaits sur les tremblements au repos, 45 % ont constaté une amélioration de la bradykinésie et 14 % ont observé une amélioration de la dyskinésieReference 954.
Données précliniques et expérimentales humaines
Les ligands endocannabinoïdes, leurs enzymes de synthèse et de dégradation et les récepteurs activés par les cannabinoïdes sont très abondants dans les noyaux gris centraux, les structures cérébrales les plus touchées par la MPReference 927. L'on a rapporté que les patients ayant récemment reçu un diagnostic de la MP et ceux chez qui l'élimination du médicament de la MP était en cours, avaient plus que le double du niveau d'anandamide dans leur LCR comparativement aux témoins, et ces résultats correspondent à ceux constatés chez les modèles animaux de la MP où la perte des cellules dopaminergiques s'accompagne d'une augmentation des niveaux d'anandamideReference 955. Chez les modèles animaux de la MP, les niveaux de récepteurs CB1 semblent se réguler à la baisse au tout début des phases pré symptômatiques de la maladie, mais ils sont suivis d'une augmentation de la densité et de la fonction du récepteur CB1, de même qu'une élévation des niveaux d'endocannabinoïdes aux stades intermédiaires et avancés de la maladieReference 955Reference 956. Mises ensemble, ces études suggèrent un lien complexe entre la physiopathologie de la MP et des changements dans le SEC.
Les résultats issus de certaines études animales suggèrent que les agonistes de récepteur cannabinoïde induisent l'hypokinésie et par conséquent, seraient peu souhaitables comme traitement de première ligne contre la MPReference 927Reference 957. D'autre part, l'hypokinésie induite par les cannabinoïdes pourrait servir à atténuer la dyskinésie observée chez les patients atteints de la MP et suivant un traitement au levodopa à long termeReference 957. D'autres études animales suggèrent que l'antagonisme des récepteurs CB1 (par l'entremise de traitements au rimonabant) atténue partiellement l'hypokinésie associée à la mort des cellules de la substance noire et encourage la survie des neurones dopaminergiques dans le pars compacta de la substance noire par l'entremise d'une augmentation de la densité des astrocytesReference 958Reference 959. Toutefois, la reproduction de cet effet bénéfique de l'antagonisme des récepteurs CB1 n'a pas été possible dans le cadre d'une étude clinique à petite échelleReference 247. Compte tenu du niveau de preuves actuel concernant les cannabinoïdes dans le traitement de la MP, il semblerait qu'un traitement neuroprotecteur à base de cannabinoïdes contre la MP devrait être fondé sur une association adéquate de composés sélectionnés qui confèrent des effets antioxydants (p. ex. par l'intermédiaire de mécanismes indépendants des récepteurs CB), notamment au moyen de l'activation de la famille de récepteurs nucléaires PPAR, de l'activation de récepteurs CB2 et du contrôle de l'inflammation, et par l'intermédiaire de l'antagonisme des récepteurs CB1 pour améliorer l'akinésie et réduire l'inhibition motriceReference 960. L'association d'un cannabinoïde ayant des propriétés anti-inflammatoires et anti-oxydantes (CBD) avec un cannabinoïde ayant des propriétés mixtes d'antagonistes du récepteur CB1 et d'agonistes du récepteur CB2, ainsi que des effets antioxydants (tel que le THCV), pourrait avoir un certain potentiel thérapeutique, mais des recherches beaucoup plus approfondies sont nécessairesReference 960.
Données cliniques
Les résultats des essais cliniques qui examinent le rôle des cannabinoïdes (le cannabis fumé, le nabilone, le CBD, le rimonabant et l'extrait de cannabis normalisé par voie orale) dans le traitement contre la MP sont contrastés.
Dans une étude de cas avec cinq patients souffrant de la MP idiopathique, l'on n'a pas observé d'amélioration des tremblements après avoir fumé du cannabis (une cigarette de 1 g contenant 2,9 % de Δ9-THC, 29 mg de Δ9-THC total disponible), alors que tous les sujets ont bénéficié de l'administration de levodopa et d'apomorphineReference 255.
Une étude d'observation ouverte a évalué l'effet clinique du cannabis fumé sur les symptômes moteurs et non moteurs de 22 patients atteints de la MP qui consommaient du cannabis quotidiennement pendant au moins deux mois, sans présenter d'effets secondaires majeursReference 238. On a demandé aux patients de fumer leur dose régulière de cannabis (500 mg) et 30 minutes plus tard, les séries d'essais relatifs aux symptômes moteurs et non moteurs ont été administrées et les scores ont été enregistrés par deux cliniciens. Le score total moyen sur l'échelle d'évaluation unifiée pour la MP [Unified Parkinson's Disease Rating Scale, UPDRS], s'est considérablement amélioré après l'exposition au cannabis, passant d'un score de 33 au début de l'étude à 23 après la consommation de cannabis (p < 0,001). Une amélioration significative a également été observée en matière de tremblements, de rigidité, de bradykinésie, de sommeil et de douleur, mais aucune amélioration n'a été constatée concernant la posture. Tous les patients prenaient de façon concomitante d'autres médicaments contre la MP, y compris la lévodopa, l'amantadine, la rasagiline, la sélégiline, l'inhibiteur de l'acétylcholinestérase et d'autres médicaments. Aucun événement indésirable grave n'a été signalé. Les principaux effets indésirables auto-déclarés découlant de la consommation par la fumée de cannabis à long terme étaient la somnolence, les palpitations et un goût désagréable. Les limites de l'étude sont notamment sa conception ouverte et sa courte période.
Une étude clinique exploratoire, aléatoire, à double insu et contrôlée par placebo des antagonistes de la neurokinine B, de la neurotensine et des récepteurs CB1 (rimonabant) sur la sévérité des symptômes moteurs et de la dyskinésie induite par la lévodopa après une dose unique de lévodopa chez 24 patients atteints de la MP a observé qu'à ce niveau de dose, les trois substances étaient bien tolérées et ne pouvaient pas améliorer l'handicap moteur parkinsonienReference 247. Les doses d'antagonistes de la neurokinine B, de la neurotensine et des récepteurs CB1 étaient de 180 mg, 200 mg et de 20 mg, respectivement. Chaque substance a été administrée une fois par jour, une heure avant l'administration de la lévodopa pendant une période de 9 (pour la neurokinine et la neurotensine B) ou de 16 jours (rimonabant).
Une étude clinique de petite envergure à répartition aléatoire portant sur le nabilone (0,03 mg/kg) menée chez sept patients atteints de la MP, révèle que le nabilone a réduit la dyskinésie induite par la lévodopaReference 250.
En revanche, une étude croisée de quatre semaines à répartition aléatoire et à double insu a démontré qu'un extrait de cannabis par voie orale (2,5 mg de Δ9-THC et 1,25 mg de CBD par gélule, b.i.d.; dose quotidienne maximale de 0,25 mg/kg de Δ9-THC) n'a produit aucune action en faveur de la MP ou contre celle-ciReference 245.
Enfin, une étude clinique exploratoire à double insu menée auprès de 21 patients atteints de la MP (ne présentant pas de démence ou de trouble psychiatrique comorbide) a évalué le score des symptômes moteurs et généraux (UPDRS), le fonctionnement et bien-être, le QV (questionnaire PDQ-39, 39-item Parkinson Disease Questionnaire) et les effets neuroprotecteurs possibles (facteur neurotrophique issu du cerveau (BDNF) dans le plasma et spectrométrie par résonance magnétique du proton [H1]) suivant un traitement par placebo ou CBD (75 mg ou 300 mg par jour) pendant six semainesReference 239. Aucune différence statistiquement significative n'a été observée entre le placebo et toutes les doses de CBD concernant les scores sur l'UPDRS, les taux de BDNF dans le plasma ou la spectrométrie par résonance magnétique du proton (H1). Cependant, la dose de CBD de 300 mg a été associée à une différence statistiquement significative des scores totaux moyens par rapport au placebo dans le questionnaire PDQ-39, ce qui semble indiquer que la dose quotidienne de CBD de 300 mg est associée à une amélioration des mesures de la QV chez les patients atteints de la MP qui ne présentent pas de comorbidités psychiatriques.
4.9.1.4 Syndrome de Gilles de la Tourette
- Les données limitées provenant de petites études cliniques suggèrent que le THC administré par voie orale améliore certains symptômes du syndrome de Gilles de La Tourette (SGT) (tics).
Des rapports anecdotiques et de cas suggèrent une amélioration des symptômes associés au SGT avec le cannabis fuméReference 253Reference 256. De plus, un essai par permutation randomisé, à double insu et contrôlé avec placebo d'une durée de deux jours, comportant une seule dose par voie orale de Δ9-THC (5, 7,5 ou 10 mg) chez 12 patients adultes atteints de SGT a indiqué une amélioration liée à la concentration plasmatique du contrôle des tics moteurs et vocaux ainsi que du comportement obsessif-compulsif, et sans effets secondaires graves, bien que de légers effets indésirables passagers (p.ex. céphalée, nausées, ataxie, fatigue et anxiété) ont été notés chez cinq patientsReference 251. Contrairement aux consommateurs de cannabis sains, ni une dose de 5 mg ni de 10 mg de Δ9-THC n'a causé de déficience cognitive chez les patients atteints du SGT. Cette étude a été suivie d'un essai de suivi contrôlé avec placebo, à double insu et randomisé de six semaines par le même groupe de recherche. Les auteurs ont signalé une différence statistiquement significative dans la réduction des tics, comparativement au placebo chez certains patients et aucun effet nuisible sur la performance neuropsychologique pendant ou après le traitement consistant de doses de 10 mg de Δ9-THCReference 248. Les principales lacunes de la méthodologie de ces trois études cliniques sont la petite taille de leur échantillon et leur durée relativement courte.
Une revue de l'efficacité et de l'innocuité des cannabinoïdes dans le traitement des tics, du comportement obsessif-compulsif et de la sensation prémonitoire, effectuée récemment par le Centre de collaboration Cochrane chez les patients atteints du SGT a conclu qu'il n'existe pas suffisamment de données permettant d'appuyer l'usage de cannabinoïdes dans le traitement des tics et du comportement obsessif-compulsif chez les personnes atteintes du SGTReference 242.
Cependant, une méta-analyse et une analyse systématique plus récente de 28 essais contrôlés à répartition aléatoire (N = 2 454 participants) sur les cannabinoïdes (c.-à-d. cannabis fumé, nabiximols, nabilone, dronabinol, CBD, THC, levonontradol, acide ajulémique) effectués à l'aide de l'approche GRADE ont conclu que, d'après deux études contrôlées par placebo de petite envergure portant sur le THC administré par voie orale sous forme de gélule dans le traitement des symptômes associés au SGT, le THC par voie orale serait associé à une amélioration significative de la gravité des tics chez les patients atteints du SGTReference 174.
4.9.1.5 Ataxie spinocérébelleuse
Il existe des preuves émergentes que le SEC pourrait avoir un rôle dans la pathophysiologie de l'ataxie spinocérébelleuseReference 961Reference 962. Les études post-mortem d'échantillons cérébelleux recueillis de patients décédés atteints d'ataxie héréditaire autosomale dominante ont révélée des augmentations considérables dans les niveaux d'expression de protéines de la FAAH et du MAGL dans les cellules de Purkinje de la couche cellulaire du milieu du cortex cérébelleux, dans les neurones du noyau dentelé et dans la substance blanche cérébelleuse comparativement aux témoinsReference 962. Dans le cadre d'une autre étude, les niveaux d'expression des protéines des récepteurs CB1 et CB2 de ces mêmes régions du cortex cérébelleux ont été observés comme étant considérablement plus élevés comparativement aux valeurs témoinsReference 961. Ces études suggèrent qu'une augmentation des niveaux d'expression d'un certain nombre de composantes du SEC dans les régions cérébelleuses est associée à l'ataxie héréditaire autosomale dominante.
4.9.2 Glaucome
- Les données limitées provenant de petites études cliniques suggèrent que l'administration orale de THC réduit la pression intraoculaire (PIO), tandis que l'administration orale de CBD pourrait, au contraire, provoquer une augmentation de la PIO.
Le glaucome est une maladie multifactorielle caractérisée par la dégénérescence progressive du nerf optique et la nécrose des cellules ganglionnaires de la rétine, menant par conséquent vers une cécité irréversibleReference 963. Une PIO élevée participe à la physiopathologie du glaucome; toutefois, un apport sanguin inadéquat vers le nerf optique, des dommages oxydants et une apoptose des cellules ganglionnaires rétiniennes sont aussi des facteurs qui contribuent à la maladieReference 387Reference 963-Reference 965. Un SEC existe dans bon nombre de tissus oculaires et des études post-mortem ont décelé une diminution des taux d'endocannabinoïdes dans ces tissus prélevés chez des patients décédés atteints de glaucomeReference 966.
Une administration oculaire (et systémique) de cannabinoïdes diminue généralement la PIO jusqu'à 30 % (voirReference 387 pour une liste des lectures de référence complète). La façon dont les cannabinoïdes réduisent la PIO n'est toujours pas claire, mais plusieurs mécanismes possibles ont été proposés, y compris la réduction de la tension capillaire, une diminution de la production de l'humeur aqueuse et une amélioration du débit uvéoscléral de l'humeur aqueuse et de sa circulationReference 967-Reference 971.
Les résultats d'une enquête effectuée auprès de 1 516 patients atteints de glaucome dans des cliniques de glaucome tertiaires à Toronto et à Montréal ont suggéré qu'environ 13 % de ces patients avaient déclaré avoir eu recours aux thérapies complémentaires et alternatives pour traiter le glaucome et de ces patients, 2,3 % ont déclaré avoir utilisé le cannabis pour traiter leur glaucomeReference 972.
Une étude pilote clinique bien contrôlée auprès de six patients atteints de l'hypertension oculaire ou de glaucome primaire à angle ouvert au stade précoce a indiqué que les doses sublinguales de 5 mg de Δ9-THC (administrées au moyen d'un spray oromucosal) réduisaient temporairement mais de façon significative la PIO, 2 h après administrationReference 386. Une dose unique sublinguale de 20 mg de CBD (administré en concomitance avec ~ 1 mg Δ9-THC) n'avait aucun effet, alors qu'une seule dose sublinguale de 40 mg de CBD (administré en concomitance avec ~ 2 mg de Δ9-THC) a entraîné une hausse significative passagère de la PIO après administration. Une étude clinique non randomisée, non masquée et non contrôlée a rapporté une certaine amélioration de la PIO après ingestion par voie orale du Δ9-THC (2,5 ou 5 mg q.i.d. pour un maximum de 20 mg/jour; durée du traitement : 3 à 36 semaines) chez les patients atteints de glaucome à angle ouvert au stade final résistant aux médicaments standards et aux interventions chirurgicalesReference 388. Certains patients ont semblé développer une tolérance aux effets de la diminution de la PIO du Δ9-THC et près de la moitié d'entre eux ont interrompu le traitement pour cause d'effets secondaires associées au Δ9-THC (p. ex. les étourdissements l'assèchement de la bouche, la somnolence, la dépression, la confusion). Mis à part le fait de diminuer la PIO, les cannabinoïdes, tels que le Δ9-THC (et le CBD), peuvent aussi avoir des effets neuroprotecteurs pouvant être utiles dans la gestion du glaucomeReference 387Reference 973-Reference 982.
En conclusion, quoique l'on ait démontré que fumer ou ingérer du cannabis (ou du Δ9-THC oral) entraîne une réduction de la PIOReference 983-Reference 985, le traitement à base de cannabinoïdes semble limité en raison de l'action des cannabinoïdes de courte durée (de 3 à 4 h) et des effets physiques et psychotropiques non désirés.
4.9.3 Asthme
- Les données limitées provenant d'études précliniques et cliniques sur l'effet du THC en aérosol sur les symptômes asthmatiques sont mixtes.
- L'inhalation d'irritants pulmonaires générés par la fumée/vaporisation du cannabis peut aggraver les symptômes asthmatiques.
Il existe certaines données historiques et anecdotiques sur le cannabis comme traitement de l'asthmeReference 986. En ce qui concerne les données précliniques, il y a des données qui attribuent un rôle du SEC dans la régulation du tonus musculaire lisse bronchiqueReference 987 et des études avec des animaux employant des cannabinoïdes classiques ou synthétiques suggèrent un rôle prometteur des composantes à base de cannabinoïdes dans le traitement de l'asthmeReference 988-Reference 990.
Des études cliniques antérieures ont démontré une diminution importante de la résistance des voies aériennes et une augmentation de la conductance des voies aériennes spécifique chez les consommateurs réguliers et sains de cannabis, peu après en avoir fuméReference 991Reference 992. Cet effet a été largement attribué aux propriétés bronchodilatatoires du Δ9-THCReference 993. Toutefois, pour les asthmatiques, les avantages de fumer du cannabis ont de fortes chances d'être minimes. Alors que fumer du cannabis semble diminuer les bronchospasmes, augmenter la bronchodilatation et améliorer de façon modeste les fonctions respiratoires chez certains asthmatiques à court termeReference 994-Reference 996, la fumée de cannabis contient des gaz et des particules nocifs qui irritent et endommagent l'appareil respiratoireReference 993; par conséquent, elle ne constitue probablement pas une thérapie viable à long terme contre l'asthme. Un certain nombre d'études ont aussi révélé des réactions d'hypersensibilité, notamment des crises d'asthme aiguës en réponse à l'inhalation du cannabis fuméReference 362Reference 363.
C'est pourquoi, d'autres véhicules du Δ9-THC, par aérosol ou par administration orale ont aussi été étudiés. Des doses de 100 et 200 µg de Δ9-THC en aérosol ont augmenté de façon significative les fonctions ventilatoires chez les asthmatiques et étaient généralement bien tolérésReference 997Reference 998. Dans une autre étude, de 5 à 20 mg de Δ9-THC en aérosol a rapidement augmenté la conductance aérienne de façon efficace chez les sujets sains, mais a causé soit une bronchodilatation ou une bronchoconstriction chez les asthmatiquesReference 999. L'administration par voie orale de 10 mg de Δ9-THC ou de 2 mg de nabilone n'ont pas produit de bronchodilatation d'importance clinique chez les patients ayant une obstruction des voies respiratoires réversibleReference 986Reference 1000Reference 1001.
4.9.4 Hypertension
Les récepteurs CB1 sont exprimés sur divers tissus périphériques, y compris le cœur et le système vasculaire, et les agonistes des récepteurs cannabinoïdes et les endocannabinoïdes diminuent la tension artérielle et la contractilité cardiaque (examiné enReference 1002).
Très peu d'études existent sur les effets du cannabis et des cannabinoïdes sur l'hypertension. Dans une étude antérieure, l'inhalation de fumée de cannabis à teneur de 2,8 % de Δ9-THC a causé une plus grande diminution de la tension artérielle qui a duré plus longtemps chez les sujets hypertensifs, comparativement aux normotensifsReference 1003. Dans un exposé de cas, une femme souffrant d'hypertension intracrânienne idiopathique de longue durée a signalé une amélioration de ses symptômes après avoir fumé du cannabis ou après avoir subi un traitement au dronabinol (10 mg b.i.d au départ, puis 5 mg b.i.d.).
Il n'existe pas de rapport faisant état de l'usage des cannabinoïdes à de faibles doses comme traitement supplémentaire de l'hypertension.
4.9.5 Stress et troubles psychiatriques
Il existe des affirmations anecdotiques, et dans certains cas, historiques relatives aux effets bénéfiques du cannabis et des cannabinoïdes dans le traitement de divers troubles psychiatriques, dont l'anxiété, la dépression, les troubles du sommeil, l'ESPT, et les symptômes de sevrage associés à l'abus de drogues/toxicomanie. La section suivante porte sur les informations recueillies dans des publications scientifiques et médicales au sujet de l'usage de cannabis et des cannabinoïdes dans le traitement des troubles psychiatriques.
Système endocannabinoïde, stress et troubles psychiatriques
Un nombre croissant de preuves semble indiquer le rôle important du SEC dans la régulation du stress, de l'humeur et des troubles psychiatriquesReference 162Reference 1004Reference 1005. Les perturbations pharmacologiques ou génétiques de la signalisation des endocannabinoïdes chez les animaux produisent une réponse neurocomportementale qui simule la réponse classique au stress, notamment l'activation de l'axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HHS), une anxiété accrue, un comportement alimentaire réprimé, une diminution de la réactivité à des stimuli de récompense, une hypervigilance et un éveil, un toilettage accru et une flexibilité cognitive altéréeReference 162.
Dans les modèles de stress aigu chez des animaux, l'exposition à divers facteurs de stress psychologiques aigus entraîne généralement une réduction rapide des niveaux d'anandamide dans le cerveau accompagnée de plusieurs réponses comportementales et physiologiques, notamment une augmentation de l'anxiété, une activité accrue de l'axe HHS, une diminution de la neurogenèse, une diminution de la capacité à supprimer les souvenirs de peur et l'anhédonie, qui sont aussi toutes des caractéristiques des troubles de l'humeurReference 162Reference 1005. Le stress chronique semble aussi généralement produire une réduction de l'anandamide similaire à celle observée avec le stress aiguReference 162. Toutefois, contrairement à la situation avec l'anandamide, le stress aigu et le stress chronique, entraînent une augmentation prolongée des taux de 2-AG dans le cerveau qui est précédée d'une augmentation de la corticostérone découlant de l'activité accrue de l'axe HHSReference 162. En outre, l'élévation des taux de 2-AG dans le cerveau est associée à une rupture de la réponse de l'axe HPA, à une habituation de l'axe HPA, à une modulation de la plasticité synaptique, à une diminution de la remémoration et à une diminution de la douleurReference 162. Le SEC semble donc être une cible et un régulateur de l'activation induite par le stress de l'axe HHSReference 162.
Les endocannabinoïdes semblent réduire les signes comportementaux de l'anxiété, notamment dans des conditions stressantes, de phobie, ou d'autres conditions difficilesReference 162. L'élévation du 2-AG et de la signalisation de l'anandamide atténue l'anxiété induite par le stress, bien que cela se fasse par l'intermédiaire de différents mécanismesReference 162Reference 1004. Il existe un nombre toujours plus important de preuves selon lesquelles le SEC a un rôle qui consiste à favoriser l'extinction de souvenirs désagréables sur le plan émotionnelReference 162Reference 1004. Chez l'humain, les études expérimentales ayant recours à des moyens pharmacologiques pour perturber la signalisation des endocannabinoïdes par l'intermédiaire de l'utilisation de l'antagoniste/agoniste inverse du récepteur CB1, le rimonabant, indiquent qu'une déficience de la signalisation des endocannabinoïdes entraînerait une augmentation de la sensibilité aux effets de stress, y compris l'anxiété et l'anhédonieReference 162Reference 1004. La dépression et l'ESPT ont été associés à une diminution des taux d'endocannabinoïdes en circulationReference 162Reference 1004.
Dans l'ensemble, les preuves laissent supposer que le SEC fonctionne comme un mécanisme homéostatique pour atténuer le stress, inhiber l'activation non nécessaire de l'axe HHS et favoriser le rétablissement de l'axe HHS une fois que le stimulus stressant est passéReference 1004Reference 1005. Le dysfonctionnement du SEC augmente la sensibilité au stress et prolonge les réactions mésadaptées au stress en absence d'un autre stimulus du stressReference 1004Reference 1005. Fait important, le stress chronique semble réduire la capacité du SEC à atténuer efficacement le stress et peut contribuer à accélérer l'apparition d'une psychopathologie, notamment l'anxiété et la dépressionReference 1004Reference 1005. Les interventions pharmacologiques dont le rôle est d'augmenter le tonus endocannabinoïde, p. ex. en inhibant les enzymes de dégradation des endocannabinoïdes, FAAH et MAGL, semblent avoir des effets anxiolytiques et antidépresseurs, du moins dans les modèles d'anxiété et de dépression chez les animauxReference 162Reference 172Reference 1005. Des nouvelles données indiquent que l'inhibition sélective par le substrat de la COX-2 augmenterait également les taux d'endocannabinoïdes dans le cerveau et pourrait avoir des effets anxiolytiquesReference 162Reference 1006Reference 1007.
4.9.5.1 Anxiété et depression
- Des données provenant d'études cliniques et précliniques suggèrent que le THC présente des effets biphasiques sur l'humeur : les faibles doses de THC possèdent des effets anxiolytiques et de hausse de l'humeur et les doses élevées de THC possèdent des effets anxiogènes et de baisse de l'humeur.
- Les données limitées d'un petit nombre d'études cliniques sur le cannabis contenant du THC et sur certains cannabinoïdes sur ordonnance suggèrent que ces substances pourraient améliorer les symptômes d'anxiété et de dépression chez les patients souffrant d'anxiété et/ou de dépression secondaires à d'autres maladies chroniques (p. ex., patients souffrant du VIH/SIDA, SP, douleur neuropathique chronique).
- Les données provenant d'études précliniques suggèrent que le CBD présente des effets anxiolytiques dans différents modèles animaux d'anxiété, tandis que des données limitées provenant d'études cliniques suggèrent que le CBD pourrait posséder des effets anxiolytiques dans un modèle expérimental d'anxiété sociale.
- Les données limitées de certaines études observationnelles suggèrent aussi que le cannabis contenant des concentrations égales de CBD et de THC est associé à une atténuation de certaines perturbations de l'humeur (p. ex., l'anxiété ou le découragement) comme observés avec le cannabis prédominant en THC utilisé par des patients à des fins médicales.
Comme mentionné précédemment, la consommation de cannabis, notamment le cannabis contenant principalement du THC, semble avoir une incidence proportionnelle à la dose sur l'anxiété, les faibles doses (de THC) étant potentiellement anxiolytiques et les doses élevées (de THC) étant inefficaces ou potentiellement anxiogènesReference 172. Bien que la consommation aiguë de doses plus élevées de cannabis à haute teneur en THC puisse, chez certaines personnes et dans certains environnements nouveaux et stressants, déclencher une anxiété importante qui peut ressembler à une crise de panique, les consommateurs de cannabis à long terme déclarent une diminution de l'anxiété, une amélioration de la relaxation et un soulagement de la tensionReference 186. Selon une enquête menée chez plus de 4 400 répondants, ceux qui ont consommé du cannabis quotidiennement ou hebdomadairement ont déclaré ressentir une diminution de l'humeur dépressive et une augmentation de l'effet positif comparativement aux répondants qui n'en avaient jamais consomméReference 1008. Cependant, cette étude a fait l'objet de plusieurs revers importants et doit donc être interprétée avec prudence. D'autres études épidémiologiques suggèrent l'opposéReference 1009Reference 1010. Il se peut aussi que les utilisateurs quotidiens signalent des réductions d'anxiété qui pourraient réellement être le soulagement de symptômes de sevrage associés au TUC. De plus, le trouble d'anxiété sociale semble être particulièrement associé au TUC et selon au moins une étude, certaines personnes souffrant d'anxiété sociale pourraient venir à s'appuyer sur le cannabis pour les aider à faire face à certaines situations sociales, continuant donc à consommer du cannabis malgré le fait qu'ils ressentent des effets négatifs associés à la consommation de cannabis et développant donc un TUCReference 1011.
Études précliniques
Des données précliniques (et cliniques) indiquent que le système encannabinoïde joue un rôle majeur au niveau de l'anxiété et des troubles de l'humeur. Les résultats issus des études animales suggèrent que de faibles doses d'agonistes du récepteur CB1 améliorent le comportement lié à l'anxiété et augmentent les réponses liées aux antidépresseursReference 1012Reference 1013. Les agonistes du récepteur CB1 semblent améliorer la neurotransmission sérotoninergique et noradrénergique au niveau central similaire aux actions des antidépresseursReference 1014Reference 1015. D'autre part, un haut niveau de stimulation du récepteur CB1 ou l'administration des antagonistes du récepteur CB1 annule cette réponse et peut aussi déclencher des symptômes de dépression ainsi que la dépression comme telleReference 184Reference 1014Reference 1016Reference 1017. La suppression de l'envoi de signaux par les endocannabinoïdes est suffisante pour provoquer un état semblable à celui de la dépression aussi bien chez les animaux que chez les humains (examiné enReference 1018). En outre, les concentrations basales sériques de l'anandamide et du 2-AG se sont révélés être considérablement réduites chez les femmes ayant des troubles dépressifs majeursReference 1019. Ces conclusions suggèrent qu'une signalisation adéquate au niveau des endocannabinoïdes est importante pour la régulation de l'humeur.
Données cliniques et d'observation pour le cannabis et le THC
Même si l'utilisation régulière de cannabis à forte teneur en THC ou de médicaments cannabinoïdes d'ordonnance contenant principalement du THC (dronabinol) pour traiter l'anxiété ou la dépression primaire devrait être considérée avec prudence, et surtout être déconseillée chez les patients ayant des antécédents de troubles psychotiques (consulter la Section 7.7.3.2), des données cliniques limitées indiquent que ces produits pourraient présenter de nouvelles thérapies pouvant être utilisées chez les patients qui souffrent d'anxiété ou de dépression qui accompagne certaines maladies chroniques. Par exemple, lors d'une étude menée chez des patients séropositifs qui déclarent utiliser du cannabis pour gérer leurs symptômes, 93 % ont affirmé ressentir une amélioration de l'anxiété et 86 % une amélioration du trouble dépressifReference 1020. Il est important de noter que 47 % des personnes interrogées ont signalé une détérioration de leur mémoire. Dans une autre étude clinique, intra-sujets, à double insu, controlée par placebo, réalisée chez des fumeurs de cannabis séropositifs, une dose élevée de dronabinol (5 mg q.i.d. pour une dose quotidienne totale de 20 mg pendant deux jours, suivis de 10 mg q.i.d. pour une dose quotidienne totale de 40 mg pendant 14 jours) a été associée à une augmentation des auto-déclarations « d'affect positif » (sensation de « contentement »), mais aucun changement n'a été observé dans les mesures d'anxiété ou « d'affect négatif »Reference 295. La posologie utilisée dans le cadre de cette étude était huit fois plus grande que la dose de départ recommandée pour stimuler l'appétit (c.-à-d. 2,5 mg, b.i.d.) et deux fois plus grande que la dose quotidienne maximale recommandée. On a aussi signalé une amélioration de l'humeur à titre d'effet bénéfique de la consommation de cannabis chez les patients atteints de SPReference 1021. On a aussi relevé des améliorations de l'anxiété ou du trouble dépressif lors d'une étude clinique menée chez des patients souffrant de douleur neuropathique chronique et qui avaient fumé du cannabisReference 59. Fait intéressant, le rimonabant, un antagoniste du récepteur CB1 commercialisé au départ en tant que médicament anti-obésité, a été retiré du marché parce que son utilisation a été associée à une incidence importante d'anxiété, de trouble dépressif et de suicide, ce qui souligne le rôle du récepteur CB1 dans la régulation de l'humeurReference 1017Reference 1022. Pour plus de renseignements sur les associations entre le cannabis, l'anxiété et la dépression, veuillez consulter la Section 7.7.3.1 et entre le cannabis et le suicide, veuillez consulter la Section 7.7.3.3.
Cannabidiol
Données précliniques
Plus de 30 études précliniques ont été menées pour examiner les effets anxiolytiques du CBD dans plusieurs modèles de divers types de troubles anxieux chez des animaux, y compris le trouble anxieux généralisé, la phobie sociale, le trouble panique, le trouble obsessivo-compulsif et l'ESPTReference 166. En général, les constatations de ces études précliniques confirment les effets anxiolytiques du CBDReference 166. De plus, le CBD semble également avoir des effets panicolytiques et anti-compulsifs et diminue l'éveil autonome et l'expression de peur conditionnée. Le CBD semble aussi favoriser la disparition de la peur et le blocage de la reconsolidation et empêche les effets de stress anxiogènes à long termeReference 166. Bien que le mécanisme d'action anxiolytique exact du CBD ne soit pas clair, on a proposé que la cible moléculaire du CBD est le récepteur 5-HT1AReference 166.
Données cliniques
Les résultats des études en neuroimagerie fonctionnelle indiquent des effets différents sur le débit sanguin cérébral associés à l'administration du CBD comparativement à ceux observés avec un placebo ou le THCReference 166. Les études d'imagerie cérébrale réalisées par tomographie par émission monophotonique (SPECT) ont révélé que, contrairement au placebo, le CBD diminue le débit sanguin régional cérébral dans les parties corticales limbiques et paralimbiques, des régions concernées dans la physiopathologie de l'anxiétéReference 1023. De plus, une étude à répartition aléatoire, contrôlée par placebo et à double insu a démontré que 600 mg de CBD atténuait l'activité cérébrale (réaction liée au niveau d'oxygénation sanguine) dans ces régions corticales en réaction aux stimuli anxiogènesReference 123. À l'opposé, 10 mg de Δ9-THC ont augmenté l'anxiété à la base ou en réaction aux stimuli anxiogènes, mais les régions cérébrales touchées par le Δ9-THC différaient de celles touchées par le CBDReference 123. Bien que le mécanisme précis par lequel le CBD exerce ses effets anxiolytiques ne soit pas bien établi, il peut agir soit en diminuant le débit sanguin des régions cérébrales associées au traitement de l'anxiété ou des stimuli axés sur la peur (comme mentionné ci-dessus), soit possiblement en modulant la neurotransmission sérotonergiqueReference 166Reference 1024Reference 1025.
Au moins dix études cliniques ont examiné les propriétés anxiolytiques aiguës du CBDReference 166. En effet, de plus en plus de données probantes suggèrent que le CBD pur, à des doses de plusieurs centaines de milligrammes (c.-à-d. 300 à 600 mg, PO) serait efficace pour diminuer l'angoisse sociale aiguë induite de façon expérimentale dans la clinique, bien que la mesure dans laquelle le CBD (à des concentrations relativement plus faibles comme observées dans le cannabis à forte teneur en THC) est capable de parvenir à une anxiolyse dans un cadre expérimental ou, fait encore plus important, dans une situation réelle, demeure incertaine. Bien que les résultats cliniques liés aux effets anxiolytiques du CBD se limitent à l'heure actuelle à des modèles expérimentaux aigus d'angoisse socialeReference 166, une étude d'observation portant sur 100 patients ayant déclaré eux-mêmes utiliser du cannabis à des fins médicales pour lutter contre des maladies telles que la SP, la douleur chronique, les nausées, le cancer et des problèmes psychologiques, révèle que ceux qui ont consommé du cannabis avec des concentrations de cannabinoïdes composées de 6 % de THC et de 7,5 % de CBD (c.-à-d. situation de « faible teneur en THC ») ont signalé un niveau d'anxiété et d'abattement beaucoup plus faible (c.-à-d. se sentir triste, déprimé), mais ont indiqué également que leur appétit était moins stimulé comparativement à ceux ayant déclaré utiliser des souches à « forte teneur en THC » (19 % de THC, < 1 % de CBD) ou à « teneur moyenne en THC » (12 % de THC, < 1 % de CBD)Reference 133.
4.9.5.2 Troubles du sommeil
- Les données expérimentales chez l'humain suggèrent que le cannabis et le THC possèdent des effets selon la dose sur le sommeil : les doses plus faibles semblent diminuer la latence d'endormissement et augmenter le sommeil lent et la durée totale de sommeil, alors que les doses élevées semblent causer des perturbations du sommeil.
- Les données limitées d'études cliniques suggèrent aussi que certains cannabinoïdes (le cannabis, le nabilone, le dronabinol et le nabiximols) pourraient améliorer le sommeil chez les patients souffrant de perturbations du sommeil associées à certaines maladies chroniques.
Données expérimentales humaines
Il existe certaines données probantes provenant d'études expérimentales chez l'humain suggérant que le SEC joue un rôle dans la régulation du sommeil. Les sujets privés de sommeil pendant 24 h présentaient des concentrations plus élevées d'OEA, un analogue naturel de l'anandamide, dans leur LCR, mais non dans le sérum, alors que les concentrations d'anandamide étaient inchangéesReference 1026. Des études récentes ont démontré des variations quotidiennes des concentrations de 2-AG qui sont amplifiées dans des conditions de restriction du sommeilReference 1027. Les niveaux de 2-AG semblent être à leur plus faible vers le milieu du cycle de sommeil et augmentent continuellement au cours de la matinée, atteignant leur niveau maximal en début/ milieu de l'après-midi et les concentrations de 2-oléoylglycérol (2-OG), un analogue structurel du 2-AG, suivent un cycle semblableReference 1028. Chez le rat, l'administration aiguë et sous-chronique d'anandamide entraîne le sommeilReference 1029. Le cannabis contenant principalement du THC, ainsi que le Δ9-THC lui-même sont connus pour avoir plusieurs effets sur le sommeil chez l'humain, qui pourraient être dépendants de la dose (c.-à-d. les doses faibles semblent avoir un effet bénéfique sur certaines mesures du sommeil, les doses élevées entraînant des perturbations du sommeil). En général, il semble qu'à de faibles doses, ces substances (cannabis prédominant en THC, THC) baissent la latence d'endormissement et sont associées à une facilité accrue à s'endormir, tandis que l'opposé est vrai à des doses élevées; il y a une diminution constante du sommeil paradoxal et de la densité des mouvements oculaires (examiné dansReference 204Reference 337). Les doses faibles de THC augmentent aussi le sommeil lent profond bénéfique (essentiel pour l'apprentissage, la consolidation mnésique et la remémoration) et la durée totale de sommeil, tandis que les doses élevées diminuent le sommeil lent profondReference 337. En outre, en raison de la longue demi-vie du THC, les effets sédatifs peuvent persister jusqu'à la journée suivant l'administrationReference 204.
Données tirées d'études de sevrage
Les grands consommateurs de cannabis (nombre moyen de joints fumés par semaine = 100) qui cessent subitement de consommer du cannabis ont présenté des changements dans les mesures polysomnographiques du sommeil, notamment un temps de sommeil plus bas et une baisse du sommeil lent, une induction du sommeil plus longue, une latence du sommeil paradoxal plus courte et des paramètres d'efficacité et de continuité du sommeil plus négatifs, comparativement aux témoinsReference 337Reference 1030. La difficulté à s'endormir, de même que les cauchemars et/ou des rêves étranges et des sueurs nocturnes étaient des symptômes souvent mentionnés par rapport au sevrage du cannabisReference 339. Ces troubles du sommeil se déroulent au cours des deux premières semaines d'abstinenceReference 1031. De plus, les troubles du sommeil provenant d'une cessation abrupte de la consommation de cannabis peuvent provoquer une rechute chez les utilisateursReference 400Reference 1031. Les symptômes observés au cours de l'abstinence de cannabis peuvent aussi révéler un trouble du sommeil préexistant qui était masqué par la drogue.
Données cliniques
Une analyse systématique et une méta-analyse de 28 ERC (N = 2 454 participants) portant sur les cannabinoïdes (c.-à-d. cannabis fumé, nabiximols, nabilone, dronabinol, CBD, THC, levonontradol, acide ajulémique) et effectués à l'aide de l'approche GRADE indiquent que, selon certaines données, les cannabinoïdes pourraient améliorer le sommeil (insomnie, qualité du sommeil, perturbation du sommeil)Reference 174.
De nombreuses études cliniques indiquent un rôle possiblement bénéfique pour le cannabis fumé ou les cannabinoïdes d'ordonnance (dronabinol, nabilone, nabiximols) dans le traitement des difficultés ou des perturbations du sommeil associées à la douleur chronique (douleur liée au cancer, douleur chronique non liée au cancer, neuropathie diabétique périphérique), à l'anorexie-cachexie associée au VIH, à la SP, à la SLA, au TM, à la polyarthrite rhumatoïde, à la fibromyalgie, à la maladie inflammatoire de l'intestin (MII), à la dysfonction de la vessie associée à la SP, à l'ESPT, aux variations chimiosensorielles et à l'anorexie-cachexie associées au cancer avancéReference 59Reference 179Reference 180Reference 218-Reference 220Reference 295Reference 380Reference 570Reference 588Reference 604Reference 605Reference 636Reference 692Reference 699Reference 703Reference 710Reference 711Reference 818Reference 832. Dans la plupart de ces études, l'effet sur le sommeil était mesuré en tant que résultat secondaire.
Bien qu'on les présente dans les sections qui s'y rapportent ailleurs dans le texte, de brefs sommaires de ces études sont présentés ci-dessous.
Dronabinol
Une étude clinique pilote croisée, à double insu, randomisée d'une durée de quatre semaines auprès de 19 patients atteints de SLA à qui l'on administrait de 2,5 à 10 mg de dronabinol par jour a déclaré observer des améliorations de leur sommeilReference 703. Deux études cliniques ont déclaré que le dronabinol (20 à 40 mg de Δ9-THC par jour en tout) et le cannabis fumé (cigarettes de ~800 mg contenant 2 ou 3,9 % de THC administrées q.i.d. pendant quatre jours correspondaient à une quantité quotidienne estimée de 64 à 125 mg de Δ9-THC consommé) produisaient des améliorations dans l'humeur et le sommeil des patients atteints d'anorexie-cachexie associée au VIH/SIDAReference 218Reference 219. Une étude clinique de fumeurs de cannabis séropositifs traités à l'aide de dronabinol pendant 14 jours (10 mg q.i.d., 40 mg par jour) a rapporté des améliorations des mesures objectives et subjectives du sommeil, mais seulement pendant les huit premiers jours du traitementReference 295. Une étude clinique pilote contrôlée par placebo, à double insu, randomisée, de phase II menée dans deux centres et d'une durée de 22 jours réalisée auprès de patients adultes souffrant de variations chimiosensorielles et de faible appétit associés au cancer avancé de différentes étiologies rapportait des améliorations des mesures de la qualité du sommeil et de la relaxation avec le traitement de dronabinol (2,5 mg b.i.d.) comparativement au placeboReference 604. Une étude pilote ouverte portant sur le THC oral en complément (25 mg/mL de THC dans l'huile d'olive; 2,5 mg de THC b.i.d., dose quotidienne maximale de 10 mg de THC) chez les patients atteints de l'ESPT chronique a révélé une amélioration de la qualité de sommeil et de la fréquence des cauchemars.
Nabilone
Une étude descriptive rétrospective, hors indication, de 20 patients adultes souffrant de douleur chronique de différentes étiologies non liées au cancer (douleur postopératoire ou traumatique, dystrophie sympathique réflexe, arthrite, maladie de Crohn, douleur neuropathique, cystite interstitielle, myopathie associée au VIH, syndrome de post-poliomyélite, douleur inguinale idiopathique, céphalée chronique) signalait des effets bénéfiques du nabilone (1 à 2 mg/jour) sur le sommeilReference 818. Une étude de sevrage randomisée à recrutement enrichi, à doses flexibles, à double insu, contrôlée par placebo, à groupes parallèles sur l'efficacité du nabilone (1 à 4 mg/jour) à titre d'adjuvant dans le traitement de la douleur neuropathique périphérique diabétique rapportait des améliorations statistiquement significatives du sommeil et de l'état global des patientsReference 605. Une étude croisée, randomisée, à double insu et contre témoin actif d'une durée de deux semaines auprès de 29 patients souffrant de fibromyalgie a rapporté que le nabilone (0,5 à 1 mg avant le coucher) améliorait le sommeil chez cette population de patientsReference 588. Deux études cliniques ont étudié l'utilisation du nabilone comme traitement des perturbations du sommeil causées par l'ESPT. Un essai ouvert sans placebo sur le nabilone pour traiter l'ESPT rapportait que le traitement à l'aide de nabilone était associé à une amélioration du temps de sommeil, à une cessation ou à une diminution de la gravité des cauchemars et une cessation des sueurs nocturnesReference 570. La posologie du nabilone était de 0,5 mg 1 h avant le coucher; la gamme des concentrations efficaces était de 0,2 mg à 4 mg toutes les nuits; toutes les doses étaient maintenues au-dessous de 6 mg par jour. Une étude clinique préalable subséquente, aléatoire, à double insu, contrôlée par placebo et en croisée de 10 membres du personnel militaire canadien mâle souffrant d'ESPT qui ne répondaient pas aux traitements traditionnels et qui continuaient d'éprouver des cauchemars causés par des traumatismes ont reçu une dose de 0,5 mg de nabilone ou un placebo et ont titré la dose jusqu'à ce qu'ils aient atteint la dose effective (c.-à-d. la suppression de leurs cauchemars) ou la dose maximale quotidienne de 3 mg de nabiloneReference 1032. La dose moyenne de nabilone atteinte était de 2 mg/jour. Les volets de traitement ont duré sept semaines chacun avec une période de sevrage thérapeutique de deux semaines entre les volets. La moitié (50 %) des patients ont signalé une amélioration considérable de la suppression de leurs cauchemars avec le nabilone, tandis que seulement 11 % ont signalé une amélioration avec le placebo.
Cannabis fumé
Les enquêtes effectuées auprès de patients atteints de SP déclaraient des améliorations associées au cannabis du sommeil pour cette population de patientsReference 220Reference 221. Les concentrations déclarées de cannabis fumé allaient de quelques bouffées à 1 g ou plus à la foisReference 220. Une enquête transversale chez des patients atteints de fibromyalgie signalait que les sujets déclaraient consommer du cannabis (en le fumant ou en le mangeant) afin de soulager divers symptômes associés à la fibromyalgie, notamment les troubles du sommeilReference 179. Une enquête transversale auprès de 291 patients atteints de MII (maladie de Crohn ou colite ulcéreuse) signalait que l'une des raisons pour lesquelles les patients consommaient du cannabis était afin d'améliorer le sommeilReference 180. Une étude croisée, contrôlée par placebo, à double insu et randomisée d'une durée de deux semaines sur les patients souffrant de douleur neuropathique chronique signalait que ceux qui fumaient 25 mg de cannabis contenant 9,4 % de Δ9-THC trois fois par jour pendant cinq jours (2,35 mg de Δ9-THC total disponible par cigarette ou 7,05 mg de Δ9-THC total par jour) s'endormaient plus facilement et plus rapidement, tout en éprouvant moins de périodes d'état d'éveilReference 59.
Médicaments cannabinoïdes d'ordonnance administrés par voie orale (Cannador et nabiximols)
Une étude à double insu, contrôlée par placebo et de phase III à laquelle participaient des patients atteints d'une SP stable (c.-à-d. l'étude MUSEC) signalait qu'un traitement de 12 semaines à l'aide d'extrait de cannabis à consommer par voie orale (Cannador) (2,5 mg de Δ9-THC et 0,9 mg de CBD/dose) était associé à une amélioration statistiquement significative du sommeil, par rapport au placeboReference 692. La plus grande partie des patients qui utilisaient l'extrait de cannabis consommaient des doses quotidiennes totales de 10, 15 ou 25 mg de Δ9-THC et des doses correspondantes de 3,6, 5,4 et 9 mg de CBD. Les résultats des études cliniques croisées, à double insu et contrôlée par placebo sur l'extrait de Δ9-THC et/ou de Δ9-THC : CBD administré par voie orale (nabiximols, en vente sous le nom de SativexMD) suggérait des améliorations modestes de la douleur, de la spasticité, des spasmes musculaires et de la qualité du sommeil chez les patients atteints de TMReference 636Reference 710Reference 711. Une étude clinique préliminaire évaluant l'efficacité de nabiximols sur la douleur provoquée par la polyarthrite rhumatoïde rapportait un effet analgésique modeste mais statistiquement significatif, et une amélioration correspondante de la qualité du sommeilReference 380. La dose quotidienne moyenne au cours de la dernière semaine de traitement était de 5,4 doses à la pompe (équivalentes à 14,6 mg de Δ9-THC et à 13,5 mg de CBD). Une étude pilote ouverte de 16 semaines sur les extraits à base de cannabis (un traitement à l'aide de nabiximols suivi de soins d'entretien à l'aide de 2,5 mg de Δ9-THC seul) pour traiter la dysfonction de la vessie chez 15 patients atteints de SP avancée rapportait des baisses importantes de la polyurie nocturne et une amélioration de l'auto-évaluation des patients sur la qualité de leur sommeilReference 699.
Les Lignes directrices canadiennes pour le diagnostic et la prise en charge du syndrome de fibromyalgie (endossées par la Société canadienne pour le traitement de la douleur et la Société canadienne de rhumatologie) recommandent, en ce qui a trait aux traitements possibles, qu'un essai d'un cannabinoïde pharmacologique prescrit peut être considéré chez un patient atteint de fibromyalgie, particulièrement dans le contexte de troubles importants du sommeil (cette recommandation était fondée sur des données probantes de niveau 3, grade C)Reference 832.
4.9.5.3 État de stress post-traumatique
- Les études expérimentales précliniques et humaines suggèrent un rôle pour certains cannabinoïdes dans le soulagement de symptômes semblables à ceux de l'état de stress post-traumatique (ESPT).
- Toutefois, bien que des données limitées provenant d'études cliniques à court terme suggèrent un potentiel pour le THC et le nabilone à diminuer certains symptômes de l'ESPT, il n'existe aucune étude clinique à long-terme pour ces préparations ou aucune étude clinique sur les effets du cannabis fumé ou vaporisé sur l'ESPT.
- Des preuves limitées issues d'études observationnelles suggèrent une association entre la consommation de cannabis à base de plantes et des niveaux persistants / élevés de sévérité des symptômes de l'ESPT au fil du temps.
- Il existe des données limitées suggérant une association entre l'ESPT et le TUC.
L'ESPT est un trouble psychiatrique dont la prévalence et la morbidité sont importantesReference 1033. Dans l'ensemble de la population, plus de deux tiers des personnes peuvent subir un événement traumatisant grave à un moment ou un autre de leur vieReference 1033. L'ESPT désigne le développement d'un ensemble de symptômes caractéristiques qui suivent l'exposition à un facteur de stress extrême et qui semble impliquer le traitement anormal des souvenirs et une détérioration de l'adaptation aux nouvelles conditions environnementalesReference 1034. Les symptômes caractéristiques comprennent des souvenirs dérangeants et persistants ou une reviviscence de l'événement traumatique d'origine (à travers des rêves ou des cauchemars et des épisodes dissociatifs), l'émoussement des émotions et une conduite d'évitement, de même qu'un état d'alerteReference 570. La perturbation du sommeil survient également dans 90 % des casReference 1032. Les patients atteints d'ESPT courent aussi le risque de déveloper d'autres troubles psychologiques, y compris, sans toutefois s'y limiter, le trouble d'anxiété généralisée, le trouble dépressif majeur et les troubles liés à l'alcoolisme et à la toxicomanie, ainsi que des problèmes physiques comprenant la douleur chronique, l'hypertension et l'asthmeReference 1035. Il semble exister un lien entre l'exposition à un événement traumatisant et la consommation de cannabis, notamment chez les anciens militaires, et les recherches indiquent que les personnes atteintes d'ESPT seraient particulièrement susceptibles d'utiliser du cannabis, en particulier pour soulager les symptômes d'ESPT et la détresse qui les accompagneReference 1033Reference 1035Reference 1036. Il existe aussi des éléments de preuve qui permettent de suggérer que des symptômes particuliers et des corrélats d'ESPT, y compris l'anxiété, le stress, l'insomnie et la dépression, font partie des raisons les plus souvent citées pour lesquelles les personnes consomment du cannabisReference 1036. Malgré de nombreuses données empiriques semblant indiquer les avantages de l'utilisation de cannabis pour traiter l'ESPT, il n'existe pas suffisamment d'essais contrôlés normalisés de grande envergure pour tirer des conclusions définitives concernant l'efficacité ou l'innocuité du cannabis pour le traitement de l'ESPTReference 1037.
Bien que les personnes concernées puissent utiliser du cannabis pour faire face à des états internes négatifs, il existe de plus en plus d'éléments de preuve selon lesquels ces personnes pourraient également connaître une utilisation du cannabis plus problématique, ainsi qu'un sevrage et un état de manque aigus lorsqu'elles ne sont pas intoxiquéesReference 1036. En effet, comparativement aux personnes non atteintes d'ESPT, celles qui en souffrent (et notamment celles dont les symptômes sont graves) déclarent une utilisation du cannabis considérablement accrue pour faire face à leur état et pour dormir, une gravité accrue du sevrage et des expériences d'état de manque liées au comportement compulsif, à l'émotivité et à l'anticipation. Ces constatations laissent supposer l'existence d'une boucle de rétroaction positive entre les symptômes d'ESPT et l'utilisation du cannabisReference 1036Reference 1038. À l'appui de ces constatations, les données provenant de la National Comorbidity Study (NCS) ont également démontré que les adultes souffrant d'ESPT étaient trois fois plus susceptibles de recevoir un diagnostic de dépendance au cannabis que ceux non atteints d'ESPTReference 1039. De plus, une étude épidémiologique sur la prévalence et les corrélats du TUC comme définit dans le DSM-5 en utilisant des données de la vague de 2012 - 2013 de l'étude NESARC-III a signalé que le TUC au cours de la dernière année était associé à l'ESPT (IC ajustée = 4,3) et que le TUC tout au long de la vie était aussi associé à l'ESPT (IC ajustée = 3,8)Reference 335. De plus, l'association entre l'ESPT et le TUC au cours de la dernière année a augmenté avec l'accroissement de la sévérité du TUC (IC ajustée = 2,1, 6,2 et 9,5 pour les cas de TUC légers, modérés et sévères, respectivement). De plus, une étude qui a examiné la prévalence et les corrélats de 186 patients cherchant à consommer du cannabis à des fins médicales pour la première fois a constaté que les patients qui obtenaient un résultat positif au test de dépistage pour l'ESPT avaient un pourcentage plus élevé d'usage d'opioïdes sur ordonnance, de cocaïne, de sédatifs sur ordonnance et d'opioïdes provenant de la rue (55 %, 38 %, 41 % et 17 %, respectivement), ainsi qu'un pourcentage plus élevé d'usage récent de sédatifs sur ordonnance (29 %) que les patients qui obtenaient un résultat négatif au test de dépistage de l'ESPTReference 1040.
Rôle du système endocannabinoïde dans l'ESPT
De plus en plus de données suggèrent que le SEC joue un rôle important dans l'ESPT. Le SEC a été associé à la régulation des états émotionnels et des processus cognitifs, et des études neuroanatomiques ont détecté la présence d'éléments du SEC dans diverses structures cérébrales ayant trait à l'apprentissage et à la mémoire, de même que dans des structures qui jouent aussi un rôle central dans le conditionnement de la peur et la réaction à celle-ci impliqué dans l'ESPT (examiné enReference 1034). Le SEC crée un lien entre l'exposition au stress et des changements de la plasticité synaptique, ce qui contribue à l'activation et au contrôle des rétroactions de l'axe HHS et facilite l'activation de facteurs de résilience au cours ou après l'exposition au stressReference 1041. Une hypothèse a suggérée que le stress chronique créé un « état hypocannabinergique » qui cause la perturbation de l'extinction de la peur (comme observé dans le cas d'ESPT) et que cet état peut être allégé à l'aide d'agonistes du récepteur CB1Reference 1041. Des expériences de conditionnement de la peur effectuées sur des animaux laissent supposer que le circuit cortico-striatal de l'amygdale et de l'hippocampe joue le rôle de circuit cérébral principal responsable du traitement et du stockage des souvenirs liés à la peur et de la coordination de comportements liés à la peurReference 1042. D'autres données chez les humains indiquent que l'ESPT serait caractérisé par une hyperactivité ou une hyperréactivité de l'amygdale, accompagnées d'une déficience de la régulation des structures corticales préfrontales, ainsi que de fonctions anormales au niveau de l'hippocampe et des noyaux gris centrauxReference 1042. L'existence de similitudes entre l'expression de peur et d'anxiété chez les humains souffrant de phobie, d'ESPT ou d'autres troubles d'anxiété et l'expression de peur conditionnée chez les animaux suggérant que l'utilisation de certains modèles comportementaux chez l'animal pour étudier l'ESPT est réalisable et pertinenteReference 1034Reference 1043.
Données précliniques
Il existe des éléments de preuve indiquant que les endocannabinoïdes, l'anandamide et le 2-AG joueraient un rôle important dans le développement et le fonctionnement du circuit neurologique dans l'ESPT, notamment lors de réactions de stressReference 1042. On pense que la déficience de la fonction du récepteur CB1 pourrait être un mécanisme étiologique important de l'ESPTReference 1042. De nombreuses études précliniques démontrent que la délétion du récepteur CB1 ou son inhibition à l'aide d'antagonistes pharmacologiques prévient la disparition des souvenirs aversifs (c.-à-d. l'inhibition acquise de la peur), un processus naturellement adaptatifReference 1043-Reference 1046. À l'inverse, dans certains cas, l'agonisme du récepteur CB1 ou une augmentation de la neurotransmission médiée par endocannabinoïde (p.ex. par l'inhibition de la FAAH) semblait rehausser la disparition des souvenirs aversifs à un certain degréReference 1043Reference 1046, mais plus de recherches sont nécessaires pour préciser et appuyer cet effet. Des études chez les animaux démontrent aussi que la réduction des niveaux d'endocannabinoïdes (surtout ceux du 2-AG, mais aussi de l'anandamide) par l'entremise de l'inactivation du gène Dagla est associée à des niveaux plus élevés d'anxiété, de stress et de réaction de peurReference 1047. Ensemble, les données probantes tirées d'études précliniques suggèrent un rôle pour le SEC dans la disparition des souvenirs aversifs, et la déficience de la remémoration. En outre, les données recueillies soulèvent la possibilité que la manipulation du SEC, par l'intermédiaire de l'inhibition de la FAAH, d'une régulation positive de DAGL, d'un tonus accru de l'anandamide ou 2-AG, voire peut-être par l'intermédiaire d'administration de CBD favorise la perturbation des souvenirs de peur contextuels et qu'elle ait des effets anti-anxiogènesReference 1033Reference 1048. Ceux-ci pourraient représenter les options thérapeutiques potentielles pour le traitement de maladies associées à la conservation inappropriée de souvenirs désagréables ou à des réactions inadéquates à des situations désagréables, p. ex. l'ESPT ou des phobiesReference 1044, bien que de nombreuses recherches supplémentaires soient nécessaires.
Données expérimentales chez l'humain et données cliniques
Les études menées chez les humains ont montré que les personnes atteintes d'ESPT présentent des concentrations d'endocannabinoïdes en circulation plus faibles et une régulation positive des récepteurs CB1 dans le cerveauReference 1005Reference 1042Reference 1049-Reference 1051. De plus, il existe des preuves sous-entendant que les humains (et les souris) porteurs d'une variation commune du gène FAAH (C385A; rs325520) conférant une réduction de la stabilité de la protéine FAAH et une augmentation de la signalisation d'anandamide démontrent une réduction des réactions amygdaliennes liées aux dangers, une augmentation des réactions striatales ventrales liées aux récompenses et une augmentation de l'extinction de la peurReference 1052Reference 1053.
Une étude clinique intrasujet, à double insu et contrôlée par placebo mené sur 16 volontaires sains étudiant les effets du THC sur les réactions de l'amygdale aux dangers a observé qu'une dose de 7,5 mg de dronabinol (comparativement au placebo) a été associée à une réduction importante de la réactivité de l'amygdale à des signes sociaux de danger, sans affecter l'activité du cortex visuel primaire ni du cortex moteurReference 1054. Ces observations correspondent aux preuves supposant que, au moins en faibles doses, le THC pourrait avoir un effet anxiolytique sur les mécanismes centraux des comportements de peur.
Au cours d'une étude clinique intrasujet aléatoire à double insu et contrôlée par placebo menée sur 29 volontaires sains (dont de nombreux ayant auparavant consommé des quantités minimales de cannabis) ont été administrés 7,5 mg de dronabinol ou de placebo deux heures avant l'apprentissage d'extinction à la suite d'un paradigme de conditionnement à la peurReference 1055. L'étude démontre que l'administration du THC avant l'extinction facilitait l'extinction de la peur conditionnée chez des sujets humains sains. Les lacunes de la méthodologie de l'étude comprennent l'utilisation d'une population de sujets sains (les résultats pourraient varier chez d'autres populations) et une absence de généralisabilité des résultats à une population de consommateurs chroniques de cannabis. Les auteurs suggèrent que cette étude était la première effectuée sur des humains afin de démontrer la faisabilité d'améliorations pharmacologiques de l'apprentissage d'extinction, bien qu'ils avertissent que plus de développement et d'essais cliniques sont justifiés.
Une étude de suivi menée par le même groupe faisant usage d'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) dans le cadre d'une étude intrasujet aléatoire à double insu et contrôlée par placebo menée sur 28 volontaires sains (dont de nombreux ayant auparavant consommé des quantités minimales de cannabis) a démontré que les sujets de l'étude ayant reçu 7,5 mg de dronabinol (comparativement au placebo) démontraient une diminution de la réactivité de l'amygdale et une augmentation de l'activation du cortex préfrontal médio-ventral et de l'hippocampe à un stimulus conditionné antérieurement éteint au cours d'un rappel de mémoire d'extinctionReference 1056.
Une autre étude clinique, intra-sujet, aléatoire, à double insu, et contrôlée par placebo menée sur 48 participants sains a observé que le CBD améliorait la consolidation mnésique de l'extinction explicite de la peur chez les humainsReference 1057. Dans le cadre de cette étude, on a administré aux participants 32 mg de CBD par inhalation (une dose sous-anxiolytique) avant l'extinction et 32 mg de CBD ou un placebo après l'extinction. Le CBD administré après l'apprentissage par extinction a été associé à l'atténuation de la réponse à la peur explicite au cours d'un rappel de mémoire d'extinction et de la réintégration. Toutefois, une tendance a été observée concernant la réduction de la réintégration chez les sujets ayant été administrés du CBD soit avant ou après l'extinction. Les auteurs suggèrent que l'atténuation des réponses à la peur liée au CBD n'était probablement pas causée par un effet anxiolytique puisqu'il n'existe aucune preuve de la réduction des niveaux d'anxiété après l'administration du CBD. Les auteurs suggèrent aussi que le CBD pourrait être un complément aux thérapies de troubles d'anxiété axées sur l'extinction, ce qui justifie des études plus approfondies.
Une étude clinique pilote ouverte préliminaire portant sur l'administration par voie orale du THC (25 mg/mL), comme traitement d'appoint chez 10 patients atteints d'ESPT chronique et suivant un traitement médicamenteux stable (p. ex. duloxétine, escitalopram, mirtazapine, buproprione, clonazépam, lorazépam) révèle une amélioration statistiquement significative de la gravité globale des symptômes, de la qualité du sommeil, de la fréquence des cauchemars et des symptômes d'hyperexcitation de l'ESPT au cours d'une période d'étude de trois semainesReference 565. On a demandé aux participants de commencer l'administration en plaçant 2,5 mg de THC, deux fois par jour (c.-à-d. 0,1 mL d'une solution à base d'huile d'olive de 25 mg/mL contenant du THC) sous la langue, une heure après le réveil et deux heures avant le coucher. La dose quotidienne maximale était de 5 mg de THC deux fois par jour (c.-à-d. 0,2 mL b.i.d.) ou une dose quotidienne totale de 10 mg (c.-à-d. 0,4 mL). Une diminution statistiquement significative de la gravité des symptômes a été observée concernant les symptômes d'hyperexcitation de l'ESPT, l'échelle d'impression clinique globale (CGI-S), l'amélioration de l'impression clinique globale (CGI-I), la qualité du sommeil, la fréquence des cauchemars et les scores totaux de l'enquête sur les effets des cauchemars [Nightmare Effects Survey]. Vingt pour cent des participants sont parvenus à une rémission complète des cauchemars après la troisième semaine. Des effets indésirables ont été signalés chez 40 % des sujets et comprenaient l'assèchement de la bouche, les céphalées et les étourdissements. Les limites de cette étude comprennent notamment la taille réduite de l'échantillon, la conception ouverte et l'absence de placebo témoin, ainsi que la courte période de suivi.
Une étude clinique ouverte, non contrôlée par placebo portant sur le nabilone utilisé contre l'ESPT a été menée chez 47 patients civils ayant reçu un diagnostic d'ESPT et ayant des antécédents sur au moins deux ans de cauchemars liés à l'ESPT, qui sont réfractaires aux traitements classiques, qui connaissent des cauchemars au moins une fois par semaine et qui n'ont pas d'antécédents de sensibilité aux cannabinoïdes ou des preuves de réactions psychotiquesReference 570. Les patients n'ont pas cessé de prendre des médicaments psychotropes concomitants et ils ont commencé à prendre 0,5 mg de nabilone, une heure avant le coucher. Toutes les doses ont été maintenues en dessous de la dose quotidienne de 6 mg. La gamme des concentrations efficaces s'étendait de 0,2 mg à 4 mg par soir. Soixante-douze pour cent des patients ont déclaré eux-mêmes un arrêt total ou une diminution de la gravité des cauchemars (durée du traitement de 4 à 12 mois ou plus). Les autres avantages auto-déclarés comprenaient une amélioration du temps de sommeil, une diminution des flashbacks au cours de la journée et une cessation des sueurs nocturnes. Les effets secondaires signalés comprenaient l'amnésie, les étourdissements et les céphalées. Aucune tolérance au nabilone n'a été observée dans cet essai clinique.
Une étude clinique préliminaire, croisée, à répartition aléatoire et à double insu, contrôlée par placebo portant sur dix militaires canadiens masculins atteints d'ESPT, qui ne répondaient pas au traitement classique et qui continuaient à avoir des cauchemars dus au traumatisme, a été menée. Les sujets ont reçu 0,5 mg de nabilone ou un placebo et la posologie a été ajustée jusqu'à la dose efficace (c.-à-d. suppression des cauchemars) ou jusqu'à une dose maximale de 3 mg (par jour) de nabiloneReference 1032. La dose moyenne quotidienne obtenue pour le nabilone était de 2,0 mg par jour. Chaque bras de traitement durait sept semaines et une période de sevrage de deux semaines s'écoulait entre ces groupes de traitement. Le score sur l'échelle d'impression globale de la gravité de l'ESPT était de 3,3 à l'examen préliminaire (4 = extrême). La réduction moyenne des cauchemars mesurée selon les scores de l'échelle Clinician-Administered PTSD scale (CAPS) pour les rêves répétitifs et boulversants était de -3,6 et de -1,0 dans le groupe recevant du nabilone et celui recevant un placebo, respectivement (p = 0,03). L'amélioration globale moyenne mesurée par l'échelle d'impression clinique globale de changement [Clinical Global Impression of Change] a été statistiquement significative entre le groupe traité au nabilone et celui traité au placebo. La moitié (50 %) des sujets ont signalé une amélioration significative de la suppression des cauchemars avec le nabilone, tandis que seulement 11 % des sujets ont déclaré une amélioration avec le placebo. Les scores moyens relatifs au questionnaire sur le bien-être général (General Well-Being Questionnaire) ont révélé une différence par rapport au début de l'étude de 20,8 et de -0,4 pour le groupe recevant du nabilone et celui recevant un placebo, respectivement. Les taux d'incidence d'événements indésirables dans le groupe recevant du nabilone et celui recevant un placebo étaient à peu près les mêmes (50 % p/r à 60 %, respectivement). Les effets indésirables les plus courants associés au traitement au nabilone étaient l'assèchement de la bouche et les céphalées. Aucun événement indésirable ou abandon n'a été relevé. Bien que les résultats de l'étude soient prometteurs, la taille de l'échantillon était très petite.
Une récente revue systématique a trouvé « des preuves insuffisantes » sur les bénéfices et les effets nocifs du cannabis dans le traitement de l'ESPT chez les adultes. Seules cinq études répondaient aux critères d'inclusion (les cannabinoïdes pharmaceutiques étaient exclus), dont deux étaient des revues systématiques qui aboutissaient à des conclusions non concluantes avec la présente revue, et trois étaient des études observationnelles, dont deux ne montrant aucun lien entre la consommation de cannabis et les résultats de l'ESPT, et une autre montrant que l'usage de cannabis était associé longitudinalement à des niveaux plus sévères de symptômes d'ESPT par rapport aux personnes s'abstenant de consommer du cannabis. Les auteurs ont souligné que les preuves étaient trop limitées pour tirer des conclusions et que des essais cliniques et davantage d'études de cohortes sont nécessaires pour déterminer l'innocuité et l'efficacité du cannabis à base de plante pour l'ESPTReference 1058.
4.9.5.4 Symptômes de sevrage de l'alcool et des opioïdes (symptômes de sevrage de drogue/substitution)
- Les études précliniques suggèrent que l'agonisme aux récepteurs CB1 (p. ex. le THC) pourrait aider à augmenter les propriétés renforçantes de l'alcool, augmenter la consommation d'alcool et augmenter les risques de rechute de consommation d'alcool ainsi qu'exacerber la sévérité des symptômes du sevrage alcoolique.
- Les études précliniques suggèrent que certains cannabinoïdes (p. ex. le THC) pourraient soulager les symptômes du sevrage aux opiacés.
- Les données provenant d'études observationnelles suggèrent que la consommation de cannabis pourrait aider à soulager les symptômes du sevrage aux opiacés, mais les données cliniques sont insuffisantes pour tirer des conclusions fiables.
Il existe un intérêt grandissant à l'égard de l'utilisation du cannabis comme substitut de l'alcool, des opioïdes et d'autres drogues, y compris les drogues illicites, tant en matière de diminution des symptômes du sevrage de drogues associés à l'abstinence de telles drogues, qu'en matière de diminution de certains des risques associés à l'utilisation de ces drogues (p. ex. morbidité et mortalité associées aux opioïdes). Dans le cas des opioïdes, des études in vitro et in vivo ont démontré un chevauchement physiologique et pharmacologique, une tolérance croisée, une potentialisation mutuelle, et une communication réciproque entre les systèmes endocannabinoïdes et opioïdes endogènes (voir la Section 4.7.2.3)Reference 1059Reference 1060. De plus, ces deux mécanismes physiologiques endogènes ont été impliqués dans le mécanisme d'action de plusieurs autres médicaments comportant un potentiel d'abus et de dépendance, comme l'éthanol, la nicotine et les psychostimulantsReference 1059.
Une enquête qui examinait les tendances de consommation de cannabis et les affections et symptômes médicaux (enquête CAMPS, Cannabis Access for Medical Purposes Survey), parmi 473 personnes s'identifiant comme des utilisateurs courants de cannabis à des fins médicales, a révélé que plus de 80 % des répondants avaient eux-mêmes déclaré utiliser du cannabis pour remplacer les médicaments sur ordonnance, que pour plus de 51 %, le cannabis remplaçait l'alcool et que pour plus de 32 %, il remplaçait les substances illicitesReference 1061. La quantité hebdomadaire médiane de cannabis utilisé était de 14 g (ou 2 g par jour). Les raisons de la substitution les plus souvent approuvées étaient « moins d'effets secondaires négatifs » et une « meilleure gestion des symptômes ». Les limites de l'étude comprennent notamment l'auto-déclaration et l'absence de confirmation par un médecin d'affections médicales et de l'importance de l'amélioration du patient (ou l'absence de celle-ci), ainsi que le potentiel qu'un seul répondant présente plusieurs réactions et un échantillon de population biaisé avec une surreprésentation des personnes répondant favorablement au cannabis.
Alcool
Des données suggèrent des interactions fonctionelles complexes entre l'éthanol et le SEC (examiné enReference 1062). L'administration aiguë et chronique d'éthanol chez l'animal est associée à des changements propres à la région cérébrale en matière de taux d'endocannabinoïdes (aiguë : augmentation/diminution des niveaux d'endocannabinoïdes; chronique : augmentation des niveaux d'endocannabinoïdes) et d'expression des composantes du SEC (chronique : diminution des niveaux du récepteur CB1, et de la FAAH). Dans les études humaines, l'administration aigüe d'éthanol a été associée à une augmentation de la disponibilité des récepteurs CB1, tandis que la consommation chronique d'éthanol (c.-à-d. chez les patients alcooliques) a été associée à une réduction importante de la disponibilité des récepteurs CB1 (20 à 30 %) persistant au moins de deux à quatre semaines après l'abstinenceReference 207Reference 1063Reference 1064. La consommation chronique d'alcool a aussi été associée à la réduction des niveaux de la FAAH, à la réduction du couplage des récepteurs CB1 aux protéines G et à la réduction de l'activité de la FAAHReference 207. L'agonisme des récepteurs CB1 ainsi que la suppression génétique de la FAAH, ou sa suppression par moyens pharmacologiques, semblent médiatiser les propriétés renforçantes de l'éthanol, faciliter la consommation d'éthanol et améliorer la réintégration de l'auto-administration d'éthanol dans les modèles animauxReference 1062. D'autre part, l'ablation génétique de l'expression des récepteurs de CB1 ou de leur suppression par moyens pharmacologiques (p. ex. le rimonabant) cause généralement une diminution de la consommation d'alcool dans les modèles animauxReference 207. Il existe aussi des données probantes limitées et mixtes tirées d'études animales suggérant que le SEC pourrait jouer un rôle dans la modulation des symptômes de sevrage de l'alcool; l'agonisme du récepteur CB1 (p. ex. par THC et nabilone) apparemment exacerbant la gravité du sevrage et, inversement, l'antagonisme des récepteurs CB1 soit atténue ou aggrave les symptômes du sevrage alcooliqueReference 207Reference 1065-Reference 1068.
Opioïdes
Les renseignements anecdotiques et les résultats empiriques tirés d'études animales suggèrent que les cannabinoïdes (p.ex. THC) pourraient être utiles pour traiter les symptômes associés au sevrage des opioïdesReference 837Reference 1069-Reference 1072, mais aucune étude clinique d'efficacité n'appuie cette hypothèse. Toutefois, le chevauchement de la distribution neuroanatomique, la convergence des mécanismes neurochimiques et les propriétés neurobiologiques fonctionnelles comparables du système cannabinoïde et opioïde peuvent aider à expliquer pourquoi les cannabinoïdes pourraient remplacer les opioïdes pour possiblement soulager les symptômes de sevrage associés à l'abstinence des opioïdesReference 836. Une recension des écrits suggère que, dans certaines circonstances, l'utilisation du cannabis peut être associée à un pronostic de traitement positif dans les cohortes dépendantes aux opioïdesReference 1060. L'abus de cannabis et la dépendance à celui-ci ont été qualifiés de facteurs prédictifs de la diminution de l'usage d'héroïne et de cocaïne pendant le traitement et l'utilisation intermittente de cannabis et a été associée à un pourcentage plus faible de résultats positifs lors de tests de dépistage urinaire d'opioïdes et à une meilleure observance du traitement par naltrexoneReference 1060. Quelques études qualitatives ont indiqué que les personnes qui utilisent de l'héroïne déclarent qu'elles sont capables de réduire leur usage d'héroïne en consommant du cannabisReference 1073Reference 1074. Une étude examinant les utilisateurs de drogues par injection (UDI) révèle que le cannabis fumé réduit l'anxiété et l'état de manque ressentis pendant l'abandon de l'utilisation quotidienne d'héroïneReference 1073; dans une autre étude, des patients consommant du cannabis à des fins médicales ont déclaré utiliser du cannabis pour remplacer les opioïdes sur ordonnance ou se sevrer de ceux-ciReference 1074. Une autre étude révèle que les UDI recrutés dans la rue qui déclarent utiliser du cannabis consomment des opioïdes (c.-à-d. de l'héroïne) moins souventReference 1075. Cependant, une étude qui a examiné l'utilisation du cannabis fumé pour atténuer les symptômes de sevrage des opioïdes n'a pas semblé trouver d'effet découlant de la consommation de cannabis sur les symptômes de sevrage des opioïdesReference 1076. Dans cette étude, 116 utilisateurs d'héroïne et de cocaïne en consultation externe (parmi lesquels 46 utilisateurs étaient également des consommateurs de cannabis) participant à la phase de réduction de la méthadone sur 10 semaines d'un essai clinique à répartition aléatoire ont été évalués afin de connaître les symptômes de sevrage des opioïdes qu'ils avaient eux-mêmes déclarés. L'étude révèle que les scores de sevrage des opioïdes ne différent pas entre les utilisateurs de cannabis et ceux qui n'en consomment pas, ce qui porte à croire que le cannabis fumé ne réduirait pas les symptômes de sevrage des opioïdes dans cette population de patients. Enfin, dans une étude d'innocuité de cinq semaines à répartition aléatoire, contrôlée par placebo et à double insu portant sur le dronabinol utilisé pour traiter les symptômes de sevrage des opioïdes d'intensité modérée chez des adultes dépendants aux opioïdes, des doses de 5 ou 10 mg de dronabinol étaient bien tolérées, tandis que des doses de 20, 30 ou 40 mg de dronabinol ont produit une augmentation soutenue du rythme cardiaque et de l'anxiété ou du sentiment de panique chez certains sujetsReference 1077.
4.9.5.5 Schizophrénie et psychose
- Des données considérables provenant d'études précliniques, cliniques et épidémiologiques appuient une association entre la consommation de cannabis (surtout le cannabis prédominant en THC) et le THC et un risque accru de psychoses et de schizophrénie.
- Des preuves émergentes provenant d'études précliniques, cliniques et épidémiologiques suggèrent que le CBD pourrait atténuer la psychose induite par le THC.
La schizophrénie est un trouble mental chronique et dévastateur qui se manifeste généralement à la fin de l'adolescence ou au début de l'âge adulteReference 1078. Il se caractérise par des symptômes dits positifs, négatifs et par une déficience des fonctions cognitivesReference 1079. Les symptômes positifs sont notamment la méfiance, les délires paranoïaques et de grandeur, une désorganisation conceptuelle, des pensées fragmentées et de modifications perceptuellesReference 1079. Par contre, les symptômes négatifs comprennent l'émoussement de l'affect, le retrait affectif, un ralentissement psychomoteur, une absence de spontanéité et des relations réduitesReference 1079. Les déficiences cognitives sont notamment des troubles de l'apprentissage verbal, de la mémoire à court terme, de la mémoire de travail, de la fonction exécutive, de la capacité de raisonnement abstrait, des capacités de prise de décision et de l'attentionReference 1078Reference 1079. Par contre, les épisodes psychotiques sont caractérisés par une déréalisation, une dépersonnalisation, une dissociation, des hallucinations, de la paranoïa, un trouble de la concentration, et des modifications perceptuelles et qui sont habituellement de nature passagère et autolimitativeReference 1079.
Ce qui suit est un examen du rôle du SEC dans la schizophrénie et la psychose, ainsi qu'un examen du rôle du THC et du CBD dans ces troubles. Bien que les données montrent clairement que l'exposition au THC est préjudiciable aux personnes ayant des antécédents personnels ou familiaux de schizophrénie, les données recueillies semblent également indiquer un rôle potentiel anti-psychotique ou anti-schizophrène concernant le CBD, quoique plus de recherches soient nécessaires.
Le système endocannabinoïde et les troubles psychotiques
Il existe de plus en plus de données selon lesquelles le SEC est relié à la schizophrénie et à la psychoseReference 172Reference 1079Reference 1080. Les résultats provenant d'échantillons sanguins et de LCR, et d'études postmortem, génétiques et en neuroimagerie appuient fermement l'implication du SEC dans la schizophrénie et la psychoseReference 172. Par exemple, les taux d'anandamide dans le LCR et le sérum étaient déclarés comme étant élevés de façon significative chez les patients atteints de prodromes psychotiques initiauxReference 1081. De plus, les taux d'anandamide étaient aussi élevés dans le sérum et le LCR de patients atteints de schizophrénie active n'ayant jamais reçu d'antipsychotiqueReference 1082Reference 1083. Le traitement de patients schizophrènes au moyen d'antagonistes des récepteurs de dopamine D2 (traitement pharmacologique standard pour la schizophrénie) baisse aussi les taux d'anandamide qui reviennent à la normaleReference 1084Reference 1085. Des études postmortem se penchant sur les densités du récepteur CB1 dans le cerveau de patients schizophrènes décédés ont aussi relevé une régulation à la hausse des taux du récepteur CB1 dans le cortex dorsolatéral préfrontal, le cortex cingulaire antérieur et le cortex cingulaire postérieurReference 1086-Reference 1090, des parties du cerveau habituellement touchées par la schizophrénieReference 1080. Des études en neuroimagerie mesurant la disponibilité in vivo du récepteur CB1 chez les patients schizophrènes relèvent aussi une augmentation généralisée des taux du récepteur CB1 dans plusieurs autres régions du cerveau, notamment le noyau accumbens, le lobe de l'insula, le cortex cingulaire, le cortex frontal inférieur, le cortex pariétal, le lobe médio-temporal et le pont de VaroleReference 1091Reference 1092. Des études génétiques indiquent que des polymorphismes dans plusieurs gènes différents, tels que les gènescatéchol-O-méthyltransférase (COMT), AKT serine/threonine kinase 1 (AKT1),transporteur actif de dopamine 1 (DAT1), récepteur cannabinoïde 1 (CNR1) et BDNF, pourraient augmenter la vulnérabilité individuelle à la psychose et à la schizophrénie (voir ci-dessous et également la Section 7.7.3.2) surtout lors de l'interaction avec des facteurs environnementaux tels que l'urbanicité, l'abus, la maltraitance, les traumatismes et l'utilisation du cannabis et d'autres substancesReference 1079.
Comorbidité de toxicomanies et de troubles psychotiques
Il est intéressant de constater que les patients atteints de graves maladies mentales comme la schizophrénie présentent des taux élevés de toxicomanies, le cannabis étant l'une des substances les plus souvent consommées ou abusées par cette populationReference 1093Reference 1094. Deux hypothèses conflictuelles ont tenté d'expliquer pourquoi les patients atteints de graves maladies mentales comme la schizophrénie présentent aussi une toxicomanie comorbide. L'hypothèse « d'automédication » dans le contexte des troubles psychiatriques suggère que les personnes souffrant de tels troubles (p. ex. les schizophrènes) consomment du cannabis afin de soulager des symptômes psychopathologiques précis ou encore diminuer les effets secondaires causés par l'utilisation de médicamentsReference 1094Reference 1095. Par exemple, un examen récent portant sur les raisons de l'utilisation du cannabis chez les personnes présentant des troubles psychotiques révèle que les raisons les plus courantes de la consommation de cannabis dans cette population étaient liées au souhait d'améliorer l'humeur et de soulager la dysphorie, de se détendre et d'augmenter le plaisir, d'être « high », de diminuer l'anxiété, d'améliorer sa vie sociale et de réduire l'ennuiReference 1096. Cependant, les auteurs font remarquer que, malgré les raisons bénéfiques et les effets subjectifs positifs allégués par les personnes atteintes de troubles psychotiques utilisant du cannabis, les éléments de preuve suggèrent une détérioration des symptômes positifs de certains patients ainsi qu'une observance thérapeutique et une évolution clinique plus difficiles avec l'utilisation de cannabis. D'autres preuves contre l'hypothèse d'« automédication » proviennent aussi de recherches suggérant que l'arrêt de la consommation de cannabis par des patients atteints de schizophrénie est associé à une amélioration des fonctions cognitives et générales, ainsi que des symptômes de psychose et de dépressionReference 1097. En effet, un examen systématique et une méta-analyse récents ont démontré qu'indépendamment du stade de la maladie, la poursuite de la consommation de cannabis par les patients souffrant de troubles psychotiques préexistants était associée à une plus grande incidence de rechute de psychose comparativement aux patients qui n'avaient jamais consommé de cannabis ou qui avaient interrompu leur consommationReference 159. La poursuite de la consommation a aussi été associée à des périodes d'hospitalisation plus longues. De plus, la consommation continuelle avait un plus grand effet que la consommation interrompue sur la rechute, les symptômes positifs et les niveaux de fonctionnement, mais non sur les symptômes négatifs. Une étude par observation subséquente de patients âgés de 18 à 65 ans souffrant d'un premier épisode de psychose a démontré que les anciens consommateurs de cannabis réguliers ayant arrêté leur consommation après le début de leur psychose possédaient le meilleur cours de la maladie en ce qui concerne les risques de rechuteReference 160. La poursuite de consommation à haute fréquence (c.-à-d. quotidienne) de cannabis de puissance élevée (ressemblant au type « skunk ») possédait les pires résultats (risque élevé de rechute subséquente, de plus de rechutes, de période de mois plus courte avant la rechute et de soins psychiatriques plus intensifs). Une autre étude prospective de cohortes a signalé qu'il est plus probable que la poursuite de la consommation de cannabis après le début de la psychose soit directement liée et liée selon la dose à l'augmentation des risques de rechute de la psychose, causant l'hospitalisation pour traitement psychiatriqueReference 161. Bien que l'hypothèse d'« auto-médication » présente une explication compassionnelle, intéressante et attirante pour comprendre pourquoi les schizophrènes éprouvent des toxicomanies comorbides, l'évidence présentée ici ainsi que le manque de lien entre les symptômes psychotiques précoces et un risque accru de consommation tardive de cannabis ont remis en question l'hypothèseReference 1098-Reference 1100. D'un autre côté, l'hypothèse de « vulnérabilité aux dépendances » affirme que la vulnérabilité à la toxicomanie et les symptômes schizophrènes partagent une même neuropathologieReference 1099Reference 1101. En d'autres termes, cette hypothèse se fie à l'idée que certaines modifications pathologiques de la structure et de la fonction du cerveau prédisposeront certaines personnes à développer la schizophrénie, ainsi que des toxicomanies.
Cannabis/THC et psychose
Il existe de nombreuses preuves scientifiques qui suggèrent une association positive forte entre la consommation de cannabis, en particulier le cannabis à forte teneur en THC, et le développement d'une psychose aiguë et persistante chez certaines personnes, l'apparition précoce de la schizophrénie, (surtout chez les adolescents sensibles aux troubles psychotiques,Reference 182Reference 183Reference 191Reference 194Reference 197), ainsi que l'exacerbation de symptômes existants et un traitement plus complexe chez ceux souffrant déjà de schizophrénieReference 533Reference 1079Reference 1096Reference 1099Reference 1102Reference 1103. Malgré ces constatations, les éléments de preuve suggèrent que le cannabis n'est ni nécessaire ni suffisant pour entraîner un trouble psychotique persistant. Il semble plutôt que le cannabis n'est qu'un facteur qui interagit avec d'autres facteurs pour entraîner une psychoseReference 178. Un nombre toujours plus important de données suggèrent que le lien entre le cannabis et la psychose continue de se modérer en fonction de l'âge au début de la consommation, des abus dont les patients ont été victimes durant leur enfance (facteurs de stress) et de la vulnérabilité génétiqueReference 178.
L'adolescence et le début de l'âge adulte sont des périodes de développement essentielles et l'exposition à divers stimuli environnementaux, y compris le cannabis, peut avoir des effets néfastes sur le bon processus du développement neurobiologique et déclencher l'apparition précoce de la schizophrénie chez ceux présentant une vulnérabilité génétiqueReference 533Reference 1079Reference 1103-Reference 1105. La période de maturation cérébrale pendant l'adolescence s'étend de l'âge de 10 ans à 24 ans avec une synaptogénèse, une myélogénèse, un élagage dendritique et synaptique, une croissance volumétrique continue, des changements dans la distribution des récepteurs et une programmation des taux neurotrophiques durant cette période, en particulier dans le cortex préfrontal et le système limbiqueReference 534Reference 1100. L'adolescence est aussi la période durant laquelle le SEC du cerveau subit des changements dynamiques, y compris un pic des taux d'ARNm du récepteur CB1, une augmentation constante du taux d'anandamide et une diminution plus marquée des taux de 2-AGReference 533. Le SEC participe à la myélinisation de diverses voies, à la neuroplasticité et à la fonction synaptiqueReference 533. Il se peut dès lors que des cannabinoïdes administrés de façon exogène, tels que le THC, puissent perturber le juste équilibre des taux d'endocannabinoïdes et le bon fonctionnement du récepteur CB1, entraînant ainsi un changement du processus de neurodéveloppement durant cette période. Dans une étude cas-témoin menée chez 280 patients ayant présenté un premier épisode de psychose et auprès de 174 témoins, les patients ont déclaré utiliser du cannabis plus puissant à forte teneur en THC et à faible teneur en CBD, comparativement aux témoins qui ont déclaré utiliser du cannabis contenant des quantités égales de THC et de CBDReference 1106. En outre, l'utilisation quotidienne de cannabis à forte puissance contenant des quantités élevées de THC et de faibles quantités de CBD a été associée à la manifestation précoce d'une psychoseReference 1107. Les personnes qui ont commencé à utiliser du cannabis à l'âge de 15 ans ou plus tôt ont également manifesté une psychose d'apparition précoce par rapport à celles qui ont commencé à en consommer après l'âge de 15 ansReference 1107.
Les études sur des modèles animaux de schizophrénie révèlent que le traitement chronique de rats adolescents, mais non de rats adultes, avec un agoniste de récepteur cannabinoïde entraîne un phénotype semblable à la schizophrénie qui est accompagné de changements de l'activité neuronale basale dans diverses structures cérébrales, notamment le noyau accumbens, l'amygdale, le putamen et l'hippocampe (voirReference 1100Reference 1108Reference 1109).
Parallèlement, des études cliniques contrôlées effectuées chez des patients sans antécédent de trouble psychotique ont indiqué la manifestation de symptômes transitoires semblables à la schizophrénie provoqués par l'administration intraveineuse de Δ9-THCReference 196. Ces symptômes comprenaient des symptômes psychotiques positifs transitoires, des modifications perceptuelles, des symptômes négatifs, une euphorie, de l'anxiété et des déficiences cognitives de l'attention, de la mémoire de travail et de la remémoration verbaleReference 196. De même, l'administration par intraveineuse de Δ9-THC chez les schizophrènes a été associée à une exacerbation transitoire des principaux symptômes psychotiquesReference 194. En résumé, les symptômes psychotomimétiques aigus associés au cannabis ou à l'intoxication au THC peuvent inclure la dépersonnalisation, la déréalisation, la paranoïa, les idées de persécution, la fuite des idées, les pensées sous pression, les pensées désorganisées, les délires de persécution, la mégalomanie, les hallucinations auditives et visuelles et l'altération de l'attention et de la mémoire (chez environ 20 à 50 % des personnes)Reference 1079. Ces effets ont été systématiquement documentés avec le cannabis fumé, le cannabis administré par voie orale (5 à 20 mg de THC) et le THC administré par intraveineuse (0,015 à 0,03 mg/kg)Reference 1079.
Facteurs génétiques
Un grand nombre d'études ont examiné l'influence de facteurs génétiques possibles dans le développement de la psychose et de la schizophrénie, plus particulièrement en tant que fonction d'interaction avec la consommation de cannabis. Certaines études ont mis l'accent sur le rôle des polymorphismes génétiques dans le gène COMTReference 1110-Reference 1117, et d'autres se sont centrées sur les polymorphismes du gène AKT1Reference 1118-Reference 1121. Ensemble, les données de ces études permettent fortement de croire que les SNPs du gène COMT ou AKT1 interagissent avec la consommation de cannabis afin de prédire l'âge au moment de l'apparition, de même que la probabilité de développer une psychose ou une schizophrénie chez les personnes vulnérables. Plus récemment, de nouvelles données sont apparues impliquant des polymorphismes aux gènes CNR1, neuréguline 1 (NRG1) ainsi qu'au gène DAT1 et au gène BDNF et la consommation de THC et de cannabis avec l'apparition d'effets psychotomimétiques ainsi que l'apparition précoce de la schizophrénieReference 1079Reference 1122-Reference 1124. Veuillez consulter la Section 7.7.3.2 pour plus de renseignements sur les effets psychiatriques indésirables associés à l'utilisation de cannabis et de cannabinoïdes psychoactifs (comme le THC), et sur le rôle de la prédisposition génétique par rapport au risque de développer un trouble psychotique.
Les conclusions présentées ci-dessus et aux sections 7.7.3 et 7.7.3.2 suggèrent que l'utilisation de cannabis (et de cannabis à forte teneur en THC), de même que l'exposition au Δ9-THC seul ne serait pas bénéfique, et pourrait en fait être dangereuse pour les personnes qui souffrent de troubles psychotiques ou qui pourraient avoir une prédisposition génétique ou des antécédents familiaux de psychose ou de schizophrénie. En revanche, des nouvelles données suggèrent que le CBD protégerait des effets du THC provoquant une psychose (voir ci-dessous).
Cannabidiol
Contrairement aux effets néfastes observés avec le THC et le cannabis à forte teneur en THC dans la psychose et la schizophrénie, certaines données probantes tirées d'études d'observation et d'études précliniques et cliniques préliminaires laissent supposer que le CBD pourrait protéger contre la psychose induite par le THC et pourrait même servir de traitement potentiel de la schizophrénie.
Études d'observation
Deux études ayant analysé les concentrations des cannabinoïdes dans des échantillons de cheveux de 140 personnes révèlent que celles contenant que de THC dans leurs cheveux avaient des symptômes positifs plus importants avec des niveaux plus élevés d'hallucinations et de délire que les personnes dont le THC et le CBD se trouvaient dans leurs cheveux ainsi que ceux sans cannabinoïdesReference 1125Reference 1126. À l'opposé, une autre étude portant sur les consommateurs de cannabis n'a pas réussi à démontrer une différence dans la prévalence de symptômes de type psychotique entre les sujets qui avaient déclaré fumer du cannabis contenant des taux « faibles » ou « élevés » de CBD; toutefois, les auteurs mentionnent divers facteurs de confusion, notamment le manque d'ajustement en fonction de la consommation d'alcool, ce qui pourrait aider à expliquer ce manque d'uniformité entre les étudesReference 529.
Une étude transversale menée en ligne et effectuée auprès de 1 877 personnes ayant des antécédents réguliers d'utilisation de cannabis indique que les personnes ayant consommé du cannabis dont le rapport CBD/THC était plus élevé ont éprouvé moins d'épisodes psychotiques; toutefois les auteurs soulignent que les effets observés étaient subtilsReference 132. De plus, divers problèmes méthodologiques ont gêné cette étude, ce qui suggère que les conclusions devraient être interprétées avec prudence.
Dans une étude cas-témoin menée auprès de 280 patients ayant présenté un premier épisode de psychose et auprès de 174 témoins, les patients ont déclaré utiliser du cannabis plus puissant à forte teneur en THC et à faible teneur en CBD, comparativement aux témoins qui ont déclaré utiliser du cannabis contenant des quantités égales de THC et de CBDReference 1106. En outre, l'utilisation quotidienne de cannabis à forte puissance contenant des quantités élevées de THC et de faibles quantités de CBD a été associée à la manifestation précoce de psychose par rapport aux personnes ne consommant pas de cannabisReference 1107.
Dans une étude de suivi de type cas-cohorte de 410 patients ayant eu un premier épisode de psychose et auprès de 370 témoins dans la population, la consommation quotidienne de cannabis de type « skunk » (très forte teneur en THC, très faible teneur en CBD) a été associée à un risque cinq fois plus élevé de premier épisode de psychose, tandis que l'utilisation en fin de semaine de cannabis de type « skunk » a été associée à un risque presque trois fois plus élevé de premier épisode de psychoseReference 168. En revanche, le RC d'un premier épisode de psychose associé à l'utilisation de cannabis de type « skunk » moins d'une fois par semaine, ou quotidiennement, en fin de semaine, ou à l'utilisation de cannabis moins puissant moins d'une fois par semaine n'a pas été statistiquement significatif par rapport aux sujets n'ayant jamais consommé de cannabisReference 168.
Les données ci-dessus suggèrent que la présence de THC et l'absence de CBD dans le cannabis pourraient augmenter le risque de connaître des réactions psychotiques et suggèrent aussi e qu'il y ait un effet lié à la dose entre le THC et le risque d'un premier épisode de psychose.
Études précliniques et cliniques
Conformément à ces constatations, plusieurs études précliniques et cliniques ont suggéré que le CBD pourrait en effet protéger contre les effets psychoactifs et psychotiques du THC et du cannabis à forte teneur en THC et qu'il pourrait aussi avoir un usage thérapeutique dans le traitement de personnes atteintes de psychose et de schizophrénieReference 114Reference 1127-Reference 1137. Une mise en garde concernant ceci est que dans des modèles animaux, il semble que le prétraitement au CBD 15 à 60 minutes avant l'administration de THC, mais pas l'administration en concomitance, est associé à une augmentation des concentrations sanguines et intracérébrales de THC et à une immobilité liée au THCReference 1138Reference 1139. En outre, un rapport plus élevé de CBD par rapport au THC semble également important pour atténuer les effets psychoactifs du THCReference 114Reference 1102Reference 1130.
Études précliniques
Des études dans certains modèles de psychose chez le rat et la souris semblent indiquer que le CBD (à des doses de 15 à 60 mg/kg ou à des doses chez l'humain à peu près équivalentes de 1,25 mg/kg à 10 mg/kg de CBD) réduit les effets comportementaux de type psychotique d'une manière comparable à celle observée avec des antipsychotiques atypiquesReference 1140Reference 1141.
Études cliniques menées auprès de volontaires en bonne santé
Dans peut-être l'une des premières études cliniques examinant les effets du CBD sur la psychoactivité induite par le THC, Karniol et coll. ont administré un placebo, du THC (30 mg), du CBD (15, 30 ou 60 mg) ou une combinaison de THC et de CBD par voie orale à 40 volontaires sains de sexe masculin, à double insu, et ont mesuré les effets psychoactifs subjectifs qui s'ensuivaientReference 114. L'administration de 30 mg de THC a entraîné de fortes réactions psychologiques (principalement de l'anxiété) qui, dans certains cas, ont atteint un état proche de la panique et ont mené à une déficience importante du rendement à une tâche d'estimation temporelle. Ces deux effets se sont atténués proportionnellement à l'augmentation des doses de CBD. Un rapport CBD/THC de 2 : 1 (60 mg : 30 mg) s'est révélé surtout efficace pour atténuer l'intensité des effets psychoactifs induits par le THC dans cette étude. Le CBD a semblé modifier non seulement l'intensité, mais également la qualité des effets psychoactifs induits par le THC.
Dans une autre étude menée auprès de 15 volontaires sains, l'inhalation simultanée de CBD (150 µg/kg) et de THC (25 µg/kg) a atténué l'euphorie subjective associée au THC et révélé une tendance vers une diminution du trouble psychomoteur induit par le THCReference 1128. Aucun effet sur l'euphorie et le trouble psychomoteur induits par le THC n'a été remarqué lorsque la même dose de CBD a été administrée 30 minutes avant le THC.
Dans une étude clinique à double insu, contrôlée par placebo, huit volontaires sains ont reçu par voie orale un placebo, du THC (0,5 mg/kg), du CBD (1 mg/kg) ou un mélange de THC (0,5 mg/kg) et de CBD (1 mg/kg)Reference 1129. L'administration du THC seul a été associée à plusieurs effets psychoactifs, notamment la dépersonnalisation, des pensées décousues, des idées paranoïdes et de l'anxiété, lesquels se sont estompés pour la plupart lorsque du CBD a été administré en concomitance avec du THC.
Dans une autre étude clinique portant sur neuf volontaires sains, une dose orale de 200 mg de CBD a atténué la déficience de l'inversion de la profondeur binoculaire (un modèle de perception entravée durant des états psychotiques) induite par 1 mg de nabilone par voie oraleReference 1137.
Par contre, l'administration orale d'un extrait de cannabis (contenant 10 mg de THC et 5,4 mg de CBD), mais pas du THC pur (10 mg de THC), à 24 volontaires sains dans le cadre d'une étude clinique contrôlée par placebo et à double insu, a été associée à une diminution de la fréquence de tapotement des doigts (une mesure de la perturbation motrice liée à une symptomatologie schizophrène) et à la gravité de la maladieReference 1130.
Une étude clinique intra-sujets à répartition pseudo-aléatoire, contrôlée par placebo et à double insu a démontré que le prétraitement de sujets humains sains au CBD (5 mg par voie intraveineuse), mais pas au placebo, a diminué l'émergence de symptômes psychotiques positifs 30 minutes après l'administration par voie intraveineuse de 1,25 mg de Δ9-THCReference 124.
Dans une étude clinique à répartition aléatoire et à double insu, contrôlée par placebo, portant sur 48 sujets sains ayant reçu un placebo, du THC (1,5 mg IV) ou du CBD (600 mg, PO), le prétraitement au CBD 3,5 heures avant l'administration du THC a atténué la paranoïa et la déficience de la mémoire épisodique, mais non la mémoire de travail, associées au THCReference 1131.
Dans leur ensemble, les constatations susmentionnées suggèrent que le CBD, en particulier à des rapports de 2 : 1 et lorsqu'il est administré en concomitance, peut atténuer les effets aigus psychotiques et anxiogènes ainsi que certains aspects de l'altération des fonctions cognitives observés avec l'administration du THC.
Études cliniques et de cas chez les patients présentant des symptômes psychotiques
Un rapport de cas portant sur une patiente schizophrène de 19 ans, traitée par halopéridol et recevant du CBD par voie orale, révèle que le traitement avec 1500 mg de CBD chaque jour pendant 26 jours, mais sans halopéridol, a été associé à une atténuation des symptômes psychotiquesReference 1132. Une autre étude de cas d'une envergure légèrement plus importante et effectuée par le même groupe de chercheurs a indiqué une légère amélioration des symptômes psychotiques chez l'un des trois patients schizophrènes résistants aux traitements et ayant reçu 1280 mg par voie orale de CBD quotidiennement pendant quatre semaines; aucun effet indésirable n'a été remarquéReference 1134. Dans une étude clinique effectuée, encore une fois, par le même groupe, six patients atteints de la MP ayant aussi manifesté des symptômes psychotiques ont reçu 600 mg par jour de CBD par voie orale pendant quatre semainesReference 1142. Ce schéma thérapeutique a été associé à une réduction significative de la symptomatologie psychotique, sans effets indésirables.
Dans une étude clinique contrôlée par placebo, à dose unique, effectuée par Hallak et coll. (2010), 28 patients schizophrènes ont reçu un placebo, 300 mg ou 600 mg de CBD par voie orale. Bien qu'aucune amélioration de la symptomatologie psychotique n'ait été remarquée, on a signalé une amélioration statistiquement significative de l'attention avec le placebo et la dose de 300 mg de CBD, mais pas avec la dose de 600 mg de CBD avec laquelle il semblait y exister une détérioration potentielle de l'attention possiblement causée par un effet de sédation à la dose plus élevéeReference 1135.
Un essai clinique de quatre semaines formé de groupes parallèles, à contrôle actif, à double insu et à répartition aléatoire comparant le CBD (200 mg, q.i.d., jusqu'à une quantité quotidienne totale de 800 mg) et l'amilsupride (un antagoniste des récepteurs de dopamine D2/D3 utilisé dans le traitement de la schizophrénie) révèle que les deux médicaments ont été associés à de grandes améliorations cliniques des symptômes, sans grande différence entre les deux traitementsReference 1136. Le traitement à l'aide du CBD était bien toléré et a produit beaucoup moins d'effets secondaires que le traitement antipsychotique (p. ex. la présence de symptômes extrapyramidaux et d'une libération plus grande de prolactine). De plus, le CBD n'a pas semblé toucher la fonction hépatique de manière significative, ni la fonction cardiaque. Le traitement par le CBD, mais non celui par l'amilsupride, a aussi été associé à une augmentation des taux sériques d'anandamide.
Dans leur ensemble, les données probantes tirées d'un nombre limité d'études d'observation, précliniques et cliniques émergentes indiquent que le CBD jouerait un rôle protecteur dans la manifestation de symptômes psychotiques transitoires associés à une exposition au THC ou au cannabis à forte teneur en THC. Le CBD pourrait aussi offrir des promesses thérapeutiques dans le traitement de personnes présentant des symptômes psychotiques ou la schizophrénie, bien que de nombreuses recherches supplémentaires soient nécessaires à cet égard pour confirmer et corroborer cet effect.
Cela étant dit, la mesure dans laquelle le CBD, aux concentrations habituellement observées dans le cannabis, est capable d'améliorer les symptômes psychotiques n'a pas été fermement établie et, en effet, la plupart du cannabis consommé, que ce soit à des fins non médicales ou médicales, contient généralement des concentrations relativement faibles de CBD et des concentrations plus élevées de THCReference 76Reference 1143. Par exemple, la teneur en CBD du cannabis vendu dans la rue varie habituellement entre 0,1 et 0,5 %, bien que des concentrations de CBD allant jusqu'à 8,8 % (dans le hachisch) aient été observéesReference 132. Par conséquent, à titre d'exemple, un joint de 1 g pourrait contenir 1 mg (0,1 %) à 88 mg (8,8 %) de CBD, concentrations qui sont beaucoup plus faibles que celles habituellement administrées dans des essais cliniques (600 à 1500 mg par jour)Reference 1144. Certaines souches de cannabis séché vendu à des fins médicales par des producteurs canadiens autorisés par Santé Canada peuvent contenir jusqu'à 24 % de CBD avec peu de THC. Par conséquent, un joint de 1 g de cette souche de cannabis pourrait contenir jusqu'à 240 mg de CBD. Il s'agit d'une dose encore bien inférieure à celle utilisée dans les essais cliniques de CBD pour la psychose/schizophrénie. Cependant, de nombreux producteurs autorisés vendent aussi des souches de cannabis dont les concentrations de THC et de CBD sont à peu près égales et certaines dont le rapport CBD/THC est de 2 : 1-cette proportion a été rapporté à réduire l'incidence de symptômes psychotiques chez les personnes utilisant du cannabis. Bien que des recherches supplémentaires soient nécessaires, les patients qui déclarent consommer du cannabis dont les concentrations de THC et de CBD sont à peu près égales signalent moins de perturbations de l'humeurReference 133. En outre, les producteurs autorisés de cannabis à des fins médicales sont également autorisés à produire et à vendre de l'huile de cannabis contenant des teneurs élevées en CBD (c.-à-d. jusqu'à 24 %).
En conclusion, la consommation de cannabis contenant principalement du THC ainsi que la consommation d'autres cannabinoïdes psychoactifs (p. ex. dronabinol, nabilone) devrait être abordée avec une grande prudence chez les patients atteints de la schizophrénie (ou ceux à risque de psychose), puisque l'on croit que ces substances déclenchent des épisodes psychotiques, baissent l'âge au moment de l'apparition des symptômes et contribuent à un pronostic négatif à long terme chez les personnes vulnérables. De plus, le potentiel thérapeutique du CBD seul dans le traitement de la schizophrénie/psychose, quoique prometteur, requiert davantage d'études.
4.9.6 Maladie d'Alzheimer et démence
- Les études précliniques suggèrent que le THC et le CBD pourraient protéger contre l'excitotoxicité, le stress oxidatif et l'inflammation dans les modèles animaux de la maladie d'Alzheimer (MA).
- Les études de cas, cliniques et observationnelles limitées suggèrent que le THC oral et le nabilone sont associés à l'amélioration d'un nombre de symptômes associés à la MA (p. ex. activité motrice nocturne, comportement perturbé, sommeil, agitation, résistivité).
La démence affecte 36 millions d'individus au monde, dont la MA représente de 60 à 80 % de ces casReference 551. Bien qu'elle fasse encore l'objet de débats, une théorie largement reconnue pour la physiopathologie de la MA est que le dépôt de protéine beta-amyloïde (βA) dans certaines parties du cerveau mène à des réactions neuroinflammatoires localisées et à une accumulation d'enchevêtrements neurofibrillaires intracellulaires (composés de protéine tau hyperphosphorylée); ces événements entraînent la mort cellulaire des neurones et la perte correspondante des synapses fonctionnelles, ainsi que des changements dans les niveaux de neurotransmetteursReference 1145. On croit que ces processus pathologiques donnent naissance aux symptômes associés à la maladie, comme le déficit de la mémoire et les déficiences motricesReference 1145.
Le système endocannabinoïde et la maladie d'Alzheimer
Il existe certaines données probantes qui suggèrent qu'il y ait une association entre le SEC et la physiopathologie de la MAReference 1145Reference 1146. Une étude in vivo signalait une élévation des concentrations d'endocannabinoïde 2-AG suite à l'administration intracérébrale de peptide βA1-42 chez les animauxReference 1147. Une autre étude sur des échantillons cérébraux postmortem provenant de patients décédés atteints de MA a démontré une association entre des concentrations plus faibles d'anandamide et des concentrations plus élevées d'βA1-42, mais aucune association aux concentrations d'βA40, à la charge de plaques d'amyloïdes, ni à la phosphorylation de la protéine tauReference 1148. Finalement, la régulation positive des récepteurs CB2 et de la FAAH (et de l'activité de la FAAH) ont été observés respectivement dans des cellules microgliales réactives et des astrocytes entourant les plaques séniles dans les tissus cérébraux recueillis postmortem de patients atteints de la MAReference 1149.
Données précliniques
Les études précliniques portent à croire que le SEC protège de l'excitotoxicité, du stress oxydatif et de l'inflammation - tous des événements pathologiques clés associés au développement de la MAReference 1150.
Les résultats provenant d'expériences in silico et in vivo suggèrent que le Δ9-THC pourrait lier et inhiber de manière compétitive l'acétylcholinestérase qui, dans le contexte de la MA, fonctionne comme un chaperon moléculaire en accélérant la formation de fibrilles amyloïdes et en formant des complexes stables avec la βAReference 1151. De cette manière, le Δ9-THC bloque l'effet amyloïdogène de l'acétylcholinestérase, ce qui diminue l'agrégation de βAReference 1151. D'autres études in vitro suggèrent que le CBD pourrait avoir des effets neuroprotecteurs, antioxydants et antiapoptotiques, ainsi que la capacité de prévenir l'hyperphosphorylation de la protéine tau dans les modèles cellulaires de la MAReference 1152-Reference 1154. On a aussi démontré in vitro que les endocannabinoïdes préviennent la perméabilisation lyosomale provoquée par la βA et l'apoptose neuronale subséquenteReference 1150. Une étude in vivo indique que l'amélioration du tonus endocannabinoïde par l'intermédiaire de l'inhibition de FAAH, est associée à une baisse significative de la quantité totale de la proteine précurseur d'amyloïde, des peptides solubles βA1-40 et βA1-42 et de la densité de la plaque neuritique, ainsi qu'à une baisse de la microgliose et de l'astrogliose dans un modèle murin de MAReference 1155.
Des études in vivo ont rapporté que le CBD inhibe grandement et de manière liée à la dose la gliose réactive et les réactions neuroinflammatoires subséquentes chez les souris à qui l'on avait injecté de la βA aux doses de 2,5 mg/kg/jour et de 10 mg/kg/jour IP au cours d'un traitement de sept joursReference 1156. Une autre étude qui utilisait des modèles in vitro et in vivo de la MA signalait des rôles opposés pour les récepteurs CB1 et CB2 dans ce contexte : l'agonisme du récepteur CB1 et l'antagonisme du récepteur CB2 étaient tous deux associés à une astrogliose réactive atténuée provoquée par la βA et une atténuation de l'expression des marqueurs neuroinflammatoiresReference 1157.
L'administration de doses non psychoactives d'extraits végétaux enrichies de THC (67,1 % de THC, 0,3 % de CBD, 0,9 % de CBG, 0,9 % de CBC et 1,9 % d'autres phytocannabinoïdes), un extrait végétal enrichi de CBD (64,8 % de CBD, 2,3 % de THC, 1,1 % de CBG, 3,0 % de CBC et 1,5 % d'autres phytocannabinoïdes) ou de nabiximols (combinaison de THC et de CBD, 2,7 % THC et 2,5 % CBD) pendant une période de cinq semaines aux premiers stades de la phase symptomatique a diminué l'affectation de la mémoire observée dans les souris PPβA/PS1Reference 1158. De plus, l'exposition chronique à l'extrait végétal enrichi de THC, mais non à l'extrait enrichi de CBD ou au nabiximols, a causé une diminution du rendement de la mémoire de souris de type sauvage comparativement aux compagnons de portée traités par le véhicule du médicament. Bien que le traitement chronique à l'aide de THC, de CBD ou de nabiximols n'ait pas modifié considérablement la charge totale de βA dans le cortex cérébral ou dans l'hippocampe de souris PPβA/PS1, la combinaison de THC et de CBD (nabiximols) a diminué les niveaux de protéine βA1-42 soluble, mais non de protéines βA1-40, suggérant un effet protecteur. Le THC, le CBD ou la combinaison des deux (nabiximols) ont aussi été associés à une réduction de l'astrogliose associée à la déposition de βA et la combinaison du THC et du CBD a aussi considérablement réduit la microgliose.
Données cliniques et d'observation
Il existe très peu d'études cliniques sur le cannabis ou les cannabinoïdes pour le traitement de la MA. Un examen systématique de la base de données Cochrane sur les cannabinoïdes dans le traitement de la démence a conclu qu'il existait insuffisamment de données probantes cliniques pour suggérer que les cannabinoïdes puissent être efficaces dans l'amélioration des troubles du comportement présents dans les cas de démence ou dans le traitement des autres symptômes de la démenceReference 1159. Pour le moment, aucune conclusion définitive ne peut être tirée concernant l'innocuité et l'efficacité de médicaments à base de cannabinoïdes chez les personnes plus âgées qui représentent la population la plus susceptible d'être touchée par la MAReference 551.
Une étude croisée de six semaines, à double insu et contrôlée par placebo, menée chez 12 patients atteints d'une démence de type Alzheimer à signalé qu'une dose quotidienne de 5 mg de dronabinol (Δ9-THC) a été associée à une baisse de troubles du comportement et une augmentation du poids corporelReference 1160. Toutefois, des réactions indésirables comme la fatigue, la somnolence et l'euphorie (probablement non voulue) ont été signalées. Une étude pilote ouverte menée chez six patients suggère qu'une dose de 2,5 mg de dronabinol (Δ9-THC) administrée en soirée diminuerait l'activité motrice nocturne et l'agitation chez les personnes atteintes de démence graveReference 1161. Une étude clinique contrôlée par placebo menée chez 24 patients pour lesquels un diagnostic de démence probable de type Alzheimer avec comportement agité a été posé et ayant reçu du dronabinol (2,5 mg, deux fois par jour, pendant deux semaines) révèle qu'ils ont présenté une diminution de l'activité motrice nocturne par rapport au début de l'étude, sans incidence signalée d'événements indésirablesReference 1162. Dans un rapport de cas, un patient atteint de démence de type Alzheimer ayant été traité sans succès à l'aide de donepezil, de mémantine, de gabapentine, de trazodone et de citalopram a reçu du nabilone (0,5 mg au coucher au départ, puis b.i.d.) et a manifesté une diminution immédiate de la gravité de l'agitation et de la nervosité, puis une amélioration de divers symptômes comportementaux après six semaines de traitement continuReference 1163. Un rapport de cas portant sur un homme de 71 ans souffrant d'une démence mixte vasculaire et fronto-temporale accompagnée d'une désinhibition sexuelle a fait état de l'impossibilité de restreindre ses comportements, malgré des essais avec divers agents, notamment la sertraline, le divalproex, la trazodone, la rispéridone et l'aripiprazoleReference 1164. Le traitement au nabilone (0,5 mg toutes les huit heures) a entraîné une amélioration significative des symptômes comportementaux; toutefois, une sédation et une léthargie ont été observées, mais uniquement au cours de la phase d'ajustement posologique.
Une analyse rétrospective de dossiers a évalué les données de 40 patients atteints de démence (dont 13 de la MA) qui avaient été traités pendant 17 jours en moyenne (marge de 4 à 50 jours) par le dronabinol pour traiter les troubles du comportement et de l'appétitReference 418Reference 551Reference 1165. L'administration d'une dose moyenne de dronabinol de 7 mg par jour a été associée à une amélioration significative des scores sur l'échelle d'agitation de Pittsburgh [Pittsburgh Agitation Scale] et sur l'échelle d'impression globale clinique [Clinical Global Impression], mais pas sur l'échelle globale du fonctionnement [Global Assessment of Functioning Scale]Reference 418Reference 551Reference 1165. Des améliorations significatives ont été remarquées au niveau de la durée de sommeil ainsi que le pourcentage d'aliments consommés pendant le traitement au dronabinol. Vingt-six événements indésirables ont été détectés dans l'étude et les événements les plus fréquents ont été notamment la sédation, le délire, l'infection des voies urinaires et la confusionReference 1165. Bien qu'aucune relation de causalité n'ait été établie, les événements indésirables n'ont pas entraîné l'arrêt du traitement.
Il est incertain si les améliorations des symptômes de la MA associés avec l'utilisation de cannabinoïdes psychoactifs (THC, nabilone) sont liées à leurs effets sédatifs non particuliers ou aux mécanismes d'action particuliers aux cannabinoïdes puisque certaines études signalent la sédation, la somnolence et la fatigue tandis que d'autres rapports suggèrent que ces effets néfastes sont transitoires et se dissipent après que le patient ait passé la phase initiale de titration de la dose et a atteint une dose stable de cannabinoïde.
Néanmoins, il convient aussi de remarquer qu'une étude transversale a rapporté que l'utilisation prolongée de cannabis ingéré ou inhalé était associée à une efficacité diminuée dans divers domaines cognitifs (p. ex. vitesse de traitement des renseignements, mémoire de travail, fonction exécutive et perception visuospatiale) chez les patients atteints de SPReference 229. Des effets indésirables semblables provenant du cannabis ou des cannabinoïdes sur la cognition pourraient possiblement se manifester dans le contexte d'une démence de type Alzheimer.
4.9.7 Inflammation
Le rôle du SEC dans l'inflammation est complexe puisqu'il a été impliqué dans les processus pro- et anti-inflammatoiresReference 1146. On sait que les endocannabinoïdes comme l'anandamide et le 2-AG sont produits et libérés par les cellules immunitaires activées et qu'ils agissent aussi en tant que chimioattractants des cellules immunitaires, ce qui favorise ou dirige la réaction inflammatoireReference 1166. D'un autre côté, les cannabinoïdes peuvent aussi supprimer la production de cytokines et de chimiokines proinflammatoires, et peuvent par conséquent avoir des applications thérapeutiques en ce qui concerne les maladies comportant une composante inflammatoire sous-jacenteReference 1166Reference 1167. Pour des renseignements sur d'autres maladies comportant une composante inflammatoire comme les arthritides ou la MII, veuillez consulter les Sections 4.8 et 4.9.8.2 du présent document.
4.9.7.1 Maladies inflammatoires de la peau (dermatite, psoriasis, prurit)
- Les résultats provenant d'études précliniques, cliniques et de cas sur le rôle decertains cannabinoïdes dans la modulation d'affections inflammatoires de la peau sont mixtes.
- Certaines études cliniques et de séries prospectives de cas suggèrent que certains cannabinoïdes ont un rôle protecteur (THC, CBD, HU-210), tandis que d'autres suggèrent un rôle nuisible (cannabis, THC, CBN).
La peau possède un SECReference 43. Les récepteurs CB1 et CB2 s'expriment dans un grand nombre de types de cellules cutanées, notamment les kératinocytes épidermiques, les nerfs cutanés et les fibres nerveuses, les cellules sébacées, les cellules myoépithéliales des glandes eccrines sudoripares et des conduits des glandes sudoripares, les mastocytes et les macrophagesReference 1168. Le SEC, et certaines voies de signalisations associées (p. ex. PPARγ, TRPV1), semblent réguler l'équilibre entre la prolifération, la différenciation et l'apoptose des kératinocytes; ensemble, ces systèmes peuvent jouer un rôle dans l'homéostasie cutanée, mais aussi dans les maladies comme le psoriasis, qui est caractérisé par la prolifération et l'inflammation des kératinocytesReference 43Reference 1169-Reference 1171.
Études précliniques et cliniques
Une étude préclinique chez des souris atteintes d'une dermatite de contact allergique provoquée par le dinitrophenolflurorobenzène (DNFB) révèle qu'une solution topique contenant 1 µM de THC appliquée sur la peau a été associée à une atténuation de la réaction inflammatoire non liée aux récepteurs CB1/CB2Reference 1172. Une autre étude préclinique indique que l'application de CBD (10 µM) sur les sébocytes humains cultivés et à une culture d'organe de peau humaine a inhibé les actions lipogènes (« favorables à l'acné ») de divers composés et réprimé la lipogenèse et la prolifération des sébocytes, en plus d'exercer des effets anti-inflammatoires, ce qui évoque la possibilité que le CBD agisse comme traitement contre l'acnéReference 1173. Une autre étude in vitro a démontré que le CBD et le CBG (0,5 µM), mais non le CBDV, ont considérablement réduit l'expression d'un nombre de gènes exprimés dans des kératinocytes humains différenciés (c.-à-d., les kératines, l'involucrine et la transglutaminase) en augmentant la méthylation de l'acide désoxyribonucléique (ADN) du gène de la kératine 10Reference 1174. Le CBD a aussi augmenté le niveau global de méthylation de l'ADN augmentant la possibilité que le CBD puisse exercer un contrôle épigénétique de la différentiation de la peau et puisse potentiellement ouvrir la voie vers laquelle de nouvelles approches axées sur les phytocannabinoïdes pour le traitement des maladies de la peau; selon les auteurs de cette étude.
Lors d'études cliniques, le prurit déclenché par l'histamine provoqué expérimentalement était diminué par l'administration périphérique du puissant agoniste du récepteur cannabinoïde CB1/CB2, HU-210, et les augmentations correspondantes du débit sanguin, de même que les poussées neurogènes médiées étaient atténuéesReference 1175. Lors d'une autre étude clinique, le HU-210 appliqué sur la peau diminuait grandement la perception de douleur localisée chez les sujets humains après l'application de capsaïcine restreinte localement sur la peau et diminuait l'hyperalgésie thermique subséquente et l'allodynie au toucher sans effets psychomimétiquesReference 1176. Plus récemment, trois séries prospectives de cas ont fait état de l'utilisation d'une préparation topique de cannabis (préparée dans de l'huile de tournesol) pour le pyoderma gangrenosumReference 1177. Entre 0,5 et 1,0 mL de deux formulations différentes d'huiles de cannabis topiques ont été utilisées dans les traitements (5 mg/mL THC et 6 mg/mL CBD; et 7 mg/mL THC et 9 mg/mL CBD), appliquées quotidiennement sur la plaie et jusqu' à 3 fois par jour, avec deux à trois applications supplémentaires par jour pour la douleur aiguë. L'application de la préparation topique d'huile de cannabis a été associée à l'apparition d'une analgésie dans les 5 minutes, avec tous les cas démontrant une réduction cliniquement significative de la douleur supérieure à 30 % et un effet d'épargne en opiacés statistiquement significatif.
Une revue récente des cannabinoïdes topiques pour les troubles inflammatoires et la prise en charge de la douleur a conclu que, malgré des données prometteuses provenant des modèles de rongeurs, il n'existe pas d'études rigoureuses confirmant l'innocuité ou l'efficacité chez les humainsReference 1178. Avec les interventions qui mènent à des zones actives de cicatrisation des plaies, l'application topique de produits cannabinoïdes peut augmenter le risque de contamination et d'infection à moins que le produit ne soit rigoureusement testé et approuvé pour une utilisation dermatologique.
Contrairement aux données ci-dessus, il existe aussi quelques rapports de cas d'urticaire de contact après une exposition à la fleur de cannabis, et on a également consigné une sensibilisation extrême au Δ9-THC et au CBN dans un modèle animal de dermatite de contactReference 1179Reference 1180 (aussi consulter la Section 7.3 pour des renseignements additionnels sur l'hypersensibilité ou les allergies au cannabis).
Par conséquent, même s'il est possible que certains cannabinoïdes (p. ex. HU-210, CBD) puissent posséder une valeur thérapeutique dans le traitement de certaines affections cutanées (comme le psoriasis, le prurit, la dermatite et l'acné), il est aussi possible que certains cannabinoïdes (cannabis, THC, CBD) provoquent des réactions cutanées indésirables. Des études beaucoup plus approfondies sont nécessaires sur le sujet.
4.9.8 Troubles du système gastro-intestinal (syndrome du côlon irritable, maladie intestinale inflammatoire, hépatite, pancréatite, syndrome métabolique/obésité)
Des rapports historiques et anecdotiques suggèrent que le cannabis a été utilisé pour traiter divers troubles GI (p. ex. la diarrhée, l'inflammation et la douleur d'origine GI)Reference 1181-Reference 1183.
Le système endocannabinoïde et les troubles gastro-intestinaux
L'expression des récepteurs CB1 et CB2 a été détectée dans le système nerveux entérique du tractus GI (neurones entériques, fibres et terminaisons nerveuses), alors que l'épithélium du côlon, les lignées cellulaires de l'épithélium du côlon et les cellules pariétales de l'estomac chez l'humain ne semblent exprimer que le récepteur CB1Reference 30Reference 31. L'expression du récepteur CB2 semble être régulée de manière positive dans des parties du côlon chez les patients atteints de MIIReference 33. Tandis que l'expression et la localisation des enzymes de synthèse des endocannabinoïdes n'ont pas été bien établiesReference 33, des études chez les animaux indiquent que les enzymes de dégradation des endocannabinoïdes, FAAH et MAGL peuvent être présentes dans le système nerveux entérique et dans d'autres sites du tractus GIReference 33. Par exemple, la FAAH s'exprime dans l'estomac, de même que dans le gros intestin et l'intestin grêle, mais a aussi été localisée dans le corps cellulaire du plexus myentériqueReference 33. L'expression de la MAGL a été détectée dans les couches musculaires et muqueuses du duodénum et de l'iléon, de même que dans le côlon proximal et distal, et dans le corps des cellules nerveuses et des fibres nerveuses du système nerveux entériqueReference 1184. Il semble aussi y avoir une certaine variation régionale dans les taux d'endocannabinoïdes dans l'intestin; le 2-AG semble être plus abondant dans l'iléon que dans le côlon, alors que c'est le contraire pour l'anandamideReference 33. Les récepteurs CB1 et CB2 semblent s'exprimer dans le pancréasReference 32, alors que le récepteur CB1, mais non le récepteur CB2, s'exprime dans le foie dans des conditions normalesReference 34Reference 35.
Les cannabinoïdes semblent posséder de nombreuses fonctions dans le système digestif, notamment l'inhibition de la production d'acide gastrique, la motilité GI, la sécrétion et le transport ionique, ainsi que l'atténuation de la sensation viscérale et de l'inflammation (examiné enReference 33). Des perturbations dans le niveau de diverses composantes du SEC ont été remarquées dans les modèles expérimentaux animaux des troubles GI, de même que dans des études cliniques (examiné enReference 33). Les parties ci-dessous résument les renseignements portant sur les utilisations du cannabis et des cannabinoïdes dans le traitement de divers troubles du système GI.
4.9.8.1 Syndrome du côlon irritable
- Les études précliniques dans des modèles animaux du syndrome du côlon irritable (SCI) suggèrent que certains agonistes synthétiques des récepteurs de cannabinoïdes inhibent les réactions à la douleur induite par la distension colorectale et ralentissent le transit GI.
- Les études cliniques expérimentales avec des volontaires sains ont signalé des effets selon la dose et le sexe sur diverses mesures de la motilité GI.
- Des données limitées provenant d'une petite étude clinique sur le dronabinol pour le traitement de symptômes du SCI suggèrent que celui-ci pourrait augmenter la conformité du côlon et diminuer l'index de la motilité du côlon chez les femmes atteintes du SCI à diarrhée prédominante SCI-D) ou SCI à motif alternatif (alternance constipation/diarrhée) (SCI-A), tandis qu'une autre petite étude clinique avec le dronabinol suggère une absence d'effet au niveau du transit gastrique, de l'intestin grêle ou du côlon.
Le syndrome du côlon irritable (SCI) est le trouble GI fonctionnel le plus couramment observé en médecine cliniqueReference 1185. Il s'agit d'un spectre de troubles caractérisé par la présence de douleur abdominale chronique et/ou d'inconfort et de changements des habitudes intestinalesReference 1185Reference 1186. Les profils de symptômes peuvent être catégorisés en tant que diarrhée prédominante (SCI-D), constipation prédominante (SCI-C) et motif alternatif (alternance constispation/diarrhée) (SCI-A)Reference 1186Reference 1187. Bien que la physiopathologie du SCI demeure imprécise, on pense que le trouble est provoqué par la dérégulation de l'axe cerveau-intestin suite à des facteurs de stress psychologiques ou environnementaux, ou à des facteurs de stress physiques comme l'infection ou l'inflammation et est caractérisé par une modification de la motilité intestinale, de même qu'une hypersensibilité viscéraleReference 1185. Il existe aussi des données récentes qui suggèrent une association entre les modifications génétiques chez les gènes codants de certaines protéines du SEC (p. ex. FAAH et CNR1) et la physiopathologie du SCIReference 1188-Reference 1190.
Données précliniques
Quelques études précliniques ont été effectuées sur des modèles animaux de SCI à ce jour. Deux études ont utilisé la distension colorectale provoquée mécaniquement pour déclencher une réaction de douleur viscérale aiguë chez des rongeurs en tant que modèle d'hypersensibilité viscérale associée au SCI. Une étude chez le rat a démontré que l'injection intrapéritonéale de divers agonistes synthétiques des récepteurs cannabinoïdes inhibait les réactions liées à la douleur suite à la distension colorectale provoquée expérimentalement lorsqu'ils étaient administrés avant le stimulus expérimentalReference 1191. L'administration intraveineuse de différents agonistes synthétiques des récepteurs cannabinoïdes semblait aussi inhiber les réactions globales liées à la douleur suite à la distension colorectale provoquée expérimentalement chez le rat, de même que la souris, lorsqu'ils étaient administrés après le stimulus expérimentalReference 1192. Lors d'une autre étude, on a déclaré que l'administration sous-cutanée d'agonistes sélectifs du récepteur CB1 ou CB2 diminuait le transit rehaussé de l'intestin grêle observé dans un modèle de SCI post-inflammatoire chez la sourisReference 1193.
Données cliniques avec dronabinol
Il n'existe qu'une poignée d'études ayant examiné les effets des cannabinoïdes (dronabinol) dans des modèles expérimentaux du SCI chez l'humain et chez les patients atteints de SCI.
Une étude clinique à groupes parallèles, contrôlée par placebo, randomisée et à double insu examinait les effets du dronabinol sur le transit GI, le volume gastrique, la satiété et les symptômes postprandiaux dans un groupe de volontaires en santéReference 1194. Une dose de 5 mg de dronabinol était associée à un retard important de la vidange gastrique chez les femmes, mais non chez les hommes. Aucune différence importante dans le transit de l'intestin grêle ou du côlon n'a été relevée entre les sujets qui avaient reçu le dronabinol ou le placebo dans un sexe comme dans l'autre. La dose de 5 mg de dronabinol a été utilisée, car une dose de 7,5 mg provoquait des effets secondaires intolérables chez plus de la moitié des sujets. Les effets indésirables associés à la consommation d'une dose de 5 mg de dronabinol comprenaient les étourdissements, l'assèchement de la bouche, un trouble de la concentration mentale et la nausée.
Une étude clinique à groupes parallèles, contrôlée par placebo, randomisée et à double insu subséquente s'est penchée sur les effets du dronabinol sur la fonction sensorielle et motrice du côlon chez des volontaires en santéReference 1195. L'administration d'une dose de 7,5 mg de dronabinol augmentait grandement la conformité du côlon, particulièrement chez les femmes, et diminuait la motilité et la pression phasique pré- et postprandiale du côlon. La compliance du côlon désigne le changement dans la capacité de dilatation du côlon suite à un changement dans la pression appliquée dans le côlon, et est utilisée pour mesurer les propriétés visco-élastiques du côlon, mais aussi en tant qu'indicateur d'activité motrice/contractileReference 1195-Reference 1197. Une baisse de la compliance est généralement associée à une sensation d'urgence des selles et à la diarrhée, alors qu'une hausse de la compliance est généralement associée à la constipationReference 1196Reference 1198. Une augmentation de la compliance du côlon dans ce contexte pourrait indiquer un retour du côlon à une fonction adéquate. Contrairement aux résultats observés par les études précliniques chez les rongeurs, le dronabinol augmentait la cote sensorielle de douleur, mais ne touchait pas la cote sensorielle de gaz, ni les seuils de la première sensation de gaz ou de la douleur pendant les distensions phasiques aléatoires provoquées expérimentalementReference 1195.
Une étude clinique à groupes parallèles, randomisée et à double insu s'est penché sur les effets de doses de plus en plus élevées de dronabinol sur la fonction sensorielle et motrice du côlon chez une population de patients comptant principalement des femmes ayant reçu un diagnostic de SCI (SCI-C, SCI-D ou SCI-A; c.-à-d. alternance entre la diarrhée et la constipation) selon les critères Rome IIIReference 1199. Seule la dose la plus élevée de dronabinol ayant été testée (5 mg) était associée à une augmentation légère, mais statistiquement significative de la compliance du côlon. De plus, l'effet sur la compliance du côlon semblait plus prononcé dans le sous-groupe de SCI-A, comparativement au groupe de SCI-C. Aucune différence importante n'a été observée sur le tonus du côlon jeûne ou prostprandial après l'administration de toute dose de dronabinol. Toutefois, la dose de dronabinol la plus élevée (5 mg) était associée à une diminution statistiquement significative de l'indice de motilité du côlon proximal gauche, avec une tendance vers des indices de diminution de la motilité du côlon. Les effets du traitement étaient statistiquement significatifs sur le plan de l'indice de motilité du côlon proximal chez les patients atteints de SCI-D/A, mais non de SCI-C, et seulement à la dose la plus élevée. On n'a pas rapporté de différences statistiquement significatives entre les groupes de traitement sur les seuils de sensation et les cotes de sensation pour les gaz et la douleur au cours des distensions progressives provoquées expérimentalement. Les effets du génotype et de l'interaction de la dose de dronabinol sur les côtes de sensation des gaz et de la douleur, de même que sur les indices de motilité de jeûne proximal et de jeûne distal ont aussi fait l'objet d'une enquête. Les résultats de ces études pharmacogénétiques préliminaires soulèvent la possibilité que les effets du dronabinol sur la compliance du côlon et la motilité du côlon proximal puissent être influencés par des variations génétiques des gènes FAAH et CNR1, mais plus d'études sont nécessaires pour appuyer cette hypothèse
Une étude clinique à groupes parallèles, contrôlée par placebo, randomisée et à double insu subséquente chez une population composée principalement de patientes atteintes de SCI-D (critères de Rome III) a examiné davantage les interactions entre les gènes et le traitement sur la motilité du côlon chez ce sous-ensemble de patients atteints du SCIReference 1200. Ni la dose de 2,5 mg de dronabinol b.i.d., ni celle de 5 mg b.i.d. n'avait d'effet statistiquement significatif sur le transit gastrique, de l'intestin grêle ou du côlon. Les effets sur le transit du côlon ont aussi fait l'objet d'un examen en tant que fonction de l'interaction génotype par traitement de la dose. Bien que le traitement à l'aide de dronabinol semble faire baisser le transit du côlon chez les sujets porteurs du polymorphisme CNR1 rs806378 CT/TT, ces effets n'étaient pas statistiquement significatifs. On a rapporté que les effets indésirables ne différaient pas beaucoup entre les groupes de traitement.
4.9.8.2 Maladies inflammatoires de l'intestin (maladie de Crohn, colite ulcéreuse)
- Les études précliniques dans les modèles animaux de maladies inflammatoires de l'intestin (MII) suggèrent que certains cannabinoïdes (les agonistes synthétiques des récepteurs CB1 et CB2, le THC, le CBD, le CBG, le CBC ou les extraits de plante entière de cannabis) pourraient limiter l'inflammation intestinale et la sévérité de la maladie à différents degrés.
- Des données provenant d'études par observation suggèrent que les patients consomment du cannabis afin de soulager les symptômes du MII.
- Un nombre très limité d'études cliniques à petite échelle avec des patients atteints du MII et sur lesquels les traitements traditionnels avaient échoué ont signalé l'amélioration de nombreux symptômes associés au MII après la consommation de cannabis fumé.
Les maladies intestinales inflammatoires (MII) comprennent la maladie de Crohn et la colite ulcéreuseReference 1201. La maladie de Crohn se caractérise par une inflammation intramurale inégale qui peut toucher n'importe quelle partie du tractus GIReference 1202. Les symptômes comprennent les douleurs abdominales, la diarrhée et la perte de poids, ainsi que des symptômes systémiques de malaise, d'anorexie et/ou de fièvreReference 1202. La maladie de Crohn peut provoquer une obstruction intestinale en raison de resserrements, de fistules ou d'abcèsReference 1202. La colite ulcéreuse se caractérise par une inflammation mucosale diffuse qui se limite au côlonReference 1202. Les symptômes comprennent couramment la diarrhée sanglante, des douleurs abdominales de type colique, la sensation d'urgence des selles ou le ténesmeReference 1202. Les deux maladies sont associées à un risque accru équivalent de carcinomes du côlonReference 1202.
Le système endocannabinoïde et les maladies inflammatoires de l'intestin
On a relevé des changements du SEC dans le tractus GI de modèles expérimentaux des MII chez les animaux, de même que chez les patients atteints de MIIReference 33Reference 1201. Ces changements comprennent ceux des taux d'endocannabinoïdes, des récepteurs cannabinoïdes et des enzymes de synthèse et de dégradation des endocannabinoïdes.Reference 30Reference 33Reference 1201Reference 1203-Reference 1205.
Données précliniques
Les expériences précliniques chez les modèles animaux des MII suggèrent que les cannabinoïdes et les endocannabinoïdes pourraient limiter l'inflammation intestinale et la gravité de la maladie au moyen de l'activation des récepteurs CB1 et CB2Reference 1206-Reference 1211.
Colite aiguë
Les souris porteuses d'une délétion génétique du récepteur CB1 éprouvaient une réaction inflammatoire du côlon plus intenseReference 1206 après l'administration rectale d'acide dinitrobenzène sulfonique (DNBS), une méthode établie pour provoquer un phénotype aigu de type colite chez la sourisReference 1212. À l'opposé de la souris de type sauvage, un examen histologique du côlon de souris déficientes en récepteur CB1 traitées à l'aide de DNBS a révélé une perturbation de la structure épithéliale avec une nécrose hémorragique importante et une infiltration de neutrophiles dans la muqueuse avec une inflammation aiguë qui s'étendait dans la sous-muqueuse et la couche musculaireReference 1206. Le blocage pharmacologique du récepteur CB1 chez les souris de type sauvage a produit des effets semblables accompagnés d'un épaississement de la paroi intestinale, des infiltrats inflammatoires et une augmentation de la taille des follicules lymphoïdes associés à l'adhérence aux tissus environnantsReference 1206. De plus, contrairement à la souris déficiente en récepteur CB1, la souris de type sauvage a conservé un poids corporel beaucoup plus élevé suite au traitement à l'aide de DNBSReference 1206. Le traitement de la souris de type sauvage à l'aide du puissant agoniste synthétique des récepteurs CB1 et CB2, HU-210, avant et après l'agression de DNBS diminuait grandement la réaction inflammatoire macroscopique du côlonReference 1206. Les souris porteuses d'une délétion génétique de l'enzyme FAAH présentaient aussi une réaction inflammatoire atténuée suite au DNBS, comparativement aux individus sauvagesReference 1206.
Une étude analogue a déterminé que les souris déficientes en récepteur CB1 et CB2 et celles doublement déficientes en récepteur CB1/CB2 présentaient une plus grande étendue d'inflammation du côlon, une perte accrue d'architecture de la crypte, une hyperémie/un œdème accrus et un degré d'infiltration de cellules inflammatoires plus élevé comparativement aux souris de type sauvage après avoir provoqué une colite aiguë à l'aide d'acide trinitrobenzène sulfonique (TNBS)Reference 1210. Toutes les trois souches déficientes présentaient une grave colite transmurale, avec une grave perte d'épithélium, un épaississement de la paroi intestinale et des infiltrats inflammatoires, comparativement aux souris de type sauvage. La délétion génétique de l'un des récepteurs CB ou des deux chez les souris traitées à l'aide de TNBS était aussi associée à des taux beaucoup plus élevés d'ARNm de diverses cytokines pro-inflammatoires par rapport aux souris traitées à l'aide de TNBS de type sauvage.
La colite aiguë provoquée par le TNBS chez les souris était associée à une régulation positive importante des taux d'ARNm du récepteur CB2 dans le côlon proximal et distal des souris traitéesReference 1213. L'administration intra-péritonéale d'agonistes du récepteur CB2 avant et après la colite provoquée par le TNBS était associée à une diminution du score des lésions macroscopiques; celle-ci étant une échelle linéaire qui mesure l'étendue des lésions macroscopiques du côlon et comprend des marqueurs comme la présence ou l'absence d'hyperémie, l'ulcération, l'inflammation, des adhésions, la longueur des lésions et la diarrhée. Par opposé, l'administration d'un antagoniste du récepteur CB2 aggravait la colite provoquée par le TNBS.
Dans un modèle expérimental différent sur la souris atteinte de colite aiguë, l'agoniste sélectif du récepteur CB1, l'arachidonyl-2-chloroéthylamide, et l'agoniste synthétique sélectif du récepteur CB2, le JWH-133, lorsqu'injecté de manière intrapéritonéale avant et après l'agression du côlon, diminuait grandement le gain de poids du côlon, le rétrécissement du côlon, le score de lésions inflammatoires du côlon et la diarrhéeReference 1209.
L'inhibition de l'enzyme de dégradation du 2-AG, MAGL, chez la souris par administration intrapéritonéale d'un inhibiteur du MAGL avant l'induction d'une colite aiguë par le TNBS était associée à une baisse des modifications macroscopiques et histologiques du côlon, ainsi qu'une baisse de l'expression de cytokines pro-inflammatoires dans le côlonReference 1214. L'inhibition du MAGL était aussi associée à une diminution de l'inflammation systémique et centrale dans le foie et le SNC reliée à la colite. L'administration conjointe d'antagonistes sélectifs du récepteur CB1 ou CB2 éliminait complètement l'effet protecteur dans le côlon accordé par l'inhibition du MAGL et inversait en partie les effets protecteurs anti-inflammatoires associés à l'inhibition du MAGL dans le foie.
Colite aiguë et cannabidiol
L'injection intra-péritonéale de CBD (5 à 10 mg/kg) avant la colite aiguë provoquée par le DNBS était associée à une atténuation statistiquement significative de la perte de poids corporel causée par le DNBSReference 1215. Le CBD diminuait aussi le rapport de poids frais / longueur du côlon du tissu inflammatoire du côlon, un indicateur de la gravité et de l'étendue de la réaction inflammatoire. De plus, le CBD (5 à 10 mg/kg) diminuait, de manière statistiquement significative, les lésions macroscopiques associées à l'administration du DNBS (œdème léger, hyperémie et petites adhésions intestinales), ainsi que les lésions microscopiques (érosion de l'épithélium, et infiltration mucosale et sous-mucosale des cellules inflammatoires avec œdème). En dernier lieu, le traitement à l'aide de CBD atténuait de manière statistiquement significative les augmentations relevées de certains marqueurs biologiques associés à l'inflammation et au stress oxydatif, et atténuait aussi les augmentations relevées dans les niveaux d'anandamide et de 2-AG dans le côlon
Une autre étude a rapporté que le traitement préalable intrapéritonéal (10 mg/kg) ou intrarectal (20 mg/kg) à l'aide de CBD, une fois de plus administré avant l'induction de la colite par le TNBS, a entraîné une amélioration statistiquement significative du score de la colite et une baisse de l'activité de la myéloperoxydase (une mesure de l'accumulation de neutrophiles dans le tissu du côlon)Reference 1216. Aucune différence de ce genre n'a été relevée pour le CBD administré par voie orale. Un examen histologique du tissu du côlon a aussi révélé une diminution de la destruction de la muqueuse épithéliale, une diminution de l'épaisseur du côlon et une baisse de l'infiltration d'immunocytes, comparativement aux souris traitées par excipient. Contrairement à l'étude précédenteReference 1215, aucune différence du poids corporel n'a été relevée entre les souris traitées par excipient et celles traitées à l'aide de CBD après l'apparition d'une coliteReference 1216.
Les effets des injections intrapéritonéales de THC, de CBD et d'une combinaison de THC et de CBD sur la colite aiguë provoquée par le TNBS chez le rat ont fait l'objet d'une enquêteReference 1211. Lors d'une expérience, un traitement à l'aide de 10 mg/kg de THC seul, un traitement combiné à l'aide de 5 mg/kg de THC et de 10 mg/kg de CBD, ou une combinaison de 10 mg/kg de THC et 10 mg/kg de CBD, ou de sulfasalazine seule a été associé à une baisse statistiquement significative du score de lésions macroscopiques. L'activité de la myelopéroxydase, une mesure de l'infiltration des granulocytes, était grandement diminuée chez les rats traités à l'aide de CBD et chez les rats traités à l'aide de 10 ou de 20 mg/kg de THC, ou de 5 mg/kg de THC et de 10 mg/kg de CBD. Le traitement à l'aide de 10 mg/kg de CBD, de 10 mg/kg de THC, et de 10 mg/kg de THC et 10 mg/kg CBD, ou de sulfasalazine seule était aussi associé à une baisse des perturbations de la motilité du côlon provenant de la colite provoquée par le TNBS.
Une étude plus récente a étudié les effets de l'extrait de plante entière de cannabis à haute teneur en CBD sur un modèle expérimental d'inflammation de l'intestinReference 1217. Dans le cadre de cette étude, les auteurs ont démontré que cet extrait, lorsqu'administré soit par voie intrapéritonéale (à une dose de 30 mg/kg de CBD) ou par gavage oral (à une dose de 60 mg/kg de CBD) suivant la manifestation d'inflammation intestinale a réduit l'étendue des dommages dans le modèle du DNBS de la colite. De plus, l'extrait, lorsqu'administré à une dose de départ de 1 mg/kg de CBD par voie intrapéritonéale et de 5mg/kg par voie orale, réduisait selon la dose l'hypermotilité intestinale dans le modèle de l'huile de croton de l'hypermotilité intestinale. Toutefois, bien que l'administration de CBD pur, selon toutes les doses analysées, n'ait pas soulagé la colite, elle a toutefois réussi à normaliser l'hypermotilité induite par l'huile de croton lorsqu'administrée par voie intrapéritonéale et par voie orale (à une dose de 5 mg/kg).
La colite aiguë, le cannabigérol et le cannabichromène
Une étude examinant les effets du cannabinoïde non psychotrope, le CBG, sur la maladie intestinale inflammatoire (MII) expérimentale (c.-à-d., la colite) a signalé que le CBD en doses de 1 mg/kg i.p. (préventive) et de 5 mg/kg i.p. (curative) administrée soit avant (préventive) ou après (curative) un cas de colite aiguë induite par le DNBS dans des souris réduisait de manière statistiquement significative les effets endommageant du DNBS sur le rapport entre le poids et la longueur du côlonReference 1218. Au cours d'études de suivi, une dose curative de 30 mg/kg de CBG a été associée à des réductions des signes de lésions au côlon, d'œdème sous-muqueux, de prolifération des cellules, de la perméabilité intestinale, de l'activité de la myéloperoxydase (c.-à-d. l'inflammation intestinale), l'activité de la superoxyde dismutase, l'expression de l'oxyde nitrique synthase inductible (iNOS) et de la COX-2, la production de dérivés réactifs de l'oxygène et les niveaux de l'IL-1β, de l'IL-10 et de l'interféron-γ (IFN-γ) observés dans les côlons enflammés traités au DNBS.
Une autre étude ayant examiné les effets d'un autre cannabinoïde non psychotrope, le CBC, sur la MII expérimentale (c.-à-d. la colite) dans les souris a signalé que l'administration du CBC (en doses de 1 mg/kg, IP) était associée à une réduction importante des effets endommageants de DNBS sur le rapport entre le poids et la longueur du côlon, ainsi qu'une réduction importante de la perméabilité intestinale, de l'activité de la myéloperoxydase, de l'érosion intestinale et de la prolifération des cellulesReference 1219. Des études in vitro ont en outre confirmé les effets anti-inflammatoires du CBCReference 1219.
Colite chronique
L'administration intrapéritonéale de l'agoniste synthétique sélectif du récepteur CB2, JWH-133, a atténué de manière statistiquement significative la perte de poids corporel associée à la colite, l'inflammation, l'infiltration de leucocytes et les lésions des tissus dans un modèle de colite chronique spontanée chez la sourisReference 1220. Cet agoniste sélectif du récepteur CB2 diminuait aussi la prolifération de cellules T, augmentait l'apoptose des cellules T et augmentait le nombre de mastocytes et de cellules muqueusesReference 1220.
Iléite
L'iléite se caractérise par des perturbations de la muqueuse, l'infiltration de lymphocytes dans la sous-muqueuse, une augmentation de l'activité myelopéroxydase et une perméabilité vasculaireReference 1221. L'effet du CBC sur l'hypermotilité provoquée par l'inflammation dans un modèle d'iléite intestinale chez la souris a fait l'objet d'une étudeReference 1221. L'administration de CBC (15 mg/kg IP) après une inflammation intestinale provoquée par l'huile de croton était associée à une diminution de l'expression de l'ARNm des récepteurs CB1 et CB2 dans le jéjunum, mais non dans l'iléonReference 1221. Le CBC n'a pas semblé toucher le transit GI supérieur, la propulsion du côlon ou le transit intestinal global chez les souris intraitées, mais a diminué la motilité intestinale chez les souris traitées à l'aide d'huile de croton aux doses de 10 et de 20 mg/kg IPReference 1221. Le CBC a aussi inhibé les contractions de l'iléon, isolé des souris de contrôle et de celles traitées à l'aide d'huile de croton, provoquées par l'acétylcholine ainsi que par la stimulation du champ électrique in vitro de manière statistiquement significative et liée à la doseReference 1221. L'effet inhibiteur du CBC semblait indépendant des récepteurs cannabinoïdesReference 1221.
Information provenant d'e nquêtes avec le cannabis
On a estimé qu'entre 10 et 12 % des patients atteints d'une MII sont des consommateurs actifs de cannabis et les enquêtes menées auprès de patients ayant une MII révèlent qu'entre 44 et 51 % des patients ont utilisé du cannabis à un moment ou un