Ligne directrice sur la qualité de l'air intérieur résidentiel : naphtalène
Propriétés physiques et chimiques
Le naphtalène est un hydrocarbure bicyclique qui forme une poudre blanche cristalline. Il possède une odeur caractéristique, facile à détecter (odeur de boule à mites), les seuils minimum et moyen de perception de l'odeur dans l'air se situant à (0,44 ± 9,95) mg/m³ et 0,01 mg/m³, respectivement (Amoore and Hautala 1983; Devos et al. 1990). Le naphtalène est un sous-produit de la combustion de la biomasse et des combustibles fossiles (Jia and Batterman 2010).
- Formule moléculaire
- C 10H 8
- Masse moléculaire
- 128,17 g/mol
- Pression de vapeur
- 0,082 mm Hg à 25 °C
- Point d'ébullition
- 217,9 °C
- Facteur de conversion
- 1 ppm = 5,24 mg/m³
Sources et concentrations dans les milieux intérieurs
Le naphtalène est présent en concentrations détectables dans les milieux résidentiels, et il peut provenir d'un vaste éventail de sources, dont les articles de consommation et de construction tels les peintures, les revêtements, les teintures, les solvants, les adhésifs, les produits d'étanchéité, les revêtements de sol, les tapis, les assainisseurs d'air et les produits antiparasitaires (utilisés pour tuer les mites et les larves) (Agency for Toxic Substances and Disease Registry 2005; Health Canada 2008).
Le naphtalène est un produit de la combustion incomplète; il est émis dans la fumée de cigarette, lors de la cuisson et par les appareils de chauffage autonomes au kérosène ainsi que par les poêles à bois (Charles, Batterman and Jia 2007; Moir et al. 2008; Jia and Batterman 2010). Le naphtalène présent dans les gaz d'échappement des véhicules et de l'équipement fonctionnant à l'essence et dans les vapeurs générées par les produits pétroliers entreposés dans les garages attenants aux résidences peut s'infiltrer dans les zones habitées des résidences (Marr et al. 1999; Schauer et al. 2002). L'infiltration d'air extérieur peut également être une source de naphtalène dans l'air intérieur; cependant, les concentrations ambiantes sont en général plus faibles qu'à l'intérieur.
L'exposition des Canadiens au naphtalène est principalement liée à l'air intérieur, parce que les concentrations dans l'air intérieur sont en général supérieures aux concentrations ambiantes et parce que les gens passent plus de temps à l'intérieur qu'à l'extérieur. Il a été établi que l'inhalation d'air intérieur constitue la principale voie d'exposition au naphtalène : elle est à l'origine de plus de 95,0 % de la dose journalière totale dans tous les groupes d'âge (gouvernement du Canada, 2008).
Les concentrations médianes de naphtalène mesurées dans les résidences au Canada se situent entre 0,2 et 1,6 µg/m³ et les concentrations moyennes, entre 0,3 et 6,3 µg/m³ (Fellin and Otson 1994; Sanderson and Farant 2004; Zhu et al. 2005; Héroux et al. 2008; Health Canada 2010a; Health Canada 2010b; Health Canada 2012a; Health Canada 2012b). Les concentrations maximales peuvent atteindre des valeurs 10 à 100 fois supérieures aux concentrations médianes et moyennes.
Sujets connexes
Effets sur la santé
Il a été démontré que le naphtalène cause des dommages aux tissus ainsi que des cancers dans les voies nasales et les poumons des rats et des souris exposés à de fortes concentrations de ce produit dans le cadre d'études en laboratoire.
On le considère comme un cancérogène possible pour l'humain, même s'il n'y a pas de données suffisantes afin de prouver que le produit cause des cancers chez l'humain. D'après le risque de cancer ainsi que l'écart entre les concentrations auxquelles les Canadiens pourraient être exposés et la concentration entraînant des effets critiques autres que le cancer, le naphtalène rencontre les critères de l'alinéa 64 c) de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999) (LCPE [1999]).
Dans des études sur l'exposition en conditions contrôlées, on a soumis des rats Fischer 344 au naphtalène 6 heures/jour, 5 jours/semaine, pendant 105 semaines; on a constaté un accroissement de l'incidence des lésions nasales à des concentrations allant de 52 à 314 mg/m³ (National Toxicology Program 2000; Abdo et al. 2001). Certaines données indiquent une progression possible des dommages aux tissus des cavités nasales et des poumons vers le développement de cancers.
Certaines données indiquent un continuum d'effets en ce qui concerne la cytotoxicité aiguë, subchronique et chronique et le cancer au niveau de l'épithélium nasal chez le rat. Les données sur les effets de toxicité subaiguë au niveau du nez chez la souris manquent. Par contre, des effets cytotoxiques similaires sont constatés lors d'une exposition aiguë et chronique (National Toxicology Program 2000). Les lésions causées par une exposition aiguë peuvent devenir chroniques dans les poumons des souris; cependant, la dose minimale avec effet nocif observé (DMENO) associée à la cytotoxicité pulmonaire chez la souris est plus élevée que la dose sans effet nocif observé et que la dose minimale avec effet nocif observé (DSENO et DMENO) pour les effets au niveau du nez chez le rat (West et al. 2001; Dodd et al. 2010).
Des cas d'exposition au naphtalène (inhalation, ingestion ou contact cutané) ayant entraîné une anémie hémolytique (décomposition des globules rouges) ont été signalés (Dawson, Thayer and Desforges 1958; Zinkham and Childs 1958; Valaes, Doxiadis and Fessas 1963; Naiman and Kosoy 1964; Shannon and Buchanan 1982; Ojwang, Ahmed-Jushuf and Abdullah 1985; Ostlere, Amos and Wass 1988; Owa et al. 1993; Santucci and Shah 2000; Trevisan, Di Schio and Pieno 2001; Lim, Poulose and Tan 2009). Ces cas concernaient surtout, mais pas toujours, des personnes souffrant d'une déficience en glucose-6-phosphate déshydrogénase (G6PD) (défaut génétique faisant en sorte que ces personnes n'ont pas l'enzyme qui protège les globules rouges contre le naphtalène). Comme cette anomalie génétique ne fait pas l'objet d'un dépistage systématique, et comme aucun symptôme ne se manifeste avant l'exposition, les personnes atteintes sont peu susceptibles de savoir qu'elles sont touchées par cette anomalie génétique.
On considère que la prévention de la cytotoxicité nasale aiguë et chronique empêchera vraisemblablement le développement de tumeurs associé à l'exposition chronique. Il n'a pas été jugé nécessaire de fixer une limite d'exposition à court terme pour l'air intérieur puisque la concentration de référence à court terme serait du même ordre de grandeur que la concentration de référence à long terme. Les mesures de gestion des risques visant à limiter l'exposition au naphtalène sont les mêmes pour l'exposition aiguë que pour l'exposition chronique.
Évaluation en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999) (LCPE [1999])
Santé Canada, en consultation avec les ministères de la santé des provinces et des territoires, a défini une liste de contaminants de l'air intérieur prioritaires d'intérêt national, exigeant une intervention de la part de l'État. Le naphtalène fait partie des polluants de l'air intérieur prioritaires recensés dans le cadre de ce processus.
En 2008, dans le cadre du Plan de gestion des produits chimiques, on a publié une évaluation préalable du naphtalène (Health Canada 2008). D'après la cancérogénicité de ce produit et d'après l'écart entre les concentrations auxquelles les Canadiens pourraient être exposés et la concentration entraînant des effets critiques autres que le cancer et vu la possibilité que l'écart entre les plus fortes concentrations de naphtalène dans l'air intérieur et la concentration entraînant des effets critiques autres que le cancer ne soit pas approprié, il a été conclu que, dans cette évaluation préalable, le naphtalène pénètre ou peut pénétrer dans l'environnement en une quantité ou concentration ou dans des conditions de nature à constituer un danger au Canada pour la vie ou la santé humaines. Le naphtalène rencontre donc les critères de l'alinéa 64c) de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999).
Ligne directrice pour la qualité de l'air intérieur des résidences pour le naphtalène
Une limite d'exposition au naphtalène dans l'air intérieur a été établie à partir de la DMENO de 52 mg/m³ tirée des études sur l'exposition des rats au naphtalène, chez lesquels on étudiait la présence ou l'absence de lésions nasales (National Toxicology Program 2000). Cette valeur a été ajustée pour tenir compte de la différence entre la durée d'exposition dans le cadre de l'étude et la durée de l'exposition dans une résidence (pour passer d'une exposition de 6 heures/jour × 5 jours/semaines à 24 heures/jour × 7 jours/semaine). Un facteur d'incertitude total de 1 000 a été appliqué à la DMENO pour refléter les lacunes dans les bases de données ainsi que la variabilité d'une espèce à l'autre et d'un sujet à l'autre (10 × 10 × 10 = 1000).
La limite maximale d'exposition à long terme recommandée pour le naphtalène est présentée dans le tableau ci-dessous, avec l'effet critique sur la santé sur laquelle elle est fondée. L'exposition à des concentrations supérieures à cette limite dans l'air intérieur peut avoir des effets sur la santé. On recommande une durée d'échantillonnage d'au moins 24 heures.
Durée de l'exposition | Concentration | Effets critiques | |
---|---|---|---|
µg/m³ | ppb | ||
Long terme | 10 | 1.9 | Lésions nasales chez le rat |
Références
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