Page 12 : Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada : document technique – l'arsenic

11.0 Justification

Les humains sont exposés à plusieurs formes d'arsenic, qui ont des toxicités différentes. La toxicité aiguë des divers composés de l'arsenic chez les humains dépend essentiellement de leur taux d'élimination de l'organisme. L'arsenic métallique (valence 0) n'est pas absorbé dans l'estomac et n'a donc pas d'effets secondaires. Historiquement, l'arsenic inorganique a été considéré comme la forme prédominante d'arsenic responsable des effets toxiques et cancérogènes chez les humains. L'arsenic inorganique qui n'est pas supprimé immédiatement du corps peut commencer un processus de méthylation, que l'on croyait un processus de détoxication. Bien que certains composés organiques de l'arsenic soient peu ou pas toxiques, ou soient éliminés rapidement de l'organisme par l'urine, on a déterminé récemment que les formes telles que l'AMMAIII et l'ADMAIII étaient plus toxiques que l'arsénite inorganique As(III). Des recherches plus poussées sont toutefois nécessaires pour confirmer ces constatations. Il n'existe par ailleurs pas de données indiquant que les enfants ou d'autres groupes tels que les femmes enceintes présentent plus de risques que l'ensemble de la population de voir leur santé affectée par des effets attribuables à une exposition à l'arsenic.

L'arsenic est présent tant dans les eaux de surface que dans les eaux souterraines, ses concentrations étant généralement plus élevées dans ces dernières. On trouve, dans la plupart des provinces et territoires du Canada, des régions où l'on peut détecter la présence d'arsenic dans les approvisionnements d'eau potable. Les concentrations d'arsenic sont généralement plus élevées dans les eaux souterraines que dans les eaux de surface. Les concentrations d'arsenic que l'on trouve à l'état naturel dans l'eau varient habituellement entre 0,001 et 0,002 mg/L, mais elles peuvent être parfois bien plus élevées. Les données recueillies indiquent que les concentrations d'arsenic dans l'eau potable au Canada sont généralement inférieures à 0,005 mg/L.

Il existe plusieurs techniques avancées de traitement à l'échelle municipale pour réduire les concentrations d'arsenic dans l'eau potable à des niveaux de 0,001-0,005 mg/L. Cependant, vu leur complexité et leur coût, ces techniques peuvent ne pas être réalisables pour les petites collectivités. D'autres techniques, telles que l'adsorption et les systèmes à membrane, conviennent pour ramener la concentration d'arsenic à de faibles niveaux (<0,003 mg/L) dans les petites et moyennes collectivités. À l'échelle résidentielle, les dispositifs de traitement de l'eau potable disponibles à ce jour ont été certifiés comme réduisant les concentrations d'arsenic à 0,01 mg/L, bien qu'ils permettent souvent d'atteindre des concentrations inférieures.

Comme l'arsenic est classé dans le groupe I (substances cancérogènes pour les êtres humains), la CMA est fondée sur le risque de cancer estimé pour la durée de vie; on a également tenu compte des techniques de traitement pratiques disponibles et du SPEQ.

On a établi une concentration maximale acceptable (CMA) de 0,01 mg/L (10 µg/L) pour l'arsenic, en se fondant sur les raisons suivantes :

  • La concentration d'arsenic dans l'eau potable qui représente un risque « essentiellement négligeable » est de 0,3 µg/L. Les niveaux d'arsenic dans l'eau potable doivent se rapprocher autant que possible de cette concentration.
  • La CMA doit être mesurable. Le SPEQ (fondé sur la capacité des laboratoires à mesurer les concentrations d'arsenic avec une précision et une exactitude raisonnables) est de 0,003 mg/L.
  • La CMA doit être atteignable à un coût raisonnable. Les techniques de traitement tant résidentiel que municipal peuvent ramener la concentration de l'arsenic dans l'eau potable à des niveaux inférieurs à la valeur recommandée.

Le risque à vie de cancer associé à l'ingestion d'eau potable ayant une concentration d'arsenic égale à 0,01 mg/L (10 µg/L) dépasse la plage généralement considérée comme « essentiellement négligeable » (soit entre 10-5 et 10-6). Compte tenu de l'incidence des cancers internes (poumon, vessie, foie) chez les sujets du sud-ouest de Taïwan, le risque à vie estimatif de cancer posé par l'ingestion d'eau contenant de l'arsenic à 0,01 mg/L (10 µg/L) va de 3,0 x 10-5 à 3,9 x 10-4 (calculé en multipliant le risque unitaire par la CMA).

Bien que l'arsenic soit un agent cancérogène établi pour les humains, les données limitées sur son mode d'action ne justifient pas beaucoup l'utilisation d'un modèle d'évaluation quantitatif, linéaire ou non linéaire. L'utilisation d'une méthode d'extrapolation non linéaire pour évaluer les risques de cancers des organes internes associés à l'exposition à de faibles niveaux d'arsenic, jointe à des facteurs de confusion (p. ex., différences génétiques, état de santé, métabolisme de l'arsenic et état nutritionnel de la population du sud-ouest de Taïwan étudiée), pourrait conduire à une surestimation des risques de cancers des organes internes. Bien que des études récentes effectuées aux États-Unis n'aient pas trouvé de lien clair entre les risques de cancer du poumon et de la vessie et des concentrations d'arsenic dans l'eau potable variant entre 0,01 et 0,05 mg/L, les données de l'étude sur la cohorte du sud-ouest de Taïwan demeurent plus probantes. Vu les incertitudes actuelles, le potentiel cancérogène de l'arsenic et les diverses difficultés pratiques associées à l'élimination de l'arsenic dans l'eau potable à l'échelle des résidences et des petites municipalités, il faut déployer tous les efforts possibles pour réduire la concentration d'arsenic dans l'eau potable au niveau le plus bas qu'il soit raisonnablement possible d'atteindre.

En étudiant les coûts du traitement visant la réduction des concentrations d'arsenic dans l'eau potable à un niveau égal ou inférieur à la valeur recommandée basée sur la santé, et les risques pour la santé associés à des concentrations d'arsenic dans l'eau potable supérieures à la valeur recommandée, le Comité fédéral-provincial-territorial sur l'eau potable a conclu qu'une CMA de 0,01 mg/L (10 µg/L) devrait être adoptée. Cette valeur est le résultat d'une décision de gestion des risques, puisqu'elle dépasse la valeur recommandée basée sur des critères de santé.

Dans le cadre de son processus continu de révision des recommandations, Santé Canada continuera à suivre les nouvelles recherches dans ce domaine et recommandera au besoin les modifications jugées appropriées.

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