Document de conseils sur les aspects liés à la température de l'eau potable

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Organisation : Santé Canada

Type : Document de conseils

Publiée : 2021-12-24

Table des matières

1. Introduction

Le présent document a pour objet de résumer la façon dont la température est abordée dans les Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada (RQEPC) et de souligner les paramètres qui peuvent être pertinents pour les responsables de systèmes d'approvisionnement en eau potable. Ce document couvre les paramètres influencés par la température, de la source jusqu'à la plomberie de l'immeuble, en passant par le traitement et la distribution. La température de l'eau a des effets sur tous les processus physiques, chimiques, microbiologiques et biochimiques dans une certaine mesure. À leur tour, ces processus influencent l'efficacité du traitement et la qualité de l'eau et peuvent engendrer des problèmes occasionnés par des contaminants pouvant nuire à la santé et/ou à l'esthétique.

Tous les responsables de systèmes d'approvisionnement en eau potable devraient mettre en œuvre une approche de gestion des risques, comme l'approche de la source au robinet ou l'approche du plan de salubrité de l'eau (CCME, 2004; OMS, 2009, 2012, 2014). Ces approches exigent une évaluation de l'installation, dont la caractérisation de la source d'eau, la description des procédés de traitement qui préviennent ou réduisent la contamination, la mise en évidence des conditions qui peuvent entraîner la contamination et la détermination des mesures de contrôle. La surveillance opérationnelle est ensuite établie et des protocoles opérationnels/de gestion sont mis en place (p. ex., procédures normales d'exploitation, mesures correctives et interventions en cas d'incident). La surveillance de la conformité est déterminée, et d'autres protocoles pour valider le plan de salubrité de l'eau sont mis en œuvre (p. ex., tenue de dossiers, satisfaction des consommateurs).

La formation des opérateurs est nécessaire pour assurer l'efficacité du plan de salubrité de l'eau en tout temps. Un programme d'amélioration continue devrait également être en place pour optimiser les processus de l'installation pour l'ensemble des conditions influençant la qualité de l'eau. L'optimisation aide les responsables de systèmes d'approvisionnement en eau potable à fournir de l'eau potable de haute qualité à tous les consommateurs, leur procurant ainsi un maximum de satisfaction.

Le présent document ne se veut pas une liste exhaustive des mesures qui devraient être mises en œuvre dans le cadre d'une approche de la source au robinet ou d'un plan de salubrité de l'eau. Il incombe aux responsables de systèmes d'approvisionnement en eau potable cerner et de gérer l'ensemble des risques qui peuvent s'appliquer à leurs systèmes.

Le présent document d'orientation remplace les Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada : Document technique - Température.

1.1 Répercussions des changements climatiques

La température de l'eau devrait augmenter en raison des changements climatiques. Cette augmentation pourrait exacerber d'autres changements qui devraient se produire, comme l'augmentation de la charge en éléments nutritifs, la hausse de la fréquence, de la durée et de la gravité de la prolifération d'algues et de cyanobactéries, la plus grande variabilité de la quantité et des caractéristiques du ruissellement, et la fréquence accrue des inondations et des incendies de forêt. Une eau à une température plus élevée peut également occasionner un agrandissement de l'aire de répartition géographique des microorganismes associés à des maladies d'origine hydrique dans les parties méridionales de l'Amérique du Nord (p. ex., Naegleria fowleri). Les RQEPC ne traitent pas de tous les changements climatiques potentiels qui pourraient avoir une incidence sur les systèmes d'approvisionnement en eau potable, car ces changements varieront selon la région ou la zone hydrologique. L'autorité responsable de l'eau potable devrait être consultée pour confirmer les scénarios prévisionnels qui devraient être envisagés.

Les répercussions des changements climatiques accentueront l'importance de la surveillance de la qualité de l'eau, de la sélection appropriée des procédés de traitement, de la vérification quotidienne des procédés de contrôles et de l'exploitation du réseau de distribution, ainsi que des programmes d'éducation et de sensibilisation. Ainsi, les responsables de systèmes d'approvisionnement en eau potable devraient intégrer les risques associés aux changements climatiques dans leurs stratégies de gestion afin d'optimiser la fiabilité, la robustesse et la résilience de leurs systèmes d'approvisionnement en eau potable. Des recommandations sont disponibles pour aider les responsables de systèmes de distribution d'eau potable (AWWA, 2021).

2. Effets de la température

La plupart des recommandations et documents techniques des RQEPC traitent de la température dans une certaine mesure en raison de ses diverses répercussions. La température peut en effet influer sur les paramètres physiques, chimiques, microbiologiques et biochimiques de l'eau. Il est important de comprendre comment la température peut causer des problèmes liés aux contaminants nocifs pour la santé et à l'esthétique au moment d'élaborer et de mettre en œuvre des stratégies de gestion. Certaines considérations importantes sont soulignées ci-dessous.

2.1 Paramètres physiques

La température peut influer sur un certain nombre de paramètres physiques de l'eau potable, notamment la densité, la viscosité, la conductivité, les points d'ébullition et de fusion (de l'eau et des composés dissous), le goût et l'odeur. Certains aspects mentionnés dans les RQEPC sont indiqués dans le tableau 1.

Tableau 1. Incidence de la température sur certains paramètres physiques de l'eau potable

Paramètre

Commentaire

Relation avec l'eau potable

Densité

L'eau est la plus dense à environ 4 °C. À mesure que l'eau se réchauffe, elle devient moins dense.

Les plans d'eau peuvent se stratifier thermiquement lorsqu'une couche supérieure d'eau de faible densité chauffée flotte sur une couche plus profonde d'eau plus froide. La couche plus dense et plus froide peut devenir anoxique, ce qui entraîne la libération de composés indésirables, comme le manganèse, des sédiments. De même, lorsque l'eau se refroidit, l'eau la plus dense coule, provoquant un renouvellement de l'eau du lac à l'automne. L'eau des installations de stockage peut également être stratifiée thermiquement. Le temps de séjour de l'eau de la couche plus chaude augmente, la quantité de désinfectant résiduel diminue et la vitesse de croissance du biofilm et la prolifération microbiologique s'accélèrent.

Viscosité

La viscosité de l'eau est plus élevée à basse température (p.-e. que l'eau créée plus de résistance ou traînée).

Il se peut que certaines particules ne se déposent pas à des températures plus froides, ce qui peut induire un transfert de particules (causant la turbidité) non sédimentées vers les procédés de filtration. De plus, les procédés de filtration sont moins efficaces à des températures plus froides.

Conductivité

À mesure que la température de l'eau augmente, la conductivité (c.-à-d. l'activité ionique) augmente.

La conductivité est une mesure de substitution des solides dissous totaux qui peuvent nuire au goût de l'eau, entraîner la corrosion ou des dépôts minéraux. Les mesures de conductivité doivent être corrigées à 25 °C (conductance spécifique) pour faciliter la comparaison des résultats.

Points d'ébullition et de fusion

Les points d'ébullition et de fusion déterminent l'« état » de la matière (p.-e., solide, liquide ou gaz)Note de bas de page a. Dans certains documents, la pression de vapeur ou la constante de la loi de Henry est donnée comme mesure de la volatilité d'un composé (soit la capacité de s'évaporer du liquide).

Il y a un certain nombre de points à considérer :

  • Avis d'ébullition de l'eau - À des altitudes supérieures à 2 000 m, l'eau bout à une température légèrement inférieure et doit être bouillie pendant au moins deux minutes pour que tous les microorganismes pathogènes soient neutralisés.
  • Volatilité - La pression de vapeur des composés volatils est directement liée à la température de l'eau; ainsi, à des températures plus élevées, il y aura une plus grande répartition eau-air. Les technologies de traitement par strippage à l'air sont donc plus efficaces à des températures plus élevées.
  • Méthodologie d'évaluation des risques - La volatilité des composés est prise en compte lors de l'élaboration de recommandations compte tenu des risques liés à l'ingestion, ainsi qu'à l'inhalation et à l'adsorption cutanée pendant la douche ou le bain.

Goût

En général, plus la température est élevée, plus la formation de composés au goût offensant est importante.

Les processus qui entraînent la formation de composés au goût offensant sont habituellement chimiques (p. ex., les métaux) ou biochimiques (p. ex., les métabolites produits par les microorganismes).

Odeur

En général, plus la température est élevée, plus la formation de composés responsables des odeurs et/ou l'intensité des odeurs sont importantes.

Les composés responsables des odeurs peuvent être produits par des réactions chimiques (p. ex., chlorophénols) ou par des microorganismes (p. ex., géosmine). Cependant, c'est le processus physique d'évaporation (p. ex., la volatilité du composé) qui entame la réaction sensorielle.

Note de bas de page a

Le changement de l'« état » de l'eau peut avoir des répercussions importantes (p. ex., une augmentation de quatre à cinq fois la quantité de matière organique naturelle pendant les épisodes de précipitations et de fonte des neiges, les conduites d'eau gelées en hiver).

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2.2 Paramètres chimiques

La température peut agir sur un certain nombre d'paramètres chimiques de l'eau potable, notamment le pH, la solubilité et la vitesse des réactions chimiques. Certains paramètres chimiques mentionnés dans les RQEPC sont répertoriés dans le tableau 2. Il est possible qu'il n'y ait pas de relation simple entre la température et la qualité chimique de l'eau en raison des nombreuses interactions chimiques et biologiques qui se produisent dans un réseau de distribution ou les installations de plomberie et qui peuvent rendre les effets difficiles à prévoir.

Tableau 2. Incidence de la température sur certains paramètres chimiques de l'eau potable

Paramètre

Commentaire

Relation avec l'eau potable

pH

À mesure que la température diminue, la dissociation de l'eau diminue et le pH augmente. Cela signifie que le pH auquel l'eau est considérée comme acide, neutre ou basique varie en fonction de la température :

25 °C Neutre = 7

20 °C Neutre = 7,085

5 °C Neutre = 7,365

0 °C Neutre = 7,5

Un certain nombre de points sont à considérer :

  • Les pH-mètres devraient comprendre un dispositif de compensation de la température. Le pH devrait être mesuré le plus tôt possible après le prélèvement de l'échantillon afin de réduire au minimum l'effet de la température.
  • Une solution ayant un pH de 7 à 5 °C est acide parce que son pH est inférieur à la valeur neutre de 7,365 à cette température (c'est-à-dire qu'il y a un excès d'ions hydrogène [H +] par rapport aux ions hydroxyde [OH-]).
  • Les stations de traitement qui effectuent une coagulation à pH acide fonctionnent avec un pH plus éloigné du pH neutre à 5 °C qu' à 25 °C, et beaucoup moins d'ions OH- sont disponibles pour réagir avec le coagulant. Un ajustement saisonnier du pH est suggéré pour tenir compte des concentrations de OH- plus faibles dans des conditions d'eau froide.
  • Les processus chimiques ayant lieu dans le réseau de distribution, comme la corrosion, dépendent du pH.

Solubilité des solides

La solubilité de la plupart des solides augmente lorsque la température s'accroît. Toutefois, il y a des exceptions notables, notamment pour les composés suivants :

  • carbonate de calcium
  • hydroxyde de calcium
  • phosphate de calcium
  • silicate de magnésium
  • hydroxyde de sodium

Un certain nombre de points sont à considérer :

  • La solubilité des métaux augmente généralement avec la température. Ainsi, seule l'eau froide du robinet devrait être utilisée pour boire, cuisiner et préparer le lait maternisé.
  • Un changement de température peut entraîner la précipitation et la formation de dépôts, ou encore la dissolution et la libération de contaminants co-précipités.
  • L'effet est difficile à prévoir et peut varier d'un réseau à l'autre parce que la solubilité de nombreux composés dépend également du pH.

Solubilité des gaz

La solubilité des gaz dissous diminue à mesure que la température augmente (c.-à-d. que l'eau froide retient plus de gaz dissous que l'eau chaude). Les gaz dissous importants pour l'eau potable comprennent l'ammoniac, le dioxyde de carbone et l'oxygène.

Un certain nombre de points sont à considérer :

  • L'ammoniac, lorsqu'il est présent dans l'eau brute, crée une forte demande d'oxydant et diminue l'efficacité de la désinfection. Il s'agit d'un nutriment qui favorise la prolifération des algues dans la source d'eau et la croissance des microorganismes des biofilms dans le réseau de distribution. Les bactéries nitrifiantes transforment l'ammoniac en nitrite/nitrate.
  • Le dioxyde de carbone a un effet considérable sur la stabilité du pH. Pour l'eau souterraine contenant du dioxyde de carbone dissous, on devrait utiliser un pH-mètre en ligne ou un dispositif de mesure sans espace de tête pour obtenir des résultats précis.
  • L'oxygène a un effet important sur les conditions redox. Il influence la composition des communautés de microorganismes et fait varier la solubilité liée à l'état redox (p. ex., libération de manganèse dans des conditions anoxiques). Le réchauffement de la température de l'eau attribuable aux changements climatiques devrait réduire la teneur en oxygène dissous et accroître le risque de conditions anoxiques.

Vitesse des réactions chimiques

En général, chaque augmentation de température de 10 °C double la vitesse de réaction.

Un certain nombre de points sont à considérer :

  • L'oxydation et la réduction chimiques seront plus efficaces à des températures plus chaudes, ce qui signifie que la température est un facteur important à prendre en compte lors de l'utilisation d'oxydants chimiques pour l'inactivation des agents pathogènes.
  • La désintégration du désinfectant résiduel dans le réseau de distribution s'accélère à des températures d'eau plus chaudes.
  • La vitesse de formation des sous-produits de désinfection augmente généralement avec les températures plus chaudes.
  • Les produits d'hydrolyse issus de l'utilisation de coagulants se forment plus rapidement à des températures plus chaudes, ce qui rend le processus plus efficace.
  • L'hydrolyse des polyphosphates augmente avec la température et peut libérer du manganèse préalablement séquestré.
  • La vitesse de diffusion se rapporte au mouvement des molécules et augmente à des températures plus chaudes (par exemple, la diffusion de l'oxygène, les métaux).

2.3 Paramètres microbiologiques

L'effet de la température sur les paramètres microbiologiques dépend du micro-organisme et de l'endroit où il se trouve dans le système d'approvisionnement en eau potable. Par exemple, certains microorganismes survivent mieux à de basses températures dans la source, tandis que d'autres prolifèrent à des températures plus chaudes dans le réseau de distribution ou dans les installations de plomberie résidentielles et d'immeubles. Le tableau 3 résume certains des paramètres microbiologiques mentionnés dans les RQEPC.

Tableau 3. Incidence de la température sur certains paramètres microbiologiques

Paramètre

Commentaire

Relation avec l'eau potable

Agents pathogènes entériques (protozoaires, virus et bactéries)

Le temps de survie augmente à mesure que la température diminue.

Les concentrations peuvent atteindre un sommet à basse température lorsque les procédés de filtration et de désinfection sont moins efficaces.

Organismes indicateurs (E. coli et coliformes totaux)

Le temps de survie est influencé par un certain nombre de facteurs physiques et biologiques, dont la température.

La surveillance des coliformes totaux et de la bactérie E. coli est utilisée pour déceler des conditions insalubres potentielles, des problèmes d'intégrité physique et la croissance bactérienne dans le réseau de distribution.

Algues et cyanobactéries

La température optimale pour la croissance des cyanobactéries toxiques est supérieure à 25 °C; d'autres espèces se sont adaptées pour croître à des températures plus basses ou pour hiverner dans les sédiments.

Les concentrations peuvent culminer à des températures chaudes. Le pH peut augmenter (en raison de la photosynthèse) et peut avoir un effet sur les procédés de filtration et de désinfection. La prolifération d'algues peut causer d'autres problèmes de traitement (p. ex., masse cellulaire, matière organique hydrophile) et générer des goûts/odeurs désagréables.

Biofilm (p. ex., bactéries, protozoaires, champignons)

L'activité microbienne augmente avec la température, mais le biofilm peut survivre et croître à toutes les températures de l'eau d'un réseau de distribution de l'eau potable (moins de 4 °C à 30 °C)

La formation et la croissance de biofilms causent de nombreux problèmes de qualité de l'eau. Par exemple, les biofilms peuvent :

  • héberger des agents pathogènes qui seront relâchés ultérieurement;
  • consommer le désinfectant résiduel;
  • produire de la matière organique (p. ex., précurseurs de sous-produits de désinfection);
  • générer de la turbidité, de la couleur ou des goûts/odeurs désagréables;
  • favoriser la corrosion et la libération de métaux (p. ex., plomb, cuivre).

Bactéries nitrifiantes

La croissance optimale se produit entre 20 °C et 30 °C, mais les bactéries nitrifiantes peuvent survivre et croître à toutes les températures d'un réseau de distribution de l'eau potable (moins de 4 °C à 30 °C)

En plus des effets des biofilms mentionnés ci-dessus, les bactéries nitrifiantes transforment l'ammoniac en nitrites et en nitrates.

Legionella

La croissance optimale se produit entre 25 °C et 45 °C, mais Legionella peut survivre et croître à l'extérieur de cette fourchette.

Legionella peut survivre et se développer dans les biofilms et à l'intérieur des protozoaires libres trouvés dans les réseaux de distribution et les installations de plomberie; ils sont résistants aux désinfectants chimiques couramment utilisés.

Complexe Mycobacterium avium

La croissance optimale se produit entre 15 °C et 45 °C, mais les mycobactéries peuvent survivre et croître à l'extérieur de cette fourchette.

Les mycobactéries peuvent survivre et se développer dans les biofilms et à l'intérieur des protozoaires libres trouvés dans les réseaux de distribution et les installations de plomberies; ils sont très résistants aux désinfectants chimiques couramment utilisés.

2.4 Paramètres biochimiques

Certains des paramètres physiques et chimiques mentionnés ci-dessus peuvent être fortement influencés par l'activité microbienne. Étant donné que la température de l'eau module la survie et la croissance microbiologiques, les responsables de systèmes d'approvisionnement en eau potable devraient tenir compte des effets combinés des interactions physiques, chimiques et biologiques sur la qualité de l'eau. Il est particulièrement important de le faire lorsque des nutriments organiques et inorganiques sont présents (p. ex., matière organique, fer, manganèse, azote, phosphore, sulfate).

La prolifération de cyanobactéries peut être associée à des problèmes de qualité de l'eau en raison de la présence potentielle de toxines cyanobactériennes ou de composés odorants. Les proliférations d'algues et de cyanobactéries constituent également une source de matière organique riche en azote (p. ex., précurseurs de sous-produits de désinfection).

D'autres microorganismes accélèrent les réactions d'oxydation-réduction qui comportent du soufre ou de l'azote. Des bactéries réductrices de sulfates peuvent participer à la tuberculisation des tuyaux métalliques. Le sulfure d'hydrogène produit par ces bactéries génère également des goûts et/ou des odeurs désagréables et peut augmenter la corrosion des tuyaux en métal et en béton. Les bactéries nitrifiantes transforment l'ammoniac en nitrites/nitrates, comme indiqué ci-dessus. D'autres bactéries peuvent à la fois oxyder et réduire le fer et le manganèse. Ces réactions mènent à leur tour à la croissance de biofilms et à l'accumulation de dépôts dans le réseau de distribution. Les contaminants nocifs pour la santé (p. ex., arsenic, manganèse) peuvent s'accumuler dans ces dépôts et être libérés lorsque les conditions de l'eau changent (p. ex., température ou pH). Ces relargages de dépôt sont également généralement associés à une coloration ou à la turbidité.

D'autres microorganismes participent à une métabolisation et à la décomposition (c.-à-d. biodégradation). Les composés biodégradables mentionnés dans les RQEPC comprennent la matière organique naturelle, certains acides haloacétiques et certains pesticides. Bien que l'effet net de la biodégradation puisse être une diminution de la concentration de certains composés, la matière organique biodégradable favorise la croissance du biofilm dans le réseau de distribution.

L'activité microbienne dans les réseaux de distribution peut abaisser le pH en raison de la respiration bactérienne issue du biofilm qui produit du dioxyde de carbone. Cela peut entraîner la corrosion et la libération de métaux (p. ex., plomb, cuivre). Des températures de l'eau plus chaudes peuvent exacerber ce problème.

3. Protocoles de mesure et d'échantillonnage

La température de l'eau peut être mesurée avec n'importe quel thermomètre électronique ou à liquide en verre standard avec lecture analogique ou numérique. L'utilisation de thermomètres à mercure devrait être évitée pour prévenir le rejet possible de mercure en cas de bris du thermomètre (APHA et coll., 2017). Des instruments sont disponibles pour la mesure de la température à l'aide d'applications en ligne sur le traitement de l'eau.

Les spécifications de température s'appliquent à divers paramètres pour que l'échantillon soit représentatif (p. ex., au moment du prélèvement, ainsi que pendant le transport et l'entreposage de l'échantillon). les responsables de systèmes d'approvisionnement en eau potable devraient confirmer les spécifications de température avec le laboratoire concernant les paramètres de leurs plans de surveillance. Il existe des dispositifs commerciaux pour vérifier que les spécifications de température sont respectées pendant le transport et l'entreposage des échantillons. Pendant les mois d'été et d'hiver, des étapes supplémentaires peuvent être nécessaires pour que la température optimale des échantillons soit maintenue pendant le transport.

La température peut également être un facteur important à prendre en considération lors de l'établissement des fréquences d'échantillonnage. Par exemple, une température de l'eau brute de 20 °C peut déclencher une surveillance des cyanobactéries et/ou de leurs toxines. Une température de l'eau du réseau de distribution de 15 °C peut entraîner une augmentation de la fréquence d'échantillonnage qui passerait d'hebdomadaire à quotidienne pour certains paramètres.

4. Efficacité des procédés de traitement

Afin de s'assurer que les recommandations sont réalisables, les RQEPC comprennent de l'information sur les technologies de traitement efficaces. La température influe dans une certaine mesure sur tous les procédés de traitement physique, chimique et biologique, notamment la désinfection, la coagulation, la sédimentation, la filtration, le strippage à l'air et le contrôle de la corrosion. Il est donc important de connaître les tendances saisonnières. Des modifications de procédés ou des procédés supplémentaires peuvent être nécessaires pour gérer les répercussions de la température et traiter efficacement l'eau tout au long de l'année.

L'efficacité d'un processus de traitement dépendra à la fois de la qualité de l'eau propre à la source d'eau brute et de l'objectif de traitement. Par conséquent, il est recommandé de mener des études de traitabilité propres à la source d'eau brute, dont des essais en laboratoire et/ou des essais pilotes, afin de déterminer les options de traitement les plus efficaces et d'évaluer les conséquences imprévues pour toute la gamme des conditions de l'eau. Les études de traitabilité devraient :

  • être effectuées dans des conditions d'eau froide (< 10 °C) et chaude (> 10 °C);
  • évaluer les répercussions sur la stabilité biologique et chimique du réseau de distribution à l'aide de spécimens de tuyaux prélevés dans le réseau;
  • évaluer les approches visant l'atténuation des réactions négatives observées.

L'absence d'une étude de traitabilité propre à la source d'eau brute peut entraîner :

  • le choix d'un traitement inapproprié;
  • une augmentation de la concentration des sous-produits de désinfection après la mise en œuvre du traitement;
  • une augmentation du potentiel de corrosion à la suite de la mise en œuvre du traitement;
  • une eau biologiquement ou chimiquement instable; ou
  • d'autres conséquences imprévues.

Les produits chimiques utilisés pendant le traitement peuvent également nécessiter des précautions spéciales pour réduire au minimum la formation de sous-produits nocifs. En particulier, les solutions d'hypochlorite devraient être conservées dans un endroit frais et sec, à l'abri de la lumière directe du soleil. Lorsque ces solutions sont stockées à des températures plus élevées, la décomposition chimique de l'hypochlorite s'accélère (p.ex., moins de chlore disponible) et forme du chlorate et du perchlorate. Chaque augmentation de 5 °C de la température de conservation double approximativement le taux de formation de perchlorate. Le bromate est également présent dans ces solutions. La baisse du chlore disponible nécessite une augmentation de la dose pour maintenir les cibles de désinfection. Cela se traduit par des concentrations plus élevées de bromate, de chlorate et de perchlorate dans l'eau traitée. La norme B300 de l'ANSI/AWWA recommande un programme de vérification qui permettra de confirmer que les produits chimiques de traitement de l'hypochlorite respectent les spécifications, en particulier pour le chlore disponible.

5. Qualité de l'eau du réseau de distribution

La température de l'eau peut changer à mesure que l'eau circule dans le vaste réseau de conduites, de vannes, de bouches d'incendie et d'installations de stockage qui composent le réseau de distribution. Les responsables de systèmes d'approvisionnement en eau potable devraient donc élaborer une stratégie pour comprendre et gérer ces changements. Une stratégie comprend généralement une surveillance opérationnelle pour évaluer les tendances dans le but de prévenir ou de corriger les problèmes de qualité de l'eau. Parmi les pratiques exemplaires de gestion des effets de la température mentionnées dans les RQEPC, mentionnons l'optimisation des taux de roulement des installations de stockage et l'installation de mélangeurs pour prévenir la stratification thermique. D'autres éléments importants comprennent le maintien de conditions de qualité biologique et chimique de l'eau stables et la réduction au minimum des perturbations physiques et hydrauliques.

Il est important de noter qu'un réseau de distribution ayant une durée de résidence de sept jours et une température de > 15 °C nécessitera probablement une stratégie de gestion différente de celle d'un réseau ayant une durée de résidence de trois jours et une température de < 15 °C. Surveiller la température de l'eau dans le réseau de distribution est utile pour comprendre les tendances générales de la qualité de l'eau; établir des relations avec d'autres paramètres (p. ex., désinfectant résiduel) et élaborer des stratégies de gestion appropriées.

6. Systèmes de plomberie résidentiels et d'immeubles

Les responsables de systèmes d'approvisionnement en eau potable devraient avoir des programmes d'éducation et de sensibilisation pour sensibiliser les consommateurs à la façon dont la qualité de l'eau peut se détériorer dans les systèmes de plomberie résidentiels et d'immeubles. Les éléments clés comprennent le maintien de la température des systèmes d'eau chaude et froide en dehors de la plage idéale de croissance des microorganismes (c.-à-d. eau froide < 20 °C et eau chaude > 60 °C).

7. Stratégies de gestion

Comme la température est un paramètre critique liés à plusieurs aspects de l'eau potable, les responsables de systèmes d'approvisionnement en eau potable devraient s'efforcer de gérer adéquatement ses effets. Pour ce faire, il faut bien connaître les points suivants :

  • la façon dont la température change de façon saisonnière dans la source d'eau;
  • son influence sur les procédés de traitement de l'eau;
  • la façon dont la température change dans le réseau de distribution;
  • son influence sur la qualité de l'eau au point de consommation (c.-à-d. au robinet);
  • si l'un de ces changements entraîne des problèmes de santé, esthétiques ou opérationnels;
  • les protocoles opérationnels et de gestion nécessaires;
  • les programmes d'éducation et de sensibilisation nécessaires;
  • les plans d'adaptation aux changements climatiques nécessaires.

Étant donné que la température influe sur tous les paramètres de l'eau potable, les responsables de systèmes d'approvisionnement en eau potable devraient élaborer des stratégies de gestion pour les conditions normales d'exploitation, des mesures correctives et des interventions en cas d'incident, et devraient évaluer ses effets lors de la planification des éléments suivants :

  • changer ou introduire une nouvelle source d'eau;
  • changer un procédé de traitement;
  • modifier le réseau de distribution;
  • revoir les plans et protocoles d'échantillonnage.

Les stratégies de gestion seront propres à chaque système, selon sa conception, sa taille et sa complexité, ainsi que les exigences réglementaires. Des rajustements saisonniers pourraient être nécessaires pour que les répercussions de la température soient gérées efficacement tout au long de l'année.

8. Références

APHA/AWWA/WEF (2017). Standard methods for the examination of water and wastewater. 23rd edition. American Public Health Association, American Water Works Association, Water Environment Federation, Washington, DC.

AWWA (2021). Climate action plans-Adaptive management strategies for utilities. Manual of water supply practices-M71. 1st edition. American Water Works Association, Denver, Colorado.

CCME (2004). De la source au robinet : guide d'application de l'approche à barrières multiples pour une eau potable saine / Produit conjointement par le Comité fédéral-provincial-territorial sur l'eau potable et par le Groupe de travail sur la qualité de l'eau du CCME.. Dans Internet : www.ccme.ca/assets/pdf/mba_guidance_doc_f.pdf.

OMS (2009). Plans de gestion de la sécurité sanitaire de l'eau : manuel de gestion des risques par étapes à l'intention des distributeurs d'eau de boisson, Organisation mondiale de la Santé, Genève, Suisse. Dans Internet : https://apps.who.int/iris/handle/10665/75143

OMS (2012). Planifier la gestion de la sécurité sanitaire de l'eau pour l'approvisionnement en eau des petites communautés, Organisation mondiale de la Santé, Genève, Suisse. Dans Internet : https://apps.who.int/iris/handle/10665/258755

OMS (2014). Water safety in distribution systems. Organisation mondiale de la Santé, Genève, Suisse. Dans Internet : https://apps.who.int/iris/handle/10665/204422?locale-attribute=fr& (anglais seulement)

9. Lectures complémentaires

La température est un facteur clé dans la plupart des RQEPC et a des répercussions importantes sur de nombreux aspects liés à l'eau potable (p. ex., traitement, distribution, protocoles d'échantillonnage). Il est recommandé que les lecteurs consultent la recommandation ou le document de conseils pour obtenir des renseignements précis sur un paramètre d'intérêt. Les lecteurs peuvent trouver des recommandations et des documents de conseils sur le site Web Qualité de l'eau - Rapports et publications.

Annexe A - Liste des abréviations

ANSI American National Standards Institute

AWWA American Water Works Association

RQEPC Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada

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