Répercussions psychosociales : Préparation du Canada en cas de grippe pandémique : Guide de planification pour le secteur de la santé

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Répercussions psychosociales de la pandémie d'influenza (Document PDF - 584  ko - 30 pages)

Répercussions psychosociales de la pandémie d'influenza

Date de la dernière version : 14 mai 2009

Résumé des changements importants :

  • Cette annexe décrit un cadre de planification proposé pour faire face aux répercussions psychosociales d'une pandémie d'influenza ou d'une urgence de grande envergure en santé publique.
  • Cette annexe énumère les principales activités à entreprendre pour prévenir/atténuer les conséquences psychosociales d'une pandémie d'influenza, s'y préparer, intervenir et s'en remettre.
  • Cette annexe ne prescrit pas de structure; elle se fonde plutôt sur la prémisse que les activités seront entreprises conformément aux structures et modalités organisationnelles locales.

Table des matières

  • 1.0 INTRODUCTION
  • 2.0 Planification psychosociale
    • 2.1 Principales étapes de la planification
    • 2.2 Étapes de planification pour chaque phase*
    • 2.2.1 Phases 1-3. Objectif : Élaborer, mettre à l'essai et mettre à jour des plans de préparation et d'intervention psychosociales, renforcer la capacité/résilience, établir une communication avec les partenaires et effectuer une évaluation et un contrôle
    • 2.2.2 Phase 4. Objectif : Poursuivre la planification des mesures de préparation, établir une communication avec les partenaires et effectuer une évaluation et un contrôle
    • 2.2.3 Phase 5. Objectif : Communiquer avec les partenaires, mettre en branle les stratégies de préparation et de développement de la résilience, effectuer une évaluation et un contrôle
    • 2.2.4 Phase 6. Objectif : Atténuer le stress aigu, diffuser l'information et mettre en oeuvre des plans de développement de la résilience professionnelle et sociale
    • 2.2.5 Après le pic (deuxième vague ou vague subséquente). Objectif : Exercer une surveillance et effectuer une évaluation continue, atténuer le stress chronique et la réaction de deuil compliqué, réviser les stratégies, au besoin
    • 2.2.6 Période post pandémique. Objectif : Appuyer le rétablissement à court et à long terme, estimer et évaluer (leçons tirées)
  • 3.0 Intervention s psychosociales
    • 3.1 Répercussions sur la santé mentale et comportementale
    • 3.2 Diversité et dimensions de la vulnérabilité
    • 3.2.1 Sexe
    • 3.2.2 Marginalisation économique
    • 3.2.3 Marginalisation sociale
    • 3.2.4 Déficiences physiques et intellectuelles, besoins médicaux, psychiatriques et en santé mentale
    • 3.2.5 Besoins spéciaux sur le plan linguistique ou de la communication
    • 3.2.6 Âge
    • 3.2.7 Dispensateurs de soins
    • 3.2.8 Groupes professionnels
    • 3.2.9 Dispensateurs uniques de soins de santé ou de services sociaux
    • 3.3 Coordination et satisfaction des besoins fondamentaux
    • 3.4 S ensibilisation du public, éducation et relations avec les médias
    • 3.5 Normalisation de la vie quotidienne
    • 3.6 Éducation et formation du personnel
    • 3.7 Programmes de gestion du stress
    • 3.8 Liens entre la communication, l'information et le stress
    • 3.9 Premiers soins psychologiques
    • 3.10 Programme de développement de la résilience professionnelle
    • 3.10.1 Principaux éléments des programmes de développement de la résilience professionnelle
    • 3.10.2 Suggestions pour venir en aide aux travailleurs
    • 3.11 S outien aux familles et aux collectivités
    • 3.11.1 Stratégies de soutien psychosocial à la collectivité
    • 3.11.2 Stratégies axées sur la collectivité pour améliorer la résilience
    • 3.12 S outien en cas de deuil
    • 3.13 Évaluation, triage et aiguillage
    • 3.13.1 Objectifs de l'évaluation psychosociale
    • 3.13.2 Stratégies d'évaluation psychosociale
    • 3.13.3 Triage, dépistage et aiguillage liés aux problèmes psychosociaux
  • Références
  • Annexe A : Répercussions psychosoci ales et planification de la pandémie
  • Annexe B : Questions psychosociales touchant les travailleurs des services essentiels
  • Annexe C : Conseils pour la planification de la communication psychosociale
  • Annexe D : Ressources sur Intern et pour la planification
  • Annexe E : Conseils pour associer la planification psychosociale à la gestion des urgences
  • Annexe F : Liste de contrôle de la planification psychosociale

1.0 Introduction

Le présent document propose un cadre de planification pour faire face aux répercussions psychosociales d'une pandémie d'influenza ou d'une urgence de grande envergure en santé publique et est destiné, entre autres, aux planificateurs oeuvrant aux divers paliers de gouvernement et aux organisations non gouvernementales.

D'entrée de jeu, nous expliquons pourquoi il est nécessaire de jeter un éclairage psychosocial sur la planification en prévision d'une pandémie d'influenza, puis nous décrivons les principaux éléments de l'évaluation de la planification d'urgence en santé psychosociale, de l'identification des personnes/populations vulnérables, de l'élaboration et de la mise en oeuvre de services de soutien, de l'évaluation et de la modification des programmes et soulignons la nécessité d'une communication et d'un échange d'information intégrés et rapides au sein de tous les ordres de gouvernement, des organisations non gouvernementales, de la population et des médias.

Le cadre de planification proposé décrit en détail les activités pour chaque phase de la pandémie. Ces dernières se fondent sur les dernières recherches sur les dimensions psychosociales des catastrophes, notamment les leçons tirées de l'épidémie de syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS ) en 2003, les mesures de santé publique prises lors des incidents d'exposition au charbon en 2001 et sur le consensus professionnel touchant les pratiques exemplaires pour l'intervention psychosociale à la suite d'une catastrophe.

L'ampleur et la nature des plans précis élaborés à l'aide de ce cadre varieront et tiendront compte de l'éventail des rôles, responsabilités et ressources dans le domaine de la planification qui existent chez les partenaires en planification en vue d'une pandémie à tous les échelons de gouvernement.

La planification psychosociale porte sur un large éventail d'aspects (p. ex., résilience professionnelle, santé et maladies mentales, cohésion sociale, confiance de la population) et mobilise tous les paliers de gouvernement et de nombreux partenaires. Pour bien planifier les mesures psychosociales en cas de pandémie, une coordination et une collaboration sont nécessaires entre de multiples systèmes si l'on veut que les plans améliorent véritablement la capacité d'intervention du Canada en cas de pandémie. Ce processus risque donc de nécessiter des efforts importants et additionnels de la part des responsables de la planification au sein des systèmes de santé, de santé mentale et des autres systèmes de services sociaux, ce qui sera particulièrement difficile pour les organisations ou les collectivités qui disposent de peu de ressources ou ont un accès limité à des ressources pour la planification (humaines, financières, matérielles), p. ex. en milieu rural, en milieu éloigné ou géographiquement dispersé). Le fait de ne pas tenir compte des aspects psychosociaux de la planification en prévision d'une pandémie pourrait cependant avoir un effet domino, torpillant la capacité générale d'intervention du pays, exacerbant d'autres problèmes liés à la pandémie (p. ex., ralentissements économiques, pénuries de main-d'oeuvre) et minant la viabilité et la continuité des activités économiques et communautaires à court et à long terme.

Impact prévu sur le système de santé canadien évalué à l’aide des taux d’attaque et du logiciel FluAid des CDC aux é. U. : (ASPC)

  • de 4,5 à 10,6 millions de Canadiens deviendraient malades (cliniquement) et seraient incapables d’effectuer leur travail ou d’autres activités pendant au moins 0,5 jour;
  • de 2,1 à 5,0 millions de personnes auraient besoin de soins en consultation externe;
  • de 34 000 à 138 000 personnes devraient être hospitalisés et se rétablir, et il y aurait de 11 000 à 58 000 décès, les hospitalisations et les décès survenant en un laps de temps relativement court (de 6 à 8 mois) – vagues pandémiques.

Selon les estimations, le nombre de personnes qui s’absenteraient du travail parce qu’elles sont malades ou doivent dispenser des soins varierait entre 10 % et 25 % de la population (US Department of Health and Human Services, 2005; Agence de la santé publique du Canada et ministère des Finances du Canada). En 1999 l’impact économique des effets directs ou indirects sur la santé; il était estimé entre 10 et 24 milliards $CAN et n’incluait pas d’autres répercussions sociales (p. ex., tourisme, commerce). Les taux annuels d’utilisation des soins de santé entre une pandémie et durant une année de pandémie ont été comparés à l’aide de données canadiennes (Alberta) :

  • 3,7 fois plus de consultations externes;
  • 3,9 fois plus d’hospitalisations;
  • 8,2 fois plus de décèsNote de bas de page 1.

1.1 Justification : L'importance de la planification psychosociale en prévision d'une pandémie d'influenza

Les conséquences d'une pandémie d'influenza peuvent grandement dépasser celles associées à tout autre type de catastrophe vécue jusqu'à maintenant. En plus de présenter une menace physique pour la santé, les conséquences secondaires d'une pandémie d'influenza seront considérables. La maladie, la mort, les responsabilités relatives à la prestation de soins et la peur de l'infection exerceront des pressions extrêmes sur le système de santé et contribueront aux pénuries soudaines et importantes de personnel et de ressources dans tous les secteurs. Les taux élevés d'absentéisme, les mesures de santé publique et les craintes suscitées par l'infection peuvent entraîner une perturbation de bon nombre des activités commerciales normales, entraînant des ralentissements économiques importants, en particulier dans le secteur du tourisme et d'autres industries de services connexes. Parfois durant de longues périodes et à plusieurs reprises, certains membres de la collectivité ne pourront pas fréquenter l'école, travailler et participer à de nombreuses activités de loisir, pendant qu'ils doivent composer avec l'incertitude constante associée à cette menace et la douleur d'avoir perdu des amis, des parents et des collègues.

Bien que les catastrophes puissent souvent avoir des répercussions secondaires positives, particulièrement durant la période d'intervention et la période immédiate de rétablissement (p. ex., accroissement de l'altruisme, du bénévolat, du sentiment de cohésion sociale), les mesures de santé publique (p. ex., stratégies d'isolement social) et le fait que la pandémie se prolonge et soit très étendue peuvent affaiblir ce potentiel et exacerber les divisions sociales et les troubles, qui sont aussi fréquents au lendemain des catastrophesNote de bas de page 2. Les multiples répercussions secondaires de la pandémie de même que les répercussions primaires (médicales) ont de sérieuses conséquences sur le bien-être psychologique, affectif, comportemental ou psychosocial des individus et des collectivités.

Dans une étude portant sur la façon dont les Américains pourraient réagir à une éclosion de variole, environ 40 % des répondants ont indiqué qu’ils ne se feraient pas vacciner même si la vaccination était imposée. L’adoption et l’application des mesures de santé publique durant une urgence sanitaire ne peuvent être tenues pour acquises – la compréhension des conséquences comportementales d’une pandémie n’est pas seulement un aspect critique des efforts visant à appuyer la résilience sociale et individuelle, elle a aussi des répercussions sur la capacité des gouvernements de mettre en place des stratégies de santé publique et d’intervention d’urgence. Source : Redefining Readiness Study

On n’a qu’à parcourir les études publiées sur l’épidémie de SRAS en 2003 pour comprendre l’importance critique de la planification psychosociale. L’analyse de l’impact psychosocial à long terme du SRAS sur les travailleurs de la santé (TS) met en évidence une augmentation importante des taux d’épuisement professionnel, de détresse psychologique, de stress post-traumatique et de modification de comportement (p. ex., réduction des contacts avec les patients et des heures de travail) chez les TS à l’emploi des hôpitaux qui ont traité les victimes du SRAS comparativement à ceux qui ont oeuvré dans d’autres hôpitauxNote de bas de page 3.

Le SRAS a également provoqué des bouleversements économiques et sociaux disproportionnés, compte tenu des taux relativement limités d’infection (environ 10 000 cas dans le monde) et de mortalité (environ 1 000 décès dans le monde)Note de bas de page 4. L’impact macroéconomique global, par exemple, est estimé entre 30 et 100 milliards de dollarsNote de bas de page 5. De même, les études des incidents de contamination par le charbon aux états-Unis (é. U.), en 2001, indiquent que la capacité d’intervention du réseau de santé publique américain (p. ex., US Centres for Disease Control and Prevention [CDC], services de santé publique) était plutôt « frêle » et « soumise à une grande pression » par un incident qui s’est soldé par seulement 22 cas réelsNote de bas de page 6 et par la prescription d’antibiotiques à un nombre de personnes qui dépassait le nombre de cas réels par un facteur de plus de 1 300Note de bas de page 7. On s’attend de même à ce que le bilan psychosocial d’une pandémie dépasse de loin le bilan médical, pourtant considérable. Voici certaines des répercussions psychosociales au niveau des individus et des familles :

  • difficultés financières et affectives associées à des ralentissements économiques de courte et peut être de longue durée et aux problèmes d’emploi (p. ex., perte d’emploi, sous emploi, pénuries de travailleurs);
  • augmentation de l’incidence des problèmes de santé mentale (p. ex., stress, peur, anxiété, dépression, deuil complexe);
  • intensification du rôle et du fardeau affectif assumés par certains membres de la famille (p. ex., prestation de plus de soins aux enfants et aux personnes âgées, difficulté d’accès aux soins de santé et aux biens matériels, perte de revenu);
  • augmentation de la violence familiale, des toxicomanies et d’autres comportements antisociaux par suite de l’amplification du stress et de la diminution du soutien et des ressources;
  • problèmes professionnels, notamment rôle trop lourd et/ou surcharge de travail, stress associé à des rôles, des responsabilités et des lieux de travail non habituels;
  • difficultés sociales, notamment exacerbation et renforcement mutuel de l’incertitude et de la peur, augmentation des querelles associées à des tensions intra communautaires;
  • détérioration à cause de la peur de l’infection et des mesures de distanciation sociale, des réseaux de soutien social, des coutumes sociales et des mécanismes de soutien communautaire (p. ex., bénévolat, groupes sportifs et culturels) associés à un sentiment d’appartenance et à la résilience aux niveaux individuel et communautaire;
  • intensification du stress, de la peur, de l'anxiété découlant de la stigmatisation et de l'exclusion sociale;
  • problèmes affectifs et comportementaux associés à une perturbation des activités courantes;
  • augmentation du stress et de la détresse découlant des différences réelles ou perçues dans l'accès au soutien psychosocial et aux autres ressources sanitaires en fonction de la géographie; formes de marginalisation sociale, économique et autres; divers facteurs individuels (p. ex., capacité, sexe, problèmes de santé préexistants).

Bien que les gouvernements et les systèmes de santé dans le monde aient consacré des ressources importantes à la planification de la lutte contre la pandémie d’influenza, une très petite part de cette activité a porté sur la gestion, l’atténuation des problèmes psychosociaux et les mesures pour y faire face. S’il est vrai que la planification psychosociale en prévision d’une pandémie peut exiger des ressources additionnelles des planificateurs qui ont déjà de la difficulté à faire face aux besoins, le fait de ne pas tenir compte de ces problèmes pourrait avoir un effet domino qui torpillerait les plans existants. Si on ne les prend pas en considération, les réactions psychosociales des individus et des familles au stress affectif et psychologique prolongé et omniprésent associé à une pandémie peuvent miner toute la capacité d’intervention du Canada pour faire face à la pandémie. Les personnes qui se sentent mal appuyées ou accablées par le stress ou la douleur peuvent être moins disposées à respecter les mesures de santé publique. Les problèmes psychologiques et affectifs non réglés peuvent engendrer des comportements (p. ex., fréquentation accrue des établissements de santé, refus de travailler) qui exacerbent d’autres problèmes associés à la pandémie (p. ex., ralentissements économiques, pénuries de main-d’oeuvre) et compromettent la viabilité et la continuité économiques et communautaires à court et à long terme.

Une stratégie globale et multidimensionnelle pour répondre psychosocialement aux réactions affectives, psychologiques et comportementales des gens à une pandémie d’influenza peut atténuer ou prévenir certains de ces effets négatifs et améliorer non seulement la capacité d’intervention du pays mais aussi son rétablissement à long terme. La planification psychosociale en prévision d’une pandémie met l’accent sur l’optimisation de la résilience personnelle et sociale, de la performance au travail et de l’adaption et l’application probable des mesures de santé publique. Pour ce faire, cette planification doit être multisectorielle, holistique et miser sur la collaboration tout en appuyant et en favorisant les alliances avec le système de santé (p. ex., soins médicaux, santé publique, santé mentale, santé des Autochtones) et d’autres systèmes (p. ex., services sociaux) et en intégrant l’expertise des personnes qui fournissent déjà une aide psychosociale et qui oeuvrent dans le domaine de la planification psychosociale en cas de catastrophe. Comme pour toutes les activités de planification d’urgence et en cas de catastrophe, le processus de planification est tout aussi important, sinon plus, que le plan dont il en résulte. Pour être efficace, la capacité d’intervention d’urgence doit compter sur la qualité des relations établies (p. ex., sentiment de confiance, coopération et collaboration) et la contribution des personnes directement et indirectement touchées et visées par les plans.

La prise en compte des impacts psychosociaux d’une pandémie s’apparente étroitement à la pratique de la communication du risque. La communication du risque consiste à produire, à échanger et à diffuser des renseignements adéquats pour permettre aux autorités responsables de gérer les situations à risque et aux personnes intéressées (celles qui sont à risque ou qui se perçoivent comme étant à risque) de prendre des décisions éclairées. Elle vise à faciliter le dialogue et l’échange de renseignements essentiels entre les intéressés et les autorités. Cette mesure de santé publique peut être vitale parce qu’elle préconise la préparation de stratégies de communication et d’atténuation du risque qui s’inspirent des réalités sociales, culturelles et politiques propres à la situation. L’atténuation des impacts psychosociaux d’une urgence en santé publique est donc un des effets clés d’une communication efficace du risque.

1.2 Hypothèses pour la planification psychosociale en prévision d'une pandémie d'influenza

Le Plan canadien de lutte contre la pandémie d'influenza (PCLCPI) se fonde sur une série d'hypothèses de planification décrites précédemment dans le Plan. Bien que les meilleures pratiques de planification dans le domaine de la gestion d'urgence mettent en général l'accent sur l'approche tous risques, on reconnaît maintenant que la planification en prévision d'une pandémie d'influenza et d'autres catastrophes de grande envergure en santé publique (p. ex., attentat terroriste impliquant des agents chimiques, biologiques, nucléaires, radiologiques ou explosifs) comporte des difficultés particulières (p. ex., infrastructure intacte mais taux élevés d'absentéisme et crise de longue durée).

Les hypothèses de planification sur lesquelles se base le présent cadre découlent d'un consensus qui règne actuellement parmi les professionnels concernant la réaction humaine à un stress extrême et à des urgences de grande envergure. Elles reconnaissent également qu'une stratégie psychosociale efficace requiert une réponse adaptée au contexteNote de bas de page * qui tient compte de l'influence des facteurs sociaux, culturels, économiques et personnelsNote de bas de page 8, ainsi qu'une analyse des répercussions psychosociales issues des hypothèses de planification sur lesquelles repose le cadre du PCLCPI. Par exemple, le PCLCPI s'appuie sur l'hypothèse qu'une dose standard d'antiviral pourra être administrée à tous ceux qui ont besoin d'un traitement précoce. Sur le plan psychosocial, cette hypothèse a comme effet général de rassurer et de maintenir la confiance en l'équité et l'efficacité des mesures prises par le gouvernement pour lutter contre les premiers problèmes associés à une pandémie d'influenza.

Cependant si la dose requise doit être accrue, il n'est pas certain que ce type d'accès universel sera possible aux premiers stades d'une épidémie. La façon dont les décisions sont prises quant à l'ordre de priorité dans ce scénario et la manière dont cette information est communiquée aux travailleurs de la santé et à la population déclencheront d'autres réactions psychosociales. De même, on suppose que la demande de ressources et d'installations sanitaires sera telle que celles ci ne seront pas accessibles à tous, ce qui nécessitera l'établissement d'un ordre de priorité pour les stratégies de traitement. L'un ou l'autre de ces scénarios peuvent entraîner plusieurs réponses :

  • comportements de peur et basés sur la peur (p. ex., utilisation accrue des hôpitaux, colère à l'endroit de ceux qui ont reçu des médicaments);
  • intensification du stress moral et de l'anxiété chez les responsables chargés de prendre et de mettre en oeuvre les décisions concernant l'ordre de priorité des traitements;
  • stigmatisation possible de ces décideurs ou des personnes perçues comme ayant un accès privilégié aux traitements et/ou aux médicaments;
  • augmentation de la peur, de l'anxiété, de la colère et présence possible de tristesse chez ceux qui perçoivent les inégalités et/ou qui perdent des êtres chers par suite de telles décisions thérapeutiques;
  • diminution de la confiance de la population qui mine l'adoption et l'application d'autres mesures d'urgence ou de santé publique. [Voir l'annexe A, qui donne un aperçu des autres répercussions psychosociales issues des principales hypothèses de planification en prévision d'une pandémie].

Une planification psychosociale efficace prévoirait ces réponses possibles et établirait des plans en conséquence grâce aux moyens suivants :

  • éducation de la population et formation du personnel;
  • prise en compte non seulement du contenu des communications destinées à la population mais également du processus de communication (comment, qui et à qui);
  • élaboration et mise en oeuvre de stratégies pour aider les travailleurs et la population à gérer de façon plus efficace leur stress et leur peur ainsi que les émotions et les comportements des autres.

En plus de tenir compte des répercussions psychosociales issues d’autres hypothèses de planification en vue d’une pandémie, le présent cadre se fonde sur des hypothèses psychosociales précises, notamment :

  • Les conséquences affectives, comportementales et sociales (psychosociales) d'une pandémie d'influenza seront très répandues, vu que le taux d'attaque clinique devrait se situer, selon les estimations, entre 15 % et 35 % de la population, les taux d'absentéisme prévus variant entre 10 % et 25 % durant les périodes pandémiques de pointe;
  • Nouvelle menace « invisible » de longue durée (p. ex., plusieurs vagues d'infection sur une période de 12 à 18 mois), la pandémie d'influenza engendrera beaucoup d'incertitude, d'anxiété et de stress, entraînant ainsi une exposition prolongée à un stress extraordinaire et chronique. L'ampleur du « bilan » psychosocial d'une catastrophe dépasse souvent de loin le bilan « médical » Note de bas de page 7;
  • L'exposition à un stress extrême et/ou prolongé risque de compromettre de façon importante l'immunité, la guérison et le rétablissement et la santé en général et/ou d'aggraver les maladies existantes. Un tel stress est un facteur de risque de problèmes de santé physique, mentale et sociale et est associé à divers troubles physiques (p. ex., maladies du coeur), à des maladies chroniques, à des problèmes de santé psychosociale (p. ex., stress post traumatique, dépression, anxiété, toxicomanies, violence familiale);
  • Les personnes sont en général résilientes et ont développé des mécanismes individuels pour faire face au stress qui sont plus ou moins efficaces et tiennent compte de leur accès plus ou moins grand à des ressources (p. ex., ressources affectives, cognitives et personnelles; réseaux de soutien social; ressources économiques et matérielles). Par définition, les catastrophes, même si elles ne les dépouillent pas de ces ressources, peuvent les accabler par leur force. Le caractère nouveau et prolongé des difficultés inhérentes à une pandémie risque de dépasser la capacité de certaines personnes et/ou de certains groupes de réagir efficacement;
  • Le fait de partager une expérience commune peut accroître le sentiment d'appartenance, la réciprocité et le soutien mais peut également exacerber les sentiments de détresse, d'impuissance et les autres émotions difficiles et contribuer à l'impression d'être dépassé par les événements;
  • Les conséquences psychosociales seront de gravité et de durée variées et comprendront notamment :
    • une augmentation du taux d'incidence de troubles psychiatriques et/ou une exacerbation de troubles psychiatriques préexistants (p. ex., dépression, anxiété et toxicomanies);
    • des comportements dictés par la peur et une difficulté à prendre des décisions;
    • une altération des fonctions cognitives, sociales et familiales;
    • une diminution de la performance au travail et à l'école.
  • N'importe laquelle de ces conséquences psychosociales, y compris n'importe quel trouble psychiatrique/psychologique peut apparaître :
    • chez les personnes qui ne sont pas physiquement ou médicalement touchées par l'influenza;
    • chez les personnes qui souffrent d'une maladie ou d'une blessure concomitante ou qui réagissent à la présence d'une blessure ou d'une maladie chez quelqu'un d'autre;
    • en réponse à des conséquences sociales, économiques et d’autres conséquences secondaires d’une pandémie.
  • L’élaboration d’un plan complet de soutien psychosocial et l’institutionnalisation de programmes de résilience professionnelle et sociale atténueront la gravité des conséquences psychosociales indésirables de la pandémie;
  • Les taux d’absentéisme peuvent influer sur les activités de planification et d’intervention psychosociales;
  • Pour s’assurer que le soutien psychosocial est efficace, il faut comprendre que les connaissances donnent du pouvoir et constituent un élément critique de la réduction du stress. Dans les processus de décision, une approche efficace de la communication du risque tient compte des valeurs des personnes dans les processus de prise de décisions et adapte les stratégies de communication (contenu et processus) à leurs perceptions et à leur compréhension du risque. Cette approche repose sur le principe que la transparence accroît la confiance, le sentiment d’avoir du pouvoir et facilite la coopération lors de la mise en oeuvre des mesures de lutte contre la pandémie et des stratégies de rétablissement;
  • Un soutien psychosocial efficace est basé sur la compréhension que les individus et les collectivités ont des capacités, des besoins et des vulnérabilités uniques et qu’il est nécessaire de faire preuve d’une certaine créativité et de souplesse dans la mise sur pied et la prestation de services. Une intervention psychosociale efficace repose sur des pratiques fondées sur des preuves et la participation des personnes qui ont une expérience en première ligne de la planification et de la prestation de services de l’intervention en cas de catastrophe psychosociale...

* Pour une description complète des lignes directrices opérationnelles relatives au soutien psychosocial dans les urgences de grande envergure et autres, voir : SeynaeveNote de bas de page8.

1.3 Objectifs de la planification psychosociale en vue d’une pandémie d’influenza

Le premier objectif d'une intervention psychosociale à la suite d'une catastrophe ou d'une urgence en santé publique est de rétablir et d'accroître la capacité des personnes de reprendre leur vie en comblant leurs besoins sociaux, affectifs, psychologiques et physiques. On soutiendra et renforcera entre autres les systèmes sociaux (p. ex., réseaux de soutien social) et aidera les personnes à retrouver un sentiment de maîtrise, à réduire leur tension psychologique, à gérer efficacement le stress et à améliorer leurs stratégies d'adaptation. Un certain nombre d'objectifs particuliers sont visés :

  • Protéger et promouvoir la résilience et le bien-être psychosociaux;
  • Atténuer, prévenir ou traiter les problèmes de santé mentale et/ou comportementaux qui apparaissent chez les individus lors d'une catastrophe et/ou du processus ultérieur de rétablissement;
  • Maintenir ou rétablir un sentiment de confiance, de compétence, d'efficacité et d'assurance;
  • Maintenir ou accroître la capacité d'adaptation au stress et à la détresse, la capacité de répondre aux effets indésirables d'une catastrophe en suscitant un sentiment d'emprise et de responsabilité sur sa et en orientant les individus vers l'action;
  • Appuyer la volonté et la capacité des travailleurs de continuer à travailler;
  • Accroître l'appui et le respect des autres mesures de santé publique;
  • Appuyer l'élaboration de plans qui comportera une évaluation rapide des besoins psychosociaux, des ressources et des vulnérabilités, notamment l'identification des personnes présentant des vulnérabilités particulières, et une évaluation continue de l'efficacité des programmes et des stratégies de soutien;
  • Augmenter la capacité du Canada d'intervenir efficacement lors des catastrophes et des urgences en
    santé publique.

1.4 Principes de la planification psychosociale

Les lignes directrices pour la planification et la gestion d'une intervention psychosociale en réponse à une pandémie s'inspirent de principes humanitaires centraux (p. ex., valorisation des droits humains et de l'équité). La planification psychosociale devrait faire en sorte que les services de santé mentale, les services psychiatriques et de soutien psychosocial soient disponibles et accessibles de la façon la plus juste possible pour les populations touchées, quels que soient le lieu de travail, la langue et les facteurs individuels (p. ex., sexe, âge, origine ethnique, lieu géographique).

  • Un soutien psychosocial efficace repose sur la valeur fondamentale de la participation et de la nécessité que différents groupes aient une emprise sur les décisions qui touchent leur vie et s'approprient les mesures prises à l'échelle locale. Il faudrait s'efforcer de faire participer au processus de planification des représentants des personnes qui vivent des problèmes particuliers qui les rendent vulnérables (p. ex., réduite mobilité des facultés cognitives, dépendance vis à vis de la dialyse) des interventions ou du matériels médical) ou qui font face à certaines barrières limitant leur accès à l'information et/ou aux ressources ou leur capacité d'agir après avoir reçu cette information (p. ex., sexe, âge, langue, pauvreté, géographie);
  • Les programmes et les interventions devraient exploiter et mobiliser les ressources locales et celles des individus, des familles et des collectivités. Ils devraient appuyer et renforcer les ressources existantes (p. ex., agences des services sociaux, ressources pour le soutien familial, programmes de counseling et de santé mentale) et favoriser leur durabilité;
  • Le soutien et les soins psychosociaux dispensés aux individus et aux collectivités portent sur des questions très délicates, notamment les valeurs culturelles et les compétences, mais on ne dispose pas, un large corpus de données scientifiques qui existe dans certaines autres disciplines. Pour cette raison, les programmes psychosociaux devraient s'inspirer des données de recherche et des leçons tirées d'autres catastrophes et mettre l'accent sur une approche de collaboration concertée qui réduit au minimum les lacunes et le dédoublement inutile des services;
  • Par nature, le soutien psychosocial est multidimensionnel et doit intégrer plusieurs stratégies. Il requiert donc un processus de planification qui mise sur la collaboration et au coordonné et rassembleur. Il devrait tenir compte de la modification dans les rôles, les responsabilités et l'accès aux ressources entre les partenaires et, parallèlement, de la nécessité d'assurer l'uniformité des objectifs de planification et de l'accès au soutien psychosocial et aux ressources;
  • La majorité des personnes touchées qui sollicitent de l'aide veulent obtenir un soutien social, pratique et financier, et non des interventions de counseling ou en santé mentale. Toutefois, les premières mesures entreprises peuvent avoir un effet positif ou négatif sur la santé mentale. Pour qu'une intervention psychosociale en cas de catastrophe et d'une urgence en santé publique soit efficace, il faut adopter une approche intégrée et proactive afin d'atteindre un plus large éventail de personnes, de réduire la stigmatisation associée aux services de santé mentale et de maximiser la durabilité;
  • Le soutien psychosocial prend en considération différents types de besoins, notamment les soins psychosociaux de base, le traitement spécialisé des problèmes de santé mentale et/ou des troubles psychiatriques/psychologiques, le soutien à la famille et à la collectivité, l'éducation et la formation en gestion du stress et les services spécialisés destinés aux intervenants et à la population (p. ex., premiers soins psychologiques);
  • Les plans et les services des programmes psychosociaux devraient être révisés de façon continue afin d'évaluer les effets directs sur la santé et les conséquences indirectes, comme les impacts sociaux et économiques; au besoin, on mettra à jour les plans pour intégrer les améliorations et les recommandations;
  • Une planification et une intervention psychosociales efficaces passent par une définition claire du leadership, des rôles et des responsabilités en ce qui concerne l'orientation et la prestation du soutien psychosocial. De plus, le soutien psychosocial doit être clairement lié et intégré aux autres fonctions associées aux urgences médicales et aux urgences en santé publique.

Références

Certains de ces hyperliens donnent accès à des sites d'un organisme qui n'est pas assujetti à la Loi sur les langues officielles. L'information qui s'y trouve est donc dans la langue du site.

Lectures supplémentaires

Paul M. Darby. The Economic Impact of SA RS. Special Briefing. Conference Board of Canada. 2003.

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Norris FH. Range, magnitude, and duration of the effects of disasters on mental health: review update, 2005. Hanover, NJ: Dartmouth College (Dartmouth Medical School and National Center for PTSD). Consulté le 22 janv. 2008.

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Organisation mondiale de la Santé (2003). Rapport sur la santé dans le monde, 2003 - façonner l'avenir. Chapitre 5. SRAS : les leçons tirées d'une nouvelle maladie. Consulté le 2 juin 2003.

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