ARCHIVÉ - Recommandations Relatives au Programme de Vaccination Contre le Virus du Papillome

 

11. Recommandations du CCI

Ces recommandations constituent la première déclaration du CCI relativement à l'utilisation du vaccin quadrivalent contre le VPH homologué au Canada depuis juillet 2006. Elles se fondent sur l'épidémiologie du VPH, les caractéristiques du vaccin, les modèles de la maladie au Canada et une analyse économique, et elles tiennent compte de la faisabilité et de l'acceptabilité des programmes de vaccination contre le VPH. On ne dispose actuellement d'aucune donnée épidémiologique précise sur l'incidence générale des condylomes anogénitaux. Il n'y a pas non plus de données sur l'efficacité des vaccins contre le VPH chez les hommes; pour le moment, le programme de vaccination contre le VPH est donc recommandé pour les femmes afin de prévenir uniquement le cancer du col utérin. Les recommandations seront révisées et mises à jour au besoin, pour tenir compte des nouvelles connaissances concernant le vaccin. Un tableau résumant les recommandations est joint à l'Annexe 5.

11.1 Objectifs

Réduire la morbidité et la mortalité associées au cancer du col utérin, à ses états précurseurs et à d'autres cancers liés au VPH chez les Canadiennes en combinant des programmes de prévention primaire (immunisation) et de prévention secondaire (dépistage).

11.2 Recommandations du CCI/Groupe de travail du CCNI pour la réduction de l'incidence de la maladie

  1. Réduire de 60 %* l'incidence des CIN 2/3 causées par les VPH 16 et 18 au Canada dans les 20 années suivant l'introduction d'un programme de vaccination contre le VPH**.
  2. Réduire de 60 %* l'incidence des cancers du col utérin (et d'autres cancers liés au VPH) causés par les VPH 16 et 18 au Canada dans les 30 années suivant l'introduction d'un programme de vaccination contre le VPH**. * Ces recommandations reposent sur les hypothèses suivantes : Un taux d'efficacité du vaccin d'au moins 95 %, une couverture d'au moins 85 % chez les filles de 11 ans, 80 % chez les filles de 14 ans et 75 % chez les filles de 17 ans; Le vaccin confère une immunité pour toute la vie. ** La vaccination n'élimine pas la nécessité de mettre pleinement en œuvre des programmes organisés de dépistage du cancer du col utérin.
  3. Réduire de 60 % la mortalité associée au cancer du col utérin causé par les VPH 16 et 18 au Canada dans les 35 années suivant l'introduction d'un programme de vaccination contre le VPH***. *** Cette recommandation repose sur les hypothèses suivantes : Il y a un laps de temps entre le diagnostic du cancer du col utérin et la date du décès pris comme résultat; En général, le résultat des mesures de traitement du cancer du col utérin (chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie) est connu dans les 5 années suivant le diagnostic(85).

11.3 Recommandations du CCI/Groupe de travail du CCNI concernant les stratégies et programmes de vaccination contre le VPH

Un certain nombre de modèles ont été élaborés pour prédire l'impact à long terme de diverses stratégies d'immunisation et estimer le rapport coûts avantages (voir l'Annexe 4 pour un aperçu des données pharmacoéconomiques à l'appui des recommandations du CCI/CCNI). On s'attend à ce que les vaccins préviennent de 15 à 93 % des cas de cancer du col utérin, de 46 à 66 % des lésions de haut grade et de 20 à 30 % des lésions de bas grade. La durée de la protection est le facteur qui influe le plus sur l'impact de la vaccination. Une bonne partie des bienfaits potentiels pourrait être perdue si l'efficacité du vaccin diminue avec le temps et si le vaccin ne fait simplement que retarder l'apparition du cancer. Il est donc nécessaire de mettre en place des méthodes d'évaluation spécifiques pour mesurer si l'efficacité persiste et d'élaborer des stratégies à l'intention des femmes vaccinées afin de leur offrir des doses de rappel au besoin.

Principes sous tendant les recommandations :

  • Les vaccins contre le VPH sont très immunogènes et produisent des titres d'anticorps beaucoup plus élevés que ceux conférés par l'infection naturelle(13,15).
  • Les vaccins sont bénéfiques pour toutes les jeunes femmes âgées de 9 à 26 ans. À cause de leur coût élevé, toutefois, il faut rechercher une efficacité d'utilisation optimale, c'est à dire maximiser les bienfaits apportés par les ressources consommées;
  • Pour obtenir une efficacité maximale, il est préférable d'administrer les vaccins contre le VPH avant le début de l'activité sexuelle;
  • La réponse immunitaire est particulièrement forte chez les filles de 9 à 11 ans (atteignant des niveaux plus élevés après 2 doses) que chez les jeunes femmes de 16 à 26 ans chez qui l'on a démontré l'efficacité clinique du vaccin(16).
  • Il est préférable d'administrer le vaccin à l'école primaire afin d'obtenir la couverture vaccinale la plus forte à un coût moindre;
  • Le coût par QALY augmente progressivement après l'âge de 14 ans;
  • Dans la mesure du possible, le vaccin contre le VPH peut être administré en même temps que d'autres vaccins (contre l'hépatite B, dcaT) dans le cadre d'un programme existant en milieu scolaire;
  • Le dépistage du cancer du col utérin devra se poursuivre après l'introduction du vaccin contre le VPH vu que le vaccin n'assure une protection que contre certains types de VPH et qu'on a besoin de plus de données sur la durée de la protection et l'effet de la vaccination.

En raison de la forte prévalence de l'infection à VPH, une stratégie de vaccination systématique est privilégiée plutôt que des stratégies visant les groupes à risque élevé, lesquelles ne sont pas efficientes contre le VPH et peuvent être jugées contraires à l'éthique.

11.3.1 Vaccination systématique

Pour réduire la morbidité et la mortalité associées au cancer du col utérin, à ses états précurseurs et à d'autres cancers liés au VPH chez les Canadiennes, le CCI recommande la vaccination contre le VPH d'une cohorte de filles en milieu scolaire dans toutes les provinces et tous les territoires du Canada (option 1). Il recommande notamment ce qui suit :

  1. Administrer à 80 % des filles d'âge scolaire en 4e, 5e, 6e, 7e ou 8e année les doses requises du vaccin contre le VPH dans les deux années suivant l'introduction du programme.
  2. Administrer à 90 % des filles d'âge scolaire en 4e, 5e, 6e, 7e ou 8e année les doses requises du vaccin contre le VPH dans les cinq années suivant l'introduction du programme.

Il faudrait s'efforcer particulièrement d'obtenir une forte couverture vaccinale pour les programmes d'immunisation systématique dans les populations à haut risque et difficiles à atteindre. On pourrait étendre les stratégies de rattrapage à ces populations.

Bien que les possibilités de programme initiales qui ont été examinées concernaient les filles d'âge scolaire en 4e, 5e, 6e, 7e ou 8e année, des modèles canadiens de la maladie et une analyse économique ont montré que la vaccination de la cohorte de filles en 8e année constituait également une stratégie rentable. La cohorte des élèves de 8e année a donc été incluse dans la recommandation pour la vaccination systématique. Les provinces et territoires devraient tenir compte des caractéristiques de leur population, telles que l'âge lors des premières relations sexuelles, et de la capacité d'atteindre les filles de différents âges, lorsqu'ils prennent des décisions relatives à leurs programmes d'immunisation systématique.

11.3.2 Immunisation de rattrapage

Voici quelques options que peuvent examiner les provinces ou territoires qui songent à des programmes de rattrapage. Le tableau qui suit résume les avantages et les inconvénients de diverses options pour la vaccination de rattrapage par rapport à un programme de vaccination systématique destiné aux élèves d'une seule année.

Tableau 4: Avantages et inconvénients de différents programmes publics de vaccination de rattrapage contre le VPH comparativement à un programme de vaccination systématique destiné aux élèves d'une seule année

Critères

Programme systématique (sans rattrapage)

Option 1
Programme systématique + une cohorte additionnelle de filles

Option 2
Programme systématique + deux cohortes additionnelles de filles

Option 3
Toutes les femmes de 9 à 26 ans

Impact* Effet retardé sur l'incidence et la prévalence de maladies associées au VPH À moyen terme, impact le plus faible comparativement à d'autres options Effet retardé sur l'incidence et la prévalence de maladies associées au VPH À moyen terme, impact minimal comparativement à d'autres options À court terme, faible impact sur l'incidence et la prévalence de maladies associées au VPH À moyen terme, impact modéré comparativement à d'autres options Effet rapide attendu sur l'incidence et la prévalence des maladies associées au VPH Impact le plus fort comparativement aux autres options
Rentabilité Meilleur rapport coût efficacité comparativement à d'autres possibilités de rattrapage Bon rapport coût efficacité comparativement à d'autres possibilités de rattrapage Le rapport coût efficacité dépendra des groupes d'âge retenus Le pire rapport coût efficacité comparativement à d'autres possibilités de rattrapage Le nombre le plus élevé de sujets « à traiter » pour prévenir un seul cas
Faisabilité Meilleure faisabilité comparativement à d'autres options, en particulier si jumelé partiellement à des programmes de vaccination existants Bonne faisabilité comparativement à d'autres options, en particulier si jumelée partiellement à des programmes de vaccination existants La faisabilité dépendra des groupes d'âge retenus Faisabilité la plus faible comparativement à d'autres options, en particulier chez les jeunes adultes et les adolescentes en dehors de l'école Difficulté d'obtenir une forte couverture vaccinale
Accessibilité Meilleure accessibilité comparativement à d'autres options Bonne accessibilité Bonne accessibilité Accessibilité faible à très faible pour certains groupes d'âge
Équité Moins équitable comparativement à d'autres options Équitable pour les filles d'âge scolaire, inéquitable pour les filles qui ne fréquentent pas l'école Équitable pour les filles d'âge scolaire, inéquitable pour les filles qui ne fréquentent pas l'école La plus équitable comparativement à d'autres options

* Pour toutes les options, la durée de la protection déterminera l'impact sur l'incidence et la prévalence des maladies associées au VPH.

Dans le cas de toutes les stratégies, des campagnes d'éducation et de sensibilisation destinées à la population de même que la formation des professionnels seront nécessaires. Pour le moment, cependant, l'application de l'option 3 n'est pas faisable au Canada.

11.3.3 Calendriers d'immunisation

Conformément aux indications du fabricant du vaccin contre le VPH, un calendrier à trois doses (mois 0, 2 et 6) est recommandé par le CCNI [2]. Des études scientifiques sont actuellement en cours pour évaluer d'autres calendriers de vaccination. Lorsqu'ils auront accès à plus d'information, les provinces et territoires canadiens pourront envisager différents calendriers d'immunisation (p. ex. calendriers étendus, calendriers à 2 doses).

11.3.4 Impact de la vaccination sur le dépistage du cancer du col utérin

Le dépistage du cancer du col de l'utérus est un outil essentiel pour évaluer le programme de vaccination. Bien que le CCI n'ait pas le mandat de formuler des recommandations relativement au dépistage du cancer du col utérin, l'implantation de la vaccination devrait avoir un impact important en bout de ligne sur les recommandations en matière de dépistage, et les deux activités doivent maintenant être planifiées simultanément. Le programme d'immunisation devrait faire partie intégrante d'un programme complet de prévention du cancer du col utérin. En plus de déterminer l'impact des vaccins sur le dépistage du cancer, il faut également évaluer les répercussions sur le comportement sexuel.

Impact de la vaccination contre le VPH sur les résultats du dépistage : une plus faible prévalence de lésions cervicales aura pour effet de réduire la valeur prédictive positive des tests cytologiques. La vaccination contre le VPH pourrait également influer sur l'utilisation de nouveaux tests de dépistage (p.ex. tests pour détecter l'ADN viral de divers génotypes du VPH). Enfin, la vaccination contribuera à réduire le taux de colposcopie en abaissant le risque de lésions précancéreuses(25,26,86).

Le CCI recommande la mise sur pied d'un système de surveillance pour détecter un remplacement possible des types de VPH en circulation.

Impact potentiel de la vaccination contre le VPH sur les comportements des femmes en matière de dépistage : un programme de vaccination contre le VPH devrait réduire l'incidence du cancer du col utérin mais n'éradiquera pas cette maladie. Toutes les femmes sexuellement actives, qu'elles aient été vaccinées ou non, devraient continuer de passer des examens de dépistage du cancer du col utérin. Une série coordonnée d'interventions doivent être mises en place pour maintenir et améliorer l'observance des recommandations relatives au dépistage (enquêtes sur les attitudes et le comportement, diverses interventions éducatives, système de suivi, etc.). La vaccination et les programmes existants de prévention du cancer du col utérin sont complémentaires, vu notamment les incertitudes qui existent en ce qui concerne la durée de la protection conférée par le vaccin.

Le CIC recommande l'établissement d'un consensus national, à l'ère de la vaccination, sur les programmes de dépistage. Des études appropriées doivent être effectuées pour déterminer quels changements il faudra peut-être apporter aux calendriers et programmes de dépistage par suite de l'implantation d'un programme de vaccination contre le VPH.

11.4 Recommandations du Groupe de travail du CCI/CCNI concernant l'évaluation du programme

L'évaluation du programme de vaccination contre le VPH sera complexe, mais elle est essentielle parce qu'il aura un impact majeur sur la santé des femmes et les activités de dépistage, qu'on investira des sommes importantes et qu'il faudra réviser les stratégies futures pour tenir compte de l'avancement des connaissances.

Parallèlement à l'implantation du programme de vaccination contre le VPH, le CCI recommande l'élaboration d'un plan d'évaluation détaillé. La couverture vaccinale, l'incidence et la prévalence des maladies associées au VPH et du cancer du col utérin devront être surveillées. Il faudra également évaluer l'efficacité et la durée de la protection conférée par le vaccin de même que les répercussions psychosociales de la vaccination (notamment d'adhésion au triage chez les femmes vaccinées ou les connaissances, les attitudes et les pratiques du public de même que celles des professionnels de la santé) .

L'élaboration de stratégies optimales de dépistage du cancer du col utérin, y compris la définition du rôle des tests de détection du VPH, devrait faire partie intégrante de l'évaluation du programme de vaccination contre le VPH, car elle permettra de mesurer l'impact de la vaccination sur l'infection à VPH, le cancer du col utérin et ses états précurseurs.

Il faudra disposer d'outils spécifiques pour évaluer le programme de vaccination. L'existence d'un registre sur la couverture vaccinale contre le VPH et l'accès à un système national de surveillance sentinelle du VPH constituront des éléments importants de l'évaluation du programme de vaccination contre le VPH. Un couplage efficace de ces dernières bases de données sera nécessaire.

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