Conférence sur la maladie de Lyme 2016 : 1ère séance en petits groupes – surveillance, 1ère partie
Conférence pour élaborer un cadre fédéral relatif à la maladie de Lyme
Du 15 au 17 mai 2016 au Centre de conférences du gouvernement du Canada, situé au 111, promenade Sussex, Ottawa (Ontario)
Deuxième jour de la conférence - Le lundi 16 mai 2016, salle Rideau Falls
Enregistrements audio
Ce fichier audio réalisé en direct n'existe qu'en version anglaise. La transcription qui en a été faite est disponible en français.
Transcription
Alain : [00:35]
Pour ceux qui cherchent un siège, il en reste plein devant. Juste un rappel avant qu'on commence : bien entendu, nous aurons une période de questions-réponses après la pause, et nous acceptons les questions dans les deux langues officielles. Si vous n'avez pas pris de récepteur d'interprétation simultanée, ils sont disponibles au fond de la salle. Messieurs-dames, je me répéter pour la bien fait, de la traduction simultanée, c'est disponible, évidemment, et vous pouvez en jouir purement si vous avez accès aux écouteurs et au (inaudible) récepteurs- pardon, les récepteurs et les écouteurs qui sont disponibles sur la table en arrière de la pièce. Bien, entendu, la période de question est ouverte pour dans les deux langues officiels. Il y a plein de places devant, n'hésitez pas à descendre.
Messieurs-dames, allons-y. Je me présente de nouveau - Daniel, mon collègue dans la salle Algonquin, m'a déjà présenté. Je suis Alain Rabeau, et j'ai le plaisir d'être le modérateur tout au long de l'après-midi. Un autre rappel, au sujet de la conversation que nous avons eue ce matin. Ayons ces conversations avec respect, attaquons-nous au problème sans pitié, mais soyons courtois et attentifs envers chacune des personnes présentes dans la salle - un simple rappel pour la suite. Nous allons entendre deux présentations. Nous ferons une courte pause, probablement vers 14 h 10, puis nous reviendrons pour écouter deux autres présentations. La raison est que nous voulons avoir une vue d'ensemble des faits sur la surveillance avant d'ouvrir le sujet aux questions et aux discussions entre vous et, bien entendu, nos conférenciers. Pendant la dernière demi-heure, je vais vous poser une question pour tester vos compétences, à savoir : qu'est-ce qui est ressorti de la conversation cet après-midi, de ce que vous avez entendu, des questions et réponses et des discussions que nous avons eues? Quels sont les points clés, les points saillants que vous voulez que je présente en votre nom demain matin lors de la séance plénière? Donc, voilà - je vous demanderai de me donner les messages clés que vous avez retenus de la conversation de cet après-midi.
Voilà le programme pour cet après-midi. Je ne vais pas traîner plus longtemps. J'invite Nick Ogden, qui est chercheur scientifique principal au Laboratoire national de microbiologie pour l'Agence de la santé publique du Canada, à débuter cet après-midi consacré à la surveillance de la maladie de Lyme au Canada. Nick?
Nick : [03:47]
Merci, c'est un plaisir de participer à cette réunion. Je vais vous parler de la surveillance de la maladie de Lyme au Canada - de ce que nous avons fait, ce qui peut être différent de là où nous allons. Juste pour que vous le sachiez, je n'ai rien à divulguer, je ne crois pas.
Voici dans les grandes lignes le plan de mon exposé : juste quelques mots sur ce que nous entendons par surveillance, le risque environnemental, comment il a changé au Canada, les objectifs et les méthodes de surveillance et, pour finir, un aperçu de ce que nous faisons.
À titre d'information, la définition de la surveillance de l'OMS est la suivante : « la collecte, l'analyse et l'interprétation continues et systématiques des données liées à la santé, nécessaires à la planification, la mise en œuvre et l'évaluation de la pratique en santé publique ». C'est donc un peu différent de - il ne s'agit pas de la prise en charge clinique des patients, c'est pour la pratique de santé publique, qui consiste essentiellement en de la prévention et du contrôle, et c'est ce que nous cherchons à faire. Et les objectifs peuvent être de servir de systèmes d'alerte rapide, de documenter l'effet des interventions, de suivre les progrès vers les cibles à atteindre, d'effectuer un suivi, de clarifier l'épidémiologie des problèmes de santé, et de permettre l'établissement de priorités. Je pense que ce que nous faisons à au moins à voir avec tous ces points, dans une certaine mesure.
Juste un mot sur ce matin : beaucoup de gens dans la salle considéreront que c'est une opinion simpliste sur la maladie de Lyme. J'en parlerai un petit peu plus, ainsi que de la définition de cas de maladie de Lyme que nous avons utilisée, sans rien mentionner de ce genre sur les problèmes après traitement, mais j'en parlerai peut-être un peu plus tard.
Il s'agit d'une zoonose à transmission vectorielle, qui est entretenue par la faune dans la nature, et nous rencontrons cette maladie là où tous les éléments sont présents ensemble, ou au moins la plupart d'entre eux. La bactérie, la tique, les rongeurs, les réservoirs de Borrelia burgdorferi, les chevreuils qui font augmenter les populations de tiques, et ces éléments doivent être là pour que le risque soit élevé dans les zones endémiques. Je pense que nous savons à quoi ressemblent les tiques.
Le risque, à l'échelle continentale, essentiellement - toutes ces cartes proviennent des CDC - comme vous pouvez le voir, ce qui se passe au Canada est présenté en haut sous forme de puces, parce qu'il n'existe aucune sorte de surveillance commune des deux côtés de la frontière. En gros, nous sommes à l'extrémité nord des principales zones de risque à l'échelle continentale, où Ixodes pacificus est le vecteur à l'ouest et Ixodes scapularis à l'est. À l'intérieur du Canada, là encore, le sud de la Colombie-Britannique est la principale zone de risque de ce côté, puis nous avons, je crois, trois principales zones de risque : le sud du Manitoba, le nord-ouest de l'Ontario, puis le sud de l'Ontario et du Québec, et les Maritimes.
Le risque se situe principalement dans les régions boisées et en périphérie des forêts où les tiques survivent. Et lorsque nous nous promenons en forêt, elles ne tombent pas des arbres, elles rampent sur nous depuis les herbes. Il y a trois principaux facteurs qui déterminent où les populations de tiques sont présentes, à savoir le climat; il doit faire suffisamment chaud pour qu'elles puissent terminer leur cycle de vie, il doit y avoir un habitat adapté leur permettant de survivre au froid pendant l'hiver, et à la chaleur et à la sécheresse en été, et il doit y avoir assez d'hôtes pour les tiques, car les tiques sont des parasites tout au long de leur cycle de vie.
La façon dont nous mesurons le risque dans l'environnement est vraiment - on prend le nombre de tiques, multiplié par la proportion qui est infectée par la bactérie en question, en l'occurrence Borrelia burgdorferi. Donc, là où l'espèce pacificus est présente, Ixodes pacificus, le risque est faible à modéré parce que les tiques sont - elles ne grimpent pas très haut sur les herbes pour chercher un hôte, et leur prévalence est faible. Dermacentor variabilis est - on trouve parfois des tiques infectées, mais la bactérie, lorsqu'elle provient de l'intestin ou qu'elle essaie de quitter l'intestin de la tique pour arriver aux glandes salivaires, est éliminée par la réponse immunitaire de la tique, donc le risque réel dans ce cas - il y a beaucoup de tiques, les gens se font souvent mordre par ces tiques. Il y a d'autres bactéries transmises par cette espèce qui (inaudible), et puis Ixodes scapularis, lorsqu'il y a beaucoup de tiques dehors, elles se font une joie de nous mordre, il y a une prévalence élevée.
Nous savons depuis un certain temps qu'un système de surveillance passive fait apparaître une vaste zone géographique peuplée de tiques, très probablement dispersées par les oiseaux migrateurs, qui vont alors - en gros, l'équivalent de la population d'oiseaux d'un demi-continent quitte le Canada et y rentre chaque année et, à leur retour, ils reviennent lorsque les nymphes sont actives, principalement, et c'est ainsi que nous nous retrouvons avec des tiques adventives. Celles-ci constituent, je pense, un problème pour les personnes qui diagnostiquent la maladie de Lyme, mais aussi pour celles qui interprètent le risque. Mais le risque est beaucoup plus important lorsque nous avons des populations qui se reproduisent, parce que ce sont des calculs théoriques, mais ça montre l'idée que, là où les populations de tiques sont présentes, les adultes, qui peuvent nous mordre, et être infectées, il y en a beaucoup plus, et aussi les nymphes de la tique, et il y en a beaucoup plus dans les populations reproductrices, elles sont effectivement apportées par les oiseaux migrateurs. Il est donc important d'essayer de trouver où les populations reproductrices apparaissent, et où ces populations reproductrices sont présentes. Nous avons fait une évaluation du risque des endroits où cela pourrait se produire, et lorsque nous avons commencé à concevoir la surveillance, et c'est ce que nous prévoyons pour l'avenir. Et bien entendu, nous savons désormais que nous sommes relativement sur la bonne voie pour y arriver.
Donc, en fin de compte, nos objectifs sont structurés de deux façons, à savoir : quelle est la biologie derrière cette zoonose émergente et, deuxièmement, que pouvons-nous y faire? En effet, si nous produisons une surveillance pour déterminer le risque, cela déclenchera quelque chose, une intervention de santé publique. Que pouvons-nous faire? Eh bien, nous n'avons pas de vaccin, et tout ce que nous pouvons faire, c'est fournir de l'information au public sur la protection personnelle, contrôler l'environnement pour réduire le nombre de cas, et également essayer de faire en sorte que les cas qui surviennent soient traités rapidement en fournissant des renseignements aux cliniciens et au public sur la maladie de Lyme et en les informant qu'elle arrivera bientôt près de chez eux.
La surveillance a donc pour but d'identifier la population canadienne vulnérable, de déterminer où le risque est présent, quelles sont les populations à risque au niveau géographique, mais aussi les groupes démographiques, et ainsi de suite, afin de pouvoir cibler l'information pour ceux qui en ont le plus besoin. Mais elle vise aussi à obtenir des renseignements sur le type de maladie de Lyme qui se manifeste, ce qui pourrait aider les praticiens, nous l'espérons, mais ce qui nous donne aussi une idée d'à quel point nous sommes efficaces pour informer les gens.
Donc, la surveillance des tiques, sortir dans l'environnement pour essayer de trouver le risque, est en fait un système d'alerte rapide car, quand les populations de tiques commencent à apparaître, l'abondance de tiques est généralement faible et la proportion de tiques infectées est moindre. Et il leur faut des années pour que tout cela se développe. La méthode de référence est une combinaison de ceci, c'est-à-dire la capture de rongeurs, capturer ces animaux sauvages hôtes, qui courent partout dehors, ramassent les tiques à notre place et deviennent infectés. C'est donc un bon moyen pour repérer, collecter les tiques, puis tester les rongeurs et les tiques pour détecter la bactérie, Borrelia burgdorferi. C'est, dans la plupart des cas, un moyen sensible pour détecter où se trouvent les populations, comme je l'ai dit, parce que les rongeurs sont toujours dans l'environnement, et c'est aussi un bon moyen pour détecter des signes d'infection, car les rongeurs sont dehors à se faire mordre par les tiques depuis des semaines, voire des mois. L'inconvénient, c'est que ce n'est pas forcément très immédiat et que c'est très exigeant en termes de ressources, donc on ne peut pas vraiment effectuer ce type de surveillance dans tout le Canada. Une visite de site prend deux jours, c'est vraiment du boulot.
Une version un peu plus légère de cette méthode est l'échantillonnage à l'aide d'un filet traînant, qui consiste à prendre une couverture, comme la femme dans l'image du haut, et à la traîner dans l'herbe. S'il y a des tiques, elles vont sauter dessus, et on peut retourner la couverture pour voir s'il y a des tiques qui rampent dessus, que l'on peut alors détacher. On peut les identifier, confirmer de quelle espèce elles sont, puis les tester pour détecter Borrelia burgdorferi. Ainsi, on obtient un résultat quasiment immédiat puis, un peu plus tard, on a une idée du degré de risque en fonction de la proportion des tiques qui sont infectées. L'un des inconvénients, c'est que cette méthode ne marche pas vraiment pour Ixodes pacificus, car ces tiques ont tendance à chercher des hôtes très très bas dans l'environnement.
À partir de là, nous avons pu rassembler les données en compilant les études - nous ne le faisons pas forcément nous-mêmes à l'Agence de la santé publique, c'est généralement un partenariat avec les provinces qui le font, souvent elles-mêmes - et nous avons désormais compilé les données pour dresser un tableau national. Donc, nous avons produit ces données pour, en quelque sorte, éclairer ce qui se passe en ce moment.
Nous avons aussi un système de surveillance passive des tiques, qui existe depuis assez longtemps. Il implique les tiques collectées chez des patients dans les cliniques médicales et vétérinaires, et il a fourni un long ensemble de données, une bonne couverture géographique, mais il y a un problème sur le plan de la spécificité, car ils ramassent - en particulier, les chiens ramassent les tiques, les tiques adventives, qui sont dispersées par les oiseaux migrateurs. Donc, si on trouve une tique sur un chien, cela ne signifie pas qu'il y a vraiment une population reproductrice à cet endroit. Mais nous avons travaillé sur des méthodes pour rendre cette méthode beaucoup plus spécifique, et il y a des études en continu sur l'utilisation de la surveillance passive, qui sont en cours en ce moment.
Et, enfin, la surveillance des cas humains, qui est basée sur le type de diagnostic. Évidemment, la principale - on parle là de diagnostics cliniques et sérologiques, parce que c'est la principale méthode utilisée, et bien entendu, dans la définition de cas pour les personnes présentant un érythème migrant, vous n'avez pas besoin de preuves, la personne doit avoir eu une occasion plausible d'être en contact avec des tiques pour présenter cet anneau rouge, mais aucune réponse sérologique n'est nécessaire. Pour qu'un cas soit confirmé, il faut des symptômes du stade disséminé de la maladie de Lyme, des résultats de laboratoire et une exposition; en revanche, pour un cas probable, l'exposition n'est pas obligatoire.
Je dois faire court, mais il faut que je précise clairement que cette méthode a des limites, parce que le syndrome post-maladie de Lyme et d'autres syndromes sont peut-être causés par la maladie de Lyme, mais qu'ils peuvent également avoir beaucoup d'autres causes. Ce dont nous parlons avec la surveillance de santé publique, et ce n'est pas un cas de surveillance clinique, et d'ailleurs, nous l'indiquons très clairement sur le site Web et tout. Donc, ce que nous essayons de faire, c'est d'être en mesure de déterminer, d'un endroit à l'autre, où la maladie de Lyme apparaît, plutôt que de réussir à recenser absolument tous les cas possibles de maladie de Lyme. Tel est notre objectif.
Comme nous le savons, le plus souvent, les cas surviennent là où nous trouvons un risque dans l'environnement, mais pas toujours. Donc, les cas humains permettent de repérer les nouvelles zones émergentes et, bien entendu, nous constatons une augmentation des chiffres, qui sont apparemment, pour 2015, une sous-estimation. Nous identifions les groupes d'âge qui sont touchés, en particulier les enfants, de 5 à 14 ans, puis les personnes âgées comme moi, à partir de 55 ans, et nous pouvons nous faire une idée de la proportion de cas détectés aux différents stades de la maladie de Lyme, ce qui laisse à penser que nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir pour faire passer l'information auprès du public.
Je vais probablement m'arrêter là, mais je vais juste laisser affichée cette diapositive, qui montre qu'il se passe beaucoup d'autres choses, et pas seulement l'émergence de Borrelia burgdorferi, donc je vais la laisser affichée.
Alain : Merci, Nick. Éric, est-ce qu'on pourrait s'assurer qu'on est à 20 minutes pour les présentations, s'il vous plaît? Bien, merci. Merci, Nick. Nous reviendrons aux questions et nous aurons l'occasion de dialoguer après la pause. Notre prochaine conférencière s'appelle Natalia Rudenko et elle travaille au Centre de biologie de l'Institut de parasitologie - c'est bien ça? merci - de l'Académie tchèque des sciences. Natalia, c'est à vous.
Natalia : [18:57]
En attendant que l'on change les diapositives, mesdames et messieurs, je voudrais remercier les organisateurs de m'avoir invitée. J'étais un peu surprise, et c'est un honneur d'être ici. Je suis une souris de laboratoire, je n'ai jamais, jamais vécu quelque chose comme ce que j'ai vécu hier soir. Je n'ai jamais vu la maladie de Lyme sous cet angle. Nous faisions de la science de base, en fait, qui peut changer votre point de vue sur la maladie de Lyme à un (inaudible) causal, mais ce degré de douleur et de souffrance, c'est vraiment, ma plus profonde compassion et mon soutien à tous ceux qui ont été blessés par cette créature.
Bon, je m'appelle Natasha Rudenko. Je suis Ukrainienne, et je vis et travaille en République tchèque depuis 20 ans. Malheureusement, ni l'anglais ni le français ne sont mes langues maternelles. J'espère que vous excuserez mes erreurs. Dans mon exposé, je vais un peu reprendre une partie de l'information que Nick a présentée, mais je vais essayer de la présenter d'un point de vue européen.
Donc, qu'est-ce que - OK, est-ce qu'on peut commencer? Oui. Comme cela a été mentionné, le système de la maladie de Lyme est un système extrêmement réussi, qui se compose de plusieurs parties. En fait, ça fait un triangle. Ce sont les éléments biotiques qui doivent être dans ce triangle : un pathogène, il doit y avoir un pathogène, il doit y avoir un vecteur, et il doit y avoir un hôte. Et, en fait, ce sont les interactions entre ces trois éléments qui rendent cette maladie, ou ce système, si réussis. En fait, le caractère intensif de l'interaction dans ce triangle fait de Borrelia un pathogène insaisissable. Il existe d'ailleurs peu d'information à son sujet. Les tiques se nourrissent obligatoirement de sang et ne s'implantent pas de façon permanente, et elles peuvent se nourrir sur n'importe quel animal vivant, ou presque. Les tiques sont des vecteurs de davantage de types de microorganismes que tout autre (inaudible). Leur répartition s'étend de l'Arctique à l'Antarctique. Il y a plus de 900 espèces de tiques qui sont déjà connues, et 10 % d'entre elles peuvent avoir des répercussions vraiment profondes sur la santé publique humaine. Et les genres de tiques dures les plus importants sont Amblyomma, Boophilus, Dermacentor, Haemaphysalis, Hyalomma, Ixodes et Rhipicephalus. Je les cite parce qu'elles sont presque toutes présentes au Canada.
La répartition dans le monde, c'est une carte connue. Elle montre la répartition des quatre principales espèces de tiques d'importance médicale : persulcatus ricinus en Eurasie, et scapularis pacificus aux États-Unis. Mais il y a d'autres espèces de tiques qui peuvent transmettre le spirochète de la maladie de Lyme et d'autres pathogènes transmis par les tiques. On les appelle « vecteurs de maintenance » et elles représentent une autre douzaine d'espèces. Et, dans certaines régions, les vecteurs de maintenance peuvent jouer un rôle plus important comme vecteurs passerelles. Les vecteurs passerelles sont ceux qui transmettent le spirochète de l'hôte infecté à un humain. Normalement, les vecteurs de maintenance ne mordent pas les humains, mais ils se nourrissent sur le même hôte et, de cette manière, ils attrapent le même spirochète qui peut alors être transmis à un autre hôte et, si le vecteur passerelle se nourrit sur cet hôte infecté, le spirochète peut être facilement transmis.
D'ailleurs, dans les tests en laboratoire, toutes les tiques vectrices qui ont été analysées présentaient une certaine capacité à transmettre le spirochète de la maladie de Lyme, mais seulement deux vecteurs, Ixodes ricinus en Eurasie et scapularis, étaient capables de transmettre n'importe laquelle des espèces de la maladie de Lyme qui ont été testées. Pour que le spirochète se maintienne dans la nature, il faut qu'un hôte réservoir soit présent dans une région. Les hôtes réservoirs efficaces de Borrelia burgdorferi sensu lato ont plusieurs caractéristiques en commun. Ils doivent être abondants dans la région; il faut qu'il y en ait beaucoup. Un grand nombre d'entre eux est mesuré infecté, et ils peuvent servir d'hôtes à de nombreuses tiques qui sont des vecteurs compétents. En général, ils ne deviennent pas résistants. Qu'est-ce que ça signifie? Ça signifie qu'une autre génération de tiques, puis une autre génération de tiques, puis une autre génération de tiques peuvent se nourrir sur le même animal. Et ils sont déjà infectés et restent infectés toute leur vie.
J'en ai eu un cas avec un rat de laboratoire. Il a vécu dans une cage du laboratoire pendant 13 ans, 13. On s'en occupait parfaitement bien, croyez-moi, beaucoup mieux que de certains êtres humains, et, tous les ans, on lui faisait des tests d'infectivité. Il était toujours infecté et était capable de transmettre le spirochète pathogène vivant à un autre hôte.
Les hôtes réservoirs représentent des centaines d'espèces : mammifères, rongeurs, oiseaux et lézards, mais pas - excusez-moi? oui, celle-ci - mais tous les animaux ne peuvent pas servir d'hôte réservoir compétent. Qu'est-ce que ça signifie? Le spirochète qui infecte un animal a besoin d'un environnement où il pourra se multiplier et être transmis, au stade infectieux, à un autre hôte. Nous avons fait des expériences en laboratoire, juste pour tester la réponse d'animaux de zoo à trois différents spirochètes, qui sont les principales causes de la maladie de Lyme en Europe. La première colonne concerne sensu stricto (inaudible) garinii, et la dernière porte sur afzelii. Cette colonne gris foncé vous montre un animal qui ne peut pas être infecté par un spirochète, quel qu'il soit, parce que le système immunitaire répond si fortement que le spirochète est éliminé. Le lapin, vous ne pourrez pas infecter un lapin avec un spirochète, sauf Borrelia andersonii. Donc, les différentes couleurs, gris clair et gris foncé, montrent les animaux qui répondent différemment aux différentes espèces, comme - pardon, changez celle-ci, et celle-là aussi. Cela signifie que Borrelia burgdorferi sensu stricto a une chance d'infecter ces animaux, mais que garinii et afzelii n'y arriveront pas. Si vous regardez cette partie, en fait, il s'agit des animaux qui peuvent être facilement infectés par n'importe quel spirochète du complexe sensu lato. Et, d'ailleurs, on pense que les carnivores sont les meilleurs hôtes réservoirs. Par exemple, cela peut vous surprendre, mais le crocodile du Siam est un animal qui peut être infecté par n'importe quoi. Mais, d'un autre côté, il y a assez peu de chances qu'un crocodile rencontre des tiques infectées, surtout au Canada.
Donc, quand le premier spirochète a été isolé, c'était tout simplement un succès. Le problème est donc résolu? Non, c'était le début du problème. Vous voyez, au fil des ans, à quel point le nombre de spirochètes reconnus a augmenté. Pour qu'un spirochète soit reconnu, il faut qu'il soit prouvé que beaucoup d'échantillons ayant des séquences semblables existent dans la nature et qu'ils aient été détectés rapidement, parce qu'il y a un nombre énorme de spirochètes qui n'ont pas encore été nommés, car le nombre de (inaudible) est très faible. À l'heure actuelle, 21 espèces du complexe Borrelia burgdorferi sensu lato sont connues, et parmi celles-ci, dix sont impliquées, d'une façon ou d'une autre, dans la maladie de Lyme chez l'humain. Borrelia afzelii, Borrelia burgdorferi sensu stricto, Borrelia garinii, habituez-vous tous à ces noms. Donc, si vous regardez le tableau, Borrelia bavariensis,Borrelia bissettii, kurtenbachii, lusitaniae, spielmanii, valaisiana, et le petit dernier, le favori pour 2016, Borrelia mayonii. Tous ces spirochètes ont été détectés chez des patients humains dans différents pays européens.
Le génome du spirochète du complexe Borrelia burgdorferi sensu lato est en fait le plus complexe, car il comprend un chromosome B et un ensemble de plasmides, 21 plasmides, en général. Il est linéaire et circulaire, et le spirochète fait la navette entre des vecteurs à sang froid et des hôtes à sang chaud. Le spirochète se trouve dans deux environnements complètement différents, mais aucun des deux n'est son préféré. Cette créature doit survivre d'une façon ou d'une autre, et on sait qu'en passant constamment de l'un à l'autre, le spirochète peut perdre une partie de son information. Si deux espèces de spirochète ou plus sont présentes dans un vecteur hôte, il est possible qu'elles échangent cette information et, en réalité, pour réussir à survivre, le spirochète modifie l'expression des antigènes des protéines de surface pour pouvoir s'ajuster à l'environnement où il se trouve à ce moment. Donc, en fait, cet ajustement peut vous donner une population à laquelle vous ne vous attendriez pas dans cet hôte à ce moment.
La répartition géographique il y a dix ans, elles peuvent sembler très nettes et très faciles. Oublions l'Eurasie, jetons un œil à l'Amérique du Nord. On y trouve sensu stricto et un peu de bissettii. Il y a cinq ans, c'est un peu la pagaille mais, croyez-moi, ce n'est pas autant le chaos qu'aujourd'hui. En plus de kurtenbachii, andersonii , californiensis, americana et carolinensis y ont été détectées. La séparation de kurtenbachii a montré que cette espèce a été détectée en Californie et dans le nord-est, ainsi qu'en Europe. Une autre : Borrelia valaisiana, une espèce européenne, une sorte d'espèce européenne, a été détectée par un laboratoire commercial chez un patient du nord-est de l'État de New York, et la personne n'avait pas voyagé depuis peut-être 30 ans. Borrelia garinii, Borrelia bavariensis ont été détectées chez des tiques au Canada. Borrelia garinii, Borrelia afzelii ont été détectées dans des échantillons de rongeurs et de tiques qui ont été collectés dans le sud-est des États-Unis il y a 20 ans. Cela signifie que la population de ces deux espèces (inaudible) européennes était bien établie dans cette région.
Borrelia americana et Borrelia canadiensis, c'est ce qui est important pour nous, alors nous allons décrire ces espèces. Elles ont été détectées à Aix, en France, et nous les avons trouvées chez un patient dans un hôpital pour enfants, qui avait une neuroborréliose. Récemment, ces spirochètes, les deux, ont été détectés en Chine, dans huit des dix endroits qui ont été analysés. Bien, et les mises à jour, la nouveauté est Borrelia finlandensis, en 2011, Borrelia chilensis, le premier spirochète d'Amérique du Sud, et Borrelia mayonii, qui a été détectée dans le Wisconsin. Nous allons un peu trop vite.
Donc, oui, on peut avancer. Si vous regardez chez votre voisin - en fait, toutes ces tiques, si vous superposez la carte, il n'y a pas un seul endroit sans tiques, et...
[Discute de difficultés techniques]
[32:04]
En fait, quel est le principal moteur de cette répartition? Et croyez-moi, ce n'est certainement pas la version définitive. Elle a été mise à jour jusqu'à début 2016. Je suis sûre qu'en juin 2016, il y aura plus d'espèces et plus de points chauds où des spirochètes inhabituels pourront être définis.
La migration, les animaux migrateurs; alors, jusqu'où peuvent aller les souris? Peut-être 300 mètres dans toute leur vie, mais les oiseaux? Nous avons pas mal de voies migratoires, et le pire, c'est que ces routes de migration se recoupent. Donc ce n'est pas un problème pour un spirochète, disons garinii, de partir du Japon, de traverser la Russie, et d'aller au Canada, ou de descendre jusqu'aux États-Unis. Et c'est une carte (inaudible) a été publiée en 2010. L'idée de la présence de l'espèce sensu stricto uniquement aux États-Unis va trop loin pour être vraie car, comme vous le voyez en rouge, il s'agit d'une nouveauté. Le sud-est des états-Unis, qui est considéré par les CDC comme une région non endémique, représente en fait ou contient la plus longue liste de spirochètes et, en utilisant les animaux migrateurs, croyez-moi, ils peuvent se déplacer n'importe où.
Les spirochètes, si on parle de sensu stricto, parce que c'est une espèce dont vous êtes tous persuadés qu'elle est responsable de la maladie de Lyme aux États-Unis et au Canada, les spirochètes sont complètement différents. Essayez juste d'imaginer une immense famille avec beaucoup de membres; ils portent tous le même nom, mais ils sont tous différents. Et certaines espèces provenant de certaines souches, ou des types qui ont été basés sur des séquences OspC, dont on pense qu'ils sont associés exclusivement à l'Amérique du Nord ou exclusivement à l'Europe, et trois d'entre eux, seulement, ont été détectés sur les deux continents. Voici une présentation très simple de Borrelia burgdorferi sensu stricto. Cette fleur représente en fait l'analyse de 202 isolats qui ont été prélevés dans le monde entier, et croyez-moi, il n'y a rien de plus complexe que cette chose, parce que chaque branche peut produire une autre fleur. Si vous regardez la présence des types d'OspC dans le sud-est des États-Unis, il n'y en a que quatre. Et à l'heure actuelle, il y a 32 types d'OspC connus. Il n'y en a que quatre dans le sud-est des États-Unis, et il y en a bien plus au Canada. Voici les trois types d'OspC qui causent la forme la plus grave de la maladie de Lyme chez les humains. Nick, votre carte, merci beaucoup (inaudible). Et ce qui est intéressant, c'est que la carte de la publication de Nick montre ce point chaud, disons, pour l'OspC de type L. L'OspC de type L, que l'on a vu quelques diapositives avant, était considéré comme exclusivement européen, mais nous avons trouvé des espèces d'OspC de type L dans le sud-est des États-Unis, et les séquences que nous avons comparées étaient quasiment identiques.
Parlons des tiques compétentes et non compétentes. Les tiques compétentes sont celles qui transmettent la maladie de Lyme, et nous avons accepté ça. Mais il y a des tiques, disons, de l'espèce Amblyomma americanum; les tiques Amblyomma americanum mordent les humains aux États-Unis comme des folles, sérieusement. Mais elles sont considérées comme un vecteur non compétent pour le spirochète de la maladie de Lyme. Elles transmettent d'autres pathogènes, mais pas la maladie de Lyme. Nous les avons détectés, ces spirochètes du complexe Borrelia burgdorferi sensu lato, dans ces espèces, avec une trouvaille intéressante : ces vecteurs transmettaient des souches un peu différentes de Borrelia burgdorferi sensu stricto par rapport à celles qui sont traditionnellement distribuées. Donc, la répartition de Borrelia burgdorferi est un processus extrêmement dynamique et, d'ailleurs, nous y contribuons beaucoup. C'est difficile à croire, mais les humains transmettent des tiques pendant les vacances, ou les excursions scolaires, peu importe. Mais la plus grande part de responsabilité dans cette répartition du spirochète de la maladie de Lyme revient sans aucun doute aux oiseaux migrateurs. Et là où la maladie de Lyme est absente, il y a une tique, le vecteur, ou c'est juste une question de temps.
Et la dernière phrase, que j'adore : « L'absence de preuve n'est pas la preuve de l'absence. » Et je pense que tout le monde devrait réfléchir à ça lorsqu'on parle de la maladie de Lyme. Je vous remercie vraiment de votre attention et je me ferai un plaisir de répondre aux questions si vous en avez. Merci.
Alain : La bonne nouvelle, c'est qu'il n'y a pas de contrôle aujourd'hui, sur ce sujet, n'est-ce pas? Je propose qu'on fasse une courte pause pour se dégourdir les jambes. Je crois qu'il y a du café dehors. On peut faire une pause de 15 minutes. Au retour, nous aurons deux autres présentations, puis nous passerons à la période de questions-réponses et à la discussion. Donc, faites une petite pause, allez vous dégourdir les jambes, et on reprend dans 15 minutes s'il vous plaît.
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