ARCHIVÉE - Les hommes qui ont été victimes de violence sexuelle durant l'enfance: Guide à l'intention des hommes
0.4 Mo - 10 pages
ISBN: 978-0-9809135-2-1
Ce livre répond aux questions suivantes :
- À qui s'adresse ce livret?
- Qu'entend-on par violence sexuelle?
- Dans quelles sphères de votre vie les agressions sexuelles peuvent-elles avoir des répercussions?
- Que puis-je faire pour obtenir l'aide dont j'ai besoin?
- Comment un conseiller peut-il aider?
- Quels types de questions sont habituellement posées aux conseillers?
- Quelle attitude adopter vis-à-vis de l'agresseur?
- Que dois-je dire à ma conjointe ou à mon conjoint?
- Est-il possible de s'en remettre?
À qui s'adresse ce livret?
Ce livret s'adresse aux milliers d'hommes qui ont été victimes de violence sexuelle au Canada alors qu'ils étaient enfants ou adolescents. Il s'adresse également aux personnes qui aident ces hommes à aborder chaque nouvelle journée avec courage : leur conjoint ou conjointe, leurs amis et leurs parents.
Si vous avez été agressé sexuellement quand vous étiez enfant, ce livret vous aidera à mieux comprendre les répercussions que peut avoir cette expérience sur votre vie actuelle. Il peut aussi vous aider à tirer un trait sur les expériences de votre enfance et vous aider à guérir. Si vous voyez un conseiller ou envisagez de le faire, ce livret vous aidera enfin à mieux comprendre en quoi consiste son rôle.
Beaucoup d'hommes ont du mal à admettre qu'ils ont été autrefois victimes de violence sexuelle. Dans notre culture, en effet, tout homme qui se respecte se doit de maîtriser tous les aspects de sa vie. C'est pourquoi les garçons victimes d'agressions pensent souvent qu'ils auraient dû être capables de se défendre contre leur agresseur; une fois adultes, ils s'en veulent encore de s'être laissé dominer. Les informations contenues dans ce livret vous aideront à mettre de l'ordre dans vos idées et à reporter la responsabilité des agressions là où il se doit, soit sur l'agresseur.
Ce livre vise à :
- définir les effets des agressions sexuelles durant l'enfance et à les décrire;
- expliquer pourquoi les hommes ont souvent du mal à admettre qu'ils ont été agressés sexuellement;
- aborder les questions des sentiments de honte et de peur liés à la sexualité;
- expliquer comment les agressions sexuelles subies durant l'enfance peuvent avoir des répercussions dans les relations de l'adulte;
- expliquer comment le counseling et les groupes de soutien peuvent vous aider à aller mieux; et
- évaluer les avantages et les désavantages de déposer une plainte pouvant conduire à la mise en accusation de l'agresseur.
Qu'entend-on par violence sexuelle?
La violence sexuelle constitue un abus de pouvoir. Si une personne plus âgée, plus forte ou plus expérimentée que vous vous a déjà obligé à vous adonner à une activité sexuelle lorsque vous étiez enfant ou adolescent, vous avez été victime de violence sexuelle. L'agresseur peut avoir gagné votre confiance pour mieux vous tromper et profiter de vous. Il ou elle peut avoir encore aggravé le mauvais traitement en vous forçant à garder le secret et en vous culpabilisant.
La violence sexuelle ne désigne pas seulement les attouchements de nature sexuelle. Si on vous a obligé, enfant, à observer des activités sexuelles ou à visionner du matériel pornographique, vous avez aussi été victime de violence sexuelle. Vous l'avez été également si un adulte a violé votre intimité de façon répétée - en vous observant lorsque vous preniez votre douche ou en faisant des commentaires d'ordre sexuel sur votre corps.
Dans quelles sphères de votre vie les agressions sexuelles peuvent-elles avoir des répercussions?
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Questionnement sur votre orientation sexuelle. Vous pouvez éprouver de la confusion quant à votre orientation sexuelle et vous questionner à son sujet. On ne sait pas vraiment comment se forme l'identité sexuelle. Par contre, on sait qu'en général ni l'agression sexuelle, ni l'identité sexuelle de votre agresseur, ni ce qu'il ou elle vous a fait, ne peuvent à eux seuls déterminer votre orientation sexuelle. Si vous vous êtes senti à la fois « excité » et dégoûté par ce que vous a fait votre agresseur, vous pouvez en effet avoir du mal à vous fier aux messages que vous envoie votre corps. Si vous êtes homosexuel et avez été agressé par un homme lorsque vous étiez enfant, vous pouvez croire à tort, comme beaucoup d'hétérosexuels, que votre orientation sexuelle est la conséquence de cette expérience. Bien des hommes adultes, qu'ils soient hétérosexuels ou homosexuels, souffrent en effet de ce genre de confusion quant à leur orientation sexuelle par suite d'une agression dont ils ont été victimes dans l'enfance.
Par exemple, si votre agresseur a eu avec vous une relation orale, vous avez probablement ressenti une excitation sexuelle tout en étant dégoûté par l'expérience. Que l'agresseur ait été un homme ou une femme ne change rien à la situation. Le pénis répond à la stimulation quel que soit le sexe de la personne qui le stimule.
Les adolescents ou les adultes qui agressent sexuellement des enfants le font parce qu'ils sont sexuellement attirés par les enfants et ont besoin de les dominer sexuellement.
Si votre agresseur était un homme, vous pouvez avoir développé une peur des autres hommes, en particulier si vous les croyez homosexuels. Vous pouvez éviter les relations d'amitié avec les hommes. Cette peur des homosexuels peut se manifester par des commentaires négatifs sur les homosexuels ou par des blagues à leur sujet. Cette crainte et ces attitudes offensantes sont de l'homophobie. Il faut noter par ailleurs que l'homophobie est répandue dans notre société et qu'elle n'est pas un indicateur de violence sexuelle. Certains cherchent aussi à s'affirmer sexuellement en s'engageant dans une foule de relations sexuelles sans lendemain avec les femmes dans l'espoir de se débarrasser de cette peur de l'homosexualité. Mais les conquêtes multiples, quel que soit leur nombre, ne viennent jamais à bout de ce genre d'insécurité, et elles finissent par détruire la confiance que vos partenaires peuvent avoir en vous.
Si votre agresseur était une femme, il se peut que vous vous soyez senti dominé et humilié en tant qu'homme au moment de l'agression. Vous pouvez vous sentir « différent » des autres du fait d'avoir été agressé par une femme, ce qui est moins fréquent. Et vous pouvez vous sentir d'autant plus isolé et honteux. Certains, par contre, préfèrent croire que l'agression était pour eux une occasion rêvée d'avoir des contacts sexuels et pas vraiment une agression. Dans notre société, la violence sexuelle qu'infligent les femmes à des garçons est souvent minimisée et on passe souvent sous silence la gravité des agressions et les répercussions qu'elles peuvent avoir sur les garçons.
- Problèmes de dysfonctionnement sexuel. Peut-être éprouvez-vous parfois des troubles des fonctions sexuelles? Érections douloureuses, difficulté à maintenir l'érection, éjaculation précoce, absence de désir, obsession sexuelle, tous ces problèmes peuvent être des séquelles d'une agression sexuelle datant de l'enfance.
- Peur de l'intimité. Si vous avez été agressé par une personne en qui vous aviez confiance et qui vous protégeait, il se peut que vous ayez du mal aujourd'hui à vous fier assez à qui que ce soit pour jouir d'une relation d'intimité à long terme. Si vous n'arrivez à fonctionner sexuellement que dans le cadre de rencontres de passage ou de relations éphémères, il se pourrait que vous ayez été agressé par un proche parent qui a exercé un pouvoir sur vous pendant longtemps. Une relation de longue durée pourrait alors vous rappeler ce genre de situation et c'est pourquoi vous l'évitez. Pour la même raison, vous pouvez avoir du mal à vous engager dans les autres sphères de votre vie.
- Toxicomanie ou mauvais usages de la drogue, de l'alcool ou de la nourriture. Si vous abusez des drogues, de l'alcool ou des aliments, il se pourrait que ce soit pour masquer le souvenir douloureux d'une agression sexuelle. Votre agresseur pourrait, par exemple, s'en être servi pour vous amener à céder à ses demandes.
Parce qu'elles créent une dépendance, ces substances peuvent retarder la guérison. Les programmes visant à vaincre la dépendance à ces substances peuvent s'avérer de précieux compléments au counseling en matière de violence sexuelle.
- Automutilation et agression sur autrui. Lorsqu'on se sent dévalorisé par suite d'une agression dont on a été victime, il arrive que l'on retourne ses sentiments négatifs contre soi-même. Certains se coupent, se brûlent ou se blessent volontairement : c'est de l'automutilation. Il se peut aussi que vous preniez part à des situations ou tolériez des relations qui vous causent du tort, affectivement, physiquement, sexuellement ou autrement.
Si vous vous rendez compte que vous avez tendance à reproduire le comportement de votre agresseur en maltraitant vous-même des enfants, demandez de l'aide sans tarder, car vous risquez de faire du tort à d'autres personnes. Communiquez avec le service d'entraide téléphonique de votre région, avec votre médecin, etc.
- Réminiscences, anxiété et cauchemars. Si vous avez des crises d'angoisse ou de panique inexpliquées, il se peut que vous reviviez le traumatisme que vous avez vécu lorsque vous avez été agressé sexuellement.
Les réminiscences sont des images intempestives reliées à la violence sexuelle dont on a été victime qui apparaissent soudairement à l'esprit. Ces images peuvent survenir aux moments les moins opportuns : lorsque vous faites l'amour, par exemple. Si c'est le cas, c'est probablement parce que l'excitation sexuelle réveille en vous certains souvenirs reliés à l'agression sexuelle. Certains hommes ont aussi des cauchemars récurrents qui leur rappellent d'une façon ou d'une autre l'agression qu'ils ont subie. Un conseiller vous apprendra quoi faire pour que ces symptômes s'atténuent.
- Colère. Certains hommes estiment qu'à titre de mâles, ils ont le droit d'exprimer et de décharger leur colère. Mais lorsqu'on ne ressent que de la colère, c'est parfois parce qu'on refoule d'autres émotions, le plus souvent de la honte, de la peur et de la solitude. Un conseiller peut vous aider à identifier les sentiments que vous ressentez et vous montrer comment composer avec ceux-ci.
- Honte et culpabilité. Si vous avez été victime de violence sexuelle lorsque vous étiez enfant, vous partagez avec toutes les autres victimes de sévices sexuels, hommes et femmes, le même sentiment sous-jacent : la honte. La honte est un profond sentiment de dévalorisation de la personne. Votre agresseur peut vous avoir privé du soutien des personnes que vous aimiez en vous obligeant à garder le secret. Il peut aussi vous avoir dit que personne ne voudrait plus vous fréquenter si l'on apprenait ce que vous avez fait. Associée à la honte, la culpabilité vient de ce que l'on se croit responsable de la violence dont on a été victime. Il faut pourtant vous rappeler que cela s'est passé alors que vous étiez enfant : les adultes sont censés protéger les enfants et non profiter d'eux. Vous n'êtes pas responsable de ce qui s'est passé.
Vous pouvez, par exemple, craindre d'éprouver encore plus de honte en parlant de l'agression à un conseiller ou à quelqu'un d'autre. La honte peut vous isoler des autres dans votre vie adulte. La participation à un groupe de soutien, où vous pouvez parler de votre expérience et écouter d'autres personnes parler d'expériences similaires, peut vous aider à surmonter votre honte et à vaincre le sentiment d'isolement qui l'accompagne.
- Symptômes physiques. Une foule de symptômes physiques peuvent être reliés à une expérience de violence sexuelle vécue pendant l'enfance. Les maux de tête fréquents, sensations d'étouffement, nausées en présence de certaines odeurs, vision trouble, sensations de flottement ou douleurs au niveau des organes génitaux, des fesses ou du dos, peuvent être des symptômes reliés à une agression sexuelle dont vous auriez été victime autrefois. Si votre médecin n'arrive pas à trouver de cause médicale à ces symptômes, votre conseiller pourrait vous aider à comprendre ce qui se passe.
Que puis-je faire pour obtenir l'aide dont j'ai besoin?
Peut-être avez-vous du mal à admettre que vous avez été agressé sexuellement et qu'une autre personne ait pu vous dominer à ce point. Peut-être même croyez-vous que le fait d'avoir été agressé fait de vous un lâche. C'est là une attitude erronée, héritée des vieilles structures patriarcales de notre société, qui valorisent le pouvoir, associé à la virilité, et dévaluent la vulnérabilité, associée à la « faiblesse » et à la féminité. Par conséquent, les hommes n'osent avouer qu'ils aient pu être dominés et s'être sentis impuissants : ils optent pour le déni. Le déni est à lui seul le principal obstacle qui empêche d'obtenir de l'aide. Et, à cause des valeurs qui prédominent dans notre société, il est habituellement plus enraciné chez les hommes que chez les femmes.
C'est pourquoi il faut du courage pour admettre que l'on a été victime de violence sexuelle. Il faut ensuite mettre les chances de son côté en trouvant un conseiller ou un groupe de soutien, ou les deux. La meilleure façon de faire est de demander à des gens en qui vous avez confiance de vous en recommander un. Lorsque cela est impossible, vous pouvez communiquer avec des associations professionnelles de counseling, qui vous donneront le nom de personnes qualifiées qui s'occupent des victimes de violence sexuelle. Vous pourrez alors faire votre choix et trouver un conseiller avec qui vous vous sentirez assez à l'aise pour travailler.
Le counseling individuel prolongé peut coûter cher, toutefois certains travailleurs sociaux offrent des tarifs ajustables en fonction des revenus. Vous pouvez aussi consulter un psychiatre ou un psychologue dans le cadre d'un régime d'assurance-maladie provincial ou d'un régime d'assurance complémentaire. Dans certaines provinces, lorsqu'on porte plainte contre un agresseur, on est parfois admissible au counseling auprès d'un psychologue, d'un conseiller clinique ou d'un travailleur social clinique qualifié par l'intermédiaire d'un programme d'indemnisation des victimes d'actes criminels. S'il vous est impossible de consulter un conseiller, le groupe de soutien pourrait être une bonne solution de rechange.
Comment un conseiller peut-il m'aider?
Une fois que vous avez avoué avoir été victime de violence sexuelle dans votre enfance à votre conseiller, vous avez franchi une nouvelle étape importante vers la guérison.
Toutefois, même après avoir avoué avoir été agressé sexuellement, vous pourriez :
- affirmer que les agressions n'ont eu aucune répercussion sur vous;
- parler de l'agression sur un plan strictement intellectuel, abstrait; et
- excuser certains des comportements de l'agresseur.
Pour préserver leur équilibre, les victimes ont souvent tendance à minimiser les événements traumatisants et leurs effets ou à refuser d'admettre qu'ils se sont produits.
Un conseiller vous aidera à mettre de l'ordre dans les idées et les sentiments qui vous habitent. Vous pourrez alors vous attaquer sérieusement au traumatisme de l'agression de façon à en éliminer les effets négatifs sur votre vie.
Votre conseiller vous interrogera probablement sur certains symptômes de stress post-traumatique qui ont des répercussions dans votre vie, comme les réminiscences, les cauchemars, la dépression, l'anxiété, ou les problèmes relationnels. Le conseiller ou la conseillère vous aidera à développer des habiletés pour composer avec les pensées, les émotions et les sensations envahissantes ou accablantes. Ces habiletés sont utiles car elles vous permettront de garder la maîtrise de vous-même. Un afflux trop abondant et trop rapide de souvenirs peut être perturbant. Lorsque vous avez besoin de temps pour comprendre et pour assimiler ce que vous vivez, dites-le au conseiller. Ce dernier peut aussi vous recommander de lire certains articles ou ouvrages écrits par des hommes qui ont subi de la violence sexuelle. À votre demande, le conseiller peut rencontrer votre conjointe ou votre partenaire pour lui suggérer diverses façons de vous aider à guérir.
Votre conseiller peut enfin vous recommander de vous inscrire à un groupe de soutien pour victimes de violence sexuelle.
La relation que vous avez avec votre conseiller est un partenariat. Vous décidez ensemble des sujets à aborder et du moment opportun pour ralentir le rythme des séances ou y mettre fin. Si vous n'êtes pas satisfait de votre conseiller, vous avez le droit de parler de ce qui vous préoccupe et le droit d'en choisir un autre.
Quels types de questions sont habituellement posées aux thérapeutes?
« J'ai bien entendu parler de garçons de cinq et six ans qui se faisaient agresser, mais moi, j'en avais dix quand l'adolescent qui me gardait m'a demandé de lui faire l'amour oral. N'étais-je pas assez vieux pour savoir ce que je faisais? N'aurais-je pas dû l'envoyer promener? »
L'âge n'a rien à voir, c'est uniquement de pouvoir qu'il s'agit ici. Les garçons qui dépendent affectivement ou financièrement d'un adulte ou d'un adolescent sont plus à risque d'être agressés sexuellement.
« J'avais quatorze ans quand l'entraîneur a invité les meilleurs joueurs de l'équipe, y compris moi, à faire du camping. Il nous a laissés prendre de la bière sur les lieux du camping. Je n'étais pas habitué à boire et tout ce dont je me souviens ensuite, c'est de m'être réveillé dans un lit aux côtés de l'entraîneur profondément endormi, sa main entre mes jambes. À l'âge que j'avais, n'aurais-je pas dû être assez intelligent pour me rendre compte des réelles intentions de l'entraîneur? »
Un entraîneur occupe une situation de pouvoir et peut facilement séduire un garçon en comblant son besoin d'attention et d'approbation. Les adolescents qui sont victimes d'agressions sexuelles ont encore plus honte et se sentent encore plus coupables que les jeunes garçons. Ils ont beaucoup de mal à signaler qu'ils ont été agressés. Pour en savoir plus, veuillez consulter le livret « Les adolescents qui ont été agressés sexuellement : Guide à l'intention des adolescents »
Les garçons dont nous venons de raconter l'histoire ont tous les deux grandi en croyant qu'ils étaient responsables des agressions et ont par conséquent continué à ressentir de la culpabilité une fois devenus des jeunes hommes.
Votre conseiller devra probablement vous rappeler que les enfants ne sont jamais responsables des agressions que les hommes et les adolescents plus âgés leur ont infligées.
« J'avais treize ans et j'étais membre de l'équipe de basket-ball de septième année à l'école. Un jour, après une partie, le professeur m'a caressé. J'en ai parlé à mon oncle Georges et il m'a dit que le professeur était un gai. Est-ce possible? Pensez-vous que j'ai fait quelque chose pour l'attirer? »
L'orientation sexuelle n'a rien à voir avec la violence sexuelle. Qui plus est, ce n'est pas une caractéristique propre à votre personnalité qui vous rend responsable de l'agression. Les agresseurs sont des gens qui exercent leur pouvoir sur des enfants parce que ceux-ci sont petits et sans défense. À cet égard, la réponse de l'oncle Georges est tendancieuse et témoigne de ses préjugés à l'égard des homosexuels.
« Alors, si j'ai été agressé sexuellement lorsque j'étais enfant, vais-je tôt ou tard finir par m'en prendre moi aussi aux enfants? »
Vous pouvez avoir des pensées troublantes au sujet d'enfants de temps à autre; l'apparition de fantasmes sexuels mettant en scène des enfants est certes un avertissement. Il est important de prendre conscience de ces sentiments et de ces fantasmes et d'en discuter avec un conseiller pour vous assurer que vous n'éprouverez pas le besoin de vous défouler en passant à l'acte.
De nombreux adultes et adolescents condamnés pour violence sexuelle ont en effet eux-mêmes été agressés sexuellement lorsqu'ils étaient enfants. Il ne s'ensuit pas automatiquement que tous les garçons agressés sexuellement deviennent à leur tour des agresseurs.
« Voyons, pourquoi me parles-tu d'agressions sexuelles? Quand j'avais huit ans, ma gardienne m'a fait mettre mon pénis dans son vagin. Grâce à elle, j'ai été initié longtemps avant les autres et, encore aujourd'hui, je fais un malheur auprès des femmes plus âgées. »
Dans nos sociétés, les hommes sont conditionnés à considérer toute expérience sexuelle avec une femme comme « une bonne affaire ». Les jeunes garçons agressés sexuellement par des femmes ou des adolescentes nient en général avoir été dominés, utilisés et humiliés. Il arrive même qu'ils exploitent cette expérience pour se donner de l'importance, sans comprendre à quel point elle perturbe aujourd'hui leurs relations d'adulte.
« Combien de temps vont durer les séances de counseling? Je veux en finir au plus vite et reprendre une vie normale. »
Comme la plupart des hommes, vous avez probablement été conditionné à agir et à obtenir des résultats rapidement. Mais on ne traite pas une agression sexuelle comme on tond le gazon ou comme on règle une affaire commerciale. Le changement personnel demande du temps et si vous avez été victime à la fois de violence physique et affective, il vous faudra travailler sur ces deux tableaux.
« Il y a autre chose..., un détail important dont je n'arrive pas à me souvenir. Pouvez-vous m'hypnotiser? »
Ce genre de demande est fait par ceux qui pensent que la clé de leur problème se trouve juste sous la surface et qu'il s'agit de mettre le doigt dessus pour être instantanément guéri. Comme les questions précédentes, cette demande découle du désir, fréquent chez les hommes, de régler rapidement les problèmes. À mesure que vous travaillerez avec votre conseiller, vous commencerez à mieux comprendre la valeur du changement progressif.
L'histoire de Martin
Martin s'est adressé à un conseiller sur les conseils du curé qui, après s'être entretenu quelque temps avec lui, le soupçonnait d'avoir été agressé sexuellement dans son enfance. Martin souffrait de sueurs nocturnes et se réveillait souvent dans des draps complètement trempés, parfois même en criant après avoir rêvé qu'un énorme animal l'attaquait. C'est sa femme qui l'avait imploré d'aller parler au curé, affligée de cette habitude qu'il avait d'interrompre l'acte sexuel avant d'atteindre l'orgasme. Martin se plaignait souvent de douleurs au pénis pendant les rapports sexuels et préférait les éviter.
Marié, Martin a eu trois brèves aventures homosexuelles dans lesquelles il jouait le rôle passif. Ces épisodes le remplissaient de honte et il se sentait indigne de son mariage. Sa femme, craignant qu'il contracte une infection transmise sexuellement et la lui transmette, menaçait de le quitter s'il recommençait.
Grâce au counseling, Martin a pu raconter qu'il avait passé la majeure partie de son enfance avec sa mère et ses cinq frères et sœurs dans un petit village de bûcherons. Après la séparation de ses parents, sa mère s'était mise à boire et avait eu plusieurs relations de courte durée. Certains de ses amants étaient violents avec elle et avec ses enfants. L'un d'eux, un travailleur de la scierie nommé Roger, était non seulement alcoolique et violent, mais aussi pédophile.
Les enfants ne savaient jamais quand Roger allait venir et vivaient dans un état de terreur permanent. Martin s'est rappelé comment Roger, ivre, montait dans son lit et le masturbait avant de sombrer dans le sommeil.
À mesure que ses souvenirs remontaient à la surface, les symptômes et les comportements de Martin ont pris un sens nouveau. Ses sueurs nocturnes, ses cauchemars, ses douleurs au pénis, sa crainte des relations sexuelles et ses aventures homosexuelles étaient vraisemblablement associés à l'agression dont il avait été victime. Le conseiller a demandé à Martin de venir avec sa femme pour une séance, afin d'expliquer à celle-ci le rapport qu'on pouvait établir entre les symptômes de son mari et l'agression dont il avait été victime dans son enfance. Par ailleurs, il a recommandé à Martin de se joindre à un groupe de soutien. Parce qu'il avait vécu si longtemps seul dans un petit village, isolé de ses frères et sœurs à cause de la honte que lui inspiraient les agressions dont il avait été victime, Martin a trouvé son expérience en groupe particulièrement profitable. Il a enfin pu s'exprimer librement parce qu'il savait que les gens qui s'y trouvaient le comprenaient.
La guérison de Martin s'est faite progressivement. Mais, avec l'aide de son conseiller, de son groupe de soutien et de sa femme, ses symptômes se sont atténués. Bien sûr, les cauchemars reviennent à l'occasion, mais quand il se réveille, Martin comprend maintenant d'où ils viennent et peut plus facilement se rendormir. S'il est encore craintif sur le plan sexuel, sa femme ne tarit pas d'éloges à propos de leur « nouvelle relation ». Leurs enfants perçoivent d'ailleurs le changement et sont aujourd'hui beaucoup plus détendus en présence de leurs parents.
Quelle attitude adopter vis-à-vis de l'agresseur?
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Porter des accusations au criminel. Vous pouvez porter des accusations au criminel contre votre agresseur. La première chose à faire est alors de signaler le cas à la police. Les autorités policières porteront la question à l'attention d'un procureur de la Couronne, qui décidera si les preuves sont suffisantes pour porter la cause devant un tribunal provincial ou fédéral. Le succès de la poursuite peut être facilité par la présentation de preuves corroborantes (des photographies prises par l'agresseur, par exemple) ou de preuves de faits similaires (des renseignements fournis par d'autres victimes).
Le fait de porter des accusations au criminel a l'avantage de faire porter le fardeau de la poursuite au bon endroit, soit sur la société dans son ensemble. Il est en effet contraire à la loi d'exploiter sexuellement des enfants : c'est donc un crime contre la société en plus d'être un crime contre votre personne. Porter des accusations au criminel est également un moyen de canaliser sa colère de façon constructive, en obtenant justice. Par contre, le recours aux tribunaux demande souvent beaucoup de temps et peut se révéler très frustrant.
Vous pouvez aussi poursuivre votre agresseur au civil. Cela peut être plus facile, car la norme de preuve y est moindre qu'au criminel. Toutefois, une condamnation au criminel donnerait du poids à votre cause au civil. Dans une poursuite au civil, si le juge rend sa décision en votre faveur, votre agresseur pourrait alors devoir vous dédommager en argent, ce qui vous aiderait à payer votre thérapie et vous indemniserait pour les heures de travail perdues à cause des répercussions de l'agression. Toutefois, le processus judiciaire peut être éprouvant pour vous. Il serait bon d'analyser les choix qui s'offrent à vous avec votre conseiller, un employé des services aux victimes, votre conjointe, un avocat ou un ami, mais la personne qui importe le plus dans tout ça, c'est vous-même. La décision vous appartient.
- Confronter l'agresseur. Certains peuvent être tentés de trouver leur agresseur et de lui dire face à face ce qu'ils pensent de lui. Cela peut cependant se révéler plus difficile qu'il n'y paraît, surtout si, une fois en face de lui, vous retrouvez soudainement les sentiments de petit garçon impuissant qui vous habitaient autrefois. Il peut être satisfaisant de lui signifier de vive voix à quel point ses actes ont été dévastateurs, mais on risque aussi de se trouver face à quelqu'un qui nie les faits ou qui les trouve insignifiants. Il faut donc prévoir les réactions possibles de l'agresseur et les répercussions, négatives et positives d'une confrontation.
- Se venger. Certains caressent l'idée d'attaquer et de battre leur agresseur. Si on peut se sentir justifié d'exprimer ainsi sa colère, on risque par contre d'en payer cher les conséquences. On risque notamment d'aggraver encore ses problèmes psychologiques ou même d'aboutir en prison.
- Pardonner à l'agresseur. On peut aussi choisir de pardonner à l'agresseur dans le cadre du processus de guérison. Certaines personnes de votre entourage peuvent insister auprès de vous pour que vous pardonniez à votre agresseur. Mais un pardon prématuré peut accroître encore la culpabilité et bloquer le processus de guérison. Si vous n'arrivez pas à pardonner à votre agresseur, vous pouvez toujours vous dire qu'il obtiendra le pardon du dieu auquel il croit. C'est à vous de décider : pardonner ou ne pas pardonner. Les deux options sont légitimes.
- Oublier momentanément. Vous pouvez décider de ne rien faire au sujet de l'agresseur pour le moment et choisir de concentrer tous vos efforts sur votre propre guérison. L'oubli n'est pas le pardon. Après vous être occupé de vous-même pendant un certain temps, peut-être déciderez-vous d'entreprendre une démarche.
Que dois-je dire à ma conjointe ou à mon conjoint?
Si vous êtes membre d'un couple, votre partenaire peut être pour vous une précieuse source de soutien. Par soutien, on entend la capacité de partager la douleur, de donner de l'amour, d'encourager et d'appuyer les décisions. Mais ne prenez pas votre partenaire comme conseiller! Cela exerce en effet une pression beaucoup trop forte sur la relation. Et il est peut-être aussi injuste, sinon impossible, de demander à votre partenaire de vous donner un avis objectif. Cherchez soutien et réconfort auprès de votre partenaire et demandez plutôt conseil à votre conseiller.
Il est important de raconter à votre partenaire ce que vous vivez et ce que vous avez vécu. Cela peut cependant créer certaines tensions... mais aussi des possibilités. Si votre partenaire a également été victime de violence sexuelle, vous risquez ainsi de lui rappeler de pénibles souvenirs; mais vous pouvez alors profiter de l'occasion pour chacun de consulter un conseiller et vous en remettre en même temps. En exprimant en même temps les mêmes besoins affectifs, vous risquez aussi de mettre votre relation à rude épreuve; pour vraiment s'aider, chacun doit être capable de dire à l'autre quand il a besoin d'aide, quand il est en mesure d'en donner et quand il a besoin d'être seul.
Est-il possible de s'en remettre?
OUI, mais il faut voir cette guérison comme un processus et non comme un projet aboutissant à un résultat final. On ne peut espérer atteindre un moment de grâce où, comme par magie, tous les problèmes s'évanouissent et le bonheur s'installe en permanence. Il est plus probable qu'à divers stades de votre vie, de nouvelles questions surgiront qui vous inciteront peut-être à retourner voir un conseiller pendant quelque temps.
La guérison se manifeste plutôt par une diminution des symptômes liés à l'agression sexuelle, par un accroissement de l'estime de soi, et par l'instauration de relations plus satisfaisantes avec les autres. Vous aurez davantage l'impression de maîtriser votre destinée. En d'autres mots, au lieu de laisser le traumatisme de l'agression guider votre vie, vous prendrez vous-même les affaires en main. Vous pouvez certes mener une vie heureuse!
La guérison peut ressembler à ce qui est arrivé à Martin. Martin a vu ses symptômes pratiquement disparaître, sa relation avec sa femme s'est améliorée, et ses enfants sont moins anxieux. Ce n'est peut-être pas le bonheur total, mais c'est tout de même mieux que l'enfer dans lequel il vivait avant sa guérison.
Des ressources additionnelles sont disponibles à votre centre de ressources communautaire, à votre bibliothèque publique ou au Centre national d'information sur la violence dans la famille.
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