ARCHIVÉE - Les hommes qui ont été victimes de violence sexuelle durant l'enfance: Guide à l'intention des hommes

Ce livre répond aux questions suivantes :

À qui s'adresse ce livret?

Ce livret s'adresse aux milliers d'hommes qui ont été victimes de violence sexuelle au Canada alors qu'ils étaient enfants ou adolescents. Il s'adresse également aux personnes qui aident ces hommes à aborder chaque nouvelle journée avec courage : leur conjoint ou conjointe, leurs amis et leurs parents.

Si vous avez été agressé sexuellement quand vous étiez enfant, ce livret vous aidera à mieux comprendre les répercussions que peut avoir cette expérience sur votre vie actuelle.

Si vous avez été agressé sexuellement quand vous étiez enfant, ce livret vous aidera à mieux comprendre les répercussions que peut avoir cette expérience sur votre vie actuelle. Il peut aussi vous aider à tirer un trait sur les expériences de votre enfance et vous aider à guérir. Si vous voyez un conseiller ou envisagez de le faire, ce livret vous aidera enfin à mieux comprendre en quoi consiste son rôle.

Beaucoup d'hommes ont du mal à admettre qu'ils ont été autrefois victimes de violence sexuelle. Dans notre culture, en effet, tout homme qui se respecte se doit de maîtriser tous les aspects de sa vie. C'est pourquoi les garçons victimes d'agressions pensent souvent qu'ils auraient dû être capables de se défendre contre leur agresseur; une fois adultes, ils s'en veulent encore de s'être laissé dominer. Les informations contenues dans ce livret vous aideront à mettre de l'ordre dans vos idées et à reporter la responsabilité des agressions là où il se doit, soit sur l'agresseur.

Ce livre vise à :

Qu'entend-on par violence sexuelle?

La violence sexuelle constitue un abus de pouvoir. Si une personne plus âgée, plus forte ou plus expérimentée que vous vous a déjà obligé à vous adonner à une activité sexuelle lorsque vous étiez enfant ou adolescent, vous avez été victime de violence sexuelle. L'agresseur peut avoir gagné votre confiance pour mieux vous tromper et profiter de vous. Il ou elle peut avoir encore aggravé le mauvais traitement en vous forçant à garder le secret et en vous culpabilisant.

La violence sexuelle ne désigne pas seulement les attouchements de nature sexuelle. Si on vous a obligé, enfant, à observer des activités sexuelles ou à visionner du matériel pornographique, vous avez aussi été victime de violence sexuelle. Vous l'avez été également si un adulte a violé votre intimité de façon répétée - en vous observant lorsque vous preniez votre douche ou en faisant des commentaires d'ordre sexuel sur votre corps.

Dans quelles sphères de votre vie les agressions sexuelles peuvent-elles avoir des répercussions?

Les hommes qu'ils soient hétérosexuels ou homosexuels, peuvent avoir des difficulités avec les relations sexuelles à la suite d'une agression.

Que puis-je faire pour obtenir l'aide dont j'ai besoin?

Peut-être avez-vous du mal à admettre que vous avez été agressé sexuellement et qu'une autre personne ait pu vous dominer à ce point. Peut-être même croyez-vous que le fait d'avoir été agressé fait de vous un lâche. C'est là une attitude erronée, héritée des vieilles structures patriarcales de notre société, qui valorisent le pouvoir, associé à la virilité, et dévaluent la vulnérabilité, associée à la « faiblesse » et à la féminité. Par conséquent, les hommes n'osent avouer qu'ils aient pu être dominés et s'être sentis impuissants : ils optent pour le déni. Le déni est à lui seul le principal obstacle qui empêche d'obtenir de l'aide. Et, à cause des valeurs qui prédominent dans notre société, il est habituellement plus enraciné chez les hommes que chez les femmes.

La violence sexuelle constitue un abus de pouvoir.

C'est pourquoi il faut du courage pour admettre que l'on a été victime de violence sexuelle. Il faut ensuite mettre les chances de son côté en trouvant un conseiller ou un groupe de soutien, ou les deux. La meilleure façon de faire est de demander à des gens en qui vous avez confiance de vous en recommander un. Lorsque cela est impossible, vous pouvez communiquer avec des associations professionnelles de counseling, qui vous donneront le nom de personnes qualifiées qui s'occupent des victimes de violence sexuelle. Vous pourrez alors faire votre choix et trouver un conseiller avec qui vous vous sentirez assez à l'aise pour travailler.

Le counseling individuel prolongé peut coûter cher, toutefois certains travailleurs sociaux offrent des tarifs ajustables en fonction des revenus. Vous pouvez aussi consulter un psychiatre ou un psychologue dans le cadre d'un régime d'assurance-maladie provincial ou d'un régime d'assurance complémentaire. Dans certaines provinces, lorsqu'on porte plainte contre un agresseur, on est parfois admissible au counseling auprès d'un psychologue, d'un conseiller clinique ou d'un travailleur social clinique qualifié par l'intermédiaire d'un programme d'indemnisation des victimes d'actes criminels. S'il vous est impossible de consulter un conseiller, le groupe de soutien pourrait être une bonne solution de rechange.

Comment un conseiller peut-il m'aider?

Une fois que vous avez avoué avoir été victime de violence sexuelle dans votre enfance à votre conseiller, vous avez franchi une nouvelle étape importante vers la guérison.

La première étape de la guérison consiste à admettre que l'on a été victime de violence sexuelle.

Toutefois, même après avoir avoué avoir été agressé sexuellement, vous pourriez :

Pour préserver leur équilibre, les victimes ont souvent tendance à minimiser les événements traumatisants et leurs effets ou à refuser d'admettre qu'ils se sont produits.

Un conseiller vous aidera à mettre de l'ordre dans les idées et les sentiments qui vous habitent. Vous pourrez alors vous attaquer sérieusement au traumatisme de l'agression de façon à en éliminer les effets négatifs sur votre vie.

Votre conseiller vous interrogera probablement sur certains symptômes de stress post-traumatique qui ont des répercussions dans votre vie, comme les réminiscences, les cauchemars, la dépression, l'anxiété, ou les problèmes relationnels. Le conseiller ou la conseillère vous aidera à développer des habiletés pour composer avec les pensées, les émotions et les sensations envahissantes ou accablantes. Ces habiletés sont utiles car elles vous permettront de garder la maîtrise de vous-même. Un afflux trop abondant et trop rapide de souvenirs peut être perturbant. Lorsque vous avez besoin de temps pour comprendre et pour assimiler ce que vous vivez, dites-le au conseiller. Ce dernier peut aussi vous recommander de lire certains articles ou ouvrages écrits par des hommes qui ont subi de la violence sexuelle. À votre demande, le conseiller peut rencontrer votre conjointe ou votre partenaire pour lui suggérer diverses façons de vous aider à guérir.

Un conseiller devra probablement vous rappeler plusieurs fois que vous n'êtes ni responsable, ni coupable de l'abus dont vous avez été victime.

Votre conseiller peut enfin vous recommander de vous inscrire à un groupe de soutien pour victimes de violence sexuelle.

La relation que vous avez avec votre conseiller est un partenariat. Vous décidez ensemble des sujets à aborder et du moment opportun pour ralentir le rythme des séances ou y mettre fin. Si vous n'êtes pas satisfait de votre conseiller, vous avez le droit de parler de ce qui vous préoccupe et le droit d'en choisir un autre.

Quels types de questions sont habituellement posées aux thérapeutes?

« J'ai bien entendu parler de garçons de cinq et six ans qui se faisaient agresser, mais moi, j'en avais dix quand l'adolescent qui me gardait m'a demandé de lui faire l'amour oral. N'étais-je pas assez vieux pour savoir ce que je faisais? N'aurais-je pas dû l'envoyer promener? »

L'âge n'a rien à voir, c'est uniquement de pouvoir qu'il s'agit ici. Les garçons qui dépendent affectivement ou financièrement d'un adulte ou d'un adolescent sont plus à risque d'être agressés sexuellement.

« J'avais quatorze ans quand l'entraîneur a invité les meilleurs joueurs de l'équipe, y compris moi, à faire du camping. Il nous a laissés prendre de la bière sur les lieux du camping. Je n'étais pas habitué à boire et tout ce dont je me souviens ensuite, c'est de m'être réveillé dans un lit aux côtés de l'entraîneur profondément endormi, sa main entre mes jambes. À l'âge que j'avais, n'aurais-je pas dû être assez intelligent pour me rendre compte des réelles intentions de l'entraîneur? »

Un entraîneur occupe une situation de pouvoir et peut facilement séduire un garçon en comblant son besoin d'attention et d'approbation. Les adolescents qui sont victimes d'agressions sexuelles ont encore plus honte et se sentent encore plus coupables que les jeunes garçons. Ils ont beaucoup de mal à signaler qu'ils ont été agressés. Pour en savoir plus, veuillez consulter le livret « Les adolescents qui ont été agressés sexuellement : Guide à l'intention des adolescents »

Les garçons dont nous venons de raconter l'histoire ont tous les deux grandi en croyant qu'ils étaient responsables des agressions et ont par conséquent continué à ressentir de la culpabilité une fois devenus des jeunes hommes.

Votre conseiller devra probablement vous rappeler que les enfants ne sont jamais responsables des agressions que les hommes et les adolescents plus âgés leur ont infligées.

« J'avais treize ans et j'étais membre de l'équipe de basket-ball de septième année à l'école. Un jour, après une partie, le professeur m'a caressé. J'en ai parlé à mon oncle Georges et il m'a dit que le professeur était un gai. Est-ce possible? Pensez-vous que j'ai fait quelque chose pour l'attirer? »

L'orientation sexuelle n'a rien à voir avec la violence sexuelle. Qui plus est, ce n'est pas une caractéristique propre à votre personnalité qui vous rend responsable de l'agression. Les agresseurs sont des gens qui exercent leur pouvoir sur des enfants parce que ceux-ci sont petits et sans défense. À cet égard, la réponse de l'oncle Georges est tendancieuse et témoigne de ses préjugés à l'égard des homosexuels.

« Alors, si j'ai été agressé sexuellement lorsque j'étais enfant, vais-je tôt ou tard finir par m'en prendre moi aussi aux enfants? »

Vous pouvez avoir des pensées troublantes au sujet d'enfants de temps à autre; l'apparition de fantasmes sexuels mettant en scène des enfants est certes un avertissement. Il est important de prendre conscience de ces sentiments et de ces fantasmes et d'en discuter avec un conseiller pour vous assurer que vous n'éprouverez pas le besoin de vous défouler en passant à l'acte.

De nombreux adultes et adolescents condamnés pour violence sexuelle ont en effet eux-mêmes été agressés sexuellement lorsqu'ils étaient enfants. Il ne s'ensuit pas automatiquement que tous les garçons agressés sexuellement deviennent à leur tour des agresseurs.

« Voyons, pourquoi me parles-tu d'agressions sexuelles? Quand j'avais huit ans, ma gardienne m'a fait mettre mon pénis dans son vagin. Grâce à elle, j'ai été initié longtemps avant les autres et, encore aujourd'hui, je fais un malheur auprès des femmes plus âgées. »

Dans nos sociétés, les hommes sont conditionnés à considérer toute expérience sexuelle avec une femme comme « une bonne affaire ». Les jeunes garçons agressés sexuellement par des femmes ou des adolescentes nient en général avoir été dominés, utilisés et humiliés. Il arrive même qu'ils exploitent cette expérience pour se donner de l'importance, sans comprendre à quel point elle perturbe aujourd'hui leurs relations d'adulte.

« Combien de temps vont durer les séances de counseling? Je veux en finir au plus vite et reprendre une vie normale. »

Comme la plupart des hommes, vous avez probablement été conditionné à agir et à obtenir des résultats rapidement. Mais on ne traite pas une agression sexuelle comme on tond le gazon ou comme on règle une affaire commerciale. Le changement personnel demande du temps et si vous avez été victime à la fois de violence physique et affective, il vous faudra travailler sur ces deux tableaux.

« Il y a autre chose..., un détail important dont je n'arrive pas à me souvenir. Pouvez-vous m'hypnotiser? »

Ce genre de demande est fait par ceux qui pensent que la clé de leur problème se trouve juste sous la surface et qu'il s'agit de mettre le doigt dessus pour être instantanément guéri. Comme les questions précédentes, cette demande découle du désir, fréquent chez les hommes, de régler rapidement les problèmes. À mesure que vous travaillerez avec votre conseiller, vous commencerez à mieux comprendre la valeur du changement progressif.

L'histoire de Martin

Martin s'est adressé à un conseiller sur les conseils du curé qui, après s'être entretenu quelque temps avec lui, le soupçonnait d'avoir été agressé sexuellement dans son enfance. Martin souffrait de sueurs nocturnes et se réveillait souvent dans des draps complètement trempés, parfois même en criant après avoir rêvé qu'un énorme animal l'attaquait. C'est sa femme qui l'avait imploré d'aller parler au curé, affligée de cette habitude qu'il avait d'interrompre l'acte sexuel avant d'atteindre l'orgasme. Martin se plaignait souvent de douleurs au pénis pendant les rapports sexuels et préférait les éviter.

Marié, Martin a eu trois brèves aventures homosexuelles dans lesquelles il jouait le rôle passif. Ces épisodes le remplissaient de honte et il se sentait indigne de son mariage. Sa femme, craignant qu'il contracte une infection transmise sexuellement et la lui transmette, menaçait de le quitter s'il recommençait.

Grâce au counseling, Martin a pu raconter qu'il avait passé la majeure partie de son enfance avec sa mère et ses cinq frères et sœurs dans un petit village de bûcherons. Après la séparation de ses parents, sa mère s'était mise à boire et avait eu plusieurs relations de courte durée. Certains de ses amants étaient violents avec elle et avec ses enfants. L'un d'eux, un travailleur de la scierie nommé Roger, était non seulement alcoolique et violent, mais aussi pédophile.

Les enfants ne savaient jamais quand Roger allait venir et vivaient dans un état de terreur permanent. Martin s'est rappelé comment Roger, ivre, montait dans son lit et le masturbait avant de sombrer dans le sommeil.

À mesure que ses souvenirs remontaient à la surface, les symptômes et les comportements de Martin ont pris un sens nouveau. Ses sueurs nocturnes, ses cauchemars, ses douleurs au pénis, sa crainte des relations sexuelles et ses aventures homosexuelles étaient vraisemblablement associés à l'agression dont il avait été victime. Le conseiller a demandé à Martin de venir avec sa femme pour une séance, afin d'expliquer à celle-ci le rapport qu'on pouvait établir entre les symptômes de son mari et l'agression dont il avait été victime dans son enfance. Par ailleurs, il a recommandé à Martin de se joindre à un groupe de soutien. Parce qu'il avait vécu si longtemps seul dans un petit village, isolé de ses frères et sœurs à cause de la honte que lui inspiraient les agressions dont il avait été victime, Martin a trouvé son expérience en groupe particulièrement profitable. Il a enfin pu s'exprimer librement parce qu'il savait que les gens qui s'y trouvaient le comprenaient.

La guérison de Martin s'est faite progressivement. Mais, avec l'aide de son conseiller, de son groupe de soutien et de sa femme, ses symptômes se sont atténués. Bien sûr, les cauchemars reviennent à l'occasion, mais quand il se réveille, Martin comprend maintenant d'où ils viennent et peut plus facilement se rendormir. S'il est encore craintif sur le plan sexuel, sa femme ne tarit pas d'éloges à propos de leur « nouvelle relation ». Leurs enfants perçoivent d'ailleurs le changement et sont aujourd'hui beaucoup plus détendus en présence de leurs parents.

Quelle attitude adopter vis-à-vis de l'agresseur?

Que dois-je dire à ma conjointe ou à mon conjoint?

Si vous êtes membre d'un couple, votre partenaire peut être pour vous une précieuse source de soutien. Par soutien, on entend la capacité de partager la douleur, de donner de l'amour, d'encourager et d'appuyer les décisions. Mais ne prenez pas votre partenaire comme conseiller! Cela exerce en effet une pression beaucoup trop forte sur la relation. Et il est peut-être aussi injuste, sinon impossible, de demander à votre partenaire de vous donner un avis objectif. Cherchez soutien et réconfort auprès de votre partenaire et demandez plutôt conseil à votre conseiller.

Cherchez soutien et réconfort auprès de votre partenaire et demandez plutôt conseil à votre conseiller.

Il est important de raconter à votre partenaire ce que vous vivez et ce que vous avez vécu. Cela peut cependant créer certaines tensions... mais aussi des possibilités. Si votre partenaire a également été victime de violence sexuelle, vous risquez ainsi de lui rappeler de pénibles souvenirs; mais vous pouvez alors profiter de l'occasion pour chacun de consulter un conseiller et vous en remettre en même temps. En exprimant en même temps les mêmes besoins affectifs, vous risquez aussi de mettre votre relation à rude épreuve; pour vraiment s'aider, chacun doit être capable de dire à l'autre quand il a besoin d'aide, quand il est en mesure d'en donner et quand il a besoin d'être seul.

Est-il possible de s'en remettre?

OUI, mais il faut voir cette guérison comme un processus et non comme un projet aboutissant à un résultat final. On ne peut espérer atteindre un moment de grâce où, comme par magie, tous les problèmes s'évanouissent et le bonheur s'installe en permanence. Il est plus probable qu'à divers stades de votre vie, de nouvelles questions surgiront qui vous inciteront peut-être à retourner voir un conseiller pendant quelque temps.

La guérison se manifeste plutôt par une diminution des symptômes liés à l'agression sexuelle, par un accroissement de l'estime de soi, et par l'instauration de relations plus satisfaisantes avec les autres. Vous aurez davantage l'impression de maîtriser votre destinée. En d'autres mots, au lieu de laisser le traumatisme de l'agression guider votre vie, vous prendrez vous-même les affaires en main. Vous pouvez certes mener une vie heureuse!

La guérison se manifeste souvent par une diminution des symptômes liés à l'agression sexuelle, par un accroissement de l'estime de soi, et par l'instauration de relations plus satisfaisantes avec les autres.

La guérison peut ressembler à ce qui est arrivé à Martin. Martin a vu ses symptômes pratiquement disparaître, sa relation avec sa femme s'est améliorée, et ses enfants sont moins anxieux. Ce n'est peut-être pas le bonheur total, mais c'est tout de même mieux que l'enfer dans lequel il vivait avant sa guérison.

Des ressources additionnelles sont disponibles à votre centre de ressources communautaire, à votre bibliothèque publique ou au Centre national d'information sur la violence dans la famille.

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