ARCHIVÉ : Coup d'œil sur la pratique sensible : Manuel de pratique sensible à l'intention des professionnels de la santé : Leçons tirées des personnes qui ont été victimes de violence sexuelle durant l'enfance

 

Coup d'œil sur la pratique sensible

La pratique sensible a pour but de favoriser le développement d'un sentiment de sécurité chez les patients et patientes. Tels qu'exposés aux Tableaux 7 et 8, les principes et les lignes directrices qu'énonce le Manuel de pratique s'inspirent d'études réalisées auprès de Canadiens et de Canadiennes ayant des antécédents de violence sexuelle pendant l'enfance. Ces principes et lignes directrices dictent une attitude fondamentale à l'égard des soins qui devrait prévaloir pour tout patient ou toute patiente. En faisant des principes pour la pratique sensible une norme, les pourvoyeurs et pourvoyeuses de soins de santé attestent du respect qu'ils portent à leurs clients et clientes tout en soutenant l'autonomie de ces derniers et leur droit de participer à la prestation des soins. En outre, ils atténuent le risque de réitérer les traumatismes subis par les personnes ayant survécu à une agression sexuelle qui se retrouvent - à leur insu ou non - parmi leur clientèle.

Tableau 7. - Aperçu des principes pour la pratique sensible

Faire preuve de respect Reconnaître la valeur particulière des clients et clientes en tant que personnes dotées de croyances, de valeurs, de besoins et d'antécédents qui leur sont propres, c'est imposer le respect de leurs droits humains fondamentaux, défendre ces droits et surseoir aux jugements à l'endroit de ces personnes.
Prendre le temps Prendre le temps qu'il faut avec les patients et patientes leur évite un sentiment de dépersonnalisation ou d'objectivation.
Établir de bons rapports Définir et cultiver un style personnel qui marie professionnalisme et compassion sincère, c'est favoriser l'instauration d'un climat de confiance et le développement d'un sentiment de sécurité.
Partager l'information Renseigner sans cesse les patients et patientes pour qu'ils sachent à quoi s'attendre et les inviter à poser des questions, à donner de l'information et à fournir une rétroaction sont autant de mesures qui contribuent à atténuer l'anxiété des intéressés et qui favorisent une participation active de ces derniers à leurs propres soins de santé.
Partager le contrôle Demander le consentement et proposer des choix, c'est donner l'occasion aux patients et aux patientes de participer activement et à part entière à leurs propres soins de santé tout en permettant au clinicien ou à la clinicienne de collaborer avec eux, par opposition à travailler auprès d'eux.
Respecter les limites Porter une attention constante aux limites et aborder les ennuis qui surviennent permet de souligner le droit à l'autonomie personnelle des patients et patientes.
Favoriser un apprentissage mutuel Favoriser la mise en place d'un environnement propice à des échanges réciproques incite les personnes ayant survécu à une agression sexuelle à se renseigner sur leur santé et à apprendre à participer activement à leurs propres soins, tout en aidant les cliniciens et cliniciennes à découvrir les meilleures méthodes pour collaborer avec les personnes ayant subi des violences interpersonnelles.
Comprendre la guérison non linéaire Vérifier l'état des patients et patientes à chaque rencontre et au fil du temps (et consentir à adapter les comportements en conséquence) permet aux aidants et aidantes de satisfaire aux besoins de personnes qui ne possèdent pas en tout temps la même capacité de tolérer des examens et des formalités de santé.
Démontrer une connaissance et une conscience de la violence interpersonnelle Témoigner un éveil à l'égard des questions de violence interpersonnelle permet aux professionnels et professionnelles de se montrer dignes de confiance tout en favorisant l'instauration d'un climat qui incite les patients et patientes à accepter de collaborer avec les pourvoyeurs et pourvoyeuses de soins de santé.


Tableau 8. - Aperçu des lignes directrices pour la pratique sensible
Cadre dans lequel se déroulent les rencontres
Personnel admini-stratif et assistants ou assistantes
  • Former tout le personnel aux méthodes de pratique sensible
  • Collaborer avec le personnel et les assistants et assistantes en vue d'élaborer des « réponses usuelles » qui tiennent compte des personnes ayant survécu à une agression sexuelle
Salles d'attente
  • Informer les patients et patientes des délais d'attente ou les prier de vérifier de temps à autre
  • Fournir des documents qui traitent des traumas interpersonnels
  • Donner accès à des toilettes et indiquer clairement où elles se trouvent
Protection de la vie privée
  • Cogner et attendre une réponse avant d'entrer
  • Prévoir au moins une salle insonorisée servant aux examens ou aux entrevues
  • Résoudre les problèmes avec le concours des patients et patientes afin de satisfaire à leurs besoins de sécurité et de protection de la vie privée
Préparatifs visant les patients et patientes
  • Fournir des renseignements préliminaires en langage clair et simple, verbalement et par écrit
  • Négocier avec les patients et patientes afin de cerner leurs besoins et de trouver des solutions utiles
  • Favoriser la présence d'accompagnateurs et d'accompagnatrices ou de personnes exerçant la fonction de « chaperon » ainsi que convenir des fonctions exercées par chaque partie
Rencontres avec les patients ou patientes
Présentations
  • Discuter et négocier à propos des rôles joués par le patient ou la patiente et le clinicien ou la clinicienne, et ce, avant tout examen ou traitement
  • Prévoir assez de temps pour permettre à la personne de bien comprendre les gestes du clinicien ou de la clinicienne
  • Ne pas supposer que le patient ou la patiente sait de quoi il en retourne lors d'un examen, d'un traitement ou d'une formalité
  • Demander sans cesse le consentement du patient ou de la patiente, et ce, tout au long de la rencontre
Vêtements
  • S'assurer de rencontrer le patient ou la patiente avant et après l'examen, à un moment où la personne porte tous ses vêtements
  • Justifier le besoin de se dévêtir
  • Discuter des exigences de déshabillage avec le patient ou la patiente et collaborer avec la personne pour trouver une solution acceptable
  • Minimiser le nombre de vêtements à retirer et la période pendant laquelle la personne se met à nu
  • Fournir tout un assortiment de jaquettes de différentes tailles, pouvant convenir aux personnes de toute corpulence
  • Sortir de la salle pendant que le patient ou la patiente se change
Demandes de renseignements spécifiques à la tâche
  • Interroger le patient ou la patiente à propos de ses expériences passées, de ses préférences et des réserves que lui inspire l'examen ou la formalité
  • Demander à la personne s'il y a moyen de la mettre à l'aise
  • Demander au patient ou à la patiente d'indiquer s'il y a d'autres éléments dont le clinicien ou la clinicienne devrait prendre connaissance
  • Répéter les demandes de temps à autre au fil de la rencontre ou si le langage corporel de la personne trahit un malaise
Approche générale
  • Recourir aux demandes de renseignements spécifiques à la tâche pour cerner les difficultés, et tâcher de résoudre conjointement les problèmes pour mettre la personne à l'aise
  • Surveiller le langage corporel et réagir à tout signe de détresse
  • Expliquer pourquoi certaines positions doivent être prises par le patient ou la patiente et le clinicien ou la clinicienne
Toucher
  • Décrire les éléments en cause avant et pendant l'examen ou le traitement
  • Demander le consentement avant de commencer et au moment de faire porter l'attention sur une partie différente du corps
  • Inciter la personne à demander, en tout temps, de faire une pause ou encore de ralentir ou d'interrompre l'examen si elle doit dissiper un malaise ou calmer un sentiment d'anxiété
  • Expliquer le bien-fondé de l'examen de parties du corps autres que celles où se manifestent des symptômes, en cas de problème énoncé justifiant une telle démarche
Examens et formalités visant les organes génitaux ou le rectum
  • Reconnaître le malaise
  • Commenter au fur et à mesure les gestes qui sont posés
  • Minimiser la période pendant laquelle la personne est maintenue dans une position où elle peut se sentir dominée
  • Recouvrir les parties de corps ne faisant pas l'objet d'un examen
Santé bucco- dentaire et soins du visage
  • Convenir de signaux à faire de la main afin que le patient ou la patiente puisse donner une rétroaction immédiate lorsque la communication verbale s'avère impossible
  • Échanger avec le patient ou la patiente en vue de contrer les réserves liées à l'odeur des gants ou des digues dentaires, aux sensations que laissent ces objets, à la position du corps ou à d'autres difficultés spécifiques à la tâche
  • Veiller à formuler des commentaires qui soient aussi peu catégoriques que possible à propos de la santé ou des comportements bucco-dentaires du patient ou de la patiente
  • Minimiser la durée de la rencontre et songer à répartir les interventions de plus longue durée sur deux rendez-vous ou plus
Défis affrontés lors de rencontres
Douleur et séparation du corps
  • Évaluer systématiquement la douleur sans se montrer trop catégorique
  • Collaborer avec le client ou la cliente à la définition d'objectifs réalistes et identifier des recommandations appropriées
  • Inciter fréquemment la personne à se concentrer sur son corps
  • Donner des instructions claires, verbalement et par écrit, telles que la personne puisse les comprendre
  • Proposer un éventail de stratégies visant à stimuler la conscience de soi
Non-respect des traitements
  • Explorer toutes les catégories d'obstacles avec le patient ou la patiente et s'attaquer aux problèmes en formulant des solutions réalisables
  • Adapter les traitements pour qu'ils conviennent au patient ou à la patiente
  • Prévoir, si possible, des rendez-vous « le jour même » à l'intention de personnes qui annulent souvent leur rendez-vous
Modèle « S.A.V.E. the situation
  • Interrompre toute activité et porter toute l'attention sur la situation actuelle
  • Prendre connaissance de la situation de la personne et la cerner
  • Valider l'expérience que vit la personne
  • Explorer quelles seraient les prochaines étapes, de concert avec le patient ou la patiente
Éléments déclencheurs et dissociation
  • Passer en revue la liste d'éléments déclencheurs communs et réfléchir à ceux qui pourraient être évités ou dont on pourrait tenir compte
  • Apprendre à reconnaître les signes d'une « réaction de combat ou de fuite »
  • Collaborer avec la personne frappée par un élément déclencheur de façon à rétablir sa conscience de l'ici-maintenant et à la réorienter
  • Normaliser l'expérience
  • Assurer un suivi adéquat
Colère et agitation
  • Porter attention à la sécurité personnelle
  • Recourir à un langage corporel non menaçant
  • Négocier avec le patient ou la patiente et certifier quels sont les intérêts et les préoccupations du clinicien ou de la clinicienne
Divulgation
Comment réagir efficacement Si le patient ou la patiente divulgue des sévices passés :
  • Accepter l'information
  • Témoigner de l'empathie et de la compassion
  • Préciser la question du secret professionnel
  • Normaliser l'expérience en reconnaissant la prévalence de la violence
  • Valider la divulgation et rassurer la personne pour faire échec aux sentiments de vulnérabilité
  • Aborder les contraintes de temps Collaborer avec la personne à l'élaboration d'un programme immédiat d'entretien personnel
  • Reconnaître qu'il n'est pas toujours nécessaire d'agir
  • Demander s'il s'agit d'une première divulgation
Au moment de la divulgation ou lors d'un échange subséquent :
  • Discuter des répercussions des antécédents de violence sur les soins à venir et sur les échanges avec le clinicien ou la clinicienne
  • S'enquérir des services de soutien social axés sur les questions de violence

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