ARCHIVÉ : Chapitre 11 : Les jeunes au Canada : leur santé et leur bien-être – Conclusions

 

Les jeunes

Le présent rapport visait principalement à examiner les déterminants de la santé des jeunes Canadiens. Il visait également à examiner des tendances choisies concernant la santé de ces jeunes de 1990 à 2002. L'enquête HBSC n'a pas pour but d'évaluer l'incidence de changements précis dans les systèmes sociaux, d'éducation et de santé sur la santé des jeunes, mais seulement de relever si des changements se sont opérés concernant leur état de santé et les déterminants de cet état de santé.

Dans la présente enquête, le sexe s'est révélé un important déterminant de nombreux aspects de la vie des adolescents, notamment la santé physique et la santé émotionnelle, la satisfaction à l'égard de la vie à l'école et de la vie à la maison, les modes de vie sains, l'intimidation et les blessures. Les inégalités socioéconomiques associées au degré d'aisance et au statut social (par exemple, le travail des parents) étaient aussi prononcées. Une proportion importante des élèves interrogés ont indiqué que leur famille n'était pas à l'aise sur le plan financier, et une faible - mais non moins alarmante - proportion d'entre eux, à qui il arrive de se coucher sans avoir assouvi leur faim. Le quart des élèves ont indiqué que soit leur père soit leur mère était au chômage. Cependant, la majorité des jeunes ont aussi indiqué que leur famille possédait des biens matériels tels que des voitures et des ordinateurs. L'inégalité entre ces deux extrêmes peut compromettre la santé de la population. Ainsi, il existe un lien important entre la situation socio-économique et les observations relatives à la santé des adolescents comme l'indique le fait que les élèves dont la famille se situe dans la partie supérieure (moyen à élevé) de l'échelle d'aisance de la famille soient beaucoup plus nombreux à considérer que leur santé est bonne, à être satisfaits de leur vie, notamment à la maison, ainsi qu'à avoir de bonnes relations avec leurs parents. Pour s'attaquer aux causes de ces écarts entre les déterminants socio-économiques de la santé des adolescents, il faudrait avoir recours à diverses stratégies de soutien du revenu et d'emploi.

La présente recherche confirme les résultats d'autres études qui montrent comment la connexité entre l'enfant et ses parents, connexité qui s'exprime par un climat de confiance, de franchise et de soutien, crée un sentiment de sécurité essentiel, lequel est associé à des comportements sains (Resnick et coll., 1997; Resnick, 2000). La plus faible connexité observée entre les adolescentes plus âgées et leurs parents peut être une indication de conflit avec les parents au sujet du rôle des jeunes femmes dans la société. La plupart des adolescents considèrent leurs parents comme leurs principales figures d'attachement, même après que leurs liens d'appartenance sociale se déplacent vers leurs camarades. Ces constatations de l'enquête HBSC concordent avec celles d'autres études qui montrent que les adolescents qui sont fortement liés à leurs parents ont des comportements psychosociaux adéquats (Jackson, Bijstra, Oostra et Bosma, 1998) et prennent moins de risques (Garnier et Stein, 2002). Comme on l'a mentionné précédemment, le rapport entre un statut socio-économique satisfaisant et un milieu de vie positif à la maison est apparemment crucial. Les interventions dans ce milieu de vie, par exemple la collaboration des parents et de l'école, les interactions sociales entre les parents et les jeunes et la participation des parents aux activités des organisations de jeunes, peuvent permettre non seulement de renforcer les liens dans les familles concernées, mais aussi d'expérimenter des modèles de coopération et de responsabilité communautaires pour le bien-être des jeunes.

Dans l'enquête HBSC, les amitiés des adolescents avec des jeunes de leur âge présentent des aspects positifs et négatifs. L'intégration du jeune à un groupe d'amis a des effets bénéfiques importants sur les facteurs psychosociaux et comportementaux. Par ailleurs, les adolescents dont les amis ont des comportements à risque sont plus susceptibles d'avoir eux aussi de tels comportements. Parmi les élèves qui ont peu d'amis, ceux dont les amis n'ont pas de comportements à risque sont moins susceptibles de prendre eux-mêmes des risques. Il s'avère que les élèves qui ne sont pas bien intégrés socialement et qui subissent une mauvaise influence de leurs camarades ne trouvent pas qu'il fait bon vivre au foyer, veulent parfois partir de la mai-son, n'ont pas de sentiment d'appartenance à leur école et se sentent seuls ou ont l'impression d'être délaissés. Enfin, les filles ont, semble-t-il, un peu plus de difficulté que les garçons à communiquer avec leurs camarades du sexe opposé.

Les adolescents passent une partie importante de leur vie à l'école, où ils ont des relations avec les enseignants et leurs camarades. En ce qui concerne la vie à l'école, deux constatations générales se dégagent de l'enquête. La première est que les élèves dont la vie à l'école est satisfaisante sont moins susceptibles d'avoir des comportements à risque ou de ne pas être satisfaits de leur vie en général. Les enseignants, les parents et les camarades ont chacun une influence sur les décisions et les comportements des jeunes d'âge scolaire, et les élèves dont la vie à l'école est satisfaisante sont plus susceptibles d'avoir de bonnes relations avec leurs enseignants, leurs parents et leurs camarades. Ces élèves sont aussi plus susceptibles de considérer que leur santé est bonne et à être globalement satisfaits de leur vie. Malheureusement, il n'est pas possible, à partir des résultats de l'enquête, de déterminer si les élèves dont la vie à l'école n'est pas satisfaisante sont plus susceptibles d'avoir des comportements dangereux pour leur santé. Ces résultats ne permettent que de confirmer l'existence de liens entre ces deux éléments.

Par ailleurs, les élèves du secondaire ont tendance à avoir une perception de l'école plus négative que ceux du primaire. En outre, les garçons ont une perception globale de l'école plus négative que les filles. Le fait que l'enseignement ne soit pas organisé de la même façon au secondaire qu'au primaire pourrait expliquer cette détérioration de l'attitude des élèves à l'égard de l'école. Une autre cause pourrait être que les élèves concernés ont d'autres activités extérieures, qui font concurrence aux activités scolaires. Il est clair que les jeunes trouvent les salles de classe du secondaire beaucoup moins axées sur l'élève que les salles de classe du primaire, une situation qui peut nuire aux besoins de développement de ces derniers du point de vue de l'autonomie. Cependant, les garçons ont aussi plus d'activités extérieures qui font directement ou indirectement concurrence à l'école. On pourrait avancer l'argument que les garçons sont de plus en plus nombreux à constater un décalage entre l'école et leur vie immédiate. En revanche, les filles semblent mieux s'adapter à l'école secondaire, contrairement à ce qu'elles vivent à la maison. Dans l'ensemble, ces constatations concordent avec d'autres observations indiquant que le nombre de garçons qui font des études postsecondaires diminue par rapport à celui des filles qui font de telles études.

En ce qui concerne les comportements à risque des adolescents, l'usage de tabac, la consommation d'alcool et de drogues ainsi que les rapports sexuels précoces sans protection sont liés à diverses maladies et affections évitables. Cependant, ces comportements se présentent dans le cadre d'une interaction si complexe de déterminants psychosociaux, économiques et environnementaux qu'on a peu de chance d'obtenir des résultats probants si l'on concentre les efforts de promotion de la santé sur une seule cause. C'est pourquoi il est essentiel de faire un examen suivi de la consommation de tabac, d'alcool et de drogues des adolescents pour assurer le succès des programmes de santé et de services sociaux qui visent les jeunes. Même si les pourcentages de garçons qui fument n'ont pas changé depuis l'enquête de 1998, il est encourageant de constater une diminution dans la proportion des filles de 10e année qui fument parmi celles interrogées dans le cadre de l'enquête HBSC de 2002. Les jeunes goûtent à l'alcool tôt et la fréquence à laquelle ils en consomment augmente nettement entre 12 et 14 ans. Fait intéressant, presque autant de filles que de garçons s'enivrent à l'occasion, ce qui indique que la consommation excessive d'alcool fait partie des soirées auxquelles participent les adolescents.

L'Association canadienne des régies d'alcool considère la consommation d'alcool par des mineurs et ses conséquences comme un grave problème. Aussi l'Association coordonne-t-elle depuis 2003, de concert avec les treize régies et sociétés des alcools des provinces et territoires, une campagne destinée à sensibiliser la population au problème de la consommation d'alcool par des mineurs et à rappeler que les personnes qui fournissent de l'alcool à des mineurs commettent une infraction grave.

La consommation de marijuana demeure répandue parmi les adolescents, et elle a augmenté chez les garçons de 10e année. La consommation des autres drogues reste assez stable parmi les jeunes, à l'exception du LSD, dont la consommation a considérablement diminué depuis l'enquête précédente.

Il ressort de l'enquête HBSC de 2002 qu'un peu plus du quart des élèves canadiens de 10e année ont déjà eu des relations sexuelles. Plus des deux tiers des élèves sexuellement actifs ont utilisé le condom au moment de leurs dernières relations sexuelles et un peu moins de la moitié d'entre eux la pilule contraceptive. Cependant, les élèves qui ont indiqué avoir eu des relations sexuelles au moins une fois avant la 10e année étaient beaucoup plus susceptibles d'avoir des comportements à risque, notamment à fumer, à consommer de la marijuana et à s'enivrer à l'occasion. Ces constatations étayent l'idée voulant que l'activité sexuelle précoce soit associée à d'autres comportements à risque. Les programmes de réduction des préjudices peuvent se révéler très efficaces pour atténuer les risques, chez les adolescents en cause, de maladies transmises sexuellement et de problèmes sociaux à l'âge adulte. Cela étant, la plus grande vulnérabilité des adolescents plus jeunes à la coercition, à la grossesse et aux maladies transmissibles sexuellement semble indiquer que les efforts de promotion de la santé et de prévention des maladies en matière de sexualité dans les écoles devraient être davantage axés sur ce groupe d'âge.

Ainsi, l'apparition précoce de comportements à risque et la fréquentation d'autres jeunes qui ont de tels comportements sont deux des principales variables explicatives des observations négatives relatives à la santé des adolescents. Cependant, on continue de débattre de la façon dont s'exerce cette influence des camarades sur l'apparition de comportements à risque. Une explication, liée à ce qu'on appelle la pression des camarades, serait que le groupe impose ses valeurs et ses comportements aux autres pour assurer sa capacité d'attraction et sa dynamique de pouvoir. Une façon de contrer cette pression du groupe serait d'encourager les jeunes à établir leurs propres valeurs et à résister à l'influence des autres en acquérant de plus en plus d'assurance. Une autre explication, liée à ce qu'on appelle la sélection sociale et la socialisation (Reed et Rountree, 1997), serait que les adolescents qui ne sont pas satisfaits de leur vie à la maison ou à l'école expriment leur mécontentement à l'égard de leur situation personnelle et de la société en général en ayant des comportements à risque. Les jeunes qui ont des problèmes semblables et qui y réagissent aussi de façon semblable se regroupent par besoin de soutien social; les comportements à risque deviennent alors pour eux un moyen d'interaction sociale. Pour aider les jeunes qui se trouvent dans une telle situation, il serait plus utile d'intervenir pour les amener à rétablir leurs liens avec le milieu familial ou scolaire que d'essayer de changer le groupe de camarades dont ils font partie. L'enquête HBSC ne permet pas d'examiner en profondeur l'une ou l'autre de ces théories, faute de nous fournir le moyen de savoir si l'intégration du jeune au groupe précède le comportement à risque ou si c'est l'inverse. Cela étant, il est clair que les adolescents dont les amis ont des comportements à risque sont plus susceptibles d'avoir eux-mêmes de tels comportements.

Les jeunes

La notion de « vie saine » des jeunes englobe un ensemble de comportements, dont les habitudes alimentaires, la pratique d'activités physiques organisées et spontanées ainsi que le maintien du poids. Les habitudes relatives à l'activité physique et à l'alimentation acquises durant l'enfance sont plus susceptibles de se conserver jusqu'à l'âge adulte et d'influer sur le style de vie et l'état de santé des personnes concernées. L'hygiène dentaire est aussi une caractéristique d'un mode de vie sain, tout comme une utilisation modérée de médicaments pour soulager certains malaises dont souffrent parfois les jeunes.

Comme l'élément mesuré dans le cadre de l'enquête HBSC est la fréquence de consommation de divers aliments plutôt que la quantité d'aliments consommée, il est difficile d'évaluer l'état nutritionnel des jeunes à partir des résultats obtenus. Ces résultats ne donnent pas moins une idée générale de la situation et font apparaître des situations préoccupantes. Bon nombre des élèves plus jeunes ont habituellement de bonnes habitudes alimentaires : par exemple, ils prennent un petit déjeuner les jours de semaine et ils mangent des fruits et des légumes. La situation n'est pas la même chez les élèves plus âgés, qui passent plus de temps à l'extérieur de la maison et qui décident plus sou-vent eux-mêmes de ce qu'ils mangent.

En ce qui concerne l'activité physique, les résultats de l'enquête sont encourageants, bien que l'on puisse s'étonner du petit nombre d'élèves qui disent faire de l'exercice à l'école. Cette situation est sûrement le résultat du resserrement du budget des écoles partout au Canada et des effets de ces contraintes sur les programmes d'éducation physique et les programmes parascolaires (Andersen, 2000). Il est intéressant de constater qu'il existe un écart important entre garçons et filles au chapitre de l'activité physique - tant à l'école qu'à l'extérieur de l'école -, ce qui indique que la pratique des sports est encore aujourd'hui avant tout une affaire de garçons et que les écoles pourraient faire davantage pour intéresser les filles aux activités physiques.

D'une manière générale, les résultats de la mesure de l'indice de masse corporelle sont satisfaisants; les pourcentages d'élèves qui ont un excédent de poids ou qui sont obèses ne sont pas très élevés, mais les stratégies qu'utilisent les jeunes pour maintenir leur poids varient. Ainsi, les filles, et plus particulièrement celles de 10e année, font plus attention à leur poids que les garçons et consomment moins de boissons gazeuses et de croustilles que ces derniers. Elles sont, en revanche, moins actives physiquement que les garçons, et elles s'en remettent souvent aux régimes pour maintenir leur poids. L'obsession féminine de l'image du corps constamment véhiculée par les médias peut inciter les filles à adopter des stratégies «inefficaces et dangereuses pour perdre du poids » (LeBlanc, 2003, p. 329).

À la pratique des sports et autres activités physiques durant leurs temps libres, les filles plus jeunes semblent préférer faire partie de clubs et d'organisations. Cependant, chez les élèves de 9e et de 10e année, les pourcentages de garçons et de filles qui participent aux activités d'un club ou d'une organisation sont comparables. Le temps que les jeunes passent à regarder la télévision peut être une indication de la sédentarité de leur mode de vie. Une forte proportion d'élèves ont indiqué qu'ils regardent la télévision plusieurs heures chaque jour. Les élèves utilisent aussi beaucoup l'ordinateur à des fins de loisirs : jusqu'à la moitié des élèves plus âgés ont indiqué qu'ils consacrent un nombre d'heures non négligeable aux jeux sur ordinateur.

En ce qui concerne les malaises, les filles plus âgées ont été beaucoup plus nombreuses à dire qu'elles prennent régulièrement des médicaments contre les maux de tête, et bon nombre d'entre elles ont indiqué qu'elles avaient des épisodes de respiration sifflante. Cependant, les garçons ont indiqué dans une proportion légèrement supérieure à celle des filles avoir été diagnostiqués asthmatiques. Cette constatation pourrait être due à une préconception inconsciente dans les méthodes diagnostiques.

La fréquence et les caractéristiques du taxage et autres formes d'intimidation chez les jeunes fournissent plusieurs renseignements pour orienter les interventions. En premier lieu, comme la façon dont les adolescents commettent des actes d'intimidation ou en sont victimes varie, l'ampleur de l'aide et la nature des interventions requises varient également. Les adolescents ne sont pas tous aussi susceptibles les uns que les autres de commettre ce genre d'actes ou d'en être victimes. De plus, les risques associés à ces actes peuvent dépendre de leur gravité, de leur fréquence, de leur durée et de leur caractère systématique. La majorité des élèves interrogés dans le cadre de l'enquête ont indiqué qu'ils commettent rarement des actes d'intimidation et qu'ils en sont rarement victimes, et ce même s'ils subissent une influence négative quand ils font partie d'un groupe qui surveille ces actes d'intimidation. Pour ces jeunes, un programme universel (orienté vers les élèves) serait probablement un moyen de prévention efficace de l'intimidation. Les élèves qui sont mêlés plus directement à des actes d'intimidation au moins de temps à autre peuvent subir certaines conséquences néfastes. Ces élèves peuvent avoir besoin d'une aide plus complexe que celle qu'on peut leur apporter dans le cadre d'un programme universel, par exemple sous la forme d'une intervention ou d'une médiation à l'école. Enfin, une petite minorité d'élèves commettaient fréquemment des actes d'intimidation graves ou étaient fréquemment victimes de tels actes. Ces jeunes ont de très graves problèmes d'adaptation. Il faut les découvrir et intervenir de façon intensive auprès d'eux, par exemple par des séances de counseling.

En deuxième lieu, on observe que la fréquence des actes d'intimidation change avec l'âge. Selon les réponses des élèves, c'est généralement en 8e année chez les filles et en 10e année chez les garçons que cette fréquence est à son plus haut. Chez les filles, la fréquence diminue par la suite, alors que chez les garçons, il ne se dégage pas de tendance claire à cet égard. Du point de vue de l'orientation des interventions, on pourrait, en agissant tôt (avant que la fréquence des actes d'intimidation n'augmente), éviter l'apparition des comportements déviants ou en réduire la fréquence. Ainsi, il faudrait mettre en place des programmes de prévention bien avant la 8e année, afin de lutter efficacement contre l'apparition d'actes d'intimidation.

En troisième lieu, les interventions auprès des jeunes doivent être adaptées aux actes d'intimidation en cause. Ainsi, les résultats de l'enquête HBSC semblent indiquer que l'intimidation est un comportement qui prend diverses formes et que certaines de ces formes, comme le harcèlement verbal, sont plus fréquentes que d'autres. L'éventail des comportements de harcèlement que subissent les jeunes qui en sont victimes montre bien qu'il faut aider les jeunes qui ont ces comportements à prendre conscience qu'il s'agit bien d'actes de harcèlement et à leur apprendre à respecter les différences, qu'il s'agisse de différences sexuelles, ethniques ou religieuses. Il faut aussi élaborer des programmes d'intervention qui tiennent compte de l'évolution des formes d'intimidation à mesure que les élèves vieillissent.

Enfin, l'information dont nous disposons permet de plus en plus de penser que les élèves qui commettent des actes d'intimidation ou qui en sont victimes sont beaucoup plus susceptibles que les autres d'avoir des difficultés à long terme. De plus, le nombre de ces jeunes qui commettent des actes d'intimidation ou qui en sont victimes est particulièrement élevé au Canada. Le nombre élevé d'élèves qui ont indiqué qu'ils commettent des actes d'intimidation, qu'ils sont victimes de tels actes ou qu'ils en commettent et en sont victimes à la fois montre qu'il est urgent de s'attaquer au problème et de faire en sorte que chaque élève soit en sécurité à l'école.

Partout dans le monde, les blessures sont l'un des plus graves problèmes de santé auxquels sont exposés les jeunes d'âge scolaire. Dans l'enquête HBSC de 2002, pas moins de la moitié des élèves canadiens ont indiqué avoir subi, au cours de la dernière année, une blessure exigeant les soins d'un médecin ou d'une infirmière. Ces blessures ainsi que leurs conséquences sur le plan des traitements requis et des journées d'école perdues portent gravement atteinte à la santé des jeunes Canadiens et imposent un lourd fardeau à la société. Il ressort de l'enquête HBSC que certains élèves sont plus susceptibles de se blesser que d'autres. Les garçons se blessent systématiquement plus souvent que les filles, la fréquence des blessures atteignant un sommet en 8e année. Par ailleurs, le risque de blessure augmente proportionnellement à l'adoption par les jeunes de comportements à risque tels que l'usage de tabac, la consommation d'alcool, les actes d'intimidation et l'habitude de ne pas boucler sa ceinture de sécurité en voiture. Ce lien a aussi été observé à l'échelle internationale (Pickett, Schmid, Boyce et coll., 2002).

L'enquête HBSC contenait des questions sur les circonstances dans lesquelles les jeunes se blessent le plus souvent. Tandis que les blessures causées par la pratique d'un sport surviennent au cours de diverses activités et à beaucoup d'endroits, la proportion d'élèves qui se blessent durant des activités organisées augmente de façon appréciable dans les classes des niveaux supérieurs. La très grande majorité des blessures liées au sport et des autres blessures surviennent à des endroits où un contrôle s'exerce, notamment à la maison, à l'école et dans des installations sportives. Les blessures les plus graves subies par les élèves vont des entorses et des foulures aux déchirures, aux ecchymoses, aux fractures et aux blessures à la tête. Les sortes de soins reçus par les élèves pour leurs blessures se répartissent à peu près de la même façon pour les garçons et pour les filles. Les élèves de 10e année étaient les plus nombreux à avoir reçu des soins au bureau d'un médecin, à une clinique ou à l'urgence, tandis que les garçons de 6e année ont été les plus nombreux à indiquer qu'ils avaient dû être admis à l'hôpital.

Les résultats de l'enquête HBSC sont utiles pour établir les priorités en matière de prévention des blessures chez les jeunes d'âge scolaire au Canada. Ils montrent aussi qu'il faut sans cesse améliorer, d'une part, la sécurité à l'école ainsi qu'aux endroits où les jeunes font du sport et, d'autre part, les programmes de premiers soins et autres programmes de première intervention en cas de blessures. Enfin, il faut reconnaître l'importance des comportements à risques multiples comme cause possible de blessures chez les jeunes de partout dans le monde et prendre les mesures de prévention qui s'imposent.

En ce qui concerne la santé émotionnelle des jeunes, les éléments évalués dans le cadre de l'enquête HBSC dressent un tableau assez conséquent de la situation. La plupart des élèves interrogés dans le cadre de l'enquête de 2002 ont une bonne santé émotionnelle. Cependant, une importante minorité d'élèves (entre 20 p. 100 et 30 p. 100 d'entre eux, selon les questions considérées) ont une santé émotionnelle qui laisse à désirer sous certains aspects. Les filles ont été plus nombreuses que les garçons à indiquer qu'elles sont déprimées et qu'elles ont des maux de tête, et elles sont moins nombreuses que les garçons à être satisfaites de leur vie et à considérer que leur santé est bonne. En ce qui concerne les maux de dos et l'irritabilité, les pourcentages sont comparables chez les garçons et les filles. Par ailleurs, pour chaque facteur lié à la santé émotionnelle évalué, la situation a tendance à se détériorer avec l'âge. Un moment critique pour les filles survient à la fin de la 7e année, lorsqu'elles ont besoin de plus d'aide pour faire face aux changements qui surviennent dans leur vie et dans leur corps.

Les parents sont peut-être le meilleur rempart contre la détérioration de la santé émotionnelle. Les adolescents qui ont indiqué que leurs parents les aidaient beaucoup étaient plus nombreux à être satisfaits de leur vie et à considérer que leur santé est bonne. Le lien entre les rapports avec les camarades et les éléments d'évaluation de la santé émotionnelle est relativement faible, bien que le fait d'avoir un réseau étendu d'amis ait un certain effet positif sur la santé émotionnelle des jeunes. Ce lien pourrait indiquer que l'influence du groupe de camarades, qui est souvent associée à la prise de risques, aurait aussi un certain effet sur la santé globale par des mécanismes d'interaction et de soutien sociaux.

En somme, la socialisation des adolescents s'effectue à l'intérieur de trois systèmes sociaux principaux : le foyer familial, le groupe de camarades et l'école. Ainsi, pour atteindre les adolescents, il faut avoir recours à des stratégies d'intervention combinées englobant les collectivités tout entières, plutôt que d'axer les interventions sur un élève, une famille ou une école en particulier (Schneider, 2000). Les stratégies d'intervention combinées s'appuient sur une démarche axée sur la santé de la population pour s'occuper des jeunes, et elles permettent de mieux comprendre les adolescents et leurs problèmes dans un contexte social (Caputo, 2000). Les stratégies destinées à s'attaquer aux problèmes des adolescents à la maison, à l'école et dans le voisinage devraient être axées sur les possibilités, pour ces jeunes, de participer à des programmes intégrés qui peuvent les aider à définir leurs besoins et qui leur permettent d'agir directement sur l'évolution de leurs milieux.

Au cours des quatre dernières années, au Canada, les efforts de promotion de la santé et de prévention auprès des jeunes ont été intégrés et étendus à un grand éventail de groupes d'âge et de domaines, notamment les programmes de vie active et de saine alimentation et les programmes scolaires polyvalents. On a en outre augmenté le nombre des campagnes de lutte contre le tabagisme et la consommation de drogues visant les jeunes. Certaines de ces initiatives sont parvenues à mobiliser les jeunes, tandis que d'autres ont raté leur cible. Les résultats exposés dans le présent rapport donnent une idée très générale du succès de ces initiatives.

Dans une perspective de santé de la population, les principaux déterminants de la santé physique et émotionnelle des jeunes qui ressortent clairement de l'enquête HBSC de 2002 sont liés au sexe, au degré d'aisance de la famille, à la vie à l'école ainsi qu'à l'influence des camarades sur la prise de risques. Il faudra pousser l'analyse de l'information recueillie pour explorer les possibilités à cet égard. De toute évidence, les stratégies mises en place pour intervenir sur ce genre de déterminants devront être diversifiées. Les responsables des administrations fédérales, provinciales, territoriales et municipales aussi bien que les professionnels et les représentants du monde des affaires doivent discuter ouvertement de la santé de la prochaine génération avec les jeunes eux-mêmes. Tous ces intervenants n'ont pas, jusqu'à maintenant, accordé assez d'attention aux jeunes, en partie à cause du caractère transitoire de l'adolescence et de la poursuite de l'indépendance qui caractérise cette période de la vie. L'attention accordée aux initiatives visant les adolescents doit être accompagnée des efforts requis pour assurer une plus grande participation de ces derniers à l'élaboration des stratégies et des programmes. L'établissement d'un « plan d'action inclusif intersectoriel pour les préadolescents et les adolescents » pourrait contribuer à la visibilité et la viabilité des stratégies d'intervention et peutêtre aussi rallier l'appui et assurer la participation de nombreux jeunes aux initiatives mises en œuvre.

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