Page 10 : Parce que la vie continue…aider les enfants et les adolescents à vivre la séparation et le divorce

Section 8 - Préoccupations et enjeux particuliers

Le monde des enfants bascule quand leurs parents se séparent, ce qui est tout à fait normal puisqu’ils ne connaissent que leur famille, source de leur identité. La plupart des enfants s’adaptent, lentement mais sûrement, au changement et nouent de saines relations individuelles avec chacun des parents. Hélas, ce n’est pas le cas de tous les enfants. Dans certaines circonstances, par exemple lorsqu’un parent abandonne un enfant, lorsqu’un enfant, peu importe la raison, rejette un parent ou lorsque votre famille est confrontée à la violence, les choses peuvent très mal tourner pour les enfants. Les enfants n’ont tout simplement pas l’outillage intellectuel des adultes pour bien comprendre les sentiments douloureux, complexes et souvent contradictoires que cela leur fait vivre. La première et la meilleure chose à faire est d’obtenir de l’aide professionnelle pour vous et les enfants touchés. Certaines écoles emploient des conseillers ou reçoivent la visite de psychologues ou de travailleurs sociaux. Cherchez de l’aide jusqu’à ce que vous trouviez le soutien et les conseils dont vous avez besoin.

Lorsqu’un enfant est abandonné

L’abandon a plusieurs visages : le parent qui part et refuse de rester en contact avec l’enfant, le parent absent qui communique rarement avec l’enfant ou ne passe guère de temps avec lui et le parent qui s’éloigne peu à peu (soit par choix ou parce que l’autre parent manipule l’enfant). Peu importe la situation, les enfants qui sont abandonnés par un parent peuvent en ressentir de la culpabilité, de la confusion, du chagrin, de la peur ou de la colère, se retirer, fuir dans un monde imaginaire et souffrir de dépression.

Les enfants qui sont abandonnés vivent souvent le rejet de manière accablante. L’idée qu’un de leurs parents ne les aime plus, ne veut plus d’eux ou ne se soucie même plus d’eux peut ravager le sens du soi de l’enfant et sa capacité future de forger de saines et d’aimantes relations.

Ce que vous pouvez faire

Il vous incombe à titre de parent concerné d’aider vos enfants à s’estimer et à composer avec l’absence de l’autre parent. Vous pouvez les aider, d’abord et avant tout, en assurant leur confort et en les rassurant. Une fois cette base affective en place, vous pouvez les aider à composer avec la douleur de l’abandon en adaptant votre réconfort et votre soutien à leur réaction. Il arrivera aux enfants abandonnés de ne plus vouloir rien savoir du parent absent, par exemple en exprimant le désir d’être tout son contraire. Le cas échéant, les parents peuvent aider l’enfant :

  • en mettant l’accent sur les qualités propres à celui-ci;
  • en permettant à l’enfant de dire ouvertement ce qu’il pense et ressent; et
  • en réagissant à son rejet de l’autre parent en lui disant qu’il est logique pour lui de se sentir ainsi en ce moment.

À l’inverse, certains enfants pourraient languir de revoir le parent absent et, par conséquent, s’identifier exagérément à celui-ci et entretenir des fantasmes réconfortants sans rapport avec la réalité. Les parents peuvent aider les enfants :

  • en leur permettant de verbaliser librement les souvenirs du parent absent, et
  • en évitant de succomber à la tentation de corriger les souvenirs déformés des enfants.

L’absence du parent et les problèmes qui en découlent peuvent déteindre sur l’estime de soi d’un enfant abandonné et l’accabler de honte. L’enfant pourrait même se demander :

  • s’il a contribué à l’absence du parent;
  • s’il ne « méritait » justement pas d’être abandonné; ou si le parent absent ne se sent justement pas mieux de ne plus l’avoir comme « fardeau ».

Il faut alors donner aux enfants l’assurance qu’ils n’ont pas causé le départ du parent, qu’ils sont très aimés et qu’ils ont tout pour se faire aimer et que les adultes prennent parfois de très mauvaises décisions. On recommande aussi du counseling pour aider les enfants à vivre leur peine et à passer à autre chose.

Les enfants abandonnés peuvent aussi avoir de la difficulté à exprimer leurs émotions. Il leur arrivera d’étouffer celles-ci, n’ayant pas la confiance nécessaire pour se dévoiler complètement. Il faut les rassurer en leur disant que leurs sentiments ne sont ni bons ni mauvais et qu’il vaut mieux les partager que de les refouler.

La plupart des enfants qui ont vécu l’abandon d’un parent gagneront à fréquenter d’autres adultes qui peuvent leur servir de modèles et leur offrir le type d’expériences qu’ils auraient eues avec le parent absent. Des grands-parents, une tante ou un oncle, un ami adulte intime sont autant de personnes dignes de confiance qui pourraient accepter de jouer un rôle plus actif et névralgique.

Lorsqu’un enfant rejette un parent

Bien qu’on fasse courir des risques considérables aux enfants en les abandonnant, ceux qui sont déchirés par des conflits de loyauté– ayant l’impression d’avoir à choisir un parent plutôt que l’autre – risquent d’avoir la vie encore plus difficile.

La plupart des enfants veulent avoir des relations suivies avec les deux parents. Certains enfants, au contraire, sont extrêmement réticents à passer du temps avec un parent, refusent les contacts avec le parent ou le rejettent carrément.

Les raisons d’éviter un parent varient. Les enfants ont parfois de bonnes raisons de rejeter un parent qui n’est pas à la hauteur : violence, toxicomanie, abandon, etc. Parfois, les enfants décident eux-mêmes de s’éloigner du parent qu’ils jugent responsable de la séparation. N’étant pas outillés comme les adultes pour affronter le conflit et la douleur, certains enfants pourraient alors réagir en rejetant un parent. Mais c’est en général pour faire comme le parent aux attitudes négatives que certains enfants commencent à fuir l’autre.

Les raisons pour lesquelles les parents interviennent dans la relation de leurs enfants avec l’autre parent varient tout autant. Certains parents sont tellement aveuglés par la rage et le désir de punir leur ex-conjoint qu’ils perdent de vue le besoin qu’ont leurs enfants d’aimer les deux parents et d’être aimés par ceux-ci. Certains parents encouragent leurs enfants à rejeter l’autre parent parce qu’ils croient sincèrement que leur ex-conjoint est un mauvais parent ou qu’il n’agit pas dans l’intérêt supérieur des enfants. D’autres encore influencent involontairement la relation de leurs enfants avec l’autre parent en exprimant, ne serait-ce qu’à l’occasion, leurs frustrations et leurs accusations devant les enfants. Peu importe les motifs, s’isoler d’un parent qui les aime peut causer de graves problèmes psychologiques aux enfants.

Caractéristiques d’un enfant qui rejette un parent

  • Bien qu’il puisse paraître évident de l’extérieur que l’attitude négative d’un enfant à l’égard d’un parent ait été alimentée par l’hostilité de l’autre parent, l’enfant nie habituellement toute influence du genre.
  • L’enfant acquiert une haine implacable pour un parent.
  • L’enfant ne veut ni rendre visite à un parent ni passer du temps avec lui.
  • L’enfant est le plus souvent incapable d’expliquer pourquoi il rejette le parent. Les motifs qu’il invoque peuvent être faux ou alors nettement exagérés ou farfelus.
  • L’enfant entretenait auparavant une relation positive avec le parent qu’il fuit maintenant.
  • L’enfant négatif à l’égard du parent qu’il rejette est à peu près incapable d’en éprouver la moindre culpabilité.
  • L’enfant ne voit pratiquement rien de positif dans le parent qu’il rejette, ni au présent ni au passé.

Ce que vous pouvez faire

Pour tous les parents. D’abord et avant tout, n’oubliez pas qu’après la séparation, les enfants ont besoin de votre soutien et de votre aide pour développer une relation distincte et riche de sens avec les deux parents. Entendre continuellement dire du mal de l’autre parent ou avoir l’impression d’avoir à choisir un parent plutôt que l’autre menace le bien-être émotif des enfants.

C’est lorsqu’un enfant commence à refuser de passer du temps avec un des parents qu’il y a lieu d’intervenir. Il importe alors d’en connaître les causes et d’apporter rapidement les correctifs appropriés. Le plus souvent, dans un tel cas, le counseling est à recommander puisque la réticence que manifeste un enfant à voir l’un de ses parents peut s’accentuer avec le temps et nuire à son développement affectif.

Si votre enfant ne veut pas vous voir

  • Ne démissionnez pas.
  • Maîtrisez votre colère et votre peine. Perdre le contrôle ne fera qu’exacerber le problème.
  • Ne ripostez pas.
  • Efforcez-vous de maintenir une relation positive avec les enfants.
  • Employez-vous, avec votre médiateur, votre avocat ou votre thérapeute, à trouver des solutions qui sont dans l’intérêt supérieur des enfants.

En cas de violence au foyer

La séparation peut augmenter les risques de violence au foyer, particulièrement durant et après la séparation physique à proprement parler et même dans les familles sans histoire de violence au foyer.

Vous n’êtes pas responsable de la colère, de la violence ou de la maltraitance de votre partenaire, mais vous l’êtes de vos réactions et décisions. La toute première chose à faire est de vous protéger et de protéger vos enfants. Demandez à un ami, à un membre de la famille ou à une personne de confiance de lui parler ou communiquez avec un service d’assistance téléphonique. Si vous avez besoin d’aide immédiatement, composez le 9-1-1 sans hésiter. Votre sécurité et celle de vos enfants doivent être votre priorité.

Les parents et les enfants qui fuient un foyer violent sont parfois plus à risque de violence. Il est important que vous trouviez un lieu sûr où vous réfugier avec les enfants et que vous prépariez un plan précis pour vous aider à les mettre hors de danger et à prévoir la suite des choses. Durant cette transition, des services d’écoute téléphonique et d’aide communautaires, des centres de crise et des maisons d’hébergement pourraient vous venir en aide. En l’absence de tels programmes ou services près de chez vous, sollicitez l’aide de parents et d’amis.

La violence familiale est souvent traumatisante pour les enfants et les adolescents et les amène à changer de comportement. Ils seront généralement effrayés, bouleversés et en colère. Même lorsqu’ils semblent bien s’en sortir, vos enfants ont besoin de plus de soins et d’attention. Sachez qu’ils sont très sensibles à votre propre attitude et à ce que vous dites dans une telle situation. Lorsque vous parlez à vos enfants de l’autre parent, il est important de vous en tenir à l’essentiel.

Quel que soit leur âge, les enfants provenant d’un foyer violent risquent plus que les autres d’avoir des problèmes de comportement et de développement. Ils souffrent souvent d’anxiété et de dépression et seront parfois plus agressifs, antisociaux, refoulés ou inquiets. Même s’ils n’ont pas eux-mêmes été maltraités physiquement, les enfants qui côtoient la violence présenteront parfois les mêmes symptômes que ceux qui l’ont été.

Les enfants qui sont témoins de violence à la maison craignent souvent et sans relâche pour leur propre sécurité et pour celle de leurs frères et sœurs et du parent violenté. Ils pourraient aussi se reprocher d’avoir été incapables de mettre fin à la violence (par exemple en se conduisant mieux). Le sentiment d’être à blâmer, la culpabilité, la colère et la peur d’être différents des autres enfants seront parfois plus aigus chez ces enfants. Il faut les aider à comprendre qu’ils n’ont pas causé la violence et qu’ils n’auraient pu l’empêcher. Ils doivent savoir qu’ils ont le droit d’être en colère et tristes compte tenu de ce que cette violence leur a fait perdre. (Voir l’encadré Ce qu’il faut dire aux enfants au sujet de la violence familiale.)

Ce que vous pouvez faire

Vous pouvez faire plusieurs choses pour aider vos enfants en cas de violence familiale :

  • Assurez-les de votre amour.
  • Montrez-leur que, malgré les difficultés, vous maîtrisez la situation.
  • Veillez à ce qu’ils sachent que la violence n’est pas plus acceptable que normale, qu’ils n’en sont pas responsables et que personne ne mérite d’être maltraité.
  • Dites-leur tout ce qui vous est possible de dire sans recourir aux injures, bref, dénoncer le comportement, pas la personne. (N’oubliez pas que vos enfants aiment le parent violent même s’ils trouvent cela déroutant.)
  • Écoutez-les lorsqu’ils expriment leurs sentiments, assurez-les qu’il n’y a rien de mal à se sentir ainsi et faites-leur part de certains de vos propres sentiments.
  • Imposez des limites de manière aimante et ferme à la fois.
  • Prenez un peu de temps chaque jour pour vous amuser avec eux.
  • Encouragez-les à avoir des amis et des activités dès que vous vous réinstallez.
  • Permettez-leur d’être dépendants– ils doivent pouvoir compter sur vous.
  • Dites-leur que vous avez-vous aussi besoin d’amis et de solitude.
  • Félicitez-vous pour le courage et la force dont vous faites preuve. Rappelez-vous que vous avez fait des choix positifs pour vous-même et pour vos enfants.

Ce qu’il faut dire aux enfants au sujet de la violence familiale

  • « C’est inacceptable. »
  • « Ce n’est pas de ta faute. »
  • « Cela doit te faire très peur. »
  • « Tu ne mérites pas de vivre cela dans ta famille. »
  • « Tu n’aurais rien pu faire pour prévenir cela. »
  • « Je vais t’aider à assurer ta sécurité. »
  • « Dis-moi, s’il te plaît, comment tu te sens; je veux savoir. »
  • « Tu peux continuer à aimer une personne sans aimer ce qu’elle fait. »

Lorsque vous soupçonnez qu’un enfant est maltraité

Tous les parents devraient se familiariser avec les signes de maltraitance d’un enfant et appeler la police ou leur bureau local de protection de la jeunesse s’ils pensent que leur enfant a été maltraité. Chacun a le devoir de signaler un enfant qui a besoin de la protection des autorités.

Il est important de noter que certains parents pourraient penser, à voir leurs enfants se toucher ou se caresser, qu’ils ont subi des sévices sexuels. Sachez qu’il est normal pour les jeunes enfants d’explorer leur corps et de se consoler en se caressant les parties génitales. En période de stress, les parents les verront parfois s’adonner plus souvent à ce comportement naturel. Mais si cela persiste ou vous inquiète, vous devriez en parler à votre médecin de famille. Si vous vous demandez comment savoir qu’un enfant est victime d’abus sexuels, appelez votre bureau local de protection de la jeunesse ou la police. Vous êtes responsable de la sécurité de vos enfants.

(Voir « Section 11– Ressources » pour savoir précisément à qui vous adresser pour obtenir du soutien et de l’information sur la violence familiale. Le counseling est fortement recommandé pour les enfants qui ont été témoins de violence familiale ou qui ont été eux-mêmes maltraités.)

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