ARCHIVÉ : Chapitre 10 : Leçons de la crise du SRAS – Renouvellement de la santé publique au Canada – La recherche sur les maladies infectieuses émergentes au Canada - Les leçons du SRAS
- 10A. La recherche sur les maladies infectieuses émergentes : premier aperçu de la performance du Canada face au SRAS
- 10B. Enquêtes et recherche sur les épidémies
- 10C. Réflexions sur la recherche en réaction aux épidémies
- 10D. La capacité d'une recherche pertinente sur la santé publique et les maladies infectieuses au Canada
- 10E. Recommandations
L'expérience canadienne du SRAS nous rappelle qu'une enquête sur une épidémie s'appuie sur la recherche - une recherche menée dans la hâte. Dans le chapitre 5, nous avons vu brièvement comment la recherche faite pendant une épidémie est indispensable aux mesures d'intervention efficaces et à la lutte ultime contre l'épidémie. Malheureusement, à quelques exceptions près, les gouvernements canadiens et les établissements de santé publique n'avaient pas tenu compte des avertissements de la déclaration du Lac Tremblant de 1994 et établi la capacité en recherche nécessaire pour les maladies infectieuses émergentes. De façon plus générale, la capacité de recherche et d'évaluation dans la santé publique n'a pas été maintenue pendant les réductions budgétaires des années 1990 en raison des diminutions des transferts fédéraux visant à réduire le déficit qui ont limité les dépenses provinciales et municipales.
Mais, il existe un problème plus fondamental qui est celui de la culture et de l'engagement. L'Institut national de la santé publique du Québec et le British Columbia Centre for Disease Control (BC CDC) ont soutenu la recherche et la réorientation des objectifs de Santé Canada en 2000 a apporté un appui tangible à une capacité scientifique interne. Mais les membres du Comité constatent que les services de santé publique et les gouvernements ont souvent considéré la capacité en recherche comme théorique, savante, peu pertinente et discrétionnaire et ne voient pas sa véritable fonction de fondement de la santé publique. Les gouvernements F/P/T ont augmenté sensiblement le financement de la recherche en santé au Canada depuis quelques années, mais les niveaux absolus d'investissements ont privilégié la recherche fondamentale menée à l'initiative des chercheurs ou les travaux de R et D qui peuvent avoir des retombées économiques à court terme par l'entremise de partenariats avec le secteur privé. Le Comité appuie fortement l'idée de plus gros investissements continus dans la recherche « gratuite ». Comme nous le verrons plus loin, la capacité critique d'études épidémiologiques et d'intervention contre les épidémies se crée en partie en favorisant la science fondamentale connexe. De même, nous reconnaissons que le secteur privé est non seulement un investisseur important dans la recherche, mais qu'il joue également un rôle clé pour commercialiser les découvertes utiles faites grâce au soutien du secteur public. Toutefois, ce genre d'investissements ne correspond pas aux modalités uniques de recherche et d'évaluation qui font partie des fonctions fondamentales de la santé publique.
À cela s'ajoute le problème de la nature profondément multidisciplinaire d'une recherche efficace qui cible une flambée ou une épidémie. De nombreuses disciplines entre en jeu : épidémiologie, biostatistique, mathématique, microbiologie médicale, médecine clinique, science de laboratoire, recherche sur les systèmes de santé, sciences sociales et politique en matière de santé, qui sont toutes nécessaires pour que l'intervention soit d'une efficacité optimale. Par exemple, notre examen de la flambée du SRAS au Canada a déjà montré que la recherche étiologique ou diagnostique repose sur de bonnes données épidémiologiques et cliniques et sur des échantillons et une capacité de recherche en laboratoire. Une faiblesse dans un domaine ne peut être compensée par une force dans un autre.
La nécessité de valoriser et d'appuyer une culture de recherche en santé publique découle de bien plus que de son effet positif sur notre capacité à comprendre et à lutter contre les poussées de maladies infectieuses. Notre réputation dans le domaine de la recherche influence l'opinion qu'ont les autres pays du Canada et de son système de santé publique. La science - un système pour résoudre des problèmes et aborder l'inconnu - est le principe organisateur pour maîtriser les flambées et réagir aux épidémies. La perte de confiance des autres pays dans notre capacité scientifique et notre capacité à diriger notre système de santé publique pourrait avoir des répercussions négatives durables sur la façon dont les autres pays décident d'échanger avec le Canada, que ce soit sur le plan du tourisme, du commerce, des échanges universitaires et culturels, ou par l'entremise d'organismes multilatéraux tels que l'Organisation mondiale de la Santé (OMS). Finalement, au-delà de la recherche et de l'évaluation des maladies infectieuses, la santé publique doit avoir une forte assise scientifique et une capacité d'auto-évaluation critique par la création et l'application de programmes fondés sur des bases factuelles.
10A. La recherche sur les maladies infectieuses émergentes : premier aperçu de la performance du Canada face au SRAS
Nos expériences d'autres maladies infectieuses émergentes - le VIH, l'hépatite C et le virus du Nil occidental, pour n'en nommer que trois - ont depuis longtemps fait ressortir les lacunes de l'organisation de la recherche au Canada dans sa réaction aux situations d'urgence et aux menaces importantes que posent de nouvelles maladies infectieuses. De nombreux spécialistes croient que la lenteur et la mauvaise coordination de la recherche d'intervention a eu un effet négatif sur les mesures canadiennes de lutte contre le VIH et l'hépatite C, avec des retombées négatives sur la santé des Canadiens et des coûts directs et indirects énormes. Dans le cas du virus du Nil occidental, nous n'avons pas encore été en mesure de brosser un tableau épidémiologique précis de l'étendue du problème chez les humains et de la gravité des risques pour la santé. En raison de la nature saisonnière de la maladie, la capacité de recherche doit être prête à intervenir à mesure que les cas se présentent. La difficulté réside dans les niveaux et les modes actuels d'organisation et de financement de la recherche en santé publique.
Dans les chapitres précédents, nous avons évoqué l'inégalité de la recherche sur SRAS au Canada : certains aspects ont été à la hauteur et d'autres non. La recherche sur les causes du SRAS, la caractérisation de l'agent, le développement des tests de diagnostic et la création des premières descriptions cliniques ont toutes été menées et transmises assez rapidement. La recherche sur la réaction immunitaire visant la mise au point d'un vaccin contre le coronavirus du SRAS a bien avancé. Par contre, la recherche sur de nombreux aspects épidémiologiques fondamentaux du SRAS, dont la recherche sur le spectre de la maladie et les questions comme la durée de l'élimination du virus et la période d'infectiosité a manqué de cohérence. Même maintenant, nous sommes encore incapables d'aborder bon nombre de ces questions. Le Canada est un pays développé qui possède un système de soins de santé réputé. Son incapacité à développer une analyse épidémiologique du SRAS est inexcusable. La performance canadienne, comme il en a déjà été fait mention au chapitre 2, contraste nettement avec celle de Hong Kong. Les chercheurs de Hong Kong ont pu fournir des descriptions épidémiologiques et cliniques déterminantes tout en faisant face à une plus forte épidémie que celle du Canada. Notre incapacité est attribuable en partie à des problèmes déjà indiqués : direction, coordination, collecte, gestion et partage des données et faiblesse des mécanismes permettant de relier les données épidémiologiques et cliniques à celles des laboratoires. Elle rend compte également d'un manque de capacité en recherche et en planification.
La recherche canadienne sur le SRAS depuis le début août est résumée au tableau 1. Les questions classées sous chaque type de recherche sont un résumé non exhaustif des questions de recherche qui exigeaient des réponses. À première vue, la performance semble raisonnable. Mais, on peut soutenir que ces activités de recherche n'abordent qu'un groupe de problèmes minimes et indispensables. Nous pourrions améliorer notre état de préparation à la prochaine saison de virus respiratoires, lorsque le SRAS pourrait réapparaître insidieusement chez les milliers de Canadiens atteints de toux et de fièvre de nature plus bénigne si nous trouvions les réponses à beaucoup d'autres questions.
Le tableau 2 représente une comparaison entre le Canada et les autres pays en matière de recherche. Encore une fois, cette évaluation est valable jusqu'à la fin juillet. Même si d'autres publications intéressantes ont paru depuis, il s'agit d'un contexte où l'exécution rapide de la recherche est critique. Le nombre de publications et le facteur d'impact des publications est indiqué. Le facteur d'impact est une mesure, certes nettement imparfaite, de la prise en compte des publications scientifiques. Il compte le nombre moyen de fois que les travaux sont cités au moment de la publication dans la revue en question. Les travaux de haute qualité et plus spécialisés ont tendance à être publiés dans des revues ayant un plus fort impact, comme le Journal of the American Medical Association, le New England Journal of Medicine, The Lancet et le British Medical Journal. Même si le Canada a contribué à 20 p. cent de la littérature mondiale publiée sur le SRAS, bon nombre de ces articles ont été publiés dans des revues de faible impact - influence limitée sur la pensée et les connaissances mondiales. De plus, les rapports publiés à la fois dans le Canada Diseases Weekly Report et dans le US Morbidity and Mortality Weekly Report sont comptés deux fois. En tout, l'impact de la recherche canadienne arrive seulement devant celui de la Chine, malgré le fait que les services d'indexation ne comptent pas les publications en langue chinoise et que celles-ci ont donc reçu une pondération arbitraire se rapprochant de zéro.
La faiblesse dans certains domaines pourrait s'expliquer par l'importance des liens interdisciplinaires, comme il a déjà été souligné. Nous avons constaté, par exemple, que la performance dans certains aspects du travail de diagnostic a été sapée par des lacunes dans la collecte des données épidémiologiques et cliniques ainsi que dans l'intégration de ces données au travail de laboratoire. La mauvaise performance de la recherche en pathogénie résulte peut-être de l'échec du Canada à créer un vaste réservoir de chercheurs cliniciens, du fait que certains chercheurs cliniciens qui auraient pu étudier le SRAS ont été totalement absorbés par la gestion des aspects cliniques de l'épidémie, et de l'insuffisance des liens entre les cliniciens et les spécialistes des sciences fondamentales. Nous passons maintenant à une brève comparaison de la recherche effectuée sur le SRAS avec ce qui aurait pu ou aurait dû être fait.
TABLEAU 1
Résumé préliminaire de la recherche sur le SRAS au Canada au début d'août 2003.
Genre de recherche | Problèmes abordés | Perfor- mance canadienne* |
Facteurs habilitants ou restrictifs |
Recherche émergente | |||
Épidémio- logie et santé publique |
Période d'incubation | ++ | Gestion des données épidémiologiques; faiblesse des liens pour échanger les données de laboratoire et épidémiologiques, limite la capacité à accomplir ce genre d'études. |
Taux d'attaque | ++ | ||
Voies de transmission | +++ | ||
Taux de mortalité | ++ | ||
Contrôle des infections | +++ | ||
Efficacité de la quarantaine, des avis aux voyageurs, du dépistage des passagers | + | ||
Étiologie et diagnostique | Identification des agents étiologiques | +++ | Le travail a été compliqué par des définitions de cas changeantes, la classification changeante des cas et l'intégration limitée des données cliniques et épidémiologiques aux données de laboratoire. |
Source des échantillons et choix du meilleur moment | + | ||
Sensibilité, précision des différents tests de diagnostic | + | ||
Clinique | Spectre de la maladie | ++ | Une première description clinique a été publiée, ainsi qu'une analyse de malades en phase critique; mais peu de travail sur d'autres aspects jusqu'ici. |
Signes cliniques | +++ | ||
Thérapie de la maladie | + | ||
Séquelles à long terme | + | ||
Pathogénie | Méthodes de causalité des maladies | ++ | Des occasions ont été perdues à cause de la lenteur à engager des spécialistes en science fondamentale ou d'un nombre limité de chercheurs cliniciens. Beaucoup d'autres occasions restent inexploitées. |
Modèles animaux | +++ | ||
Génétique de la sensibilité à la maladie | ++ | ||
Virologie | Biologie fondamentale | - | Les réseaux actuels de collaboration ont facilité les travaux sur le génome et sur la protéine. |
Séquençage génomique | +++ | ||
Représentation des protéines | +++ | ||
Immuno- biologie |
Corrélation de l'immunité de protection | ++ | Ces études sont en cours. |
Développement du vaccin | ++ | ||
Recherche après l'événement | |||
Recherche sur les systèmes de santé | Rentabilité des réactions | + | Ce genre de recherche n'est pas indispensable au début de la lutte contre l'épidémie, mais débute judicieusement maintenant. Mais le manque de données complètes et liées nuira à la qualité de ces études pendant encore un certain temps. |
Conséquences imprévues des réactions | + | ||
Répercussions économiques | + | ||
Sociale et économique | Les impacts individuels de l'épidémie et des interventions. | + | Les IRSC prévoient de tenir un concours dans ces domaines. À venir. |
Recherche du comportement | + | ||
Les impacts sociétaux de l'épidémie et des interventions. | + | ||
Politique | Leçons apprises | ++ | En cours. |
Répercussions sur la santé publique | ++ |
* +++ Indique que les chercheurs canadiens ont terminé la recherche sur ce problème et qu'elle a été communiquée aux scientifiques et au grand public. Pour la plupart des sous-catégories de la recherche émergente, cela pourrait être considéré comme une réaction suffisante ou supérieure.
++ Indique que la recherche est en cours.
+ Indique que des projets de recherche sont planifiés.
- Indique qu'aucun travail n'est en cours ou que la capacité de faire ce travail n'existe plus.
TABLEAU 2
Nombres et taux d'impact des rapports canadiens de recherche sur le SRAS au début d'août 2003.
|
|
Canada |
États- Unis |
Hong Kong |
Chine |
Royaume- |
Singa- |
Épidémio- logie et santé publique |
N. d'articles | 6 | 2 | 3 | 10 | 2 | 2 |
Impact moyen | 3,4 | 15,0 | 16,3 | 0,1 | 18,0 | 0,0 | |
Étiologique et diagnostique | N. d'articles | 2 | 2 | 2 | |||
Impact moyen | 15,0 | 9,0 | 0,0 | ||||
Clinique | N. d'articles | 8 | 2 | 13 | 15 | 6 | |
Impact moyen | 10,5 | 6,5 | 10,1 | 0,3 | 4,5 | ||
Virologie | N. d'articles | 2 | 1 | 3 | 9 | 1 | |
Impact moyen | 11,5 | 23,3 | 17,5 | 0,2 | 13,3 | ||
Immuno- biologie |
N. d'articles | 4 | |||||
Impact moyen | 0,6 | ||||||
Sociale et économique | N. d'articles | 7 | 1 | 1 | |||
Impact moyen | 1,3 | 23,3 | 0,8 | ||||
Politique | N. d'articles | 1 | 1 | ||||
Impact moyen | 13,3 | 6,6 | |||||
Totaux | 24 | 8 | 21 | 40 | 4 | 9 | |
Pourcentage | 20,5 | 6,8 | 17,9 | 34,2 | 3,4 | 7,7 | |
Ratio impact/article | 5,9 | 14,9 | 11,4 | 0,4 | 11,0 | 21,7 |
* L'impact a été calculé en faisant la moyenne fournie par l'Institute for Scientific Information (ISI) du taux d'impact de 2001 de revues dans lesquelles la recherche d'un pays donné a été publiée. L'analyse est fondée sur les publications énumérées dans la US National Library of Medicine depuis le 30 juillet 2003. Certaines revues dont l'ISI qui ne classent pas le facteur d'impact, telles que les publications en chinois et le Morbidity and Mortality Weekly Report (MMWR) ainsi que le Rapport hebdomadaire des maladies au Canada (RHMC), ont reçu un facteur d'impact de 0.001 dans le calcul de la moyenne.
10B. Enquêtes et recherche sur les épidémies
Nous avons vu au chapitre 5 le lien entre les enquêtes épidémiologiques et la recherche. La recherche sur une épidémie comme celle du SRAS comporte plusieurs étapes, dont l'identification, la caractérisation, la réaction, le contrôle et examen a posteriori. Idéalement, des outils de recherche clinique, épidémiologique, en laboratoire et en sciences sociales sont utilisés de façon intégrée et coordonnée à chaque étape. Ces étapes ne sont pas totalement séquentielles. Chaque étape de la recherche soulève des questions différentes, de sorte que les ressources ou les compétences nécessaires à la recherche peuvent être différentes. Concrètement, au Canada, chaque étape fait appel à des mécanismes différents en ce qui concerne le leadership, l'organisation et le financement. Certains aspects de la recherche sont nécessaires pour une réaction urgente, tandis que d'autres conviennent mieux pour répondre à des problèmes à plus long terme, qui sont d'importance égale mais moins urgente.
À l'étape de l'identification, les questions sont les suivantes : Quels sont les signes de l'infection ? Par quoi la flambée ou l'épidémie est-elle provoquée ? Comment est transmis l'agent étiologique ? À quel moment la transmission se produit-elle ? On ne connaît pas la cause d'une épidémie lorsque les premiers cas se présentent. Une épidémie causée par un agent connu nécessite, à l'étape de l'identification initiale, des laboratoires qualifiés de santé publique pour déterminer la présence d'agents connus, en plus des ressources de recherche épidémiologique et clinique. Une épidémie causée par un nouvel agent comme le SRAS nécessite une forte capacité de recherche en laboratoire. La technologie traditionnelle a permis d'identifier rapidement le coronavirus du SRAS. Mais il a fallu utiliser des technologies de pointe protéomiques, génomiques et génétiques à la suite de l'identification pour caractériser l'agent. Ces technologies auraient pu s'avérer nécessaires au début pour identifier un organisme plus exigeant. Heureusement, ces capacités étaient en place et opérationnelles bien avant que le SRAS ne se manifeste. Le Canada a des atouts considérables dans de nombreux centres d'études en génomique et protéomique et le Laboratoire national de microbiologie (LNM) a rempli ses fonctions convenablement en tant que laboratoire de référence national. Cette réaction dépend également des liens de collaboration actuels. À l'avenir, le Canada devrait créer et maintenir un réseau national solide de chercheurs fondamentaux et de praticiens capables d'intervenir rapidement lors d'une prochaine épidémie par un nouvel agent infectieux à l'intérieur de nos frontières.
À l'étape de la caractérisation, on procède à des tests de diagnostic pour établir le spectre de la maladie, évaluer l'étendue de l'infection et déterminer les méthodes de pathogénie de la maladie. Le Canada possède maintenant des outils de diagnostic efficaces. De nombreux laboratoires ont été actifs dans le développement et l'amélioration des technologies de diagnostic pour le SRAS. Mais la recherche canadienne n'a pas encore produit de données significatives sur le spectre de la maladie, sur l'étendue de l'infection et sur la compréhension des méthodes de pathogénie de la maladie. Le milieu de la santé publique internationale s'est tourné vers le Canada pour obtenir des réponses à des questions d'importance mondiale et ces réponses n'ont pas été à la hauteur.
Pour maîtriser une épidémie, il faut prendre des mesures efficaces dans le secteur de la santé publique et clinique. La recherche sur la réaction à une épidémie est importante pour comprendre son efficacité et pour l'améliorer ou l'abandonner. Les mesures employées pour lutter contre le SRAS - l'administration d'agents antiviraux, la quarantaine et l'isolement, l'interruption et la réorientation des activités hospitalières, les avis aux voyageurs, le dépistage des voyageurs - ont toutes été employées de façon empirique. Les conséquences négatives de ces mesures ont été notamment la toxicité directe de médicaments chez les patients traités aux antivirus à la perte de revenu en passant par les conséquences phychosociales chez les personnes placées en quarantaine. À un niveau plus général, les conséquences sont allées de petits inconvénients (plus longues files d'attente aux aéroports) à des menaces plus sérieuses sur la santé (services de santé ralentis) pour des centaines de milliers de personnes. Des millions de Canadiens ont également été touchés par des répercussions économiques d'envergure nationale. Il n'existait et n'existe encore que peu de données sur lesquelles se fonder pour évaluer les avantages relatifs de n'importe laquelle de ces interventions.
Certaines n'ont eu que des effets négatifs. Par exemple, au stade de l'épidémie du SRAS, on a fait une tentative louable d'essais cliniques de la ribavirine. Mais avant de pouvoir commencer les essais, la ribavirine est devenue le « critère de soins » et on a jugé que les essais n'étaient plus « éthiques » Malheureusement, la ribavirine utilisée sur les patients du SRAS a eu de nombreux effets indésirables. Des recherches ultérieures menées in vitro ont démontré que ce médicament n'avait aucune action sur le coronavirus du SRAS. L'interruption des services non urgents dans les hôpitaux et la mise en quarantaine de milliers de personnes, comme cela s'est produit en Ontario, a eu des conséquences négatives évidentes.
Toutes ces décisions ont été prises en situation de crise et motivées par la nécessité urgente de limiter une grave épidémie. Une évaluation attentive de l'efficacité des mesures de santé publique et cliniques pertinentes ne devrait pas impliquer un verdict négatif pour ceux qui les ont utilisées. La science progresse en transformant les vérités d'aujourd'hui en erreurs de demain. Il est toujours plus facile d'évaluer avec du recul que de prendre une décision sous la contrainte. Raison de plus pour procéder à une évaluation pour informer les prises de décisions futures. Cette évaluation doit être faite maintenant pour faire face aux futures épidémies en utilisant les mesures ayant le moins d'effets négatifs imprévus.
Enfin, le contrôle des passagers a coûté des sommes considérables au système de santé publique, et les avis aux voyageurs émis ont eu de graves conséquences économiques. En fin de compte, ces mesures ont-elles eu des effets positifs sur la santé ? Nous devons en connaître les répercussions avec certitude et en faire connaître les résultats.
Il devient important de surveiller l'efficacité de la réaction au moyen d'une surveillance renforcée une fois qu'une épidémie est maîtrisée. Nous en sommes à cette étape de la recherche. Comme il a déjà été mentionné, cette surveillance renforcée sera très importante pour le Canada et pour les autres pays de l'hémisphère Nord lors de la prochaine saison des virus respiratoires.
L'épidémie une fois maîtrisée, on peut entreprendre plusieurs types de recherches a posteriori. Les activités de recherche biomédicale, clinique et de santé publique entreprises pendant les premières étapes de la réaction à l'épidémie doivent être menées à terme. Dans le cas du SRAS, il faut poursuivre la recherche fondamentale à long terme sur la biologie fondamentale du virus afin de concevoir des thérapies plus efficaces et mettre au point un vaccin. L'examen des leçons retenues est un autre type de recherche qui vise l'amélioration du système. Le présent rapport en est un exemple. Le Comité Walker et l'enquête Campbell effectuent un travail parallèle pour l'Ontario. Un comité d'experts présidé par le professeur Sian Griffiths et Sir Cyril Chantler de la G.-B. effectue également une évaluation indépendante de la réaction à l'épidémie de SRAS à Hong Kong.
Il y a lieu maintenant de procéder à d'autres recherches, notamment évaluer les séquelles à long terme du SRAS et ses effets d'ensemble sur la santé. De nombreuses questions restent sans réponse. Tous les patients atteints du SRAS récupèrent-ils tout à fait leur fonction respiratoire ? Combien de patients et de travailleurs de la santé souffrent de maux psychosociaux irréparables ? Quelles ont été, avec certitude, les répercussions économiques du SRAS sur les établissements et sur les divers secteurs de l'économie canadienne ? À cette étape de la recherche a posteriori, des méthodes de recherche plus traditionnelles pourraient mieux convenir.
10C. Réflexions sur la recherche en réaction aux épidémies
10C.1 Maintien du statu quo
En général, le Canada a mené la recherche sur les maladies infectieuses émergentes en suivant le modèle universitaire. La recherche est entreprise et menée par un ou plusieurs chercheurs intéressés par un sujet. Elle est financée après un examen par les pairs et communiquée par des canaux passant par les pairs. Ces processus habituels de planification, d'approbation, de financement, de conduite, d'analyse et de communication de la recherche conviennent mal aux besoins initiaux de la recherche pour réagir à une épidémie. On doit apporter des changements pendant une enquête épidémique, tout comme on doit en apporter aux structures hiérarchiques et bureaucratiques habituelles pour maîtriser une épidémie de façon efficace.
L'examen par les pairs demeure bien entendu la règle d'or pour ce type de recherche et sa publication (et donc la connaissance qui en est faite). L'examen par les pairs a ses faiblesses et ses critiques, mais pour faire une analogie avec ce que l'on dit de la démocratie, c'est le pire des systèmes pour évaluer la science - à l'exception de tous les autres. Le fondement de ce système est de faire en sorte que la recherche soit de la plus haute qualité et la plus significative, et qu'elle soit vérifiée par d'autres scientifiques. Pendant une épidémie, la nécessité d'une intervention rapide rend l'examen officiel par les pairs irréalisable. Cela ne veut pas dire que la qualité doit être sacrifiée. La recherche peut continuer d'être de grande qualité pendant une épidémie si l'on dispose d'équipes de scientifiques, qui participent d'habitude à part entière au processus de l'examen par les pairs - concours pour obtenir des subventions et publication d'articles dans des revues examinées par des pairs - pour répondre aux besoins urgents de recherche. De plus, cette équipe doit se doter de processus pour un échange dynamique et une évaluation critique rapides des idées des uns et des autres. En bref, grâce à un leadership fort assuré par d'excellents scientifiques et des discussions informelles internes et externes des pairs sur les expériences et les constatations, il est possible de continuer de faire un travail d'urgence de grande qualité.
10C.2 Mobilisation des ressources scientifiques
Pour être mobilisées, les ressources scientifiques doivent exister et être organisées de façon à en permettre le déploiement rapide (moins d'une journée). Le Canada a besoin d'un ensemble de chercheurs de pointe en maladies infectieuses dans les domaines de la santé publique, des sciences cliniques et de la biologie, qui abandonnent tout à brève échéance et qui appliqueront leurs compétences pour trouver une solution au risque pour la santé qui se présente. Pour être à la fine pointe et préparés, ils doivent mener activement des recherches et faire partie du milieu canadien des chercheurs de façon suivie.
C'est en partie un des rôles essentiels que doit jouer la science gouvernementale. Les investissements stratégiques dans la capacité de recherche gouvernementale en santé publique - tels que le LNM et le Centre for Disease Control (CDC) de la Colombie-Britannique - ont été des facteurs importants dans la capacité du Canada à intervenir contre le SRAS. Mais les réseaux du milieu universitaire et du secteur privé sont également nécessaires pour élargir et approfondir la capacité d'intervention. Ces réseaux de recherche ne peuvent pas uniquement servir à obtenir des subventions pour « assurer les affaires courantes » ou fournir des avances afin d'acheter la bonne volonté d'un groupe d'universitaires en espérant qu'ils se décident à apporter leur aide dans une situation de crise nationale. Les fonds devraient servir à établir des capacités spécifiques et délimiter des obligations - un mécanisme de ce genre doit être établi à l'avance avec des règles de base précises. Les hôpitaux et les universités sont des partenaires utiles, mais on doit établir des liens avec des chercheurs qui veulent faire partie d'une équipe d'intervention de recherche. De plus, on doit organiser la recherche épidémique pour qu'elle puisse réagir dans un ou plusieurs endroits du pays à tout moment, et on doit également prendre des dispositions pour mobiliser d'urgence des ressources scientifiques extérieures au secteur de la santé.
Les Centers for Disease Control and Prevention (CDC), par exemple, ont engagé des spécialistes américains du coronavirus peu de temps après que le virus ait été lié au SRAS. De la même façon, pendant l'enquête en laboratoire sur le SRAS, le LNM a établi des liens, des organismes provinciaux et le secteur privé. C'est ainsi qu'une équipe formée de collaborateurs du Michael Smith Genome Sciences Center, du Centre for Disease Control de la Colombie-Britannique et du LNM a pu réaliser le premier séquençage génomique complet du coronavirus du SRAS. Les investissements gouvernementaux de ces dernières années dans une capacité de science fondamentale ont renforcé la recherche dans les établissements universitaires qui peut être mise à exécution. Mais ces collaborations ne peuvent se réaliser rapidement que s'il existe déjà un degré d'interdépendance, de confiance et de respect scientifique. Ce n'est pas au plein milieu d'une épidémie que l'on peut créer de nouveaux liens ou de nouvelles collaborations.
Dans l'ensemble, l'expérience du SRAS montre la nécessité d'une capacité scientifique de pointe au gouvernement qui soit entièrement liée et intégrée au monde universitaire et aux secteurs publics par des échanges, des comités mixtes, des collaborations et des réseaux officiels et informels. Entretenir ces liens devrait faire partie intégrante du plan de travail d'une nouvelle agence canadienne de santé publique et du réseau F/P/T de contrôle des maladies transmissibles. Le réseau devrait accorder une priorité spéciale à l'interconnexion de la recherche sur les maladies infectieuses dans les institutions gouvernementales et universitaires. On créerait ainsi des équipes et des processus organisationnels qui permettraient de mener des enquêtes rapides sur les épidémies et renforceraient la capacité du Canada à intervenir contre le « prochain SRAS ».
Même si certains aspects de la recherche en laboratoire sur le SRAS au Canada ont été une source de fierté nationale, nous avons déjà indiqué que l'on aurait pu faire plus. Le compte rendu des résultats provisoires des laboratoires n'a pas été fourni et transmis aussi souvent qu'ils auraient pu l'être. Des liens efficaces entre la recherche en laboratoire au niveau national et les efforts de recherche clinique et épidémiologique au niveau provincial et local n'ont jamais été créés. Les liens avec les universités avaient tendance à être limités géographiquement.
La mobilisation de la recherche épidémiologique et de santé publique était particulièrement faible. Comme il a déjà été mentionné, la capacité de recherche dans les organismes de santé publique varie, mais à quelques exceptions près, elle est très limitée. En effet, il existe peu de capacité scientifique dans la plupart des organismes locaux et provinciaux. Le comité constate un grand besoin de renforcer les liens avec les universités et de renforcer la capacité de recherche interne dans les organismes de santé publique au niveau provincial ou territorial et dans les grandes municipalités. L'appui à ces liens et à cette capacité devrait être une priorité de financement dans les programmes de transfert de l'agence canadienne de santé publique.
La capacité de Santé Canada dans ces domaines est également limitée. Le centre de prévention et de contrôle des maladies infectieuses, qui est le principal service de la Direction générale de la santé de la population et de la santé publique, et qui est responsable du contrôle et de la recherche épidémiologique sur les maladies infectieuses, n'emploie que 12 patho-épidémiologistes et praticiens en santé publique et 9 docteurs en épidémiologie. Leur productivité en recherche est variable en partie parce que leur emploi du temps est trop morcelé et en partie parce que les structures actuelles ne se prêtent pas aux partenariats avec les universités.
Les liens entre les secteurs universitaires en épidémiologie et en santé publique et leurs équivalents locaux, provinciaux et nationaux se sont dans certains cas érodés. L'expiration d'initiatives telles que le Programme de recherche, d'éducation et de développement en santé publique de l'Ontario a conduit à l'effondrement des unités d'enseignement en santé publique. C'est ainsi qu'à Toronto, à l'apogée de l'épidémie, le secteur universitaire de la santé publique n'a pas participé à la recherche épidémique nécessaire et n'a fourni jusqu'ici que très peu de recherche dans ces domaines. Pour reprendre un thème abordé au chapitre 7, nous estimons que l'on doit intégrer les unités de santé publique et les praticiens de santé publique des grands centres au secteur universitaire à peu près de la même façon que les hôpitaux universitaires entrent en partenariat avec les universités et les collèges communautaires. L'enrichissement mutuel améliorera les possibilités de formation, créera des cheminements de carrière plus diversifiés et attrayants, établira un solide esprit de recherche en santé publique et favorisera l'apparition d'équipes de chercheurs pouvant participer à des recherches épidémiologiques.
Ce sont aux dernières étapes de l'épidémie du SRAS que de grandes coalitions de recherche ont vraiment commencé à voir le jour au Canada, notamment le Réseau de recherche sur le SRAS à Toronto et le SARS Accelerated Vaccine Initiative en Colombie-Britannique. Le consortium canadien de recherche sur le SRAS a été mis en ouvre à la fin mai 2003 pour « coordonner, promouvoir et soutenir la recherche sur le SRAS au Canada et pour établir des liens et des partenariats internationaux afin de maîtriser et d'éliminer le SRAS ». Le consortium a été catalysé par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) pour faire face à la menace immédiate soulevée par le SRAS. S'il s'avère efficace, ce consortium pourrait devenir un modèle et évoluer en une structure plus permanente pour traiter des maladies infectieuses émergentes au Canada. Les partenaires financiers comprennent les IRSC, Génome Canada, Santé Canada, GlaxoSmithKline, la Michael Smith Foundation for Health Research, le Fond ontarien d'encouragement à la recherche-développement, le Fonds de la recherche en santé du Québec (FRSQ), le Réseau de centres d'excellence en génie protéique et le CANVAC (Réseau canadien pour l'élaboration de vaccins et d'immunothérapies contre le cancer et les infections virales chroniques). Le consortium a l'intention de travailler dans plusieurs domaines : diagnostics, développement de vaccins, thérapie, épidémiologie, bases de données, santé publique et répercussions communautaires.
10C.3 Direction, organisation et orientation de la recherche
Les processus habituels de concertation pour la collaboration scientifique sont difficiles à suivre pendant une épidémie et pour la recherche nécessaire. De plus, en supposant qu'une capacité de recherche sur la santé publique F/P/T soit mise en ouvre dans les organismes et institutions publics, des tensions en matière de compétences pourraient encore surgir et gêner la recherche lors d'une prochaine épidémie importante. Ces préoccupations militent en faveur d'une plus grande précision en matière de leadership en science et en recherche dans le cadre d'une épidémie.
Cette question n'est pas simple. Les chercheurs sont rarement des gestionnaires qualifiés. De plus, il ne suffit pas d'avoir des compétences en gestion pour diriger une crise. Une tentative de leadership en recherche peut se heurter à l'esprit d'indépendance des chercheurs, c.-à-d. que les chercheurs dans le meilleur des cas résistent à l'organisation et à l'orientation de la recherche. Ils manifestent un sain scepticisme à l'égard de l'autorité et leurs connaissances hautement spécialisées ne pourront sûrement pas être égalées par un directeur en particulier. Par conséquent, la direction d'une équipe scientifique se fonde autant sur la compétence, le respect, les aptitudes interpersonnelles et à communiquer et la confiance mutuelle que sur l'autorité dévolue à ceux qui occupent un poste particulier. Cela est encore plus vrai lorsque l'équipe scientifique est un réseau de personnes extérieures à un organisme hiérarchique, dans lequel les participants ont la latitude de choisir leurs collaborateurs et leurs sujets de recherche. De plus, les décisions doivent être prises dans un délai qui ne permet pas toujours la création d'un consensus.
Pendant l'épidémie du SRAS, il a manqué une direction d'ensemble efficace sur la recherche, en particulier dans les domaines de l'épidémiologie et de la santé publique. Plusieurs unités de santé publique ont participé, mais la coordination était limitée et le personnel était absorbé par la lutte contre l'épidémie. La division provinciale de la santé publique n'avait pas assez de capacité de recherche sur place ou de liens universitaires bien établis. Comme nous l'avons vu au chapitre 2, la « force de frappe » scientifique a été mobilisée dans le cadre d'un comité consultatif chargé d'appuyer l'équipe administrative qui a supervisé l'urgence provinciale en Ontario, mais ce groupe n'a pas eu le temps, les données ni le mandat clair de coordonner une recherche pertinente sur l'épidémie. À l'avenir, la direction de la recherche pour les enquêtes sur les flambées devra être établie longtemps à l'avance, en même temps qu'une série provisoire de structures de leadership pour faire avancer le programme de recherche.
Ce genre de structure, comme nous l'avons vu, se fonde sur des liens entre l'équipe de gestion de l'épidémie et l'équipe de recherche - une « équipe B », comme celle créée par les CDC. Ce comité aurait pour tâche d'évaluer d'un oeil critique les questions scientifiques, de produire des idées pour la recherche et d'offrir des réflexions sur l'orientation générale d'une réaction à l'épidémie.
De manière plus générale, les structures mêmes de la recherche n'ont pas besoin de refléter le mécanisme de commandement et de contrôle nécessaire à une maîtrise efficace de l'épidémie en soi, mais elles seront plus hiérarchiques que d'habitude en recherche. Autrement dit, l'équipe scientifique doit se reposer sur une bonne organisation et des règles que chacun utilisera temporairement jusqu'à ce que la recherche a posteriori ramène les processus scientifiques habituels plus libres.
Ces processus scientifiques normaux entraînent la redondance, la répétition, le double emploi et la compétition. Ces processus, avec leurs tendances centripètes et leur anarchie créatrice ont été très bénéfiques pour la société. Mais ils sont trop lents, incertains et coûteux pour la recherche sur les épidémies. Il est donc nécessaire, comme nous l'avons déjà souligné, d'avoir deux éléments synergiques dans la recherche : une forte présence scientifique dans les institutions publiques et responsables et l'attribution de fonds par l'intermédiaire de structures qui attirent des partenaires non gouvernementaux dans un réseau ayant une série de responsabilités de recherche bien définies.
Par exemple, aux premières étapes de l'épidémie du SRAS, la recherche en laboratoire a été plus ou moins bien coordonnée parce qu'elle était centralisée. À mesure que les secteurs des soins de santé et universitaires commençaient à participer et que les tests de dépistage du coronavirus devenaient plus disponibles, les activités de laboratoire se sont fractionnées. La capacité de suivre la progression des résultats de laboratoire a disparue. La gestion centrale des données n'a pas été maintenue. En fait, même si de nombreux intervenants appelaient à l'action, on ne savait pas vraiment si quelqu'un avait l'autorité d'exiger une meilleure coordination de la gestion des données.
La fragmentation de la recherche épidémiologique, clinique, en santé publique et en sciences sociales a été encore plus évidente. Santé Canada a essayé d'orienter une partie de la recherche épidémiologique et en santé publique en mettant en ouvre des protocoles de recherche et en fournissant des fonds et un appui directs. Mais les progrès ont été désespérément lents. Les IRSC ont fait preuve d'une souplesse considérable et ont fourni une orientation très utile grâce à un concours spécial pour le SRAS en mai. Mais certains des plus compétents pour aborder les problèmes centraux étaient déjà engagés à fond dans la lutte contre l'épidémie et étaient donc très mal placés pour rédiger des demandes de subventions élégantes. Un concours accéléré pour obtenir des subventions peut être utile dans les cas d'épidémies qui se propagent plus lentement ou de rapides recherches a posteriori, mais un certain nombre de répondants ont reproché à cette méthode de ne pas avoir sa place en pleine tentative de maîtrise d'une épidémie à propagation rapide comme celle du SRAS.
Il reste encore à établir certains mécanismes de coordination continue de la recherche sur le SRAS car des questions urgentes restent sans réponse. Le consortium canadien de recherche sur le SRAS et le SRAS Accelerated Vaccine Initiative sont deux exemples de mécanismes de coordination de la recherche. Mais ces organismes de coordination ne relèvent d'aucune autorité, et une vaste gamme d'autres activités est maintenant en cours sans interaction, réseautage ou coordination officiels. La recherche sur la mise au point des tests de diagnostic l'illustre bien. La recherche diagnostique n'est possible qu'en ayant accès aux échantillons cliniques. Ceux-ci ne sont disponibles en quantité que dans quelques établissements qui peuvent - ou non - être intéressés et disposés à les fournir aux chercheurs. La quantité de données est limitée de sorte que les demandes ne peuvent pas toutes être satisfaites.
Il y a également de sérieux problèmes organisationnels et éthiques dans la façon d'incorporer les échantillons de diagnostic aux efforts de recherche coordonnés. Certains chercheurs ont suggéré que le Canada crée une base de données sur le SRAS pour faciliter la recherche en rassemblant les données pertinentes cliniques, épidémiologiques, de laboratoire et s'il y a lieu, pathologiques. Cette situation serait originale et idéale. Mais les groupes de chercheurs ne sont pas les gardiens des données qu'ils accumulent pendant une épidémie. Les données sont maintenant conservées dans de nombreux établissements ou organismes et sont assujetties à des exigences de confidentialité en raison de leur acquisition en tant que partie d'une enquête de santé publique locale ou d'un événement clinique.
Normalement, ceux qui produisent les données en sont les « propriétaires » et décident de ce que l'on en fait. Ces chercheurs n'ont aucune obligation, sauf peut-être morale, de mettre ces données à la disposition de personnes mieux en mesure de les utiliser. Le même principe s'applique aux données biologiques. Ces pratiques doivent changer pendant les urgences provinciales et nationales, et peut-être de façon plus générale.
Par conséquent, la question fondamentale à laquelle le Canada doit répondre est la suivante : Qui est le « propriétaire » des précieuses données scientifiques produites pendant une épidémie? Pendant la conférence que Santé Canada a organisée sur le SRAS du 30 avril au 1er mai 2003, il a été a suggéré que lors d'une épidémie, l'idée de « propriété » des données soit remplacée par une « gérance ». Il serait sans doute difficile de concrétiser cette idée, mais elle mérite d'être étudiée.
À l'inverse, comment protéger la confidentialité des patients atteints et celle des personnes avec qui ils ont été en contact dans un processus de fusions de données? Certains répondants croient que l'on peut facilement répondre aux préoccupations à propos de la protection des renseignements personnels et de la vie privée en demandant à chaque groupe ou institution d'un consortium de gérance de données de consentir à un protocole pour « dépersonnaliser» les données et pour utiliser ensuite seulement un identificateur commun non nominatif pour relier des données provenant de plusieurs sources. D'autre part, nous avons mentionné au chapitre 9 que la Loi sur la protection des renseignements personnels et la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques et les lois provinciales connexes ne sont pas adaptées au contrôle des maladies, aux enquêtes épidémiques et à la recherche appliquée à la lutte contre les maladies infectieuses. À cet égard, une épidémie causée par un nouvel agent présente des problèmes uniques. En gros, l'approche américaine a consisté à traiter les enquêtes de santé publique différemment des activités de recherche planifiées sur certaines de ces questions d'éthique. Il faudra approfondir la réflexion sur les dimensions éthiques et juridiques de la recherche en santé publique et des enquêtes sur les épidémies. Les droits de la personne doivent être mesurés par rapport au bien public que représente la surveillance des maladies et la recherche sur les épidémies qui protégera la santé de la population.
En résumé, pour ce qui est des menaces que feront planer de futures maladies infectieuses, il y a lieu d'établir un processus national de coordination de la recherche. Un système national de santé publique restructuré, doté de l'autorité de diriger et de coordonner la recherche, de coordonner les bases de données nationales et les plates-formes de recherche, de veiller à la présence de garanties appropriées en matière d'éthique et de vie privée et de financer la réaction de recherche sur les épidémies, devrait tenir ce rôle.
10C.4 Financement
Nous avons déjà constaté que les méthodes habituelles d'examen par les pairs pour le financement de la recherche ne conviennent pas pendant les toutes premières étapes de la recherche épidémique. Certaines activités de recherche doivent être réalisées, peu importe les faiblesses dans la conception de l'étude. Une épidémie n'est pas le moment de permettre « au mieux de devenir l'ennemi du bien ». L'action prime. Le premier financement pour la recherche faite sur le SRAS n'a pas été examiné par les pairs au sens officiel et a été fourni en totalité par les établissements de santé atteints ou directement par les gouvernements. La qualité du travail a été assurée grâce à des capacités préexistantes et des réseaux de chercheurs qui ont assuré l'examen informel par les pairs en temps réel. Par la suite, les organismes de subvention examinés par les pairs ont répondu aux besoins de la recherche sur le SRAS et ont commencé à financer la recherche dans des délais assez rapides. Mais nous avons perdu en grande partie la capacité à faire de la recherche sur la pathogénie du SRAS.1
Il semble que les IRSC aient pu organiser un concours accéléré en partie grâce à un subterfuge dans leurs finances pour l'année financière 2003-2004. Les IRSC et les autres organismes doivent pouvoir réagir rapidement aux nouvelles menaces par la création d'enveloppes de financement spéciales. Il est surprenant que l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA), agence qui a un mandat législatif comparable à celui des IRSC, puisse reporter des fonds sur une période de 24 mois tandis que les IRSC ne le peuvent pas. Étendre cette politique administrative aux IRSC améliorerait nettement leur souplesse de réaction aux maladies infectieuses émergentes et à d'autres questions de recherche urgentes.
La question de investissement du Canada dans la recherche sur les maladies infectieuses et du financement spécial pour le SRAS est exposée en détail au tableau 3. Jusqu'ici, le gouvernement du Canada a investi ou attribué environ 6,7 millions de dollars pour la recherche sur le SRAS. (Santé Canada a dépensé environ 2 millions de dollars en recherche, les IRSC ont annoncé ou tenu des concours correspondant à 2,7 millions de dollars et le ministre de la Santé a réaffecté au LNM 2 millions de dollars pour la recherche sur le SRAS.) Ce montant ne tient pas compte de ce qui a été dépensé directement par les établissements de santé et les gouvernements provinciaux dans la réaction au SRAS. L'investissement semble limité par rapport à un problème qui a contaminé plus de 400 personnes et en a tué 44, et qui a conduit à la mise en quarantaine de milliers de personnes et à la fermeture du système de santé à Toronto, a eu des coûts énormes directs et indirects et a probablement eu une incidence sur les indices économiques nationaux. Il est particulièrement limité quand on sait que 20 millions de dollars ont été affectés à des campagnes de publicité pour mettre en valeur le tourisme Ontario après le SRAS.
TABLEAU 3
Les dépenses canadiennes en recherche sur les maladies infectieuses et en recherche sur le SRAS jusqu'ici
|
Toutes les maladies |
Affectations spéciales |
IRSC2 |
71,5 |
2,7 |
CRSNG |
2,8 |
|
Génome Canada3 |
|
|
Fondation canadienne pour l'innovation |
24 |
|
Réseaux de centres d'excellence4 |
|
|
Santé Canada - Laboratoire de microbiologie national (financement interne et externe) |
13 |
3 |
Santé Canada - Centre de prévention et de contrôle des maladies infectieuses (financement interne et externe) |
5 |
1 |
Santé Canada - Laboratoire de lutte contre les zoonoses d'origine alimentaire financement interne et externe) |
5 |
|
Gouvernements provinciaux |
Non disponible |
12 |
Total |
120+ |
17,7 |
Pour tenir compte de la nature peu commune du SRAS et de l'importance de la recherche, des initiatives de financement originales ont été prises. La SRAS Accelerated Vaccine Initiative de la Colombie-Britannique a réservé 2,6 millions de dollars à la mise au point du vaccin contre le SRAS. Le Fond ontarien d'encouragement à la recherche-développement a annoncé 10 millions de dollars pour créer un réseau ontarien de maladies infectieuses. Une partie du financement sera destinée à égaler l'appui aux chercheurs situés en Ontario qui peuvent obtenir des fonds des IRSC pour la recherche sur le SRAS.
Toutes ces initiatives sont louables, mais la capacité de réaction du milieu de la recherche est limitée. La création d'une capacité scientifique est un processus à long terme. Elle suppose la coordination de l'appui dans tous les établissements postsecondaires, les organismes de subvention et les organismes de bienfaisance oeuvrant dans le domaine de la santé, ainsi que la présence d'une demande de personnel hautement qualifié et d'un cheminement de carrière qui rend un domaine particulier attrayant. De plus, comme l'a mis en évidence l'Association canadienne des médecins vétérinaires (ACMV), il faut également investir dans le renforcement de capacités dans d'autres secteurs. Compte tenu de l'importance des zoonoses, l'ACMV se demande pourquoi on ne dépense « pratiquement rien » pour prédire laquelle des maladies des populations animales peut se propager aux communautés humaines et prévenir cette transmission entre les espèces. Ce renforcement des capacités doit faire intervenir le secteur privé et le secteur public. Par exemple, les entreprises pharmaceutiques canadiennes fondées sur la recherche suggèrent que l'industrie est prête à investir non seulement dans les enquêtes biomédicales, mais dans la recherche plus générale sur la santé, y compris les sciences sociales.
En résumé, les concours ciblés sur une courte période apporteront simplement plus d'argent à des chercheurs déjà surchargés ou subventionneront de la recherche de qualité inférieure à moins qu'un milieu scientifique arrivé à maturité et ayant l'ampleur appropriée n'existe et soit prêt à répondre aux demandes de propositions. On doit en arriver à un équilibre délicat entre trois domaines de financement : des concours ouverts pour appuyer la recherche menée par des experts, des concours ciblés qui cherchent à appuyer, de façon préférentielle, des travaux dans des domaines spécifiques et une recherche thématique ayant une forte composante appliquée (comme pendant les enquêtes sur les épidémies).
10C.5 Communications
La communication scientifique change considérablement en situation d'épidémie et est fondamentalement différente des processus et procédures habituels. Les problèmes de communication publique ont été exposés en détail dans le chapitre 5. La présente section étudie la transmission de l'information scientifique dans le milieu scientifique, aux agents de la santé publique et aux médias.
En dehors des épidémies, la recherche est communiquée au moyen d'examen par les pairs - des conférences et revues scientifiques. Ce processus est lent mais précieux parce qu'il sert à valider les résultats. La communication au grand public se produit dans la plupart des cas après une certaine forme d'examen par les pairs et une communication à d'autres chercheurs. Pendant l'épidémie du SRAS, les communications entre les chercheurs de laboratoire au niveau national et international ont été fructueuses et rentables grâce à l'utilisation de conférences téléphoniques et de l'Internet. Une importante innovation a été la mise en ouvre rapide par l'OMS d'un réseau impromptu de laboratoires et d'une page Web de soutien. Cette innovation a donné lieu à une très rapide échange d'idées, de résultats, de réactifs et de protocoles et a permis d'accélérer sensiblement l'identification du coronavirus et la confirmation de ses liens avec le SRAS. La structure de communication et de collaboration internationale a été mise en ouvre en moins de deux semaines. Ce processus efficace devrait être étudié, codifié, renforcé et reproduit chaque fois qu'il sera nécessaire.
Au niveau national, la communication des résultats de laboratoire a été facilitée par la diffusion d'un résumé des résultats des laboratoires par le LNM. La fréquence de production a été limitée par la faible capacité d'analyse du LNM. D'autres limites de la communication des laboratoires ont été exposées au chapitre 6. Mais tout compte fait, les renseignements ont assez bien circulé.
On ne peut pas en dire autant de la communication des aspects épidémiologiques de la recherche. Les réseaux mondiaux d'épidémiologie et de santé publique ne se sont créés que beaucoup plus tard pendant l'épidémie. Au niveau national, même si Santé Canada a fait de grands efforts pour se procurer et transmettre l'information sur l'épidémie du SRAS, des lacunes dans la gestion et l'analyse ont eu pour effet de limiter la production de l'information épidémiologique à communiquer. Ainsi, il pourrait s'agir d'un problème de contenu plutôt que de capacité de communication.
Les téléconférences et l'Internet ont été les outils de communication de base employés autant sur le plan national qu'international par les chercheurs. Les téléconférences ont été efficaces mais peu rentables. Les principaux intervenants à tous les niveaux ont passé plusieurs heures chaque jour en conférences téléphoniques. Du point de vue de Santé Canada, comme les personnes des endroits les plus atteints travaillaient au maximum de leur capacité, elles étaient trop occupées pour participer, d'où une situation kafkaïenne où les conférences impliquaient des discussions entre des régions non touchées. Il y a lieu de faire une étude sur la façon d'améliorer l'efficacité de la communication pendant les réactions d'urgence, en commençant par la mise en ouvre d'activités adéquates aux plans locaux et régionaux pour que les voies de communication restent ouvertes pendant l'intervention contre une épidémie.
La publication officielle des résultats a également changé pendant le SRAS. Les chercheurs ont fait l'expérience inhabituelle de découvrir que les directeurs de rédaction des revues les plus respectées faisaient pression pour obtenir des textes et offraient des délais de quelques jours pour l'examen et la publication des travaux électroniques. Le SRAS a peut-être accéléré la tendance vers une publication rapide électronique, déjà amorcée auparavant.
Pendant une épidémie, la recherche est menée en milieu restreint. Pendant l'épidémie du SRAS, les premiers résultats scientifiques ont été largement diffusés dans la presse plus ou moins à mesure que les découvertes se produisaient. Les fortes pressions qui s'exerçaient sur les chercheurs canadiens ont influencé les communications scientifiques de façon subtile. Par exemple, de petites différences de points de vue raisonnées parmi les spécialistes concernant les agents étiologiques sont apparues comme des désaccords tranchés lorsque des extraits d'une interview enregistrée ont été diffusés ou que des citations choisies ont été imprimées dans les médias. Les divergences d'opinion sincères devraient être partagées avec le public, mais le comité a perçu de nettes possibilités pour une meilleure coordination dans la façon de communiquer entre les chercheurs et les décideurs, et avec le grand public.
10D. La capacité d'une recherche pertinente sur la santé publique et les maladies infectieuses au Canada.
En tant qu'indicateur des affectations de crédits pour la recherche sur les maladies infectieuses, l'engagement financier annuel des IRSC est maintenant de 71,4 millions de dollars pour ce domaine grossièrement défini. Cet investissement pourrait être considéré comme un « surinvestissement »5 s'il était envisagé entièrement du point de vue du fardeau relatif à la maladie. Le problème, bien sûr, est que le budget global des IRSC par habitant continue d'accuser un retard énorme par rapport à celui des National Institutes of Health des États-Unis. Comparées à celles des États-Unis, les dépenses faites par notre organisme national de recherche sur la santé pour les maladies infectieuses représentent un sous-investissement considérable, et plusieurs autres domaines de la recherche sur la santé ont sans doute pris encore plus de retard. Les dépenses des IRSC sont consacrées à 11 essais contrôlés aléatoires, 3,88 millions de dollars, au Réseau pour les essais cliniques VIH/SIDA, 4,2 millions de dollars, à 527 subventions d'exploitation, 52,6 millions de dollars, à 91 attestations d'excellence dans la carrière, 5,56 millions de dollars, et à 181 bourses de formation individuelles pour les étudiants des cycles supérieurs et les détenteurs d'une bourse de perfectionnement post-doctorale, 4,30 millions de dollars. Le fait que les IRSC n'ont en ce moment aucun projet financé pour la maladie du Nil occidental témoigne du sous-investissement dans la recherche sur les maladies infectieuses.
La recherche épidémiologique et de santé publique sur les maladies infectieuses est considérablement sous-financée. « Les investissements des IRSC dans la recherche sur les maladies infectieuses visent essentiellement la recherche biomédicale (84 p. cent), et l'accent mis sur la recherche biomédicale dans ce domaine est plus fort que le portefeuille total des IRSC (72 p. cent) »6 De plus, il n'existe aucun investissement spécifique des IRSC dans les maladies infectieuses, même si l'Institut d'immunologie et des maladies infectieuses planifie une initiative spéciale dans ce domaine. Selon un bref inventaire fait par les IRSC, le CRSNG fournit environ 2,8 millions de dollars par an en soutien opérationnel dans les domaines allant des études de biologie fondamentale sur des agents pathogènes à des études plus appliquées sur des vaccins et des agents antimicrobiens, les pratiques agricoles et la sécurité alimentaire. « La Fondation canadienne pour l'innovation a investi près de 24 millions de dollars dans l'infrastructure et le matériel des domaines de la contamination et des maladies parasitaires ». Deux réseaux de Centres d'excellence financés par le gouvernement fédéral ouvrent dans ce domaine : le Réseau canadien de recherche sur les bactérioses et le Réseau canadien pour l'élaboration de vaccins et d'immunothérapies contre le cancer et les infections virales chroniques (CANVAC). Il n'existe aucun réseau qui se penche sur les infections virales. « Génome Canada a financé trois grands projets sur les maladies infectieuses humaines, un sur le cryptococcus, un sur le candida albicans et un sur les protéomiques virales. »
D'autres investissements fédéraux dans le domaine comprennent l'Institut du biodiagnostique du Conseil national de recherche à Winnipeg et son Institut des sciences biologiques à Ottawa. Ce dernier a mis au point un vaccin efficace pour le groupe C de la méningococcie.
Selon les IRSC, l'investissement fédéral dans la recherche sur les maladies infectieuses serait de 100 millions de dollars par an environ. Mais, comme dans la plupart des autres domaines scientifiques, il y a peu de coordination entre les organismes dans la façon dont ces fonds sont investis ou pour le développement d'un programme de recherche fédéral.
Nous avons mentionné plus haut que la capacité indispensable pour mener et réaliser la recherche nécessaire à la réaction à une épidémie doit résider dans les institutions de santé publique financées par le gouvernement. Quelle est la solidité de la capacité pour ce genre de recherche en santé publique dans ces institutions ? Le Comité constate qu'à quelques exceptions près, la capacité totale de recherche en santé publique dans les provinces est limitée. En Ontario, le nombre de chercheurs du laboratoire provincial a diminué et la capacité d'analyse de la division provinciale de la santé publique a été remarquablement restreinte pendant le SRAS. La Colombie-Britannique, l'Alberta et le Québec ont de fortes capacités dans certains domaines, mais aucune autre province n'a une capacité de recherche en laboratoire pouvant soutenir la concurrence internationale dans le domaine de la santé publique.
La situation est pire dans les domaines de l'épidémiologie et de la santé publique. Le Comité estime qu'à l'exception possible de l'Institut national de santé publique du Québec, aucune province n'a une large capacité de recherche en santé publique dans son secteur public. La Colombie- Britannique se spécialise dans certains domaines dans son Centre for Disease Control. Le Manitoba avait une unité de recherche épidémiologique efficace, mais elle s'est en grande partie désintégrée en raison d'un manque de soutien ciblé. Nous avons exposé en détail la perte du Programme de recherche, d'éducation et de développement en santé publique de l'Ontario et l'absence de liens entre les unités de santé et les universités ou les collèges communautaires. Le même malaise qui amené de graves pénuries dans les ressources humaines en santé publique a ébranlé les capacités de recherche dans le domaine.
Reconnaissant les problèmes de capacité, les IRSC ont dernièrement financé cinq nouvelles initiatives stratégiques de formation dans le domaine des maladies infectieuses. Cette étape est positive, mais le compte-rendu des IRSC montre que ses augmentations absolues dans le soutien à la science biomédicale a largement dépassé le développement des trois autres « piliers » combinés - à savoir l'enquête clinique, la recherche dans les services de santé et la recherche sur la population et la santé publique. Cette croissance asymétrique dans les dépenses des IRSC est en partie un problème de capacité dans les domaines autre que la recherche biomédicale, mais elle reflète également la difficulté du mandat des IRSC visant à satisfaire aux besoins de recherche pour tous les intervenants imaginables. Il est difficile de savoir si les IRSC peuvent avoir la capacité de recherche en santé publique, surtout en ce qui a trait aux sciences épidémiologiques, et aux sciences sociales et du comportement.
10E. Recommandations
Certains aspects de l'intervention de recherche contre le SRAS se sont extrêmement bien passés au Canada et d'autres non. Les raisons de ces échecs peuvent être résumées brièvement comme suit. Les gouvernements n'ont pas systématiquement reconnu que la recherche est un des fondements de la santé publique et ne l'ont pas appuyé. Le nouvel investissement considérable du Canada dans la recherche n'a pas ciblé convenablement la recherche en santé publique et en épidémiologie, et l'on n'a pas suffisamment réfléchi aux partenariats créatifs et aux programmes pour la mise en ouvre d'une capacité de recherche sur la santé publique. De plus, le soutien aux chercheurs cliniciens a été limité. Les structures et procédures de recherche canadienne ne sont pas conçues pour le genre de recherche nécessaire en période d'épidémie. La capacité réelle pour le genre de recherche essentielle dans les établissements de santé publique a été limitée par plusieurs facteurs : la culture de la recherche et de l'évaluation est lacunaire à de nombreux paliers des gouvernements, des cheminements de carrière limités pour les praticiens de la santé publique dans les différentes disciplines aux paliers fédéral, provincial et local, l'absence de programmes et de possibilités pour préparer le personnel dans de nombreuses disciplines à faire de la recherche en santé publique en général et des études sur les maladies infectieuses en particulier et les pressions exercées sur le personnel qui sont telles que les activités de recherche et d'évaluation, si elles sont financées, doivent être glissées entre les autres demandes urgentes de travail. Finalement, il n'existe aucun mécanisme national pour diriger, coordonner et orienter la recherche épidémiologique.
Pour se préparer à de futures flambées du SRAS, qui pourraient survenir dès la prochaine saison de virus respiratoires, le Canada a besoin de faire le point et d'exécuter, aussi rapidement que possible, certains projets importants de recherche connexes au SRAS. Nous devons également apporter des changements à long terme. Même si le SRAS n'a été qu'une épidémie de portée moyenne, il a mis en évidence un certain nombre de lacunes dans notre recherche d'intervention qui auraient pu être catastrophiques si l'agent avait été plus contagieux et dangereux. Nous avons maintenant l'occasion - en fait l'obligation - d'aborder les problèmes de structure, de procédure et de capacité qui nous ont empêché de mener une recherche plus efficace contre le SRAS au Canada.
Par conséquent, le Comité propose les recommandations suivantes :
10.1 |
L'agence canadienne de santé publique devrait affecter des sommes considérables à l'augmentation de la capacité de recherche nationale sur les aspects épidémiologiques et de laboratoire des maladies infectieuses émergentes et les autres menaces pour la santé de la population. Cette capacité scientifique nationale en santé publique renforcée devrait être fortement liée aux établissements universitaires de santé au moyen d'une co-implantation, d'institutions de recherche en co-entreprise, de nominations conjointes, de recrutements conjoints, d'échanges, de réseaux et d'activités de recherche en collaboration. |
À cette fin, dans le budget central national de l'agence canadienne de santé publique exposé brièvement au chapitre 3, nous avons prévu de nouvelles dépenses allant jusqu'à 50 millions de dollars par an pour la capacité sur les maladies infectieuses, y compris les éléments de recherche, et 25 millions de dollars pour les fonctions générales de R et D en santé publique. Certaines de ces activités seraient effectuées sur place, d'autres seraient mises en ouvre en collaboration avec des partenaires universitaires, les provinces et les territoires, les grandes unités municipales de santé et les organismes de recherche, en particulier les IRSC.
10.2 |
L'agence canadienne de santé publique, en partenariat avec les gouvernements provinciaux et territoriaux et par l'entremise du réseau F/P/T pour la lutte contre les maladies transmissibles, devrait investir directement dans la capacité scientifique de santé publique dans les provinces, les territoires et les régions. |
Les 100 millions de dollars réservés à la capacité de « deuxième ligne », y compris le fonctionnement du réseau F/P/T de contrôle des maladies transmissibles, est la source de financement logique à cette fin. Les options seraient l'attribution directe du financement aux organismes provinciaux et territoriaux actuels ou la création d'instituts régionaux F/P/T conjoints. Le mandat de ces organismes consisterait à fournir des services de recherche en santé publique aux provinces et territoires.
10.3 |
Le réseau F/P/T de contrôle des maladies transmissibles, en partenariat avec les IRSC et le milieu canadien de la recherche, devrait appliquer des protocoles précis de direction et de coordination des futures interventions de recherche épidémiologique. |
10.4 |
L'agence canadienne de santé publique et le réseau F/P/T de contrôle des maladies transmissibles devraient s'assurer que les équipes de réaction aux épidémies mises en ouvre dans le cadre du concept de l'Équipe d'intervention sanitaire d'urgence (EISU) assurent non seulement une capacité renforcée pour le confinement de l'épidémie en soi, mais également une « équipe B (B-Team) » et une infrastructure d'enquête comprenant des épidémiologistes, des programmeurs et des analystes. |
10.5 |
L'agence canadienne de santé publique, en partenariat avec les gouvernements provinciaux ou territoriaux, devrait élaborer des règlements précis, renforcés par des ententes intergouvernementales, sur le partage des renseignements, la mise en ouvre de base de données nationales et l'utilisation des données biologiques pour la recherche dans les interventions contre les épidémies. |
10.6 |
L'agence canadienne de santé publique, en collaboration avec les IRSC, devrait créer un groupe de travail sur les maladies infectieuses émergentes pour recommander des priorités de recherche et des méthodes de financement. L'Agence, en collaboration avec les IRSC et les autres organismes nationaux de financement de la recherche, devrait appuyer la création de mécanismes et de processus de financements spéciaux pour traiter en priorité et rapidement la recherche liée aux épidémies et aux maladies infectieuses. |
10.7 |
L'agence canadienne de santé publique, en partenariat avec les agences de recherche et les gouvernements provinciaux ou territoriaux, devrait collaborer avec les universités pour améliorer les possibilités de formation en recherche sur les maladies infectieuses et la gestion des épidémies dans la totalité des disciplines concernées. Cet accent sur le renforcement des capacités devrait être une priorité dans les stratégies plus générales de ressources humaines de l'Agence (voir le chapitre 7). |
10.8 |
Le gouvernement du Canada devrait renforcer ses fonctions de R et D pour la vulgarisation des connaissances internationales dans le domaine de la santé, en mettant l'accent sur les maladies infectieuses émergentes dans le monde. |
À cet égard, comme nous l'avons vu au chapitre 9, le Comité croit que le Canada a l'obligation de prendre part plus sérieusement à des activités de vulgarisation qui contribueraient à établir une capacité de recherche dans les pays moins développés. Ces investissements devraient avoir des répercussions positives à long terme sur la santé des populations de ces pays et compléter l'aide fournie par l'Agence canadienne de développement international et les autres organismes. Nous y reviendrons au chapitre 11.
10.9 |
Le gouvernement du Canada devrait promouvoir un partenariat pratique public-privé avec les industries de la biotechnologie, de la technologie de l'information et pharmaceutique visant des intérêts de recherche communs dans le domaine des maladies infectieuses émergentes, y compris les nouveaux vaccins, les composés antiviraux, les immunothérapies et les technologies de diagnostic. |
10.10 |
L'agence canadienne de santé publique devrait mener des discussions sur les questions de propriété intellectuelle, de droits d'auteur et de brevets des inventions en santé publique. |
- On peut soutenir que, le financement à part, la recherche de pathogénécité a été entravée par une pénurie de chercheurs cliniciens et par les pressions que la lutte contre l'épidémie a exercées sur eux.
- Présentation des IRSC faite le 28 juillet 2003 au Comité consultatif national du SRAS et de la santé publique.
- Génome Canada tient en ce moment un concours pour de la génomique appliquée à la santé qui investira dans les maladies infectieuses.
- Deux réseaux sont financés, le Réseau canadien de recherche sur les bactérioses (RCRB) et le Réseau canadien pour l'élaboration de vaccins et d'immunothérapies contre le cancer et les infections virales chroniques. Le financement du RCRB en tant que Réseau de centre d'excellence (RCE) tire à sa fin. Deux RCE, PENCE et le Mathematics of Information Technology and Complex Systems (MITACS) ont financé les projets de recherche sur le SRAS.
- Mémoire des IRSC au Comité consultatif national sur le SRAS et la santé publique, 28 juillet 2003.
- Mémoire des IRSC au Comité consultatif national sur le SRAS et la santé publique, 28 juillet 2003.
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