ARCHIVÉ - Projet de scénarios sur les enfants et l’activité physique - Visions de l’avenir fondées sur des faits probants
Préface
En 2007, l'administrateur en chef de la santé publique a mis en œuvre le Projet de développement de scénarios en santé publique. L'objectif consistait à développer un savoir-faire en matière de scénarios au sein de l'Agence de la santé publique du Canada, afin de contribuer à la réflexion stratégique à long terme sur des enjeux touchant des populations et des enjeux de santé publique complexes.
La planification à l'aide de scénarios peut être utilisée avec beaucoup de succès par les secteurs privé et public, au Canada comme à l'étranger, pour prévoir diverses possibilités d'avenir et élaborer des stratégies dans un contexte d'incertitude. Les scénarios présentent des possibilités d'avenir relativement à une question ou à un problème précis, et peuvent servir à explorer des enjeux complexes de santé publique, à en discuter et à y réfléchir, qu'il s'agisse de résultats pour la santé ou de déterminants de la santé. Cette approche est utilisée pour donner une plus grande portée à la prise de décisions traditionnelle et pour planifier l'avenir.
Les scénarios sont des ensembles de situations pertinentes et crédibles sur l'avenir (ou le passé), qui permettent de se familiariser à l'intégration de nombreuses perspectives ou épistémologies. Ils combinent la connaissance expérientielle et l'information scientifique, et intègrent les sciences sociales et naturelles. Ces avenirs possibles ne sont pas des prédictions, et ce procédé ne définit aucune stratégie. Les scénarios élaborés sont plutôt comparables à des hypothèses qui posent la question « et si...? » de façon disciplinée, et qui obligent à reconnaître des possibles ou des défis nouveaux et imprévus pour une organisation. Les scénarios sont construits de façon à explorer les différentes incertitudes et leurs répercussions sur les nombreux environnements qui influencent un enjeu.
Le Projet de scénarios sur les enfants et l'activité physique, qui fait partie d'une série de scénarios de santé publique devant être élaborés par l'Agence de la santé publique, a été conçu pour explorer les avenirs possibles des 50 prochaines années en matière d'activité physique chez les enfants de 5 à 12 ans au Canada.
Résumé
Le Projet de scénarios sur les enfants et l'activité physique est une étude et une analyse ayant recours à plusieurs méthodes, qui explorent les avenirs possibles des 50 prochaines années en matière d'activité physique chez les enfants de 5 à 12 ans au Canada. La participation des enfants à des activités physiques a été considérée comme un enjeu approprié à l'élaboration de scénarios, puisque l'étiologie et les conséquences des taux croissants de sédentarité infantile sont extrêmement complexes, et les solutions globales pour la santé de cette population demeurent difficiles à définir malgré des efforts sincères sur le plan individuel et collectif.
Ce projet est composé de cinq phases. La première, intitulée « Détermination des facteurs et des tendances », consiste en une analyse documentaire pour déterminer les principaux facteurs et tendances associés à l'activité et à l'inactivité chez les enfants. Les principaux facteurs et tendances, ce sont les forces qui influencent notre environnement actuel, et celles qui viendront peut-être modifier cet environnement et par le fait même un enjeu précis. Pour bien saisir l'ensemble des divers facteurs qui influencent l'activité et l'inactivité chez les enfants, ce projet étudie les conditions sociales, technologiques, pédagogiques et émergentes/réémergentes, l'environnement (physique), la population ainsi que les environnements politiques, économiques et de réglementation, en vue de déterminer les principaux facteurs et tendances. Ce projet détermine les principaux facteurs de changement qui façonnent le contexte général de l'activité physique chez les enfants.
La deuxième phase, « Analyse des incertitudes », se compose d'entrevues avec 29 spécialistes canadiens et étrangers dans les domaines de la santé, de l'activité, de l'éducation, de la technologie, des sciences sociales et du cadre bâti. On leur a demandé de s'exprimer sur les facteurs et les tendances associés à l'activité physique chez les enfants et qui n'avaient pas encore été publiés dans les revues spécialisées ou qui étaient encore émergents dans leurs domaines respectifs.
La troisième phase, « Logique des scénarios », consiste à déterminer les rapports logiques ou les relations fondamentales entre les fluctuations et les incertitudes associées aux principaux facteurs d'activité et d'inactivité recensés précédemment dans l'analyse documentaire et dans les entrevues. Cette organisation logique s'articule autour de quatre axes :
- les technologies dites douces et dures;
- la participation communautaire;
- la participation de l'entreprise privée; et
- la gouvernance du secteur public.
La quatrième phase, « Élaboration des scénarios », est la dernière composante essentiellement qualitative de ce processus. Cette phase comprend l'élaboration et la description des arguments et leur interdépendance dans quatre scénarios d'avenir distincts et plausibles sur l'activité physique chez les enfants. Ces descriptions de scénarios s'intitulent : À la carte; Cocon; Dehors les enfants; et Complexe intelligent.
Le premier des quatre scénarios, À la carte, décrit une société canadienne qui se caractérise par : une dépendance quotidienne à la technologie « avec un “t” minuscule »; une combinaison de coconnage modéré et de cohésion communautaire; des partenariats multisectoriels de courte durée; et une influence modérée des gouvernements. Ce scénario tente de refléter les préoccupations des spécialistes relativement aux contraintes qui existent dans la prise de décisions individuelles et familiales en matière d'activité physique. Plus précisément, l'opération d'un « choix » entre activité et inactivité reflète la dynamique entre, d'une part, les préférences et les comportements sociétaux, de consommation et parentaux et, d'autre part, la collectivité externe et l'environnement politique.
Dans le scénario « Cocon », les Canadiens vivent dans une société qui baigne dans une atmosphère de fermeture au monde extérieur, de circonspection et d'attachement aux choses familières. Le coconnage, tant sur le plan de la société que du cadre bâti, est associé à l'atteinte d'une sécurité personnelle et familiale. Cependant, de tels comportements excluent les interactions locales et entravent un sentiment plus large d'appartenance à la collectivité. Le gouvernement exerce une forte influence, que ce soit en surveillant et en réglementant l'activité physique, en offrant des incitations fiscales libérales ou en parrainant des initiatives. Ces nombreux efforts gouvernementaux visant à offrir diverses options aux citoyens est un prolongement de l'approche consommateuriste qui privilégie le pouvoir d'achat et le matérialisme.
Dans le scénario Dehors les enfants, les Canadiens vivent et travaillent dans un cadre bâti qui favorise le bien-être physique et émotionnel des enfants grâce à une meilleure connexion avec la nature. Cette façon de faire encourage la cohésion communautaire par des designs urbains adaptés aux besoins des piétons et des personnes de tous âges, où l'attachement émotionnel au milieu favorise la protection de ce milieu. Dans cette société, les tendances sociales et politiques les plus apparentes comprennent une demande des consommateurs pour des produits sains et biologiques, un leadership gouvernemental fort auquel la population fait confiance en matière de modes de vie sains et durables ainsi qu'une véritable conscience sociale de la part de l'industrie privée et des organismes sans but lucratif.
Le Complexe intelligent est un scénario dans lequel les Canadiens se voient offrir des possibilités d'engagement public tout au long de leur vie par l'intermédiaire de designs urbains utilitaires, qui comprennent un modèle d’approche globale de la santé en milieu scolaire. Le scénario Complexe intelligent se caractérise par des partenariats stratégiques solides entre divers secteurs et par l'utilisation des propriétés conceptuelles du cadre bâti pour atteindre les objectifs de santé publique. Ce scénario s'inscrit dans les préoccupations des spécialistes relativement au vieillissement de la population canadienne, dans la nécessité de demeurer physiquement actif à tout âge, et dans la nécessité d'avoir des coalitions à grande échelle pour répondre efficacement aux besoins des générations futures en éducation, en santé et en services sociaux.
La cinquième et dernière phase est une étude quantitative des répercussions possibles sur la santé de la population; elle établit des paramètres pour les principaux facteurs sélectionnés qui risquent de changer selon le milieu. Il est important de reconnaître qu'une approche quantitative permet d'analyser un nombre limité de variables, et que les résultats varient selon le choix des variables et les facteurs pris en compte. Les modèles ainsi définis peuvent amener de nouvelles perspectives pour l'exploration d'avenirs plausibles, en l'occurrence pour l'élaboration des quatre scénarios, mais les résultats dépendent des données disponibles et des hypothèses inhérentes au processus de modélisation. Dans le cadre de ce processus, il a fallu examiner différents modèles de microsimulation pour illustrer les répercussions possibles sur les personnes, les populations et les systèmes dans le domaine de l'activité physique et de la santé. Ces techniques ont contribué à quantifier de quelle manière l'intensité et la durée de l'activité physique chez les enfants jouent un rôle dans la morbidité (nombre total d'années d'incapacité) et la mortalité (nombre total d'années de vie perdues) associées à des troubles chroniques comme la cardiopathie ischémique, les AVC, l'hypertension, le cancer du côlon, le cancer du sein, le diabète de type II et l'ostéoporose.
Tout d'abord, une approche de modèle statique a été utilisée pour examiner les conséquences des niveaux d'activité physique qui seraient proposés dans les quatre descriptions de scénarios présentées à la phase IV. Dans ce cas, des matrices de transition ont permis de quantifier les comparaisons entre les niveaux relatifs d'activité pour les enfants vivant dans chacun des quatre scénarios d'avenir plausibles. Les niveaux d'activité des enfants ont été classés dans les catégories d'intensité « nulle », « faible », « modérée » et « élevée », d'après l'équivalent métabolique (coefficient MET). Le nombre d'heures par jour associé à chacun de ces quatre niveaux a été évalué d'après la description des futurs possibles présentés dans les scénarios À la carte, Cocon, Dehors les enfants et Complexe intelligent. Les modèles étaient limités par les données actuellement disponibles sur l'activité physique, par les résultats considérés (espérance de vie et mortalité) et par un certain nombre d'hypothèses essentielles au processus de modélisation. Les éventuelles répercussions obtenues grâce à ce type de modélisation indiquent que parmi les quatre scénarios, c'est la cohorte d'enfants du scénario Dehors les enfants qui affichait la meilleure espérance de vie et la plus faible mortalité. L'espérance de vie et la mortalité associées aux niveaux d'activité physique étaient semblables dans les scénarios Complexe intelligent et À la carte. Enfin, des quatre scénarios étudiés, c'est le scénario Cocon qui a produit la moins bonne espérance de vie et la mortalité la plus élevée. Les résultats de cette modélisation suggèrent qu'une augmentation du niveau d'activité dans les catégories d'intensité modérée et élevée a un effet bénéfique sur les résultats pour la santé mesurés.
Deuxièmement, on a utilisé un modèle déterministe compartimenté pour étudier un scénario « rétrospectif », afin d'examiner comment l'environnement avait changé en regard de son impact sur l'activité physique des enfants dans les 50 dernières années. La question sous-jacente à la modélisation se pose comme suit : « Si les enfants canadiens des années 2000 présentaient le même niveau d'activité physique (AP) que ceux des années 1950, dans quelle mesure leurs résultats pour la santé changeraient-ils? » Puis, les modèles ont été créés en supposant que les enfants des années 1950 pouvaient présenter des niveaux d'activité physique de 10 à 25 % plus élevés que les enfants des années 2000. En prenant une cohorte d'enfants âgés de 5 à 12 ans en 2000 et en la transposant 78 ans plus tard, avec une hausse de leurs niveaux d'activité de 10 à 25 % , voici les résultats généraux obtenus :
- baisse du taux de morbidité global de 145 à 374 cas par 100 000, selon la hausse du niveau d'AP;
- baisse du taux d'incapacité global de 87 à 222 cas par 100 000, selon la hausse du niveau d'AP;
- baisse des taux de mortalité globaux de 58 à 150 décès par 100 000, selon la hausse du niveau d'AP;
- incidence réduite de toutes les maladies à l'exception de l'ostéoporose; réduction minimale du cancer du sein et du cancer du côlon;
- diminution du nombre total d'années d'incapacité attribuable à des maladies liées à l'AP;
- augmentation du nombre total d'années d'incapacité dans l'ensemble (c'est-à-dire attribuable à des maladies liées ou non à l'AP);
- diminution du nombre total d'années de vie perdues attribuable aux maladies liées à l'AP,
- diminution du nombre total d'années de vie perdues dans l'ensemble (c'est-à-dire attribuable à des maladies liées ou non à l'AP);
Bien que ces analyses suggèrent que si les Canadiens adoptaient les niveaux d'activité physiques présumés des personnes qui avaient entre 5 et 12 ans dans les années 1950, on assisterait à une diminution des taux de morbidité, d'incapacité et de mortalité associés à l'ensemble des maladies prises en compte dans la présente étude (attribuables à l'activité/l'inactivité physique).
Les scénarios proposent différentes visions d'avenir aux planificateurs de la santé publique et aux décideurs. Ils sont conçus pour favoriser le débat et la visualisation, et pour entraîner une planification réfléchie en vue d'obtenir un éventail de résultats à la fois possibles et plausibles. Des réactions énergiques et efficaces fondées sur une réflexion stratégique concertée et diversifiée sont la clé d'une bonne santé publique pour l'avenir. L'information sur les enjeux de santé publique ne manque pas; il faut néanmoins développer et appuyer des processus novateurs comme l'analyse de scénarios, qui fait appel à des intervenants de tous les horizons, qui les confronte et qui favorise leur engagement, selon toutes sortes de points de vue et à différents niveaux, tant sur la scène nationale qu'internationale. Les scénarios peuvent à la fois générer des stratégies sur des enjeux précis et les mettre à l'épreuve au sein d'une organisation. Celle-ci peut alors déterminer les risques possibles et améliorer ses stratégies pour réduire ces risques.
Pour obtenir le rapport complet ou de l'information supplémentaire sur l'Équipe d’évaluation de la santé de la population et d’élaboration de scénarios, veuillez contacter: phas_esps@phac-aspc.gc.ca
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