La rougeole, la rubéole et l'embryopathie rubéolique en Ontario : 2009–2012

Volume 40-8, le 17 avril 2014 : Maladies évitables par la vaccination

Rapport d'éclosion et de surveillance

Consignation de l'élimination de la rougeole, de la rubéole et de l'embryopathie rubéolique en Ontario : 2009-2012

Lim G.H.1*, Deeks S.L.1,2, Fediurek J.1, Gubbay J.1,3,4 et Crowcroft N.S.1,2,4

Affiliations

1 Santé publique Ontario, Toronto (Ontario)

2 Dalla Lana School of Public Health, Université de Toronto, Toronto (Ontario)

3 Département de pédiatrie, Université de Toronto, Toronto (Ontario)

4 Département de médecine de laboratoire et de biopathologie, Université de Toronto, Toronto (Ontario)

Correspondance

Gillian.lim@oahpp.ca

DOI

https://doi.org/10.14745/ccdr.v40i08a01f

Résumé

Contexte : Sous la direction de l'Organisation panaméricaine de la santé (OPS), les pays des Amériques consignent actuellement l'élimination de la rougeole, de la rubéole et de l'embryopathie rubéolique.

Objectif : Cet article décrit les progrès accomplis par l'Ontario au chapitre de la consignation (mise en documentation) de l'élimination de ces maladies entre 2009 et 2012.

Méthodologie : Toutes les classifications de cas possibles, y compris celles qui ne répondaient pas aux définitions de cas aux fins de surveillance, ont été extraites de la base de données provinciale des maladies à déclaration obligatoire, le Système d'information sur la santé publique intégré (SISP-i). Ces données ont été analysées en fonction de certains critères précisés par l'OPS, particulièrement en ce qui a trait à l'épidémiologie, à la couverture vaccinale et à la qualité du système de surveillance.

Résultats : Aucun cas endémique connu de rougeole, de rubéole ou d'embryopathie rubéolique n'a été signalé en Ontario au cours de la période de l'étude. Les cas étaient principalement le résultat d'une importation, car ces maladies sont toujours endémiques dans de nombreux pays. Au total, 27 cas confirmés de rougeole ont été signalés au cours de la période de quatre ans; on a pu établir que la plupart de ces cas étaient directement ou indirectement liés à des déplacements à l'étranger. En outre, cinq cas confirmés de rubéole et un cas d'embryopathie rubéolique importée ont été découverts. Un examen de la couverture vaccinale et de la qualité des données de surveillance a mis en évidence certaines lacunes. Les taux annuels combinés de cas soupçonnés de rougeole et de rubéole (entre 0,7 et 1,1 cas sur 100 000 habitants) et les cas soupçonnés d'embryopathie rubéolique (entre 0,21 et 0,49 cas sur 10 000 naissances vivantes) étaient inférieurs aux seuils de l'OPS. De plus, l'absence fréquente de renseignements sur les antécédents d'immunisation et les antécédents de voyage dans le SISP-i était préoccupante (77,3 % et 44,6 %, respectivement).

Conclusion : Ces résultats plaident en faveur du statut d'élimination de l'Ontario. Cependant, une vigilance constante est de mise pour répondre de manière satisfaisante aux exigences de l'OPS concernant la consignation de l'élimination de ces maladies. Des efforts sont en cours en Ontario afin d'améliorer la production de rapports.

Introduction

La Région des Amériques a adopté l'objectif de l'élimination de la rougeole pour l'an 2000, et de la rubéole et de l'embryopathie rubéolique pour l'an 2010. La propagation du virus endémique de la rougeole a été interrompue dans les Amériques en 2002, alors que le dernier cas de rubéole endémique confirmé a été signalé en Argentine en février 2009 Note de bas de page 1. Les derniers cas de rougeole et de rubéole endémiques ont été signalés au Canada en 1997 et en 2005 Note de bas de page 2, respectivement.

Pour parvenir à l'élimination de la rougeole, deux doses de vaccin contenant le virus de la rougeole sont requises, alors qu'une seule dose de vaccin contenant le virus de la rubéole est nécessaire pour éliminer la rubéole et l'embryopathie rubéolique Note de bas de page 3 Note de bas de page 4. Au Canada, les vaccins contre la rougeole et la rubéole ne peuvent être administrés qu'en combinaison avec le vaccin contre les oreillons ou avec le vaccin contre les oreillons et la varicelle (vaccins ROR et RROV, respectivement). En Ontario, une seule dose du vaccin ROR combiné a été mise en place en 1975, suivie d'un programme à deux doses en 1996. La première dose du vaccin ROR est généralement administrée à l'âge de 12 mois, alors que le moment de la deuxième dose varie entre l'âge de 18 mois et celui de 4 à 6 ans Note de bas de page 5. Sous la direction de l'Organisation panaméricaine de la santé (OPS), les pays des Amériques consignent actuellement l'élimination de la rougeole, de la rubéole et de l'embryopathie rubéolique. L'OPS et l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) ont mis sur pied un plan d'action Note de bas de page 6 concernant la mise en documentation et la vérification de l'élimination de la rougeole, de la rubéole et de l'embryopathie rubéolique (ci-après désigné par le terme « le plan »). Le plan donne des indications concernant les preuves nécessaires pour vérifier que la transmission des virus endémiques de la rougeole et de la rubéole a été interrompue et précise plusieurs critères et indicateurs à respecter. La présente étude avait pour objet d'évaluer les progrès accomplis par l'Ontario au chapitre de la consignation de l'élimination par rapport à un sous-ensemble de critères précisés par le plan d'action de l'OPS, à l'aide de données facilement accessibles aux fins d'analyse. La portée de l'étude se limitait ainsi à une évaluation de l'épidémiologie, de la couverture vaccinale et de la qualité de la surveillance concernant ces maladies. Nous avons analysé, entre 2009 et 2012, des données qui satisfont aux critères de l'OPS selon lesquels l'absence de transmission endémique doit être prouvée pendant au moins trois ans.

Méthodologie

Pour évaluer l'épidémiologie de la rougeole, de la rubéole et de l'embryopathie rubéolique en Ontario, nous avons, le 3 juin 2013, extrait de la base de données provinciale sur les maladies à déclaration obligatoire, le Système d'information sur la santé publique intégré (SISP-i), tous les rapports (quelle que soit la classification des cas) entre 2009 et 2012. Les cas étaient classés comme confirmés selon les définitions de cas provinciales précisées à l'annexe B du Protocole concernant les maladies infectieuses de l'Ontario Note de bas de page 7. Les renseignements sur l'immunisation et les antécédents de voyage étaient basés sur l'examen de plusieurs champs du SISP-i, y compris les champs de texte libre. Les analyses descriptives présentant les tendances temporelles, géographiques et démographiques étaient limitées aux cas confirmés. Un cas importé était défini comme un cas ayant voyagé à l'extérieur du Canada de 7 à 21 jours avant l'apparition des symptômes de la rougeole, et de 14 à 21 jours avant l'apparition des symptômes de la rubéole. Ces définitions ont été modifiées par rapport à celles du plan de sorte à mentionner les voyages à l'extérieur du Canada au lieu des Amériques et à cadrer avec les périodes d'incubation précisées dans le Protocole concernant les maladies infectieuses Note de bas de page 7. Un cas lié à un cas importé était un cas résultant de la transmission par un cas importé (c.-à-d. épidémiologiquement lié). Si une chaîne de transmission s'étalait sur une période de 12 mois ou plus, les cas étaient considérés comme endémiques.

Dans le contexte de l'élimination, nous avons considéré un cas unique confirmé comme une éclosion, même en l'absence de transmission ultérieure de la maladie. En ce qui concerne la rougeole, nous avons appliqué la méthodologie décrite par De Serres et al. Note de bas de page 8 pour estimer le taux de reproduction effectif (Re); les éclosions sans transmission ultérieure (c.-à-d. N = 1) étaient également incluses dans l'analyse. Le Re a été calculé selon l'estimation de vraisemblance maximale; les intervalles de confiance à 95 % ont également été estimés.

Aux fins de cette analyse, les directives canadiennes exigeant une couverture vaccinale au moyen de deux doses de vaccin contre la rougeole et d'une seule dose de vaccin contre la rubéole ont été appliquées afin de satisfaire aux critères de l'OPS, à l'aide des données de couverture de 2011-2012 parmi les enfants âgés de 7 à 17 ans provenant du Système d'archivage des dossiers d'immunisation (SADI); le nombre de doses requises pour que la couverture soit adéquate n'est pas explicitement indiqué dans le plan.

Toutes les classifications de cas soupçonnés et confirmés de rougeole, de rubéole et d'embryopathie rubéolique ont été analysées dans le cadre de l'évaluation de la qualité de la surveillance. Le Tableau 1 présente une liste des indicateurs précis et des seuils minimums requis pour remplir les critères de l'OPS. Le caractère adéquat de l’étude a été déterminé sur la base d'éléments de données accessibles dans le SISP-i; les renseignements concernant le génotype des éclosions ont été tirés des Laboratoires de Santé publique Ontario.

Tableau 1 : Consignation de l'élimination en Ontario : composantes du plan d'action de l'OPS s'inscrivant dans la portée de cette étude
Composantes Indicateurs et analyses suggérées
Épidémiologie de la rougeole, de la rubéole et de l'embryopathie rubéolique Vérifier l'interruption des cas endémiques de rougeole, de rubéole et d'embryopathie rubéolique au cours d'une période d'au moins trois ans à compter du dernier cas endémique connu, en examinant les aspects suivants :
  • Taux de morbidité
  • Caractéristiques temporelles et spatiales
  • Caractère saisonnier
  • Caractéristiques démographiques
  • Éclosions
Cohortes de population vaccinées contre la rougeole et la rubéole
  • Cohorte de population âgée de moins de 40 ans dont la couverture vaccinale est idéalement d'au moins 95 %.
Qualité de la surveillance de la rougeole, de la rubéole et de l'embryopathie rubéolique Taux de déclaration
  • Taux annuel de cas soupçonnés de rougeole et de rubéole >= 2 sur 100 000 habitants
  • Taux annuel de cas soupçonnés d'embryopathie rubéolique >= 1 sur 10 000 naissances vivantes

Enquête adéquate

  • Pourcentage (%) de cas soupçonnés de rougeole et de rubéole répondant aux onze points de données suivants : nom ou numéro d'identification, lieu de résidence, sexe, âge ou date de naissance, date de la déclaration, date de l'enquête, date de l'apparition de l'éruption cutanée, date du prélèvement de l'échantillon, présence de fièvre, date de la vaccination antérieure contre la rougeole et la rubéole et antécédents de voyage
  • Pourcentage (%) de cas soupçonnés d'embryopathie rubéolique répondant aux huit points de données suivants : nom ou numéro d'identification, lieu de résidence, sexe, date de naissance, date de la déclaration, date de l'enquête, date du prélèvement de l'échantillon et antécédents de vaccination de la mère; également, examens cliniques de dépistage de la surdité, de la cécité et de la cardiopathie congénitale >= 80 %

Détection virale

  • Pourcentage (%) d'éclosions de rougeole et de rubéole pour lesquelles des renseignements sur le génotype existent et proviennent d'au moins un échantillon viral
  • Pourcentage (%) de cas d'embryopathie rubéolique confirmés pour lesquels un échantillon adéquat a été analysé en vue de la détection ou de l'isolement du virus >= 80 %

Nous avons compilé et analysé toutes les données à l'aide de la version 9.2 du SAS et de Microsoft Excel 2010. Les taux d'incidence de la rougeole et de la rubéole ont été calculés à l'aide des données démographiques de Statistique Canada, auxquelles nous avons accédé par l'intermédiaire d'IntelliHEALTH Ontario. Les taux d'incidence de l'embryopathie rubéolique ont été déterminés à l'aide des données sur les naissances vivantes de Statistique Canada.

Résultats

Épidémiologie de la rougeole

Entre 2009 et 2012, 27 cas confirmés et 9 cas probables de rougeole ont été signalés en Ontario. En outre, 316 cas ont fait l'objet d'une enquête, mais ne répondaient pas à la définition de cas. Parmi les cas confirmés, le taux d'incidence annuel était de 0,54 (2009); de 0,68 (2010); de 0,60 (2011) et de 0,22 (2012) cas sur 1 000 000 d’habitants. Deux tiers des cas étaient des femmes (18/27; 66,7 %). Le taux d'incidence annualisé était, respectivement, de 0,34 cas sur 1 000 000 d’habitants chez les hommes et de 0,67 chez les femmes. L'âge médian des cas était de 13,6 ans, allant de 6 mois à 59 ans. Le taux d'incidence annualisé par âge le plus élevé a été enregistré chez les nourrissons âgés de moins de un an (7,0 cas sur 1 000 000 d’habitants). L'état vaccinal n'a pu être évalué que pour 19 des 27 cas (70,4 %). Parmi ces 19 cas, 13 (68,4 %) n'étaient pas immunisés, 3 (15,8 %) avaient reçu une dose et 3 (15,8 %) avaient reçu deux doses de vaccin contenant le virus de la rougeole (à jour). Trois des cas non immunisés avaient des antécédents de voyage et étaient âgés de moins de un an, étant par conséquent trop jeunes pour avoir reçu le vaccin ROR systématique.

Pendant la période à l'étude, trois éclosions associées à au moins une chaîne de transmission émanant de l'importation ont entraîné 17 cas de rougeole au total. Dix cas supplémentaires ont été signalés, mais n'ont entraîné aucune transmission ultérieure. L'analyse des données relatives à ces 13 éclosions a révélé un Re estimé de 0,52 (intervalle de confiance à 95 %; 0,29; 0,83).

L'état d'importation a pu être déterminé dans tous les cas, sauf deux (25/27 ou 92,6 %) (Figure 1). Si l'état d'importation avait été défini en tenant compte des voyages à l'extérieur des Amériques seulement, selon la définition originale de l'OPS, seuls 66,7 % des cas (18/27) auraient été classés comme importés ou liés à un cas importé.

Figure 1 : Cas confirmés de rougeole en Ontario par date d'apparition des symptômes et état d'importation, de 2009 à 2012 (N = 27)

Figure 1
Équivalent textuel - Figure 1

Figure 1 : Cas confirmés de rougeole en Ontario par date d'apparition des symptômes et état d'importation, de 2009 à 2012 (N = 27)

Cet histogramme présente le mois d'apparition de la maladie et l'état d'importation des 27 cas confirmés de rougeole en Ontario de janvier 2009 à décembre 2012. L'axe des y montre le nombre de cas (entre 0 et 7), tandis que l'axe des x montre le mois. En mai 2009, il y a eu un cas d'origine inconnue et un cas importé qui a été suivi de cinq cas liés à l'importation le mois suivant. En 2010, des cas importés isolés ont été signalés jusqu'en novembre, lorsqu'un cas importé a été suivi de cinq cas liés à l'importation en décembre. En 2011, des cas importés isolés ont été signalés en février et en mars. En mai 2011, il y a eu deux cas importés et quatre cas liés à l'importation. Par la suite, aucun cas n'a été signalé jusqu'à mai 2012, lorsqu'il y a eu un cas importé. Ce cas a été suivi d'un cas importé unique en août 2012 et d'un cas unique d'origine inconnue en septembre 2012.

Deux épisodes d'importation distincts étaient associés au Royaume-Uni, à la France et au Pakistan (Tableau 2).

Tableau 2 : Antécédents de voyage et renseignements sur le génotype concernant les cas confirmés de rougeole et de rubéole en Ontario qui se sont révélés importés, de 2009 à 2012 (N = 15)
ID du cas importé Mois de l'épisode Pays visité Génotype Nombre de cas ultérieurs
Rougeole
1 Mai 2009 Exposition à un cas de rougeole provenant du Royaume-Uni pendant un voyage aux États-Unis D4 5
2 Janvier 2010 Pakistan    
3 Mai 2010 Sri Lanka    
4 Octobre 2010 France    
5 Novembre 2010 Philippines D9 5
6 Février 2011 Royaume-Uni D9  
7 Mars 2011 Inde    
8 Mai 2011 États-Unis    
9 Mai 2011 France   4
10 Mai 2012 Pakistan B3  
11 Août 2012 Afghanistan    
Rubéole
1 Janvier 2009 Sri Lanka et Inde    
2 Avril 2009 Inde    
3 Avril 2010 Bangladesh    
4 Janvier 2012 Russie et Bélarus    

Les renseignements sur le génotype ont été signalés pour sept cas seulement; parmi ces derniers, le génotype D9 a été identifié dans quatre cas (57,1 %); le génotype D4, dans deux cas (28,6 %); et le génotype B3, dans un cas (14,3 %). Dans l'ensemble, le génotype était connu dans quatre des treize éclosions seulement (30,8 %).

Épidémiologie de la rubéole

Entre 2009 et 2012, cinq cas confirmés et un cas probable de rubéole ont été signalés en Ontario. En outre, 139 cas ont fait l'objet d'une enquête, mais ne répondaient pas à la définition de cas. Parmi les cas confirmés, le taux d'incidence annuel entre 2009 et 2012 était de 0,23 (2009); de 0,08 (2010); de 0,00 (2011) et de 0,07 (2012) cas sur 1 000 000 d’habitants. Aucune transmission secondaire n'a eu lieu. Les cas de rubéole étaient répartis également entre les hommes et les femmes, exception faite d'un seul cas dont on ignore le sexe. L'âge médian des cas était de 28,3 ans, allant de 22 à 54 ans.

La Figure 2 présente la répartition des cas par mois d'apparition de la maladie et par état d'importation. Les déplacements en Russie et au Bélarus, en Inde, au Sri Lanka et au Bangladesh étaient impliqués comme source d'exposition des cas importés; les renseignements sur le génotype n'ont pas été signalés pour ces cas dans le SISP-i (Tableau 2). Chez deux cas, le pays de naissance correspondait au pays visité (Inde et Bangladesh). L'état vaccinal n'a pu être déterminé que pour un cas (20 %), qui n'était pas immunisé.

Figure 2 : Cas confirmés de rubéole en Ontario par date d'apparition des symptômes et état d'importation, de 2009 à 2012 (N = 5)

Figure 2
Équivalent textuel - Figure 2

Figure 2 : Cas confirmés de rubéole en Ontario par date d'apparition des symptômes et état d'importation, de 2009 à 2012 (N = 5)

Cet histogramme présente le mois d'apparition de la maladie et l'état d'importation des cinq cas confirmés de rubéole en Ontario de janvier 2009 à décembre 2012. L'axe des y montre le nombre de cas (entre 0 et 2), tandis que l'axe des x montre le mois. Des cas importés isolés ont été signalés en janvier 2009, en avril 2009, en avril 2010 et en janvier 2012. Un cas d'origine inconnue a été signalé en février 2009.

Épidémiologie de l'embryopathie rubéolique

Seul un cas confirmé d'embryopathie rubéolique a été signalé dans le SISP-i pendant la période sous surveillance; ce cas s'est produit en 2009. Ce cas s'est révélé importé, car la mère a voyagé à l'étranger pendant sa grossesse. Seize autres cas ont fait l'objet d'une enquête, mais ne répondaient pas à la définition de cas. Cela équivaut à une incidence de 0,07 cas d'embryopathie rubéolique sur 10 000 naissances vivantes en 2009 et à une incidence annualisée de 0,02 cas d'embryopathie rubéolique sur 10 000 naissances vivantes pour toute la période de l'étude.

Couverture vaccinale

Les estimations de la couverture pendant l'année scolaire 2011-2012 indiquent qu'entre 7 et 17 ans, la couverture vaccinale par deux doses de vaccin contenant le virus de la rougeole allait de 89,1 % parmi les élèves âgés de 7 ans à 95,0 % parmi ceux âgés de 16 ans. La couverture par une seule dose de vaccin contre la rubéole allait de 95,1 % chez les élèves âgés de 7 ans à 96,9 % chez ceux âgés de 15 et 16 ans. La couverture vaccinale de la rougeole par dose unique de vaccin était semblable à celle de la rubéole.

Qualité de la surveillance

Le taux annuel combiné de cas soupçonnés de rougeole et de rubéole allait de 0,7 à 1,1 cas sur 100 000 habitants; le taux annuel de signalement des cas soupçonnés d'embryopathie rubéolique allait de 0,21 à 0,49 cas sur 10 000 naissances vivantes. Les renseignements sur le génotype étaient accessibles pour 4 des 18 (22,2 %) éclosions de rougeole et de rubéole seulement.

Les 11 éléments de données requis étaient enregistrés dans le SISP-i pour seulement 2,4 % (N = 12) des cas soupçonnés de rougeole et de rubéole. Aucun des cas soupçonnés d'embryopathie rubéolique n'a pu être évalué, car quelques-uns des éléments de données requis n'avaient pas été saisis dans le SISP-i. Le Tableau 3 répertorie la proportion la plus élevée d'éléments de données manquants ou incomplets, qui comprenait les antécédents de voyage (77,3 %), la date de prélèvement d'un échantillon aux fins d'analyse en laboratoire (54,1 %) et la présence ou l'absence de fièvre (50,1 %). Les autres éléments de données qui avaient tendance à être incomplets comprenaient la date de l'apparition de l'éruption cutanée (46,5 %), la date de la vaccination antérieure contre la rougeole et la rubéole (44,6 %) et la date de l'enquête (30,8 %).

Tableau 3 : Éléments de données manquants parmi les cas soupçonnés de rougeole et de rubéole en Ontario, de 2009 à 2012
Éléments de données Cas soupçonnés
(N = 497)
Nombre Proportion (%)
Nom 0 0,0
Lieu de résidence 0 0,0
Sexe 4 0,8
Âge 3 0,6
Date de déclaration 0 0,0
Date de l'enquête 153 30,8
Date de l'apparition de l'éruption 231 46,5
Date du prélèvement de l'échantillon 269 54,1
Fièvre 249 50,1
Date du vaccin antérieur contre la rougeole et la rubéole Tableau 3 Note de bas de page 1 125/280 44,6
Antécédents de voyage 384 77,3
Note de bas de page 1

Les pourcentages ont été calculés sous forme de proportion de cas soupçonnés, lorsque l'on savait qu'au moins une dose de vaccin contenant le virus de la rougeole ou de la rubéole avait été reçue.

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Analyse

Aucun cas endémique connu de rougeole, de rubéole ou d'embryopathie rubéolique n'a été signalé en Ontario entre 2009 et 2012. Pendant cette période, 27 cas confirmés de rougeole, 5 cas confirmés de rubéole et 1 cas confirmé d'embryopathie rubéolique ont été signalés. La plupart des cas importés ont donné lieu à une retransmission nulle ou limitée, ce qui étaye la présence d'une immunité collective élevée et laisse entendre que les enquêtes sur les cas et la prise en charge de ces derniers par les prestataires de soins de santé et par la santé publique sont efficaces. En outre, le taux de reproduction effectif estimé de la rougeole était dans la plage associée à l'élimination (< 1). Comme ces maladies ne sont plus endémiques en Ontario, une exposition liée à un voyage devrait être indiquée dans tous les cas. Cependant, la source de l'exposition était inconnue pour 3 des 32 cas (9,4 %) de rougeole et de rubéole, ce qui semble indiquer soit des problèmes de qualité de données, soit une transmission de maladie non reconnue.

La définition du cas importé de l'OPS a été modifiée de sorte à refléter les voyages à l'extérieur du Canada plutôt qu'à l'extérieur des Amériques, étant donné que l'Ontario est une province du Canada. Par conséquent, deux cas de rougeole ayant voyagé aux États-Unis (É.-U.), ainsi que les cinq cas qui ont résulté du premier cas, ont été classés respectivement comme des cas importés et des cas liés à un cas importé. Dans le premier cas, on a relevé un contact consigné avec un cas de rougeole provenant du Royaume-Uni pendant un voyage aux États-Unis; par conséquent, ce cas aurait répondu à la définition de l'OPS d'un cas lié à l'importation. Cependant, sur la base des renseignements enregistrés dans le SISP-i, l'absence d'activité consignée de la rougeole dans la région visitée par le deuxième cas aurait donné lieu à une classification de cas inconnu selon la définition originale de l'OPS.

Comme l'Ontario n'a pas de registre provincial d'immunisation exhaustif, nous n'avons pas été en mesure d'évaluer si le critère de l'OPS concernant la couverture vaccinale était respecté dans la population âgée de 1 à 40 ans. Cependant, selon les estimations de 2011-2012 de la couverture chez les enfants en âge de scolarité, réalisées au moyen de données du SADI, les objectifs de couverture n'ont pas été atteints en ce qui concerne les deux doses de vaccin contre la rougeole, mais l'ont été en ce qui concerne la dose unique du vaccin contre la rubéole. Comme les vaccins à antigène unique contre la rougeole et la rubéole ne sont pas offerts en Ontario, la couverture vaccinale par une dose unique de vaccin contre la rougeole est comparable à la couverture vaccinale contre la rubéole (données non indiquées).

Sur les 352 personnes ayant fait l'objet d'une enquête en raison d'une infection potentielle par le virus de la rougeole entre 2009 et 2012, 27 cas ont été confirmés. En ce qui concerne la rubéole, 145 enquêtes ont été menées, et 5 cas ont été confirmés. Cela laisse entendre que les systèmes de surveillance actuellement en place parviennent à saisir les cas potentiels et à exclure un diagnostic. Cependant, le taux de déclaration annuel de la rougeole et de la rubéole n'a pas dépassé le seuil minimum de l'OPS. Le fait que l'Ontario ne réponde pas à cette exigence peut s'expliquer en partie par l'efficacité des analyses en laboratoire, qui pourrait prédisposer les cliniciens à attendre que la rougeole et la rubéole soient exclues plutôt que de signaler leurs soupçons à la santé publique. Le caractère adéquat de ce critère de référence dans les pays visant l'élimination a été évalué par Tikhonova et al. Note de bas de page 9, qui ont modélisé les répercussions d'une augmentation du taux d'enquête dans la Fédération de Russie et ont constaté un déclin de l'augmentation relative des cas de rougeole détectés grâce à des stratégies de surveillance améliorées par rapport aux stratégies systématiques. Les auteurs ont indiqué la nécessité de tenir compte de l'épidémiologie locale et des implications connexes en matière de ressources. À l'exception du rapport national d'élimination de l'Agence de la santé publique du Canada Note de bas de page 2, nous ne connaissons aucune autre étude provenant de territoires canadiens.

Ces analyses montrent que les éléments de données requis avaient été saisis dans le SISP-i pour quelques cas soupçonnés seulement, ce qui est une faiblesse importante de la qualité des données. Le degré d'absence des données sur l'immunisation et des antécédents de voyage est préoccupant, puisque ces renseignements sont indiqués comme une exigence clé aux termes du Protocole concernant les maladies infectieuses de l'Ontario. Cela laisse entendre que les renseignements requis ne sont pas consignés correctement dans le SISP-i, ce qui pourrait s'expliquer par une saisie incomplète des données ou par une infrastructure du système inadéquate qui ne permet pas la saisie des renseignements requis dans le SISP-i. On ne sait pas s'il existe d'autres données qui n'ont pas été entrées dans le SISP-i. Malgré ce fait, le SISP-i reste un dépôt de données centralisé pour la province, et le rôle actif que jouent les services locaux de santé publique dans la réalisation de la surveillance en partenariat avec la province est l'un des points forts du système de surveillance en Ontario.

Enfin, bien que tous les échantillons reçus par les Laboratoires de Santé publique Ontario aux fins d'analyse de la rougeole et de la rubéole par réaction en chaîne de la polymérase soient transmis au Laboratoire national de microbiologie aux fins de génotypage, et bien que les résultats soient communiqués aux agences de la santé publique locales, ces renseignements étaient manquants dans de nombreux cas. Cela s'explique probablement par le fait que la saisie des renseignements n'est pas obligatoire aux termes des directives actuelles de saisie des données dans le SISP-i.

Depuis le transfert des responsabilités de gestion des cas à Santé publique Ontario en 2012, un effort concerté a été accompli pour effectuer un suivi auprès des bureaux de santé publique locaux afin de s'assurer que les cas soupçonnés de rougeole et de rubéole sont classés de façon appropriée comme confirmés ou comme ne répondant pas à la définition, et ces renseignements sont saisis avec exactitude dans le SISP-i. Ce suivi supplémentaire rapporte fréquemment des renseignements considérablement plus riches que ceux qui ont été entrés dans la base de données. Outre la création d'un formulaire d'enquête visant à aider les bureaux de la santé publique locaux dans leur enquête sur les cas de rougeole et de rubéole, les résultats de cette analyse montrent qu'il faut améliorer la clarté des directives d'utilisation du SISP-i de sorte que les renseignements essentiels, tels que les antécédents d'immunisation et de voyage, soient enregistrés de façon systématique et exhaustive. Des efforts sont en cours en Ontario à ce sujet afin d'améliorer la production de rapports.

Conclusion

Une vigilance constante est de mise pour que l'Ontario établisse et maintienne l'élimination de la rougeole, de la rubéole et de l'embryopathie rubéolique de façon satisfaisante. Bien que le nombre de cas répertoriés et la taille des éclosions appuient la thèse d'une élimination soutenue, la couverture vaccinale signalée et la qualité des données de surveillance remettent en question notre capacité à consigner l'élimination en toute confiance.

Conflit d'intérêts

Les auteurs n'ont aucun conflit d'intérêts à déclarer.

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