Résultats des infections au virus du papillome humain et des tests Pap au Nunavut, Canada

RMTC

Volume 41-3, le 5 mars 2015 : Enjeux de santé publique dans les régions éloignées

Surveillance

Résultats des infections au virus du papillome humain (VPH) spécifiques au type et des tests Pap chez les femmes inuites et non inuites au Nunavut, Canada

Totten S1*, Severini A2, Jayaraman GC3, Faybush ST2, Johnson G4, Demers AA1, Sobol I5, Mao Y3, Wong T1

Affiliations

1 Centre de la lutte contre les maladies transmissibles et les infections, Agence de la santé publique du Canada, Ottawa (Ontario)

2 Laboratoire national de microbiologie, Agence de la santé publique du Canada, Winnipeg (Manitoba)

3 Centre de prévention des maladies chroniques, Agence de la santé publique du Canada, Ottawa (Ontario)

4 DynaLIFEDx, Edmonton (Alberta)

5 Ministère de la Santé et des Services sociaux du Nunavut (Nunavut)

Correspondance

stephanie.totten@phac-aspc.gc.ca

DOI

https://doi.org/10.14745/ccdr.v41i03a01f

Introduction

On estime que le virus du papillome humain (VPH), une cause nécessaire du cancer du col de l'utérus, est l'une des infections sexuellement transmissibles les plus courantes au CanadaNote de bas de page 1Note de bas de page 2. Deux vaccins préventifs efficaces ont été mis au point et sont disponibles au Canada. L'utilisation du vaccin quadrivalent qui protège contre les types de VPH non oncogéniques (à faible risque) 6 et 11, et contre les types de VPH oncogéniques (à haut risque) 16 et 18, a été autorisée au Canada en 2006. Ce vaccin est offert aux filles dans toutes les provinces et tous les territoires du Canada dans le cadre des programmes de vaccination publics en milieu scolaire.  L'utilisation d'un vaccin bivalent contre les types de VPH 16 et 18 a été autorisée en 2010, mais ce vaccin n'est pas offert actuellement dans le cadre des programmes de vaccination publics en milieu scolaire.

Le territoire du Nunavut compte une population jeune, principalement inuite, de quelque 30 000 habitants disséminés sur une superficie de deux millions de kilomètres carrés, au sein de 25 collectivités de la région circumpolaire du Canada. Il y a des défis en matière de soins de santé et de santé publique au Nunavut. Par exemple, comparativement aux moyennes canadiennes, ses habitants sont touchés de façon disproportionnée par des problèmes à la naissance, une espérance de vie plus courte et des maladies chroniques et infectieuses, notamment des taux élevés d'infections transmissibles sexuellementNote de bas de page 3. Par exemple, les taux déclarés de chlamydia au Nunavut sont 15 fois plus élevés que la moyenne nationale, et les infections gonococciques, 50 fois plus élevéesNote de bas de page 4. On rapporte des taux d'incidence de cancer du col de l'utérus élevés chez les femmes inuites au Nunavut, comparativement aux femmes non inuites (8,0 contre 5,7 par 100 000 habitants)Note de bas de page 5. L'élaboration de stratégies et programmes de santé publique au Nunavut vise à améliorer les résultats liés à la santéNote de bas de page 6 notamment par la mise en œuvre, en 2010, de la vaccination publique en milieu scolaire contre le VPH pour les filles de 6e année (âgées de 11 à 12 ans).

Il y a un manque de données sur la prévalence et la distribution des types d'infection au VPH parmi les femmes au Nunavut. En 1999, une étude transversale portant sur 1 290 femmes et réalisées dans 19 collectivités du Nunavut avait montré une prévalence de VPH à haut risque de 26 % et une prévalence de lésions malpighiennes intraépithéliales de 7,2 %Note de bas de page 7Note de bas de page 8. Les auteurs de cette étude n'avaient pas rapportés leurs résultats par type de VPH. Dans le cadre d'études réalisées dans d'autres régions du Canada, on a trouvé des taux de prévalence du VPH qui varient selon la population : 10,8 % chez les femmes âgées de 18 à 69 ans à Terre-NeuveNote de bas de page 9; 16,8 % chez les femmes âgées de 13 à 86 ans en Colombie-BritanniqueNote de bas de page 10; 21,8 % parmi les étudiantes universitaires à MontréalNote de bas de page 11; 13,3 % chez les femmes âgées de 15 à 49 ans en OntarioNote de bas de page 12; 28,9 % parmi les femmes inuites âgées de 15 à 69 ans au Nunavik, QuébecNote de bas de page 13; 33 % chez les femmes à Winnipeg (tranche d'âge non rapportée)Note de bas de page 14; et 24,2 % chez les femmes âgées de 14 à 85 ans dans les Territoires du Nord-OuestNote de bas de page 15.

En réponse à un besoin de données épidémiologiques de référence pour évaluer l'efficacité de la mise en œuvre de programmes publics de vaccination contre le VPH pour les femmes, les autorités sanitaires du Nunavut on a effectué une surveillance, de janvier 2008 à mars 2009, dans le but de déterminer la prévalence et la distribution des types de VPH chez les femmes inuites et les autres femmes vivant au Nunavut, ainsi que pour examiner le lien entre l'infection de VPH spécifique au type et les résultats de la cytologie cervico-vaginale. Le présent rapport décrit les résultats de cette initiative de surveillance et les objectifs précités. Toutes les régions géographiques du Nunavut ont été incluses dans l'étude afin d'informer les cliniciens et les praticiens en santé publique de tout le territoire.

Méthodologie

La surveillance de santé publique en lien avec le VPH a été lancée en janvier 2008 sous l'autorité de la Loi sur la santé publique et de ses règlements, et a été mise en œuvre par le médecin-hygiéniste en chef du Nunavut. Toutes les femmes qui se sont présentées dans une clinique communautaire, de la santé publique ou d'un hôpital du Nunavut pour un test de dépistage du cancer du col de l'utérus entre janvier 2008 et mars 2009 ont été incluses dans l'étude. Au Nunavut, l'appartenance ethnique est auto-identifiée lorsque les personnes sont inscrites au régime d'assurance-santé universel du territoire (p. ex., à la naissance ou lors de l'immigration).

Des échantillons cervicaux en milieu liquide ont été prélevés à l'aide de trousses de prélèvement BD SurePath et traités selon la pratique standard au laboratoire de cytologie de DynaLIFEDx. Les aliquotes excédentaires avaient été transmises au Laboratoire national de microbiologie (LNM) de l'Agence de la santé publique du Canada pour le typage du VPH. On avait utilisé à cette fin un test Luminex conçu à l'interne et permettant de déceler 45 types de VPH, avec amplification en chaîne par polymérase nichée (PGMY) et paire d'amorces GP5+/GP6+Note de bas de page 16. La méthode LNM-Luminex se compare avantageusement à la méthode de génotypage Roche LinearArray que l'on trouve dans le commerce, mais elle permet de déceler moins de types dans des échantillons à infections multiples comprenant plus de trois types. Toutefois, dans le cas de cette population, seulement 3 % des échantillons positifs (environ 1 % des participantes) étaient positifs pour plus de trois types de VPH. Par conséquent, toute différence dans la distribution par rapport à la méthode Roche LinearArray serait négligeable. Le type rare de VPH 97 n'a pas été décelé par la version de la méthode LNM-Luminex utilisée pour cette étudeNote de bas de page 16. Les types de VPH ont été analysés en fonction des espèces (selon deVillers et al.) et groupés par potentiel carcinogène d'après l'évaluation du Groupe de travail sur les monographies du Centre international de recherche sur le cancer (risque élevé : VPH 16, 18, 31, 33, 35, 39, 45, 51, 52, 56, 58, 59; et probablement/éventuellement carcinogènes : VPH 68, 26, 53, 66, 67, 70, 73, 82, 30, 34, 69, 85, 97)Note de bas de page 17Note de bas de page 12. Les types de VPH ont également été analysés par espèce, afin d'identifier les infections comprenant des types oncogéniques apparentés aux types de vaccin VPH 16 et VPH 18 (espèces a09 et a07 respectivement). À l'intérieur de chaque espèce, les types de VPH montrent des propriétés biologiques similaires, et certaines données démontrent la présence d'une protection croisée à la suite de la vaccinationNote de bas de page 19.

Les constatations cytologiques ont été catégorisées à l'aide du système Bethesda : négatif pour les lésions intraépithéliales ou la malignité; atypie des cellules malpighiennes de signification indéterminée (ASCUS); cellules malpighiennes atypiques - on ne peut exclure une lésion malpighienne épithéliale de haut grade histologique (ASC-H); lésion malpighienne intraépithéliale de bas grade histologique; (LSIL); lésion malpighienne épithéliale de haut grade histologique (HSIL); carcinome squameux (CS); atypie des cellules glandulaires non autrement spécifiée (AGC)Note de bas de page 20. Les résultats cytologiques et les résultats relatifs au VPH ont été reliés au moyen d'un identificateur unique attribué à chaque échantillon, et l'on a utilisé un sous-identificateur propre à chaque individu pour identifier les femmes qui avaient subi plus d'un test Pap au cours de la période de surveillance. Lorsqu'on disposait de plus d'un échantillon pour une participante, seul un échantillon choisi au hasard avait été inclus, afin d'estimer la prévalence parmi les femmes qui avaient subi un test, plutôt que parmi le nombre d'échantillons. On a effectué des comparaisons entre les femmes inuites et les femmes non autochtones en utilisant un modèle de régression logistique ajusté selon l'âge, avec le groupe de femmes autochtones comme groupe de référence. Les données sur les femmes des Premières nations n'ont pas fait partie de cette analyse.

Le lien entre le résultat du test Pap et le type de VPH a été calculé à l'aide de rapports de cotes (RC) et d'intervalles de confiance à 95 % (IC à 95 %). Les résultats présentant un intérêt particulier ont été les résultats cytologiques indiquant avec le plus de probabilité une évolution vers un cancer du col de l'utérus. Les résultats relatifs à ASC-H, AGC, HSIL et CS ont donc été combinés pour créer une catégorie de lésions cervicales de haut grade. Toutes les autres constatations de la cytologie cervicale ont été combinées dans une catégorie de lésions cervicales de bas grade, dans le modèle de régression logistique. Les échantillons pour lesquels il n'y avait pas de résultats cytologiques valides ont été exclus de cette analyse, mais ont néanmoins été soumis au dépistage du VPH.

Résultats

Une base de données de 4 683 dossiers portant un numéro d'identification de participant valide et des résultats de cytologie et de VPH a été créée, représentant 4 043 femmes (640 participants testés à répétition). Parmi les participants dont l'origine ethnique était connue (n = 4 033), 3 596 ont été identifiés comme étant des Inuits (89,2 %), 17 comme étant des membres des Premières nations (0,4 %) et 420 comme étant des non-Autochtones (10,4 %).

Parmi ceux dont l'âge était connu (n = 3 877), la moyenne était de 30 ans (plage : de 13 à 77), 32,8 % étaient âgés de moins de 25 ans. Les femmes inuites étaient plus jeunes que les femmes non autochones (âge moyen : 29 ans par rapport à 35 ans, respectivement; p < 0,001).

Prévalence du VPH et de résultats de cytologie cervicale

Parmi les 4 043 particuliers individuels, 1 207 (29,9 %) ont obtenu un résultat positif au test de dépistage d'au moins un type de VPH, 19,9 % étaient positifs pour au moins un VPH à haut risque et 7,5 % étaient positifs précisément pour les types 16 ou 18, qui sont inclus dans les vaccins couramment utilisés (Tableau 1). En outre, 6,4 % étaient positifs pour au moins un type de VPH probablement carcinogène et 9,5 % ont obtenu un résultat positif au test de dépistage de multiples infections au VPH. Les femmes de moins de 25 ans présentaient la plus grande prévalence de VPH, 45,4 % étant positives pour le VPH, comparativement à 30,9 % chez les femmes de 25 à 29 ans, à 23,3 % chez les femmes de 30 à 39 ans et à 16,2 % chez les femmes de 40 ans et plus.

Tableau 1 : La prévalence du virus au papillome humain (VPH) par groupe d'âge chez les femmes qui ont fait l'objet du dépistage du cancer du col de l'utérus à Nunavut, entre janvier 2008 et mars 2009 (n = 4 043)
Âge : N Infection au VPH: N (%)
Groupe d'âge N pour groupe d'âge N'importe quel type Multiples Haut risqueTableau 1 note 1 Probablement/possiblement carcinogèneTableau 1 note 2 VPH 16/18
<20 521 244 (46,8) 101 (19,4) 183 (35,1) 58 (11,1) 81 (15,5)
20-24 749 333 (44,5) 118 (15,8) 245 (32,7) 73 (9,7) 96 (12,8)
25-29 621 192 (30,9) 54 (8,7) 130 (20,9) 37 (6) 49 (7,9)
30-39 945 220 (23,3) 59 (6,2) 133 (14,1) 41 (4,3) 45 (4,8)
≥ 40 1 041 169 (16,2) 41 (3,9) 84 (8,1) 41 (3,9) 20 (1,9)
Renseignements manquants 166 49 (29,5) 12 (7,2) 31 (18,7) 9 (5,4) 14 (8,4)
Total 4 043 1 207 (29,9) 385 (9,5) 806 (19,9) 259 (6,4) 305 (7,5)

Les résultats de test Pap étaient disponibles pour 4 031 femmes, dont 92,7 % ont eu une cytologie normale, 5,7 % ont reçu un diagnostic de lésion de grade inférieur (ASCUS et LSIL) et 1,4 % un diagnostic de lésion cervicale de haut grade (ASC-H, HSIL, AGC ou SCC). Le taux le plus élevé de cytologie anormale (2,3 %) a été observé chez les femmes de 25 à 29 ans et ce taux était inférieur à 2 % dans tous les autres groupes d'âge (données non montrées).

Très peu de femmes non autochtones de moins de 20 ans se sont présentées pour le dépistage du cancer du col de l'utérus. Les comparaisons statistiques des groupes ethniques ne comprenaient donc pas de femmes de moins de 20 ans. Parmi les femmes de 20 ans et plus, il n'y avait pas de différence importante sur le plan statistique entre les femmes inuites et les femmes non autochones (groupe témoin) en ce qui concerne la prévalence de tout VHP (RC : 1,19, 95 % IC à : 0,92-1,54), VPH à haut risque (RC : 1,06, 95 % IC à : 0,78-1,44), HPV 16 et 18 (RC : 0,81, 95 % IC à : 0,51-1,27), ou multiples infections au VPH (RC : 1,23, 95 % IC à : 0,73-2,06) (Tableau 2). Le VPH 31 est le seul type nettement plus fréquent parmi les femmes inuites que chez les femmes non autochtones (RC : 3,95, IC à 95 % : 1,24-12,54; données non montrées). Il n'y avait pas de différence entre les femmes non autochtones et les femmes inuites (données non montrées) en ce qui a trait à la fréquence globale d'anomalies cervicales (valeur p = 0,17).

Tableau 2 : La comparaison de la prévalence du virus au papillome humain (VPH) par origine ethnique chez les femmes inuites et non autochtones qui se sont présentées pour le dépistage du cancer du col de l'utérus au Nunavut, entre janvier 2008 et mars 2009 (n = 4 016)
Résultat du dépistage du VPH Origine ethniqueTableau 2 note 1 RC (IC à 95 %)Tableau 2 note 2
Non-AutochtoneTableau 2 note 3 (N = 420) Inuit (N = 3 596)
Tout symptôme 89 (21,2 %) 1 114 (31 %) 1,19 (0,92-1,54)
Multiples 22 (5,2 %) 362 (10,1 %) 1,23 (0,73-2,06)
Haut risqueTableau 2 note 4 57 (13,6 %) 747 (20,8 %) 1,06 (0,78-1,44)
VPH 16/18 24 (5,7 %) 280 (7,8 %) 0.81 (0,51-1,27)

On a compté un nombre de 1 207 femmes ayant obtenu un résultat positif au test de dépistage du VPH (tout type), y compris un total de 1 761 infections (tenant compte des femmes ayant obtenu un résultat positif pour plusieurs types). Les infections avec espèce a09 étaient les plus fréquentes (36,9 % des infections), y compris VPH 16 (14,7 %), VPH 31 (7,1 %) et VPH 58 (4,7 %). L'espèce a07 était la deuxième espèce la plus courante (21 % des infections), au sein de laquelle le VPH 59 (5,2 %) était le type le plus présent, suivi du VPH 45 (4,4 %), VPH 39 (4 %) et VPH 18 (3,2 %) (Tableau 3).

Tableau 3 : Répartition des infections au virus du papillome humain (VPH) par type et par espèce parmi les échantillons positifs pour tout type de VPH chez les femmes qui se sont présentées au test de dépistage du cancer du col de l'utérus à Nunavut, entre janvier 2008 et mars 2009 (N = 1 761)Tableau 3 note 1
Espèce Type de VPH N (%)
 a01 42 52 (3.0)
32 8 (0.5)
Total a01 60 (3.4)
a03 81 64 (3.6)
72 46 (2.6)
89 36 (2.0)
62 34 (1.9)
Total a03 258 (14.7)
a05 51 69 (3.9)
69 8 (0.5)
26 1 (0.1)
82 1 (0.1)
Total a05 79 (4.5)
a06 66 75 (4.3)
56 47 (2.7)
53 25 (1.4)
30 8 (0.5)
Total a06 155 (8.8)
a07 59 92 (5.2)
45 77 (4.4)
39 71 (4.0)
18 57 (3.2)
70 49 (2.8)
68 17 (1.0)
85 7 (0.4)
Total a07 370 (21.0)
a08 40 20 (1.1)
43 7 (0.4)
91 1 (0.1)
Total a08 28 (1.6)
a09 16 259 (14.7)
31 125 (7.1)
58 82 (4.7)
67 58 (3.3)
33 49 (2.8)
52 46 (2.6)
35 31 (1.8)
Total a09 650 (36.9)
a10 6 53 (3.0)
11 13 (0.7)
44 13 (0.7)
74 13 (0.7)
13 7 (0.4)
Total a11 99 (5.6)
a11 73 20 (1.1)
a13 54 27 (1.5)
a14 90 15 (0.9)

Association entre le type de VPH et les résultats de cytologie cervicale

Le HPV 16 était le type le plus courant, étant présent dans 50,9 % des échantillons avec une lésion cervicale de haut grade (Tableau 4, tous les groupes ethniques combinés). Le VPH 18 a été observé dans 5,5 % des lésions de haut grade. Le VPH 16 a été associé au risque le plus élevé d'avoir un diagnostic de lésion de haut grade (RC = 16,8, 95 % IC à : 9,8-29), suivi par le VPH 35 (RC = 11,4, 95 % IC à : 3,9-34), le HPV 45 (RC = 6,7, 95 % IC à : 2,8-16,2) et le VPH 18 (RC = 4,2, 95 % IC à : 1,3-13,8); comme les intervalles de confiance pour ces types se chevauchent, les différences entre eux ne sont pas grandes sur le plan statistique. Les femmes qui étaient positives pour le VPH 31, 33, 39, 51, 52, 56 et 59 n'étaient pas à risque plus élevé d'avoir des lésions de haut grade sur le plan statistique (Tableau 4).

Tableau 4 : Association des lésions cervicales de haut grade avec un risque élevé d'infections au virus du papillome humain (VPH), tous les groupes ethniques combinés
Type de VPH Cytologie RC (IC à 95 %)Tableau 4 note 1
NormalTableau 4 note 2
(n = 3 747)
N (%)
Grade inférieurTableau 4 note 3 (n = 229)
N (%)
Haut gradeTableau 4 note 4 (n = 55)
N (%)
16/18 216 (5,8) 60 (26,2) 29 (52,7) 15,0 (8,7-25,7)
16 178 (4,8) 53 (23,1) 28 (50,9) 16,8 (9,8-29)
18 42 (1,1) 12 (5,2) 3 (5,5) 4,2 (1,3-13,8)
31 101 (2,7) 21 (9,2) 3 (5,5) 1,8 (0,6-5,9)
33 32 (0,9) 16 (7) 1 (1,8) 1,5 (0,2-11,2)
35 22 (0,6) 5 (2,2) 4 (7,3) 11,4 (3,9-34,0)
39 54 (1,4) 16 (7) >1 (1.8) 1,03 (0,1-7,6)
45 58 (1,5) 13 (5,7) 6 (10,9) 6,7 (2,8-16,2)
51 50 (1,3) 19 (8,3) 0 (0,0) -
52 38 (1) 7 (3,1) 1 (1,8) 1,6 (0,2-12)
56 36 (1) 9 (3,9) 2 (3,6) 3,3 (0,8-13,9)
58 61 (1,6) 17 (7,4) 4 (7,3) 3,9 (1,4-11,1)
59 71 (1,9) 18 (7,9) 3 (5,5) 2,5 (0,8-8,2)

Discussion

Cette analyse a permis de déterminer que l'infection au VPH est plus répandue chez les femmes qui vivent au Nunavut que chez celles qui vivent dans beaucoup d'autres régions géographiques au Canada où l'on a étudié la prévalence du VPHNote de bas de page 9Note de bas de page 10Note de bas de page 12Note de bas de page 13Note de bas de page 15; 29,9 % des femmes ayant subi le test durant la période de surveillance étaient positives pour un type de VPH ou plus. Chez ces femmes, le VPH 16 était le plus courant (14,7 % des infections), suivi par le VPH 31 (7,1 % des infections). La prévalence des infections au VPH était la plus élevée chez les femmes de moins de 25 ans de toute origine ethnique. La prévalence du VPH était de 31 % chez les femmes inuites comparativement à 21,2 % chez les femmes non autochtones; cette différence n'était toutefois pas significative sur le plan statistique.

D'autres études sur la prévalence du VPH menées auprès de femmes dans des régions du Canada avec une population importante d'Inuits ont révélé des résultats semblables. Dans leur étude transversale de la prévalence du VPH chez les femmes inuites et non inuites âgées de 13 à 79 ans au Nunavut, Healey et al. (2001) ont observé une prévalence de 25,8 % du VPH oncogénique, les femmes de 13 à 20 ans étant le plus à risque d'infection; ils remarquent également qu'il n'y a pas de différence importante sur le plan statistique entre les femmes inuites et non inuitesNote de bas de page 8). Hamelin-Douglas et al. (2008) ont mené une étude chez les femmes inuites vivant au Nunavik (nord du Québec), laquelle a révélé une prévalence de toute infection au VPH de 28,9 % (VPH à haut risque : 20,4 %); la prévalence de tout type de VPH était la plus élevée (58 %) chez les femmes de moins de 20 ans (VPH à haut risque : 46,9 %)Note de bas de page 13.

Le VPH 16 était associé aux probabilités les plus élevées de lésions cervicales de haut grade (ASC-H, AGC, HSIL et CS). La prévalence du VPH 18 était faible (1,4 %), mais ce type était associé à un risque important de lésions à haut grade. (Remarque : Ces résultats doivent être interprétés avec prudence étant donné la petite quantité d'infections de ce type détectée.) Environ 52 % des échantillons avec des lésions de haut grade étaient positifs pour le VPH 16 ou 18; cette constatation vient appuyer d'autres études menées en Amérique du Nord selon une méta-analyse par Bosch et al. (2008), qui indiquait qu'une fraction des cas de cancer du col de l'utérus évitables par la vaccination pourrait être aussi élevée que 70 %Note de bas de page 21. Les vaccins contre le VPH actuellement utilisés au Canada protègent contre les deux types de VPHNote de bas de page 16Note de bas de page 18. Par conséquent, la mise en œuvre en 2010 d'une immunisation systématique contre le VPH chez les filles de 6e année au Nunavut devrait, avec le temps, bien réussir à réduire l'infection à ces types de VPH et les cytologies cervico-vaginales anormales connexes. Étant donné la preuve de protection croisée contre les types de VPH en question, le fardeau des infections à d'autres types liés aux espèces a07 et a09 pourrait également être réduitNote de bas de page 19Note de bas de page 22Note de bas de page 23.

Sans un élément longitudinal, il est impossible de déterminer la persistance d'infections spécifiques au type et leur effet sur le risque de futures cytologies cervico-vaginales anormales. Plus de la moitié (51,4 %) des participantes étaient âgées de 30 ans ou moins, tout comme la majorité des femmes infectées à risque élevé de VPH carcinogène ou probablement/possiblement d'en développer un. Comme les infections au VPH chez les jeunes femmes sont susceptibles d'être transitoires, il se peut qu'elles ne deviennent pas cancéreusesNote de bas de page 24. Les futurs travaux liés à cette population pourraient porter sur la persistance de l'infection spécifique au type et le risque connexe de lésions cervicales de haut grade.

Comme aucun sondage n'a été mené durant la période de surveillance, il est impossible d'interpréter les résultats quant aux facteurs de risque connexes comme l'activité sexuelle (p. ex. nombre de partenaires, âge au moment des premiers rapports sexuels et utilisation du préservatif), la parité et les habitudes tabagiques. Ces facteurs de risque seraient importants à évaluer comme cofacteurs liés à l'acquisition d'une infection au VPH et à sa persistance dans le cadre de toute étude menée au sein de cette population.

Il existe plusieurs limites dans les méthodes de surveillance utilisées au sein de cette population. Par  exemple, cette étude représente seulement les femmes qui se sont présentées pour un test Pap (dépistage primaire ou test de suivi) au Nunavut entre janvier 2008 et mars 2009. Les personnes qui n'ont pas demandé le dépistage du cancer du col de l'utérus pourraient présenter différentes caractéristiques démographiques/comportementales. Aucun sondage sur le risque n'a été utilisé pour examiner les cofacteurs liés au fait de contracter une infection au VPH ou de développer des lésions cervicales, ce qui limite les déductions pouvant être faites. Peu d'observations ont été faites dans certaines catégories utilisées pour la comparaison, ce qui limite la capacité d'explication des données; la petite quantité de femmes non autochtones empêche la capacité d'explication appropriée pour de nombreuses analyses de sous-groupes selon l'origine ethnique. Il n'a pas été possible d'effectuer des analyses statistiques détaillées auprès des femmes des Premières nations puisque très peu vivent au Nunavut.

Conclusion

Une grande partie des femmes qui participent au dépistage du cancer du col de l'utérus au Nunavut étaient infectées par un type de VPH ou plus. Comme dans d'autres études, le VPH 16 était le plus fréquent et ce virus était le plus associé à des lésions cervicales de haut grade. Le VPH 31 était le deuxième plus fréquent, mais son association à une dysplasie cervicale de haut grade n'a pas été démontrée.

L'infection au VPH peut être prévenue au moyen d'une immunisation systématique et les anomalies cervicales de haut grade chez les femmes peuvent être diminuées grâce à la détection précoce résultant de tests de dépistages réguliers. Les résultats de la présente étude fournissent des données de base sur la prévalence du VPH qui permettent d'évaluer le programme d'immunisation contre le VPH mis en œuvre auprès de la population du Nunavut en 2010; il pourrait falloir une décennie ou plus d'immunisation systématique d'une bonne partie de la population admissible (filles de 6e année) pour constater un effet important sur les résultats du dépistage du cancer du col de l'utérus. L'évaluation des programmes de santé publique comme l'immunisation contre le VPH peut mener à des interventions éprouvées et de meilleurs résultats quant à la santé des femmes au Nunavut.

Remerciements

Les auteurs remercient sincèrement le ministère de la Santé et des Services sociaux du Nunavut, les professionnels de la santé du Nunavut et les femmes du Nunavut, de leur participation à cette importante initiative de surveillance.

Conflit d’intérêts

Aucun

Financement

Aucun

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