Réponse des Instituts de recherche en santé du Canada à l’égard de la résistance aux antimicrobiens

RMTC

Volume 41S-5, le 19 novembre 2015 : Résistance aux antimicrobiens et innovation

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Réponse des Instituts de recherche en santé du Canada à l’égard de la résistance aux antimicrobiens

Pagé EL1, Desnoyers S1, Létourneau IJ1, Keown K2, Jackson A2, Ouellette M1*

Affiliations

1 Instituts de recherche en santé du Canada, Institut des maladies infectieuses et immunitaires, Québec (Québec)

2 Instituts de recherche en santé du Canada, Ottawa (Ontario)

Correspondance

marc.ouellette@crchul.ulaval.ca

DOI

https://doi.org/10.14745/ccdr.v41is5a03f

Résumé

La résistance aux antimicrobiens a été une priorité de recherche pour l'Institut des maladies infectieuses et immunitaires (IMII), des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), depuis sa création, et de nombreuses initiatives de recherche stratégique ont été lancées pour régler ce problème de santé mondial en encourageant et en appuyant la recherche de mécanismes et de processus qui influent sur l'émergence et la propagation de la résistance chez les personnes et dans l'environnement. Nous présenterons ici des initiatives de recherche sur la résistance aux antimicrobiens menées par l'IMII des IRSC, qui comprennent des programmes nationaux ainsi que des partenariats internationaux avec le Royaume-Uni et l'Union européenne. Ces initiatives donnent d'ailleurs des résultats intéressants.

Introduction

Les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) sont l'organisme du gouvernement fédéral responsable de l'investissement dans la recherche en santé. L'Institut des maladies infectieuses et immunitaires (IMII) est l'un des treize instituts « virtuels » des IRSC qui appuie la recherche et renforce les capacités de recherche dans le domaine des maladies infectieuses et de l'immunité, dans le cadre d'une approche fondée sur quatre grands thèmes (recherche biomédicale, recherche clinique, recherche sur les services liés aux systèmes de santé, et recherche sur la santé des populations, ses dimensions sociales et culturelles, et les influences environnementales sur la santé). Selon son plan stratégique de 2013-2018Note de bas de page 1 l'IMII des IRSC a élaboré des initiatives de recherche stratégique visant à stimuler les domaines ciblés, y compris la résistance antimicrobienne.

Investissements des IRSC dans la recherche sur la résistance aux antimicrobiens et plan d'action fédéral sur la résistance aux antimicrobiens

La résistance aux antimicrobiens est une menace croissant pour la santé publique qui est liée à une interaction entre des multiples secteurs. La perte d'antimicrobiens efficaces affaiblit la capacité de prévenir et de traiter les maladies infectieuses, tout en ayant une incidence sur notre système de soins de santé, le commerce mondial, l'agriculture, l'environnement et les secteurs de la santé. L'Organisation mondiale de la Santé a maintenant ajouté la résistance aux antimicrobiens aux problèmes de santé publique les plus pressants. En octobre 2014, le gouvernement du Canada a publié le document Résistance aux antimicrobiens et utilisation de ces derniers au Canada : un cadre d'action fédéralNote de bas de page 2 afin qu'il serve de point de départ à une immobilisation et un engagement cohérents de toutes les personnes responsables d'agir relativement à la résistance aux antimicrobiens et l'utilisation de ces derniers. Les efforts sont concentrés sur trois domaines prioritaires : surveillance, intendance et innovation. Dans le cadre de leurs programmes ouverts et stratégiques, les IRSC ont investi 93,8 millions de dollars dans la recherche sur la résistance aux antimicrobiens entre 2009-2010 et 2013-2014, notamment plus de 15 millions de dollars en 2013-2014 seulement. La plupart des fonds étaient orientés vers l'innovation. À l'avenir, ces programmes pourront aider à mieux déterminer les stratégies et les approches visant l'intendance ou la surveillance.

Initiatives de recherche stratégique de l'IMII des IRSC sur la résistance aux antimicrobiens

Résistance aux antimicrobiens, répercussions sur le système de santé et résultats en matière de santé

Durant la consultation avec la communauté de la recherche aux fins de notre plan stratégique de 2013-2018 pour l'IMII, la résistance aux antimicrobiens a clairement été cernée comme étant une priorité de recherche stratégique critique. Cela représente un continuum pour l'IMII, étant donné que l'Institut investit dans la recherche sur la résistance aux antimicrobiens depuis sa création. Des investissements antérieurs comprenaient des demandes liées une initiative sur la résistance aux antimicrobiens, aux répercussions sur le système de santé et aux résultats en matière de santé, ce qui a entraîné le financement de deux projets. Le premier projet financé a porté sur la résistance aux antimicrobiens chez les aînés et leur utilisation, et a étudié l'incidence des infections à Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline (SARM) chez les patients âgés qui sont hospitalisés. L'équipe a montré que l'épidémiologie et les caractéristiques cliniques de ces patients (plus susceptibles d'être colonisés par les infections à SARM) sont différentes de celles des patients plus jeunesNote de bas de page 3. Le second projet, appelé « Community-Acquired Antimicrobial Resistant Bacteria in Northern Canadian Communities », a mené à la création du « Northern Antibiotic Resistance Partnership », une équipe composée de membres de la collectivité, de professionnels de la santé, d'éducateurs et de chercheurs scientifiques qui étudient la résistance aux bactéries dans les collectivités du NordNote de bas de page 4. Le groupe a mis en place un programme de surveillance pour faire un suivi des infections bactériennes et de l'utilisation des antibiotiques, a élaboré des outils d'apprentissage pour les fournisseurs de soins de santé et la population en général, et a créé une étude cas-témoin pour déterminer les facteurs de risque associés aux infections à SARM acquises dans la communauté (SARM-AC) dans les régions du Nord de la Saskatchewan.

Initiative de recherche sur la salubrité des aliments et de l'eau

L'initiative de recherche sur la salubrité des aliments et de l'eau, qui a été en partie lancée à la suite à la tragédie survenue à Walkerton, a rassemblé des organismes gouvernementaux et privés pour élaborer une stratégie de recherche nationale visant à prévenir et à soigner les maladies causées par des agents pathogènes d'origine alimentaire et hydrique et les toxines connexes. Les deux appels de subventions ont entraîné le financement de quatre projets liés à la résistance aux antimicrobiens — un investissement de 2,8 millions de dollars. Les résultats de cet investissement sont notamment l'établissement de profils de résistance de base et les mécanismes de résistance observés avec les infections à Campylobacter jejuni chez la volaille de l'AlbertaNote de bas de page 5. Cet investissement a aussi permis la caractérisation des souches d'Escherichia coli résistant à la céfoxitine, ainsi que des mesures de prévention pour éviter la contamination bactérienne des cours d'eauNote de bas de page 6Note de bas de page 7.

Initiative de nouvelles solutions de rechange aux antibiotiques

L'initiative de nouvelles solutions de rechange aux antibiotiques a été élaborée pour améliorer le financement existant offert dans le cadre des concours ouverts des IRSC en sollicitant des demandes axées sur de nouvelles approches en matière de résistance aux antibiotiques pour lesquelles le Canada avait peu ou pas de capacité de recherche. Trois thèmes prioritaires ont été déterminés : le système immunitaire; la phagothérapie (ou utilisation de virus pour infecter et tuer des bactéries pathogéniques); les systèmes physiques et les biomatériaux. L'investissement était le produit de la collaboration de plusieurs partenaires des secteurs public et privé. Par ailleurs, les projets financés ont engendré des résultats intéressants, y compris des résultats prometteurs découlant d'une technique non invasive de phagothérapie au moyen d'aérosols pour traiter l'infection des voies respiratoiresNote de bas de page 8 et de l'identification de nouveaux antibiotiques contre les infections à SARM. Suite à ce dernier projet, plusieurs brevets ont été déposés et la propriété intellectuelle a été transférée à une société créée conséquemmentNote de bas de page 9.

Partenariat Canada-Royaume-Uni sur la résistance aux antimicrobiens

Depuis 2007, le Canada travaille en partenariat avec le Medical Research Council (MRC) du Royaume-Uni, ce qui a entraîné plusieurs ateliers et concours conjoints. Après un premier atelier et un financement de départ, en septembre 2010, une subvention d'équipe visant un partenariat entre le Canada et le Royaume-Uni sur la résistance aux antibiotiques a été offerte pour travailler à partir de collaborations existantes entre les deux pays, et ce, pour 4 ans. La première équipe financée a travaillé sur la synthèse de la paroi cellulaire des bactéries et met en ce moment à l'essai plusieurs inhibiteurs potentiels, afin de trouver des pistes pour créer de nouveaux antibiotiquesNote de bas de page 10Note de bas de page 11Note de bas de page 12. La deuxième équipe a étudié la résistance bactérienne aux antimicrobiens de la classe des β-lactamines, ce qui a donné de nombreux résultats, y compris la conception, la synthèse et l'essai de nouveaux candidats inhibiteurs de métallo-β-lactamases, et la caractérisation de l'inhibition de cibles clés liées aux métallo-β-lactamases par des composantes connuesNote de bas de page 13Note de bas de page 14. L'investissement dans le cadre du partenariat Canada-Royaume-Uni était de près de 4 millions de dollars et a permis aux équipes financées d'obtenir des fonds supplémentaires et de participer à d'autres partenariats, ainsi que de renforcer la capacité dans les deux domaines. Un second atelier, portant sur les stratégies translationnelles visant à lutter contre la résistance aux antibiotiques, a ensuite été présenté en 2013. Cet atelier a permis de fournir des recommandations pour accroître la sensibilisation, pour appuyer les partenariats des secteurs public et privé, pour hausser les investissements financiers et soutenir les approches collaborativesNote de bas de page 15.

Initiative de programmation conjointe sur la résistance aux antimicrobiens

Le Canada, par l'entremise des IRSC, est un important bailleur de fonds de l'initiative de programmation conjointe sur la résistance aux antimicrobiens (IPCRAM), un réseau international de 20 pays fournissant une plate-forme de collaboration pour que l'on passe de la sensibilisation à l'action en ce qui concerne la résistance aux antimicrobiens en appuyant la recherche et en facilitant son application dans l'industrie et les politiques. Le but de cette initiative est d'élaborer des approches intégrées afin d'en arriver à une recherche unique sur la résistance aux antimicrobiens à l'échelle mondiale. Grâce à son programme de recherche stratégique, l'IPCRAM renforce la collaboration multidisciplinaire et permet d'assurer que les lacunes liées aux connaissances sont rapidement cernées et comblées. Les mesures prises dans six sujets prioritaires (thérapie, diagnostic, surveillance, transmission, environnement et interventions) formeront de nouvelles stratégies de prévention et d'intervention afin d'améliorer la santé publique et d'offrir des avantages économiques et sociétaux. Lancé en 2014, l'appel transnational InnovaRésistance : approches novatrices visant à traiter la question de la résistance aux antibactériens a entraîné le financement de sept consortiums, dont six comprenaient des chercheurs canadiensNote de bas de page 16. Le but premier de cet appel conjoint est de combiner les ressources, les infrastructures et l'expertise de recherche de pays multiples afin de combattre la résistance aux antibiotiques. L'appel était axé sur la réévaluation de composés antimicrobiens existants (seul ou en combinaison avec d'autres médicaments, modulateurs immunitaires ou approches antibactériennes), l'identification de nouvelles cibles bactériennes ou de nouveaux composés thérapeutiques, la découverte de nouveaux traitements pour lutter contre les mécanismes connus de résistance aux antimicrobiens et pour restaurer la sensibilité aux antibiotiques ou aux combinaisons de médicaments traditionnels, et les stratégies visant à inhiber ou à réduire l'acquisition d'une résistance. Les projets canadiens nominés touchaient plusieurs de ces priorités.

Récemment, l'IPCRAM a annoncé un autre appel transnational, qui sera lancé au début de 2016, auquel participeront 20 organismes de financement partout dans le monde, y compris au Canada. Le sujet de cet appel encouragera la recherche visant à « éclaircir la dynamique de transmission et de sélection de la résistance aux antimicrobiens tant aux niveaux génétique, bactérien, animal, humain, social et environnemental, afin de concevoir et d'évaluer les mesures de prévention et d'intervention pour contrôler la résistance »Note de bas de page 17.

L'IPCRAM est vouée à l'approche « Une santé », selon laquelle des collaborations multidisciplinaires sont créées pour s'attaquer aux questions de soins de santé. Par conséquent, la recherche sur les mécanismes menant à la propagation de la résistance dans les réservoirs et entre ces derniers, y compris les animaux, l'environnement et les gens, contribuera à la conception de mesures préventives pour contrer la menace de la résistance aux antimicrobiens envers la santé publique.

Autres investissements stratégiques des IRSC

Relativement à l'approche « Une santé », les IRSC ont mis en place l'initiative Environnements et santé, qui intègre une approche axée sur les domaines prioritaires connexes (trois domaines prioritaires connexes) au moyen de l'étude d'expositions environnementales cumulatives, et de leurs interconnexions, leurs intersections et leurs répercussions sur la santé et la maladie tout au long de la vieNote de bas de page 18. L'appel transnational de l'IPCRAM à venir en 2016 cadre avec les sujets de l'initiative Environnements et santé. Les deux initiatives appuieront la recherche visant à examiner la façon dont les stratégies et les approches intersectorielles aident à améliorer la santé de la population et l'équité en matière de santé.

Conclusion

La résistance aux antimicrobiens est un problème sérieux qui cause l'hospitalisation de plus de 250 000 Canadiens chaque année, dont plus de 18 000 de ces patients hospitalisés contractent des infections résistantes aux médicamentsNote de bas de page 19. Par exemple, les décès directement liés à la bactérie Clostridium difficile ont à eux seuls quintuplé au cours de la dernière décennieNote de bas de page 20. La résistance aux antimicrobiens représente également un fardeau financier important. Selon une recherche initiale, si aucune mesure n'est prise, une hausse continue de la résistance entraînerait, en 2050, 10 millions de décès et un coût de 100 mille milliards de dollars américains à l'échelle mondialeNote de bas de page 21. L'IMII des IRSC est engagé à améliorer la vie des Canadiens et de la collectivité mondiale en appuyant la recherche novatrice sur la résistance aux antimicrobiens. Au cours des cinq dernières années, l'IMII et les IRSC ont investi plus de 93,8 millions de dollars dans la lutte contre la résistance aux antimicrobiens. La recherche sur le sujet demeurera une priorité puisque la menace continue de grandir. Les IRSC et l'IMII jouent un rôle proactif dans le plan d'action fédéral sur la résistance aux antimicrobiens et continueront d'encourager l'innovation en appuyant des collaborations nationales et internationales et des initiatives à thèmes multiples afin de stimuler les investissements. Les investissements futurs dans la recherche stratégique seront liés à la création de nouvelles molécules, mais aussi à des stratégies visant à protéger les antibiotiques actuels grâce à un diagnostic et une intendance améliorés. Il existe actuellement un élan dans le domaine de la recherche et des politiques vers la recherche de solutions novatrices pour attaquer le problème épineux de la résistance aux antimicrobiens, qui a été qualifié dans le cadre du Forum économique mondial de 2013 comme étant le plus grand risque de complaisance pouvant nuire à la santé humaine.

Remerciements

Les auteurs souhaitent remercier l'équipe d'administration précédente des l'IMII des IRSC, sous la direction du Dr Bhagirath Singh, pour son travail acharné relativement aux programmes sur la résistance aux antimicrobiens. Ils remercient également tout particulièrement l'équipe qui travaille sur la résistance aux antimicrobiens aux IRSC.

Conflit d’intérêts

Aucun

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