Cadre de travail canadien sur la résistance aux antimicrobiens et l’utilisation des antimicrobiens

RMTC

Volume 43-11, le 2 novembre 2017 : La résistance au antimicrobiens et l’approche « Une Santé »

Cadre de travail

Cadre d’action pancanadien sur la résistance aux antimicrobiens et l’utilisation des antimicrobiens

Agence de la santé publique du Canada1*

Affiliation

1 Centre de la lutte contre les maladies transmissibles et les infections, Agence de la santé publique du Canada, Ottawa (Ontario)

Correspondance

ccdic-clmti@phac-aspc.gc.ca

Citation proposée

Agence de la santé publique du Canada. Cadre d’action pancanadien sur la résistance aux antimicrobiens et l’utilisation des antimicrobiens. Relevé des maladies transmissibles au Canada. 2017;43(11):246-8. https://doi.org/10.14745/ccdr.v43i11a01f

Résumé

Les infections résistantes aux antimicrobiens sont de plus en plus fréquentes et plus difficiles à traiter, et cette situation est exacerbée par l’utilisation généralisée d’antimicrobiens en médecine humaine et vétérinaire ainsi que dans le secteur agricole. Dans le cadre de l’intervention coordonnée du Canada, qui vise à lutter contre la résistance aux antimicrobiens (RAM), le document Lutter contre la résistance aux antimicrobiens et optimiser leur utilisation : un cadre d’action pancanadien a été publié en septembre 2017. Ce cadre est un document stratégique général qui énonce les objectifs stratégiques, les résultats et les possibilités d’orienter l’action concertée vers la résistance aux antimicrobiens et l’utilisation des antimicrobiens. Il repose sur une approche « Une santé », et a été élaboré en collaboration avec les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ainsi qu’avec des intervenants externes des secteurs de la santé humaine et de la santé animale. Le Cadre est fondé sur quatre composantes : la surveillance, la prévention et le contrôle des infections, la gestion, et la recherche et l’innovation. Il s’appuie sur les activités liées à la résistance aux antimicrobiens qui se déroulent déjà dans les secteurs de la santé humaine et de la santé animale, et vise à établir le lien entre ces activités afin de renforcer l’approche du Canada à l’égard de la résistance aux antimicrobiens.

Introduction

Les antimicrobiens sont un outil essentiel pour lutter contre les infections chez les humains et les animaux. Toutefois, en raison de leur utilisation généralisée médecine humaine et vétérinaire ainsi que dans le secteur agricole, les antimicrobiens perdent leur efficacité plus rapidement que nous sommes en mesure d'en mettre au point de nouveaux, ce qui a des conséquences importantes pour la santé et le bien-être des humains et des animaux, la salubrité des aliments, l'environnement et l'économie. Le Canada doit prendre des mesures coordonnées aux niveaux national et mondial pour ralentir cette tendance à la hausse de la résistance aux antimicrobiens, pour en réduire au minimum les conséquences tout en favorisant une utilisation appropriée des antimicrobiens et pour préserver l'efficacité des antimicrobiens actuels et futurs. Cet article a pour objectif de résumer le document récemment publié Lutter contre la résistance aux antimicrobiens et optimiser leur utilisation : un cadre d'action pancanadienNote de bas de page 1.

L'état de la résistance aux antimicrobiens et de l'utilisation des antimicrobiens au Canada

Au Canada, les taux d'infections liées à la résistance aux antimicrobiens sont stables et dans certains cas, on a même enregistré une baisse des taux d'infections causés par certains organismes résistants aux médicaments. Toutefois, malgré ces réductions, ces taux excèdent ceux qui ont été enregistrés au début des années 2000. La hausse des taux de certaines maladies est préoccupante, par exemple le taux de Neisseria gonorrhea, qui a augmenté de 43,1 % au cours de la dernière décennie au Canada. Pour la traiter, il faut un antibiotique plus fort et plus complexeNote de bas de page 2.

Dans les milieux communautaires, les antibiotiques sont souvent prescrits sans confirmation ni tests en laboratoire, et sont souvent utilisés à des fins inappropriées pour traiter des infections virales pour lesquelles ils sont inefficaces (p. ex. rhumes, grippes, sinusites aiguës). En 2014, il a été estimé que plus de 23 millions d'ordonnances d'antimicrobiens ont été rédigées à l'intention d'humains au Canada, et que 93 % d'entre elles ont été délivrées par des pharmaciens communautairesNote de bas de page 2. Parmi ces ordonnances, il a été estimé que 30 à 50 % étaient inutilesNote de bas de page 3.

Les antimicrobiens sont également employés chez le bétail pour le traitement et le contrôle de la maladie, et pour améliorer la production. La majorité (73 %) des antimicrobiens distribués pour utilisation chez les animaux étaient dans les mêmes catégories que celles utilisées en médecine humaineNote de bas de page 2.

Une approche pancanadienne pour la lutte contre la résistance aux antimicrobiens et l'utilisation des antimicrobiens

De nombreuses mesures contre la résistance aux antimicrobiens et l'utilisation des antimicrobiens sont en cours au Canada; toutefois l'adoption du cadre pancanadien donne lieu d'améliorer la coordination et la collaboration intersectorielles grâce à une intervention nationale cohérente à l'égard de la résistance aux antimicrobiens.

Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ont employé une approche « Une santé » pour élaborer un cadre d'action pancanadien qui constate l'interconnectivité des humains, des animaux et de l'environnement. Le cadre a été mis au point en collaboration avec les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux et des experts en la matière du milieu universitaire, d'organisations non gouvernementales et de l'industrie, qui représentent les secteurs de la santé humaine, de la santé animale et de l'agriculture. Son ébauche a été facilitée par une structure de gouvernance de la résistance aux antimicrobiens spéciale, formée de hauts représentants gouvernementaux (à l'échelle fédérale, provinciale et territoriale) et d'experts en la matière.

Cadre pancanadien sur la résistance et le recours aux antimicrobiens et l'utilisation des antimicrobiens

Le document Lutter contre la résistance aux antimicrobiens et optimiser leur utilisation : un cadre d'action pancanadienNote de bas de page 1 a été publié en septembre 2017. Bien que tous les types d'antimicrobiens soient essentiels pour traiter les infections, le cadre se concentre sur la résistance des bactéries aux antibiotiques, puisque l'on considère qu'il s'agit de la menace la plus importante pour la santé.

Les aspects liés à la santé humaine et à la santé animale de l'approche « Une santé » sont l'axe initial du cadre. À mesure que le travail progresse dans ces secteurs, l'aspect environnemental sera alors pris en considération. Le cadre porte sur quatre composantes clés, soit la surveillance, la prévention et le contrôle des infections, la gestion, et la recherche et l'innovation. Le cadre a pour objectif général de renforcer la capacité du Canada à lutter contre les risques de la résistance aux antimicrobiens de manière coordonnée, multisectorielle et efficace.

Surveillance

Des systèmes de surveillance solides et intégrés sont nécessaires pour dresser un portrait complet de la résistance aux antimicrobiens et de l'utilisation des antimicrobiens au Canada. Même si les systèmes de surveillance pancanadiens permettent d'obtenir des données utiles et fiables sur la résistance aux antimicrobiens et l'utilisation des antimicrobiens, on constate encore le manque de renseignements sur certains milieux (p. ex. la collectivité), la nécessité d'une analyse comparative pour évaluer les réductions de la résistance aux antimicrobiens et de l'utilisation des antimicrobiens et le besoin accru d'uniformiser les méthodes de laboratoire et de collecte de données, les définitions de cas et l'accélération de la production de rapports.

Parmi les mesures qui peuvent être prises pour combler ces lacunes, mentionnons la coordination de systèmes de surveillance complets et rigoureux, les mécanismes et les plateformes intersectorielles pour le partage de données, et l'amélioration des directives techniques coordonnées pour la collecte, le regroupement et la comparaison des données.

Prévention et contrôle des infections

Pour limiter la propagation des organismes résistants et réduire la résistance aux antimicrobiens et l'utilisation des antimicrobiens, des approches, des programmes et des politiques normalisés de prévention et de contrôle des infections doivent être en place. La mise en œuvre de mesures et de pratiques de prévention et de contrôle des infections au Canada dans les milieux humains et animaux comporte des difficultés, dont le peu de programmes de prévention et de contrôle des infections mis en œuvre en établissement de soins de longue durée et autres milieux de prestation de soins de santé, la disparité dans la gouvernance des gouvernements pour les programmes de prévention et de contrôle des infections dans le secteur de l'agriculture, et la détermination et l'évaluation efficaces d'interventions de prévention et de contrôle des infections.

Parmi les mesures qui peuvent être prises pour surmonter ces difficultés, mentionnons la participation multiterritoriale des gouvernements et des intervenants dans la prise de mesures, dans les limites de leur responsabilité, en ce qui concerne la communication, l'éducation ou la formation et les outils sur les pratiques et les stratégies de prévention et de contrôle des infections, ainsi que la facilitation et la promotion de l'application et de la surveillance des pratiques exemplaires en prévention et de contrôle des infections.

Intendance

Les programmes et les politiques qui mettent en évidence l'éducation, la sensibilisation et la surveillance réglementaire et professionnelle seront nécessaires pour réduire la prescription, la distribution et l'utilisation inappropriées d'antimicrobiens chez les humains et les animaux afin de conserver l'efficacité des traitements antimicrobiens nouveaux et existants.

Pour parvenir à une culture durable et efficace de gestion des antimicrobiens, il est nécessaire d'améliorer la sensibilisation des professionnels de la santé et des vétérinaires, des éleveurs de bétail et du public, le transfert des connaissances, la communication, la cohérence de la réglementation, la formation et les directives en matière de résistance aux antimicrobiens et d'utilisation des antimicrobiens, et de mieux coordonner les efforts des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Il est également nécessaire d'obtenir des investissements suffisants pour les mécanismes de surveillance, de recherche et d'évaluation, et de vérification et de rétroaction.

Parmi les mesures qui peuvent être prises pour améliorer la gestion de la résistance aux antimicrobiens, mentionnons un réseau intersectionnel multidisciplinaire pour la gestion des antimicrobiens, la mise en œuvre d'un système rigoureux pour la collecte de données sur l'utilisation des antimicrobiens, la mise au point d'outils de gouvernance comme des règlements, des exigences en matière d'accréditation des organisations ainsi que des normes uniformes, et l'amélioration de l'éducation et de la sensibilisation du public.

Recherche et innovation

Les interventions à l'égard de la résistance aux antimicrobiens doivent se fonder sur des données probantes et nécessiteront plus de connaissances, des outils novateurs et des approches coordonnées pour mieux comprendre la résistance et élaborer de nouveaux traitements et stratégies.

En dépit des efforts considérables du Canada en matière de recherche, la communauté mondiale manque toujours de nouveaux antimicrobiens, d'outils de diagnostic et de traitements pour remplacer les antimicrobiens. Les lacunes dans la recherche concernent également les coûts de la résistance aux antimicrobiens, la transmission et les risques liés à la résistance aux antimicrobiens, les pratiques de prescription, les comportements à l'égard des antimicrobiens et les pratiques de prévention et contrôle des infections dans les établissements de soins de santé et en milieu communautaire.

Parmi les mesures à prendre pour combler ces lacunes, mentionnons un réseau intersectoriel multidisciplinaire pour la recherche, le renforcement des capacités et le soutien des infrastructures afin d'appuyer le développement de la médecine humaine et vétérinaire et la mise au point d'outils de rechange, ainsi qu'un processus rentable et accéléré pour autoriser les traitements et les nouveaux outils de diagnostic au Canada.

Conclusion et prochaines étapes

Le Canada prend actuellement des mesures significatives pour réagir à la résistance aux antimicrobiens et à l'utilisation des antimicrobiens. Le cadre confirme l'engagement des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux en ce qui concerne la prise de mesures coordonnées et exhaustives afin de réduire les risques posés par la résistance aux antimicrobiens et de protéger la santé des Canadiens. Un plan d'action connexe sera mis au point, lequel établira de manière concrète des produits livrables, des résultats quantifiables et des échéances en vue de faciliter la mise en œuvre du cadre. Ces travaux exigeront la participation continue et des mesures engagées par les gouvernements, l'industrie et les intervenants dans tous ces secteurs pour permettre au Canada de réaliser avec succès une intervention efficace et durable à l'égard de la résistance aux antimicrobiens et l'utilisation des antimicrobiens.

Remerciements

L'Agence de la santé publique du Canada aimerait remercier toutes les personnes qui ont donné leur temps et leur expertise pour l'élaboration du document Lutter contre la résistance aux antimicrobiens et optimiser leur utilisation : un cadre d'action pancanadien.

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