Infections à Mycobacterium chimaera chez les patients en phase
post-opératoire

RMTC

Volume 43-5, le 4 mai 2017 : Science de la mise en œuvre

Aperçu

Infections à Mycobacterium chimaera chez les patients en phase post-opératoire exposés à des échangeurs thermiques : Un aperçu

T Ogunremi1*, G Taylor2, L Johnston3, K Amaratunga1,4, M Muller5, A Coady1, K Defalco1, K Dunn1, J Johnstone6, S Smith2, J Embree7, B Henry8, J Stafford9, au nom du groupe de travail d’experts en prévention et en contrôle des infections10

Affiliations

1 Centre de la lutte contre les maladies transmissibles et les infections, Agence de la santé publique du Canada, Ottawa (Ontario)

2 Département de médecine, Université de l’Alberta, Edmonton (Alberta)

3 Centre des sciences de la santé Queen Elisabeth II et Université Dalhousie, Halifax (Nouvelle-Écosse)

4 Département de médecine, Université d’Ottawa, Ottawa (Ontario)

5 Hôpital St. Michael’s, Toronto (Ontario)

6 Santé publique Ontario, Toronto (Ontario)

7 Université du Manitoba, Winnipeg (Manitoba)

8 Bureau du médecin-hygiéniste en chef, ministère de la Santé, Victoria (Colombie-Britannique)

9 Ministère de la Santé, gouvernement du Nouveau-Brunswick, Fredericton (Nouveau-Brunswick)

10 Tous les collaborateurs du groupe de travail sont mentionnés à la fin du document

Correspondance

toju.ogunremi@phac-aspc.gc.ca

Citation proposée

Ogunremi T, Taylor G, Johnston L, Amaratunga K, Muller M, Coady A, Defalco K, Dunn K, Johnstone J, Smith S, Embree J, Henry B, Stafford J, au nom du groupe de travail d’experts en prévention et en contrôle des infection. Infections à Mycobacterium chimaera chez les patients en phase post-opératoire exposés à des échangeurs thermiques : Un aperçu. Relevé des maladies transmissibles au Canada. 2017;43(5):119-26. https://doi.org/10.14745/ccdr.v43i05a05f

Résumé

Une éclosion dans plusieurs pays de l’infection à Mycobacterium chimaera associée à des échangeurs thermiques contaminés a été signalée, avec, à ce jour, plus de 70 cas en Europe et aux États-Unis et deux cas au Canada. Les caractéristiques épidémiologiques et microbiologiques de cette éclosion apportent des données probantes concernant la transmission de source commune de la bactérie M. chimaera par l’air d’évacuation des échangeurs thermiques intrinsèquement contaminés aux patients subissant une intervention de chirurgie cardiaque. À ce jour, l’ensemble des cas signalés ont été associés aux échangeurs thermiques Stöckert 3T fabriqués dans une usine de l’entreprise LivaNova avant septembre 2014. L’implantation d’un dispositif de prothèse augmente le risque d’infection. Les infections se présentent généralement sous forme d’endocardite sur prothèse valvulaire, d’infection de greffe vasculaire ou d’infection disséminée. Si les taux de mortalités signalés étaient variables, ils étaient cependant souvent supérieurs à 40 %.

Plusieurs mesures sont recommandées pour faciliter la recherche des cas et atténuer le risque d’exposition. La faisabilité de certaines mesures d’atténuation du risque et leur efficacité dans la diminution du risque d’exposition sont encore à déterminer. Tant que les échangeurs thermiques ne seront pas repensés de façon à éviter la contamination de l’eau et l’aérosolisation, la séparation de l’air d’évacuation de ces dispositifs de l’air de la salle d’opération pendant les interventions chirurgicales constituera probablement la stratégie d’atténuation du risque la plus efficace. Toutefois, il convient de prendre en compte les éventuelles conséquences involontaires de cette approche. Cet aperçu résume les conclusions d’articles d’évaluation par les pairs et d’autres documents nationaux pertinents sur les principales caractéristiques de l’éclosion, notamment la source, les facteurs de risque identifiés de l’infection, les signes et les symptômes de l’infection, le fardeau de la maladie, les mesures d’atténuation des risques, les difficultés de prise en charge et les lacunes en matière de connaissances.

Mots-clés : Mycobacterium chimaera, échangeur thermique, chirurgie cardiaque, circulation extracorporelle

Introduction

Les infections associées aux soins de santé liées à la contamination des dispositifs médicaux et à la formation de biofilm ont été documentées dans la littérature Note de bas de page 1. Récemment, les échangeurs thermiques utilisés au cours de la circulation extracorporelle, pendant les interventions de chirurgie cardiaque et l’oxygénation extracorporelle ont fait l’objet d’un examen minutieux en raison des infections liées aux dispositifs contaminés Note de bas de page 2Note de bas de page 3.

Les échangeurs thermiques comportent des réservoirs d’eau qui pompent de l’eau à température contrôlée à travers des circuits fermés dans des échangeurs thermiques externes qui régulent la température corporelle du patient par convection Note de bas de page 4. Les dispositifs sont équipés d’un radiateur et d’un ventilateur favorisant la dissipation constante de l’excès de chaleur par les ouvertures de grille et l’agitation de l’eau dans le réservoir donne lieu à une aérosolisation par le biais de l’air d’évacuation Note de bas de page 4Note de bas de page 5. Les échangeurs thermiques sont soumis à la formation de biofilm. Un biofilm est composé d’agrégats de microorganismes intégrés dans une matrice extracellulaire qui adhèrent l’une à l’autre ainsi qu’aux surfaces internes, comme l’intérieur d’un HCD.

Plusieurs types de microorganismes ont été isolés des échangeurs thermiques contaminés, notamment les mycobactéries non tuberculeuses (MNT), omniprésentes dans le sol et l’eau, et liées aux infections associées aux soins de santé Note de bas de page 6Note de bas de page 7Note de bas de page 8Note de bas de page 9. Les enquêtes menées sur des grappes de cas d’infection par les mycobactéries non tuberculeuses après des interventions de chirurgie cardiaque ont permis de mettre en évidence le microorganisme en cause : Mycobacterium chimaera. Le microorganisme M. chimaera est une mycobactérie non tuberculeuse à croissance lente, présente dans le complexe Mycobacterium avium Note de bas de page 3Note de bas de page 9Note de bas de page 10Note de bas de page 11Note de bas de page 12. Il est moins susceptible aux procédures de désinfection en raison de ses constituants de la paroi cellulaire et de sa capacité à former des biofilms. L’isolement et l’identification du microorganisme M. chimaera dans les échantillons cliniques nécessitent des techniques de microbiologie spécialisées Note de bas de page 3. La transmission a été associée à un seul modèle d’échangeur thermique fabriqué par l’entreprise Sorin (maintenant LivaNova) Note de bas de page 3Note de bas de page 13. Les cultures obtenues à partir des réservoirs d’eau, des circuits d’eau et des échantillons d’air des échangeurs thermiques pendant leur utilisation ont développé le microorganisme M. chimaera Note de bas de page 5Note de bas de page 8Note de bas de page 9Note de bas de page 11.

Bien qu’une contamination des dispositifs d’oxygénation extracorporelle par M. chimaera ait été signalée, elle ne s’est pas propagée dans l’air de la salle lorsque les dispositifs étaient en cours de fonctionnement et aucune infection à M. chimaera associée à l’oxygénation extracorporelle n’a été signalée Note de bas de page 2Note de bas de page 14. Néanmoins, la nécessité d’évaluer l’exposition éventuelle des patients à ce microorganisme du fait de l’oxygénation extracorporelle a été reconnue. En effet, les patients sous oxygénation extracorporelle, souvent gravement malades et hautement immunodéprimés, peuvent être exposés à ce dispositif pendant une longue période Note de bas de page 2. Des documents d’orientation nationale et des communications sur la sécurité décrivant des mesures d’atténuation des risques et des recommandations en matière d’analyses au Canada, au Royaume-Uni, aux États-Unis et en Australie ont été publiés Note de bas de page 13Note de bas de page 15Note de bas de page 16Note de bas de page 17Note de bas de page 18Note de bas de page 19Note de bas de page 20.

L’objectif de cet aperçu est de résumer la documentation pertinente sur l’éclosion actuelle de l’infection à M. chimaera dans plusieurs pays. La source d’exposition, les facteurs de risque de l’infection, les signes et les symptômes de l’infection, le fardeau de la maladie, les mesures d’atténuation des risques, les difficultés et les lacunes sont résumés. Cet aperçu peut constituer une ressource utile pour les établissements et les fournisseurs de soins de santé canadiens qui utilisent des échangeurs thermiques. Il peut également appuyer la prise de décisions éclairées par les autorités responsables de la mise en œuvre de mesures de prévention et de contrôle des infections.

Portée

Des recherches documentaires ont été entreprises au niveau mondial par la Bibliothèque de la santé (Santé Canada), dans les bases de données Ovid MEDLINE, EMBASE et Global Health pour les études publiées du 1er janvier 2007 au 8 mars 2017. La stratégie de recherche a été élaborée à l’aide d’un lexique propre aux bases de données : « Mycobacterium chimaera », « échangeurs thermiques » et « chirurgie cardiaque ». La recherche a été limitée aux études en anglais et en français, mais n’a pas été limitée au niveau des types d’étude. Une recherche dans la littérature grise a également été réalisée par la Bibliothèque de la santé dans le but d’identifier des communications sur la sécurité et des documents d’orientation nationale pertinents. Des recherches manuelles ont également été effectuées dans des listes de référence de documents d’orientation pertinents afin de bénéficier d’études pertinentes supplémentaires.

Les études pertinentes ont été intégralement passées en revue. Objectif : identifier les études faisant état d’infections à M. chimaera associées à des échangeurs thermiques chez les patients ayant subi une chirurgie cardiaque (phase post-opératoire) et de mesures d’atténuation des risques. Une synthèse descriptive des publications évaluées par les pairs, des documents d’orientation nationale et/ou des communications sur la sécurité pertinents a été effectuée.

Résultats

Au total, 95 articles ont été extraits à l’issue des recherches dans les publications évaluées par les pairs et dans la littérature grise, notamment des recherches dans les listes de référence des documents identifiés. Les renseignements de 38 documents pertinents ont été inclus dans cet aperçu. Cinquante-sept articles ont été exclus pour l’une des raisons suivantes : études portant sur des cas déjà décrits en détail dans d’autres sources; études portant sur les mycobactéries non tuberculeuses en général (et non spécifiquement sur M. chimaera); études n’abordant pas l’exposition des patients, ni la transmission; documents d’orientation nationale ou communications sur la sécurité n’apportant pas de renseignements supplémentaires par rapport à ceux obtenus de documents similaires communiqués par le Canada, les États-Unis, l’Australie et l’Europe.

Source d’exposition

À ce jour, l’ensemble des cas d’infection à M. chimaera signalés à l’échelle internationale ont été associés aux échangeurs thermiques Stöckert 3T fabriqués en Allemagne par LivaNova avant septembre 2014 Note de bas de page 3Note de bas de page 9Note de bas de page 13Note de bas de page 15Note de bas de page 21Note de bas de page 22Note de bas de page 23. L’analyse phylogénétique par séquençage du génome entier, entre autres méthodes, a révélé que les isolats de patients infectés, et d’eau et d’air d’évacuation des échangeurs thermiques Stöckert 3T usagés ou neufs étaient étroitement liés, preuve d’une répartition mondiale des échangeurs thermiques contaminés et d’une source commune indépendante du milieu hospitalier de l’éclosion actuelle Note de bas de page 5Note de bas de page 9Note de bas de page 12Note de bas de page 22Note de bas de page 24Note de bas de page 25Note de bas de page 26. L’entreprise LivaNova a apporté des modifications à ses processus de désinfection pour tenter de réduire le risque de contamination par M. chimaera des échangeurs thermiques 3T fabriqués après septembre 2014 Note de bas de page 13Note de bas de page 15Note de bas de page 27Note de bas de page 28. Des analyses réalisées sur les échangeurs thermiques fabriqués par une autre entreprise ont permis de détecter la présence du microorganisme M. chimaera dans l’eau, mais pas dans les échantillons d’air, et l’isolat obtenu était génétiquement différent des isolats obtenus sur les échangeurs thermiques Stöckert 3T Note de bas de page 12Note de bas de page 25Note de bas de page 29.

Pendant les interventions chirurgicales, l’échangeur thermique est souvent positionné à côté de la machine de circulation extracorporelle et du patient. Récemment, dans le cadre des efforts de diminution de l’exposition du patient à l’air d’évacuation de l’échangeur thermique, la faisabilité du positionnement du dispositif immédiatement à côté de la bouche d’évacuation, au niveau du sol, dans la salle d’opération a été étudiée.

Facteurs de risque de l’infection

Les cas d’infection à M. chimaera après exposition aux échangeurs thermiques pendant la circulation extracorporelle ont été signalés chez des patients ayant subi une intervention chirurgicale en Europe (Royaume-Uni, France, Suisse, Pays-Bas, Allemagne, Irlande et Espagne) ainsi qu’aux États-Unis, en Australie, au Canada et dans la Région administrative spéciale de Hong Kong Note de bas de page 18. Les patients subissant une intervention chirurgicale avec circulation extracorporelle, au cours de laquelle leur température corporelle est régulée par un échangeur thermique présentent un risque d’exposition et d’infection Note de bas de page 8. Les patients placés sous circulation extracorporelle pendant plus de deux heures avaient plus de risques d’être infectés par les mycobactéries non tuberculeuses (rapport de cotes : 16,5; IC à 95 % : 3,2-84) Note de bas de page 8. Dans les hôpitaux où au moins une infection à M. chimaera associée à des échangeurs thermiques a été identifiée, le risque qu’un patient contracte une infection était d’environ 0,1 à 1 % Note de bas de page 11Note de bas de page 30Note de bas de page 31. Sur 115 664 interventions chirurgicales réalisées en Angleterre et impliquant la réparation ou le remplacement de valvules cardiaques (entre 2007 et 2014), le risque d’infection par les mycobactéries non tuberculeuses a augmenté de moins de 0,2 cas/10 000 années-personnes avant 2010 à 1,65 cas/10 000 années-personnes en 2013 Note de bas de page 29.

L’implantation d’un dispositif de prothèse (par exemple, valvule cardiaque, greffe vasculaire, dispositif d’assistance ventriculaire gauche) augmentait le risque d’infection Note de bas de page 3Note de bas de page 11Note de bas de page 13Note de bas de page 29. D’après des données limitées, les greffes cardiaques augmenteraient également le risque d’infection Note de bas de page 3Note de bas de page 32.

Aucun cas n’est survenu parmi le personnel de salle d’opération exposé à l’aérosolisation des échangeurs thermiques.

Signes et symptômes de l’infection

Les signes et/ou les symptômes de l’infection invasive à M. chimaera contractée après une exposition aux aérosols d’un échangeur thermique peuvent ne pas survenir avant des mois ou des années (après l’exposition). Le délai moyen entre l’exposition et le diagnostic est de 1,6 an (intervalle : 0,1-6,3 ans) Note de bas de page 3Note de bas de page 10Note de bas de page 14Note de bas de page 23Note de bas de page 32. L’infection se présente généralement sous forme d’endocardite sur prothèse valvulaire, d’infection de greffe vasculaire ou d’infection disséminée, bien que plusieurs sites extracardiaques puissent également être infectés (tableau 1Note de bas de page 9Note de bas de page 10Note de bas de page 11Note de bas de page 13Note de bas de page 18Note de bas de page 29Note de bas de page 33. Les manifestations cliniques de l’infection sont diverses et les symptômes peuvent être non spécifiques Note de bas de page 12Note de bas de page 23. Dans certains cas, les manifestations extracardiaques ont précédé la maladie cardiovasculaire Note de bas de page 11. Une description d’un syndrome compatible avec l’infection par les mycobactéries non tuberculeuses publiée par le Réseau des laboratoires de santé publique du Canada (RLSPC) figure dans le tableau 1 Note de bas de page 16.

Tableau 1 : Symptômes cliniques des patients atteints d’une infection à Mycobacterium chimaera
Type de symptômes Symptômes cliniques
Généraux Fièvre récurrente ou prolongée, fatigue, essoufflement, perte de poids, sueurs nocturnes
Cardiaques Endocardite sur prothèse valvulaire et/ou infection de greffe vasculaire
Extracardiaques Infection osseuse, infection de plaie chirurgicale de sternotomie, médiastinite, hépatite, infection du sang, infection oculaire (panuvéite, choroïdite multifocale, choriorétinite)
Immunologiques/emboliques Splenomégalie, cytopénie
Nourrissons Épisodes fébriles et retard staturo-pondéral

Fardeau de la maladie

L’infection à M. chimaera requiert un traitement médical agressif en association avec un traitement antimycobactérien et parfois, plusieurs interventions chirurgicales. L’infection entraîne généralement un taux de morbidité important et s’accompagne d’une hospitalisation de longue durée, d’effets indésirables des traitements médicaux et chirurgicaux, et/ou d’un échec du traitement Note de bas de page 3Note de bas de page 11Note de bas de page 18Note de bas de page 29. En janvier 2017, en Europe, au moins 52 cas avaient été signalés Note de bas de page 12Note de bas de page 18. Trois cas ont été identifiés en Australie, vingt-quatre aux États-Unis et deux au Canada Note de bas de page 20Note de bas de page 23Note de bas de page 32Note de bas de page 34. Les résultats individuels des patients ne sont pas toujours pris en compte. Selon les données disponibles, la plupart des cas sont survenus chez des adultes plus âgés, bien que l’âge des patients variait de 1 à 81 ans, dont deux enfants. Environ 83 % des patients étaient des hommes. La plupart des études ont fait état d’un taux de mortalité supérieur à 40 % (voir le tableau 2Note de bas de page 3Note de bas de page 11Note de bas de page 12Note de bas de page 29Note de bas de page 32 et la mortalité était élevée en cas de retards importants de diagnostic et les patients étaient gravement malades lorsqu’un traitement antimycobactérien approprié a pu être mis en place. La possibilité qu’une sensibilisation accrue et qu’un diagnostic précoce réduisent la mortalité associée à l’infection à M. chimaera reste incertaine.

Tableau 2 : Taux de mortalité signalés en lien avec l’infection à Mycobacterium chimaera associée à des échangeurs thermiques
Référence (pays/région) Nombre de patients chez qui l’infection a été diagnostiquée Nombre de décès (taux de mortalité en %)
Kohler et al., 2015 (Europe) Note de bas de page 11 10Tableau 2 - Note 1 4 (40 %)Tableau 2 - Note 2
Chand et al., 2016 (Europe) Note de bas de page 29 18Tableau 2 - Note 3 9 (50 %)
Appenheimer et al., 2016 (États-Unis) Note de bas de page 32 24 NS (46 %)Tableau 2 - Note 4
Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, 2016 (Europe) Note de bas de page 18 52Tableau 2 - Note 5 10 (<19 %)Tableau 2 - Note 6
Haller et al., 2016 (Allemagne) Note de bas de page 9 5 1 (20 %)Tableau 2 - Note 7
Tan et al., 2016 (États-Unis) Note de bas de page 33 3 2 (67 %)Tableau 2 - Note 6,Tableau 2 - Note 7
Public Health England, 2017 (Europe) Note de bas de page 12 26 15 (58 %)
Australian Commission on Safety and Quality in Health Care, 2017 (Australie) Note de bas de page 20 3 0 (0 %)

Mesures d’atténuation des risques

Les principales mesures identifiées pour faciliter la recherche des cas et atténuer l’exposition à venir au microorganisme M. chimaera sont résumées dans le tableau 3.

Tableau 3 : Mesures recommandées pour faciliter la recherche des cas et atténuer l’exposition à venir au microorganisme Mycobacterium chimaera
Mesure d’atténuation des risques Contexte supplémentaire et/ou limites
Formation et notification des fournisseurs de soins de santé Note de bas de page 11Note de bas de page 12Note de bas de page 28Note de bas de page 32
  • Les cas ont été détectés grâce à la notification des fournisseurs.
  • La première intervention chirurgicale en cause a été effectuée en 2007.
  • Maintenir une suspicion clinique élevée concernant l’infection à M. chimaera ou d’autres infections par les mycobactéries non tuberculeuses chez les patients (qui ont subi une intervention chirurgicale avec circulation extracorporelle et échangeurs thermiques entre 2007 et la mise en œuvre des mesures d’atténuation des risques).
Notification des patients Note de bas de page 8Note de bas de page 12Note de bas de page 28Note de bas de page 32
  • À ce jour, aucun cas n’a été identifié par le biais de la notification des patients.
  • Les analyses ne sont pas recommandées dans le cas d’individus exposés asymptomatiques.
  • Tant que les mesures d’atténuation des risques ne sont pas mises en œuvre, les renseignements relatifs à une exposition potentielle devraient être communiqués aux patients avant l’intervention chirurgicale.
Amélioration de la surveillance prospective des mycobactéries non tuberculeuses Note de bas de page 9Note de bas de page 21
  • Le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) a publié un protocole de détection des cas.
Assurer la traçabilité des échangeurs thermiques utilisés Note de bas de page 12
  • Les unités individuelles utilisées au cours de chaque intervention chirurgicale devraient être enregistrées au cas où une infection se produirait ultérieurement.
Retirer les échangeurs thermiques potentiellement contaminés de la circulation Note de bas de page 12Note de bas de page 15Note de bas de page 27
  • Dans la mesure du possible, l’ensemble des échangeurs thermiques Stöckert 3T fabriqués par LivaNova avant septembre 2014 devraient être retirés de la circulation.
  • Dans certains contextes, les risques liés au report de l’intervention chirurgicale sont supérieurs aux risques associés à la réalisation de l’intervention avec des échangeurs thermiques dont la contamination est confirmée ou soupçonnée.
Remplacer les échangeurs thermiques contaminés, ainsi que les accessoires, les tubes et les raccords, pour éviter une recontamination Note de bas de page 13Note de bas de page 15Note de bas de page 27Note de bas de page 35
  • L’entreprise LivaNova a mis en œuvre un programme pour proposer aux utilisateurs, dans certaines circonstances, un prêt de dispositif afin de leur permettre de poursuivre l’intervention pendant la désinfection profonde de leur dispositif. La demande internationale d’échangeurs thermiques de remplacement peut donner lieu à des retards dans l’approvisionnement.
Utiliser le protocole de fonctionnement du fabricant, notamment les procédures de nettoyage et de désinfection à jour. Note de bas de page 3Note de bas de page 9Note de bas de page 12Note de bas de page 15Note de bas de page 27Note de bas de page 28Note de bas de page 35
  • Tenir un journal de nettoyage et de désinfection des échangeurs thermiques.
  • Consulter régulièrement le site Web du fabricant pour connaître les mises à jour applicables.
  • Les protocoles de décontamination actuels doivent encore être validés. Les études ont contesté l’efficacité de ces protocoles, mettant en évidence l’échec systématique de la décontamination. L’élimination des biofilms est essentielle pour une décontamination efficace des échangeurs thermiques.
Réalisation d’analyses microbiologiques régulières sur les échangeurs thermiques utilisés Note de bas de page 12Note de bas de page 15Note de bas de page 17Note de bas de page 25Note de bas de page 27Note de bas de page 36
  • Cette mesure n’a pas été adoptée à grande échelle en raison du taux élevé de faux-négatifs et du manque de méthodes validées et normalisées pour le prélèvement et le traitement des échantillons, et la détection du microorganisme M. chimaera.
  • Le Réseau des laboratoires de santé publique du Canada (RLSPC) et la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis déconseillent de réaliser de mises en culture environnementales régulières à partir des échangeurs thermiques pour détecter la présence du microorganisme M. chimaera.
Recourir à des solutions techniques pour permettre une séparation fiable de l’air d’évacuation des échangeurs thermiques de l’air de la salle d’opération Note de bas de page 4Note de bas de page 5Note de bas de page 12Note de bas de page 13Note de bas de page 15Note de bas de page 18Note de bas de page 25Note de bas de page 26Note de bas de page 37 Voici les solutions possibles :
  • Placer l’échangeur thermique en dehors de la salle d’opération, tubes connectés à travers une ouverture dans le mur (en veillant à ce que la pression positive de l’air à l’intérieur de la salle d’opération soit maintenue). Bien qu’il s’agisse de la solution la plus fiable, les conséquences involontaires (par exemple, une circulation de l’air éventuellement modifiée dans la salle d’opération et une plus grande distance entre l’échangeur thermique et le champ opératoire) sont inconnues.
  • Enfermer l’échangeur thermique dans un boîtier sur mesure avec ventilation à part (par exemple, reliée au conduit d’évacuation de la salle d’opération). Les raccordements à l’échangeur thermique peuvent nécessiter l’autorisation du fabricant. Les conséquences involontaires de cette solution (par exemple, les effets du boîtier sur mesure sur le bon fonctionnement du dispositif) sont inconnues.
  • S’il est impossible de séparer de façon sûre l’air d’évacuation de l’échangeur thermique de l’air de la salle d’opération, déplacer le dispositif le plus loin possible (de préférence à plus de cinq mètres) du champ opératoire, l’évacuation orientée loin du patient et des instruments exposés, et, si possible, placer l’échangeur thermique près de l’évacuation d’air de la salle. Des expériences de dispersion des fumées ont démontré que l’air d’évacuation des échangeurs thermiques était propulsé pour fusionner avec la circulation d’air ultrapropre près du plafond de la salle d’opération. Par conséquent, il n’est pas certain que cette approche soit utile dans la séparation de l’air d’évacuation des échangeurs thermiques de l’air de la salle d’opération Note de bas de page 4.

Difficultés et lacunes

Le tableau 4 résume les difficultés et les lacunes relatives aux données probantes éclairant la prise en charge clinique de l’infection à M. chimaera.

Tableau 4 : Difficultés et lacunes relatives aux données probantes éclairant la prise en charge de l’infection à Mycobacterium chimaera
Difficulté/lacune Contexte supplémentaire
L’ampleur du risque d’infection à M. chimaera et l’importance de l’éclosion sont inconnues Note de bas de page 12Note de bas de page 14Note de bas de page 29
  • Une forte prévalence du microorganisme M. chimaera sur les échangeurs thermiques a été signalée (jusqu’à 80 % au Danemark).
  • Le risque d’infection des patients semble actuellement faible; toutefois, si une infection survient, son incidence sur le patient peut être grave.
  • Le risque d’infection et de présentation clinique parmi la population de patients pédiatriques est inconnu.
Retard dans l’apparition des symptômes et le diagnostic de l’infectionNote de bas de page 3Note de bas de page 10Note de bas de page 14Note de bas de page 23Note de bas de page 32
  • Le délai décrit entre l’exposition et le diagnostic était compris entre 0,1 et 6,3 ans (moyenne de 1,6 an).
  • Peu de laboratoires sont équipés pour mettre en culture et identifier le microorganisme M. chimaera, ce qui peut contribuer à un retard dans le diagnostic.
  • Le développement lent de la culture de M. chimaera contribue au retard de diagnostic.
  • Le prélèvement précoce d’un milieu de culture mycobactérien dédié peut accélérer le diagnostic par rapport aux délais courants.
Efficacité et effets indésirables du traitement Note de bas de page 3Note de bas de page 11Note de bas de page 29Note de bas de page 32
  • L’infection à M. chimaera peut être très difficile à traiter en raison de la résistance intrinsèque du microorganisme à de nombreux agents antimicrobiens, de sa tendance à former des biofilms sur les dispositifs implantés, du site profond de l’infection, compliquant la pénétration des antimicrobiens (par exemple, endocardite, infection de greffe et infection osseuse).
  • Le traitement est prolongé et nécessite une combinaison d’agents antimicrobiens.
  • L’infection disséminée a souvent nécessité plusieurs interventions chirurgicales, avec des taux de mortalité élevés.
La mise au point de nouveaux modèles d’échangeurs thermiques est en cours Note de bas de page 5Note de bas de page 15
  • L’élaboration de conteneurs sur mesure dotés de filtres HEPA pour accueillir les échangeurs thermiques ne pouvant pas être placés à l’extérieur de la salle d’opération est en cours, mais leur efficacité est actuellement inconnue.
  • Les fabricants d’échangeurs thermiques sont en train de modifier leurs modèles pour limiter l’aérosolisation et prévenir la transmission.
L’ampleur des infections associées aux échangeurs thermiques causées par d’autres microorganismes tels que l’espèce Legionella est inconnue Note de bas de page 12Note de bas de page 29
  • La surveillance à l’échelle nationale au Royaume-Uni (2007-2016) n’a pas permis d’identifier de cas de maladie du légionnaire chez les travailleurs de la santé éventuellement exposés dans le cadre de leur activité professionnelle aux échangeurs thermiques.
  • Aucune endocardite due à l’espèce Legionella n’a été signalée chez les patients ayant subi une chirurgie cardiaque (phase post-opératoire) pendant cette éclosion.

Discussion

Les résultats de cet aperçu mettent en évidence un risque faible mais accru d’infection à M. chimaera avec l’utilisation des échangeurs thermiques contaminés par une source commune pendant la circulation extracorporelle Note de bas de page 29. Au vu de la longue période de latence, on s’attend à ce que des cas supplémentaires se produisent. L’ampleur réelle des risques après exposition est incertaine; les estimations actuelles sont basées sur des données très limitées. Néanmoins, les risques liés au report de l’intervention de chirurgie cardiaque sont généralement considérés nettement supérieurs aux risques associés à cette infection, même lorsque le risque d’infection n’a pas été entièrement atténué Note de bas de page 28.

Il est possible d’éviter l’exposition à venir des patients en mettant en œuvre des mesures d’atténuation des risques, notamment en utilisant des échangeurs thermiques non contaminés ou en remplaçant les dispositifs contaminés le plus tôt possible. La recherche des cas peut être accélérée par la mise au point de tests de polymérase en chaîne pour la détection rapide et fiable du microorganisme M. chimaera dans les échantillons cliniques ou environnementaux.

Il est urgent d’améliorer les modèles des échangeurs thermiques afin de favoriser une décontamination fiable et d’éviter que les aérosols atteignent le champ opératoire Note de bas de page 5Note de bas de page 11. Ces améliorations peuvent nécessiter une consultation et une collaboration entre les fabricants des dispositifs médicaux, les ingénieurs et les experts en prévention et contrôle des infections.

Cet aperçu est limité par l’insuffisance des données pour estimer l’ampleur réelle du risque d’infection, ainsi que l’absence de données sur l’efficacité et la faisabilité des mesures d’atténuation des risques.

Conclusion

Les caractéristiques épidémiologiques et microbiologiques de cette éclosion apportent des données probantes concernant la transmission aux patients de la bactérie M. chimaera par l’air d’évacuation des échangeurs thermiques Stöckert 3T contaminés, pendant la circulation extracorporelle, contamination ayant donné lieu à une endocardite, une infection du site opératoire et/ou une infection disséminée. L’ampleur réelle des risques après exposition est incertaine; les estimations actuelles sont basées sur des données très limitées.

La séparation de l’air d’évacuation des échangeurs thermiques de l’air de la salle d’opération pendant les interventions chirurgicales constitue probablement la stratégie d’atténuation des risques la plus efficace. La faisabilité de la mise en œuvre des mesures d’atténuation des risques actuellement recommandées est encore à déterminer. En outre, il est nécessaire de réaliser des études pour déterminer les éventuelles conséquences involontaires de la mise en œuvre de ces mesures. L’élaboration de nouveaux modèles des échangeurs thermiques hermétiques et/ou non susceptibles de favoriser la formation de biofilms peut résoudre ce problème.

Déclaration des auteurs

T.O. – Administration du projet, conceptualisation, méthodologie, recherche, rédaction et résumé des données (préparation de la version originale, examen et révision); G.T., L.J., M.M. – Expertise clinique, contenu scientifique, rédaction, examen et révision; K.A. - Expertise clinique, contenu scientifique, examen et révision; A.C., K. Defalco – Examen des données résumées, recherche, examen et révision; K. Dunn – Conceptualisation, supervision, examen et révision; J.J., S.S., J.E., B.H., J.S. – Expertise clinique, contenu scientifique, examen et révision.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Collaborateurs

Les auteurs souhaitent remercier les membres suivants du groupe de travail d’experts en prévention et en contrôle des infections pour leur contribution aux discussions sur le contenu de cet article :

  • Gwen Cerkowniak, Région sanitaire de Saskatoon, Saskatoon (Saskatchewan)
  • Maureen Cividino, Santé publique Ontario, Toronto (Ontario)
  • Della Gregoraschuk, Alberta Health Services, Edmonton (Alberta)
  • Patsy Rawding, Autorité sanitaire de la Nouvelle-Écosse, Wolfville (Nouvelle-Écosse)
  • Sandra Savery, Centre de santé et services sociaux des Sommets, Sainte-Agathe-des-Monts (Québec)
  • Heidi Pitfield, Unité de santé du district de Simcoe Muskoka, Barrie (Ontario)
  • Patrice Savard, Centre hospitalier de l’Université de Montréal, Montréal (Québec)

Remerciements

Les auteurs souhaitent remercier le Réseau des laboratoires de santé publique du Canada (RLSPC) pour les renseignements fournis, présentés dans le tableau 1 de cet article.

Les auteurs remercient également Lynda Gamble (Bibliothèque de la santé, Santé Canada), qui a dirigé les travaux de recherche documentaire pour cet aperçu; Caroline M. Desjardins (Agence de la santé publique du Canada) pour avoir mentionné et produit des références pour cet article; et la Dre Margaret Gale-Rowe (Agence de la santé publique du Canada) pour avoir examiné la version finale de l’article.

Financement

Ce travail a été appuyé par l’Agence de la santé publique du Canada.

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