Les infections invasives à Neisseria meningitidis de sérogroupe W au Canada

RMTC

Volume 43-7/8, le 6 juillet 2017 (Numéro de juillet/août) : Détection des éclosions

Surveillance

Augmentation des infections invasives à Neisseria meningitidis de sérogroupe W au Canada de 2009 à 2016

RSW Tsang1*, L Hoang2, GJ Tyrrell3, G Horsman4, P Van Caeseele5, F Jamieson6,7, B Lefebvre8, D Haldane9,10, RR Gad11, GJ German12, G Zahariadis13,14

Affiliations

1 Laboratoire national de microbiologie, Agence de la santé publique du Canada, Winnipeg (Manitoba)

2 Laboratoire de microbiologie et de référence en santé publique de la Colombie-Britannique, Vancouver (Colombie-Britannique)

3 Laboratoire provincial de santé publique, Edmonton (Alberta)

4 Laboratoire de contrôle contre les maladies de la Saskatchewan, Regina (Saskatchewan)

5 Laboratoire provincial Cadham, Winnipeg (Manitoba)

6 Santé publique Ontario, Toronto (Ontario)

7 Département de médecine, Université de Toronto, Toronto (Ontario)

8 Laboratoire de santé publique du Québec, Institut national de santé publique du Québec, Sainte-Anne-de-Bellevue (Québec)

9 Autorité sanitaire de la Nouvelle-Écosse, Halifax (Nouvelle-Écosse)

10 Université Dalhousie, Halifax (Nouvelle-Écosse)

11 Direction de la lutte contre les maladies transmissibles, ministère de la Santé, gouvernement du Nouveau-Brunswick, Fredericton (Nouveau-Brunswick)

12 Ministère de la Santé, gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard, Charlottetown (Île-du-Prince-Édouard)

13 Laboratoire provincial de santé publique, services de microbiologie Eastern Health, St. John's (Terre-Neuve-et-Labrador)

14 Service de médecine de laboratoire, faculté de médecine, Université Memorial de Terre-Neuve-et-Labrador, St. John's (Terre-Neuve-et-Labrador)

Correspondance

raymond.tsang@phac-aspc.gc.ca

Citation proposée

Tsang RSW, Hoang L, Tyrrell GJ, Horsman G, Van Caeseele P, Jamieson F, Lefebvre B, Haldane D, Gad RR, German GJ, Zahariadis G. Augmentation des infections invasives à Neisseria meningitidis de sérogroupe W au Canada de 2009 à 2016. Relevé des maladies transmissibles au Canada, 2017;43(7/8):161-7. https://doi.org/10.14745/ccdr.v43i78a01f

Résumé

Contexte : Depuis 2010, on observe une augmentation des infections à N. meningitidis de sérogroupe W (MenW) dans de nombreux pays en raison de l'émergence d'isolats appartenant au complexe clonal de séquence type (ST) 11. En 2016, une légère augmentation des infections à MenW dues au complexe clonal ST-11 a été signalée en Ontario, au Canada.

Objectif : Examiner les tendances relatives à l'infection à MenW au Canada et évaluer s'il y a eu des modifications du type de complexe clonal ST causant les infections à MenW entre 2009 et 2016.

Méthodologie : Des isolats invasifs de N. meningitidis régulièrement envoyés au Laboratoire national de microbiologie ont été analysés. La répartition proportionnelle de MenW par rapport à celle d'autres sérogroupes a été calculée. Les isolats de MenW ont ensuite été caractérisés davantage en fonction du sérotype, du sous-type sérologique et du complexe clonal ST. La répartition géographique du complexe clonal ST-11 émergent a été documentée et l'âge des patients infectés par MenW du complexe clonal ST-11 a été comparé à celui des patients infectés par MenW du complexe clonal traditionnel ST-22.

Résultats : Sur les 888 isolats invasifs examinés, 63 étaient des isolats de MenW, ce qui équivaut à un taux annuel moyen de 7,1 %. Toutefois, le pourcentage d'isolats de MenW est passé de 2,7 % en 2012 à 18,8 % en 2016. De 2009 à 2013, 91 % des isolats de MenW ont été identifiés par typage comme appartenant au complexe clonal ST-22 traditionnel, alors que de 2014 à 2016, 75 % des isolats ont été identifiés comme appartenant au complexe clonal ST-11 émergent. La présence du complexe clonal ST-11 a été documentée dans cinq provinces du Canada (Colombie-Britannique, Alberta, Manitoba, Ontario et Québec). L'âge médian des patients infectés par MenW du complexe clonal ST-11 émergent était de 53,5 ans, alors qu'il était de 23,5 ans chez les patients infectés par MenW du complexe clonal ST-22 traditionnel.

Conclusion : La prévalence de la méningococcie à MenW augmente au Canada et est associée à une augmentation des cas attribuables au complexe clonal ST-11 émergent, qui a maintenant été identifié dans cinq provinces canadiennes. Il semble plus courant chez les patients âgés que le complexe clonal ST-22 traditionnel, plus répandu chez les jeunes patients.

Introduction

Au Canada, la méningococcie invasive (MI) est une maladie à déclaration obligatoire depuis 1924 Note de bas de page 1. Elle est causée par N. meningitidis, qui se loge habituellement dans les voies respiratoires supérieures des porteurs sains. Pour des raisons encore mal comprises, N. meningitidis peut envahir la circulation sanguine et causer une grave infection systémique entraînant une méningite, une septicémie, une arthrite septique, une pneumonie bactériémique et une péricardite Note de bas de page 2. Le tableau clinique initial de la MI peut être non spécifique, mais la maladie peut évoluer rapidement vers un choc septique. Le taux de létalité moyen associé à la maladie est de 10 % Note de bas de page 3.

La bactérie N. meningitidis est classée dans l'un de 12 sérogroupes en fonction des caractéristiques antigéniques de sa capsule polysaccharidique. La plupart des cas de maladie invasive sont attribuables à six sérogroupes : A (MenA), B (MenB), C (MenC), W (MenW), X (MenX) et Y (MenY). Ces souches invasives appartiennent à quelques lignées génétiques connues sous le nom de clones hypervirulents, comme les complexes clonaux de séquence type (ST) 32 (type électrophorétique [ET] 5), ST-41/44 (lignée 3), ST-11 (ET-37), ST-8 (groupe A4), ST-5 (sous-groupe III) et ST-269 Note de bas de page 4Note de bas de page 5.

Les souches causant la MI ont été comparées à du « sable mobile », des souches uniques émergentes ayant le pouvoir de se propager tant à l'échelle régionale qu'internationale. Par exemple, MenA de sous-groupe III a causé des épidémies en Chine dans les années 60 et s'est ensuite propagée en Russie, avant de se répandre dans le monde entier Note de bas de page 6. MenB ET-5 a causé une éclosion intercontinentale associée à une vaste propagation géographique qui a duré plus de dix ans Note de bas de page 7. Le clone MenC ET-15 a d'abord fait son apparition au Canada au milieu des années 80 avant de se propager dans le monde entier, ce qui a finalement mené à l'introduction de programmes de vaccination à l'aide du vaccin conjugué contre MenC dans de nombreux pays. D'autres clones importants de MenB à l'origine d'épidémies comprennent le groupe A4 et la lignée 3 Note de bas de page 5.

Le premier rapport faisant état d'une éclosion majeure ou d'une épidémie de l'infection à MenW date de l'an 2000; cette éclosion a commencé en Arabie saoudite pendant le pèlerinage à la Mecque et a touché plus de 400 personnes. La souche a été caractérisée comme appartenant au complexe clonal ST-11Note de bas de page 8. Lorsque les pèlerins sont rentrés dans leur pays (Afrique, Asie, Europe, Amérique du Nord et Amérique du Sud), la souche s'est propagée sur toute la planète. L'augmentation progressive des cas d'infection à MenW au cours des dernières années a d'abord été signalée en Afrique subsaharienneNote de bas de page 9 et en Amérique du SudNote de bas de page 10Note de bas de page 11. Depuis 2010, d'autres pays ont signalé une augmentation des cas de MI causée par MenW du complexe clonal ST-11Note de bas de page 12Note de bas de page 13Note de bas de page 14Note de bas de page 15.

En décembre 2016, Tsang et al. Note de bas de page 16 ont signalé une augmentation des souches de MenW invasives en Ontario, au Canada. Cette augmentation a commencé en 2014 et elle a été associée au remplacement du complexe clonal ST-22 traditionnel par le complexe clonal ST-11 Note de bas de page 16. On a également remarqué un léger accroissement du nombre de cas de MI à MenW dans cette province. Afin de déterminer si un remplacement clonal touchant MenW a eu lieu à l'échelle nationale, cette étude examine les tendances relatives à l'infection à MenW et les changements de complexe clonal au Canada entre 2009 et 2016.

Méthodologie

Les laboratoires provinciaux de santé publique reçoivent des isolats de patients de la part des hôpitaux et des laboratoires de diagnostic clinique aux fins d'identification et de typage du sérogroupe. Dans le cadre du programme de surveillance accrue de la MI, toutes les provinces et tous les territoires du Canada soumettent régulièrement tous leurs isolats invasifs de N. meningitidis issus de cas confirmés par culture au Laboratoire national de microbiologie (LNM) pour obtenir une confirmation du sérogroupe et une caractérisation additionnelle de la souche Note de bas de page 17. Cette étude incluait tous les isolats de N. meningitidis issus des cas de MI confirmés par culture et envoyés au LNM entre 2009 et 2016.

Typage du méningocoque

Au LNM, le sérogroupe est déterminé par agglutination sur lame en utilisant des antisérums de lapin pour groupage produits à l'interne ou par test de polymérase en chaîne Note de bas de page 18. Le sérotypage et le sous-typage sérologique sont effectués à l'aide d'un essai immuno-enzymatique (ELISA) sur cellule entière avec des anticorps monoclonaux Note de bas de page 19. Un génotypage et un typage génomique multilocus de l'antigène PorA ont été réalisés selon la méthodologie standard décrite précédemment Note de bas de page 20Note de bas de page 21.

Répartition géographique, source et caractéristiques des patients

En se basant sur l'information inscrite sur les formulaires de requête d'analyse fournis par les laboratoires provinciaux de santé publique, le LNM recueille et analyse les renseignements sur l'origine géographique des échantillons, leur source (p. ex. sang ou liquide céphalorachidien, péricardique ou articulaire) ainsi que l'âge et le sexe des patients auprès de qui ils ont été prélevés.

Résultats

Tendances relatives à la méningococcie à MenW

Au Canada, entre 2009 et 2016, un total de 888 isolats de N. meningitidis ont été recueillis auprès de patients atteints de MI et envoyés au LNM. Soixante-trois d'entre eux ont été classés dans le groupe MenW. Le pourcentage d'isolats de MenW a changé d'année en année, passant d'un pourcentage minimal de 2,7 % en 2012 à un pourcentage maximal de 18,8 % en 2016 (tableau 1), soit un pourcentage moyen de 7,1 %.

Tableau 1 : Rôle de Neisseria meningitidis de sérogroupe W (MenW) dans les cas de méningococcie invasive à culture positive au Canada de 2009 à 2016
Année Nombre d'isolats de MenW Nombre total d'isolats de MI Pourcentage d'isolats de MenW par rapport au nombre total d'isolats de MI
2009 12 168 7,1 %
2010 6 118 5,1 %
2011 10 133 7,5 %
2012 3 112 2,7 %
2013 5 103 4,9 %
2014 6 86 7,0 %
2015 6 88 6,8 %
2016 15 80 18,8 %
Toutes années confondues 63 888 7,1 %

Changements dans le complexe clonal

L'augmentation du nombre d'isolats de MenW dans les cas de MI a coïncidé avec l'identification du complexe clonal ST-11 (ET-37) (figure 1). De 2009 à 2013, 91 % (32 sur 35) des isolats de MenW ont été typés comme appartenant au complexe clonal ST-22 traditionnel, tandis que de 2014 à 2016, 25 % (7 sur 28) des isolats de MenW seulement appartenaient à ce complexe clonal. Au cours de la même période, la prévalence du complexe clonal ST-11 émergent est passée de 3 % (1 isolat sur 35) à 75 % (21 isolats sur 28).

Figure 1 : Analyse clonale des isolats invasifs de Neisseria meningitidis de sérogroupe W (MenW) au Canada de 2009 à 2016

Figure 1 : Analyse clonale des isolats invasifs de Neisseria meningitidis de sérogroupe W (MenW) au Canada de 2009 à 2016

Description textuelle : Figure 1

Figure 1 : Analyse clonale des isolats invasifs de Neisseria meningitidis de sérogroupe W (MenW) au Canada de 2009 à 2016

Séquence type du complexe clonal Nombre d'isolats reçus par le Laboratoire national de microbiologie par année
2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016
ST-22 12 6 8 2 4 1 4 2
ST-11 0 0 1 0 0 3 5 13
ST-23 0 0 0 1 0 0 0 0
ST-167 0 0 1 0 0 0 0 0

Caractérisation antigénique et génétique

Près de 70 % des isolats de MenW du complexe clonal ST-22 traditionnel (27 sur 39) ont été typés comme W:NT (non sérotypable):P1.6 (n = 19) ou W:NT:P1.- (non sous-typable, n = 8) avec le génotype de l'antigène PorA P1.18-1,3,38. Cinq autres isolats de MenW ST-22 ont été typés comme W:NT:P1.- avec une délétion du gène PorA. Les sept autres isolats de MenW ST-22 n'étaient pas sérotypables avec les antigènes des sous-types sérologiques P1.5 (n = 1), P1.5,2 (n = 1), P1.14 (n = 2), P1.16 (n = 2) ou P1.- (n = 1). Douze séquences type différentes ont été identifiées parmi ces 39 isolats de MenW de complexe clonal ST-22, dont 15 isolats ST-184, 11 ST-22, trois ST-8974 et deux ST-1617. Les huit derniers isolats appartenaient tous à une séquence type différente (ST-1221, ST-1224, ST-1476, ST-2625, ST-3137, ST-3849, ST-8230 et ST-10188).

En revanche, 100 % Note de bas de page 22 des isolats de MenW ST-11 ont été typés comme C:2a:P1.5,2 (n = 21) ou C:2a:P1.2 (n = 1), avec le génotype de l'antigène PorA P1.5,2,36-2. Vingt et un d'entre eux appartenaient au complexe clonal ST-11 et un au ST-10826. Il y avait également un isolat de MenW typé comme ST-23 (complexe clonal ST-23) et un autre comme ST-3705 (complexe clonal ST-167). Le premier présentait la formule antigénique W:19:P1.- avec le génotype de l'antigène PorA P1.5-2,10-1,36-2 alors que le deuxième présentait la formule W:19:P1.5 avec le génotype de l'antigène PorA P1.5-1,10-4,36-2.

Données géographiques et démographiques et données sources

Des isolats de MenW du complexe clonal ST-11 ont été trouvés en Colombie-Britannique (n = 5), en Alberta (n = 3), au Manitoba (n = 2), en Ontario (n = 8) et au Québec (n = 4). La répartition par sexe et par âge des cas attribuables aux complexes clonaux ST-22 et ST-11 est présentée dans le tableau 2. Chez les patients infectés par MenW du complexe clonal ST-22 traditionnel, l'âge moyen était de 31,7 ans et l'âge médian, de 23,5 ans, contre 47,9 ans et 53,5 ans, respectivement, chez les patients infectés par le complexe clonal ST-11 émergent. Huit patients de moins de 2 ans étaient infectés par MenW du complexe clonal ST-22 et aucun patient de ce groupe d'âge n'était infecté par MenW du complexe clonal ST-11. Sur la totalité des isolats de MenW du complexe clonal ST-22, 33 provenaient du sang, trois du liquide céphalorachidien, deux du liquide articulaire et un du liquide péricardique. Sur les 22 isolats de MenW du complexe clonal ST-11 de l'ensemble du Canada, 21 provenaient du sang et un du liquide céphalorachidien.

Tableau 2 : Caractéristiques démographiques et source des échantillons pour les infections invasives à Neisseria meningitidis de sérogroupe W (MenW) en fonction de leur complexe clonal au Canada de 2009 à 2016
Données démographiques et source des échantillons Isolats ST-22
n (%)
Isolats ST-11
n (%)
Sexe
Hommes 20 (51 %) 13 (59 %)
Femmes 19 (49 %) 9 (41 %)
Âge
Moins de 12 mois 4 (10 %) 0
12-23 mois 4 (10 %) 0
2-5 ans 6 (15 %) 2 (10 %)
6-10 ans 1 (3 %) 0
11-20 ans 5 (13 %) 4 (18 %)
21-40 ans 5 (13 %) 2 (10 %)
41-60 ans 5 (13 %) 7 (31 %)
Plus de 60 ans 8 (21 %) 7 (31 %)
Inconnu 1 (3 %) 0
Source de l'échantillon
Sang 33 (84,6 %) 21 (95 %)
Liquide céphalorachidien 3 (7,7 %) 1 (5 %)
AutresTableau 2 - Note 1 3 (7,7 %) 0
Nombre total d'échantillons 39 (100 %) 22 (100 %)

Discussion

Entre 2009 et 2016, bien que le nombre total de cas de MI ait diminué au Canada, le pourcentage d'infections à MenW est passé de 2,7 % en 2012 à 18,8 % en 2016. Cette augmentation des cas d'infection à MenW a été associée à un changement clonal de la souche MenW, le complexe clonal ST-22 étant remplacé par le complexe clonal ST-11. La présence du clone MenW ST-11 émergent est maintenant documentée dans cinq provinces. Il apparaît souvent chez les adultes d'âge moyen et chez les personnes plus âgées.

Le complexe ST-11 est un complexe clonal hypervirulent établi de longue date qui a été identifié pour la première fois en 1917 dans une souche de sérogroupe B Note de bas de page 5. Au cours des années 60 et 70, le complexe clonal ST-11 a été associé à MenW en Amérique du Nord et en Europe Note de bas de page 5. Au milieu des années 80, une variante génétique du complexe clonal ST-11 à l'origine d'une MI chez des adolescents en Ontario a fait son apparition dans un clone de MenC appelé ET-15 Note de bas de page 22. Comme d'autres clones du complexe clonal ST-11, le clone ET-15 s'est rapidement propagé en Amérique du Nord et dans le reste du monde Note de bas de page 23. Le vaccin conjugué contre MenC a d'abord été inclus dans le programme d'immunisation pour enfants financé par l'État au Royaume-Uni en 1999 Note de bas de page 24. Au Canada, le vaccin conjugué contre MenC a été autorisé en avril 2001. À partir de 2002, certaines provinces ont mis sur pied des programmes d'immunisation régulière avec des vaccins conjugués contre MenC et, en 2007, toutes les provinces et tous les territoires avaient mis en place ce type de programme Note de bas de page 25.

La première éclosion majeure de MenW du complexe clonal ST-11 a eu lieu pendant le pèlerinage à la Mecque en 2000. Le retour des pèlerins dans leur pays a permis la dissémination de ce clone à l'échelle mondiale Note de bas de page 26. En Angleterre et au Pays de Galles, la présence accrue du clone MenW ST-11 a commencé à être remarquée en 2009-2010 Note de bas de page 27 et sa prévalence a augmenté chaque année jusqu'en 2015, année durant laquelle un programme de vaccination ciblé a été instauré Note de bas de page 28. Une augmentation similaire des infections à MenW attribuables au même clone est observée en Australie depuis 2013 Note de bas de page 29 ce qui a aussi mené à la création d'un programme de vaccination ciblé Note de bas de page 30. La présence du complexe clonal ST-11 est maintenant documentée dans un certain nombre d'autres pays du monde Note de bas de page 9Note de bas de page 10Note de bas de page 11Note de bas de page 12Note de bas de page 13Note de bas de page 14Note de bas de page 15.

Les isolats canadiens de MenW ST-11 expriment l'antigène de sérotype 2a et l'antigène du sous-type sérologique P1.5,2, typiques de ce complexe clonal Note de bas de page 31. Sur le plan antigénique, ces isolats se distinguent également des méningocoques appartenant au complexe clonal ST-22. À l'heure actuelle, aucune donnée ne suggère que cette apparition de MenW ST-11 découle d'une modification capsulaire touchant la souche MenC ST-11. Des recherches portant sur la formation de MenB ST-11 par modification capsulaire de MenC ST-11 donnent à penser que ces souches issues d'une modification capsulaire pourraient ne pas être assez stables pour se propager de façon endémique Note de bas de page 32. On pense plutôt que l'augmentation des isolats de MenW ST-11 au Canada et ailleurs est probablement due à l'expansion clonale d'une souche endémique Note de bas de page 25Note de bas de page 26.

Cette étude comporte toutefois deux limites. Tout d'abord, elle portait uniquement sur des cas confirmés par culture bactériologique et ne tenait pas compte des cas confirmés par test de polymérase en chaîne. Cependant, seulement près de 10 % des cas de MI confirmés au Canada entre 2006 et 2011 ont été diagnostiqués par test de polymérase en chaîne Note de bas de page 17 et aucune donnée ne suggère que les cas diagnostiqués par test de polymérase diffèrent de ceux confirmés par culture. Ensuite, cette étude n'inclut pas les données sur l'historique de vaccination antiméningococcique des patients infectés par MenW. Le vaccin conjugué quadrivalent contre les méningocoques A, C, W et Y procure une immunité protectrice contre MenW, mais il n'a pas été possible de déterminer si les patients avaient été vaccinés avant l'apparition de la maladie.

Certaines provinces canadiennes ont mis en œuvre des programmes fondés sur l'utilisation du vaccin conjugué quadrivalent contre les méningocoques A, C, W et Y et destinés aux élèves de niveau primaire et secondaire Note de bas de page 33. L'immunité protectrice offerte par ce vaccin quadrivalent à la population scolaire pourrait avoir modéré l'effet de l'expansion du clone MenW ST-11 au Canada. Fait important, le nombre d'infections à MenW identifiées au Canada a été inférieur au nombre d'infections identifiées au Royaume-Uni ou en Australie, où l'introduction d'un programme de vaccination est plus récente Note de bas de page 28Note de bas de page 30.

En outre, le tableau clinique de la MI attribuable au MenW ST-11 peut être atypique. En Angleterre, par exemple, une revue des cas d'infections à MenW chez les adolescents (âgés de 15 à 19 ans) a révélé que 7 patients sur 15 présentaient initialement des symptômes gastro-intestinaux aigus, comme des nausées, des vomissements et de la diarrhée; quatre patients ont reçu leur congé de l'hôpital, ce qui a retardé le diagnosticNote de bas de page 34. Dans une autre étude portant sur 129 patients infectés par MenW en Angleterre et au Pays de Galles entre 2010 et 2013, dont la moitié étaient âgés de 45 ans ou plus, 23 % des patients présentaient un tableau clinique atypique de pneumonie (12 %), d'arthrite septique (7 %) et d'épiglottite ou de supraglottite (4 %) Note de bas de page 26. Ces symptômes cliniques initiaux inhabituels peuvent avoir une influence sur le diagnostic précoce de la maladie. La rapidité du diagnostic de MI est importante pour le traitement du patient, la recherche de contacts et le contrôle de la maladie par la santé publique. Une surveillance continue de ces tendances est indiquée.

Conclusion

En résumé, la souche endémique traditionnelle MenW du complexe clonal ST-22 a été remplacée de manière soudaine par la souche MenW du complexe clonal ST-11 dans cinq provinces au Canada. Bien que le nombre global de cas d'infection à MenW au Canada demeure peu élevé, MenW est responsable de 19 % de tous les cas de MI. Faits intéressants pour les cliniciens et les professionnels de la santé publique, ce clone MenW ST-11 risque de causer des éclosions, a touché un groupe d'âge plus élevé au Canada et peut avoir un tableau clinique atypique. Le LNM poursuivra son programme de surveillance de la maladie, notamment par la caractérisation des souches en laboratoire.

Déclaration des auteurs

Tous les auteurs (R.S.W.T., L.H., .J.T., G.H., P.V.C., F.J., B.L., D.H., R.R.G., G.J.G., G.Z.) participent à la surveillance de la méningococcie invasive au Canada. R.S.W.T. a préparé la première ébauche, et tous les autres auteurs ont contribué à la version finale en ajoutant des commentaires et des suggestions.

Conflit d'intérêt

Aucun.

Remerciements

Nous souhaitons remercier le personnel des laboratoires de santé publique pour l'identification et l'envoi des isolats de N. meningitidis au LNM. Nous tenons aussi à remercier Dennis Law, Jianwei Zhou et Saul Deng pour leur aide dans l'analyse des souches en laboratoire, ainsi que le service de base de séquençage de l'ADN du LNM pour son aide dans le séquençage nucléotidique. Cette publication s'est appuyée sur le site Web de typage génomique multilocus de Neisseria élaboré par Keith Jolley et hébergé par l'Université d'Oxford (BMC Bioinformatics). La création de ce site a été financée par le Wellcome Trust et l'Union européenne.

Financement

La surveillance en laboratoire de la méningococcie invasive est financée par l'Agence de la santé publique du Canada.

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