Perspectives sur le Zika

RMTC

Volume 44-1, le 4 janvier 2018 : Planification des urgences

Éditorial

Le virus Zika : perspectives d’avenir

PK Muchaal 1

Affiliation

1 Centre des maladies infectieuses d’origine alimentaire, environnementale et zoonotique, Agence de santé publique du Canada. Guelph (Ontario)

Correspondance

pia.muchaal@canada.ca

Citation proposée

Muchaal PK. Le virus Zika : perspectives d’avenir. Relevé des maladies transmissibles au Canada. 2018;44(1):30-1. https://doi.org/10.14745/ccdr.v44i01a06f

Résumé

Après les vagues de cas d’infection par le virus Zika qui ont déferlé sur les Amériques de 2015 à 2016, la transmission du virus dans l’ensemble de l’hémisphère occidental a décliné en 2017. Entre le 8 juin et le 31 août 2017, seuls 16 nouveaux cas d’infection par ce virus, tous liés aux déplacements à l’extérieur du pays, ont été signalés au Canada. Cela représente une réduction de 88 % par rapport au nombre de cas signalés au cours de la même période en 2016. Le phénomène de l’immunité collective freine sans contredit la transmission du virus dans les régions endémiques. Toutefois, alors que la plupart des pays des Amériques n’observent plus de transmission continue sous la forme d’une épidémie qui gagne en ampleur au fil du temps, on observe cependant une résurgence dans certaines zones. Le virus Zika, dans la foulée des virus de la dengue, du Nil occidental et Chikungunya, est devenu une source d’envergure mondiale d’infections émergentes qui se propagent au-delà des zones géographiques où elles avaient l’habitude de se confiner. Bien que ce virus ne soit plus réputé constituer un risque de crise mondiale pour la santé, sa capacité particulière de causer de lésions neurologiques chez le fœtus demeure très préoccupante.

Après les vagues de cas d’infection par le virus Zika qui ont déferlé sur les Amériques de 2015 à 2016, la transmission du virus dans l’ensemble de l’hémisphère occidental a décliné en 2017, phénomène lié à celui de l’immunité collective et à l’effet de l’amélioration des campagnes de contrôle des moustiques. La transmission réduite du virus s’est reflétée dans la réduction du nombre d’infections liées au déplacement signalées par les autorités sanitaires, y compris l’Agence de la santé publique du CanadaNote de bas de page 1 les Centres américains pour le contrôle et la prévention des maladiesNote de bas de page 2 le Centre européen de prévention et de contrôle des maladiesNote de bas de page 3 Note de bas de page 4 et l’Organisation panaméricaine de la santéNote de bas de page 5.

Entre le 8 juin et le 31 août 2017, seuls 16 nouveaux cas d’infection par le virus Zika, tous liés aux déplacements à l’extérieur du pays, ont été signalés au Canada. Cela représente une réduction de 88 % par rapport au nombre de cas signalés au cours de la même période en 2016. Dans la partie continentale des États-Unis, 225 cas d’infection par le virus Zika, liés aux déplacements à l’extérieur du pays, ont été déclarés le 11 octobre 2017, en comparaison d’un nombre total de 5 259 infections recensées chez les voyageurs qui ont séjourné dans les régions touchées en 2016Note de bas de page 2. Le nombre de cas liés aux maladies à transmission locale et vectorielle sur le territoire continental américain a également diminué : une infection transmise par les moustiques et acquise localement a été déclarée en 2017 (données provisoires) en comparaison de 225 cas endémiques causés par les moustiques en 2016Note de bas de page 2. Dans le même ordre d’idées, les données de la surveillance exercée par les pays de l’Union européenne et de l’Espace économique européen ont affiché un net déclin du nombre de cas confirmés chez les voyageurs qui revenaient des Caraïbes, de l’Amérique centrale et de l’Amérique du Sud depuis la fin de 2016 jusqu’au début de l’année suivante (3). En date du 29 août 2017, aucun cas à transmission vectorielle et locale n’a été déclaré dans les pays membres de l’Union européenne ou de l’Espace économique européenNote de bas de page 5. L’absence de l’espèce Aedes aegypti, la distribution limitée de l’espèce européenne Aedes albopictus et les conditions environnementales actuelles limitent le risque de transmission du virus Zika dans l’Union européenneNote de bas de page 3 Note de bas de page 4.

Le phénomène de l’immunité collective freine sans contredit la transmission du virus dans les régions endémiques. Cependant, la transmissibilité du virus Zika, comme les autres maladies à transmission locale et vectorielle, est associée à l’hétérogénéité spatiale (variations régionales de la densité des moustiques), aux variations saisonnières du nombre d’individus du genre Aedes et des températures locales qui influent sur la compétence vectorielle (c’est-à-dire la capacité du moustique d’acquérir, de maintenir et de transmettre ce virus). Les autres caractéristiques de la population exposée (logement et autres facteurs socioéconomiques) permettent d’établir la proportion de la population qui est exposée au vecteurNote de bas de page 6. Les interactions complexes de ces variables contribuent à faire diminuer ou augmenter les taux d’infection qui dépendent du statut immunitaire de la population hôte.

Alors qu’on n’observe plus dans la plupart des pays des Amériques de transmission continue sous la forme d’une épidémie qui gagne en ampleur au fil du temps, certaines zones affichent une résurgence importante de cas, notamment chez les Autochtones et dans des régions géographiques où la transmission de l’infection est un phénomène nouveauNote de bas de page 7. Environ 50 % des cas confirmés au Mexique et déclarés entre les mois de janvier et d’août 2017 sont survenus dans trois régions où des activités d’intensité seulement minimale avaient été documentées dans le passéNote de bas de page 5. Au cours des premiers mois de l’année, l’Équateur a signalé une augmentation des cas d’infection par le virus Zika, ce qui s’est soldé par le déferlement d’une deuxième vague distincte après le déclin du nombre de cas au milieu de l’année 2016Note de bas de page 8. Au Pérou, l’augmentation du nombre d’infections a entraîné la déclaration de 800 cas par l’Organisation panaméricaine de la santé au plus fort de l’épidémie en mars 2017, soit une augmentation quatre fois supérieure au niveau maximal atteint en 2016Note de bas de page 9. L’Argentine a signalé la survenance de cas d’infection sporadique du virus en 2016, suivie d’une tendance à la hausse des cas confirmés en 2017, soit entre les mois de janvier (26 cas) et d’avril (63 cas). Le 31 août 2017, l’Argentine a informé l’Organisation panaméricaine de la santé de ses 276 cas confirmésNote de bas de page 10.

Le virus Zika est présent en Afrique depuis plus de 60 ans. En Asie, le virus a été découvert pour la première fois en 1966 et nous savons qu’il était présent au Cambodge, au Laos et au Vietnam avant 2015. En Asie du Sud-Est, seule Singapour a souffert d’une épidémie liée au virus ZikaNote de bas de page 11. Ces deux continents ont été épargnés par les épidémies de magnitude équivalente à celles qu’ont connues les Amériques, et ce, malgré la mondialisation des voyages, la transmission du virus par plusieurs espèces de moustiques et des conditions écologiques favorables à la transmission. Bien que les données probantes recueillies lors d’une étude à Singapour aient indiqué que le virus Zika pourrait facilement être introduit dans une région dotée d’un excellent niveau de lutte antivectorielle de base, nous ne savons toujours pas si l’Asie risque d’être touchée par une importante épidémie causée par cet agent pathogèneNote de bas de page 11.

Le virus Zika, dans la foulée des virus de la dengue, du Nil occidental et Chikungunya, est devenu une source d’envergure mondiale d’infections émergentes qui se propagent au-delà des zones géographiques où elles avaient l’habitude de se confiner. Bien que ce virus ne soit plus réputé constituer un risque de crise mondiale pour la santé, sa capacité particulière de causer de lésions neurologiques chez le fœtus demeure très préoccupante. Bien que le risque pour les Canadiens soit surtout associé à leurs voyages dans les zones touchées, l’impact potentiel du changement climatique sur l’arrivée d’espèces invasives de moustiques potentiellement pathogènes doit être éclairé par une surveillance et une recherche continues.

Conflit d’intérêt

Aucun.

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