Prévention des infections dans les établissements de services personnels

RMTC

Volume 45-1, le 3 janvier 2019 : Défis liés au contrôle des infections

Aperçu

Prévention des infections dans les établissements de services personnels : éléments probants, lacunes et voie à suivre

A Popalyar1, J Stafford2, T Ogunremi1, K Dunn1

Affiliations

1 Centre de la lutte contre les maladies transmissibles et les infections, Agence de la santé publique du Canada, Ottawa (Ontario)

2 Soins actifs, Prévention et contrôle des infections, ministère de la Santé, gouvernement du Nouveau-Brunswick, Fredericton (N.-B.)

Correspondance

kathleen.dunn@canada.ca

Citation proposée

Popalyar A, Stafford J, Ogunremi T, Dunn K. Lignes directrices pour la prévention des infections dans les établissements de services personnels : éléments probants, lacunes et voie à suivre. Relevé des maladies transmissibles au Canada 2019;45(1):1-12. https://doi.org/10.14745/ccdr.v45i01a01f

Mots-clés : Services personnels, infection, prévention, atténuation des risques

Résumé

Contexte : Les services personnels représentent un secteur en constante évolution qui englobe toute une gamme de traitements esthétiques et de services d’amélioration corporelle. Les services personnels constituent un enjeu de santé publique important, puisque leur prestation peut poser des risques sanitaires tant pour les clients que pour les travailleurs. À ce jour, il y a peu de preuves attestant les risques d’infection particuliers associés aux services personnels et l’ampleur de ces risques. Bien qu’il y ait des lignes directrices et une réglementation qui s’appliquent aux établissements de services personnels, la portée et la complexité de celles-ci varient à travers le Canada.

Objectifs : Résumer la documentation pertinente portant sur les risques d’infection associés aux services personnels; procéder à une analyse du contexte des lignes directrices et des règlements provinciaux et territoriaux existants; déterminer les principales mesures d’atténuation des risques; et résumer les lacunes et les enjeux connexes.

Méthodologie : Un groupe d’experts en la matière au pays a été mis sur pied pour une consultation sur les principaux enjeux. Une revue narrative de la littérature a été faite pour résumer les constatations des articles pertinents. Des questions clés et une stratégie de recherche dans la littérature ont été élaborées, et des articles ont été examinés et soumis à une évaluation critique afin d’en déterminer l’admissibilité. Une analyse du contexte des principales directives a également été faite afin de déterminer les lois et les lignes directrices pertinentes. Les constatations de la revue narrative et de l’analyse de contexte ont été résumées afin de guider le processus et de cerner les lacunes.

Résultats : La revue de la littérature a permis de déterminer des facteurs associés avec des risques d’infection accrus, notamment une formation inadéquate des travailleurs dans les établissements de services personnels et la non-conformité avec les principes établis de prévention des infections. L’analyse du contexte a démontré que certaines lignes directrices ont été élaborées par des ministères de la santé provinciaux et territoriaux d’après des principes de prévention des infections de base généralement admis. L’ensemble de la preuve établi qui éclaire les recommandations en matière de prévention et de maîtrise des infections est valide dans les établissements de soins de santé; cependant, il faut prendre en compte certains facteurs dans l’extraction et l’application de ces lignes directrices aux établissements de services personnels. Il reste des lacunes et enjeux majeurs pour favoriser l’amélioration des lignes directrices en matière de prévention des infections et l’élaboration de meilleurs cadres de réglementation, applicables aux établissements de services personnels au Canada.

Conclusion : La présente revue a nécessité un examen exhaustif de la littérature pertinente et elle résume les enjeux relatifs aux risques d’infection dans les établissements de services personnels. Il existe très peu de preuves de grande qualité à l’appui des lignes directrices, et les constatations révèlent la nécessité d’une enquête plus approfondie et d’une sensibilisation accrue aux risques pour la santé publique associés aux services personnels. Néanmoins, ces constatations pourront guider des recherches à venir et l’élaboration de lignes directrices et de recommandations en matière de prévention et de maîtrise des infections dans ce contexte.

Introduction

Le secteur des services personnels, en constante évolution, englobe une gamme de traitements esthétiques et de services d’amélioration personnelle, depuis des procédures non invasives (comme les services de soins capillaires et de soins des ongles) jusqu’aux procédures invasives, comme la microperforation et d’autres procédures de modification corporelle. Bon nombre de ces services supposent la pénétration, intentionnelle ou non, des défenses du corps, posant ainsi des risques d’infection pour les clients et pour les travailleurs dans les établissements de services personnels.

On en sait peu sur les risques d’infection particuliers associés à ces services. En outre, il n’existe pas de système de surveillance national pour les complications découlant de la prestation de services personnels au Canada. Bien qu’il existe des lignes directrices et une réglementation relatives aux services personnels, la portée et la complexité de celles-ci varient dans tout le Canada. Étant donné le peu d’éléments probants indiquant que des maladies auraient été contractées dans des établissements de services personnels, les principes généraux de prévention des infections sont appliqués; il se pourrait que cela ne s’applique pas directement au secteur.

Le présent article vise à résumer la littérature pertinente dont on dispose sur les risques d’infection liés aux services personnels; à faire une analyse de contexte des lignes directrices et règlements actuels des ministères de la santé provinciaux et territoriaux; à énoncer les principes de prévention des infections généralement acceptés dans les établissements de services personnels; et à résumer les lacunes et les enjeux principaux. Cet article tâche de favoriser une plus grande prise de conscience au regard de la santé publique et sert de ressource aux personnes qui envisagent d’élaborer des lignes directrices ou des règlements dans ce domaine.

L’examen des lignes directrices sur la pratique, des recommandations, des exposés de principes et autres, produits par des associations professionnelles de services personnels et de santé publique ou par des programmes éducatifs, ne fait pas partie des visées du présent article.

Méthodologie

Groupe d’experts

En 2013, un groupe d’experts a été établi pour renseigner l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) sur les enjeux relatifs aux services personnels et pour élaborer des lignes directrices sur la prévention des infections dans ce contexte. Les experts en la matière comptaient du personnel infirmier en santé publique, des inspecteurs et des spécialistes de la prévention et de la maîtrise des infections de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick, de l’Ontario, du Manitoba et de l’Alberta. Le groupe d’experts a passé en revue les constatations de la recherche documentaire et de l’analyse de contexte.

Revue de la littérature

Une revue narrative de la littérature a été faite afin de déterminer et de résumer les constatations des études pertinentes sur les risques d’infection associés aux services personnels et d’éclairer l’élaboration de lignes directrices. Les principales questions portaient sur la prévalence, les facteurs de risque d’infection et les stratégies de prévention des infections pour les trois catégories de services personnels visées : perçage corporel, autres services effractifs et services non effractifs. Le personnel de la Bibliothèque de la santé (Santé Canada) a entrepris une vaste recherche documentaire dans les bases de données PubMed, Embase, Global Health, Ovid MEDLINE, Ovid MEDLINE Daily et Ovid OLDMEDLINE pour les études publiées entre janvier 1999 et décembre 2016.

La recherche a été limitée aux études en anglais et en français, sans l’application d’un filtre qui aurait restreint l’extraction en fonction du modèle d’étude. Les textes complets de toutes les études extraites ont été analysés manuellement afin d’isoler celles qui traitaient du recours à l’une des catégories de services suivantes :

  • modification corporelle (c.-à-d. perçage d’oreille/corporel, tatouage corporel/globe oculaire, micropigmentation, scarification, bifurcation de la langue, perlage, implants microdermaux, implant de bijoux oculaires, marquage)
  • injections (c.-à-d. agents de remplissage)
  • cosmétologie (c.-à-d. soins esthétiques, services de coiffure/barbier, rasage, abrasion microdermique, soins du visage, ongles artificiels, manucure, pédicure, maquillage, peinture faciale, épilation à la cire, électrolyse)
  • autres services personnels (c.-à-d. centre d’esthétique corporelle/clinique de la peau, bain à vapeur/de boue, service de soins au laser, notamment épilation, restauration de l’épiderme, massage, bronzage, aromathérapie, blanchiment des dents, irrigation du côlon, bain flottant, hydrothérapie)

ET la manifestation de l’un ou l’autre des problèmes suivants :

  • infection de la peau/des tissus mous
  • infection transmise par le sang (p. ex. hépatite B, hépatite C, VIH, autre)
  • infection généralisée (p. ex. endocardite, septicémie ou autre)

Analyse du contexte

Une analyse de contexte des sites Web de ministères de la santé a été effectuée afin de déterminer les lignes directrices, les normes et les réglementations provinciales et territoriales en matière de services personnels.

Les principes directeurs pour la prévention et la maîtrise des infections, applicables dans le contexte de la prestation de services personnels, ont été déterminés et résumés.

Résumé des résultats

Groupe d’experts

Les enjeux et les lacunes cernés par les inspecteurs en santé publique et les spécialistes de la prévention et de la maîtrise des infections ont mis en lumière la nécessité de favoriser une plus grande prise de conscience, de même que d’améliorer les lignes directrices et la réglementation.

Revue de la littérature

Des 729 articles relevés pour l’analyse préliminaire, 555 étaient des critiques ou des résumés analytiques, et ont donc été exclus. En outre, 92 articles ne répondaient pas aux critères de recherche visés. Une évaluation critique des 82 études restantes a été faite au moyen du document Lignes directrices pour la prévention et le contrôle des infections : Trousse d’outils de l’évaluation critique de l’ASPC Note de bas de page 1, et 31 autres articles ont été éliminés en raison de lacunes dans la méthodologie (n = 16) ou dans l’analyse des résultats (n = 15). Ainsi, 51 articles portant sur les risques d’infection associés aux services personnels ont été retenus.

Risques d’infection et de transmission

Les risques relevés dans la documentation étaient très variés. L’information sur les risques d’infection et l’ampleur de ces risques relativement aux établissements de services personnels au Canada était limitée, mais un certain nombre d’études ont cerné des facteurs associés à une augmentation des risques d’infection dans les établissements de services personnels dans d’autres pays :

Parmi les constatations particulières liées à des manquements aux pratiques de prévention des infections recommandées, ou à la non-conformité avec celles-ci, mentionnons :

Les études ont révélé que les infections associées à la prestation de services personnels peuvent être bactériennes Note de bas de page 38Note de bas de page 42Note de bas de page 43Note de bas de page 44Note de bas de page 45Note de bas de page 46, virales Note de bas de page 47Note de bas de page 48Note de bas de page 49Note de bas de page 50Note de bas de page 51Note de bas de page 52 ou fongiques Note de bas de page 53. Les risques de transmission de virus transmissibles par le sang dans les établissements de services personnels varient en fonction des connaissances ou de l’adoption de mesures efficaces de prévention des infections établies Note de bas de page 54Note de bas de page 55Note de bas de page 56Note de bas de page 57Note de bas de page 58, ou les deux. Les facteurs de risque propres à l’exposition à des infections transmissibles par le sang pendant la prestation de services personnels comprennent ce qui suit :

  • le contact possible avec du sang quand des contenants pour objets piquants ou tranchants ne sont pas placés à portée de la main, entraînant la manipulation inutile d’objets piquants ou tranchants contaminés et des blessures; l’élimination inadéquate d’objets piquants ou tranchants, par exemple en les remballant ou en les jetant dans les ordures ménagères
  • la contamination croisée d’instruments et de surfaces
  • la réutilisation d’instruments et d’équipement jetables, comme des rasoirs et des crayons hémostatiques
  • la désinfection et la stérilisation imparfaites de l’équipement
  • le traitement inadéquat des coupures et des abrasions chez les travailleurs des établissements de services personnels
  • une mauvaise hygiène des mains et l’utilisation inadéquate des gants
  • le manque de connaissances en ce qui a trait aux bonnes procédures et aux modes de transmission des pathogènes transmissibles par le sang
  • une protection vaccinale lacunaire (p. ex. dans le cas de l’hépatite B)

Analyse du contexte

L’analyse du contexte a été limitée aux sites Web de ministères de la santé provinciaux et territoriaux pour déterminer les lois et les réglementations pertinentes, de même que les lignes directrices, les pratiques et les normes approuvées. La portée et la complexité des lignes directrices et des réglementations applicables aux établissements de services personnels varient dans tout le Canada (tableau 1). L’examen des lignes directrices sur la pratique, des recommandations, des exposés de principes et autres, produits par des associations professionnelles de services personnels et de santé publique ou par des programmes éducatifs, ne faisait pas partie des visées de cette analyse.

Tableau 1 : Résumé des lignes directrices, normes, protocoles, lois et règlements provinciaux et territoriaux publiés applicables aux services personnels
Province ou Territoire Lignes directrices, normes, protocoles et autres Lois, réglementations et règlements
Terre-Neuve-et-Labrador S.O. Personal Services Act, 2012 Note de bas de page 59
Île-du-Prince-Édouard Guidelines for Tanning Salon Owners and Operators, 2011 Note de bas de page 60Tableau 1 note a PEI Public Health Act, 2018 Note de bas de page 61
Nouvelle-Écosse Salon and Spa Compliance Handbook, aucune date Note de bas de page 62 Safe Body Art Act, 2011 Note de bas de page 63
Health Protection Act, 2016 Note de bas de page 64
Safe Body Art Regulations, 2018 Note de bas de page 65
Nouveau-Brunswick S.O. Projet de loi 56, Loi sur la santé publique du Nouveau-Brunswick, 1998 Note de bas de page 66
Québec Tatoueurs et perceurs – Protégez vos clients et protégez-vous contre le VIH et les hépatites B et C, 1999 Note de bas de page 67 S.O.
Ontario Infection Prevention and Control Best Practices for PersonalServices Settings, 2009 Note de bas de page 68
Protocole concernant les déclarations relatives aux pratiques de prévention et de contrôle des infections, 2018 Note de bas de page 69
Protocole concernant les plaintes relatives aux pratiques de prévention et de contrôle des infections, 2018 Note de bas de page 70
Ligne directrice relative aux établissements de soins personnels, 2018 Note de bas de page 71
Normes de santé publique de l’Ontario : exigences relatives aux programmes, aux services et à la responsabilisation, 2018 Note de bas de page 72
Loi sur la protection et la promotion de la santé, Règlement de l’Ontario 136/18 : Établissements de services personnels, 2018 Note de bas de page 73
Manitoba Personal Services Facility Guideline, 2013 Note de bas de page 74 S.O.
Saskatchewan Personal Service Facility Best Management Practices, 2014 Note de bas de page 75 The Health Hazard Regulations, 2002 Note de bas de page 76
Alberta Health Standards and Guidelines for Tattooing, 2002 Note de bas de page 77
Health Standards and Guidelines for Body and Ear Piercing, 2002 Note de bas de page 78
Health Standards and Guidelines for Barbering and Hairstyling, 2002 Note de bas de page 79
Health Standards and Guidelines for Esthetics, 2002 Note de bas de page 80
Health Standards and Guidelines for Electrolysis, 2002 Note de bas de page 81
Public Health Personal Services Regulation, 2003 Note de bas de page 82
Colombie-Britannique Guidelines for Personal Services Establishments, 2017 Note de bas de page 83
Guidelines ForBody Modification, 2017 Note de bas de page 84
Guideline for Personal Services Offered at Tradeshows, 2016 Note de bas de page 85
Guidelines for Floatation Tanks, 2016 Note de bas de page 86
Laser Hair Removal Devices: Safety Guidelines for Owners/Operators, 2005 Note de bas de page 87
Microblading Services in Personal Service Establishments – Fact Sheet for Operators, 2017 Note de bas de page 88
Public Health Act, Regulated Activities Regulation, 2011 Note de bas de page 89
Yukon Personal Service Premises Inspection Model, 2013 Note de bas de page 90 Loi sur la santé publique –
Règlement concernant les entreprises de services personnels
, 1984 Note de bas de page 91
Territoires du Nord-Ouest Normes applicables aux établissements qui dispensent des services aux particuliers, 2012 Note de bas de page 92 Loi sur la santé publique – Règlement sur les établissements qui dispensent des services aux particuliers, 2013 Note de bas de page 93
Nunavut S.O. Loi sur la santé publique, 2016 Note de bas de page 94
Règlement sur les salons de barbier et les salons de beauté, 1990 Note de bas de page 95

Mesures d’atténuation des risques générales

L’étendue des services personnels est très vaste et il peut falloir des lignes directrices différentes pour la prévention des infections dans le cas de services et de contextes différents. Les mesures clés généralement acceptées qui réduisent les risques d’infection sont résumées au tableau 2. L’emploi uniforme de pratiques et de précautions de prévention des infections aide à éviter de contracter et de transmettre des infections. Les principes généraux de prévention des infections énoncés au tableau 2 ne sont pas exhaustifs et sont fondés sur les principes de prévention des infections de base établis dans la ligne directrice de l’ASPC : Pratiques de base et précautions additionnelles visant à prévenir la transmission des infections dans les milieux de soins Note de bas de page 96.

Tableau 2 : Principes généraux de prévention des infections pour l’atténuation des risques d’exposition aux infections dans les établissements de services personnels
Mesure d’atténuation des risques Contexte supplémentaire
Mesures administratives
  • Les mesures administratives fournissent une infrastructure de protocoles et de pratiques qui visent à prévenir les risques d’infection chez les travailleurs et les clients dans les établissements de services personnels
  • Les mesures administratives comprennent les politiques et les procédures de prévention des infections; la sensibilisation et la formation (ajoutées à des ressources facilement accessibles comme des directives et des manuels); l’utilisation adéquate de l’équipement et des instruments; la surveillance de la conformité aux pratiques de prévention des infections; les bonnes pratiques de santé et de sécurité au travail (p. ex. l’immunisation des travailleurs); et la documentation et la tenue de dossiers (p. ex. les dossiers de désinfection et de stérilisation), conformément avec les lois et les normes municipales et provinciales et territoriales
Évaluation des risques
  • Elle doit être faite avant la prestation de tout service personnel afin d’évaluer les risques d’infection ou de contamination croisée associés avec une activité et de mettre en œuvre les mesures de prévention adéquates
  • L’évaluation suppose de déterminer les contacts possibles avec le sang, les liquides organiques et la peau non intacte pour le travailleur ou le client, l’exposition à des muqueuses et à des surfaces ou à de l’équipement contaminés
Hygiène des mains
  • Il s’agit de la mesure la plus importante pour prévenir la transmission de micro-organismes dans tous les contextes
  • Le lavage des mains doit se faire (conformément à la ligne directrice Pratiques en matière d’hygiène des mains dans les milieux de soins de l’ASPC et des lignes directrices provinciales ou territoriales) à l’aide d’un désinfectant pour les mains à base d’alcool, ou d’un savon liquide et d’eau, lorsque les mains sont visiblement souillées Note de bas de page 97
  • Les gants ne doivent pas remplacer l’hygiène des mains
Nettoyage et désinfection des zones de travail
  • Ils aident à réduire la contamination des surfaces, les risques de transmission des micro-organismes qui peuvent provoquer des infections chez les clients et les travailleurs
  • Il faut suivre les directives des fabricants pour l’utilisation et les temps de contact pour les produits de nettoyage et de désinfection
  • Les surfaces à faible risque (p. ex. les tables couvertes d’une serviette à usage unique, les fauteuils de coiffure ou les éviers pour le lavage des cheveux) posent moins de dangers d’infection puisque, en général, ils ne sont en contact qu’avec la peau intacte. Ces surfaces doivent être nettoyées dès qu’elles sont souillées, et au moins une fois par jour Note de bas de page 98
  • Les surfaces à risque plus élevé (p. ex. tables de manucure ou de pédicure non couvertes avec une serviette à usage unique, comptoirs utilisés pour préparer le matériel, équipement utilisé pour les procédures ou les bains de pied) posent un danger de contamination accru en raison d’un contact possible avec de la peau non intacte et du sang ou d’autres liquides organiques. Ces surfaces devraient être nettoyées et désinfectées entre chaque client et dès qu’elles sont visiblement souillées Note de bas de page 98
Appareils et produits à usage unique
  • Si possible, des appareils et des produits à usage unique doivent être utilisés, et s’il y a lieu, les numéros de lot et les dates d’expiration doivent être vérifiés avant l’utilisation
  • Les appareils et les produits à usage unique doivent être jetés après un seul usage : ils ne doivent pas être retraités, réutilisés ou conservés dans le milieu de service pour un usage éventuel, avec le même client ou un autre
Retraitement des appareils réutilisables
  • Le degré de retraitement nécessaire pour un appareil réutilisable particulier dépend de l’usage prévu et des risques d’infection pour le client
  • Tous les appareils réutilisables doivent être méticuleusement nettoyés avant la désinfection ou la stérilisation
  • Les appareils réutilisables qui servent à la prestation de services à des clients doivent être retraités conformément aux directives du fabricant pour le nettoyage, la désinfection et la stérilisation, et aux plus récentes normes de retraitement de l’Association canadienne de normalisation. En l’absence de directives particulières du fabricant, les décisions relatives au retraitement devraient être fondées sur les recommandations en matière de pratiques de base provinciales ou territoriales Note de bas de page 96, ou être prises en fonction de la classification de Spaulding Note de bas de page 99

Lacunes et enjeux

Suivant l’examen des constatations de la revue narrative et de l’analyse de contexte, de même que les discussions du groupe d’experts, un certain nombre de lacunes et d’enjeux ont été relevés. Ils sont résumés au tableau 3.

Tableau 3 : Lacunes et enjeux associés à la prévention des infections et hors de la portée de la prévention des infections
Lacune ou enjeu concernant Contexte
Concernant la prévention des infections
Contexte Les lignes directrices et les normes pour la prévention des infections dans les milieux de soins de santé ne s’appliquent pas directement aux établissements de services personnels
  • En général, les clients des établissements de services personnels sont en meilleure santé que la majorité des clients servis dans les établissements de soins de santé
  • Les établissements de services personnels sont souvent des petites entreprises; la faisabilité de la mise en œuvre de lignes directrices et de normes constitue un facteur important
  • L’organisation physique et la conception de ces établissements peuvent poser des enjeux en matière de prévention des infections. Les services personnels ne sont plus seulement dans des établissements commerciaux traditionnels; ils peuvent être fournis dans des contextes mobiles, à domicile, dans des kiosques de centres commerciaux et dans le cadre d’événements spéciaux. Peu de lignes directrices et de normes dans l’industrie traitent de ces enjeux directement. Les lignes directrices et les normes actuelles visent davantage les établissements commerciaux permanents (p. ex. les magasins dans des aires de vente au détail) et ne s’appliquent pas nécessairement à d’autres contextes
Documentation et données limitées et de piètre qualité concernant les risques d’infection et le fardeau de la maladie associés aux établissements de services personnels
  • Aucune étude canadienne n’a été publiée sur la prévention des infections dans les établissements de services personnels; les données obtenues proviennent d’éléments probants de piètre qualité, notamment d’études de cas
Les recommandations pour le nettoyage et la désinfection, notamment les recommandations concernant les produits utilisés pour nettoyer et désinfecter, sont de portée et de complexité variées
  • Les pratiques de nettoyage et de désinfection ne sont pas uniformes
  • La disponibilité et l’achat de produits de désinfection standardisés dans la pratique communautaire peuvent poser des défis
  • Il en va de même pour les produits antiseptiques. Certains établissements optent pour des produits de rechange qui peuvent ne pas convenir pour l’antisepsie
Sensibilisation et formation en matière de prévention des infections La sensibilisation et la formation des travailleurs sur la prévention des infections ne sont pas réalisables (ou exécutoires) dans beaucoup d’établissements de services personnels
Les vérifications des milieux de travail et des pratiques par du personnel spécialement formé en prévention des infections ne sont pas toujours possibles dans les établissements de services personnels
Hors de la portée de la prévention des infections
Infrastructure juridique Il est difficile de définir clairement les services personnels pour l’ensemble des territoires de compétence, puisqu’il s’agit d’un secteur en constante évolution. Il y a des listes de procédures offertes dans ces établissements; cependant, elles deviennent rapidement désuètes et ne sont pas uniformes d’un territoire de compétence à un autre
Les lignes directrices et les réglementations des territoires de compétence concernant les procédures et les normes acceptables peuvent être limitées pour les travailleurs non réglementés. Des questions entourent le type de procédures acceptables pour la prestation par des travailleurs d’établissements de services personnels par rapport aux professionnels de la santé
Des professionnels de la santé fournissent des services dans des milieux de soins d’esthétique corporelle, ce qui crée une zone grise pour les inspecteurs en santé publique. Alors que la pratique des travailleurs dans les établissements de services personnels relève de la compétence de l’organisme de réglementation professionnelle, l’établissement qui fournit les services peut nécessiter une inspection de santé publique s’il est hors du mandat d’une autorité sanitaire
Sécurité des clients Les produits chimiques et les dispositifs utilisés dans les établissements de services personnels peuvent causer des blessures, entre autres les produits et instruments qui servent à l’application d’énergie (p. ex., lasers, cryolipolyse, salles de cryothérapie, plasmatechnologie) et les injections (p. ex. mésothérapie). Les organismes de santé ont en place des protocoles, des procédures et des mesures de surveillance pour s’assurer que les appareils et les produits sont utilisés de façon sûre et pour intervenir en cas de blessures; bon nombre d’établissements de services personnels ne disposent pas de ce type d’infrastructure
Santé Canada homologue les instruments, les produits et les produits chimiques médicaux qui peuvent être vendus au Canada, mais d’autres substances non homologuées au Canada peuvent être achetées sur le marché international sur l’Internet
Le public n’a pas toujours accès aux rapports d’inspection qui pourraient l’aider à faire un choix dans le contexte des services personnels
Compétences et connaissances des travailleurs Des incertitudes entourent la portée de la pratique, en particulier pour les travailleurs qui n’ont pas d’organisme de réglementation professionnelle
De nombreux travailleurs n’ont pas reçu d’enseignement et de formation normalisés officiels à l’égard des services qu’ils fournissent. Ils peuvent être autodidactes ou avoir appris d’un autre travailleur
La majorité des établissements de services personnels exigent un permis d’exploitation, mais la pratique des travailleurs n’est pas toujours réglementée par une association ou un collège professionnels

Discussion

La prévention des infections dans le secteur des services personnels suscite des préoccupations. Le présent article décrit certaines des préoccupations du point de vue de la santé publique, d’après des études publiées et une analyse de contexte des lignes directrices et des réglementations accessibles sur les sites Web des ministères de la santé provinciaux et territoriaux. En outre, les lacunes et les enjeux présentés constituent une liste préliminaire des principaux problèmes cernés par le groupe d’experts externes et ne tiennent pas compte de toute la portée ou de toute la complexité des défis auxquels la santé publique doit faire face en général.

Les résultats de la revue de la littérature ont révélé des limites importantes relativement à la comparabilité et à l’applicabilité des éléments probants disponibles au contexte canadien des établissements de services personnels. Ces limites comprenaient notamment des défis quant à la qualité des éléments probants, et des limites à l’extraction de données des études de cas, des auto-évaluations, des échantillonnages de laboratoire, des dossiers médicaux et des questionnaires de sondage. Les principes généraux et les éléments de base en matière de prévention des infections proviennent d’un ensemble de données probantes qui éclairent les recommandations pour la pratique dans les milieux des soins de santé; cependant, certains enjeux découlent de l’application de mesures d’un contexte à un autre. Au moment de l’extraction de lignes directrices propres aux établissements de soins de santé et de leur adaptation aux établissements de services personnels, certaines mesures peuvent ne pas être pertinentes ou directement applicables.

Ce secteur continue d’évoluer et des procédures et des services nouveaux apparaissent dans toute la gamme des services personnels. La majorité des publications et des rapports disponibles mettent l’accent sur le tatouage et le perçage; cependant, certains domaines de services personnels n’ont pas encore fait l’objet de publication de données. Il s’agit, par exemple, de services de modification corporelle (bifurcation de la langue, marquage et scarification), de salons de manucure et d’appareils au laser utilisés pour l’amélioration corporelle. Il faudra enquêter davantage pour tenir compte de la vaste gamme de services et des risques d’exposition et de transmission des infections dans le contexte canadien.

La faisabilité de la mise en œuvre de normes de prévention des infections peut poser un défi pour d’autres petites entreprises de services personnels. L’organisation physique et la conception de ces établissements peuvent poser des enjeux en matière de prévention des infections. Il y a peu d’éléments probants et de données concernant les risques d’infection de ces milieux, les pratiques de nettoyage et de désinfection ne sont pas uniformes, et la sensibilisation et la formation des travailleurs sur la prévention des infections sont également limitées en fonction des ressources mises à leur disposition.

En ce qui a trait à l’infrastructure juridique, des difficultés à définir les services personnels entraînent des enjeux en matière de territoire de compétence et de réglementation, et créent des zones grises pour la santé publique. La sécurité des clients constitue une grande préoccupation, surtout en ce qui a trait à l’utilisation de produits chimiques et d’appareils dans le contexte des services personnels. Une sensibilisation et une formation normalisées et uniformes des travailleurs dans des établissements de services personnels sont nécessaires.

Bien que certains organismes, dont le Centre de collaboration nationale en santé environnementale et l’Institut canadien des inspecteurs en santé publique, continuent d’examiner les enjeux en matière de services personnels et d’y consacrer des efforts, il faudra poursuivre le travail. Des études canadiennes sur la prévention des infections dans les établissements de services personnels sont recommandées afin de fournir des renseignements sur les voies de transmission et les risques d’infection, et de permettre d’évaluer le fardeau de la maladie dans le contexte des services personnels au Canada. Comme le secteur est en constante évolution, il faut aussi être à l’affût des nouveaux services, tout en travaillant sur les lois, les règlements, les lignes directrices, l’octroi de licences et la sensibilisation du public.

Conclusion

Le secteur des services personnels est en constante évolution et il englobe une gamme de traitements esthétiques et de services d’amélioration personnelle, notamment des procédures effractives et non effractives, auxquels sont associés des risques d’infection pour les clients et les travailleurs. Cet aperçu comporte un résumé de la réglementation et des lignes directrices dans des territoires de compétence provinciaux et territoriaux. Les constatations ont été tirées de la participation d’experts en la matière, en plus des résultats de la revue narrative et de l’analyse de contexte.

En dépit du peu d’éléments probants à propos des risques d’infection associés avec ces services, des rapports et des publications précisent des facteurs contributifs et des constatations qui peuvent servir à éclairer les stratégies d’atténuation des risques. Actuellement, il n’y a pas de système de surveillance établi pour les données sur les complications associées aux services personnels au Canada. Ce résumé précise les lacunes et les enjeux à l’égard d’une plus grande sensibilisation en matière de santé publique, et les occasions d’aborder les préoccupations en santé publique par l’entremise de la politique, de la réglementation et des lignes directrices, dans un effort pour promouvoir et surveiller les pratiques exemplaires qui favorisent la santé des Canadiens.

Déclaration des auteurs

A. J. – Examen des données, rédaction – rédaction de l’ébauche initiale, révision et édition
J. S. – Collecte et analyse des données et interprétation, rédaction – révision et édition
K. D. – Conceptualisation et rédaction – révision et édition, surveillance et administration du projet
T. O. – Rédaction – révision et édition

Conflit d’intérêts

Aucun

Collaborateurs

Les auteurs souhaitent remercier les membres suivants du groupe d’experts pour leur expertise en la matière, leurs contributions au projet qui a éclairé cet article, et leurs commentaires à propos des premières ébauches de l’article.

Jane Stafford (présidente), ministère de la Santé, gouvernement du Nouveau-Brunswick (N.-B.)
Brenda Dyck, Winnipeg (Man.)
Carrie Fraser, ministère de la Santé et du Mieux-être de la Nouvelle-Écosse, Inverness (N.-É.)
Brenda Kwan, Durham Region Health Department, Whitby (Ont.)
Christian Lapensée, Santé publique Ottawa (Ont.)
Jason MacDonald, Alberta Health and Alberta Health Services (Alb.)
Amy Pavletic, Bureau de santé de Middlesex-London, London (Ont.)
Cathie Walker, Bureau de santé de Elgin St-Thomas (Ont.)

Remerciements

Les auteurs remercient Laurie O’Neil et Christine Weir pour la direction de projet, pour leur expertise en matière de prévention et de contrôle des infections et pour la réalisation des premières revues de la littérature en collaboration avec des membres du groupe d’experts. Les auteurs aimeraient remercier Heidi Pitfield pour son expertise en la matière, ainsi que pour la révision et sa contribution aux discussions sur le manuscrit.

Financement

Ce travail a été réalisé grâce au soutien de l’Agence de la santé publique du Canada.

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