Prescription d’antibiotiques avant la COVID-19

RMTC

Volume 48-4, avril 2022 : La santé des Premières Nations

Surveillance

Prescription d’antibiotiques pour les infections des voies respiratoires dans un réseau national de soins primaires en 2019

Sabrina Wong1, Shan Rajapakshe2, David Barber3, Andrea Patey4, Wendy Levinson5, Rachael Morkem3, Gillian Hurwitz5, Kimberly Wintermute6, Jerome A Leis7,8

Affiliations

1 University of British Columbia Centre for Health Services and Policy Research and School of Nursing, Vancouver, BC

2 Island Medical Program, Faculté de Médecine, Université de la Columbie-Britannique, Victoria, BC

3 Département de médecine familiale, Université Queen’s, Kingston, ON

4 Institut de recherche de l’Hôpital d’Ottawa, Ottawa, ON

5 St. Michael’s Hospital, Toronto, ON

6 North York General Hospital, Toronto, ON

7 Centre des sciences de la santé, Sunnybrook Hospital, Toronto, ON

8 Division of Infectious Diseases and the Centre for Quality Improvement and Patient Safety, Département de médecine, Université de Toronto, Toronto, ON

Correspondance

jerome.leis@sunnybrook.ca

Citation proposée

Wong ST, Rajapakshe S, Barber D, Patey A, Levinson W, Morkem R, Hurwitz G, Wintermute K, Leis JA. Prescription d’antibiotiques pour les infections des voies respiratoires dans un réseau national de soins primaires en 2019. Relevé des maladies transmissibles au Canada 2022;48(4):176–83. https://doi.org/10.14745/ccdr.v48i04a06f

Mots-clés : gestion des antimicrobiens, soins primaires, audit et rétroaction, infection des voies respiratoires supérieures, IVRS, validation

Résumé

Contexte : L’infection des voies respiratoires est la principale raison de l’utilisation évitable d’antimicrobiens dans le cadre des soins primaires. Pourtant, la rétroaction des prestataires sur cette utilisation n’est disponible que dans certaines provinces. L’objectif de cette étude était de valider les définitions de cas pour les infections des voies respiratoires dans l’ensemble du Réseau canadien de surveillance sentinelle en soins primaires (RCSSSP) et de déterminer la variabilité de base des prestataires dans la prescription d’antimicrobiens en 2019.

Méthodes : Les définitions de cas d’infections des voies respiratoires ont été élaborées à partir des données démographiques, du codage des diagnostics et des mots-clés du dossier médical électronique. Une extraction manuelle des dossiers a été effectuée pour déterminer les cas d’otite moyenne aiguë. Les définitions des infections des voies respiratoires restantes ont été validées à l’aide d’un échantillon aléatoire de 5 164 patients ayant eu des rencontres en 2019. La proportion de patients présentant une infection des voies respiratoires traitée par antibiotiques a été déterminée par prestataire, par patient, par épisode et par rencontre de patients.

Résultats : La valeur prédictive négative, la valeur prédictive positive et la prévalence étaient les suivantes : 1,00 % (0,99–1,00), 0,99 % (0,96–0,99) et 4,14 % (4,10–4,19) pour le rhume; 1,00 % (0,99–1,00), 0,94 % (0,88–0,98) et 1,09 % (1,07–1,12) pour l’otite moyenne aiguë; 0.98 % (0,96–1,00), 0,93 % (0,87–0,97) et 1,2 % (1,18–1,22) pour la pharyngite aiguë; 0,99 % (0,99–1,00), 0,88 % (0,81–0,93) et 1,99 % (1,96–2,02) pour la sinusite; 0,99 % (0,97–0,99), 0,95 % (0,89–0,98) et 4,01 % (3,97–4,05) pour la bronchite aiguë/l’asthme. Par prestataire, la proportion médiane (écart interquartile [ÉI]) de patients traités par antibiotiques (par patient) était de 6,72 (14,92) pour le rhume, 64,29 (40,00) pour l’otite moyenne aiguë, 20,00 (38,89) pour la pharyngite, 54,17 (38,09) pour la sinusite, 8,33 (20,00) pour la bronchite aiguë /l’asthme et 21,10 (20,56) pour l’ensemble des infections des voies respiratoires.

Conclusion : Le RCSSSP peut assurer une surveillance nationale des pratiques de prescription d’antimicrobiens pour les infections des voies respiratoires dans le cadre des soins primaires. La variabilité de base souligne la nécessité d’une rétroaction des prestataires et d’une amélioration de la qualité.

Introduction

La résistance aux antimicrobiens a des répercussions socioéconomiques importantes au Canada, qui ne feront que s’amplifier au cours de la prochaine décennieNote de bas de page 1. Les efforts de gestion des antimicrobiens visant à freiner cette tendance se sont concentrés sur les hôpitaux, mais près de 90 % des antimicrobiens sont administrés dans le secteur communautaire, une grande partie de ces prescriptions provenant des soins primairesNote de bas de page 2.

L’infection des voies respiratoires est la principale cause de l’utilisation évitable d’antimicrobiens dans le cadre des soins primairesNote de bas de page 2Note de bas de page 3. Une campagne nationale menée par Choisir avec soin a permis d’élaborer des changements de pratique et des outils cliniques destinés aux prescripteurs afin de faciliter l’évitement des antibiotiques dans la prise en charge des infections des voies respiratoiresNote de bas de page 4Note de bas de page 5. L’un des principaux défis est que de nombreux prestataires de soins primaires n’ont jamais reçu de commentaires sur leur prescription d’antimicrobiens pour les infections des voies respiratoires et peuvent ne pas reconnaître la nécessité de modifier leur pratique.

La mesure précise des pratiques de prescription d’antimicrobiens par les fournisseurs de soins primaires a été difficile au Canada en raison de l’absence d’un système national de surveillance des antimicrobiens. Bien que certaines provinces fournissent déjà une rétroaction aux prescripteursNote de bas de page 6, les seules données à grande échelle disponibles concernant l’utilisation des antibiotiques pour les infections des voies respiratoires au Canada sont une estimation basée sur la recherche des services de santé en population, qui n’est pas disponible dans toutes les provincesNote de bas de page 2.

Le Réseau canadien de surveillance sentinelle en soins primaires (RCSSSP) est un réseau national de cliniques de soins primaires représentant plus de deux millions de patients et 1 500 cliniciens en soins primaires répartis dans huit provinces et un territoireNote de bas de page 7. Chaque sentinelle participante fournit des données sur les dossiers médicaux électroniques (DME) à son réseau respectif et au dépôt de données pancanadien à des fins de surveillance de la santé publique, d’amélioration de la qualité et de recherche. Les définitions de cas qui intègrent les mots-clés des DME ont déjà été validées, ce qui permet au RCSSSP de générer une surveillance sur un large éventail de maladiesNote de bas de page 8Note de bas de page 9Note de bas de page 10. Nous avons émis l’hypothèse que le RCSSSP serait parfaitement adapté pour mesurer avec précision les infections des voies respiratoires dans les soins primaires ainsi que les pratiques de prescription d’antimicrobiens au palier des prestataires. En cas de succès, cette approche pourrait à son tour être utilisée pour générer une rétroaction des prestataires dans le RCSSSP sur la base d’une comparaison entre pairs, dont on sait qu’elle améliore les pratiques de prescription d’antimicrobiens dans les soins primairesNote de bas de page 6Note de bas de page 11. Nous avons entrepris l’étude suivante pour valider les définitions de cas pour les infections des voies respiratoires dans un échantillon de sites du RCSSSP et déterminer la variabilité de base au niveau des prestataires dans la prescription d’antimicrobiens au cours de l’année précédant la pandémie de maladie à coronavirus 2019 (COVID-19).

Méthodes

Source des données

Les données non identifiées au point de service sont extraites des DME deux fois par an et transformées en un schéma standard du RCSSSP pour former un dépôt de données régional et pancanadien. Le RCSSSP extrait des données cliniques sur les soins primaires de 11 systèmes de DME différents. Chaque système de DME a une architecture différente et, même au sein d’un même système de DME, peut également présenter des différences propres à chaque province dans la structure de la base de données où sont préservés les renseignements médicaux. Ainsi, la transformation du DME au référentiel de données du RCSSSP comprend des techniques avancées de nettoyage et de codage des données. L’architecture et l’approche ont été décrites précédemment, y compris le flux de données, la qualité, la cartographie, le nettoyage et la dépersonnalisationNote de bas de page 12. Ce projet utilise des données pancanadiennes extraites du 1er janvier au 31 décembre 2019. Les données comprenaient des données sociodémographiques, prestataires, rencontres, conditions de santé, facteurs de risque, données biométriques, résultats de laboratoire, procédures, médicaments et informations d’orientationNote de bas de page 12. L’approbation du comité d’éthique de la recherche a été obtenue au site où l’abstraction manuelle des dossiers a été effectuée (approbation no 20-0037), en plus du comité d’éthique de la recherche de l’Université de la Colombie-Britannique où la définition de cas a été examinée à l’aide d’examens manuels des dossiers pour un sous-ensemble des données du RCSSSP (approbation no H20-02722) et de l’Université Queen’s (approbation no 6034400) afin d’appliquer la définition de cas à l’ensemble du répertoire pancanadien.

Élaboration de définitions des cas

Plusieurs étapes ont été réalisées pour développer et valider la définition de cas d’infection des voies respiratoires. D’abord, une équipe de cliniciens et de chercheurs du RCSSSP et de Choisir avec soin Canada, dont deux médecins de famille et un médecin spécialiste des maladies infectieuses, se sont réunis virtuellement pour créer les cinq définitions de cas (tableau 1) qui constituent la majorité des infections des voies respiratoires. Comme les travaux précédentsNote de bas de page 1, ces définitions de cas étaient principalement basées sur les codes de la Classification internationale des maladies (CIM-9) trouvés dans les DME. En plus des codes CIM-9, un ensemble de mots-clés connexes, qui pourraient être trouvés dans le dossier d’un patient, a également été inclus. Ces mots-clés ont été utilisés pour améliorer la précision des définitions de cas. Les définitions de cas ont été modifiées et répétées jusqu’à ce que les membres de l’équipe parviennent à un consensus. Le tableau 1 présente les définitions de cas finales des cinq syndromes d’infection des voies respiratoires.

Tableau 1 : Définitions de cas et taille minimale de l'échantillon pour la validation de cinq syndromes courants d'infection des voies respiratoires dans le cadre des soins primaires
Syndrome Codes CIM-9 à inclure Mots-clés de l'audit des dossiers Exclusion (i.e. sous-codes CIM-9, mots-clés, etc.) Population à risque

Otite moyenne aiguë
(âge : 6 mois ou plus)

381 : Affection de la trompe d'Eustache/otite moyenne séreuse

382 : Otite moyenne, suppurative

Otite moyenne, OMA, otite, otite aiguë

Otite moyenne chronique suppurative

381,6 : Obstruction de la trompe d'Eustache

381,7 : Distension de la trompe d'Eustache

381,8 : Autres affections de la trompe d'Eustache

381,9 : Affection non spécifiée de la trompe d'Eustache

17 ans ou moins

Pharyngite non compliquée

034 : Angine à streptocoque/scarlatine

463 : Amygdalite aiguë

464 : Laryngite aiguë, trachéite, laryngotrachéite aiguë, épiglotte

462 : Pharyngite aiguë

Pharyngite, Angine à streptocoque, IVRS, IVRS virale, infection virale, laryngite, pharyngite bactérienne, laryngotrachéite aiguë, trachéite, épiglotte, laryngite aiguë, trachéite aiguë

Abcès (péri-amygdalien, nasopharyngien, etc.), mononucléose

Tous les âges

Sinusite non compliquée

461 : Sinusite aiguë

Sinusite non compliquée, sinusite bactérienne, sinusite virale, sinusite maxillaire, sinusite frontale, sinusite ethmoïdale, sinusite sphénoïdale, sinusite autre, sinusite non précisée

473 : Sinusite chronique

Tous les âges

Rhume

460 : Infection des voies respiratoires supérieures/nasopharyngite aiguë/pharyngite/infection des voies respiratoires supérieures/nasopharyngite aiguë (rhume)

Infection des voies respiratoires supérieures, IVRS, rhume, simple rhume, pharyngite virale, rhinopharyngite, rhinopharyngite aiguë

s.o.

Tous les âges

Bronchite aiguë/asthme (i.e. exacerbations d'une affection pulmonaire chronique)

466 : Bronchite aiguë

491 : Bronchite chronique

492 : Emphysème

493 : Asthme, bronchite allergique

496 : Autre MPOC

Bronchite, emphysème, doit inclure MPOC, bronchite chronique, bronchite aiguë, bronchiolite aiguë, bronchite, bronchiolite

Ne doit PAS inclure MPOC (selon la définition de la MPOC du RCSSSP)

1. Codes CIM-9 490–492, 496

2. Liste des problèmes : bronchite, emphysème, MPOC/rhume

3. Liste des médicaments : bêta-agonistes, anticholinergiques, corticostéroïde en inhalation

4. Facteurs de risque : fumeur

Tous les âges


Extraction des dossiers médicaux électroniques pour les cas d’otite moyenne aiguë

Un examen manuel du dossier d’un syndrome d’infection des voies respiratoires a été effectué dans un site du RCSSSP. Les validations de cas précédentes ont utilisé l’examen manuel des dossiers comme norme commune de mesureNote de bas de page 8Note de bas de page 9Note de bas de page 13; cependant, l’examen manuel de milliers de dossiers est à la fois exigeant en termes de ressources et de tempsNote de bas de page 14. Nous avons choisi d’effectuer une étude manuelle des dossiers d’otite moyenne parce qu’il s’agissait d’une définition précise avec une population bien définie et qu’elle nécessitait un petit échantillon. Un formulaire standardisé de collecte de données a été créé à l’aide d’une enquête sécurisée sur le Web, Qualtrics (Qualtrics, Provo, Utah, États-Unis), afin de garantir qu’une approche systématique soit utilisée pour examiner les patients désignés. L’examen manuel des dossiers a été effectué par un membre de l’équipe de recherche qui a vérifié la présence ou l’absence d’infection des voies respiratoires pour chaque patient en examinant manuellement leur DME. Une méthode de programmation, basée sur la facturation, les informations sur les diagnostics de rencontre et l’âge, de sélection des patients pour un examen manuel a été effectuée par un médecin de famille de la clinique sélectionnée. Un total de 418 patients représentant 771 cas d’otite moyenne ont été examinés dans le cadre de cette revue manuelle des dossiers. L’examen des dossiers a également porté sur toute autre preuve d’infection des voies respiratoires en examinant les données non structurées (e.g. les notes en texte libre). Les données résumées ont ensuite été examinées par le rédacteur de sommaires, l’interniste et le médecin de famille afin de déterminer la classification du statut de l’infection des voies respiratoires.

Validation des définitions de cas d’autres infections des voies respiratoires

Pour valider les autres définitions des infections des voies respiratoires, un échantillon aléatoire de 5 164 patients de l’ensemble de données pancanadien du RCSSSP a été sélectionné. La définition de cas a ensuite été appliquée et des estimations de la prévalence des cinq affections ont été obtenues. Pour s’assurer que ces cas ont été correctement établis, un minimum de 100 cas aléatoires de chaque condition a été sélectionné, ainsi qu’un minimum de 100 cas ne présentant aucune des cinq affections, pour un examen supplémentaire de la base de données par un rédacteur de sommaires en aveugle, conformément à la méthodologie décrite par Williamson et al. Note de bas de page 9. Enfin, nous avons appliqué les définitions obtenues à l’ensemble pancanadien de données RCSSSP 2019.

Prescription d’antibiotiques associée à des syndromes d’infection des voies respiratoires

Après la validation des syndromes d’infection des voies respiratoires, nous avons examiné la proportion de patients présentant une infection des voies respiratoires qui ont reçu une prescription d’antibiotiques. L’échantillon a été restreint à tous les patients qui ont eu une visite en 2019 et dont l’année de naissance et le sexe ont été enregistrés. Aucune limite n’a été appliquée au nombre de diagnostics d’infection des voies respiratoires inclus par patient au cours de la période d’étude. Un cas d’infection des voies respiratoires a été considéré comme « traité » si le patient a reçu une ordonnance, le même jour ou dans le jour suivant le diagnostic d’infection des voies respiratoires, pour tout médicament habituellement utilisé pour traiter les infections des voies respiratoires, y compris la pénicilline VK, l’amoxicilline, l’amoxicilline-acide clavulinique, le céfuroxime, le céfaclor, le céfadroxil, la clarithromycine, l’azithromycine, la moxifloxacine et la lévofloxacine.

Analyse statistique

Pour alimenter correctement la validation de la définition de cas, des calculs de taille d’échantillon ont été effectués. Les calculs de la taille de l’échantillon ont été fixés à une précision de 0,10. La sensibilité, la spécificité, la valeur prédictive positive (VPP) et la valeur prédictive négative (VPN) ont été calculées à l’aide de tableaux 2x2 comparant chacune des définitions de cas construites (cas/aucun cas) au diagnostic de l’examen du dossier (cas/aucun cas). Nous avons construit des intervalles de confiance (IC) à 95 % pour chaque paramètre en utilisant l’approche Clopper-Pearson pour les proportions. Comme nous examinions les données de l’ensemble du RCSSSP pancanadien, nous avons considéré que toutes les mesures supérieures à 80 % étaient acceptables. Des données sommaires ont été présentées pour toutes les infections des voies respiratoires, ainsi que pour chacun des cinq syndromes cliniques. Les proportions ont été rapportées par patient, par rencontre et par épisode. La proportion de patients ayant une infection des voies respiratoires a été totalisée en comptant tout patient ayant au moins une infection des voies respiratoires en 2019, sur l’ensemble des patients ayant au moins un dossier de facturation en 2019. La proportion de patients traités a été déterminée en comptant un patient comme « traité » s’il avait une prescription d’antibiotique associée le même jour ou dans un délai d’un jour après avoir rempli les critères de cas pour une infection des voies respiratoires, parmi tous les patients ayant eu au moins une infection des voies respiratoires dans l’année. La proportion de rencontres avec une infection des voies respiratoires a été totalisée en comptant toutes les rencontres (date unique) qui répondaient aux critères d’un cas d’infection des voies respiratoires en 2019, sur l’ensemble des rencontres (définies comme au moins une facturation sur un jour unique) en 2019. La proportion de rencontres avec des infections des voies respiratoires traitées a été déterminée en comptant un cas d’infection des voies respiratoires comme « traité » si le cas était associé à une prescription d’antibiotiques, parmi tous les cas d’infection des voies respiratoires de l’année en question. Si l’indicateur de cas d’infection des voies respiratoires d’un patient (date unique de facturation ou de rencontre) se trouvait à plus de 31 jours d’un indicateur de cas d’infection des voies respiratoires précédent, il était classé comme un épisode unique. La proportion d’épisodes d’infection des voies respiratoires traités par prestataire individuel a été calculée en comptant tous les épisodes d’infection des voies respiratoires comme « traités » si l’épisode était associé à une prescription d’antibiotiques, parmi tous les épisodes d’infection des voies respiratoires de l’année en question. Toutes les données ont été analysées avec SAS version 9.4 (SAS Institute Inc., Cary, Caroline du Nord, États-Unis).

Résultats

Pour l’otite moyenne, parmi 418 patients examinés manuellement pour évaluer les caractéristiques de rendement de l’algorithme, 399 (95 %) ont été confirmés comme ayant une otite moyenne aiguë, tandis que 19 (5 %) ne l’ont pas été. L’algorithme a correctement identifié 392 (98 %) cas et 15 (79 %) patients sans l’infection. Le tableau 2 résume les caractéristiques de rendement de l’algorithme pour l’otite moyenne aiguë.

Tableau 2 : Caractéristiques de rendement d'un algorithme de définition de cas comparé à l'examen manuel des dossiers pour l'otite moyenne aiguë
Caractéristique de rendement Détection de l'otite moyenne aiguë IC 95 %

Sensibilité

0,98

0,96, 0,99

Spécificité

0,79

54,43, 93,95

VPP

0,99

0,98, 1,00

VPN

0,68

0,50, 0,82


Le tableau 3 présente les caractéristiques de rendement des cinq syndromes d’infection des voies respiratoires selon un échantillonnage aléatoire de la base de données pancanadienne du RCSSSP. Dans cet échantillon aléatoire de 5 164 patients, 2 981 (57,7 %) étaient des femmes et l’âge médian était de 44,7 ans. Lorsque les définitions de cas ont été appliquées à l’ensemble de la base de données nationale RCSSSP, nous avons constaté que, sur les 873 180 patients qui ont consulté leur prestataire de soins primaires en 2019, 11,33 % (IC 95 %, [11,27, 11,40]) ont reçu un diagnostic d’infection des voies respiratoires. En évaluant chaque syndrome individuellement, nous avons trouvé la prévalence suivante (par patient) : otite moyenne, 1,09 % (IC 95 %, [1,07, 1,12]); pharyngite, 1,20 % (IC 95 %, [1,18, 1,22]); sinusite, 1,99 % (IC 95 %, [1,96, 2,02]), rhume, 4,14 % (IC 95 %, [4,10, 4,19]) et bronchite/asthme aigu, 4,01 % (IC 95 %, [3,97, 4,05]).

Tableau 3 : Caractéristiques de rendement de cinq définitions de cas d'infection des voies respiratoires supérieures appliquées à un échantillon aléatoire de la base de données pancanadienne
Le syndrome d'infection des voies respiratoires Nombre de cas échantillonnés Sensibilité Spécificité Valeur prédictive négative Valeur prédictive positive
n IC 95 % n IC 95 % n IC 95 % n IC 95 %
Rhume 172 1,00 0,98, 1,00 0,99 0,99, 0,99 1,00 0,99, 1,00 0,99 0,96, 0,99
Otite moyenne aiguë 122 1,00 0,97, 1,00 0,99 0,98, 0,99 1,00 0,99, 1,00 0,94 0,88, 0,98
Pharyngite aiguë 122 0,88 0,81, 0,93 0,99 0,97, 0,99 0,98 0,96, 0,99 0,93 0,87, 0,97
Sinusite aiguë 121 0,99 0,95, 1,00 0,98 0,96, 0,99 0,99 0,99, 1,00 0,88 0,81, 0,93
Bronchite aiguë/asthme 121 0,93 0,88, 0,97 0,99 0,98, 1,00 0,99 0,97, 0,99 0,95 0,89, 0,98

En évaluant les données par rencontre, nous avons constaté que, sur les 3 747 610 rencontres (établies par une date unique) en 2019, 3,52 % (IC 95 %, [3,50, 3,54]) ont reçu un diagnostic d’infection des voies respiratoires. En évaluant chaque syndrome individuellement, nous avons constaté la prévalence suivante (par rencontre) : otite moyenne, 0,35 % (IC 95 %, [0,34, 0,35]); pharyngite, 0,32 % (IC 95 %, [0,32, 0,33]); sinusite, 0,56 % (IC 95 %, [0,55, 0,57]), rhume, 1,16 % (IC 95 %, 1,15, 1,17]), exacerbation aiguë d’une maladie pulmonaire obstructive chronique, 1,32 % (IC 95 %, [1,31, 1,33]). La figure 1 illustre la proportion d’antibiotiques prescrits par patient, par rencontre et par épisode, pour les cinq syndromes d’infection des voies respiratoires supérieures.


Figure 1 : Variabilité de la prescription d’antibiotiques dans le secteur des soins primaires pour différents syndromes d’infection des voies respiratoires supérieures par patient, par épisode et par rencontre avec le patient

Figure 1

Description textuelle : Figure 1

Le graphique présente la proportion de prescriptions d’un antibiotique par patient, par rencontre et par épisode, pour cinq syndromes liés à des infections des voies respiratoires supérieures, dans un réseau national de soins primaires au cours de l’année 2019. Une variabilité significative a été identifiée pour chaque syndrome avec une médiane et un écart interquartile (ÉI) de 64,29 (40,00) pour l’otite moyenne aiguë, 20,00 (38,89) pour la pharyngite non compliquée, 6,72 (14,92) pour le rhume, 54,17 (38,09) pour la sinusite non compliquée, 8,33 (20,00) pour la bronchite aiguë et l’asthme et 21,10 (20,56) pour l’ensemble des syndromes liés aux infections des voies respiratoires.


La figure 2 montre la proportion d’antibiotiques prescrits par patient au niveau du prescripteur dans l’ensemble du RCSSSP. Une variabilité significative a été établie pour chaque syndrome avec une médiane et un écart interquartile (ÉI) de 64,29 (40,00) pour l’otite moyenne aiguë, 20,00 (38,89) pour la pharyngite non compliquée, 6,72 (14,92) pour le rhume, 54,17 (38,09) pour la sinusite non compliquée, 8,33 (20,00) pour la bronchite/asthme aiguë et 21,10 (20,56) pour l’ensemble des infections des voies respiratoires.

Figure 2 : Prescription d’antibiotiques associée à différents épisodes validés de syndromes d’infection des voies respiratoires par prestataire de soins primaires, divisée par quartileFigure 2 footnote a

Figure 2

Description textuelle : Figure 2

Le graphique présente la proportion d’antibiotiques prescrits par épisode au niveau du prescripteur dans le Réseau canadien de surveillance sentinelle en soins primaires (RCSSSP). Le premier quartile (les plus faibles prescripteurs d’antibiotiques) a prescrit des antibiotiques pour moins de 20 % des épisodes de syndrome lié aux infections des voies respiratoires dans l’ensemble et jamais pour le rhume, la pharyngite non compliquée, la bronchite aiguë et l’asthme. En revanche, le quatrième quartile (les plus grands prescripteurs d’antibiotiques) a prescrit des antibiotiques aux patients à une médiane de 22,22 % pour le rhume, 57,14 % pour la pharyngite non compliquée, 30.97 % pour la bronchite aiguë et l’asthme, 82,45 % pour la sinusite non compliquée, 94,12 % pour l’otite moyenne aiguë et 40,00 % pour l’ensemble des épisodes du syndrome lié aux infections des voies respiratoires.


Discussion

Cette étude a montré que le RCSSSP peut assurer une surveillance très précise de cinq syndromes courants d’infection des voies respiratoires dans le cadre des soins primaires. La variabilité des pratiques de prescription d’antibiotiques établie souligne la nécessité d’une rétroaction aux prestataires et d’une amélioration de la qualité dans le cadre de la stratégie canadienne de lutte contre la résistance aux antimicrobiens.

Jusqu’à présent, la surveillance des infections des voies respiratoires et des pratiques de prescription d’antibiotiques dans le cadre des soins primaires reposait sur des bases de données administratives provinciales qui s’appuient sur les demandes de facturation des médecinsNote de bas de page 3Note de bas de page 6. Des études de validation antérieures des demandes de facturation de l’infection des voies respiratoires des médecins ont révélé une VPP comprise entre 0,84 et 0,96Note de bas de page 15Note de bas de page 16. Dans cette étude, nous avons constaté que le RCSSSP, qui utilise une combinaison de facteurs démographiques, de codes de diagnostic et de termes de recherche dans les dossiers médicaux électroniques, a également montré une VPP élevée pour la surveillance de plusieurs définitions de cas d’infection des voies respiratoires différentes.

La mesure de l’utilisation des antibiotiques par rapport aux définitions de cas d’infection des voies respiratoires a été évaluée de différentes manières dans notre étude. L’utilisation d’antibiotiques par patient au cours d’une année a probablement surestimé la prescription d’antibiotiques, tandis que l’utilisation d’antibiotiques par visite pour une infection des voies respiratoires a probablement sous-estimé les taux de prescription pour les patients ayant des visites répétées. Bien que la différence entre ces deux approches reste faible, nous avons constaté que l’utilisation d’antibiotiques par épisode d’infection des voies respiratoires, définie par l’incidence d’un maximum d’une définition de cas spécifique d’infection des voies respiratoires par 30 jours, se situait entre les deux mesures et pourrait donc fournir l’estimation la plus précise des pratiques de prescription d’antibiotiques.

Les antibiotiques pour les infections des voies respiratoires sont reconnus comme étant l’indication la plus courante de prescription inutile dans les soins primaires. En utilisant nos définitions de cas validées, nous avons établi une variabilité significative dans les habitudes de prescription d’antibiotiques avec des possibilités d’amélioration, en particulier parmi ceux qui se trouvent dans les quartiles supérieurs de prescription d’antibiotiques. Bien que nos données ne mesurent pas directement la pertinence, cette variabilité inter-fournisseurs dans la prescription a été établie précédemment et n’a pas été expliquée par les différences cliniques entre les patientsNote de bas de page 2Note de bas de page 3Note de bas de page 17. Dans cette étude, on a constaté que les prescripteurs du quatrième quartile prescrivaient des antibiotiques pour près de 100 % des épisodes d’otite moyenne et de sinusite, et pour plus de la moitié des pharyngites et des rhumes. Bien qu’il n’existe pas de repères établis, les prescripteurs du quartile supérieur avaient des taux de prescription proches de zéro pour le rhume et la pharyngite, comme on pourrait s’y attendre, et inférieurs à 30 % pour la sinusite et l’otite moyenne.

Pour lutter contre le volume élevé de prescriptions dans le secteur des soins primaires, de nombreux essais contrôlés randomisés antérieurs ont démontré que la comparaison entre pairs et la rétroaction peuvent réduire considérablement l’utilisation des antimicrobiensNote de bas de page 6Note de bas de page 11Note de bas de page 18. Une étude récente en Ontario a révélé que l’envoi d’une seule lettre aux prestataires de soins primaires les informant qu’ils font partie du quartile le plus élevé de prescripteurs d’antibiotiques par rapport à leurs pairs a entraîné une différence relative de 4,2 % dans la prescription globale d’antibiotiques en ambulatoire et une économie de 1,7 million de dollars en coûts de médicamentsNote de bas de page 6. Notre validation des définitions de cas d’infection des voies respiratoires dans l’ensemble du RCSSSP et l’établissement des prescripteurs à fort volume permettront des interventions de rétroaction ciblées similaires dans ce réseau national de soins primaires.

Limites

Notre étude présente plusieurs limites importantes. Tout d’abord, le RCSSSP représente actuellement moins de 10 % de tous les fournisseurs de soins primaires et, par conséquent, nos résultats ne sont peut-être pas représentatifs des pratiques de prescription d’antibiotiques dans l’ensemble du Canada; toutefois, une plus grande représentation pourrait être possible à l’avenir en augmentant le nombre de pratiques participant à ce réseau national de soins primaires. Deuxièmement, les caractéristiques de rendement de nos définitions de cas d’infection des voies respiratoires varient selon le syndrome, mais la VPP globalement élevée rend ces données propices à une utilisation pour l’audit et la rétroactionNote de bas de page 19. Enfin, cette étude a été menée sur la base d’une abstraction de dossiers de cas antérieurs à la pandémie de COVID-19 qui a grandement affecté l’incidence et la gestion des infections des voies respiratoiresNote de bas de page 20. Un suivi supplémentaire sera nécessaire dans l’ère post-COVID-19 pour réévaluer l’incidence des différents syndromes d’infection des voies respiratoires et les pratiques de prescription d’antibiotiques.

Conclusion

La surveillance nationale des pratiques de prescription d’antimicrobiens dans la communauté constituera une stratégie essentielle pour réduire la résistance aux antimicrobiens. Notre étude de validation a confirmé que le RCSSSP peut fournir cette surveillance des infections des voies respiratoires, qui sont la raison la plus courante des prescriptions d’antibiotiques dans les soins primaires. Les études futures devraient mettre l’accent sur la rétroaction aux prescripteurs à haut volume à l’échelle nationale, en combinaison avec des outils cliniques qui soutiennent l’amélioration des pratiques.

Déclaration des auteurs

Tous les auteurs ont contribué à la préparation de ce manuscrit.

Le contenu de l’article et les points de vue qui y sont exprimés n’engagent que les auteurs et ne correspondent pas nécessairement à ceux du gouvernement du Canada.

Intérêts concurrents

G. Hurwitz, W. Levinson et J. A. Leis bénéficient du soutien de Choisir avec soin. Aucun autre intérêt concurrent à déclarer.

Remerciements

Nous remercions J. Queenan pour son aide dans le calcul de la taille de l’échantillon.

Financement

L’utilisation judicieuse des antibiotiques, une campagne de Choisir avec soin Canada, est soutenue par l’Agence de la santé publique du Canada.

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