Infections contractées en laboratoire au Canada, 2016 à 2021

RMTC

Volume 48-7/8, juillet/août 2022 : Infections associées aux soins de santé & résistance aux antimicrobiens

Surveillance

Infections contractées en laboratoire au Canada de 2016 à 2021

Maryem El Jaouhari1, Megan Striha2, Rojiemiahd Edjoc3, Samuel Bonti-Ankomah2

Affiliations

1 Direction générale des programmes des maladies infectieuses, Agence de la santé publique du Canada, Ottawa, ON

2 Direction générale de la sécurité sanitaire et des opérations régionales, Agence de la santé publique du Canada, Ottawa, ON

3 Direction générale de la promotion et de la prévention des maladies chroniques, Agence de la santé publique du Canada, Ottawa, ON

Correspondance

megan.striha@phac-aspc.gc.ca

Citation proposée

El Jaouhari M, Striha M, Edjoc R, Bonti-Ankomah S. Infections contractées en laboratoire au Canada de 2016 à 2021. Relevé des maladies transmissibles au Canada 2022;48(7/8):334–8. https://doi.org/10.14745/ccdr.v48i78a02f

Mots-clés : Infections contractées en laboratoire, ICL, expositions en laboratoire, agents pathogènes et toxines

Résumé

Les incidents en laboratoire qui entraîne une exposition à des agents pathogènes humains et des toxines peuvent mener à des infections ou à des intoxications contractées en laboratoire (ICL). Ces infections peuvent aussi poser un risque au public si une transmission d'une personne à une autre se produit à l'extérieur du laboratoire après une ICL. La compréhension des facteurs qui contribuent aux incidents d'exposition comprenant des ICL peut contribuer à des façons d'atténuer les autres incidents afin d'assurer la sécurité des travailleurs de laboratoire et des communautés dans lesquelles ils travaillent. Ce document décrit neuf incidents d'exposition qui ont entraîné des ICL qui se sont produits au Canada de 2016 à 2021. De ces neuf cas, la plupart des personnes touchées avaient des niveaux de scolarité élevés et des années d'expérience de travail avec les agents pathogènes. Il y a différents types de laboratoire et d'activités où Salmonella spp. et Escherichia coli représentaient six des neuf cas. Problèmes de procédures, problèmes avec l'équipement de protection personnel et incidents liés à des objets pointus ont été les causes profondes les plus souvent mentionnées. À partir de ces renseignements, il est clair que le niveau de formation régulière (même pour le personnel expérimenté), des procédures d'exploitation normalisées claires et précises, une hygiène adéquate (en particulier avec Salmonella spp. et E. coli) et la reconnaissance des incidents d'exposition au moment de l'incident sont importants pour prévenir les futures ICL. Seuls les laboratoires réglementés qui travaillent avec des groupes de risque 2 ou des organismes supérieurs sont requis de signaler les expositions et les ICL au système de surveillance de déclaration des incidents en laboratoire au Canada. En raison de la petite taille de l'échantillon, les résultats et les inférences sont fondés sur les analyses descriptives seulement.

Introduction

Travailler avec des agents pathogènes humains et des toxines (APT) dans un environnement de laboratoire est une activité intrinsèquement risquée, en particulier lors du travail avec des agents pathogènes et des toxines de groupe à risque plus élevé. Bien que les protocoles de sécurité, les pratiques et l'équipement sont tous utilisés pour assurer la sécurité des travailleurs de laboratoire, des accidents, des défaillances ou d'autres incidents peuvent tout de même se produire. Les incidents qui entraînent une exposition aux APT peuvent mener à des infections contractées en laboratoires ou à des intoxications. Ces infections peuvent aussi poser un risque au public si une transmission d'une personne à une autre se produit à l'extérieur du laboratoire après une infection ou une intoxication contractée en laboratoire (ICL).

Le Centre de la biosûreté de l'Agence de la santé publique contribue aux efforts de l'Agence pour protéger la santé, la sûreté et la sécurité des Canadiens contre les risques posés par les agents pathogènes et les toxines. Le Centre de la biosûreté a lancé le système de surveillance de déclaration des incidents en laboratoire au Canada (DILC) vers la fin de 2015. À partir de 2016, les installations autorisées sont tenus de soumettre des rapports au DILC décrivant tout incident de laboratoire comprenant des APT du groupe de risque (GR) 2 ou plus élevé, conformément à la Loi sur les agents pathogènes humains et les toxines. Les rapports soumis au DILC peuvent décrire des incidents d'exposition ou sans exposition, dans lesquels les expositions sont définies comme un incident qui pourrait avoir entraîné une intoxication ou une infection ou qui a donné lieu à une ICL suspecte ou confirméeNote de bas de page 1Note de bas de page 2. Un aperçu plus général de DILC, y compris les descriptions détaillées des incidents signalés au DILC, est disponible dans les rapports annuels (de 2016 à aujourd'hui)Note de bas de page 3Note de bas de page 4Note de bas de page 5Note de bas de page 6Note de bas de page 7.

Une recherche dans la littérature a trouvé neuf rapports de cas d'ICL qui soulignaient les principaux facteurs de risque (aucun ne provenait du Canada). Les résultats d'une étude indiquaient que le manque de respect des procédures normalisées de biosécurité était un facteur majeur dans les ICLNote de bas de page 8. Plusieurs études signalent que l'utilisation inadéquate de l'équipement de protection individuelle (EPI) était associée à l'événement de ICLNote de bas de page 8Note de bas de page 9Note de bas de page 10Note de bas de page 11Note de bas de page 12. De plus, le manque d'EPI respiratoire était le facteur de risque le plus commun parmi les 16 casNote de bas de page 11. D'autres facteurs de risque identifié dans la littérature comprennent l'utilisation inadéquate d'équipement de laboratoireNote de bas de page 13, le travail avec des aiguillesNote de bas de page 14Note de bas de page 15Note de bas de page 16, le manque de pratiques d'hygièneNote de bas de page 7Note de bas de page 12 et le personnel insuffisamment formésNote de bas de page 13Note de bas de page 14. Parmi les études examinées, les agents pathogènes les plus communs impliqués dans les ICL étaient Salmonella spp., Brucella spp., Staphylococcus aureus, Escherichia coli, Neisseria meningitidis et le virus de la vaccine. Aussi, une analyse récente des rapports d'exposition de DILC (à venir) relève que les problèmes liés à la procédure d'exposition normalisée (PEN) étaient un facteur de risque important à l'augmentation globale d'événements d'exposition dans les laboratoires canadiensNote de bas de page 15.

Cette exposition décrit neuf cas de ICL qui se sont produits au Canada entre 2016 et 2021. Les données ont été extraites du système de surveillance DILC pour tous les rapports d'ICL confirmés. L'objectif de cette étude est de décrire les ICL et de déterminer les facteurs de risques potentiels associés aux ICL au Canada.

Résultats

Entre 2016 et 2021, neuf ICL ont été signalés à DILC. Pendant la même période, 322 incidents d'exposition qui auraient pu entraîner, ou qui ont entraîné, des ICL ont été signalés au DILC. De multiples individus peuvent être exposés au cours du même incident, et au total 668 personnes ont été exposées dans les 322 incidents. Par la suite, 1,3 % des personnes ont développé une ICL (et moins de 3 % des incidents).

Tous les neuf ICL se sont produits chez les techniciens, les étudiants et les assistants de laboratoire (tableau 1). La plupart des ICL se sont produits chez les personnes qui ont soit un niveau élevé de scolarité, soit de nombreuses années d'expérience en laboratoire et parfois les deux. Le nombre médian d'années d'expérience était de six ans pour les huit personnes pour lesquelles l'information était connue. Aucune de ces ICL n'a mené à des infections secondaires.

Tableau 1 : Descriptions de chacune des neuf infections contractées en laboratoire confirmées dans le système de surveillance de déclaration des incidents en laboratoire au Canada, 2016 à 2021
Variable Cas 1 Cas 2 Cas 3 Cas 4 Cas 5 Cas 6 Cas 7 Cas 8 Cas 9
Rôle Étudiant Technicien Technicien Technicien Technicien Technicien Technicien Assistant Étudiant
Diplôme le plus élevé Maîtrise Diplôme technique Baccalauréat Baccalauréat Baccalauréat Diplôme technique Baccalauréat Diplôme d'études secondaires Baccalauréat
Années d'expérience Moins de 5 Moins de 5 Inconnu Moins de 5 De 10 à 20 années De 5 à 10 années De 5 à 10 années 20 années ou plus Moins de 5
Type de laboratoire Universitaire Hospitalier Gouvernemental, santé publique Hospitalier Gouvernemental, santé publique Hospitalier Universitaire Hospitalier Gouvernemental
(autre)
Principale activité de travail Travail in vivo avec les animaux Microbiologie Microscopie Microbiologie Microbiologie Microbiologie Soins aux animaux Entretien Microbiologie
Agent biologique Staphylococcus aureus Salmonella spp. Salmonella spp. Brucella spp. Salmonella spp. E. coli Virus de la vaccine Salmonella spp. E. coli
Groupe de risque GR2 GR2 GR2 GR2 ou GR3 GR2 GR2 GR2 GR2 GR2
Voie d'exposition Inoculation Ingestion (présumée) Ingestion Inhalation Ingestion Ingestion Inoculation Ingestion Absorption
Cause de l'exposition Objets pointus Inconnue Équipement, EPI, procédure EPI, procédure Inconnue Procédure Objets pointus, procédure EPI, procédure Fuite, équipement, procédure
Exposition reconnue au moment? Oui Non Non Oui Non Non Oui Non Oui
Premiers soins d'urgence? Oui s.o. s.o. Non s.o. s.o. Oui s.o. Non
Maladie aiguë Oui Oui Oui Non (séroconversion) Oui Oui Oui Oui Oui
Consultation médicale (moins de 8 jours) Non Oui Non Oui Oui Oui Oui Non Oui
Consultation médicale (8 jours ou plus) Oui Oui Oui Oui Non Oui Oui Oui Oui
Consultation de santé professionnelle (moins de 8 jours) Non Oui Non Oui Non Oui Oui Non Non
Consultation de santé professionnelle (8 jours ou plus) Oui Oui Non Non Non Oui Non Oui Non
Prophylaxie Oui s.o. s.o. Oui s.o. s.o. Oui s.o. Non
Traitement médicamenteux Oui Non Oui Non Non Non Non Oui Non
Temps de rétablissement Inconnu De 8 à 14 jours 14 jours ou plus s.o. De 8 à 14 jours Moins de 8 jours Inconnu 14 jours ou plus De 8 à 14 jours

De plus, il y a eu un éventail de types de laboratoire impliqués (tableau 1), indiquant que les ICL peuvent se produire dans différents environnements. Les activités de laboratoire les plus communes associées à ces ICL étaient la microbiologie (n = 5), suivie par le travail avec les animaux (n = 2), la microscopie (n = 1) et l'entretien (n = 1).

Conforme aux articles précédemment publiés, les agents associés aux neuf ICL étaient Salmonella spp. (n = 4), E. coli (n = 2), S. aureus (n = 1), Brucella spp. (n = 1) et le virus de la vaccine (n = 1).

Des deux incidents liés aux animaux, les deux ICL provenaient de l'inoculation par le biais de l'exposition à des objets pointus. Les sept autres incidents étaient un mélange d'ingestion (n = 5), d'absorption (n = 1) et d'inhalation (n = 1). En plus des deux incidents liés à des objets pointus, les causes profondes les plus souvent mentionnées étaient relatives aux procédures, à l'EPI, à l'équipement ou aux fuites.

Des neuf ICL confirmées, seulement quatre incidents d'exposition ont été reconnus comme tels au moment de l'événement. Les cinq autres incidents d'exposition ont été déterminés rétrospectivement après que les travailleurs soient devenus malades.

Des quatre ICL où l'incident a été reconnu au moment de l'événement, deux personnes ont reçu des premiers soins d'urgence et trois des quatre personnes ont reçu une prophylaxie. Aussi, trois des quatre personnes ont consulté un professionnel médical dans les sept jours suivant l'exposition. Malheureusement, même avec ces interventions préventives, trois des quatre personnes sont devenues gravement malades, alors que la quatrième personne a reçu des résultats positifs pour la séroconversion (indiquant une infection asymptomatique).

Des cinq ICL qui découlent des événements d'exposition non reconnus, toutes les cinq personnes sont tombées gravement malades et ont consulté un médecin ou un professionnel de la santé, après quoi une ICL a été identifiée et signalée au DILC. Ces maladies ont mené à des enquêtes afin de savoir si les maladies étaient liées à une exposition aux APT. Les incidents d'exposition qui ont mené à l'ICL ont été par la suite déterminés rétroactivement dans la mesure du possible, en remontant à partir de la date de la maladie en utilisant la période d'incubation des APT.

Trois des neuf personnes ont reçu un traitement médicamenteux pour leur maladie. Bien que la période de rétablissement varie, elle prenait souvent plus d'une semaine (n = 5).

Discussion

Les principaux objectifs de cette étude étaient de décrire les neuf ICL qui se sont produits au Canada entre 2016 et 2021 et afin de déterminer les facteurs de risque potentiels associés à ces incidents. En raison du petit échantillon, les résultats et les inférences sont fondés sur des analyses descriptives seulement. Aussi, seulement les laboratoires réglementés qui travaillent avec des organismes de GR2 ou des organismes supérieurs sont requis de signaler les expositions et les ICL au DILC. Des expositions et les ICL découlant du travail avec des spécimens primaires (comme le sang ou d'autres échantillons provenant des patients) ne sont pas requis d'être signalé au DILC, bien que cela soit fortement recommandé. Toutes les neuf ICL décrites ici viennent de situations de signalement obligatoire.

La plupart des personnes avec des ICL dans cette étude avaient soit un niveau de scolarité élevé, soit de nombreuses années d'expérience en laboratoire ou les deux. Cela suggère que l'inexpérience ou les niveaux de scolarité faible ne soient pas un facteur de risque pour les ICL. La formation régulière et l'examen des procédures d'exploitation normalisées avec le personnel, nouveau et existent, sont essentiels pour prévenir les incidents d'exposition et les ICL.

En outre, l'éventail des types de laboratoires (universitaires, hospitaliers et gouvernemental) et des types d'activités (microbiologie, soins aux animaux, etc.) signalées suggère que le travail dans n'importe quel laboratoire et n'importe quelle activité pourrait mener à une ICL.

Comme l'indique la littérature, Salmonella spp. et E. coli étaient les APT les plus fréquemment impliqués dans les ICL. Une enquête approfondie sur les raisons et les mécanismes derrière l'association de ces deux agents pathogènes et les ICL est recommandée.

Plusieurs causes sous-jacentes sont mentionnées parmi les neuf rapports, mais les problèmes de procédures sont mentionnés dans la plupart d'entre eux. Avoir des PEN détaillés, précis et à jour en place est essentiel, tout comme la formation continue et la mise à jour du personnel sur les PEN adéquats pour leurs activités. De plus, l'utilisation de l'EPI approprié est toujours essentielle afin de protéger le personnel de laboratoire des infections. Les problèmes de procédures peuvent inclure un manque de PEN appropriée, le respect d'une PEN peut être inapproprié pour l'activité ou le non-respect de la PEN tel qu'écrite. Les incidents liés à l'EPI peuvent comprendre le manque d'EPI, la mauvaise utilisation d'EPI ou la défaillance ou le mauvais fonctionnement de l'EPI. De même, les problèmes d'équipement peuvent inclure la mauvaise utilisation de l'équipement ou la défaillance ou le mauvais fonctionnement de l'équipement.

Il est important de reconnaître et de répondre aux événements d'exposition lorsqu'ils se produisent afin d'empêcher l'ICL et la transmission dans la communauté. Des neuf ICL identifiées, moins de la moitié des incidents d'exposition ont été reconnus comme tels au moment de l'événement. C'est problématique, puisque l'incapacité à identifier les expositions au moment de l'incident ne permet pas la mise en œuvre des procédures recommandées. Les laboratoires ont des procédures particulières en place afin de répondre aux expositions accidentelles, y compris les premiers soins, la consultation médicale immédiate, la prophylaxie et les mesures pour prévenir la propagation si une ICL devait se produire (comme une quarantaine). Lorsqu'une exposition est négligée, aucune de ces actions préventives peuvent avoir lieu, ce qui augmente la probabilité qu'une ICL se produise. En outre, ces événements sont alors plus susceptibles de mener à une transmission dans la communauté, car une personne peut être contagieuse sans le savoir jusqu'au moment où elle développe des signes et des symptômes d'une ICL.

Conclusion

Il y a eu neuf ICL signalées au Canada au cours des cinq dernières années et demie, aucune d'entre elles ne menant à une propagation communautaire. Salmonella spp. et E. coli sont deux APT préoccupants lorsqu'il est sujet des ICL. Il est important pour les laboratoires de former tout le personnel sur les procédures adéquates pour leurs fonctions, avec un recyclage professionnel régulier, y compris les mises à jour aussi tôt que possible lorsque les procédures changent. Aussi, les incidents d'exposition devraient toujours être signalés immédiatement, avec des lignes directrices pour les mesures après l'exposition suivies rigoureusement pour empêcher les ICL et la propagation dans la communauté.

Déclaration des auteurs

M. E. J. — Méthodologie, enquête, rédaction–première ébauche, révision et édition

M. S. — Rédaction–première ébauche, révision et édition

R. E. — Conceptualisation, méthodologie, rédaction–première ébauche, révision et édition, supervision

S. B. A. — Révision et édition

Intérêts concurrents

Aucun.

Remerciements

Nous souhaitons exprimer notre gratitude envers nos parties réglementées pour leur appui continu et leur contribution en ce qui concerne le signalement d'incident au Canada. Nous souhaitons également remercier tout particulièrement le personnel du Centre de la biosûreté pour leur contribution continue, leur soutien et leur expertise.

Financement

Aucun.

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