Question 2 : Quel est l’impact du sextage et de la sextorsion sur les enfants?

Transcription

Isabelle : Donc, j'aimerais ça qu'on parle du sextage. J'aimerais ça qu'on le définisse et que vous m'expliquiez aussi comment on peut en discuter avec nos enfants. Sarah, peut-être, prends la barre. Ça va bien jusqu'à présent.

Sarah : Oui, c'est une excellente question et assez complexe aussi. On en entend beaucoup parler aussi autant chez les jeunes que chez les parents à Jeunesse, J'écoute. Puis la définition qu'on donne vraiment, c'est l'envoi ou la réception de messages à caractère sexuel. Ça peut être des photos ou des vidéos partiellement nues ou complètement nues, via l'Internet ou via les appareils mobiles. Puis, quand on pose la question aux jeunes à Jeunesse, J'écoute, la réponse, c'est souvent : C'est un moyen pour moi d'explorer ma sexualité, la confiance, l'intimité, les limites.

Et puis, d'après mon expérience sur les premières lignes, on voit des jeunes aussi jeunes que 11-12 ans qui vont commencer à parler de sextage. Puis je le mentionne, surtout pour dire que c'est un moment important, le début de l'adolescence, pour en parler avec nos jeunes. Mieux vaut en parler plus tôt que plus tard. Puis, on encourage toujours les parents d'avoir des conversations ouvertes et transparentes qui sont adaptées à l'âge de leurs enfants. Puis l'accent vraiment que je vais mettre tout au long de la conversation aujourd'hui, c'est l'ouverture. Les enfants vont réagir mieux à une conversation de nature exploratoire qu'à des accusations ou des conséquences immédiates. Alors vraiment entamer une conversation avec un jeune peut commencer avec une question simple : J'ai vu un reportage qui parlait de sextage. Est-ce que c'est quelque chose avec lequel t'es familier ? Ou j'aimerais ça te parler de sextage. Puis vraiment rester curieux, mais aussi respecter les limites. Ça reste un sujet assez intime pour les jeunes et on veut être respectueux dans les questions qu'on pose. Et puis, en tant que parents, on veut aussi comprendre que notre rôle, c'est de donner ou de fournir les informations aux jeunes, les bonnes questions à poser. Mais au final, ça va être eux qui vont devoir prendre une décision éclairée. Puis l'addition leur revient, notamment d'équiper les jeunes avec les bonnes questions et les bonnes informations pour qu'ils se sentent à l'aise dans leur décision.

Puis de rappeler aux jeunes que c'est important que dans tout ça, ils se sentent maîtres de leur décision. Si on envoie une image à caractère sexuel, ce sera leur choix. Puis de penser à qui reçoit l'image. Est-ce qu'on peut contrôler la distribution d'images ? Et vraiment les encourager aussi à parler de consentement. Est-ce que je sens que j'ai le pouvoir de dire oui ou de dire non à ces images-là ou à l'envoi ou à la réception de ces images-là ? Pis de penser à ça tout au long de notre conversation avec nos jeunes.

Isabelle : Oui, merci. Ce que j'entends beaucoup aussi, c'est d'abord vraiment l'espèce de safe space, c'est un terme qu'on utilise beaucoup en anglais, mais les francophones le comprennent dans la discussion avec nos enfants, de ne pas être dans le jugement. Rosiane, c'est quoi les implications du sextage, avec ou sans consentement ?

Rosiane : Oui, donc, le sextage sans consentement, c'est lorsqu'une image à caractère sexuel est partagée avec d'autres sans le consentement de la personne. Donc, c'est ce qu'on réfère à la distribution non consensuelle d'images intimes, donc ça consiste en une forme d'exploitation et peut constituer une offense criminelle. Donc, l'implication, c'est lorsqu'une image intime est partagée avec quelqu'un, même si elle est partagée avec une personne où on a confiance. On perd quand même le contrôle de cette image. Donc, on voit souvent des cas où le sextage se produit initialement dans le cadre d'une relation consensuelle avec une personne qu'on considère étant digne de notre confiance. Mais comme on sait, certaines relations peuvent parfois se terminer mal et on peut voir des cas de vengeance où l'image qui était initialement distribuée à une personne de confiance est maintenant redistribuée avec d'autres, d'autres gens et publiée en ligne. Donc, on appelle ça la pornographie de vengeance ou en anglais, on dit revenge porn. Puis ça peut être très bouleversant pour la personne qui est représentée dans cette image.

Donc, c'est ce qui est important de constituer aussi, c'est que ces images-là aussi vidéo, sont partagées sans consentement. Les gens qui les partagent peuvent faire face à des accusations criminelles. Pour les gens dont une de leurs images vidéos est partagée sans leur consentement, ils peuvent aller au site Web AidezMoiSVP.ca. Donc ils fournissent de l'information aux jeunes qui sont affectés. Et puis, l'objectif, c'est de leur offrir des conseils et des solutions pour reprendre le contrôle de la situation.

Isabelle : Merci, merci. Ça, c'est sûr que ça fait peur aux enfants quand ils apprennent qu'il y a des conséquences qui peuvent être criminelles, c'est important comme parents aussi de s'informer, de bien comprendre toute cette dimension-là pour bien l'expliquer à nos enfants, comme je sais que c'est un aspect qui m'intéresse beaucoup, beaucoup, beaucoup. René, j'aimerais ça avec vous qu'on aborde toute la notion de leurre, de conditionnement, aussi qui vient avec le sextage.

René : Oui, effectivement. Le sextage, la sextorsion, on en parlera aussi, ce sont des problématiques maintenant assez courantes malheureusement. C'est en augmentation depuis le début de la pandémie. Tout le monde le voit. On le voit, nous aussi, et ça cause toutes sortes de problèmes chez les jeunes. Des problèmes dont les parents doivent être vraiment bien conscients. Parce que souvent, quand les jeunes sont aux prises avec ces problématiques-là, quand ils sont en plein dedans, ce n'est pas le genre de chose dont ils vont avoir spontanément envie de parler avec leurs parents. Mettez-vous à la place d'une jeune fille de 14-15 ans qui se fait prendre au piège du sextage. Les choses dérapent. Elle n'a pas nécessairement envie d'en parler à sa mère. En tout cas, pas au début. Et souvent, les choses prennent une tournure que l'enfant, l'adolescent par la suite, n'est plus capable de gérer. Et je remercie là-dessus Rosiane d'avoir mentionné le site AidezMoiSVP.ca. parce que c'est justement dans cet esprit-là qu'au Centre canadien de protection de l'enfance on a créé ce site, parce qu'on partait du principe que quand les jeunes sont pris là-dedans, ils vont pas nécessairement en parler tout de suite. Ils vont chercher d'abord à régler le problème par eux-mêmes. D'où l'importance des parents d'en prendre bien conscience.

Et ça nous amène justement à parler du leurre. Vous allez souvent dans les médias entendre parler que tel ou tel individu s'est fait arrêter pour pornographie juvénile et leurrre informatique. Alors, c'est quoi le leurre informatique ? C'est lorsqu'une personne, généralement un adulte, mais pas toujours, va communiquer avec un enfant par un moyen électronique. Ça peut être par sexto, ça peut être à travers les médias sociaux, ça peut être à travers un site Web, un jeu en ligne pour communiquer avec l'enfant dans le but de, si vous voulez, créer des conditions propices à une infraction sexuelle contre cet enfant-là.

Et ça, ça fait intervenir un processus dont les parents doivent être vraiment bien conscients. C'est le processus qu'on appelle le conditionnement. Le conditionnement, si vous voulez, c'est un petit peu un ensemble de techniques que les prédateurs d'enfants vont utiliser sur Internet pour manipuler l'enfant, si vous voulez. Mais chercher petit à petit à lever les inhibitions naturelles qu'un enfant peut avoir par rapport à la sexualité. Ça va se faire de différentes manières. Parfois, il y a des images à caractère sexuel qui vont être présentées à l'enfant pour lui montrer que bon, il y en a d'autres qui l'ont fait avant toi, il y en a d'autres qui vont le faire après toi, lever un petit peu ses inhibitions par rapport à la sexualité adulte-enfant, par exemple. Le but de l'opération, finalement, c'est pour le cyber prédateur d'amadouer l'enfant, de devenir un petit peu son ami, de gagner sa confiance pour justement créer ces conditions propices qui vont faire en sorte qu'il va pouvoir parvenir à ses fins. Je vous dirais que c'est un phénomène qu'on voit souvent plutôt chez les préadolescents, les adolescents plutôt que chez les jeunes enfants. C'est surtout une problématique qui touche les filles avant les garçons. Je dirais que les jeunes filles de 13 ans sont peut-être les plus à risque, mais on a vu aussi des jeunes de 9, 10, 11 ans se faire prendre au piège.

Ce qui est un peu préoccupant là-dedans, c'est que lorsque les choses atteignent un niveau critique, souvent, l'enfant, lui, s'est fait prendre dans un subterfuge. Ça peut être un subterfuge amoureux. Il va croire qu'il est dans une relation authentique avec la personne et va croire que cette personne est vraiment son amie ou vraiment qu'il ou elle est dans une relation d'amour avec cette personne-là. Et ça va souvent placer les enfants dans des situations de déni. Lorsque les choses tournent mal, ils vont refuser de croire qu'ils se sont fait avoir. Ou alors il va être complètement outré parce que il y a eu bris de confiance. Donc c'est quand même quelque chose d'assez complexe, comme phénomène, mais c'est néanmoins quelque chose de très réel.

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