Question 3 : Que doivent savoir les parents et les tuteurs au sujet de l’exploitation sexuelle des enfants en ligne?

Transcription

Isabelle : Je veux qu'on parle de l'exploitation sexuelle des enfants, justement en ligne parce que c'est en augmentation au Canada et c'est assez incroyable. Qu'est-ce qu'on doit savoir sur l'exploitation sexuelle des enfants et surtout comment on reconnaît les indices. J'ai envie d'entendre la sergente Rosiane là-dessus.

Rosiane : Oui, donc l'exploitation sexuelle des enfants en ligne peut prendre différentes formes, puis des enfants et des adolescents de tous les âges et de toutes origines peuvent être victimes. Les agresseurs peuvent être quelqu'un que votre enfant connaît, donc quelqu'un qu'ils ont rencontré hors ligne et qu'ils connaissent hors ligne ou peut être un étranger total. Il peut également s'agir de quelqu'un qui se représente faussement en ligne, donc quelqu'un que l'enfant croit vraiment connaître. Les jeunes considèrent souvent ceux qu'ils rencontrent en ligne comme des amis, même s'ils ne les connaissent pas vraiment. Donc, pour plusieurs, avoir un gros cercle d'amis en ligne est très important, donc ils peuvent être plus disposés à inviter des personnes dans leur réseau sans considérer les risques et les implications. C'est donc important que les parents comprennent comment ils perçoivent leurs relation en ligne avec les autres. En général, l'exploitation des enfants se produit principalement de deux façons. Donc, premièrement, un enfant peut être abusé sexuellement hors ligne où l'abus est enregistré et par la suite, propagé en ligne. Et deuxièmement, un enfant peut être ciblé en ligne par un agresseur.

Donc, dans les deux cas, les images, les vidéos d'abus peuvent rester en ligne pour très longtemps, il peut être difficile de retrouver et supprimer toutes les « réplications » de ces enregistrements. Et à chaque fois que ce matériel est partagé en ligne, ça revictimise l'enfant. Chaque année, le Centre national des crimes contre l'exploitation des enfants voit une augmentation du nombre de rapports concernant l'exploitation des enfants en ligne. Donc, au cours de l'année 2020 2021, le Centre a reçu au-delà de 52 000 rapports concernant l'exploitation des enfants en ligne. Donc, il s'agit d'une augmentation de 510 % du nombre de rapports reçus depuis 2013-2014. Donc, la pandémie a également élevé les risques envers les enfants, puisque les agresseurs profitent du fait que les enfants passent plus de temps en ligne, souvent sans surveillance.

Isabelle : Je suis restée accrochée à 510 % des cas. J'en reviens pas, c'est énorme ! René, je ne sais pas si ce chiffre-là vous surprend ? Qu'est-ce que vous avez remarqué de votre côté, vous ?

René : Non, ce n'est malheureusement pas un chiffre qui nous surprend. De notre côté, c'est la même chose. Vous savez, au Centre canadien de protection de l'enfance, on a un programme, un service qui s'appelle Cyberaide.ca, qui permet au grand public de nous communiquer des signalements de cas d'exploitation sexuelle d'enfants sur Internet. Depuis le début de la pandémie, chez nous, c'est une augmentation de 106 % des signalements. Je vous dirais de cas, peut-être pas de l'ensemble des signalements, mais de cas d'interactions directes entre des adultes et des enfants sur Internet, des interactions qui peuvent prendre la forme, par exemple, d'enfants qui se font envoyer des messages, des images à caractère sexuel, qui vont en recevoir ou qui vont subir des pressions pour en envoyer, ou alors qui ont vu des images à caractère sexuel d'eux-mêmes être rediffusées et retransmises sur Internet par des adultes. Donc, ce genre de signalement-là est en hausse de 106 % chez nous depuis le début de la pandémie. Juste pour les cas de sextorsion, de leurre informatique, de distribution non consensuelle, d'images intimes, dans la deuxième moitié de 2021, on a traité plus de 500 cas d'enfants qui communiquaient avec nous ou de parents d'enfants qui communiquaient avec nous par rapport à des situations comme celles-là.

Je vous dirais que dans la plupart des cas, la majorité des jeunes ont entre 12 et 17 ans. Mais la plus jeune victime qu'on a eue, elle, avait 8 ans. Alors imaginez, ça peut commencer très jeune et les impacts de ça vont varier énormément selon l'âge de l'enfant, selon sa personnalité. Ça peut aller d'une relative indifférence jusqu'à l'état complètement opposé. Vous allez avoir des enfants, des adolescents qui vont se retrouver en situation de choc traumatique à l'idée que des images intimes d'eux-mêmes circulent largement sur Internet. Ça peut en venir à les préoccuper dans à peu près toutes les sphères de leur vie. Ça va se traduire par une baisse de leurs résultats scolaires, un impact épouvantable sur leur vie sociale. Donc je ne veux pas nécessairement dramatiser tout ça, mais je pense que c'est important que les parents prennent conscience que dans certaines situations, ça peut parfois aller très loin. On a vu des incidents tragiques survenir à cause de situations comme celle-là.

Et c'est bon aussi pour les parents de savoir que ce n'est pas parce qu'un enfant est en détresse qu'on voit nécessairement le savoir, comme je l'ai mentionné tout à l'heure. Et je sais que Sarah et Rosiane en ont parlé aussi. Ce sont des choses qui touchent la vie intime des enfants et qu'ils vont chercher d'abord et avant tout à essayer de régler par eux-mêmes. Donc ils vont être assez discrets là-dessus pendant un certain temps où les choses sont en train de déraper. Donc ça va être important, on en parlera peut-être tout à l'heure, pour les parents de bien se renseigner sur ces questions-là et peut-être de prendre l'initiative d'en parler avec leurs enfants plutôt que d'attendre que les choses dérapent.

Isabelle : Oui, et là René, j'ai une question qui me vient comme ça. J'ai toujours l'impression que la sextorsion vient nécessairement avec une demande d'argent. Est-ce que ce que je fais un faux rapport entre les deux ?

René : Pas vraiment. En fait, oui. Effectivement, ça vient souvent avec une demande d'argent, mais ça vient aussi souvent avec une demande d'image. Ce qu'on a remarqué avec la sextorsion, c'est que ça ne touche pas nécessairement les garçons et les filles de la même manière. Le but des sextorqueurs, il faut bien comprendre le principe derrière ça, c'est d'entrer en relation avec des enfants, des adolescents dans le but d'obtenir quelque chose, c'est pour ça qu'on l'appelle de la sextorsion, c'est une forme d'extorsion, une forme de chantage. Donc, on veut réussir à obtenir par toutes sortes de moyens des images de l'enfant pour ensuite s'en servir pour le faire chanter afin d'obtenir soit d'autres images, soit de l'argent.

Et quand je disais tout à l'heure qu'il y avait une différence entre les garçons et les filles à ce niveau-là, c'est que le plus souvent, lorsqu'un sextorqueur va s'en prendre à une fille, il va chercher à obtenir d'autres images de sa part. S'il y avait des photos au début, il va peut-être chercher à obtenir des vidéos. Si c'était soft au début, il va chercher à obtenir des images encore plus osées et il va se servir de toute l'information qu'il a pu obtenir au préalable de l'enfant en devenant son ami. Souvent, il aura une photo de sa maison, il connaîtra son adresse, il saura qui sont ses parents. Il aura une capture d'écran de toute sa liste d'amis et il va pouvoir utiliser tout ça pour dire Eille, si tu ne m'envoies pas d'autres photos, voici toute l'information que j'ai sur toi et voici toutes les personnes à qui je vais envoyer ces photos-là, alors tu as intérêt à faire ce que je te demande. Ça place les enfants dans des situations très, très, très difficiles. Et chez les garçons, on va utiliser un petit peu les mêmes stratégies pour menacer de leur faire subir des humiliations en mettant leurs images en circulation s'ils refusent d'envoyer une certaine somme d'argent à leur extorqueur. Des problématiques qui, malheureusement, existaient avant la pandémie et ont pris encore plus d'expansion après le début de la pandémie.

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