Discours sur l’évolution de l’architecture de sécurité nationale du Canada dans un monde très difficile en constante évolution

Discours

École supérieure de politiques publiques Johnson Shoyama, Saskatchewan
15 Janvier 2019

Bon après-midi. Je suis très heureux d’être de retour à l’Université de Regina dans cet édifice historique et magnifiquement restauré de l’avenue College. Je suis fier que le gouvernement du Canada ait été votre partenaire dans la restauration de cet édifice pour les générations à venir.

Nous sommes ici sur le territoire du Traité no 4 et la terre des Métis. Je remercie Doug Moen et la Johnson-Shoyama Graduate School de me donner l’occasion aujourd’hui d’aborder certaines de mes principales responsabilités au sein du Cabinet fédéral.

Avant la dernière élection fédérale, à l’automne 2015, devenir le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile du Canada ne m’était jamais venu à l’idée. En tant qu’ancien ministre de l’Agriculture, des Ressources naturelles, des Travaux publics et des Finances, je me suis toujours concentré sur des questions économiques.

Cependant, le premier ministre avait une autre idée en tête… et voilà que, depuis, je me retrouve plongé dans le monde des espions et de l’espionnage, des gangs et des armes à feu, des opioïdes, du crime transnational, de la migration et des réfugiés, des transferts de prisonniers et de l’isolement cellulaire, et des catastrophes naturelles comme les tempêtes, les inondations et les feux de forêt. C’est à la fois épuisant et exaltant, comme essayer de boire à même un boyau d’incendie. Ce ne sont pas des questions simples, et il y a certains jours – je dois l’admettre – où il peut être difficile de voir les beaux côtés de ce portefeuille.

Néanmoins, trois ans et deux mois plus tard, je peux vous dire que c’est un grand honneur et une grande aventure pour moi de travailler chaque jour au portefeuille de la Sécurité publique – premièrement, à cause des Canadiens extraordinairement courageux et compétents avec qui j’ai la chance de travailler; deuxièmement, à cause de la gravité des problèmes avec lesquels nous sommes aux prises; troisièmement, parce que ces questions sont inextricablement liées aux emplois, à la croissance, à la prospérité et au bien-être des Canadiens.

Un pays sûr et sécuritaire où la primauté du droit est respectée et où les lois sont appliquées comme il se doit est un prérequis essentiel d’une économie prospère. La sécurité fournit la stabilité dont dépendent les marchés libres, et la prévisibilité et la confiance sur lesquelles les investisseurs comptent.

Ce qui est tout aussi important – tandis que la sûreté et la sécurité sont assurées et que la loi est appliquée et administrée ‑, c’est que les Canadiens doivent avoir l’assurance absolue que leurs droits et libertés sont entièrement respectés et protégés.

Nous avons le privilège de vivre dans une démocratie libre, ouverte, diversifiée et inclusive – probablement le meilleur exemple de pluralisme que le monde a jamais connu. Et nous devons travailler tous les jours pour que notre pays demeure ainsi, particulièrement dans un monde complexe, en constante évolution et parfois dangereux.

Voici un peu de contexte. Le portefeuille de la Sécurité publique existe depuis 2003. Il inclut le ministère lui-même, qui s’occupe de l’élaboration des politiques, de la recherche, de la coordination des enjeux et de la prestation des programmes (dans des secteurs aussi diversifiés que la planification des interventions en cas d’urgence, la lutte à la radicalisation, le maintien de l’ordre pour les Premières Nations, les services de lutte contre les gangs, le nouveau régime juridique pour le cannabis, la lutte contre les blessures de stress post-traumatique parmi les premiers répondants, et bien plus encore).

Cependant, la plus grande partie du travail lié à mon portefeuille s’effectue par l’intermédiaire d’un ensemble d’organismes essentiels et indépendants, qui ont des pouvoirs et des responsabilités extraordinaires, comme la Gendarmerie royale du Canada, l’Agence des services frontaliers du Canada, le Service canadien du renseignement de sécurité, le Service correctionnel du Canada, la Commission des libérations conditionnelles du Canada… pour ne nommer que les principaux.

Dans son ensemble, ce portefeuille comprend plus de 60 000 employés dévoués et un budget annuel de 10 milliards de dollars – tout cela pour faire en sorte que le Canada demeure sûr, pour veiller à ce que les Canadiens soient en sécurité, et pour sauvegarder nos droits et libertés et notre mode de vie ouvert, inclusif et démocratique.

Aujourd’hui, j’aimerais traiter de quatre grands sujets que, j’espère, vous trouverez intéressants :

  • le premier est le projet de loi C-59, notre nouvelle loi conçue pour renouveler l’architecture de la sécurité nationale du Canada afin de refléter les réalités de notre monde difficile et tumultueux;
  • le second est le problème des voyageurs terroristes à risque élevé et la façon dont nous traitons les menaces qu’ils posent;
  • le troisième est la nouvelle politique du Canada sur la cyber sécurité et les mesures prises pour nous protéger des attaques malveillantes;
  • le quatrième, enfin, est l’ingérence étrangère dans les affaires canadiennes par des acteurs étatiques, y compris ceux qui exercent une influence malveillante pour susciter la confusion, la peur et la haine et pour nuire à notre démocratie.

Premièrement, le projet de loi C-59, Loi concernant des questions de sécurité nationale. Ce projet de loi a été adopté à la Chambre des communes et est maintenant à l’étude au Sénat. Le résultat des consultations publiques sur la sécurité nationale les plus ouvertes et exhaustives de l’histoire canadienne, la nouvelle loi, lorsqu’elle sera en vigueur, accomplira trois objectifs importants.

Tout d’abord, elle corrigera plusieurs erreurs dans la loi, comme des formulations trop vagues rendant certaines dispositions difficiles à utiliser, une liste d’interdiction de vol défectueuse qui victimisait des enfants, des contournements implicites de la Charte, et ainsi de suite. Tous ces problèmes sont réglés dans le projet de loi C-59.

Deuxièmement, le projet de loi renforce et clarifie l’autorité constitutionnelle et juridique en vertu de laquelle nos organismes de sécurité et de renseignement fonctionnent, et il crée de nouveaux outils à leur intention. Plusieurs décisions de tribunaux et rapports d’experts ont soulevé des questions à cet égard au cours des dernières années, et il est essentiel qu’il n’y ait aucun doute concernant les pouvoirs de ces organismes et la façon dont ils peuvent les mettre en pratique, et où se situent les barrières. La clarté est essentielle à l’efficacité.

Enfin, le projet de loi C-59 marque l’arrivée d’une toute nouvelle ère de transparence et de reddition de comptes. Il crée un nouvel organisme global, l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement, qui a le mandat pangouvernemental d’examiner chaque ministère et organisme fédéral qui a une fonction de sécurité ou de renseignement. Finis les examens fragmentés réalisés en vases clos. Le nouvel organisme aura l’autorité nécessaire pour faire le suivi de toute question dans l’ensemble de l’appareil gouvernemental. Son travail et son expertise viendront s’ajouter aux examens distincts et indépendants de notre nouveau Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement.

Nous créons également un nouveau poste de commissaire du renseignement, qui aura des pouvoirs de surveillance afin d’examiner et approuver – ou interdire – certaines activités de sécurité et de renseignement qui seraient proposées avant qu’elles n’aient lieu. Si le commissaire dit « non », l’activité n’aura pas lieu.

Le SCRS (le Service canadien du renseignement de sécurité) est l’organisme de collecte de renseignements d’origine humaine du Canada. Le projet de loi C-59 prévoit à cet égard un ensemble de règles claires pour la gestion et l’utilisation d’ensembles de données à grande échelle sur lesquels le SCRS s’appuie pour bon nombre de ses analyses.

Le CST (le Centre de la sécurité des télécommunications) est l’organisme de collecte de renseignements d’origine électromagnétique du Canada. Le projet de loi C-59 dote le CST de sa propre loi et du pouvoir d’entreprendre des activités d’opérations cybernétiques actives (pas seulement défensives) pour démanteler les menaces cybernétiques envers le Canada avant qu’elles ne se concrétisent.

D’autres changements améliorent le partage d’information entre les organismes du gouvernement fédéral. De solides règles ont été établies contre tout comportement qui pourrait contribuer à la torture. Et le tout sera réexaminé à fond dans cinq ans.

Nous avons deux objectifs très importants dans le projet de loi C‑59 : garantir que les droits et libertés des Canadiens sont respectés comme il se doit, et, également, veiller à ce que nos services de police et nos organismes de sécurité et de renseignement fassent véritablement tout ce que nous attendons d’eux pour que les Canadiens soient en sécurité.

J’espère que le projet de loi C-59 obtiendra bientôt l’approbation du Sénat et deviendra loi au début de cette année.

Maintenant, je vais aborder mon deuxième grand sujet d’aujourd’hui : la manière dont nous combattons ceux qui deviennent radicalisés à la violence extrémiste et qui voyagent parfois à l’étranger pour semer la terreur.

Depuis le début de la flambée de barbarie lancée en Syrie et en Iraq il y a quelques années par le soi-disant « État islamique », que l’on connaît aussi sous le nom plus approprié de « Daech », près de 40 000 personnes de divers pays ont été persuadées par la ruse de se joindre à la cause terroriste et se sont rendues à divers endroits un peu partout dans le monde pour y participer – avant 2016 pour la plupart.

La part du Canada dans ce problème est petite et assez stable, mais nous ne sommes pas immunisés. Travaillant étroitement avec nos partenaires internationaux, les services canadiens de sécurité, de renseignement et de police ont identifié environ 250 de ces voyageurs extrémistes à risque élevé qui ont une connexion avec le Canada et qui ont voyagé outre-mer; environ la moitié sont allés en Syrie, en Iraq et en Turquie, et les autres en Afghanistan, au Pakistan et dans certaines parties de l’Afrique du Nord et de l’Est.

Certains d’entre eux sont devenus des combattants sur le champ de bataille. D’autres ont effectué des collectes de fonds, de la planification opérationnelle, de la propagande en ligne, du recrutement, de la formation et d’autres activités connexes. Certains n’étaient que des sympathisants.

Environ 190 de ces gens sont toujours à l’étranger. Certains d’entre eux – peut-être plusieurs – sont décédés. D’autres sont maintenant mariés et ont des enfants. Il y a près de 60 personnes qui ont quitté le Canada et qui sont maintenant de retour – quelques-unes en provenance du théâtre Syrie/Iraq/Turquie, mais la plupart en provenance d’autres endroits. Je le répète : la majorité de ces déplacements à des fins de terrorisme ont eu lieu avant 2016. Les chiffres n’ont pas beaucoup changé au cours des trois dernières années.

Soulignons que, malgré la défaite de Daech sur le champ de bataille et la reprise de la ville de Raqqa il y a 15 mois environ, il n’y a eu aucune intensification récente du nombre de personnes revenant au Canada. On sait que quelques-uns de ces voyageurs terroristes en lien avec le Canada sont entre les mains des Kurdes en Syrie, dans une région instable et dangereuse sous l’égide d’aucun gouvernement et où le Canada n’a aucune présence diplomatique. Il faut noter que, bien que tous les citoyens canadiens (qu’ils aient commis des gestes répréhensibles ou non) aient légalement le droit de « retourner » au Canada, le gouvernement du Canada n’a aucune obligation juridique de faciliter leur retour.

Le SCRS, la GRC, le ministère des Affaires mondiales et nos autres organismes de sécurité, du renseignement et d’application de la loi travaillent sans relâche pour en savoir autant que possible sur toutes les menaces à notre sécurité nationale. Ce travail est effectué 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, à la fois à l’interne, à l’échelle de tous les organismes, et en étroite collaboration avec nos alliés de la Coalition mondiale de lutte contre Daech, de l’OTAN, du Groupe des cinq, du G7, de l’Union européenne, d’Interpol, et de divers organismes des Nations Unies, entre autres.

Toutes les données disponibles sont constamment évaluées et réévaluées par des experts pour veiller à ce que tous les renseignements sur tous les risques et toutes les menaces – et sur les personnes qui dont derrière – sont à jour et exacts. Et pour que nous soyons prêts à les contrer.

Les Canadiens qui participent à des activités terroristes et de violence extrémiste peuvent s’attendre à faire l’objet d’une enquête et d’être arrêtés, accusés et poursuivis en justice avec toute la vigueur permise par la loi. C’est l’objectif et la priorité numéro un du gouvernement.

Depuis que les premières infractions particulières liées au terrorisme ont été ajoutées au Code criminel il y a une quinzaine d’années, plus de 100 accusations ont été portées contre 55 personnes, et 27 d’entre elles ont été reconnues coupables d’une ou de plusieurs infractions – jusqu’à maintenant. De ce petit groupe de personnes rentrant au pays en provenance de Syrie, d’Iraq et de Turquie, quatre ont été accusées et deux ont été condamnées – jusqu’à maintenant.

Toutefois les preuves qui peuvent être utilisées dans les tribunaux canadiens sont souvent difficiles à obtenir, particulièrement quand elles doivent provenir d’une zone de guerre à l’autre bout du monde dans un endroit qui est toujours dysfonctionnel et dangereux. Tous nos alliés démocratiques sont aux prises avec le même défi.

Pendant que des preuves sont recueillies et examinées, ou quand les accusations sont difficiles à déposer, une gamme complète d’autres mesures sont déployées contre des personnes soupçonnées d’activités terroristes, y compris : la surveillance, des interrogatoires et des enquêtes additionnelles; la collecte et la diffusion d’information conformément à la loi; l’évaluation continue des menaces; les listes d’interdiction de vol; la procédure d’inscription prévue par le Code criminel; le refus ou la révocation des passeports; les demandes d’engagement de ne pas troubler l’ordre public se rapportant à une activité terroriste; et les mesures de réduction des menaces autorisées par la loi.

Tout cela vise à assurer la sécurité des Canadiens. Les mesures précises à prendre par rapport à une personne ou à une situation particulière sont déterminées par les organismes experts de police, de sécurité et du renseignement du Canada. Ils sont professionnels et non pas politiques. Et ils sont hautement respectés par leurs homologues des autres pays.

J’ajouterais enfin que Daech et al-Qaïda ne sont pas les seules sources de violence extrémiste. Celle-ci peut se manifester dans n’importe quel type de fanatisme. Par exemple, les groupes suprémacistes blancs d’extrême droite et néonazis sont une source de préoccupation croissante. Ces groupes encouragent la haine qui se manifeste sous la forme de violences antisémites, d’une attaque brutale misogyne au moyen d’une fourgonnette sur la rue Yonge à Toronto, ou du meurtre de six citoyens canadiens simplement parce qu’ils priaient à une mosquée près de Québec. Tout cela est aussi une menace pour le Canada et les Canadiens, et requiert et obtient l’attention de tous nos organismes de sécurité publique.

Penchons-nous maintenant sur la cybersécurité.

Au cours des deux dernières décennies, les technologies de l’information ont transformé radicalement nos vies. Le monde est devenu un endroit plus petit, plus rapide, plus complexe et interrelié. Les gens sont plus connectés qu’avant, entre eux et avec ce qui les entoure. Et ils sont plus dépendants de ces connexions. Et plus vulnérables.

Internet et les téléphones intelligents font dorénavant partie intégrante de qui nous sommes. Nous passons une bonne partie de notre temps en ligne – en fait, à 43,5 heures par mois, les Canadiens passent le plus de temps en ligne au monde.

C’est comme cela que nous travaillons, jouons, magasinons, faisons nos transactions bancaires, brassons des affaires, menons des recherches scientifiques, nous divertissons, demeurons informés, et gardons le contact avec parents et amis. Les technologies numériques enrichissent nos vies de manières innombrables. Ces technologies reposent sur une infrastructure complexe dont dépendent notre économie et notre société moderne. Et cela fait que nos renseignements personnels et financiers les plus sensibles flottent dans un nuage.

Et des millions de fois chaque jour, des pirates informatiques, chez nous et partout dans le monde, essaient d’y accéder. Les responsables de ces attaques peuvent être des États étrangers, des agences militaires ou d’espionnage, des groupes terroristes, des organisations criminelles, de simples voleurs, des personnes voulant se venger d’entreprises ou d’autres particuliers, ou parfois c’est le voisin maniaque d’informatique qui essaie simplement de voir jusqu’où il peut aller.

Les pirates informatiques ont des objectifs divers, allant du vol et de l’extorsion au sabotage, à l’intimidation, à la vengeance, à la perturbation et au chaos, en passant par la simple nuisance. Les outils qui sont à leur disposition sont sophistiqués, faciles à obtenir et peu coûteux. Ils cherchent à exploiter les failles et les faiblesses dans les systèmes et à profiter des mauvaises habitudes numériques. Et étant donné notre interconnexion généralisée, nous sommes tous seulement aussi forts que notre maillon le plus faible.

Imaginez les dommages qui s’ensuivraient si une infrastructure numérique majeure était compromise – dans le secteur des télécommunications, par exemple, ou des banques, de la santé, des transports (comme le contrôle de la circulation aérienne) ou de la transmission d’énergie. Ce n’est pas un scénario hypothétique. Des pirates informatiques étrangers ont deux fois mis hors fonction le système électrique en Ukraine, ce qui a eu d’énormes répercussions. Et ce n’est qu’un petit exemple.

Selon l’information la plus récente de Statistique Canada, le cybercrime au Canada cause plus de 3 milliards de dollars en pertes économiques chaque année. Mondialement, les pertes en 2018 sont évaluées à plus de 600 milliards de dollars. Lorsqu’on lui a demandé ce qui l’empêche de dormir la nuit, le gouverneur de la Banque du Canada a répondu, il n’y a pas si longtemps de cela que ce sont les menaces de cyberattaques.

C’est donc une énorme préoccupation qui est bien réelle, mais nous ne pouvons nous permettre d’être motivés par la peur. Tandis que nous déployons la nouvelle Stratégie de cybersécurité du Canada, nous mettons également l’accent sur les possibilités qu’elle crée en matière de recherche de fine pointe, de découvertes scientifiques, d’innovation, de techniques d’ingénierie et de fabrication avancées, de création de nouvelles entreprises, d’exportations mondiales, de création d’emplois, de prospérité et de croissance économique.

En effet, la cybersécurité est une industrie en croissance. Elle contribue déjà pour 1,7 milliard de dollars à notre produit intérieur brut et représente plus de 20 000 excellents emplois. Le marché mondial pour des produits et services de cybersécurité de haute qualité vaut près de 100 milliards de dollars aujourd’hui, et va probablement plus que doubler d’ici moins de trois ans.

L’appétit mondial pour l’expertise cybernétique dans toutes les industries à l’échelle de tous les secteurs est immense. Chaque pays lutte pour développer les talents et les compétences nécessaires. En ce moment, le Canada est au quatrième rang mondial des pôles d’innovation en matière de cybersécurité, mais notre capacité de faire encore mieux est énorme. Avec l’aide de l’industrie et des universités, nous devrions viser le sommet. Et pour y arriver, nous devons tirer parti de toutes les ressources qui sont à notre disposition.

À cet égard, je souligne que notre dernier budget fédéral a financé les plus grands investissements en sciences et en innovation de toute l’histoire canadienne. Les besoins en matière d’expertise cybernétique ne doivent pas être en reste. Est-ce que Johnson-Shoyama ou d’autres à l’Université de Regina ou à l’Université de la Saskatchewan devraient faire de ce domaine une priorité?

Dans le dernier budget fédéral, le gouvernement a également accordé plus de 750 millions de dollars sur cinq ans pour notre nouveau plan fédéral de cybersécurité.

Le tiers de ce montant, soit 250 millions de dollars, ira à Services partagés Canada pour renforcer et protéger les systèmes cybernétiques du gouvernement du Canada. À mon avis, le plus grand avantage de Services partagés Canada est de veiller à ce qu’il y ait une cohérence et des normes élevées de cybersécurité dans l’ensemble des systèmes fédéraux de TI.

Cependant, il demeure également essentiel de protéger les systèmes du secteur privé – nous investissons donc 155 millions de dollars pour créer le nouveau Centre canadien pour la cybersécurité. Ce dernier est devenu notre autorité opérationnelle nationale, rassemblant toute l’expertise cybernétique fédérale sous un même toit pour analyser, donner des conseils et fournir des services aux gouvernements et au secteur privé, à grande et à petite échelle, y compris aux exploitants de l’infrastructure essentielle. Le Centre a également pour mandat de sensibiliser et d’éduquer le public et de faire la promotion de saines habitudes numériques.

La GRC reçoit 200 millions de dollars pour renforcer ses capacités d’enquête sur les cybercrimes et pour mettre sur pied la nouvelle Unité nationale de coordination de la lutte contre la cybercriminalité afin d’appuyer et de coordonner les opérations d’application de la loi menées dans ce domaine partout au pays.

Le CST, le SCRS et les ministères de la Sécurité publique, des Affaires mondiales, des Ressources naturelles, de l’Innovation et de l’Emploi reçoivent des ressources – y compris pour un service de certification volontaire visant à évaluer les capacités cybernétiques dans le secteur privé, et pour l’administration d’un programme intégré d’apprentissage en milieu de travail pour 1 000 étudiants. Et ce n’est qu’un tout petit début.

Un autre élément de notre stratégie sera présenté dans les prochaines semaines. À la suite de consultations exhaustives, nous planifions mettre en place un cadre législatif pour que nous comprenions tous les obligations que nous avons les uns envers les autres dans le monde cybernétique aussi profondément interconnecté et interdépendant dans lequel nous vivons. Quels sont les secteurs les plus sensibles et les plus vulnérables? Quelles sont les normes appropriées et les pratiques exemplaires qui doivent être appliquées dans ces secteurs? Quelle responsabilité une victime de cyberattaque a-t-elle de signaler qu’elle a été attaquée, de prendre des mesures correctives, d’aviser ses clients et d’aider à protéger les autres?

On l’a dit plus tôt, le maillon le plus faible est le point critique. Il peut faire s’effondrer le château de cartes en entier et causer des dommages irréparables. Ces maillons doivent être évités autant que possible.

En terminant, j’aimerais parler de l’ingérence étrangère.

Depuis les temps immémoriaux, des gouvernements du monde entier se sont efforcés de façonner l’opinion publique et les politiques gouvernementales d’autres pays afin de faire avancer leurs propres intérêts. Et tant et aussi longtemps que cela s’effectue de manière pacifique, ouverte et transparente dans les limites de la légalité, tout va bien. C’est ce qu’on appelle la diplomatie ou la négociation de traités.

Les efforts de notre Équipe Canada pour donner de l’information, façonner les opinions et bâtir un appui aux États-Unis pour l’ALENA représentent un exemple approprié. Tout se fait au vu et au su du public et tout est factuel. Et sans objection.

Toutefois, lorsque ce type d’activité devient secret et clandestin, et est dominé par des mensonges et la désinformation visant à induire les gens en erreur, à déstabiliser l’économie ou à manipuler le processus démocratique, une ligne rouge vif est franchie.

Cela pourrait être de l’espionnage pour voler des secrets commerciaux ou du sabotage pour nuire à un compétiteur mondial. Cela pourrait être un assassinat pour réduire un détracteur au silence. Ou cela pourrait peut-être être des agents étrangers qui fournissent des fonds illégaux pour appuyer certains candidats lors d’une campagne électorale. Cela pourrait être la contrainte des membres d’une diaspora, ou l’utilisation des médias sociaux pour faussement porter atteinte à la réputation d’un ministre du Cabinet. Cela pourrait être le financement de robots ou de trolls pour susciter l’anxiété, l’hystérie même, concernant certaines questions litigieuses.

Ces types d’activités hostiles des États sont devenus de plus en plus de grands sujets de discussions et de préoccupations pour les Canadiens et entre notre pays et ses partenaires du Groupe des cinq et du G7.

Il y a une détermination croissante à travailler de concert pour découvrir les comportements illicites et confronter les pays qui ne respectent pas les règles. Vous en avez vu des exemples par le passé à l’égard de l’Iran, de la Corée du Nord… et de la Russie, un pays qui a bafoué à répétition la primauté du droit et les normes acceptables.

Dans le cadre d’une réaction coordonnée aux attaques à l’agent neurotoxique perpétrées au Royaume-Uni le printemps dernier, le Canada a expulsé quatre membres du personnel diplomatique de la Russie. La ministre des Affaires étrangères, Mme Freeland, a déclaré qu’il « a été établi que ces quatre personnes sont des agents du renseignement ou des personnes qui ont utilisé leur statut diplomatique pour compromettre la sécurité du Canada ou s’immiscer dans sa démocratie ».

Au cours du sommet du G7 de l’été dernier dont le Canada était l’hôte et qui s’est déroulé dans la région de Charlevoix, un nouveau mécanisme d’intervention rapide du G7 pour aider à contrer les menaces communes a été annoncé. Ce mécanisme renforcera le partage d’information sur les activités étrangères qui sapent nos démocraties, et ciblera les possibilités de réactions coordonnées.

Tout récemment, en décembre, plusieurs pays, dont le Canada, ont dénoncé conjointement les activités cybernétiques hostiles qui ont piraté et mis en péril un certain nombre de fournisseurs de services de TI partout dans le monde. Le Centre de la sécurité des télécommunications du Canada et ses équivalents dans d’autres pays démocratiques ont conclu que les activités de piratage étaient presque assurément attribuables au ministère de la Sécurité de l’État de la Chine. Nous avons tous parlé d’une même voix – ensemble et publiquement.

Protéger nos institutions démocratiques et contrer l’activité hostile des États sont des priorités pressantes pour le gouvernement du Canada – et cela comprend la sauvegarde de l’intégrité des élections fédérales de cette année.

Le projet de loi C-76 aidera à l’échelle nationale. Il a reçu la sanction royale en décembre. Entre autres, cette Loi sur la modernisation des élections interdira à des tiers canadiens d’utiliser des fonds étrangers pour leurs activités partisanes, que ce soit pendant les campagnes électorales ou non. Elle exige également que toutes les organisations qui vendent de l’espace publicitaire n’acceptent pas consciemment des publicités provenant d’entités étrangères.

Le plus important est que les Canadiens eux-mêmes doivent être vigilants pour reconnaître les intrusions étrangères, et demeurer sceptiques à propos des fausses nouvelles déguisées en informations légitimes, surtout dans les médias sociaux.

De plus, lorsque nos organismes professionnels de sécurité et de renseignement constatent de l’ingérence illicite de l’étranger dans notre démocratie, les Canadiens doivent être mis au courant. Il reste cependant à trouver la réponse à une des grandes questions : qui sonnera l’alarme?

Par exemple, avec toute la partisanerie qui fait rage en période électorale, quelle organisation, agence ou groupe de confiance possède la crédibilité, le respect et l’impartialité nécessaires pour dire publiquement que des activités malfaisantes visant à pervertir notre démocratie prennent leur source dans une capitale étrangère?

Cela mérite réflexion, mais c’est une question à laquelle il faut trouver une réponse concrète à l’approche de la campagne électorale plus tard cette année.

—–

Mesdames et Messieurs, vous avez été bien patients. Merci de votre attention.

J’aimerais répéter brièvement un dernier point avant de terminer.

Nos services de sécurité et de renseignement, nos premiers répondants et notre personnel d’urgence à tous les niveaux forment une équipe incroyable de personnes solides, talentueuses et dévouées. Les Canadiens ont de la chance de pouvoir compter sur elles. Elles offrent vraiment un service de classe mondiale.

Et tous les jours, elles déploient tous les efforts nécessaires pour nous garder en sécurité et pour protéger nos précieux droits et libertés qui font que le Canada est le Canada.

Je les remercie pour leur service.

Détails de la page

Date de modification :