Aspects sécuritaires de l'auto-isolation de diverses collectivités

Publié : lundi 01 novembre 2010

Faits saillants d'une conférence organisée par le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) dans le cadre du Global Futures Forum et tenue le 29 mars 2010 à Ottawa.

Rapporteur : Bilal Baloch
Étudiant à la maîtrise
Fletcher School, Tufts University (États-Unis)

Le présent rapport est fondé sur les opinions exprimées par les experts qui ont présenté des exposés et par les autres participants à la conférence organisée par le Service canadien du renseignement de sécurité dans le cadre de son programme de liaison-recherche. Le rapport est diffusé pour nourrir les discussions. Il ne s'agit pas d'un document analytique et il ne représente la position officielle d'aucun des organismes participants. La conférence a été dirigée selon les règles de Chatham House; de ce fait, on n'attribue ni ne divulgue l'identité des conférenciers et des participants. Publié en novembre 2010.
© Sa Majesté la Reine en droit du Canada

Introduction

Le 29 mars 2010, le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) a accueilli une conférence d'un jour sur le thème de la sécurité propre aux communautés qui se replient sur elles-mêmes en Occident. La conférence avait pour but d'examiner en profondeur la recherche menée sur la radicalisation, une vaste question, et a réuni des experts issus de divers secteurs—universités, forces armées, gouvernement et presse entre autres—ainsi que des chercheurs indépendants. Les conférenciers ont partagé leurs points de vue sur les lacunes de la communauté internationale en matière d'évaluation des groupes terroristes et radicalisés ainsi que de leurs membres. Ils ont également examiné les mesures qui devraient être prises pour combler ces lacunes.

Points soulevés

Aujourd'hui, l'étude de la radicalisation repose sur l'idée reconnue selon laquelle le terrorisme est symptomatique d'une plus vaste problématique et les membres d'un réseau terroriste ne sont pas tous nécessairement les auteurs d'actes de violence. En outre, les membres d'un groupe terroriste n'ont pas tous la même expérience. Partant de ces deux axiomes, on a élaboré une typologie de la participation au terrorisme fondée sur le rôle comme facteur d'analyse.

Les personnes impliquées dans le terrorisme possèdent des caractéristiques différentes qui peuvent être réparties sur un continuum. À titre d'exemple, une personne dénuée d'opinions politiques bien arrêtées peut se joindre à un groupe, puis, avec le temps et après avoir été en contact avec d'autres membres du groupe et leurs convictions, elle peut devenir très radicalisée. La recherche doit être poussée afin de comprendre pour quelles raisons ce phénomène se manifeste.

Autant les personnes impliquées dans le terrorisme sont issues d'une multitude de milieux, autant elles peuvent suivre des voies différentes vers la radicalisation et jouer des rôles différents au sein de leur organisation. En comprenant mieux ces facteurs, on pourra peut-être mettre en évidence des points d'intervention et des stratégies préventives.

Pour que les stratégies préventives soient efficaces, les communautés vulnérables, les organisations d'application de la loi et les organismes de services sociaux locaux doivent collaborer. Cette collaboration fera en sorte que les stratégies viseront mieux les facteurs d'impulsion de la communauté et favoriseront la prestation de meilleurs services et de ressources additionnelles.

L'une de ces stratégies préventives, les services de police communautaires, est importante, car elle place les préoccupations des communautés isolées ou détachées au coeur de la surveillance policière. Toutefois, il existe toujours un risque que ce type de surveillance policière marginalise davantage les communautés parce que leurs membres pourraient croire que la stratégie n'est qu'un moyen de surveillance. Pour éviter que cela se produise, il convient, entre autres, de collaborer avec une multitude de groupes au sein de la communauté et de susciter une vaste confiance.

Radicalisation – oeuvre individuelle ou du groupe

Du milieu des années 80 à la fin des années 90, le groupe ou l'organisation était au coeur de l'étude du terrorisme. Toutefois, depuis 2005, la recherche a mis l'accent sur l'individu. Aujourd'hui, on réexamine la radicalisation en sachant que plusieurs grands facteurs influent sur le terrorisme.

Au départ, il importe de comprendre que la radicalisation violente ne représente que l'une des manifestations possibles de la radicalisation dans son ensemble. Un grand nombre de personnes peuvent souscrire à des idées radicales, mais elles n'auront pas toutes un comportement violent. La violence est donc une préoccupation primordiale. Elle représente naturellement un problème épineux pour les gouvernements qui souhaitent éviter son éruption.

De même, désengagement et déradicalisation ne sont pas synonymes. Il est possible de quitter un mouvement terroriste. Certaines personnes le font. Pour les chercheurs, il importe de mettre en évidence les raisons et les mécanismes de ce comportement et de savoir qu'il n'y aura pas un train de réponses à ces questions.

Les chercheurs ont commencé à découvrir pour quelles raisons une personne qui souscrit simplement à des idées « radicales » cherche vraiment à appartenir à un groupe terroriste. Parmi les facteurs relevés, citons être en sympathie avec les souffrances des victimes, vouloir vivement cesser de parler d'un phénomène et passer à l'acte, être au bon endroit au bon moment (rôle de la chance) et attendre une récompense lorsqu'on rejoint un groupe. La récompense est un facteur dominant qui peut être influencé. Certaines recrues sont dévastées lorsqu'elles se rendent compte du contraste entre l'idéal auquel elles adhéraient avant de devenir membre d'un groupe et la réalité quotidienne au sein du groupe. Cette réaction peut servir de catalyseur à un désengagement, et elle peut être influencée.

Rôle des individus au sein des groupes

Les membres d'un groupe terroriste n'ont pas tous la même expérience. Les chercheurs ont tenté d'élaborer une typologie de la participation au terrorisme fondée sur le rôle comme facteur d'analyse. Ils cherchent à comprendre comment les rôles sont acquis, assumés et éliminés, à savoir si les rôles simples sont dans la norme ou si des rôles multiples peuvent être assumés de manière simultanée et si un rôle peut évoluer. En outre, il importe de comprendre pourquoi certaines personnes sont attirées par certains types de rôles et pour quelles raisons assumer certains rôles change certaines personnes.

Les typologies fondées sur un axiome statique sont inutiles, car celles qui s'appliquent à un groupe ne conviennent peut-être pas à un autre. Une autre possibilité consiste à décrire les personnes impliquées dans le terrorisme en fonction de plusieurs continuums, à savoir :

  • des motifs idéologiques et politiques aux motifs non idéologiques et apolitiques;
  • du rang élevé au sein du groupe et des dirigeants à celui de partisan qui veut appartenir;
  • de l'individu bien ancré dans la société, adapté et ingénieux, à l'individu marginalisé muni de faibles ressources sociales.

Ces caractéristiques ont souvent été considérées comme faisant partie de la théorie du « tapis roulant » plutôt qu'un ensemble d'idées statiques. La théorie est souvent justement contestée ; néanmoins, pendant sa vie d'extrémiste, un individu peut passer d'une extrémité d'un continuum à l'autre. À titre d'exemple, un individu peut être apolitique au départ et devenir, au fil du temps, plus politisé et engagé du point de vue idéologique. Autrefois un partisan, il peut devenir un dirigeant. Fait intéressant cependant, on ne comprend pas bien comment, ou pour quelle raison, cette évolution, si elle se matérialise, se réalise vraiment.

De surcroît, des groupes terroristes différents sont composés de personnes différentes qui, à n'importe quel moment donné, se trouvent à des points différents du continuum. À titre d'exemple, certains groupes comptent peut-être beaucoup de partisans bien adaptés du point de vue idéologique tandis que d'autres groupes, au début de leur existence, possèdent peu de ces solides dirigeants et un plus grand nombre de membres marginalisés dont certains pourraient devenir plus politisés au fil des ans. Ces différents types d'individus assumeront généralement des rôles différents, et complémentaires, au sein de l'organisation. Il importe de ne pas perdre de vue que le terme « type » doit être utilisé avec précaution, car un « type » n'a rien de statique, mais renvoie plutôt aux divers états qu'une personne peut avoir dans les processus de radicalisation ou de déradicalisation.

Beaucoup de personnes sont présentes dans les « coulisses de la violence » (p. ex. recueillir des documents, des vidéos, des conférences et d'autres messages sur Internet), mais elles ne commettent jamais d'actes de violence. Distinguer les individus violents de ceux qui ne le sont pas : voilà le coeur de la problématique. Posséder des documents est peut-être un indice, mais cela ne suffit pas toujours.

Étant donné que beaucoup d'individus oeuvrent vraiment en « coulisses », comme l'a souligné un conférencier, il est peut-être préférable de les inculper en vertu du droit pénal plutôt que de lois antiterroristes parfois mal rédigées. À titre d'exemple, les autorités britanniques ont inculpé Ali Beheshti, qui oeuvrait en marge de son groupe, pour tentative d'attentat à la bombe contre le domicile de l'auteur de l'ouvrage intitulé The Jewel of Medina. Cette démarche est appropriée vu la nature criminelle de l'acte. Il serait peut-être important de saisir les raisons qui ont poussé M. Beheshti à agir de la sorte pour comprendre beaucoup d'autres membres de son groupe, mais cela ne permettra pas de comprendre le groupe dans son ensemble. Beaucoup d'autres personnes ont fréquenté la même mosquée, mais personne d'autre n'a agit comme il l'a fait. M. Beheshti avait déjà été condamné pour tentative d'assassinat de son père. La condamnation témoignait peut-être davantage de son comportement ultérieur.

Passer de l'information à l'action

Il est aujourd'hui bien connu que les terroristes sont issus d'une multitude de milieux sociaux et qu'ils sont le fruit de processus de radicalisation différents. On peut donc conclure qu'ils ne sont pas faits sur le même moule et que tenter de repérer les individus susceptibles de commettre des actes de violence au sein de la population en général donne beaucoup trop de faux coupables et de faux innocents. Toutefois, cerner clairement les dimensions et les voies de la radicalisation est plus prometteur. Comprendre les différents processus permettra peut-être de prendre des mesures préventives, de perturber la radicalisation violente et de favoriser le désengagement.

Pour les chercheurs, il y a peut-être sept facteurs primordiaux de la voie vers la radicalisation :

  • motivations et griefs (les impressions comptent plus que les véritables griefs);
  • admission favorisée par le facteur social (de haut en bas et de bas en haut);
  • scission/progression (les personnes passent d'un groupe à l'autre et deviennent souvent plus extrémistes au cours de leur cheminement);
  • intensification au sein des groupes;
  • idéologie (souvent un facteur de motivation important);
  • menace (l'impression d'une menace imminente perpétuelle qui provient de l'extérieur et qui peut donner lieu à un acte défensif collectif);
  • appartenance et identité.

En outre, les différents groupes terroristes peuvent être composés de membres qui ont connu des voies de radicalisation différentes. En conséquence, plutôt que d'élaborer une stratégie, il est préférable de mettre au point plusieurs mesures précises susceptibles de correspondre aux différents « types » ou dimensions. Certains types peuvent être sensibles à des mesures socioéconomiques tandis que d'autres accueilleront favorablement un discours psychosocial ou idéologico-politique. Ainsi, les mesures préventives doivent être adaptées aux facteurs déterminants de chaque activiste ainsi qu'aux caractéristiques des divers types de groupes.

Ces différents types peuvent suggérer des points d'intervention différents pour rompre les processus de radicalisation ou briser un groupe militant. À titre d'exemple, les activistes motivés par un idéalisme, qui possèdent un solide sens de la justice et qui réagissent aux souffrances des autres jouent typiquement un rôle de premier plan au sein des cellules terroristes. Ils sont généralement bien intégrés et instruits et sont considérés comme des modèles au sein de leur communauté. Les vétérans du djihad (Tchétchénie, Bosnie, Afghanistan) dotés d'une image de héros et qui servent de lien avec le « djihad mondial » peuvent être un groupe particulier de ce type.

Les individus très motivés du point de vue idéologique et politique peuvent devenir désillusionnés lorsque leurs attentes à l'égard du mouvement sont déçues. Ils peuvent également devenir préoccupés par la violence possible. Combattre pour leurs frères musulmans et constater en même temps que leurs victimes peuvent être des musulmans pourraient être un problème pour eux.

En outre, ceux qui ont un sens élevé du leadership risquent de perdre leur statut au sein de leur groupe. Lorsque c'est le cas, ils peuvent être encore plus enclins à se désengager. Le désengagement de ces membres influents peut décourager les jeunes de se joindre à un groupe. Ce qui en fait d'importants agents de radicalisation peut aussi leur faire jouer un rôle influent en faveur du désengagement.

Les personnes qui n'adhèrent à aucune opinion politique particulière et qui sont motivées au contraire par la recherche d'une solidarité peuvent être encore plus disposées à commettre des actes de violence pour se prouver à elles-mêmes. Même si ces personnes comptent peut-être parmi les membres les plus extrémistes de leur groupe, elles peuvent devenir aussi désillusionnées plus facilement.

À chaque extrémiste correspond une stratégie préventive pour favoriser le désengagement. En tenant compte des différents types, les mesures doivent viser des populations entières (p. ex. des groupes minoritaires dans leur ensemble)—et non de petites communautés—pour encourager l'intégration (une intervention primordiale). D'autres types d'intervention peuvent s'adresser à des groupes particuliers qui représentent un risque (p. ex. les musulmans de régions défavorisées). En outre, on devrait aider les jeunes membres de groupes extrémistes à obtenir une formation pour décrocher des emplois et on devrait leur présenter des modèles positifs auxquels ils pourraient s'identifier.

En outre, il faut également effectuer des travaux pour découvrir pour quelles raisons certains individus quittent leur groupe. En réunissant mieux les données, on pourrait mettre en évidence des traits caractéristiques qui pourraient servir à cerner les facteurs déterminants du terrorisme. Il serait très avantageux de posséder une base de données réunissant les résultats et les stratégies prévues des gouvernements en matière de lutte antiterroriste et, plus important encore, les réactions des extrémistes face à l'intervention de l'État.
Notre connaissance des conditions nécessaires pour que les « prétendus » groupes radicaux basculent dans une véritable radicalisation est imparfaite.

Débat

En réponse à une question sur l'existence de programmes préventifs « idéaux », les experts invités ont mentionné le programme de désengagement colombien et le programme de déradicalisation saoudien (fondé sur un dialogue théologique et l'idéologie et qui compte sur le rôle de psychologues, de travailleurs sociaux et, surtout, de la famille). Autre exemple intéressant, au Royaume-Uni, un programme communautaire mobilise les mosquées et les centres communautaires locaux ainsi que les jeunes modèles influents. Toutefois, les experts invités ont indiqué qu'il est impossible de transplanter un programme couronné de succès dans un autre pays, mais qu'il convient d'étudier la démarche employée pour ce programme.
Au sujet de la possibilité de surestimer les terroristes, les experts invités ont mentionné que la promulgation de lois spéciales sur le terrorisme peut aggraver le problème et mener à une intensification des déclarations (ou proclamations).

Se tournant vers ce qui peut être fait pour progresser, les experts ont signalé la nécessité de faire attention aux mots utilisés dans la discussion (p. ex. rébellion et terrorisme). En outre, les mesures doivent être prises en fonction du contexte. Un expert a souligné la nécessité de démystifier et de rabaisser les terroristes.

Les communautés somaliennes en Occident, des communautés en crise

Discuter des communautés somaliennes en Occident, c'est traiter de trois facteurs importants au coeur du problème : un État déliquescent, une organisation militaire extrémiste et les difficultés de la vie au sein de la diaspora.

Il est également possible de résumer la situation de la société somalienne par la confluence de trois grandes crises :

La destruction de son mode de vie dans le monde

Le sentiment d'appartenance a été brisé en Somalie, et il y a eu un mouvement des croyances religieuses modérées vers des convictions plus extrémistes.

Des institutions nationales en crise

L'État se délite peu à peu et al-Chabaab a du mal à déterminer la signification de l'État et à savoir comment le construire.

Un leadership en crise

Les Somaliens (en Somalie et à l'étranger) estiment que le président actuel de la Somalie, cheik Sharif Ahmed, ignore tout à fait comment édifier un État même s'il jouit de l'appui des États-Unis et du Royaume-Uni.

La confluence de ces trois crises a abouti à l'effondrement de la communauté somalienne qui, à son tour, a rendu la population vulnérable à la manipulation.

La religion joue un rôle important dans la vie d'un grand nombre de Somaliens qui vivent en Occident. Face à des lois nouvelles et à des façons de faire les choses différentes, certains Somaliens se tournent vers la religion, qui représente une constante. Cependant, le Somalien peu instruit interprète parfois mal l'enseignement religieux.

L'intervention américaine en Somalie, en particulier l'appui à l'invasion de la Somalie par les forces éthiopiennes en 2007 (au moins 20 000 morts et un million de réfugiés), a suscité un grand nombre de défis. Beaucoup de Somaliens estiment que la communauté internationale ne s'intéresse qu'à la présence ou non de terroristes en Somalie ou de pirates au large des côtes. Cela ne sont pas les préoccupations de la plupart des Somaliens au quotidien.

Il y a un long passé de combattants étrangers, surtout au sein de la diaspora somalienne, qui partent combattre en Somalie. Les premiers cas attestés remontent au début des années 90, et le nombre de combattants étrangers a commencé à augmenter à la fin des années 90 lorsque des Somaliens ont commencé à collaborer avec al-Qaïda en Afrique de l'Est. Le recours du Harakat al Chabaab al-Moudjahidin (ou al-Chabaab) aux témoignages enregistrés sur bande vidéo et aux documents ainsi que sa collaboration autoproclamée avec al-Qaïda ont confirmé que le groupe se dirigeait vers un djihad mondial. Depuis la fin des années 90, la « talibanisation » et le contrôle social de la société somalienne se sont intensifiés.

Al-Chabaab a surtout recours à la propagande pour recruter à l'échelle mondiale. Depuis 2007, la propagande est passée d'un moyen rudimentaire et simpliste à un outil qui ratisse large et qui s'appuie pleinement sur la technologie, comme les sites vidéo sur Internet. Elle s'adresse surtout à la diaspora somalienne (en particulier les jeunes qui vivent aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Suède et au Kenya) et emploie un langage facile à comprendre. Les sites Web d'al Chabaab sont constamment mis à jour et aident la diaspora somalienne à se tenir au courant de la situation dans son pays d'origine. En outre, il y a maintenant des « facilitateurs » qui aident les internautes à avoir accès à des documents et qui organisent même des voyages en Somalie.

Des camps d'entraînement avancés accueillent les combattants étrangers lorsqu'ils arrivent en Somalie. On soupçonne ces camps de bénéficier d'un appui technique et idéologique d'al-Qaïda au Yémen.

Le « Petit Mogadiscio » aux États-Unis

La communauté somalienne des États-Unis vit surtout à Minneapolis, au Minnesota, et est composée surtout de ce que l'on appelle la « génération 1,5 », un groupe né en Somalie, mais qui s'est installé presque immédiatement aux États-Unis en provenance des camps de réfugiés. Une fois aux États-Unis, ce groupe a été élevé surtout dans des familles monoparentales établies dans des communautés pauvres.

La plupart des Américains d'origine somalienne ont été assujettis aux facteurs d'attraction-répulsion. Parmi les facteurs de répulsion, on entend entre autres l'indigence, avoir connu la guerre et vivre dans un camp de réfugiés. En ce qui concerne le troisième facteur, 60 % des Américains d'origine somalienne vivent dans l'indigence par rapport à 4 % des Américains musulmans. Les facteurs d'attraction sont notamment l'affinité culturelle avec la Somalie, la tradition guerrière somalienne, l'invasion de la Somalie par l'Éthiopie en 2007, l'accès à des images de violence en Somalie et à des idées extrémistes sur Internet, les mosquées et les organisations estudiantines.

Les recruteurs d'al Chabaab et leurs partisans à Minneapolis réunissent habilement tous ces facteurs lorsqu'ils entrent en contact avec les jeunes Somaliens. Les recruteurs sont d'anciens combattants somaliens qui vivent aujourd'hui à Minneapolis. Ils jouissent de l'appui logistique d'al Chabaab et entretiennent des relations avec les mosquées et les groupes de jeunes de la ville.

Ils ont recours aux moyens suivants pour recruter les jeunes Somaliens à Minneapolis :

1. beaucoup de jeunes Somaliens sont exposés à l'enseignement wahhabite dans leurs mosquées et dans les programmes parascolaires;
2. les recruteurs d'al Chabaab communiquent avec les jeunes par téléphone, les sites de réseautage social et les rencontres;
3. les recruteurs influencent un groupe d'individus pour préparer les jeunes à la mobilisation.

Le message des recruteurs passe par toutes les gammes, de « Go to Somalia, fight for your war and your country », « Fight the enemy », « Create an Islamic state », « Become a martyr » à « Somalia, not the US, is your country ». Ces messages jouent sur les émotions des immigrants, le nationalisme somalien, l'idéologie wahhabite et un sentiment d'aliénation qu'éprouvent beaucoup d'Américains d'origine somalienne à l'égard de la culture occidentale. Fait très inquiétant, lorsqu'ils parlent aux jeunes Américains d'origine somalienne, les recruteurs savent tenir un discours plus convaincant que celui des parents, des enseignants, des imams et des amis.

Stratégies préventives

Le Federal Bureau of Investigation (FBI) a remporté un certain succès en empêchant plus de jeunes Somaliens à se mobiliser, mais il reste encore plusieurs sources de préoccupation importantes. À titre d'exemple, les organismes fédéraux américains n'ont peut-être pas repéré les jeunes Somaliens qui ont été radicalisés et recrutés, mais qui n'ont pas été mobilisés, et il y a des « loups solitaires » au sein de la communauté—essentiellement des personnes qui veulent devenir des martyrs—qui pourraient apparaître. En outre, des familles et des communautés estiment qu'elles sont persécutées par les sévères mesures antiterroristes et les reportages discriminatoires de la presse. Ces facteurs pourraient aliéner davantage les jeunes, ce qui ferait le jeu des recruteurs. De surcroît, les stratégies antiterroristes des organisations fédérales et des organismes locaux d'application de la loi ne concordent pas.

Toute nouvelle démarche devra prévoir la collaboration avec les communautés et les familles.
Les parents de la communauté somalienne peuvent jouer le rôle de premier point de contact des mesures préventives. En fait, beaucoup de mères somaliennes estiment être extrêmement trahies par leurs mosquées, car elles ne croyaient pas que ces lieux de culte radicaliseraient leurs fils. Dans certains cas, des parents de Minneapolis ont signalé aux autorités le comportement suspect de leurs enfants. Les autorités n'ont pas communiqué correctement avec les familles pour mieux comprendre les mécanismes du recrutement.

Pour que les stratégies soient efficaces, les communautés qui présentent un risque, les organismes d'application de la loi et les services sociaux locaux doivent collaborer. Cette collaboration contribuera à faire en sorte que les stratégies correspondent mieux aux facteurs de répulsion au sein de la communauté et aboutira à la prestation de meilleurs services et à l'octroi de ressources additionnelles.

Beaucoup de membres de la communauté somalienne de Minneapolis ne reçoivent pas les services et l'aide dont ils ont besoin. Cette situation est attribuable, en partie, à l'existence d'une « migration secondaire », c.-à-d. que les réfugiés se sont d'abord installés ailleurs aux États-Unis avant de s'établir à Minneapolis (en fait, seulement 20 % des Somaliens qui habitent à Minneapolis sont venus directement de Somalie). Les emplois ne suivent pas nécessairement cette migration, et lorsque ces Somaliens arrivent à Minneapolis, il y a peu de programmes pour les aider. Cependant, même si de riches programmes de soutien étaient mis sur pied, il est difficile de les réaliser efficacement en raison de l'extrême fragmentation de la communauté somalienne. Bon nombre d'organisations somaliennes (ONG, organismes caritatifs, groupes politiques et religieux) oeuvrent de manière indépendante. Il est donc difficile pour quelqu'un de l' « extérieur » (organismes d'application de la loi, services de santé) de leur prêter main-forte.

Le travail réalisé au sein des communautés permettra également de recueillir des données empiriques et des informations de nature psychosociale nécessaires à l'élaboration de stratégies efficaces. On recueillera cette information dans le cadre de discussions avec, entre autres, les parents et les conseils des imams. Les personnes chargées d'élaborer les stratégies de lutte contre le terrorisme pourraient tirer parti des leçons apprises dans les secteurs comme l'éducation sur le SIDA et la lutte contre la toxicomanie. Dans ces secteurs, l'enrichissement des connaissances et l'éducation des familles ont été efficaces.

Michael Downing, chef du service de police de Los Angeles, a proposé d'avoir recours aux services de police communautaires, méthode efficace contre les gangs, dans le cadre d'une stratégie anti¬terroriste.

Il y a également la nécessité de mieux comprendre les leçons tirées du passé de la Somalie. Ainsi, on pourra contribuer à la reconstruction de la société somalienne en Somalie et en Occident. En outre, la politique étrangère à l'égard de la Somalie peut être utile. Pour l'heure, selon le conférencier, cette politique est fondée sur une multitude de propositions erronées et l'appui d'acteurs corrompus au sein de l'État. Ce phénomène nuit à l'image de l'Occident au sein de la communauté somalienne, ce qui pourrait diriger même les individus réticents vers des idées et des groupes plus radicaux.

La communauté somalienne au Danemark

Au Danemark, environ 400 Somaliens purs et durs appuient al-Chabaab. Ils exercent le même contrôle social sur les Somaliens du Danemark que celui d'al Chabaab en Somalie. Ce phénomène suscite deux problèmes : la hausse du nombre de disparitions (c.-à-d. le départ non signalé de jeunes pour la Somalie) et la crainte, de la part des familles, de signaler à la police ces disparitions ou d'autres mauvais traitements.

Débat

Quelqu'un a d'abord soulevé un point important : la Somalie n'est pas un pays homogène, mais plutôt une mosaïque de régions qui possèdent parfois, comme le Somaliland, un gouvernement mieux organisé que celui de beaucoup de pays africains voisins.
En réponse à une question sur la meilleure façon de communiquer avec les Somaliens qui vivent en Occident, un expert invité a insisté sur l'importance de recueillir l'appui des familles et des communautés lorsqu'il faudra élaborer des stratégies préventives. Il a toutefois signalé que bon nombre de communautés somaliennes sont divisées, ce qui rend difficile la tâche de trouver des partenaires efficaces.

Beaucoup de membres de la communauté somalienne veulent que l'on s'éloigne du terrorisme pour se tourner vers les problèmes que leurs familles et leurs amis en Somalie éprouvent quotidiennement. Sharif Ahmed a mis en évidence ce point lorsqu'il est venu aux États-Unis et s'est adressé à quelque 3 000 Somaliens de Minneapolis. Dans son allocution, il a insisté sur le fait que le terrorisme naît dans les mosquées. Ses propos ont mis en colère bon nombre de Somaliens qui voulaient entendre parler des choses qui touchent la population en Somalie (p. ex., la sécurité alimentaire).

En réponse à une question sur la relation entre al Chabaab et al-Qaïda, un expert a déclaré que les deux groupes éprouvent une sympathie réciproque, mais qu'il n'y a aucun signe de fusion.

En terminant le débat, un expert a indiqué qu'il convient d'accorder une plus grande attention aux « milieux périlleux » qu'aux personnes qui présentent un risque. Selon lui, le milieu de la jeunesse musulmane au sein de la diaspora, où prédomine Internet, les groupes de jeunes et les documents, justifie des mesures préventives particulières.

Communautés menacées en Europe et en Amérique du Nord

Est-ce que les jeunes du pays (qui n'ont aucune relation avec al-Qaïda) représentent une menace plus sérieuse que ceux qui vont s'entraîner à l'étranger et qui reviennent au pays? La question fait débat. Depuis les attentats du 11 septembre, l'islam radical a le vent en poupe, en particulier au sein de la diaspora.

Le nombre de terroristes d'origine intérieure qui agissent de manière indépendante de groupes comme al-Qaïda est à la hausse. Des terroristes d'origine intérieure fondent des groupes et se détachent de la société en général et de la majeure partie des musulmans. En outre, ces groupes sont souvent coupables de surenchère de radicalisme.

En fait, dans une étude menée de 2004 à 2008, Marc Sageman a découvert que 78 % des projets terroristes en Occident étaient entièrement l'oeuvre d'extrémistes d'origine intérieure n'ayant aucun contact avec des groupes djihadistes mondiaux. L'étude a révélé aussi que dans 43 % des cas, les extrémistes ont reçu des directives de l'étranger. La majorité de ces extrémistes (52 %) se rendent au Pakistan alors que 5 % vont au Yémen. Ces conclusions montrent que même si la radicalisation peut avoir lieu en Occident, et c'est le cas, le passage de la radicalisation au terrorisme se produit à l'étranger. À titre d'exemple, les engins utilisés dans les projets d'attentat peuvent être obtenus au pays, mais le savoir nécessaire pour bien les utiliser est acquis à l'étranger.

Le Pakistan joue un rôle de premier plan dans le djihad mondial. Les appareils de renseignement ont découvert qu'al-Qaïda est capable de se délocaliser rapidement, de se mobiliser, de se remobiliser et de continuer de mettre au point du matériel avancé d'attentat à la bombe, notamment dans certaines régions comme le Nord-Waziristan. En outre, selon les spécialistes de la lutte contre le terrorisme, les extrémistes issus de l'Occident se rendent de plus en plus au Pakistan. Ce pays attire vraiment les extrémistes comme aucun autre et présente les conditions idéales d'une formation idéologique et opérationnelle.

Extrémistes au Royaume-Uni

L'invasion de l'Irak en 2003 a mis en colère beaucoup de Britanniques, dont certains membres de la communauté musulmane. Al-Qaïda a donc mieux réussi à prendre pied pour faire du recrutement. Après 2003, plus de gens ont commencé à participer à des réunions liées à al-Qaïda en Grande-Bretagne.

La Grande-Bretagne est aux prises avec un problème : les services de sécurité surveillent environ 2 000 personnes qui présentent un risque dû à des prédicateurs radicaux qui bénéficient d'une impunité relative. Ces prédicateurs sont capables de transmettre avec enthousiasme leur message à un vaste public. Les musulmans britanniques de deuxième et troisième génération constituent leur principal public. Cette « génération de rebelles » se tourne alors contre l'islam traditionnel de ses parents et les idées de la société en général, ce qui suscite un sentiment accru de confusion. En outre, bon nombre de ces personnes sont des musulmans « de fraîche date » qui ne comprennent pas très bien leur religion, ce qui en fait des proies faciles des recruteurs.

La première des étapes de la radicalisation (lire des livres, naviguer sur Internet et participer à des discussions en ligne), voire la plus cruciale est rarement le fruit d'une influence à la maison ou de réseaux extrémistes étrangers. Les individus commencent leur parcours dans la solitude ou avec un petit groupe d'amis. Il est donc presque impossible de tracer un solide profil du type d'individu qui deviendra un terroriste. Cependant, l'identité et les valeurs religieuses des jeunes musulmans au Royaume-Uni ont connu un changement d'orientation. Les idées religieuses intéressent davantage ces jeunes.

L'attrait de l'islam radical découle beaucoup plus que d'un sentiment de colère à l'égard de la politique étrangère occidentale ou des conséquences d'un vaste mouvement vers l'islam de la part des jeunes musulmans. Il traduit une évolution plus fondamentale des attitudes culturelles et sociales. En ce qui concerne le multiculturalisme, les politiques relatives à la diversité à l'échelle locale et nationale ont encouragé des groupes ethniques et religieux à s'organiser du point de vue politique et à tenter de faire progresser leur propre identité.

Compte tenu de ces changements, il importe de se pencher sur la politique du gouvernement et ses répercussions sur les sentiments et l'attitude des musulmans qui vivent au Royaume-Uni. Depuis dix ans, et en particulier au lendemain des attentats à la bombe à Londres, le gouvernement mène une politique à l'égard des musulmans qui consiste à les traiter comme une communauté distincte dont les « besoins spéciaux » lui donnent droit à une politique particulière et à des privilèges. En 2005, le gouvernement a réuni un groupe de représentants et de dirigeants musulmans, appelé « Preventing Extremism Together » ou groupe de travail « Prevent », qui a recommandé des subventions accrues aux groupes et aux projets religieux pour satisfaire les besoins de la communauté musulmane. Cependant, malgré les bonnes intentions, la démarche a souvent semblé mal adaptée et confuse. Il s'est révélé difficile de « communiquer avec la communauté », car les musulmans ne forment pas réellement une communauté cohérente et unie. La population musulmane est divisée le long de fractures ethniques, linguistiques et culturelles. Même si de jeunes musulmans deviennent plus religieux que leurs parents, beaucoup d'autres deviennent plus laïcs. En conséquence, une stratégie communautaire efficace doit agir sur tous les besoins et toutes les attentes de ce groupe hétérogène.

De surcroît, même si on parle beaucoup de la nécessité de communiquer avec les communautés locales, les autorités connaissent parfois très peu la communauté musulmane en général. Il serait plus efficace d'appliquer plusieurs stratégies simultanées au sein de chaque communauté dans le but d'améliorer les conditions sociales (emploi, santé, éducation) qui rongent bon nombre de communautés des minorités.

Extrémistes aux États-Unis

Deux tendances se sont dégagées récemment aux États-Unis :

Le radicalisme dû aux « radicalisateurs »

Tendance attribuable à la confiance en soi accrue des prédicateurs. Un groupe partisan d'al-Qaïda, « Revolution Muslim », est très visible. Les « radicalisateurs » sont beaucoup plus protégés par le premier amendement de la Constitution américaine que par les lois européennes.

L'influence d'Internet

Les sites vidéo et sociaux sur Internet sont devenus de nouvelles tribunes pour discuter, communiquer et nouer des relations. À titre d'exemple, en 2009, deux jeunes hommes de la Virginie sont partis s'entraîner au Pakistan, et la notoire « Jihad Jane » se servait de YouTube pour recruter. Ces sites permettent à al-Qaïda et à des groupes semblables de diffuser leur idéologie beaucoup plus rapidement à un plus vaste public. Les guides spirituels plus extrémistes se servent aussi d'Internet pour atteindre d'éventuels fidèles.

En ce qui concerne les types de convictions qui suscitent la violence ou l'approbation de la violence, il est possible de cerner des similitudes entre l'extrême droite « blanche » et les islamistes. L'extrême droite « blanche » aspire traditionnellement à une loi sacrée de la terre tandis que les islamistes veulent appliquer la charia en Occident. En outre, les deux groupes souffrent de paranoïa, convaincus que le gouvernement veut leur peau.

Quatre acteurs communs alimentent les valeurs de l'extrême droite aux États-Unis :

  • aspect social—une volonté de nouer des relations et d'avoir un sentiment d'appartenance;
  • prêter serment—ceux qui défendent vigoureusement la Constitution et qui, en conséquence, jugent inexcusables les actes d'un parti ou d'un chef qui contreviennent à ses principes ou qui ne les respectent pas;
  • perspective révolutionnaire;
  • forte contrariété.

Ces mêmes facteurs peuvent être transposés comme suit aux islamistes :

  • aspect social—vouloir appartenir; les islamistes sont dirigés par ce que croient les fidèles de leur mosquée ou les membres de leur groupe d'étude;
  • prêter serment—ces musulmans plus pieux croient que le djihad est un concept légitime, mais n'ont peut-être pas le raisonnement suffisant pour voir que l'interprétation incorrecte de ce concept peut susciter le chaos et des déséquilibres;
  • perspective révolutionnaire—les islamistes veulent changer le monde et appellent de leurs voeux un califat mondial;
  • forte contrariété—pour ces personnes, ce qu'elles voient comme des injustices à l'échelle mondiale sont une puissante source de motivation.

Parmi les nombreux groupes qui forment les séparatistes blancs, les Odinistes racistes et les militants chrétiens, 43,9 % des membres ont mené des activités criminelles. Leurs actes s'appuient avant tout sur des griefs personnels. Pour ces groupes, la voie vers la radicalisation est habituellement longue. L'individu connaît bon nombre d'appartenances au sein du groupe avant de commettre un acte de violence. Inversement, la dynamique de groupe est souvent plus importante pour les islamistes. Toutefois, au sein des deux groupes, l'impression d'une menace constante venant de l'extérieur (de l'État ou de groupes rivaux) renforce la solidarité.

Débat

En réponse à une question sur le programme « Prevent » au Royaume-Uni, un expert 17
invité a déclaré que les autorités font de l'excellent travail et que le programme a connu un succès dans certains quartiers de Londres. Un autre expert a affirmé que même si le programme a un but estimable et qu'il est nécessaire au Royaume-Uni, les dirigeants retenus (chefs locaux et conseils des imams très éloignés des communautés) ont fait l'objet de critiques.

Un expert invité a indiqué que les services de police communautaires sont une bonne façon de surveiller les déplacements sur le terrain et, du même coup, de communiquer avec les membres d'une communauté en particulier.

Au sujet des répercussions d'influences « extérieures », un expert a donné l'exemple d'anciens venant du Pakistan qui arrivent dans une communauté et qui brossent un tableau idéalisé des traditions et de l'appareil politique de leur pays d'origine.

Pour conclure, un autre expert a signalé la montée en puissance de l'islam radical et des partis de droite au Royaume-Uni. Dans le nord du pays, des affrontements ont opposé membres du British National Party (BNP) et islamistes.

Et maintenant? Perspectives d'avenir

Services de police communautaires

Les services de police communautaires sont importants, car ils placent les préoccupations des communautés marginales ou isolées au premier rang du maintien de l'ordre. Ils ne peuvent être un mécanisme positif que s'ils sont utilisés comme moyen de lutte contre la radicalisation, à l'exclusion de la collecte de renseignements.

Selon la pensée actuelle, les services gouvernementaux et de police locaux sont au coeur de la stratégie de lutte contre la radicalisation. Par contre, d'aucuns affirment que la politique gouvernementale doit chercher seulement à susciter un milieu dans lequel les communautés oeuvrent en toute indépendance. En effet, le gouvernement doit certes participer avec précaution aux débats idéologiques de la société.

Les services gouvernementaux et de police contribuent de plus en plus aux mesures de lutte contre la radicalisation lorsque les services de police communautaires, en particulier, jouent un rôle de premier plan. À titre d'exemple, selon la récente stratégie antiterroriste du gouvernement britannique, « Contest 2 », le rôle de la police dans la lutte contre la radicalisation est aussi essentiel que celui d'autres éléments du régime d'application de la loi. Aux États-Unis, les services de police fédéraux et locaux ont proposé des lois pour contrer la radicalisation. En particulier, le chef de la police de Los Angeles, Michael Downing, a souligné que les organismes locaux d'application de la loi ont les moyens, avant les autres, de repérer et d'extirper l'extrémisme violent. Cependant, il y a toujours un risque de marginalisation accrue chez bon nombre de communautés qui voient dans les services de police communautaires un simple organe de surveillance qui entrave leurs libertés. En fait, les tentatives de police communautaire ont donné lieu à des accusations de « profilage racial » de la part de communautés au Royaume-Uni et aux États-Unis.

La stratégie de maintien de l'ordre constitue un facteur prépondérant de la lutte contre le terrorisme et la radicalisation. Cependant, pour faire les choses correctement et ne pas aggraver la situation, les services de police doivent d'abord chercher à gagner la confiance des communautés. Cette façon de faire a donné des résultats positifs par le passé. À titre d'exemple, l'an dernier, aux États-Unis, la relation entre le FBI et le Council on American Islamic Relations (CAIR) a permis l'arrestation de cinq jeunes musulmans de Virginie qui s'étaient rendus au Pakistan pour séjourner apparemment dans un camp d'entraînement extrémiste.
Cependant, en mai 2009, le FBI a signalé aux législateurs américains qu'il avait rompu la relation officielle avec le CAIR, car les fondateurs du conseil appartenaient, il y a dix ans, à un réseau qui appuyait le Hamas. On se demande encore si les services de police doivent éviter ou non les groupes qui entretiennent ce type de rapport si la relation peut apporter les connaissances nécessaires pour communiquer avec la diaspora.

L'expérience passée a certes montré que la prestation incorrecte de services de police peut accroître l'isolement de la communauté et intensifier la radicalisation. La politique menée par les autorités britanniques à l'égard des catholiques en Irlande du Nord dans les années 60 en est un exemple. Pendant de nombreuses années, les autorités ont été incapables ou ont refusé de se pencher directement sur les préoccupations des catholiques. Les procès sans jury, les détentions sans chefs d'accusation et le recours aux techniques d'interrogatoire coercitives ont rendu la communauté plus vulnérable au recrutement, notamment par l'IRA provisoire. Les recruteurs ont pu utiliser le discours de l'oppression, radicaliser les détenus et dénoncer les actes illégaux de la police.

L'utilisation gratuite des pouvoirs policiers peut contribuer à intensifier la radicalisation ainsi qu'à nuire au maintien de l'ordre fondé sur la communauté. À titre d'exemple, au Royaume-Uni dans les années 80, bon nombre de membres de communautés moins prospères du point de vue économique se méfiaient des unités de police spéciales, comme les Special Patrol Groups, et les craignaient, car ils étaient persuadés que ces unités harcelaient la communauté.

La contre-insurrection et la surveillance policière

Il est possible de tracer d'importants parallèles entre la contre-insurrection et les services de police communautaires. Tout d'abord, les tenants de ces deux stratégies savent qu'ils mènent une lutte « rue par rue » et qu'ils dépendent de manière décisive d'une connaissance du milieu local. Qui plus est, la philosophie « administrer davantage—ne pas écraser » l'adversaire régit ces deux démarches. La contre-insurrection et les services de police communautaires doivent montrer qu'ils peuvent apporter une solution de rechange à la gouvernance sévère, tyrannique et coercitive ainsi qu'au contrôle social.

Leçons du passé

On peut tirer trois leçons du passé :

Détention et interrogatoire coercitif

L'emprisonnement peut avoir deux conséquences dramatiques : les répercussions sur la famille et l'effet symbolique plus vaste. Pour ce qui est du second point, les techniques d'interrogatoire musclé ont aidé les terroristes à recruter.

Pouvoirs policiers spéciaux

À titre d'exemple, les pouvoirs d'arrestation et de fouille au Royaume-Uni ont suscité des controverses. Il apparaît même que ces prétendus pouvoirs spéciaux ont été appliqués injustement et surtout contre des « non-Blancs ».

Services de police communautaires

Pour être efficaces, les stratégies de police communautaire doivent s'assurer de choisir les partenaires appropriés et de gagner la confiance de la communauté.

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